CHAPITRE II - DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT DE LA MAGISTRATURE

Article 2 (art. 2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place de durées minimale et maximale d'affectation dans une même juridiction pour tous les magistrats

L'article 2 de la proposition de loi organique vise à poser le principe selon lequel les magistrats ne peuvent être affectés moins de trois années et plus de dix années dans la même juridiction, sans préjudice des durées maximales spécifiques déjà prévues par le droit en vigueur. Ces nouvelles règles s'appliqueraient aux magistrats nommés à compter du 1 er septembre 2018, ceux ayant exercé leurs fonctions depuis au moins dix années à cette date devant quant à eux se conformer à cette nouvelle obligation de mobilité dans les trois années à compter de cette même date. Cet article traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Les dispositions proposées ont pour objet de se conformer aux exigences constitutionnelles, et en particulier au principe énoncé à l'article 64 de la Constitution selon lequel « les magistrats du siège sont inamovibles », et en conséquence duquel « le magistrat du siège ne peut recevoir, sans son consentement, une affectation nouvelle, même en avancement », conformément à l'article 4 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

Le Conseil constitutionnel s'est déjà prononcé sur les obligations de mobilité en vigueur, qui ne comprennent que des règles maximales d'exercice des fonctions dans le temps, ou des obligations de mobilité géographique conditionnant un avancement de carrière.

Si ces hypothèses ne sont pas identiques aux nouvelles règles que tend à prévoir l'article 2 de la proposition de loi organique, en particulier concernant la règle générale de durée minimale d'affectation qui ne fait l'objet d'aucun précédent, vos rapporteurs les estiment conformes aux principes de portée générale définis par la jurisprudence constitutionnelle 73 ( * ) .

En premier lieu, des dispositions qui subordonnent l'avancement des magistrats ou leur accès à certaines fonctions à des conditions de mobilité géographique ou fonctionnelle ne portent atteinte ni au principe de l'inamovibilité des magistrats du siège, ni à aucun autre principe ou exigence de valeur constitutionnelle. En deuxième lieu, les règles de portée générale doivent s'appliquer à tous les titulaires des fonctions en cause. En troisième lieu, les magistrats doivent être pleinement informés de la limitation dans le temps de leurs fonctions ; ainsi, en les acceptant, ils auront consenti aux modalités d'affectation prévues par la loi organique. En conséquence, de nouvelles obligations de mobilité et les conséquences qui s'y attachent ne peuvent s'appliquer que dans un délai suffisant pour leur permettre de prendre connaissance de ces nouvelles règles, pouvant impliquer un régime transitoire. Enfin, en quatrième et dernier lieu, le législateur organique doit déterminer les garanties de nature à concilier les conséquences qui résultent d'une obligation de mobilité avec le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège. Tel est l'objet de l'article 3 de la proposition de loi organique.

La fixation de nouvelles règles de mobilité constitue un impératif au regard des difficultés de gestion des ressources humaines soulignées dans le rapport d'information précité et, surtout, de leurs conséquences en termes de désorganisation des juridictions.

La mobilité dans la magistrature a fait l'objet d'une étude approfondie remise au Conseil supérieur de la magistrature en septembre dernier par le professeur Jean Danet 74 ( * ) , que vos rapporteurs ont entendu. Cette étude met en évidence, sur les années 2015 et 2016, une forte mobilité auto-entretenue par le nombre des vacances de postes 75 ( * ) . Selon M. Jean Danet, la chancellerie « doit en effet absolument éviter que les vacances de postes ne soient localisées trop longtemps dans les mêmes juridictions et les mêmes fonctions, [ce qui] génère de nombreux mouvements en cascade ». En outre, la mobilité est encore plus forte sur les premiers postes, et a fortiori dans les régions qui sont perçues comme les moins attractives.

Cette situation ne peut, selon vos rapporteurs, manquer d'interroger, puisqu'elle n'a aucun équivalent dans la fonction publique.

