B. UNE DYNAMIQUE ENTRENUE PAR UNE MULTIPLICATION D'INITIATIVES PUBLIQUES ET PRIVÉES, LOCALES ET NATIONALES

Les agriculteurs et les personnes ayant recours à titre professionnel aux produits phytosanitaires sont naturellement les premiers acteurs de la démarche nationale engagée, visant à en limiter l'usage.

Au-delà de ce premier cercle d'utilisateurs, force est de constater la grande diversité des structures publiques et privées impliquées dans cette démarche, sans oublier non plus les « jardiniers du dimanche » et les « simples » consommateurs :

« Parmi les consommateurs importants de pesticides, il faut prendre en compte les collectivités locales, les sociétés autoroutières, SNCF Infra pour l'entretien des voies ferrées et de leurs abords, les aéroports, ou encore les golfs. De manière générale, en usage non agricole, ce sont les herbicides qui prédominent. Il est enfin à noter que le traitement des zones non agricoles relève dans certains cas de professionnels comme les jardiniers-paysagistes.

Parmi tous ces acteurs, de nombreuses collectivités se sont engagées sur la voie du zéro phyto. Selon une enquête menée par l'INRA et par Plante & Cité en 2009, les villes de plus de 50 000 habitants sont à 60 % dans un objectif de zéro phyto. Des grandes villes comme Nantes, Strasbourg, ou Paris ont franchi le pas. En Poitou-Charentes, dans le cadre de la charte Terre saine, les espaces collectifs, dont les trottoirs et les cimetières, ainsi que les écoles sont désormais sans pesticides . » 8 ( * )

Ce bref inventaire illustre la diversité des initiatives de terrain menée dans l'ensemble du notre pays et visant à restreindre l'usage des produits phytosanitaires, au point qu'il apparaît difficile d'en quantifier l'impact global.

Depuis le « Grenelle de l'environnement », les pouvoirs publics s'efforcent d'encourager et de canaliser cette dynamique. En 2008, l'objectif, au demeurant très ambitieux, qui avait été fixé, consistait en une réduction de moitié en dix ans de l'utilisation des pesticides (donc à l'horizon 2018). Cet objectif était néanmoins formulé sous réserve de pouvoir retirer du marché les préparations contenant les 53 substances actives les plus « préoccupantes », à condition que des produits substituables soient mis sur le marché.

Le plan d'action « Écophyto 2018 » présenté par les pouvoirs publics le 10 septembre 2008, avait été élaboré sur ces bases. Il était décliné en fonction des grands objectifs suivants :

- recueillir de nouvelles données sur les pratiques d'utilisation des pesticides ;

- aider les agriculteurs à adopter des pratiques moins consommatrices en pesticides, notamment grâce à un réseau de 3 000 fermes pilotes (dit « réseau national d'expérimentation-démonstration ») ;

- encourager l'effort de recherche visant à innover en matière de systèmes de cultures et d'itinéraires techniques économes en pesticides ;

- développer l'effort de formation en matière d'utilisation des pesticides, au regard des conditions de sécurité requises ;

- renforcer le réseau de surveillance des bio-agresseurs et des effets non intentionnels de l'utilisation des pesticides.

À l'occasion du lancement du plan « Écophyto II », le 20 octobre 2015, les pouvoirs publics ont présenté bilan de l'impact du plan « Écophyto 2018 (I) ». Les ambitions initiales, trop ambitieuses, n'ont pas été atteintes :

« Entre 2009 et 2014, de nombreuses actions structurantes ont été mises en place, grâce à une forte mobilisation du monde agricole, et reconnues par les différentes parties prenantes du plan. Les premiers résultats du réseau de fermes pilotes dit réseau DEPHY ont conforté la possibilité de combiner la réduction de la dépendance aux produits phytopharmaceutiques et la performance économique des exploitations. Les 3,93 % de la surface agricole utile et 5,4 % du nombre de fermes en agriculture biologique à la fin 2013 (chiffres en augmentation) en sont autant de preuves et de sources de référence. Pourtant, au niveau national, le plan n'a pas atteint les résultats escomptés, puisque l'on constate une légère augmentation de 5 % du recours à ces produits entre la période 2009-2010-2011 et la période 2011-2012-2013. » 9 ( * )

Le plan « Écophyto II » reprend la trame du précédent plan, en maintenant le cap d'une réduction de 50 %, selon une trajectoire en deux temps (- 25 % en 2020 et - 50 % à l'horizon 2025), en se fondant sur les « mutations profondes attendues des systèmes de production et des filières, soutenues par les déterminants politiques . » Il est notamment prévu d'agir à l'échelon territorial et de « placer l'entreprise au coeur du dispositif ».

Plus précisément, le plan « Écophyto II » entend consolider le réseau existant (appelé DEPHY) de fermes d'expérimentation, le dispositif de certificat individuel (Certiphyto), les outils de diffusion d'information à commencer par les bulletins de santé du végétal, ou le portail (EcophytoPIC), de la protection intégrée. Il en va de même pour la sécurisation des utilisations et la mise en place de mesures préventives.

