Rapport n° 327 (2018-2019) de M. Daniel GREMILLET , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 20 février 2019

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N° 327

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 février 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour la protection des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale ,

Par M. Daniel GREMILLET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mme Patricia Morhet-Richaud, M. Robert Navarro, Mme Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

1330 , 1417 et T.A. 198

Sénat :

169 et 328 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi pour la protection foncière des activités agricoles et les cultures marines dans les communes littorales, ainsi renommée par votre commission pour que son titre corresponde réellement à son contenu, vise à renforcer le droit de préemption des SAFER dans les communes littorales afin d'en limiter les contournements.

Inscrite dans une « niche » parlementaire du groupe Mouvement démocrate et apparentés à l'Assemblée nationale, elle a été adoptée le 29 novembre 2018 à l'unanimité. Elle a été inscrite à l'ordre du jour du Sénat pour la séance publique du 6 mars 2019 à la demande du groupe La République en marche.

Cette proposition de loi ciblée et resserrée autour de 4 articles ne fait pas l'objet d'une procédure accélérée. À défaut d'adoption conforme par le Sénat, elle sera donc renvoyée, pour les articles restant en discussion, à l'Assemblée nationale.

Les constatations et les mesures proposées par la proposition de loi sont consensuelles et devraient être partagées par l'ensemble des groupes politiques.

Ce consensus a été retrouvé au sein de votre commission qui a adopté dans leur rédaction proposée par l'Assemblée nationale les trois articles qui la constituent.

Votre commission a enrichi le texte en ajoutant un article permettant aux activités salicoles de bénéficier de l'extension du droit de préemption des SAFER dans les communes littorales, en les reconnaissant comme activité agricole. Cet article additionnel permet, en outre, de clarifier la situation juridique des exploitants saliculteurs et leur ouvre droit à plusieurs dispositifs agricoles. Cette proposition, répondant à un engagement pris par le Gouvernement, est de nature à transcender les clivages politiques.

Dans cet esprit, votre commission rappelle que les chances de cette proposition de loi d'aller au bout de la navette parlementaire, phénomène malheureusement trop rare compte tenu d'un ordre du jour chargé, résident d'une part dans le maintien de sa concision et d'autre part dans la recherche d'enrichissements pertinents et consensuels de notre chambre.

La rédaction proposée par votre commission atteint cet objectif.

Au cours de sa réunion du 20 février 2019, votre commission a adopté l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.

Le principal apport de votre commission

- la reconnaissance des activités salicoles comme des activités agricoles à part entière afin, notamment, de leur ouvrir le droit au bénéfice du renforcement du droit de préemption des SAFER dans les communes littorales prévu la proposition de loi (article 5).

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES ACTIVITÉS CONCHYLICOLES EN VOIE DE DISPARITION ?

A. LE NOMBRE D'ENTREPRISES CONCHYLICOLES RECULE DE MANIÈRE PRÉOCCUPANTE

1. Une production au coeur des identités de terroirs, essentielle à l'activité économique pérenne des littoraux

La conchyliculture est une activité économique essentielle dans les nombreuses communes littorales qui parsèment les façades maritimes de la France.

Comment par exemple imaginer le bassin d'Arcachon sans ses huîtres vertes ou imaginer l'étang de Thau sans la conchyliculture de Bouzigues ? Et c'est sans parler des huîtres de Cancale, de « la Belon », de l'huître label rouge de Marennes-Oléron et des huîtres d'Isigny. Les moules de bouchot font la fierté de nos exploitations mytilicoles françaises et sont presque aussi renommées que les moules AOP de la baie du Mont Saint Michel.

Par-delà ces aspects culturels et historiques, la conchyliculture participe également à la préservation de la faune et de la flore estuariennes et côtières .

Elle permet enfin l'implantation d'activités économiques durables dans les communes littorales dont la vie économique dépend essentiellement de la saison touristique. Elle est par conséquent un outil crucial de la vie économique de nos régions côtières.

Selon les données transmises à votre rapporteur, plus de 2 400 entreprises sont investies dans le secteur conchylicole 1 ( * ) aujourd'hui . Elles sont à l'origine de la création de plus de 16 000 emplois (environ 7 900 équivalents temps plein) et de 657 millions d'euros de chiffres d'affaires 2 ( * ) , majoritairement issus de deux productions : l'ostréiculture et la mytiliculture.

L'ostréiculture est un fleuron de l'économie littorale française, avec environ 75 000 tonnes produites par an 3 ( * ) , soit près de 90 % de la production européenne.

Si la France est très loin de la production chinoise qui représente plus de 80 % de la production mondiale, elle se distingue par la valorisation de ses produits issus d'un savoir-faire ancestral déjà valorisé sous l'Antiquité romaine.

Certes, comme pour d'autres cultures, l'Histoire a considérablement fait évoluer la nature des huîtres élevées sur les rivages français. À la culture de l'huître plate (« Ostrea edulis »), aujourd'hui très marginale, s'est substituée à la fin du XIX ème siècle le travail de l'« huître portugaise » (« Crassostrea angulata »), qui a disparu à la fin des années 1960 compte tenu d'une épizootie. Désormais, la France est spécialisée dans la production d'huîtres creuses, originaires du Pacifique (« Crassostrea Gigas »).

Mais, invariablement, la France se distingue par la valorisation des fruits de sa production.

La mytiliculture représente également une activité conchylicole très présente en France avec environ 70 000 tonnes pêchées chaque année.

La France occupe ainsi le troisième rang européen en termes de production en volume derrière l'Espagne et l'Italie mais, encore une fois, elle occupe sans doute le premier rang en valeur grâce à la valorisation de sa production, notamment sur les moules de bouchot. Toutefois, sa production est très inférieure à la consommation nationale , ce qui engendre des importations massives (plus de 50 000 tonnes par an).

D'autres coquillages, comme les coques ou les palourdes, renforcent la diversité de la production conchylicole française, mais avec des volumes marginaux.

Source : Comité national de la conchyliculture

2. La production conchylicole française a chuté de 40 % en vingt ans

D'après les chiffres transmis à votre rapporteur par le Comité national de la conchyliculture, la production conchylicole française a chuté en volume de 202 000 tonnes mises en marché en 1996 à 122 000 tonnes en 2015.

Cette chute préoccupante de la production est multifactorielle mais elle provient avant tout des épizooties qui ont touché l'ostréiculture depuis 2008. La production de moules n'est au reste pas épargnée par ce phénomène d'épizooties, même si le problème est plus récent. Depuis 2014, la production mytilicole en volume a reculé de 25 %.

B. UNE FORTE PRESSION FONCIÈRE DANS LES COMMUNES LITTORALES AU DÉTRIMENT DES ACTIVITÉS AGRICOLES ET CONCHYLICOLES

1. Comment résister à l'explosion des prix de l'immobilier résidentiel en zone littorale ?

Déjà très exposée à l'effet dévastateur de parasites, de microalgues ou de virus, la filière conchylicole doit également résister à la spéculation foncière dans les zones littorales , tout comme l'ensemble des productions agricoles, majoritairement l'élevage, le maraîchage et les cultures marines.

Les communes littorales sont en effet 2,4 fois plus peuplées que la moyenne métropolitaine . Cette densification entraîne une artificialisation des sols, comme le révèle un rapport du commissariat général au développement durable, de juillet 2017 : « ce ratio est identique pour le taux d'artificialisation du territoire ou la vitesse de disparition des terres agricoles ces quarante dernières années ».

Pour lutter contre ce phénomène et préserver des activités agricoles dans ces zones, la loi Littoral du 3 janvier 1986 4 ( * ) a encadré la constructibilité dans ces communes.

En raison d'une offre limitée et d'une très forte demande, les prix du foncier dans les communes littorales ont explosé . Un rapport du conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAEER) et du conseil général de l'environnement et du développement rural (CGEDD) estime que les prix des terres sur le littoral ont été multipliés par près de 2,5 entre 1997 et 2010 alors que la moyenne nationale était multipliée à hauteur de 1,5 sur la même période.

Aujourd'hui, le prix de vente d'un bâtiment à usage agricole à un non professionnel peut être jusqu'à dix fois supérieur au prix de vente à un professionnel .

Pour un exploitant agricole arrivant à la retraite, dans les conditions difficiles déjà déplorées à maintes reprises par notre assemblée, une cession foncière à un non professionnel est parfois considérée comme la seule solution et comme une rétribution à la juste valeur de plusieurs années de travail.

Ce phénomène contribue, entre autres, à une chute du nombre d'exploitations agricoles et conchylicoles dans les communes littorales.

2. Un recul très préoccupant de la surface conchylicole française et du nombre d'exploitants

1 exploitant en moins tous les 3 jours

-10 m² toutes les 3 minutes depuis 1996

- 1/5 e de la surface conchylicole

Pour la conchyliculture, les chiffres parlent d'eux-mêmes : 10m² de surface conchylicole disparaissent en France toutes les 3 minutes.

L'exercice de la conchyliculture nécessite deux types d'espaces indissociables .

D'une part, sur le domaine public maritime, les producteurs sont concessionnaires pour les productions situées sur l'estran ou en eaux profondes.

D'autre part, il nécessite des installations terrestres comprenant des bâtiments ou des bassins par exemple. Ces installations sont souvent situées sur le domaine public maritime ou sur le domaine privé, un peu en recul de la mer, au milieu d'une interface terre-mer de plus en plus convoitée.

La loi Littoral de 1986 a prévu certaines règles très strictes dont, notamment, la non constructibilité dans une bande de 100 mètres du rivage. Les bâtiments construits dans ces zones, notamment les bâtiments à usage agricole, sont donc très demandés afin d'être transformés en habitation résidentielle, le plus souvent comme résidences secondaires.

Faute de compétitivité au regard des prix proposés par les non professionnels, des jeunes professionnels ne peuvent s'installer en reprenant les exploitations de leurs aînés.

Or, une exploitation conchylicole qui se transforme en habitation secondaire, c'est un jeune exploitant qui ne peut reprendre une activité ostréicole et mytilicole.

Ce phénomène aboutit, au mieux, au démembrement des chantiers conchylicoles créant, le plus souvent, des conflits de voisinage entre nouveaux résidents d'une zone et producteurs conchylicoles historiques et, au pire, à la réduction du nombre d'exploitations conchylicoles en France.

Entre 2010 et 2016, le nombre d'entreprises conchylicoles françaises a enregistré un recul de 14 % selon les données économiques des entreprises aquacoles de l'Union européenne.

Sur une plus longue période, le nombre d'exploitants conchylicoles a été quasiment divisé par 2 depuis 1996 selon le Comité national de la conchyliculture.

Il en résulte un affaiblissement du potentiel d'activité et la disparition progressive d'une activité économique non saisonnière sur le littoral. Dans le Morbihan par exemple, en vingt ans, le potentiel conchylicole a reculé entre 10 et 20 %.