L'exposé des motifs de la proposition de loi organique rappelle également le récent constat du Conseil supérieur de la magistrature, dans son rapport annuel d'activité pour 2016 76 ( * ) , d'une accentuation du phénomène du « turn over » des magistrats, celui-ci concernant près de 20 % en moyenne des postes en juridiction chaque année sur les trois dernières années, même si, parallèlement, « des magistrats demeurent très longtemps dans le même poste, dans la même juridiction notamment au siège ».

Si vos rapporteurs ne souhaitent pas revenir sur le principe des durées minimale et maximale d'affectation dans une même juridiction, il n'en reste pas moins que ces règles semblent poser plusieurs difficultés de mise en oeuvre d'ordre pratique qui ont été portées à leur connaissance lors des auditions.

En effet, si les personnes entendues reconnaissent les difficultés que peuvent engendrer ces phénomènes d'ultra mobilité et de sédentarité dans l'exercice de fonctions juridictionnelles, elles ont indiqué à vos rapporteurs que l'inscription de telles règles dans la loi organique, sans dérogation possible, serait très complexe à mettre en oeuvre en raison de leur rigidité, et pourrait même avoir des effets contre-productifs d'évitement, avec, à titre d'illustration, un accroissement des demandes de mise en disponibilité.

Afin de permettre la mise en oeuvre effective de ces règles, il convient donc de prévoir la possibilité de dérogations, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, qui pourraient prendre en compte à la fois la survenance d'un événement personnel familial ou médical, mais aussi des cas exceptionnels de nomination à certaines fonctions, et également de mettre en oeuvre, le cas échéant, les dispositions relatives au régime disciplinaire des magistrats, conformément au statut de la magistrature.

Vos rapporteurs estiment également indispensable de prévoir une mention expresse selon laquelle des dérogations peuvent aussi être accordées pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. Certaines personnes entendues leur ont ainsi indiqué que l'articulation de la durée requise pour le passage au premier grade et les différentes règles de mobilité pourrait, dans certains cas, retarder d'un ou deux ans la promotion de grade, ce que vos rapporteurs souhaitent bien évidemment prévenir.

Afin de tenir compte de ces difficultés, votre commission a adopté, sur la proposition de ses rapporteurs, un amendement COM-2 qui vise à prévoir la possibilité de déroger à ces nouvelles règles, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière. Elle a également adopté un second amendement COM-13 de nature rédactionnelle.

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3 (art. 2 -1 [nouveau] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Dispositif de sortie de la durée maximale d'affectation dans une même juridiction

L'article 3 de la proposition de loi organique a pour objet de tirer les conséquences des dispositions de l'article 2 en prévoyant les modalités de sortie de la durée maximale de dix années d'affectation dans une même juridiction. Il dispose ainsi qu'avant l'expiration de cette durée, le magistrat concerné peut soumettre au ministre de la justice, garde des sceaux, six demandes d'affectations différentes au total, et prévoit le cas où les magistrats n'expriment aucun choix. Cet article traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Ainsi qu'en dispose l'exposé des motifs, le dispositif proposé s'inspire de celui applicable aux conseillers référendaires et avocats généraux référendaires à la Cour de cassation, prévu à l'article 28-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, et dont les dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel 77 ( * ) .

Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, si le législateur peut instaurer des durées maximales d'affectation des magistrats dans une juridiction, il doit impérativement prévoir un dispositif permettant de concilier ce caractère temporaire des fonctions avec le principe constitutionnel d'inamovibilité des magistrats du siège.

Si le dispositif du présent article a pu être jugé complexe par certaines personnes entendues par vos rapporteurs, notamment en raison du nombre trop élevé de choix possibles d'affectation pour les magistrats, il permet néanmoins de prendre réellement en compte les desiderata d'affectation des magistrats. En conséquence, il apporte les garanties suffisantes d'emploi requises par le Conseil constitutionnel et permet ainsi le respect du principe de l'inamovibilité des magistrats du siège.

Votre commission a adopté l'article 3 sans modification .

