B. LA FORMATION DES ENQUÊTEURS ET DES JUGES

Les conflits au sein des Balkans occidentaux et le rétablissement de la paix sous l'égide notamment de l'Union européenne ont montré que celle-ci disposait d'une véritable expertise en matière d'aide au rétablissement de l'État de droit et de formation des personnels de police et de justice. Ce savoir-faire a ensuite été décliné sur d'autres continents à l'image de l'Afrique ou de l'Asie.

Missions civiles de l'Union européenne dans le domaine de la police et de la justice

Nom

Lieu

Date

Mandat

MPUE Bosnie-Herzégovine

Bosnie-Herzégovine

2003-2012

Police

EUPOL Proxima

Macédoine

2003-2005

Police

EUPAM FYROM

Macédoine

2005-2006

Police

EUPOL Kinshasa

République démocratique du Congo

2005-2007

Police

EUJUST LEX Iraq

Irak

2005-2013

Justice

EUPOL COPPS

Territoires palestiniens

Depuis 2006

Police

EUPOL Afghanistan

Afghanistan

2007-2013

Police

EUPOL RD CONGO

République démocratique du Congo

2007-2014

Police

EULEX

Kosovo

Depuis 2008

Police, justice et douanes

Source : Commission des affaires européennes du Sénat

C'est dans ce contexte que l'auteur de la proposition de résolution souhaite que l'Union européenne renforce le mandat de l'actuelle mission EUAM Irak, chargée de conseiller et d'assister le gouvernement irakien dans la mise en oeuvre des aspects civils de la stratégie de sécurité irakienne. Constituée en novembre 2017 et initialement composée de 35 personnes et dirigée par M. Markus Ritter (Allemagne), elle disposait d'un budget de 17,3 millions d'euros, son mandat devant se terminer en octobre dernier 9 ( * ) . Le Conseil a finalement décidé, le 15 octobre 2018, de prolonger son mandat jusqu'au 15 avril 2020. Cette prorogation s'accompagne d'une croissance des effectifs qui devrait atteindre 95 personnes. Le budget de la mission est porté dans le même temps à 64,8 millions d'euros.

Il s'agit là d'une opportunité indéniable pour permettre à cette mission de contribuer à la formation des forces de sécurité irakiennes aux enquêtes sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, comme le souhaite l'auteur de la proposition de résolution européenne. Une telle option faciliterait la coopération avec l'équipe d'enquêteurs des Nations unies chargée de recueillir des preuves en Irak, créée par la résolution 2379 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 21 septembre 2017. Dirigée par le britannique Karim Asad Ahmad Khan, cette équipe a débuté son travail le 20 août dernier, les premiers membres étant déployés à Bagdad le 29 octobre. Des travaux préparatoires ont été mis en oeuvre afin d'établir une plateforme solide pour le lancement des investigations, prévu pour début 2019. Dans ces conditions, votre rapporteur souscrit aux objectifs de l'auteur de la proposition de résolution européenne.

La proposition qui nous est soumise insiste, en outre, sur la mission EUJUST Lex-Irak, lancée en juillet 2005 et dont le mandat s'est achevé le 31 décembre 2013. Ce dispositif avait pour objectif de renforcer l'État de droit et de promouvoir une culture de respect des droits de l'Homme dans le pays, en menant notamment des actions de formation auprès de fonctionnaires irakiens des forces de police, de la justice ou de l'administration pénitentiaire. La mission était composée de 53 personnes, réparties au sein de trois équipes (justice, police et prisons). L'auteur de la proposition de résolution souhaiterait le lancement d'une mission quasi-équivalente, plus particulièrement dédiée aux questions judiciaires. Il s'agirait de la sorte de former le personnel judiciaire, en le sensibilisant particulièrement aux spécificités des instructions visant crimes de guerre ou crimes contre l'humanité. Une telle mission viendrait compléter tout à la fois le travail des enquêteurs et celui des chambres mixtes envisagées plus haut. L'appui européen pourrait, se traduire par l'introduction dans le droit irakien des incriminations de crime de guerre et de crime contre l'humanité. La loi antiterroriste irakienne, aux termes de laquelle les combattants de Daech sont aujourd'hui jugés, ne prend pas en compte la notion de crimes contre l'humanité.

Comme l'a relevé Mme Aurélia Devos, Vice-procureur, chef du pôle « Crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre » au Parquet de Paris, lors du colloque organisé par le groupe de réflexion au Sénat en avril dernier, les crimes commis en Irak à l'encontre des minorités religieuses et, plus généralement de la population civile regroupent crimes liés aux conflits armés, non-internationaux et crimes non-juridiquement liés aux conflits armés tels que les crimes contre l'humanité, au premier rang desquels le crime de génocide. Cette situation complexifie l'appréhension de leur traitement et leur lisibilité. De fait, « face à cette complexité juridique liant actes de terrorisme, crimes de guerre et crimes contre l'humanité, la question de la preuve et du jugement des auteurs présumés constitue à la fois le défi de l'efficacité et celui de l'exhaustivité. Il faut juger vite, bien et au regard de l'entière réalité des crimes commis, dans un contexte de multiplicité des crimes et des preuves, des auteurs présumés d'exactions et des nationalités » 10 ( * ) . Il apparaît indispensable dans ces conditions d'appuyer toute action de formation. Un appui européen apparaît, en ce sens, indispensable et l'ambition de l'auteur de la proposition de résolution ne peut, là encore, qu'être approuvée.

Pour toutes ces raisons, votre rapporteur propose d'adopter la proposition de résolution sans modification.


* 9 Décision du Conseil autorisant l'ouverture de négociations avec l'Irak en vue de conclure un accord entre l'Union européenne et l'Irak sur le statut de la mission de conseil de l'Union européenne en Irak (EUAM Irak), 12196/17.

* 10 Citoyenneté et justice : un défi pour le Moyen-Orient - Quels enseignements pour l'avenir de l'Irak ? Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 150 - 7 juin 2018

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