Or, la question de la transmission et de l'installation des entreprises est devenue un enjeu majeur pour la filière en raison du nombre de départs à la retraite à venir des exploitants conchylicoles dont la moyenne d'âge est proche de 48 ans.

II. LE DROIT EN VIGUEUR EST-IL SUFFISAMMENT PROTECTEUR DES ACTIVITÉS AGRICOLES ET CONCHYLICOLES DANS LES COMMUNES LITTORALES ?

Ces éléments de contexte rappelés, l'enjeu est bien d'encadrer les changements de destination des bâtiments dans les communes littorales .

Aux termes de l'article R. 151-27, un changement de destination est assimilé au passage d'une construction d'une catégorie à une autre parmi la liste suivante :

i. Exploitation agricole et forestière ;

ii. Habitation ;

iii. Commerce et activités de service ;

iv. Équipements d'intérêt collectif et services publics ;

v. Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire.

A. DES LIMITES PEU EFFICACES AU CHANGEMENT DE DESTINATION DE BÂTIMENTS AGRICOLES DANS LES COMMUNES LITTORALES

Le changement de destination dans les zones agricoles, naturelles ou forestières est encadré par les règles d'urbanisme.

L'article L. 151-11 du code de l'urbanisme dispose que le changement de destination peut être autorisé au sein des zones agricoles délimitées par les plans locaux d'urbanisme (PLU), en dehors des « secteurs de taille et de capacité d'accueil limités » le cas échéant (STECAL), à trois conditions.

Premièrement, le bâtiment doit d'abord être identifié par les PLU qui, en pratique, identifient les destinations éventuellement admissibles.

Deuxièmement, le changement de destination ne doit pas compromettre « l'activité agricole ou la qualité paysagère du site » .

Troisièmement, il est soumis, dans les zones agricoles, à l'avis conforme de la commission départementale de la préservation des espaces agricoles, naturels et forestiers et dans les zones naturelles, à l'avis conforme de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.

Dans les communes littorales, les règles relatives aux changements de destination sont plus strictes.

Tout changement de destination est interdit en dehors des espaces urbanisés dans une bande littorale de 100 mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux ( CAA Marseille, 20 novembre 2009, n° 07MA03857 ).

L'article L. 121-10 du code de l'urbanisme, modifié par l'article 43 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, a consacré le principe d'interdiction de tout changement de destination des constructions et installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines situées en discontinuité de l'urbanisation existante .

Néanmoins, ces dispositifs ne présentent pas une efficacité suffisante pour préserver l'activité agricole.

Pour les personnes auditionnées par votre rapporteur, le problème réside justement dans l'irrégularité de nombreux changements de destination.

Certes, des sanctions existent en cas de changement de destination illégal. Outre une mise en oeuvre difficile de pouvoirs de police en matière d'urbanisme, la principale sanction encourue est généralement une peine d'amende, même si le tribunal peut également prononcer des « mesures de restitution » visant à une mise en conformité à l'autorisation.

B. LE DROIT DE PRÉEMPTION DES SAFER FACE À LA PRESSION FONCIÈRE EN ZONES LITTORALES : UN OUTIL SUFFISAMMENT DISSUASIF ?

Seul un outil dissuasif permettant de limiter les transmissions opérant ces changements de destination de fait pourrait se révéler efficace dans ces zones soumises à une forte pression foncière.

Le droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) pour les exploitations agricoles en fait partie.

Depuis 1962, les SAFER se sont vu octroyer un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de biens ou de terrains agricoles. Elles ont alors pour objet de rendre à ces biens ou terrains une vocation agricole.

Les SAFER ont la faculté de proposer une révision de prix sous réserve du respect des conditions prévues par le code rural et de la pêche maritime. À défaut d'acceptation du vendeur, le prix du bien visé par le droit de préemption de la SAFER peut être déterminé, dans un second temps, par le juge.

Utilisé avec parcimonie à hauteur de 1 % des notifications reçues et de 10 % des acquisitions annuelles des SAFER, cet outil est jugé comme indispensable à la pérennisation des activités agricoles dans les zones les plus soumises à la spéculation foncière, à l'instar des communes littorales . Ce sentiment est partagé par l'ensemble des personnes auditionnées par votre rapporteur.

Renforcé par la loi de n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, le droit de préemption peut s'exercer en cas d'aliénation de bâtiments ou terrains agricoles ou qui ont eu un usage agricole, à la condition que cette activité agricole ait été exercée au cours des cinq années précédant l'aliénation.

Il est intéressant de rappeler que ce droit de préemption « rétroactif » a d'abord été mis en place, à l'initiative du Sénat en 2006, pour les transactions concernant des biens ou terrains agricoles dans les communes de montagne, également victimes d'une spéculation foncière particulière.

Compte tenu des écarts de prix entre le marché professionnel et le marché non professionnel, l'exploitant agricole cédant son exploitation a tout intérêt à retirer toute vocation agricole à son bâtiment durant les cinq années précédant son aliénation afin d'échapper au droit de préemption des SAFER .

Ce délai apparaît trop peu dissuasif au regard des masses financières en jeu pour lutter efficacement contre la spéculation foncière dans les communes littorales.

III. LA PROPOSITION DE LOI ENTEND ALLONGER LE DÉLAI PERMETTANT AUX SAFER DE PRÉEMPTER UN BIEN À VOCATION AGRICOLE DANS LES COMMUNES LITTORALES

A. SI LES PRÉOCCUPATIONS EXPRIMÉES PAR LE RÉDACTEUR DE LA PROPOSITION DE LOI SONT LÉGITIMES, LA PROPOSITION DE LOI INITIALE POSAIT PLUSIEURS DIFFICULTÉS JURIDIQUES

Jimmy Pahun, député du Morbihan, et plusieurs de ses collègues du groupe Modem et apparentés, ont déposé sur le bureau du Président de l'Assemblée nationale le 17 octobre 2018 une proposition de loi pour la protection des activités agricoles et des cultures marines en zones littorales et de montagne.

« Fruit d'un long travail de réflexion conduit avec la profession des conchyliculteurs et divers acteurs engagés dans la préservation de l'agriculture littorale », la proposition de loi entendait :

- Étendre le droit de préemption des SAFER pour protéger les activités conchylicoles à tous les biens ou bâtiments, quel que soit leur lieu d'implantation , même lorsqu'ils « n'ont pas été utilisés au cours des cinq dernières années » (article 1 er ) ;

- Interdire tout changement de destination des bâtiments ou terrains destinés aux activités conchylicoles (article 1 er ) ;

- Élargir le champ du droit de préemption des SAFER dans les communes littorales et les communes de montagne aux bâtiments agricoles même lorsqu'ils n'ont pas été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole au cours des cinq années précédant l'aliénation (articles 2 et 3) ;

- Prévoir une dérogation à l'obligation d'urbanisation en continuité dans les communes littorales pour les annexes nécessaires aux activités conchylicoles (article 4).

Même si la proposition de loi délimite précisément l'extension du droit de préemption des SAFER aux communes littorales et de montagne compte tenu de la pression foncière particulièrement forte qu'elles subissent, la rédaction retenue posait diverses difficultés.

La principale provenait d'une atteinte sans doute disproportionnée au droit de propriété en ce qu'elle permettait aux SAFER de préempter tout bien ayant eu dans le passé, même plusieurs dizaines d'années avant l'aliénation, une vocation conchylicole ou agricole .

Au-delà des problèmes pratiques, notamment sur la capacité à prouver une telle vocation qui aurait été source de contentieux, l'atteinte au droit de propriété pouvait apparaître disproportionnée, malgré le motif d'intérêt général légitime de préservation des activités agricoles et des cultures marines dans les communes concernées.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE DONNE À LA PROPOSITION DE LOI UN ÉQUILIBRE SATISFAISANT

En commission et en séance, les députés ont mieux circonscrit l'évolution du droit de préemption prévue par la proposition de loi .

Les SAFER pourraient préempter les bâtiments des communes littorales faisant l'objet d'une aliénation à titre onéreux (articles 1 er et 2) uniquement :

- s'ils sont situés dans une zone strictement délimitée ;

- s'ils ont été affectés à une activité agricole au cours des vingt années ayant précédé l'aliénation .

Si la préemption concerne des activités conchylicoles, les SAFER auront l'obligation de transmettre le bâtiment préempté en priorité à un repreneur s'engageant à poursuivre les activités conchylicoles (article 1 er ).

En outre, le mécanisme de révision de prix a été encadré en cas d'exercice de ce droit de préemption dérogatoire . Si le bâtiment concerné a fait l'objet d'un changement de destination conforme aux règles d'urbanisme, la SAFER ne pourra pas réviser son prix. En revanche, si le changement de destination a été effectué illégalement dans les vingt années précédant l'aliénation, la SAFER pourra proposer une révision du prix, toujours sous le contrôle du juge le cas échéant comme le prévoit l'article L. 143-10 du code rural et de la pêche maritime.

Le champ géographique de ce droit de préemption spécifique a été réservé aux seules communes littorales , excluant ainsi les communes de montagne initialement concernées par la proposition de loi. Pour M. Dominique Potier, auteur de l'amendement de suppression de l'article 3, adopté en commission, les élus de la montagne (représentés par l'ANEM) « sont unanimes, quelle que soit leur sensibilité politique, pour dire que la loi Montagne de 1985 révisée en 2016 prend déjà en compte cette question en des termes identiques et apporte des solutions de même nature. Le risque serait de produire à tout le moins quelque chose de superfétatoire, voire de semer le trouble dans le code rural et de la pêche maritime dont l'architecture est complexe et fragile ». Par conséquent, l'article 3 a été supprimé.

L'article 4 de la proposition de loi, entièrement satisfait par l'article 43 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, a enfin été supprimé.

Cette rédaction modifiée a été adoptée à l'unanimité au cours de la séance publique du 29 novembre 2018.

IV. POUR VOTRE COMMISSION, LA PROPOSITION DE LOI EST PERTINENTE, MÊME SI UN OUBLI DOIT ÊTRE CORRIGÉ

A. UNE PROPOSITION DE LOI ADAPTÉE POUR LUTTER CONTRE LES CONTOURNEMENTS AU DROIT DE PRÉEMPTION DES SAFER

Votre rapporteur regrette, tout d'abord, que les parlementaires ne puissent pas traiter cette question foncière spécifique aux espaces littoraux lors d'un débat plus général sur le foncier agricole .

Le projet de loi sur le foncier agricole, annoncé à grands renforts d'annonces médiatiques, apparaît toutefois très incertain à la suite des conclusions dissonantes de la mission d'information commune sur le foncier agricole de l'Assemblée nationale.