Articles 4 et 7 (art. 3-2 et 21-2 [nouveaux] de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège

Les articles 4 et 7 de la proposition de loi organique visent à mettre en place de nouvelles possibilités de collaboration entre magistrats du siège, pour le traitement de contentieux particuliers ou pour la préparation de décisions complexes. Ainsi, le magistrat en charge de l'affaire, qui seul endosserait la responsabilité du jugement, bénéficierait d'un renfort précieux pour préparer sa décision et, le jeune magistrat, qui se verrait confier le traitement d'une partie de l'affaire, pourrait quant à lui parfaire sa formation. Ces articles traduisent la proposition n° 94 du rapport d'information précité.

L'article 4 concerne les magistrats en poste depuis moins de trois ans. Le président de la juridiction pourrait leur demander de prêter leur concours au magistrat en charge d'une affaire dont la nature le justifierait, de par sa complexité par exemple.

Quant à l'article 7, il prévoit que des auditeurs de justice pourraient être nommés en premier poste auprès d'un magistrat du siège exerçant ses fonctions au sein d'une juridiction qui détient des compétences particulières ou au sein d'une juridiction spécialisée. L'objectif de cette disposition est de créer, pour les magistrats du siège, des pôles d'excellence sur le modèle de ce qui existe déjà, pour les magistrats du parquet, avec les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

Ces dispositions se sont heurtées à une forte opposition de la part de la quasi-totalité des magistrats entendus par vos rapporteurs, qui ont estimé que la création de ce que certains ont qualifié de « sous-magistrats » portait atteinte à leur indépendance, constitutionnellement garantie.

Vos rapporteurs estiment que cette interprétation revient à avoir une conception particulièrement extensive du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire, consacré à l'article 64 de la Constitution 78 ( * ) .

Ils ont néanmoins jugé que l'objectif de la proposition de loi organique pouvait être atteint par d'autres moyens plus consensuels et, en particulier, par un recours accru à la collégialité, qui suppose une délibération et un jugement collectifs.

Le renforcement du recours à la collégialité n'implique pas de modification législative. Il est d'ores et déjà possible, sur décision du président de la juridiction ou de son délégué (article 804 du code de procédure civile), soit à la demande du juge unique saisi, soit d'office (article R. 212-9 du code de l'organisation judiciaire), y compris en matière de référé (article 487 du code de procédure civile) ou d'exécution des décisions de justice (article L. 213-7 du code de l'organisation judiciaire).

Le recours à la collégialité a cependant marqué un net recul au cours des dernières années, en raison principalement de l'insuffisance des effectifs de magistrats. À cet égard, vos rapporteurs soulignent que la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice, examinée en même temps que la présente proposition de loi organique, prévoit un renforcement des moyens humains pour arriver à combler les vacances de postes de magistrats à l'horizon 2022, ce qui devrait favoriser grandement un retour progressif de la collégialité au sein des juridictions.

À côté du recours accru à la collégialité, prôné par la totalité des personnes entendues par vos rapporteurs sur ces dispositions, une réflexion devrait être menée pour développer les hypothèses de co-saisine, actuellement prévues en matière pénale seulement, pour les juges d'instruction 79 ( * ) .

Vos rapporteurs ont donc présenté deux amendements COM-3 et COM-5 de suppression de ces dispositions.

Cependant, au cours de la réunion d'établissement de son texte, au terme d'un riche débat, votre commission a décidé de ne pas adopter ces amendements, estimant que les articles 4 et 7 apportaient un début de solution à la problématique de l'isolement de nombreux jeunes magistrats du siège, à la sortie de l'École nationale de la magistrature, en promouvant une forme utile de tutorat.

Votre commission a adopté les articles 4 et 7 sans modification .

Article 5 (art. 12-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Articulation entre les critères de sélection et d'évaluation des chefs de juridiction

L'article 5 de la proposition de loi organique a pour objet de prévoir la prise en compte, lors de l'évaluation des chefs de juridiction, des critères de sélection eux-mêmes pris en compte par le Conseil supérieur de la magistrature lors de leur nomination, et institués par les articles 14 et 15 de la proposition de loi organique. Il traduit la proposition n° 67 du rapport d'information précité.

