TITRE III - DISPOSITIONS RELATIVES AU SERVICE PUBLIC RÉGLEMENTÉ GALILEO

Article 22 (art. L. 2323-1 à L-2323-6 (nouveaux) du code de la défense) - Création d'un régime d'autorisation et de sanction spécifique pour le service public réglementé de radionavigation par satellite

L'article 22 du projet de loi vise à créer un régime d'autorisation et de sanction spécifique pour le service public réglementé offert par le système mondial de radionavigation par satellite issu du programme Galileo.

Comme le rappelle l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi : « Le programme Galileo est l'infrastructure européenne de radionavigation et de positionnement par satellite, conçue à des fins civiles. Il est régi par les dispositions du règlement (UE) n° 1285/2013 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2013 relatif à la mise en place et à l'exploitation des systèmes européens de radionavigation par satellite et abrogeant le règlement (CE) n° 876/2002 du Conseil et le règlement (CE) n° 683/2008 du Parlement européen et du Conseil, l'Union européenne. Aux termes de l'article 2 de ce règlement, le programme Galileo doit offrir cinq types de service dont « un service public réglementé (PRS) réservé aux utilisateurs autorisés par les gouvernements, pour les applications sensibles qui exigent un niveau élevé de continuité du service, service qui utilise des signaux robustes et cryptés . » La décision n° 1104/2011/UE définit les modalités d'accès au service public réglementé. Elle est complétée par une décision déléguée de la Commission du 15 septembre 2015 relative aux normes minimales communes auxquelles doivent se conformer les autorités responsables . »

Comme rappelé dans l'exposé général, ces décisions prévoient que l'accès à ce service ne devrait être limité qu'à certains acteurs autorisés par les gouvernements. Aussi, le développement de la technologie en France nécessite-t-elle qu' un régime d'autorisations et de sanctions destinés à encadrer l'utilisation et l'exportation de ce nouveau service soit mis en oeuvre.

À cet effet, l'article 22 du projet de loi complète le titre II « Sécurité des systèmes d'information » du livre III « Régimes juridiques de défense d'application permanente » de la deuxième partie « Régimes juridiques de défense » du code de la défense par un nouveau chapitre III, intitulé « Service public réglementé de radionavigation par satellite ».

Ce nouveau chapitre, comporterait six articles répartis en deux sections :

Section 1 : activités contrôlées

L. 2323-1

Instauration d'un régime d'autorisation administrative pour l'accès et l'exploitation du service public réglementé

L. 2323-2

Instauration d'un régime de déclaration pour les transferts d'équipements, conçus pour l'utilisation du service public réglementé au sein de l'Union européenne

L. 2323-3

Précision selon laquelle les dispositions de cette section s'appliquent sans préjudice du régime d'autorisation des exportations et des transferts existant

Section 2 : sanctions pénales

L. 2323-4

Sanction pénale en cas de méconnaissance du régime d'autorisation prévu par l'article L. 2323-1

L. 2323-5

Sanction pénale en cas de méconnaissance de l'obligation prévue à l'article L. 2323-2

L. 2323-6

Peines complémentaires aux infractions prévues aux articles L. 2323-4 et L. 2323-5

Dans son avis, le Conseil d'État a estimé que le choix de codification retenu par le Gouvernement était justifié car : « Bien que Galileo soit un programme civil, aucune exclusion dans les usages gouvernementaux du PRS n'est prévue et ces usages sont, en pratique, le fait des services en charge de la sécurité et de la défense. Le PRS s'adresse à des communautés d'utilisateurs relevant principalement des ministères régaliens et est destiné à des applications militaires . »

• Un régime de contrôle administratif de l'accès au PRS (Public Regulated Service) ainsi que de la fabrication et de l'exportation de matériel conçu pour ce service

Le nouvel article L. 2323-1 vise à définir les principes généraux en matière d'accès au PRS, de manière à traduire en droit national les articles 3, 4, 5, 6 et 7 de la décision du 25 octobre 2011 43 ( * ) et d'étendre au PRS l'obligation d'autorisation prévue par la position commune du Conseil du 8 décembre 2008 44 ( * ) , définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d'équipements militaires.

Il instaure un régime d'autorisations délivrées par une autorité administrative désignée à cet effet et qui en assurerait le contrôle.

Ces autorisations seraient requises pour l'accès au PRS, le développement et la fabrication de récepteurs ou de modules de sécurité et enfin l'exportation, hors Union européenne, d'équipements, de technologies ou de logiciels conçus pour ce service.

Ces autorisations pourraient être assorties de conditions ou de restrictions et être abrogées, retirées, modifiées ou suspendues dans certaines circonstances : manquement du titulaire aux conditions spécifiées dans l'autorisation ou nécessité d'assurer le respect des engagements internationaux de la France, la protection du service public réglementé ou celle des intérêts essentiels d'ordre public ou de sécurité publique.

Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) serait l'autorité administrative identifiée pour délivrer les autorisations et procéder au contrôle du dispositif. Une communication a d'ores et déjà été effectuée en ce sens à la Commission européenne.