L'examen à marche forcée de cette proposition de loi traitant d'un seul sujet lié au foncier agricole, alors même que le calendrier législatif est particulièrement chargé, semble d'ailleurs annoncer un report sine die de l'examen d'une loi foncière par le Parlement.

Non que votre rapporteur appelle à un changement radical des protections particulières accordées aujourd'hui aux exploitations agricoles. Il estime en revanche que certaines problématiques spécifiques mériteraient d'être traitées rapidement, notamment celle de la protection des activités agricoles françaises face aux investissements étrangers de plus en plus fréquents. La censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle a bloqué la réflexion sur le sujet.

Au-delà de ces sujets qui, pour techniques qu'ils soient, n'en demeurent pas moins stratégiques pour garantir la survie de l'agriculture dans nos territoires, votre rapporteur appelle à un débat plus général sur ce qu'est un agriculteur au XXI ème siècle. Ce débat aurait pu avoir lieu lors de l'examen d'une grande loi agricole. Son horizon n'a jamais paru si lointain.

Ces éléments ayant été précisés, votre rapporteur juge néanmoins nécessaire de saisir la possibilité de l'examen de cette proposition de loi pour traiter un problème réel pour les conchyliculteurs et les agriculteurs des communes littorales.

Le mécanisme proposé par la proposition de loi apparaît justifié et de nature à être réellement dissuasif à l'égard des contournements rencontrés dans les communes littorales tout en présentant des garanties au regard du droit de propriété.

Votre rapporteur rappelle que l' exercice du droit de préemption des SAFER est d'ores et déjà très encadré .

Les SAFER sont agréées par l'État et exercent leur droit de préemption dans le respect d'un décret d'habilitation qui précise les zones déterminées où elles peuvent intervenir ainsi que les surfaces minimales des terrains susceptibles d'être l'objet du droit de préemption.

L'exercice du droit de préemption doit également répondre à des objectifs strictement déterminés à l'article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime parmi lesquels l'installation ou le maintien des agriculteurs.

Elles ne peuvent préempter un bien qu'avec l'accord des commissaires du Gouvernement (article R. 141-10 du code rural et de la pêche maritime) et si elles méconnaissent les dispositions relatives à leur droit de préemption, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation peut en suspendre l'exercice.

Enfin, ce droit de préemption ne prime pas sur d'autres droits de préemption, notamment ceux des collectivités territoriales par exemple.

Le cadre actuel apporte déjà des garanties solides à l'exercice du droit de préemption des SAFER.

L'extension du droit de préemption des SAFER visée par la proposition de loi s'accompagne, en outre, d'un encadrement qui apparaît approprié.

D'une part, les garanties offertes dans la procédure d'exercice du droit de préemption par les SAFER, notamment l'accord des commissaires du Gouvernement ainsi que l'impossibilité d'appliquer le mécanisme de révision de prix si le changement de destination a été effectué en conformité avec les règles d'urbanisme , paraissent suffisantes pour limiter les atteintes au droit de propriété. En pratique, le vendeur d'un bâtiment dont le changement de destination est légal obtiendra le prix qu'il souhaite, y compris lorsque la SAFER décide de préempter le bien. Si le prix dépasse les capacités financières de la SAFER, elle ne pourra donc pas accéder à ce bien.

Votre rapporteur ajoute que, même si la révision de prix prévue à l'article L. 143-10 trouve à s'appliquer, elle est strictement encadrée et appelle l'intervention d'un juge très rapidement, si le vendeur n'accepte pas l'offre révisée de la SAFER.

D'autre part, le champ de ce droit de préemption dérogatoire est circonscrit à un nombre limité de communes où la spéculation foncière est très vive.

Le dispositif, limité aux seules communes littorales, concernerait 1 212 communes en France 5 ( * ) , soit moins de 4 % des communes françaises. La réalité de la spéculation foncière y entraîne une chute plus rapide qu'ailleurs du nombre d'exploitants agricoles et laisse de nombreux jeunes agriculteurs cherchant à reprendre une installation dans ces espaces sur liste d'attente.

Concernant son éventuelle extension aux communes de montagne, envisagée dans la version initiale de la proposition de loi, votre rapporteur, tout en identifiant bien la pression foncière s'exerçant sur les espaces montagnards, appelle à ne pas étendre pour l'instant le dispositif à ces communes.

Il rappelle avant tout que le droit de préemption s'appliquant sur tous les bâtiments ayant été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole dans les cinq années précédant l'aliénation continuera à s'appliquer.

Aux termes de ses auditions, votre rapporteur n'a pas identifié de demandes particulières ou de problématiques spécifiques relatives à l'exercice du droit de préemption des SAFER dans les communes de montagne.

Il rappelle que lors de l'examen de l'article 62 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 (Acte II de la loi montagne), l'alinéa dédié au droit de préemption des SAFER spécifique aux communes de montagne de l'article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime a été modifié 6 ( * ) . Lors de l'examen de cet article, dont l'examen avait été délégué au fond à votre commission, aucune modification n'avait été apportée à ce délai.

Un peu plus de deux ans après, l'association nationale des élus de montagne (ANEM), consultée par votre rapporteur, lui a fait part de « l'inexistence au niveau tant de l'ANEM que de la FN-SAFER de données chiffrées ou de cas signalés prouvant l'insuffisance du délai de 5 années dans l'exercice de ce type de préemption » .

Dès lors, il lui semble donc prématuré de prévoir une extension aux communes de montagne sans remontées de terrain suffisantes.

Enfin, la rétroactivité du droit de préemption des SAFER apparaît mesurée.

Elle se justifie par un motif d'intérêt général suffisant qui est d'assurer le maintien d'activités agricoles sur l'ensemble du territoire, notamment dans des zones littorales qui nécessitent des activités économiques exercées toute l'année. Ces activités participent en outre à l'entretien de traditions locales et à la renommée de terroirs qui entretiennent le tourisme.

Au regard de la chute du nombre d'exploitations conchylicoles en France, il est urgent d'agir. Les contournements déjà à l'oeuvre afin d'échapper au droit de préemption des SAFER, outil mis en place par le législateur afin de maintenir les activités agricoles dans ces zones littorales, ne sont pas acceptables.

L'extension du délai déterminant le caractère agricole du bâtiment avant l'aliénation de 5 à 20 ans est incontestablement de nature à réduire ces contournements. Le délai de 20 ans apparaît suffisamment dissuasif sans pour autant porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

En pratique, votre rapporteur souligne, au reste, que ce délai est déjà appliqué à certains conchyliculteurs. En moyenne, dans le cahier des charges que les SAFER signent avec le repreneur du bâtiment préempté, le délai de reprise est de 15 ans. Si le repreneur envisage de cesser son activité et de vendre le bâtiment conchylicole au terme de cette période, il doit encore attendre 5 années pour échapper au droit de préemption, ce qui lui laisse une période de 20 années pour éviter le droit de préemption des SAFER.

La problématique de la spéculation foncière est la même pour les activités agricoles dans les communes littorales et l'outil se révélerait également dissuasif.

Toutefois, compte tenu d'une proximité immédiate de l'eau moins nécessaire, certaines personnes auditionnées ont alerté votre rapporteur sur le fait que le motif d'intérêt général pourrait apparaître moins justifiable pour ces bâtiments.

Votre rapporteur ne partage pas ce point de vue . Si les contournements existent déjà pour les bâtiments conchylicoles dans les communes littorales, votre rapporteur estime qu'ils seront de même nature pour les bâtiments agricoles, avec les mêmes effets pour l'activité économique et la préservation de l'environnement dans ces communes littorales.

Toutefois, c'est un souci de sécurisation juridique maximal du contenu de la proposition de loi qui a incité votre rapporteur à ne pas supprimer l'alinéa 6 de l'article 1 er qui est, en droit, déjà satisfait par l'article 2 de la proposition de loi dans la mesure où les cultures marines sont considérées comme des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime.

Compte tenu de ces éléments, constatant qu'elle partage les préconisations de la proposition de loi, votre commission a donc adopté conforme les quatre articles qui lui étaient soumis.

D'autres mesures auraient pu enrichir le texte. Toutefois, votre commission a estimé que cette proposition de loi ciblée sur une thématique importante donne l'occasion de démontrer que le Parlement peut rapidement répondre à une problématique.

Cela suppose une concentration sur le sujet contenu dans la proposition de loi , quitte à ne pas aborder d'autres sujets qui ont leur importance pour nos territoires mais qui ne sont pas au coeur de la proposition de loi.

Le risque, en adoptant des mesures non consensuelles qui allongeraient considérablement la navette parlementaire de ce texte qui n'est pas en procédure accélérée, serait que la proposition de loi ne puisse prospérer dans d'autres niches parlementaires . Cela reviendrait à tuer la proposition de loi.

Enfin, votre rapporteur s'inquiète d'autant plus d'une non adoption rapide de la proposition de loi que la SAFER de Bretagne a constaté l'augmentation anormale des mises en vente de bâtiments n'ayant plus d'activités agricoles depuis plus de 5 ans dans les communes littorales depuis l'adoption de la proposition de loi à l'Assemblée nationale. Ce phénomène tend à démontrer que les comportements non coopératifs ne sont pas si isolés.

B. CORRIGER UNE INJUSTICE : POURQUOI EXCLURE LES BÂTIMENTS SALICOLES DU DISPOSITIF ?

Votre rapporteur estime toutefois qu'il est injuste d'exclure de ce droit de préemption qui s'appliquerait à tous les bâtiments ayant une vocation agricole dans les communes littorales les bâtiments salicoles qui sont concernés, comme les autres, par la pression foncière.

Ces bâtiments seront exclus du dispositif prévu par la proposition de loi dans la mesure où les activités salicoles ne sont pas reconnues par la loi comme des « activités agricoles ».

Constatant ce lien direct avec le dispositif prévu par la proposition de loi, votre rapporteur vous propose d'aller plus loin en actant une reconnaissance plus générale des activités salicoles dans les marais salants comme des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. Cela participerait incontestablement à la protection des activités agricoles et des cultures marines dans les communes littorales.

Votre rapporteur rappelle que cette reconnaissance implicite a déjà eu lieu.

En effet, les activités des exploitants saliculteurs de marais salants sont d'ores et déjà reconnues comme agricoles d'un point de vue social, puisque les exploitants saliculteurs sont affiliés à la Mutualité sociale agricole, mais aussi d'un point de vue fiscal puisqu'ils sont soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles.

La reconnaissance de la saliculture marine comme une activité agricole, qui nécessite une modification de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, emporte plusieurs conséquences, notamment :

- La possibilité pour les saliculteurs d'être indemnisés au titre des « calamités agricoles » ;

- L'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties des bâtiments qui servent aux exploitations rurales (article 1382 du CGI) ;

- La fin du paradoxe qui consiste à exclure les saliculteurs de l'esprit de la loi EGALIM 7 ( * ) qui appelle à une meilleure structuration des producteurs notamment au sein d'organisations de producteurs alors même que les problématiques rencontrées par la filière sont similaires à celles d'autres secteurs agricoles. Elles seraient désormais reconnues dans les conditions prévues à l'article L. 552-1 du code rural et de la pêche maritime.