Le dispositif expérimental de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques - prévu par loi n° 2014-1170 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 - est opérationnel en France métropolitaine depuis le 1 er juillet 2016. Il contribuera à la diffusion de l'information et des « bonnes pratiques ».

Enfin, outre les plans nationaux Écophyto I et II à vocation globale, on rappellera l'existence d'initiatives sectorielles :

- le plan de développement durable de l'apiculture du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, élaboré en 2013 ;

- le plan national d'action « France, terre de pollinisateurs » pour la préservation des abeilles et des insectes pollinisateurs sauvages pour 2016-2020, publié le 9 octobre 2016 par le ministère de l'environnement de l'énergie et de la mer.

En ce qui concerne nos efforts de recherche, il conviendrait de consacrer une attention toute particulière aux problèmes, d'une part, des plantes sauvages envahissantes - comme l'ambroisie - aux pollens nuisibles à la santé, d'autre part, aux maladies orphelines touchant les cultures légumières. Sur ce dernier point, en particulier, l'étroitesse des perspectives de commercialisation entrave assurément le travail des laboratoires. Le recours à un partenariat public-privé est probablement inévitable.

Atteindre les objectifs fixés par « Écophyto II », nécessitera également de s'appuyer sur la mobilisation des collectivités territoriales.


Une illustration de la mobilisation de mobilisation des collectivités territoriales : la démarche Zéro Pesticide menée en Alsace avec la Distinction « Commune nature »

« Un dispositif régional de soutien aux communes

Pour aider les communes aux changements des pratiques, la Région Alsace a mis en place un dispositif de soutien aux communes pour la réalisation de plans de désherbage et de gestion différenciée visant à préserver les ressources en eau. L'aide apportée au titre du Contrat cadre signé avec l'Agence de l'eau Rhin-Meuse est de 80%, (soit Région : 35% - Agence de l'eau : 45%).

Des journées gratuites de sensibilisation des élus et des agents communaux sont dispensées par la FREDON Alsace au titre du Programme PROPHYCOM (2015-2017) financé par la Région Alsace et l'Agence de l'eau Rhin-Meuse. Elles constituent un premier pas pour engager une démarche de réduction de l'utilisation de produits phytosanitaires. Des sessions de formation sur le terrain et des journées techniques sont également proposées en matière de techniques alternatives pour l'entretien des espaces verts.

Une première étape : la signature de la charte régionale

La Région met à disposition une charte régionale d'entretien des espaces communaux en Alsace dont la signature traduit la volonté de la collectivité d'engager une démarche de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires et de mettre en oeuvre, de façon progressive et continue, des techniques alternatives aux traitements chimiques. L'objectif final est de ne plus utiliser de produits phytosanitaires. Un tel engagement est porté à la connaissance des acteurs de l'eau en Alsace.

La charte définit trois niveaux d'avancement en fonction des éléments techniques et méthodologiques à mettre en place pour des pratiques d'entretien et de gestion différenciée respectueuses de la qualité des eaux souterraines, étant présupposé que le respect de la réglementation en vigueur est assuré.

La distinction « Commune nature »

La remise de distinctions « Commune nature » par la Région Alsace et l'Agence de l'eau Rhin-Meuse, selon les 3 niveaux décrits dans la charte régionale, met à l'honneur les communes engagées dans la démarche Zéro Pesticide. L'opération est réalisée tous les 2 ans sur la base d'un diagnostic assuré par un prestataire externe auprès des collectivités candidates. Le respect de la réglementation, la mise en oeuvre de pratiques alternatives, la formation des agents, la communication auprès des habitants sont autant d'éléments déterminant le niveau d'engagement de la collectivité. Les communes distinguées au plus haut niveau (3 libellules) n'utilisent plus de produits phytosanitaires.

Les communes récompensées reçoivent 2 panneaux d'entrée de communes où figurent 1, 2 ou 3 libellules symbolisant le degré d'avancement reconnu, ainsi que des outils de communication (affiches, dépliants) et des autocollants à apposer sur les véhicules municipaux. Chaque commune distinguée a la possibilité de concourir une nouvelle fois pour obtenir un niveau de distinction supérieur ou se voir confirmer le niveau précédemment acquis. Un diplôme lui est alors décerné avec, si besoin, l'attribution de « libellules » supplémentaires. »

Source : site Internet du conseil régional d'Alsace (janvier 2015)


* 8 Rapport n°124 du 6 novembre 2013 fait par M. Ronan Dantec, au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (session ordinaire 2013-2014) - page 10.

* 9 Présentation du plan Écophyto II - Ministère de l'Écologie et du Développement durable et de l'Énergie - Ministère de l'Agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt - 20 octobre 2015.

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