Conformément aux décisions européennes précitées qu'il vise à transcrire, cet article tend donc à définir le cadre dans lequel s'inscrivent le régime d'autorisation a priori de l'accès au PRS, le développement d'instruments d'exploitation de ce service et leur exportation hors de l'Union européenne.

Votre rapporteur observe que ce régime est proche de celui défini à l'article L. 2332-1 de code de la défense concernant les entreprises de fabrication ou de commerce de matériels de guerre et d'armes et munitions de défense des catégories A ou B. Cette assimilation du régime applicable au PRS à celui applicable aux armements apparaît cohérent compte tenu de la nature, de la sensibilité et des finalités des produits et technologies concernées dans les deux cas.

L'article 22 du projet de loi ne prévoit cependant pas le détail des modalités d'autorisation ainsi que des diverses conditions ou restrictions. Ces éléments seraient déterminés par décret en Conseil d'État. À cet égard, votre rapporteur, suivant sur ce point l'avis donné par le Conseil d'État, regrette qu'aucune information complémentaire n'ait pu lui être communiquée sur le contenu de ce décret.

Le nouvel article L. 2323-2 vise quant à lui à soumettre les transferts d'équipements, conçus pour l'utilisation du PRS au sein de l'Union européenne, à un régime de déclaration . Cette déclaration serait faite à l'autorité administrative désignée, le SGDSN.

Ce même article vise à transposer l'article 17 de la décision déléguée de la commission du 15 septembre 2015 45 ( * ) , laquelle prévoit que le transfert de biens PRS entre États membres est autorisé par les autorités nationales compétentes. Le projet de loi retient un régime de déclaration plutôt que d'autorisation, considérant qu'il permettrait de bloquer, le cas échéant, un transfert non conforme.

Dans son avis, le Conseil d'État considère que, « eu égard au principe de confiance réciproque, un régime plus souple qu'un régime d'autorisation est justifié ». Cette solution paraît en outre cohérente avec les dispositions actuelles de l'article L. 2335-11 du code de la défense qui permettent d'accorder des dérogations à l'obligation d'autorisation préalable au transfert de produits liés à la défense depuis la France vers les autres États membres de l'Union européenne (article L. 2335-10), lorsque ce transfert est nécessaire pour la mise en oeuvre d'un programme de coopération en matière d'armements entre États membres de l'Union européenne.

Enfin, le nouvel article L. 2323-3 prévoit que l'application des articles précédents se fait sans préjudice d'autres dispositions en vigueur : d'une part, les dispositions du code de la défense applicables aux importations et exportations de matériels de guerre ; d'autre part, le règlement européen n° 428/2009 du Conseil du 5 mai 2009 46 ( * ) , qui institue un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit des biens à double usage.

En effet, les équipements, technologies et logiciels relevant du PRS sont également susceptibles, en raison de leur finalité d'usage, d'entrer dans d'autres catégories de biens d'ores et déjà soumises à un contrôle des exportations. Il s'agit, en d'autres termes, d'opérer une coordination avec les dispositions existantes, en droit national et européen, concernant l'exportation et le transfert de « produits liés à la défense ».

Comme le souligne l'avis du Conseil d'État, cette précision concernant l'articulation des dispositions introduites dans le code de la défense relatives au contrôle des exportations du matériel et des technologies liés au PRS avec les dispositions ayant le même objet pour les biens à double usage et les matériels de guerre est opportune dans la mesure où certains biens sont susceptibles de relever de deux régimes.

Cet article précise, en outre, que les modalités d'application de cette section seront fixées par décret en Conseil d'État. Ainsi, le détail des régimes d'autorisation et de déclaration serait déterminé par voie réglementaire et ne devrait pas enfreindre les dispositions existantes pour le contrôle des échanges de matériel de défense.

• Un régime de sanction pénale visant à réprimer les violations des dispositions adoptées pour le contrôle de l'accès et de l'exploitation du PRS

Le nouvel article L. 2323-4 vise à sanctionner d'une peine de 200 000 euros d'amende le fait de se livrer ou de tenter de se livrer à l'une des activités prévues à l'article L. 2323-1, sans autorisation ou sans respecter les conditions ou restrictions dont peut être assortie l'autorisation délivrée.

La décision du 25 octobre 2011 ne donne pas d'indications précises sur le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales adoptées pour son application. Elle précise cependant que ces sanctions doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives .

L'adoption de sanctions pénales est justifiée par la sensibilité des applications du PRS et des enjeux de sécurité associés. En outre, le coût pour la France et pour l'Union européenne dans son ensemble qu'auraient des atteintes et des menaces dirigées contre l'intégrité du service, impose que des sanctions dissuasives soient prévues.

