TEXTE DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE : UN APPEL NÉCESSAIRE À UNE PRISE DE CONSCIENCE EUROPÉENNE

Au préalable, l'exposé des motifs de la proposition de résolution européenne souligne que la carte présentée aux membres du comité national de pilotage des zones défavorisées, le 20 février 2018, se traduirait par la sortie de 1 341 communes du dispositif. Or une telle issue défavorable entraînerait des conséquences économiques et sociales dévastatrices dans nos territoires, pour les exploitations les plus fragiles.

« Derrière les chiffres se profile en effet un drame humain qui va conduire à la disparition de nombreuses exploitations agricoles, et, en cascade, à un véritable processus de désertification de ces territoires auquel nous allons devoir collectivement faire face. (...) Que va-t-il en effet se passer face à l'appauvrissement de ces territoires ? Une fois les exploitations agricoles disparues, les habitants quitteront ces communes ; commerçants et artisans fermeront alors leurs portes, tandis que les écoles et l'ensemble des services publics, déjà lourdement affaiblis, disparaitront à très brève échéance. »

Ces risques apparaissent particulièrement importants dans la région Occitanie, notamment dans les départements de l'Aude et du Gers.

« C'est ainsi, face au risque de disparition de 55 exploitations agricoles, que les 25 communes de la Piège et du Razès, dans le département de l'Aude, ont décidé de se mobiliser. Les élus de la Piège ont décidé de placer, à l'entrée de leurs communes, des écriteaux « Village à vendre ». L'incompréhension des éleveurs, des habitants et des élus de ce territoire est d'autant plus forte qu'ils se sont beaucoup investis dans la modernisation de leurs exploitations, se convertissant pour beaucoup dans l'agriculture biologique.

Le département de l'Aude n'est pas isolé. Dans le Gers, ce sont 69 communes qui se trouvent exclus du dispositif de zonage. »

L'exposé des motifs de la proposition de résolution s'attache ensuite à présenter les « dégâts collatéraux » de la sortie du dispositif de l'ICHN, pour les agriculteurs des communes concernés, mais également pour l'ensemble de leurs habitants. En effet, d'après le réseau des chambres d'agriculture, un emploi agricole génère, « en amont » et « en aval » de la production, entre quatre et cinq emplois indirects.

« Soulignons également que la sortie de la cartographie des zones défavorisées simples implique pour les producteurs agricoles la caducité des agréments sanitaires, nécessaires pour la vente des produits issus de circuits courts au-delà de la distance de 80km (qui jusque-là, par dérogation du préfet, pouvait aller jusqu'à 200 km).

Enfin, la sortie du zonage entraînera des lourdes conséquences financières pour les jeunes agriculteurs, qui perdront alors la bonification de leur aide à l'installation. »

La proposition de résolution est constituée de six considérants et de trois demandes précises.

Ces six considérants, outre le cadre juridique applicable, explicitent la problématique du sujet. Ils rappellent, tout d'abord, que la négociation en cours avec la Commission européenne risque de se traduire, pour ainsi dire mécaniquement, par une issue globalement défavorable pour la France.

De fait, il n'est « pas prévu que toutes les communes exclues de la révision des carte des zones défavorisées « simples » soient intégrées dans le zonage complémentaire des zones soumises à contraintes spécifiques (ZSCS). »

En résumé, si rien ne change, une bonne partie de nos territoires serait, dans toutes les hypothèses, condamnée à perdre par rapport à l'existant, au terme de la négociation en cours. L'intérêt des échanges avec la Commission européenne se bornerait alors à réduire l'ampleur de cette perte et le nombre de communes touchées, ce qui ne constitue naturellement en rien une perspective satisfaisante.

