TITRE III BIS - DISPOSITIONS VISANT À FACILITER L'APPLICATION DES RÈGLES RELATIVES À LA PROTECTION DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL PAR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Article 19 bis (art. L. 2335-17 [nouveau], L. 3662-4, L. 5211-35-3 [nouveau], L. 5214-23, L. 5215-32 et L. 5216-8 du code général des collectivités territoriales) - Dotation communale et intercommunale pour la protection des données à caractère personnel

Introduit par le Sénat en première lecture, par l'adoption en commission d'un amendement de votre rapporteur, et supprimé par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, l'article 19 bis du projet de loi tend à créer, par prélèvement sur les recettes de l'État, une dotation pour la protection des données à caractère personnel , dont seraient bénéficiaires les communes, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, ainsi que la métropole de Lyon.

Votre rapporteur ne peut ici que réitérer le constat établi en première lecture : les collectivités territoriales, et tout particulièrement les communes et intercommunalités, ont besoin du soutien de l'État pour se mettre en conformité avec le RGPD, négocié par le Gouvernement au nom de la France. Alors que nombre d'entre elles sont déjà loin d'être en mesure d'appliquer intégralement la législation en vigueur, le RGPD et le projet de loi leur imposent de nouvelles obligations (mesures de sécurisation des traitements, comprenant le cas échéant une analyse d'impact préalable ou la tenue d'un registre des activités, désignation d'un délégué à la protection des données, satisfaction des nouveaux droits reconnus aux personnes physiques...) et les soumettent en même temps à un aléa financier beaucoup plus considérable (sanctions pécuniaires de la CNIL relevées jusqu'à 20 millions d'euros, dommages-intérêts prononcés dans le cadre d'une action de groupe en réparation ou d'une action par mandataire...).

Il ne suffit pas de dire et de répéter que les collectivités bénéficieront d'un accompagnement de la CNIL. Encore faudrait-il lui en donner les moyens. Sa présidente, Mme Isabelle Falque-Pierrotin, vient encore de sonner l'alarme lors de sa présentation du rapport annuel de l'autorité, le 10 avril 2018 : la CNIL ne dispose pas des moyens humains et financiers nécessaires pour assumer sa mission de contrôle et d'accompagnement, renforcée par le RGPD.

Il est vrai que le montant de la dotation créée par cet article devrait être prélevé sur les autres composantes de l'« enveloppe normée » des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. On se heurte ici aux limites du pouvoir d'initiative du Parlement en matière financière. Mais votre commission avait l'espoir de susciter une prise de conscience du Gouvernement , qui a toute latitude, quant à lui, pour créer une dotation, un fonds ou toute forme de subvention non comprise dans l'« enveloppe normée » 24 ( * ) .

Parce qu'elle ne désespère pas de voir le Gouvernement répondre à cet appel, votre commission a rétabli l'article 19 bis ( amendement COM-34 du rapporteur).

Article 19 ter - Mutualisation des moyens des collectivités territoriales

Introduit par le Sénat en première lecture, par l'adoption en commission d'un amendement de votre rapporteur, l'article 19 ter du projet de loi a pour objet de faciliter la mutualisation des moyens des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière de données personnelles, au bénéfice notamment des communes et intercommunalités.

• La volonté du Sénat de consolider la base légale des prestations de service au bénéfice du bloc communal

En première lecture, le Sénat avait constaté que le droit en vigueur comprenait certaines rigidités qui freinaient le développement de la mutualisation des « fonctions support » des collectivités territoriales et de leurs groupements, et plus particulièrement des services numériques. Le législateur, entendant favoriser l'intégration du bloc communal, avait encouragé une telle mutualisation entre les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et leurs communes membres, mais limité la possibilité pour ces mêmes communes et EPCI de recourir aux services d'autres collectivités ou établissements publics, par exemple des syndicats mixtes.

Pourtant, les bénéfices de la mutualisation sont unanimement salués : elle permet aux collectivités et à leurs groupements d'exercer efficacement leurs compétences dans un contexte de pénurie budgétaire, sans avoir recours à des prestataires privés - ce qui peut être souhaitable dans certains domaines. En matière de protection des données personnelles, la mutualisation sera indispensable ; le RGPD autorise d'ailleurs plusieurs autorités ou organismes publics à se doter d'un délégué à la protection des données commun.

C'est pourquoi votre commission des lois, à l'initiative de son rapporteur, avait jugé nécessaire d' autoriser par la loi, d'une part, les conventions de prestations de services entre une commune et un syndicat mixte (lorsque de tels services ne sont pas mutualisés au sein de l'intercommunalité), d'autre part, la mise en place de services fonctionnels unifiés entre toutes les catégories de collectivités territoriales et leurs groupements , y compris les communes et EPCI.

Ces dispositions auraient pu être jugées superflues, compte tenu des principes constitutionnels de libre administration et de liberté contractuelle des collectivités territoriales. Toutefois, la loi en vigueur se prête à une lecture a contrario et le Gouvernement, par les arguments qu'il a opposés à cet article en séance publique, a montré qu'il en faisait lui-même une lecture restrictive pour les libertés locales.

• La limitation de la portée de ces dispositions, par l'Assemblée nationale, au domaine des données personnelles

En nouvelle lecture, nos collègues députés ont reconnu l'intérêt des dispositions introduites par le Sénat pour faciliter la mutualisation dans la sphère publique locale. Toutefois, par l'adoption en séance publique d'un amendement de notre collègue Rémy Rebeyrotte et des membres du groupe La République en Marche, sous-amendé par le rapporteur, ils en ont limité la portée aux mutualisations de services liés au traitement de données à caractère personnel .

Tout en regrettant cette méthode qui consiste à légiférer par pointes d'épingle, en s'exposant à une lecture a contrario de dispositions spéciales, votre rapporteur a considéré que le texte adopté par l'Assemblée nationale paraît au plus pressé , en permettant aux communes et intercommunalités d'avoir recours aux services d'autres collectivités et groupements pour assumer les charges et obligations qui leur incombent en tant que responsables de traitements de données à caractère personnel.

Sur sa proposition, votre commission a donc adopté l'article 19 ter sans modification .


* 24 Pour mémoire, l'article 40 de la Constitution interdit à un parlementaire de proposer la création ou l'aggravation d'une charge publique. En revanche, un prélèvement sur recettes est considéré comme une perte de recettes, qu'un parlementaire peut proposer moyennant un « gage » du même montant. Toutefois, la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) interdit tout autre prélèvement sur recettes que ceux qui sont destinés aux collectivités territoriales et à l'Union européenne. En outre, l'article 16 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 plafonne l'évolution de l'« enveloppe normée » des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, définie comme l'ensemble constitué 1° des prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités, 2° des crédits de la mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales » et 3° de la part du produit de la taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions. Il en résulte que le solde net des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales ne peut augmenter qu'à l'initiative du Gouvernement, soit par le rehaussement du plafond de l'« enveloppe normée », soit par la hausse des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », soit par la création d'une dotation budgétaire non comprise dans cette mission.

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