Depuis le dépôt d'une proposition de loi de M. Bruno Retailleau en 2017 8 ( * ) sur ce sujet, la réflexion a évolué .

Le Gouvernement s'est déclaré favorable à cette reconnaissance dans l'hémicycle à l'Assemblée nationale le 29 mai 2018 par la voix de son ministre chargé de l'agriculture : « Je me suis déjà exprimé sur ce sujet : je suis favorable à la reconnaissance de la production de sel issu des marais salants comme une activité agricole. » Des travaux ont été menés à l'Assemblée nationale et devraient aboutir au dépôt d'une proposition de loi.

Dans la mesure où cette reconnaissance est nécessaire afin d'élargir le droit de préemption des SAFER dans les communes littorales aux bâtiments affectés à la saliculture dans les vingt années précédant leur aliénation, votre rapporteur estime qu'il est temps de franchir le pas et de reconnaître la saliculture marine comme une activité agricole. Comme les autres bâtiments agricoles ou conchylicoles des zones littorales, ils sont incontestablement soumis à une pression foncière forte. Dès lors, pourquoi attendre ?

Votre commission a ainsi adopté un amendement de son rapporteur reconnaissant les activités salicoles des marais salants comme activités agricoles.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
(art. L. 143-1 et article L. 142-5-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)

Extension du droit de préemption des SAFER pour les activités conchylicoles

Objet : permettre aux SAFER de préempter des biens ayant servi à l'exploitation de cultures marines dans les vingt années précédant l'aliénation

I. Le droit en vigueur

1) Les SAFER jouent un rôle significatif dans la gestion du foncier agricole, notamment grâce à leur droit de préemption

Les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) sont un élément essentiel de la gestion du foncier agricole de nos territoires.

Créées par la loi n° 60-808 d'orientation agricole du 5 août 1960, les SAFER ont pour objectif la protection des espaces agricoles, naturels et forestiers.

Aux termes de l'article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime, leurs interventions visent à favoriser l'installation, le maintien et la consolidation d'exploitations agricoles ou forestières afin que celles-ci atteignent une dimension économique viable ainsi que l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations.

Par leurs interventions, elles concourent à la diversité des systèmes de production, des paysages, à la protection des ressources naturelles, au maintien de la diversité biologique, contribuent au développement durable et assurent la transparence du marché foncier rural.

Les SAFER ont le statut d'organismes privés, auxquels il a été reconnu une mission d'intérêt général s'apparentant à la gestion d'un service public.

Pour la réalisation de leurs missions, elles disposent de plusieurs moyens d'action. Elles acquièrent des terres ou des exploitations agricoles librement mises en vente par leurs propriétaires, ainsi que des terres incultes, destinées à être rétrocédées après aménagement éventuel. Elles peuvent devenir propriétaires d'actions ou de parts de sociétés agricoles et peuvent prêter leurs concours à des opérations immobilières ou locatives portant sur les biens d'autrui.

Depuis la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole, il leur a été reconnu un droit de préemption pour l'exercice de leur mission.

Elles peuvent l'exercer, d'une part, selon un régime spécifique, pour le compte du département dans les zones agricoles et naturelles périurbaines ainsi que pour les agences de l'eau pour l'acquisition de terrains en zones humides.

Elles détiennent, d'autre part, un droit de préemption propre encadré par le chapitre III du titre IV du livre 1 er du code rural et de la pêche maritime (articles L. 143-1 et suivants).

Toutefois, ce droit de préemption est de second rang par rapport aux droits de préemption établis au profit de l'État, des collectivités publiques, des établissements publics ainsi que de certaines personnes privées.

Mais les SAFER ne recourent pas systématiquement au droit de préemption. Environ 10 % du nombre d'acquisitions seulement s'effectuent en recourant au droit de préemption, soit moins de 1 % des ventes notifiées aux SAFER. L'existence du droit de préemption a également un caractère dissuasif pour toutes les cessions réduisant l'emprise du foncier agricole.

2) Procédure du droit de préemption des SAFER

Dûment informées d'un projet d'aliénation à titre onéreux, sauf exceptions, les SAFER habilitées peuvent recourir à leur droit de préemption à la condition qu'elles poursuivent un des objectifs déterminés pour assurer la protection du foncier agricole et listé à l'article L. 143-2.

Les neuf finalités du droit de préemption des SAFER limitativement énumérées à l'article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime

1° L'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs ;

2° La consolidation d'exploitations afin de permettre à celles-ci d'atteindre une dimension économique viable au regard des critères du schéma directeur régional des exploitations agricoles et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes, dans les conditions prévues à l'article L. 331-2 ;

3° La préservation de l'équilibre des exploitations lorsqu'il est compromis par l'emprise de travaux d'intérêt public ;

4° La sauvegarde du caractère familial de l'exploitation ;

5° La lutte contre la spéculation foncière ;

6° La conservation d'exploitations viables existantes lorsqu'elle est compromise par la cession séparée des terres et de bâtiments d'habitation ou d'exploitation ;

7° La mise en valeur et la protection de la forêt ainsi que l'amélioration des structures sylvicoles dans le cadre des conventions passées avec l'État ;

8° La protection de l'environnement, principalement par la mise en oeuvre de pratiques agricoles adaptées, dans le cadre de stratégies définies par l'État, les collectivités territoriales ou leurs établissements publics ou approuvées par ces personnes publiques en application du présent code ou du code de l'environnement ;

9° Dans les conditions prévues par la section 3 du chapitre III du titre I er du livre I er du code de l'urbanisme, la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains.

L'exercice du droit de préemption par les SAFER est subordonné à l'accord des commissaires du Gouvernement.

La SAFER peut acquérir le bien sans réserve ou préempter le bien sous condition d'une révision des modalités lorsqu'elle estime que « les prix et les conditions de vente » sont exagérés. C'est le mécanisme de la « révision de prix » prévu à l'article L. 143-10 du code rural et de la pêche maritime. Elle établit alors une offre d'achat à ses conditions après accord des commissaires du Gouvernement.

Si le vendeur n'accepte pas l'offre, il peut décider de retirer le bien de la vente ou demander au tribunal compétent la révision du prix proposé par la SAFER.

Une fois le prix fixé par le juge, la SAFER comme le vendeur ont la capacité de renoncer à l'opération. Toutefois, le vendeur peut demander la réalisation de la vente dans un délai de trois ans à compter du jugement définitif.

L'article R. 142-2 du code rural et de la pêche maritime dispose enfin que « pendant un délai de dix ans au moins, l'attributaire ou ses ayants cause doit recueillir l'accord de la société d'aménagement foncier et d'établissement rural approuvé par les commissaires du Gouvernement, pour toute cession conduisant au morcellement d'une exploitation attribuée en application du présent article ou pour tout changement de sa destination agricole ou forestière ».

3) Champ du droit de préemption des SAFER

L'exercice du droit de préemption de la SAFER est permis dans les zones définies par décret dans lesquelles elle est autorisée à exercer ce droit, et, le cas échéant, si le terrain atteint une superficie suffisante.

Sont soumis au droit de préemption des SAFER tous les biens ayant un usage agricole au moment de l'aliénation à titre onéreux, c'est-à-dire :

- les biens immobiliers à usage agricole comme les bâtiments d'exploitation ;

- les terrains qui sont le support d'une activité agricole ;

- et les biens mobiliers attachés aux biens immobiliers à usage agricole (cheptels morts ou vifs, stocks nécessaires à l'exploitation, investissements réalisés au bénéfice de la production).

Y sont également soumis les biens qui, au moment de l'aliénation, n'ont pas un usage agricole. C'est le cas :

(i) des terrains nus à vocation agricole

Deux conditions sont à remplir :

- ces terrains ne doivent supporter que des friches, des ruines ou des installations temporaires, occupations ou équipements qui ne sont pas de nature à compromettre définitivement leur vocation agricole ;

- ils doivent être situés dans une zone déterminée à l'alinéa 1 er de l'article L. 143-1 :

o soit dans une zone agricole protégée 9 ( * ) définie par arrêté préfectoral ;

o soit à l'intérieur d'un périmètre des espaces agricoles et naturels périurbains 10 ( * ) ;

o soit dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière délimitée par un document d'urbanisme ;

o soit, en l'absence d'un document d'urbanisme, dans les secteurs ou parties non encore urbanisés des communes, à l'exclusion des bois et forêts.

(ii) des bâtiments d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole

(iii) des bâtiments ayant été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole dans les cinq années ayant précédé l'aliénation.

Les SAFER peuvent donc également exercer leur droit de préemption sur des bâtiments ayant été utilisés dans le passé pour l'exercice d'une activité agricole.

L'exercice de ce droit de préemption au caractère rétroactif a été mis en place par l'article 82 de la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 pour les communes de montagne 11 ( * ) , à l'initiative du Sénat, dans le but d'éviter que les bâtiments situés en zone de montagne et abandonnés depuis peu échappent au droit de préemption.

Le législateur a entendu, dans la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, étendre cette possibilité à l'ensemble du territoire.

L'objectif était, notamment, de permettre d'élargir le domaine de d'intervention de la SAFER sur des biens abandonnés ou reconvertis pour d'autres usages.

Trois conditions sont à respecter aujourd'hui :

- un critère géographique : le bâtiment doit se situer dans une commune de montagne ou dans des zones ou espaces à vocation agricole. Comme précisé précédemment, ce sont les terrains situés dans les zones agricoles protégées, dans le périmètre des espaces agricoles et naturels périurbains, dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière dans le PLU, ou en l'absence de document d'urbanisme, dans les secteurs non urbanisés hors bois et forêts ;

- un critère historique : le bâtiment doit avoir été utilisé pour l'exercice d'une activité agricole au cours des cinq dernières années qui ont précédé l'aliénation ;

- une finalité : le droit de préemption doit avoir pour objet de rendre au bâtiment un usage agricole.

Lors de l'application de ce droit de préemption spécifique, le mécanisme de révision de prix prévu à l'article L. 143-10 du code rural et de la pêche maritime ne s'applique pas « lorsque les bâtiments concernés ont fait l'objet d'un changement de destination ».

II. La proposition de loi initiale

L'article 1 er de la proposition de loi prévoit une extension du droit de préemption des SAFER spécifiquement pour protéger les activités conchylicoles.

Deux dérogations au droit de préemption de droit commun étaient prévues.