Ces dispositions n'ont pas suscité de remarques particulières lors des auditions organisées par vos rapporteurs, à l'exception d'une suggestion d'adaptation des grilles d'évaluation à ces nouveaux critères pour les chefs de juridiction, qui semble tout à fait opportune à vos rapporteurs.

Par ailleurs, à l'occasion de ces auditions, vos rapporteurs ont noté que le dispositif d'évaluation ne s'appliquait pas aux chefs de cour.

Ces derniers doivent en revanche, depuis la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, définir les objectifs de leur action dans les six mois de leur nomination, et élaborer ensuite tous les deux ans un bilan de leur activité dans l'ensemble du ressort. Il a semblé intéressant à vos rapporteurs qu'un premier bilan de ces nouvelles obligations puisse être effectué par la chancellerie en concertation avec les principaux intéressés.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

Article 6 (art. 14 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Obligation de formation à la prise des fonctions de chef de cour ou de juridiction

L'article 6 de la proposition de loi organique tend à instituer une obligation de formation des chefs de cour et de juridiction, qu'ils devraient suivre au plus tard dans les trois mois de leur prise de fonctions. Il traduit ainsi la proposition n° 68 du rapport d'information précité.

Lors des auditions organisées par vos rapporteurs, cette disposition a été saluée comme tout à fait opportune au regard des compétences requises pour l'exercice des fonctions de chefs de cour et de juridiction, qui dépassent largement les compétences juridictionnelles.

De surcroît, si cette disposition s'inscrit dans la continuité du programme de formation continue mis en place par l'École nationale de la magistrature, ce qui devrait permettre une mise en oeuvre facilitée, il semble néanmoins à vos rapporteurs que deux points pourraient être revus afin de donner plus de souplesse à l'organisation concrète de cette formation.

Sur la proposition de ses rapporteurs, votre commission a donc adopté un amendement COM-4 visant à rallonger à six mois, au lieu de trois, le délai au cours duquel les chefs de cour et de juridiction doivent suivre cette formation au moment de leur installation, de façon à ne pas porter atteinte au fonctionnement de la juridiction dans laquelle le responsable est nommé. De même, votre commission a substitué un décret simple au décret en Conseil d'État prévu pour la définition des modalités et du programme, dans l'objectif d'en faciliter la mise en oeuvre.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 8 (art. 28 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de conseiller référendaire ou d'avocat général référendaire à la Cour de cassation

L'article 8 de la proposition de loi organique introduit le même principe que celui retenu par l'article 2 d'une durée minimale d'affectation de trois années dans la même juridiction, s'appliquant aux fonctions de conseiller référendaire et d'avocat général référendaire à la Cour de cassation. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Il laisse, en outre, inchangées les dispositions spéciales actuelles qui limitent à dix années la durée maximale d'exercice de ses fonctions par un conseiller référendaire ou un avocat général référendaire à la Cour de cassation.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-6 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 9 (art. 28-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction du premier grade

L'article 9 de la proposition de loi organique introduit le même principe que celui retenu à l'article 2 et institue une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de président et de procureur de la République d'un même tribunal de grande instance ou de première instance, pour les magistrats du premier grade. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Il laisse, en outre, inchangées les dispositions spéciales qui limitent la durée maximale d'exercice de ces fonctions à sept années dans le droit en vigueur.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-7 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi modifié .

Article 10 (art. 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions spécialisées dans une même juridiction

L'article 10 de la proposition de loi organique décline le même principe que celui retenu par l'article 2 en instituant une durée minimale de quatre années d'exercice des fonctions spécialisées dans la même juridiction. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Seraient concernées les fonctions spécialisées de juge des libertés et de la détention, de juge d'instruction, de juge des enfants, de juge de l'application des peines, ainsi que de juge de tribunal de grande instance chargé du service d'un tribunal d'instance, dans l'attente de la mise en place du tribunal de première instance, prévue par la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice.