La proportionnalité des sanctions et leur caractère dissuasif doivent être adaptés tant aux personnes physiques, qu'aux entreprises de taille moyenne ou aux acteurs économiques plus importants. Pour les personnes physiques et les entreprises de taille moyenne, une amende de 200 000 euros apparaît dissuasive. Pour les acteurs économiques plus importants, notamment les industriels de la défense, les peines complémentaires également encourues permettront d'atteindre cet objectif de dissuasion (voir infra ).

L'amende prévue à l'article L. 2323-4 apparaît proportionnée, notamment au regard des peines prévues par l'article L. 2339-2, qui punit de 100 000 euros d'amende et de sept ans d'emprisonnement la fabrication ou le commerce, sans autorisation, de matériels, d'armes ou de munitions. En l'espèce, si le montant de l'amende encourue est plus élevé, aucune peine d'emprisonnement n'est prévue.

La sanction proposée par ce nouvel article apparaît, enfin, conforme au principe constitutionnel de nécessité des peines.

Par ailleurs, le nouvel article L. 2323-5 sanctionnerait d'une amende de 50 000 euros la méconnaissance de l'obligation de déclaration prévue à l'article L. 2323-2.

Le montant de cette amende est inférieur à celui prévu à l'article L. 2323-4 étant donné qu'il vise les transferts au sein de l'Union européenne, dont les enjeux stratégiques sont moins importants.

Le montant de 50 000 euros d'amende apparaît donc proportionné et suffisamment dissuasif.

Enfin, le I du nouvel article L. 2323-6 prévoit diverses peines complémentaires pour les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues aux deux articles précédents :

- la confiscation : actuellement, en application de l'article 131-21 du code pénal, les juridictions de jugement peuvent assortir les condamnations d'une peine complémentaire de confiscation. Cette confiscation peut porter sur tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction, à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime ;

- l'interdiction d'exercer certaines activités : en application de l'article 131-27 du code pénal, qui prévoit qu'une condamnation peut être assortie d'une peine complémentaire d'interdiction d'exercer une fonction publique ou d'exercer une activité professionnelle. Si cette peine est temporaire, elle ne peut excéder une durée de cinq ans ;

- la fermeture des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés : cette peine complémentaire est prévue par l'article 131-33 du code pénal. Elle est temporaire et ne peut excéder cinq ans ;

- l'exclusion des marchés publics : cette sanction complémentaire emporte l'interdiction de participer, directement ou indirectement, à tout marché conclu par l'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, ainsi que par les entreprises concédées ou contrôlées par l'État ou par les collectivités territoriales ou leurs groupements.

Le II du nouvel article L. 2323-6 prévoit des peines complémentaires pour les personnes morales déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal.

L'article 131-9 du code pénal énonce les différentes peines complémentaires applicables aux personnes morales. Le présent article retient celles présentant un caractère adapté aux infractions visées 47 ( * ) , l'étude d'impact annexée au projet de loi évoquant plus particulièrement la fermeture d'un ou plusieurs établissements ou l'exclusion temporaire des marchés publics.

Au bénéfice de ces observations, les sanctions pénales prévues par la section 2 du nouveau chapitre du code de la défense, créé à l'article 22 du projet de loi, apparaissent donc à la fois dissuasives et proportionnées aux problèmes que soulèverait l'utilisation frauduleuse du PRS. Cependant, tant que les modalités précises d'autorisation n'auront pas été fixées par le règlement et tant que le PRS ne sera pas opérationnel, ces sanctions n'auront aucun caractère effectif.

Bien qu'il ne relève aucune difficulté particulière dans le régime introduit par l'article 22, votre rapporteur regrette toutefois, à la lumière des informations indiquées dans l'étude d'impact et de celles qui lui ont été communiquées au cours de ses auditions, qu'il ait été défini alors même que le dispositif envisagé pour la mise en oeuvre du PRS ne semble en être encore qu'à ses prémices. Il ne s'agirait, en quelque sorte, que d'une « coquille vide », mise en place aux seules fins de permettre à l'État français d'accéder à la technologie PRS. S'il comprend la nécessité de ce préalable juridique et estime qu'il serait irresponsable, compte tenu des enjeux, d'empêcher la France d'accéder à la technologie PRS, il estime qu'un travail plus fourni du Gouvernement et une information plus complète sur les accords ou absence d'accord entre États membres de l'Union européenne auraient été utiles pour éclairer les travaux du Parlement.

Votre commission a adopté l'article 22 sans modification .


* 43 Citée supra.

* 44 Position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008.

* 45 Décision déléguée de la Commission du 15 septembre 2015 complétant la décision n°1104/2011/UE prise en application de l'article 8 de cette décision.

* 46 Règlement n° 428/2009 du Conseil du 5 mai 2009 instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit de biens à double usage.

* 47 Dissolution (1°), interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales (2°), fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l'un ou de plusieurs des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés (4°), exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus (5°), confiscation (8°), affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique (9°), interdiction, pour une durée de cinq ans au plus de percevoir toute aide publique attribuée par l'Etat, les collectivités territoriales, leurs établissements ou leurs groupements ainsi que toute aide financière versée par une personne privée chargée d'une mission de service public (12°).

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