D'une part, dès lors que les activités conchylicoles nécessitent une proximité immédiate de la mer, les auteurs de la proposition de loi entendaient permettre aux SAFER d'exercer un droit de préemption sur les biens et bâtiments « même s'ils n'ont pas été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole au cours des cinq dernières années qui ont précédé l'aliénation ». Ainsi, contrairement au droit commun, toute aliénation d'un bien ou d'un bâtiment ayant eu dans le passé une activité conchylicole était susceptible d'être préemptée par une SAFER. Même si la date de leur changement de destination était antérieure de cinq ans à l'aliénation, les bâtiments étaient concernés.

D'autre part, le lieu d'implantation des bâtiments allait théoriquement au-delà des zones définies au premier alinéa de l'article L. 143-1 encadrant le droit de préemption de droit commun des SAFER et pouvait, dès lors, concerner par exemple des zones urbaines ou à urbaniser.

Enfin, l'article 1 er de la proposition de loi initiale prévoyait qu'une fois le droit de préemption exercé par la SAFER sur ce bâtiment, le changement d'affectation était interdit.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission et en séance, les députés, à l'initiative du rapporteur, ont réduit les très larges dérogations que la proposition initiale prévoyait pour les activités conchylicoles, sans toutefois altérer l'esprit du dispositif.

(i) Un champ aligné sur le zonage prévu par le droit commun et étendu, plus généralement, aux cultures marines

Les amendements CE24 et CE13 du rapporteur et des membres du groupe La République en marche ont tout d'abord modifié le champ du droit de préemption spécifique prévu par la proposition de loi.

D'une part, ils l'ont étendu aux « cultures marines » pour ne pas le limiter aux seules activités conchylicoles. Si les cultures marines recoupent essentiellement la conchyliculture, elles concernent aussi la pisciculture, l'algoculture ainsi que la production de vers marins, de phytoplanctons et de zooplanctons.

D'autre part, le droit de préemption ne s'appliquera qu'aux seuls bâtiments situés dans les zones agricoles protégées, au sein des périmètres des espaces agricoles et naturels périurbains, dans une zone agricole ou une zone naturelle et forestière dans le PLU, ou en l'absence de document d'urbanisme, dans les secteurs non urbanisés hors bois et forêts.

L'amendement CE17 du rapporteur a remplacé la mention de proximité immédiate de la « mer » par la proximité immédiate de « l'eau » pour mieux rendre compte de la réalité territoriale de l'activité conchylicole.

Il est à noter que le droit de préemption ne peut plus s'exercer que sur des bâtiments, les amendements CE18 , CE9 et CE14 ayant préféré cette rédaction à l'utilisation du terme « biens ».

Enfin, en séance, les députés, en adoptant l'amendement n° 27 du rapporteur, ont précisé que l'application de ce droit de préemption spécifique était limitée aux bâtiments situés dans une commune littorale au sens de l'article L. 321-2 du code de l'environnement , c'est-à-dire :

- Les communes riveraines des mers et océans, des étangs salés et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ;

- Les communes, dont la liste est définie par décret, riveraines des estuaires et des deltas lorsqu'elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux.

(ii) Une durée limitée à vingt ans avant l'aliénation pour apprécier le caractère conchylicole du bâtiment visé par la préemption

En commission, les amendements CE18 du rapporteur, CE9 de Mme Lasserre-David et de quelques membres du groupe Mouvement Démocrate et apparentés et CE14 des membres du groupe La République en marche ont limité dans le temps le droit de préemption des SAFER aux bâtiments ayant été utilisés pour l'exploitation de cultures marines « au cours des vingt années qui ont précédé l'aliénation ».

(iii) Une garantie : l'application de la révision de prix en fonction de la légalité du changement de destination

L'amendement CE31 du rapporteur en commission, complété par les amendements n° 29 et 34 du même rapporteur en séance, apporte une sécurisation juridique importante du dispositif en prévoyant une application proportionnée du mécanisme de révision de prix prévu à l'article L. 143-10 du code rural et de la pêche maritime en cas d'exercice du droit de préemption par la SAFER sur des bâtiments ayant été affectés aux cultures marines.

Si le bâtiment répond aux critères nécessaires à l'exercice du droit de préemption, la SAFER ne pourra pas appliquer son pouvoir de révision de prix dans tous les cas.

Si le bâtiment concerné a fait l'objet d'un changement de destination dans les vingt années précédant l'aliénation sans respecter les « règles d'urbanisme applicables », la SAFER pourra proposer une révision du prix si elle estime que le prix et les conditions d'aliénation sont exagérés.

En revanche, si le changement de destination a été effectué en respectant les règles d'urbanisme applicables, la SAFER ne pourra pas utiliser sa faculté de réviser les prix.

Concrètement, si un bâtiment ostréicole a été transformé, en toute légalité, en habitation lors des vingt années précédant l'aliénation, lors de sa vente, la SAFER pourra le préempter pour lui rendre un usage, par exemple, ostréicole mais devra alors accepter de payer le prix exigé par le vendeur. En pratique, ce prix étant très élevé, le droit de préemption ne devrait être que très rare.

(iv) Une priorité au maintien d'activités conchylicoles en cas de préemption d'un bâtiment précédemment dédié à celles-ci

Enfin, plusieurs amendements du rapporteur ( CE19 , CE20 et CE26 ) et de M. Lurton ( CE4 ) ont prévu un mécanisme d'affectation spécifique des bâtiments préemptés par les SAFER à des conchyliculteurs.

Les SAFER pourront faire usage de leur droit de préemption uniquement dans le but « d'affecter ces bâtiments à l'exploitation de cultures marines ».

Le mécanisme a été renforcé d'une obligation spécifique, placée au sein d'un nouvel article L. 142-5-1 du code rural et de la pêche maritime.

Lorsque le droit de préemption concerne un bâtiment ayant eu un usage conchylicole, la SAFER doit le céder en priorité à un candidat s'engageant à poursuivre une telle activité pour une durée minimale de dix ans.

Cette nouvelle rédaction permet de supprimer la référence à l'interdiction de tout « changement d'affectation ».

Enfin, les amendements CE16 , n° 25 , n° 29 et n° 34 sont rédactionnels ou assurent une coordination juridique.

IV. La position de votre commission

Votre commission salue le travail réalisé tant en commission qu'en séance à l'Assemblée nationale.

Il en résulte un mécanisme justifié et de nature à être réellement dissuasif à l'égard des contournements rencontrés dans les communes littorales tout en présentant des garanties au regard du droit de propriété.

L'encadrement général de l'action des SAFER est déjà de nature à rassurer : agréées par l'État, elles n'exercent leur droit de préemption que sous des conditions strictes. Le conseil d'administration et les commissaires du Gouvernement sont les garants de l'utilisation pertinente de l'outil du droit de préemption qui, compte tenu de sa « violence » pour les vendeurs, doit n'être exercé que lorsque cela est nécessaire.

L'extension du délai ouvrant droit à l'exercice du droit de préemption des SAFER s'accompagne, en outre, d'un encadrement qui apparaît approprié.

D'une part, l'impossibilité d'appliquer le mécanisme de révision de prix si le changement de destination a été effectué en conformité avec les règles d'urbanisme est une garantie pour limiter les atteintes au droit de propriété.

D'autre part, le champ de ce droit de préemption dérogatoire est circonscrit à un nombre limité de communes où la spéculation foncière est très vive.

Enfin, le délai de vingt ans retenu par l'article apparaît mesuré.

Il se justifie par un motif d'intérêt général suffisant dans le but d'assurer le maintien d'activités agricoles sur l'ensemble du territoire, notamment dans des zones littorales qui ont besoin d'activités économiques exercées toute l'année, d'autant qu'elles participent, en outre, à l'entretien de traditions locales et à la renommée de terroirs qui entretiennent le tourisme.

Les contournements à l'oeuvre pour échapper au droit de préemption des SAFER, dont les objectifs ont été définis au niveau législatif, ne sont pas tolérables. Ils entretiennent la chute des activités conchylicoles au bord de mer.

L'extension du délai permettant de prouver le caractère conchylicole, piscicole ou aquacole du bâtiment avant l'aliénation de 5 à 20 ans est incontestablement de nature à réduire ces contournements. C'est un délai de 20 ans suffisamment dissuasif sans être disproportionné. En outre, l'instrument a davantage vocation à dissuader les contournements qu'à permettre une recrudescence du recours au droit de préemption par les SAFER.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2
(art. L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime)

Extension du droit de préemption des SAFER dans les communes littorales

Objet : permettre aux SAFER de préempter des biens ayant servi à l'exercice d'une activité agricole dans les vingt années précédant l'aliénation dans les communes littorales

I. La proposition de loi initiale

Suivant la même logique que l'article 1 er , l'article 2 de la proposition de loi étend le champ du droit de préemption des SAFER dans les communes littorales aux bâtiments utilisés pour une activité agricole dans le passé, quel que soit le délai. L'exercice de ce droit de préemption a pour objectif de rendre à ces bâtiments un usage agricole.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

En commission comme en séance, les députés ont entendu assurer une coordination juridique entre l'article 1 er et le présent article de la proposition de loi.

Ainsi, le droit de préemption prévu à l'article 2 a été :

- Précisé en ce qu'il s'appliquera à toutes les communes ou parties de communes littorales, et non uniquement, comme pouvait le laisser entendre la rédaction initiale de la proposition de loi, aux seules communes riveraines des estuaires et des deltas désignées par décret (amendement CE23 du rapporteur) ;

- Réservé aux bâtiments situés dans les zones ou espaces mentionnés au premier alinéa de l'article L. 141-3 du code rural et de la pêche maritime et qui ont été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole au cours des vingt années précédant l'aliénation (amendements CE21 , CE11 et CE12 ) ;

- Encadré en ce qui concerne le mécanisme de révision de prix . La révision des prix ne pourra s'appliquer qu'en cas de changement de destination effectué en violation des règles d'urbanisme applicables au cours des vingt années précédant l'aliénation (les amendements n° 30 et n° 35 du rapporteur adoptés en séance précisant l'amendement CE32 qu'il avait fait adopter au stade de la commission).

III. La position de votre commission

Comme pour l'article 1 er , votre commission souscrit au mécanisme proposé par la proposition de loi.

La problématique de la pression foncière entraînant une chute du nombre d'exploitations agricoles dans les communes littorales est la même pour les bâtiments conchylicoles que pour les autres cultures.

Dès lors, il apparaît tout à fait justifié de limiter les tentatives de contournement au droit de préemption des SAFER pour toutes les activités agricoles dans les communes littorales.

Certaines personnes auditionnées ont fait part, à votre rapporteur, de leurs craintes que cet article porte une atteinte au droit de propriété qui serait plus importante que l'article 1 er réservé aux seules activités conchylicoles dans la mesure où la nécessité de la proximité du littoral apparaît moins évidente.

C'est pour conjurer ce risque qu'il propose de conserver la rédaction de l'article 1 er et de l'article 2 alors que, les cultures marines étant des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, l'alinéa 6 de l'article 1 er apparaît satisfait par l'article 2.