La durée minimale d'exercice des fonctions de quatre années, supérieure d'un an à l'affectation minimale prévue pour les autres magistrats, se justifie par la continuité requise dans le traitement des dossiers traités en cabinet, une rotation trop rapide dans ses fonctions ayant trop souvent pour corollaire du retard dans l'instruction des dossiers le temps que le successeur les appréhende dans sa globalité. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs jugé conforme à la Constitution l'instauration d'une règle particulière de mobilité pour certaines fonctions, dans la mesure où « les régimes dérogatoires trouvent leur justification dans la spécificité des fonctions exercées par les intéressés » et qu'ainsi ils ne « portent pas atteinte au principe d'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière » 80 ( * ) .

Les dispositions spéciales actuelles qui limitent la durée maximale d'exercice de ces fonctions à dix années resteraient inchangées.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-8 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 11 (art. 37 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de premier président d'une même cour d'appel

L'article 11 de la proposition de loi organique introduit le même principe que celui retenu par l'article 2, en instituant une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de premier président d'une même cour d'appel. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Les dispositions spéciales actuelles qui limitent la durée d'exercice de ces fonctions à sept années resteraient inchangées.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-9 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 12 (art. 38-1 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de procureur général près une même cour d'appel

L'article 12 de la proposition de loi organique tend à introduire le même principe que celui retenu par l'article 2, en instituant une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de procureur général d'une même cour d'appel. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Les dispositions spéciales actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d'exercice de ces fonctions resteraient inchangées.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-10 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 12 ainsi modifié .

Article 13 (art. 38-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature) - Mise en place d'une durée minimale d'exercice des fonctions de chef de juridiction placé hors hiérarchie

L'article 12 de la proposition de loi organique tend à introduire le même principe que celui retenu par l'article 2, en instituant une durée minimale de trois années d'exercice des fonctions de chef de juridiction placé hors hiérarchie. Il traduit ainsi la proposition n° 5 du rapport d'information précité.

Les dispositions spéciales actuelles qui limitent à sept années la durée maximale d'exercice de ces fonctions resteraient inchangées.

Tout comme pour l'article 2, les personnes entendues par vos rapporteurs leur ont fait part des risques de rigidité de l'institution d'une règle minimale d'affectation sans possibilité de dérogation.

Conformément à sa position sur l'article 2, votre commission a, sur la proposition de ses rapporteurs, adopté un amendement COM-11 qui prévoit la possibilité d'y déroger, sous l'autorité du Conseil supérieur de la magistrature, pour des raisons personnelles ou professionnelles, ou pour garantir l'égalité de traitement des magistrats dans leur déroulement de carrière.

Votre commission a adopté l'article 13 ainsi modifié .


* 73 Conseil constitutionnel, décision n° 92-305 DC du 21 février 1992, loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ; décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ; décision n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016, loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats, ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 74 « Mouvements et mobilités d'un corps », une étude des « transparences », au siège et au parquet (années 2015 et 2016), par Jean Danet, 12 septembre 2017. Cette étude est consultable à l'adresse suivante :

http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/actualites/publication-dune-etude-du-csm-sur-la-mobilite-des-magistrats

* 75 Ce nombre est évalué par la chancellerie à 410 postes de magistrats en juridiction au 1 er septembre 2017.

* 76 Conseil supérieur de la magistrature, rapport d'activité 2016, pages 38 et 42. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

http://www.conseil-superieur-magistrature.fr/actualites/rapport-dactivite-2016-du-csm

* 77 Conseil constitutionnel, décision n° 67-33 DC du 12 juillet 1967, loi organique modifiant et complétant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature.

* 78 Le premier alinéa de l'article 64 de la Constitution dispose que « le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire ».

* 79 Cette procédure a été créée par la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale. Elle est régie par les articles 83-1 et 83-2 du code de procédure pénale. La co-saisine permet, lorsque la gravité ou la complexité de l'affaire le justifie de désigner un ou plusieurs juges d'instruction pour être adjoints au juge d'instruction chargé de l'information.

* 80 Conseil constitutionnel, décision n° 2001-445 DC du 19 juin 2001, loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

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