Trois autres considérants font valoir que « les organismes représentatifs et des élus des territoires affectés ne peuvent se résigner à une telle situation » au regard des enjeux pour « l'économie, la démographie et le devenir environnemental des territoires concernés ». L'impact, pour le secteur de l'élevage, est ici plus particulièrement mis en avant :

« Considérant que, au regard des critères retenus à ce stade par le gouvernement français, cette cartographie se révèle profondément injuste et condamnerait, si elle devait rester en l'état, de nombreux éleveurs à cesser leur activité dont l'équilibre d'exploitation déjà très précaire ne tient souvent qu'au produit des aides liées au classement en zone défavorisée. »

Au terme de ce raisonnement, les trois points de la proposition de résolution européenne visent à sortir de ce cercle vicieux, en tranchant le « noeud gordien » de ce problème difficilement soluble. Se limiter à des négociations avec la Commission européenne sur des paramètres techniques de l'ICHN nous condamnerait à l'impuissance. Il nous faut donc envisager une approche plus ambitieuse, en demandant la révision du coeur du dispositif juridique, c'est-à-dire des articles 31 et 32 du règlement (UE) n°1305/2013 du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

La première demande formulée par la proposition de résolution consiste à demander la modification des termes dudit article 31, concernant les critères d'éligibilité des Zones soumises à contraintes naturelles (ZSCN) et à « ajouter des critères obligatoires aux huit critères biophysiques existants », en particulier celui de l'emploi.

Dans cette attente, le second point de la proposition de résolution européenne demande, dès maintenant, « au titre des adaptations régionales autorisées par l'article 32 du règlement précité (UE) n° 1305/2013, de prendre en compte le critère de continuité territoriale pour la définition du périmètre des Zones soumises à contraintes spécifiques (ZSCS), intégrant de ce fait les communes enclavées dans le zonage à contraintes spécifiques qui jusqu'ici se trouvent exclues de la cartographie des zones défavorisées simples. »

Enfin, la proposition de résolution invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

*

À l'issue de la dernière réunion du comité de pilotage national, organisée le 20 février 2018, la redéfinition du zonage de l'ICHN serait engagée sur les bases suivantes : le nombre des communes « classées », pour l'ensemble de la France, passerait de 10 429 à 14 133, soit un solde positif de 3 704. Il y aurait 5 045 « entrées » et 1 341 « sorties ». Naturellement, pour ces dernières, les effets de seuil auraient des conséquences déstabilisatrices.

Les secteurs de la Piège et du Razès, dans le département de l'Aude en fournissent une édifiante illustration : au regard des critères pris en compte, ils se situent toujours à la limite, mais en-deçà des valeurs minimales requises. D'autres zones géographiques sensibles en Occitanie seraient elles aussi touchées, notamment dans le Gers, le Lot et l'Aveyron. S'y ajouteraient d'autres territoires, en particulier, dans la vallée du Rhône, en Dordogne, mais également dans les Deux-Sèvres, l'Indre-et-Loire, ou le Cher. D'une façon générale, au-delà de ces seuls exemples emblématiques, on retrouve des situations difficiles un peu partout en France.

Au niveau national, le risque d'un « saupoudrage » global des moyens budgétaires, puisque ce solde net positif de 3 704 communes bénéficiaires interviendrait à enveloppe constante, ne peut être ignoré.

Vos rapporteurs ne mésestiment nullement la difficulté de ce dossier. Pour autant, la question de l'ICHN justifie, assurément, une action résolue des pouvoirs publics français, autant que la mobilisation des services du ministère de l'Agriculture. Ces efforts seraient vains, sans une prise de conscience au niveau européen qui, elle, reste à faire.

C'est la raison pour laquelle la présente proposition de résolution européenne, recueille le plein soutien de vos deux rapporteurs, qui proposent, en conséquence, à votre commission des affaires européennes, de conclure à son adoption, sous réserve de deux modifications.

La première prendrait la forme d'un amendement de suppression de la référence au critère de l'emploi agricole, dans le point n°15 de la résolution. En effet, l'ajout d'un tel critère, dont on ne mesure pas totalement l'impact, pourrait, s'avérer contre-productif, dans tel ou tel territoire.

Le second amendement apporterait une précision rédactionnelle importante quant au critère de continuité territoriale, dans le point n°16 de la résolution. Il est proposé d'indiquer que ledit critère intègre « des territoires plus étendus et non uniquement des communes isolées dans le zonage à contrainte spécifique ».

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