Toutefois, votre rapporteur ne partage pas cette appréciation du risque juridique. La pérennisation des activités économiques hors saison touristique dans ces communes, les externalités positives liées aux exploitations agricoles en matière de faune, de flore et de préservation de l'environnement sur les littoraux ou la sauvegarde de productions ayant un aspect « culturel » pour certains terroirs, servant donc à l'attractivité de ces derniers, sont des motifs d'intérêt général suffisants. Il rappelle que l'outil a une vocation avant tout dissuasive à l'égard des contournements.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 (suppression maintenue)
(art. L. 122-11 du code de l'urbanisme)

Extension du droit de préemption des SAFER dans les communes de montagne

Objet : permettre aux SAFER de préempter des biens ayant servi à l'exercice d'une activité agricole dans les vingt années précédant l'aliénation dans les communes de montagne

I. Le droit en vigueur

Les zones de montagne connaissent des handicaps spécifiques qui entravent l'exercice de certaines activités économiques.

Pour les identifier, les articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne énumèrent les caractéristiques permettant le classement d'une commune dans une zone de montagne.

Pour le territoire métropolitain, les zones de montagne comprennent des communes ou parties de communes caractérisées par une limitation considérable des possibilités d'utilisation des terres et un accroissement important des coûts des travaux compte tenu :

- soit de l'altitude et de conditions climatiques très difficiles se traduisant par une période de végétation courte ;

- soit de la présence, dans la majeure partie du territoire, de fortes pentes qui empêche toute mécanisation ou qui en rend l'usage très onéreux.

Les deux facteurs peuvent être combinés lorsque l'importance du handicap, résultant de chacun des facteurs pris séparément, est moins accentuée.

Un arrêté délimite et rattache à un massif chaque zone de montagne.

Dans les départements d'outre-mer, les zones de montagne comprennent les communes situées à une altitude supérieure à :

- 500 mètres dans le département de la Réunion ;

- 350 mètres dans les départements de la Guadeloupe et de la Martinique ;

- 100 mètres si la majeure partie du territoire présente des pentes de 15 % au moins.

Chaque zone est délimitée par arrêté interministériel.

Les zones comprises dans ces espaces de montagne font l'objet de plusieurs protections.

Concernant plus précisément le volet agricole, forestier et pastoral, l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme dispose que les terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières, en particulier les terres qui se situent dans les fonds de vallée, sont préservées.

Ces zones devront être classées dans les PLU en zones agricole (A) ou naturelle (N) qui pourront être totalement inconstructibles ou n'accueillir que des constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole définies à l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme, sauf exceptions particulières.

En outre, compte tenu de la pression foncière particulière exercée dans les zones de montagne, le droit de préemption des SAFER a très tôt été mobilisé pour apporter des garanties supplémentaires au maintien de l'activité agricole en altitude.

Lors des débats au Sénat sur la loi de modernisation agricole de 2006, un amendement de M. Jacques Blanc et de plusieurs de ses collègues a étendu le champ d'intervention des SAFER dans les zones de montagne « compte tenu du caractère particulièrement sensible du foncier dans les zones de montagne ».

L'amendement ainsi adopté, inséré à l'article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime, dispose que dans les communes de montagne, la SAFER peut exercer un droit de préemption sur les bâtiments utilisés pour l'exercice d'une activité agricole au cours des cinq dernières années précédant l'aliénation. L'exercice du droit de préemption ne s'applique qu'à la condition de rendre un usage agricole à ces bâtiments.

Lorsqu'il est exercé, la révision de prix n'est pas possible lorsque ces bâtiments ont fait l'objet d'un changement de destination.

Cet article est toujours en vigueur aujourd'hui et a été étendu, par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, à l'ensemble du territoire sous certaines conditions (voir article 1 er ).

II. La proposition de loi initiale

L'article 3 de la proposition de loi initiale étend aux communes de montagne le droit de préemption dérogatoire des SAFER applicable aux bâtiments ayant eu dans le passé une activité agricole afin de leur rendre un usage agricole à la double condition :

- Que ces bâtiments se situent dans des terres nécessaires au maintien et au développement des activités agricoles, pastorales et forestières au sens de l'article L. 122-10 du code de l'urbanisme ;

- Qu'ils ont été utilisés dans le passé pour « l'exercice d'une activité agricole, pastorale ou forestière ».

Si l'article avait été adopté, trois droits de préemption pour les communes de montagne auraient cohabité :

- le premier applicable en cas d'aliénation d'un bâtiment agricole (alinéa 1 er de l'article L. 143-1 du code rural et de la pêche maritime) ;

- le second exerçable en cas d'aliénation d'un bâtiment agricole ayant été utilisé pour l'exercice d'une activité agricole dans les cinq années ayant précédé l'aliénation, quel que soit le zonage de la commune de montagne (alinéa 7 du même article) ;

- le troisième, que la proposition de loi propose d'instaurer, mobilisable pour tous les bâtiments ayant eu dans le passé un usage agricole s'ils sont situés sur des terres nécessaires au maintien de l'activité agricole, pastorale ou forestière.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté, au stade de la commission, l'amendement CE6 de Mme Battistel et de certains membres du groupe Socialistes et apparentés qui a supprimé l'article 3, avec un avis de sagesse du rapporteur.

IV. La position de votre commission

Sans méconnaître la pression foncière à laquelle font face les exploitations agricoles dans les communes de montagne, votre commission estime qu'il n'est pas nécessaire, faute de consensus suffisant, d'étendre ce droit de préemption dérogatoire aux communes de montagne.

Lors de ses auditions, votre rapporteur a sollicité l'avis des élus de la montagne et des SAFER sur l'opportunité de cette mesure. Pour eux, aucune demande particulière spécifique relative à l'exercice du droit de préemption des SAFER dans les communes de montagne n'a été identifiée aujourd'hui. Le dispositif permettant aux SAFER de préempter des bâtiments ayant eu une activité agricole dans les cinq années précédant l'aliénation dans ces communes ne semble pas faire l'objet de contestation.

C'est ce que semblent confirmer les évolutions législatives récentes. Votre rapporteur rappelle en effet que lors de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 (Acte II de la loi montagne), le droit de préemption des SAFER spécifique aux communes de montagne a été modifié 12 ( * ) mais qu'aucune modification n'a été apportée sur le délai de cinq ans.

Votre commission a maintenu la suppression de l'article.

Article 3 bis (nouveau)
(art. L. 143-1-1 et L. 143-16 du code rural et de la pêche maritime)

Coordination juridique

Objet : conséquences juridiques résultant de l'adoption des articles 1 er et 2

I. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté à l'initiative du rapporteur deux amendements de coordination juridique ( CE25 et n° 26 ) modifiant les articles L. 143-1-1 et L. 143-16 du code rural et de la pêche maritime pour prendre en compte la nouvelle numérotation des alinéas de l'article L. 143-1 du même code modifié par les articles 1 er et 2.

II. La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 4 (suppression maintenue)
(art. L. 121-17 du code de l'urbanisme)

Implantation d'annexes nécessaires à la conchyliculture en discontinuité d'urbanisation

Objet : faciliter l'implantation d'annexes nécessaires à la production conchylicole en discontinuité d'urbanisation dans les communes littorales

I. Le droit en vigueur

La loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite « Loi Littoral », entend concilier la préservation des espaces et des milieux littoraux avec l'urbanisation des communes littorales.

Elle repose sur plusieurs principes :

- L'interdiction d'urbaniser sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (article L. 121-16 du code de l'urbanisme), sauf pour les installations nécessaires à des services publics ou des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (article L. 121-17 du même code) ;

- L'extension limitée de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage documentée dans le plan local d'urbanisme (article L. 121-13) ;

- La restriction des constructions aux seuls « aménagements légers » dans les espaces remarquables (article L. 121-24) ;

- L'extension de l'urbanisation en « continuité » avec l'urbanisation existante (article L. 121-8).

L'objectif de ce dernier principe d'urbanisation en continuité dans les communes littorales est d'éviter un mitage des zones non urbanisées du littoral, l'urbanisation nouvelle se réalisant autour des zones déjà urbanisées.

L'article 109 de la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, à l'initiative du Sénat comme le rappelle Mme Dominique Estrosi-Sassone dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la loi ELAN, a toutefois prévu une dérogation à ce principe au bénéfice de certaines constructions liées à des activités agricoles ou forestières, aujourd'hui codifiée à l'article L. 121-10 du code de l'urbanisme.

Des constructions peuvent être autorisées, sous réserve de l'accord de l'autorité administrative compétente de l'État après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, qui vérifie que ces constructions ne portent pas atteinte à l'environnement ou aux paysages.

Elles ne peuvent toutefois être autorisées dans les espaces proches du rivage.

Cet article a été modifié par l'article 43 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique afin, notamment, de l'adapter aux problématiques des cultures marines.

Il a ainsi :

- étendu le champ des dérogations au principe d'urbanisation en continuité prévu à l'article L. 121-8 aux constructions nécessitées par les cultures marines ;

- permis qu'elles soient réalisées dans les espaces proches du rivage, en dérogation de l'article L. 121-13.

Deux garde-fous ont été ajoutés. D'une part, l'accord de l'autorité administrative compétente de l'État sera pris après un avis complémentaire de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. D'autre part, le changement de destination de ces constructions est interdit afin d'éviter, par exemple, qu'un atelier de conchyliculture récemment construit ne se transforme, très rapidement, en résidence secondaire au bord du rivage.

II. La proposition de loi initiale

L'article 4 de la proposition de loi initiale entend étendre les dérogations aux articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme pour les « installations d'annexes nécessaires aux activités conchylicoles nécessitant la proximité immédiate de l'eau ».

Ces dérogations ne peuvent être accordées :

- Qu'à la condition que ces installations ne portent pas atteinte à l'environnement ou aux sites et paysages remarquables ;

- Qu'avec l'accord de l'autorité administrative de l'État et après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites.

Enfin, pour éviter tout contournement, tout changement « d'affectation » est interdit.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

À l'initiative du rapporteur (amendement CE22 ), les députés ont supprimé l'article constatant que l'intégralité des dérogations prévues par la proposition de loi figurait déjà au sein du code de l'urbanisme depuis l'adoption de la loi ELAN.

IV. La position de votre commission

Votre commission a maintenu la suppression de l'article.

Article 5
(art. L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime)

Extension du droit de préemption des SAFER aux bâtiments utilisés pour une activité salicole, désormais reconnue comme agricole

Objet : reconnaissance des bâtiments salicoles des marais salants comme éligibles aux dispositions de l'article 2 de la proposition de loi à travers la reconnaissance des activités salicoles comme agricoles

I. Le droit en vigueur

Aux termes de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, sont réputées agricoles :

- toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle et les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation ;

- les activités de cultures marines ;

- les activités de préparation et d'entraînement des équidés domestiques en vue de leur exploitation, à l'exclusion des activités de spectacle ;

- la production et, le cas échéant, la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation, lorsque cette production est issue pour au moins 50 % de matières provenant d'exploitations agricoles.

Faute d'entrer dans ces catégories, les activités salicoles consistant à produire du sel par l'exploitation de marais salants, ne sont pas reconnues comme des activités agricoles.

II. La position de votre commission

Dans la mesure où l'article 2 de la proposition de loi renforce le droit de préemption des SAFER pour les bâtiments « qui ont été utilisés pour l'exercice d'une activité agricole », les bâtiments salicoles des communes littorales sont exclus du dispositif de la proposition de loi.

Or, ils sont soumis à la même pression foncière que les autres bâtiments agricoles ou conchylicoles dans ces communes compte tenu de leur proximité du rivage. Les exclure constitue une injustice que votre commission, à l'initiative de votre rapporteur, a entendu réparer.

Pour que les bâtiments salicoles soient concernés par le dispositif, votre commission a donc décidé de reconnaître la saliculture comme activité agricole.

Votre rapporteur rappelle qu'une reconnaissance implicite a déjà eu lieu.

Les exploitants saliculteurs sont par exemple déjà affiliés à la Mutualité sociale agricole. En outre, ils sont soumis à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices agricoles. Fiscalement et socialement, les saliculteurs sont donc déjà considérés dans les faits comme agriculteurs.

Mais juridiquement, ce statut ne leur est pas accordé, engendrant un flou juridique pour les exploitants qui ont des difficultés à savoir quel dispositif leur est réellement applicable.

La reconnaissance de la saliculture marine comme une activité agricole, qui nécessite une modification de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime, emporte plusieurs conséquences, notamment :

- l'ouverture du droit des saliculteurs aux indemnisations au titre des « calamités agricoles »;

- l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties des bâtiments qui servent aux exploitations rurales (article 1382 du CGI) ;

- la possibilité d'avoir des organisations de producteurs reconnues.

Plusieurs propositions de loi, de tous les bords politiques, ont été déposées pour procéder à cette reconnaissance, dont celle de M. Bruno Retailleau en 2017 13 ( * ) .

La réflexion sur le sujet a mûri. Le Gouvernement s'est déclaré favorable à cette reconnaissance dans l'hémicycle à l'Assemblée nationale le 29 mai 2018 par la voix de son ministre chargé de l'agriculture : « Je me suis déjà exprimé sur ce sujet : je suis favorable à la reconnaissance de la production de sel issu des marais salants comme une activité agricole. » Des travaux ont été menés à l'Assemblée nationale et devraient aboutir au dépôt d'une proposition de loi.

Constatant que la nécessaire extension du droit de préemption renforcé des SAFER dans les communes littorales aux bâtiments salicoles constitue un lien direct avec le texte en discussion, votre commission, à l'initiative de votre rapporteur ( AFFECO-1 ), a proposé cette reconnaissance.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 février 2019, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi n° 169 (2018-2019), adoptée par l'Assemblée nationale, pour la protection des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous en venons à l'examen de la proposition de loi pour la protection des activités agricoles et des cultures marines dans les zones littorales.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - La proposition de loi de Jimmy Pahun, député du Morbihan, a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Je voudrais ici saluer la qualité du travail tant de l'auteur que de la commission. Ce texte évoque la protection des activités agricoles et des cultures marines dans les zones littorales, mais, ne nous y trompons pas : il ne concerne qu'un seul dispositif : le renforcement de l'efficacité du droit de préemption des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) dans les communes littorales. La proposition de loi porte donc assez mal son nom, car son champ est en réalité très restreint. Je vous proposerai un amendement sur ce point.

Le périmètre très circonscrit de ce texte ne manque pas d'étonner alors que, depuis près d'un an, est annoncée à grands renforts d'annonces médiatiques une loi sur le foncier agricole. Nous l'attendons avec une certaine impatience ! Ce sujet très spécifique aurait pu être débattu dans ce cadre. Ainsi, l'examen à marche forcée de cette proposition de loi traitant d'un seul sujet lié au foncier agricole, alors même que le calendrier législatif est particulièrement chargé, semble annoncer un report sine die de l'examen de cette loi foncière, ce que je regrette. Je n'estime pas qu'il faille appeler à un changement radical des protections accordées aujourd'hui aux exploitations agricoles. Certaines problématiques spécifiques mériteraient cependant d'être traitées rapidement. Je pense à la protection des activités agricoles françaises face aux investissements étrangers de plus en plus fréquents. La censure partielle par le Conseil constitutionnel de la loi relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle a bloqué la réflexion sur le sujet.

Cette loi foncière devrait être un moment important pour se poser une question essentielle : qu'est-ce qu'est un agriculteur au XXI ème siècle ?

J'en viens au contenu de la proposition de loi. Les communes littorales sont soumises à une pression foncière qui se renforce chaque année. Elles sont en effet 2,4 fois plus peuplées que la moyenne métropolitaine. Le déséquilibre entre une offre rare et une demande forte provoque une explosion des prix : ils ont été multipliés par près de 2,5 entre 1997 et 2010 alors que la moyenne nationale a été multipliée par 1,5 sur la même période. Aujourd'hui, le prix de vente d'un bâtiment à usage agricole à un non professionnel peut y être jusqu'à dix fois supérieur au prix de vente à un professionnel. Pour un exploitant agricole ou un conchyliculteur arrivant à la retraite, une cession foncière à un non professionnel est parfois la seule solution. C'est une rétribution du travail de toute une vie à sa juste valeur. Les choix de ces agriculteurs, nous les comprenons. Toutefois, chaque cession est irréversible et contribue à faire disparaître une activité agricole de nos littoraux au profit de résidences, le plus souvent secondaires.

Or les activités agricoles et conchylicoles sont nécessaires à la survie de nos espaces littoraux. Elles font partie de la fierté de ces terroirs. Elles en constituent une partie de leur identité et de leur écosystème. Comment imaginer Arcachon sans ses huîtres vertes ou le bassin de Thau sans ses huîtres au léger goût de noisette ? Et je ne parle pas des huîtres de Marennes d'Oléron chères à Daniel Laurent !

Les activités agricoles de ces communes littorales permettent aussi le maintien d'une activité économique durable toute l'année, sans lien avec le cycle touristique. C'est un point essentiel pour nos communes littorales. Elles entretiennent également la faune et la flore si particulières de nos régions côtières, participent à la qualité des eaux et du biotope, le tout au profit de l'environnement.

L'objectif est donc d'arriver au plus juste équilibre entre la préservation des activités littorales, la nécessaire valorisation du travail des agriculteurs et le développement du tourisme.

La proposition de loi traite des contournements aux dispositions législatives déjà en vigueur. Depuis 2014, le droit de préemption des Safer s'applique lors des ventes de biens situés principalement dans des zones agricoles ou naturelles ayant fait l'objet de l'exercice d'une activité agricole dans les cinq années précédentes. Il s'agit principalement de préserver les activités agricoles. Or, compte tenu du prix du foncier dans les zones littorales, on peut facilement, notamment en Bretagne, attendre cinq ans sans utiliser le bâtiment, pour échapper ensuite au droit de préemption des Safer. Les articles 1 er et 2 visent à lutter contre ce contournement, en prenant en considération l'utilisation des bâtiments au cours des vingt années précédant la vente.

Une garantie importante est cependant apportée aux propriétaires quant au prix. En temps normal, la Safer peut demander une révision du prix si elle considère qu'il est excessif. Dans ce texte, si le changement de destination a été réalisé lors des vingt dernières années en toute légalité, la Safer pourra préempter le bâtiment mais devra payer le prix exigé par le vendeur. En revanche, si le changement de destination n'a pas été réalisé légalement, la Safer pourra demander une révision du prix. Si le vendeur refuse cette offre révisée, il pourra retirer son bien de la vente ou demander au juge de trancher sur « le juste prix ». Cette sécurité me semble nécessaire et renforce la constitutionnalité du dispositif au regard du respect de droit de propriété. L'article 1 er précise en outre que si la Safer préempte un bien dont le dernier usage a été conchylicole, elle le cède en priorité à un candidat s'engageant à poursuivre cette activité.

Cette proposition de loi a été utilement modifiée en commission et en séance publique à l'Assemblée nationale. Nous devons préserver ces modifications. Aujourd'hui, les Safer peuvent vérifier si, cinq ans avant la vente, le bâtiment avait une vocation agricole. Le texte dont nous sommes saisis porte ce délai à vingt ans alors que dans la proposition de loi initiale, il était illimité. En outre, les Safer pouvaient baisser le prix dans toutes les transactions, y compris lorsque les changements de destination étaient parfaitement légaux. La rédaction actuelle apparaît bien plus équilibrée et respectueuse du droit de propriété.

L'article 3 étendait également ce droit de préemption spécifique des Safer aux communes de montagne. Cet article a été supprimé en commission à l'Assemblée nationale. Certes, la pression foncière s'exerce aussi dans les communes de montagne, mais les problématiques sont différentes. La loi « Montagne » ne peut être comparée à la loi « Littoral » : l'économie locale, la législation, les équilibres en présence sont différents. Modifier l'une ne doit pas entraîner la modification de l'autre.

Je propose donc de conserver la rédaction de l'Assemblée nationale pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le délai commun de cinq ans avant l'aliénation continuera de s'appliquer dans ces communes de montagne. De plus, selon les représentants des élus de la montagne, aucune remontée de l'Association nationale des élus de montagne (Anem) ni de la Fédération nationale des Safer (FNSAFER) n'a démontré l'insuffisance du délai de cinq années. Lors de l'examen de l'acte II de la loi « Montagne », en 2016, le droit de préemption des Safer spécifique aux communes de montagne a été modifié. Or, lorsque nous avons examiné cet article qui nous avait été délégué au fond, nous n'y avons pas apporté de modification. Conservons par conséquent cette rédaction et voyons les conséquences du délai de vingt ans dans les communes littorales.

Enfin, la proposition de loi contenait au départ un article 4 permettant l'implantation d'annexes nécessaires aux activités conchylicoles en discontinuité de l'urbanisation. La loi ELAN l'ayant permis il y a quelques mois, cet article a été supprimé.

Ce texte m'apparaît donc équilibré et il répond à un véritable enjeu foncier dans les communes littorales. Les atteintes au droit de propriété, que le Conseil constitutionnel regardera avec attention, me paraissent limitées. D'une part, les Safer sont très encadrées dans leur action : elles sont agréées par l'État, n'exercent leur droit de préemption qu'avec l'accord de leur conseil d'administration et après avis des deux commissaires du Gouvernement - issus du ministère des finances et du ministère de l'agriculture - qui contrôlent que cette utilisation réponde aux objectifs strictement définis dans la loi.

D'autre part, le délai de vingt ans apparaît suffisamment dissuasif sans l'être trop. Les manoeuvres pour échapper au droit de préemption des Safer dans les communes littorales ne sont pas acceptables. Pour un propriétaire, attendre vingt ans, cela n'est pas la même chose que d'attendre cinq ans. Enfin, le mécanisme de révision de prix réservé aux changements de destination illégaux non sanctionnés apparaît juste et approprié.

Toutefois, il y a un trou dans la raquette : la proposition de loi serait réservée aux seuls bâtiments agricoles et aux bâtiments affectés aux cultures marines dans les communes littorales. Elle ne concernerait donc pas les bâtiments salicoles qui sont soumis à la même pression foncière. Cela provient d'une anomalie dénoncée par tous les groupes politiques du Parlement : en droit, les activités salicoles ne sont pas reconnues comme agricoles dans notre pays. Nous proposons de réparer cela.

De manière indirecte, cette reconnaissance permettrait aux activités salicoles de bénéficier du régime des calamités agricoles et de l'exonération de la taxe sur le foncier bâti. Elle permettrait également aux saliculteurs concernés de pouvoir se constituer en organisations de producteurs reconnues. Le Gouvernement, par la voix du ministre chargé de l'agriculture, s'est engagé à l'Assemblée nationale en ce sens : « Je suis favorable à la reconnaissance de la production de sel issu des marais salants comme une activité agricole ». Si tout le monde est d'accord, pourquoi attendre ? Je vous proposerai donc un amendement en ce sens. En outre, l'engagement du Gouvernement en séance nous prémunit d'une irrecevabilité au titre de l'article 40.

Alors que le Parlement est accusé de ne pas travailler assez vite, cette proposition de loi ciblée nous donne l'occasion de démontrer que nous pouvons voter la loi rapidement. Si nous adoptons ce texte conforme, hormis l'amendement sur les marais salants, nous pourrions répondre à la demande des conchyliculteurs avant l'été. Cela suppose une concertation sur le sujet, quitte à ne pas aborder d'autres sujets, même s'ils sont importants. Si nous modifions le périmètre du texte, le risque serait d'allonger la durée de la navette parlementaire, ce qui reporterait, en pratique, sine die l'adoption de la proposition de loi. Les conchyliculteurs et les producteurs agricoles du littoral attendent ce texte : il ne faut pas les décevoir.

J'ai rencontré le rapporteur de l'Assemblée nationale, auteur de la proposition de loi : il est possible de faire aboutir ce texte s'il n'est pas trop modifié. En outre, il y a une certaine urgence. J'ai déjà été alerté par la Safer de Bretagne de l'augmentation anormale des mises en vente de bâtiments n'ayant plus d'activités agricoles depuis plus de cinq ans dans les communes littorales depuis l'adoption de la proposition de loi à l'Assemblée nationale. Ce phénomène tend à démontrer que les comportements non coopératifs ne sont pas si isolés. Je vous propose donc de conserver la rédaction de l'Assemblée nationale sur les quatre premiers articles, qui ont été adoptés à l'unanimité des groupes politiques. Si ces articles étaient adoptés conformes par le Sénat, ils ne seraient plus examinés par l'Assemblée. Je vous proposerai un amendement ouvrant le droit de préemption des Safer aux bâtiments salicoles. Ce serait la seule mesure de fond qui resterait en discussion à l'Assemblée. Enfin, je présenterai un amendement sur le titre de la proposition de loi, comme je l'ai dit.

Tant les conchyliculteurs, les agriculteurs littoraux que les saliculteurs salueront le fait que le Parlement fasse son travail, comme d'habitude, bien et rapidement. Les activités agricoles et conchylicoles sont nécessaires à la survie de nos espaces littoraux. Elles font l'identité et la fierté de ces terroirs. Il nous revient de les protéger.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci pour ce rapport : l'efficacité est au centre de vos préoccupations.

M. Henri Cabanel . - Nous devons aller vite pour répondre aux attentes de la profession. Merci d'avoir mentionné l'excellence des huîtres de l'étang de Thau, mais la situation est préoccupante : la moyenne d'âge des professionnels est relativement élevée et les repreneurs se font rares.

Je suis favorable à une augmentation des pouvoirs des Safer : encore faut-il que leurs moyens financiers suivent, surtout en cas d'absence de repreneur. Certes, elles peuvent conventionner avec les collectivités ou avec les établissements publics fonciers (EPF), mais la question reste posée.

En outre, nous assistons à une multiplication des cabanes en dehors des locaux d'exploitation. Pour détourner la loi, des donations fictives sont effectuées car elles ne passent pas par des déclarations d'intention d'aliéner (DIA). À l'occasion d'un héritage, d'une succession ou d'une donation, ne pourrions-nous pas imposer aux notaires une obligation d'informer les Safer pour qu'elles aient un droit de regard sur l'opération en cours ?

M. Laurent Duplomb . - En zone littorale, les Safer devront réaffecter en priorité les biens préemptés aux seules activités conchylicoles ou agricoles. Dans la Manche, en cas de Brexit « dur », 200 navires rencontreront d'immenses difficultés financières en raison de l'interdiction de pêcher dans les eaux anglaises. Une alternative serait de développer les fermes aquacoles or il n'y aurait plus suffisamment de place dans la Manche, d'où un développement des fermes plus important dans les terres qu'au bord de mer. Pourquoi dès lors ne pas autoriser les Safer à transformer les propriétés conchylicoles en fermes aquacoles ? J'ai déposé un amendement en ce sens, mais je le retirerai s'il met en péril l'adoption du texte. Néanmoins, si l'on inclut les marais salants, pourquoi ne pas mentionner les fermes aquacoles ?

M. Joël Labbé . - Les Safer sont des outils extraordinaires. La profession conchylicole a perdu 21 % de ses concessions depuis 2001. Les prix sont démesurés et l'on constate des changements d'affectation.

Une grande loi foncière est absolument nécessaire, même s'il faut prendre garde à un risque d'inconstitutionnalité. Nous attendons que le Gouvernement avance sur le sujet.

Je comprends la volonté du rapporteur de ne pas toucher à ce qui a été fait, tout en étendant le texte à la saliculture. Je me demande néanmoins si je ne vais pas déposer un amendement sur l'étiquetage des huîtres, puisqu'il s'agit de conchyliculture...

M. Jean-Claude Tissot . - Nous rencontrons le même problème en montagne ou en zone périurbaine : le foncier agricole est menacé par la spéculation immobilière. Il devient urgent de voter une loi foncière, sinon la réduction de la surface agricole s'aggravera. Il faudra aussi se pencher sur une réforme fiscale.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous appelons tous à une réforme foncière, d'autant plus que la disparition de terres agricoles s'accélère à nouveau, après une accalmie.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Le dossier du foncier n'est effectivement pas propre au littoral. Il concerne l'ensemble du territoire. Il y a bien deux axes. Celui du foncier, bien sûr. Mais autre axe à creuser : qu'est-ce qu'un agriculteur aujourd'hui ? Ce serait une belle question à poser au niveau européen car être agriculteur en Allemagne ou aux Pays-Bas n'a rien à voir avec le métier exercé en France - et pourtant il y a bien une politique agricole commune.

Le portage par les Safer n'est pas un problème propre au littoral. Les collectivités locales voient cependant leur action d'un meilleur oeil qu'auparavant. Souvent les surfaces préemptées le sont au profit des collectivités. Les relations se sont bien améliorées. Il y a donc lieu de se réjouir de disposer de ces deux outils formidables que sont les établissements publics fonciers (EPF) et la Safer.

Vous soulevez le problème des donations. La Safer ne peut pas préempter s'il y a une installation sur le terrain. De même, la donation est libre et cela ne concerne pas uniquement les donations directes aux enfants. Mais ce n'est pas parce que vous êtes héritier que vous n'avez pas l'obligation de respecter des contraintes liées à l'exploitation. C'est d'ailleurs parfois mal vécu...

L'alinéa 3 de l'article 1 er précise bien les choses : la Safer cède le bien « en priorité à un candidat s'engageant à poursuivre une activité conchylicole ». Puisqu'il ne s'agit que d'une priorité, elle peut donc aussi le céder à un candidat à l'exploitation d'une ferme aquacole. Il y a par exemple des changements de destination entre céréales et élevage laitier lorsqu'une Safer préempte une terre agricole aujourd'hui.

Pendant vingt ans, la Safer aura le droit de préempter une cabane qui aurait changé de destination. C'est violent, et j'espère que ce ne sera pas jugé incompatible avec le droit de propriété. Le dispositif a été atténué, puisque la première rédaction prévoyait un droit illimité dans le temps. Je ne suis donc pas inquiet. Les nouvelles activités maritimes pourront être exploitées. C'est le comité technique qui décide de la réattribution.

M. Laurent Duplomb . - Le titre de la loi...

Mme Sophie Primas , présidente . - ... que nous allons modifier....

M. Laurent Duplomb . - ...vise la « protection des activités agricoles et des cultures marines en zone littorale ». Or le texte prévoit une réaffectation en priorité à la conchyliculture. Il aurait été préférable d'ajouter : « et aux cultures marines ».

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Le problème concerne avant tout la conchyliculture. Il faut appeler un chat un chat. On ne parle pas d'écloseries !

M. Michel Raison . - C'est comme s'il y avait une coquille dans le texte !

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Aucune des nombreuses personnes auditionnées n'a fait de remarque sur ce point. Cette proposition de loi renforce l'objet de la Safer en faisant passer son délai de préemption de cinq à vingt ans.

M. Joël Labbé . - Nous parlons de conchyliculture et d'ostréiculture car le problème vient de là : il y a des chantiers qui sont détournés. Mais cela n'empêche pas qu'il y ait de la demande pour la reprise des petits chantiers - en Bretagne en tout cas. La logique défendue par le rapporteur me convient.

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Je confirme qu'en Bretagne, cette activité est dynamique. Ce n'est pas rien, car elle impose d'être sur place 365 jours par an. Les chiffres que nous a donnés la Safer sur les nouvelles installations sont intéressants, même si d'autres régions ne bénéficient pas de la même dynamique, comme le rappelle Monsieur Cabanel.

Monsieur Duplomb, si nous voulons répondre à l'attente des producteurs, il nous faut un vote conforme. Je vous propose de retirer votre amendement, quitte à le redéposer en séance, ce qui permettra au ministre chargé de l'agriculture de s'engager sur des recommandations aux commissaires agricoles membres des comités techniques des Safer afin de favoriser les fermes aquacoles. Je ne suis pas trop inquiet sur ce point.

Monsieur Labbé, je propose un amendement sur l'intitulé du texte, de manière à le recentrer sur les questions foncières. Il est certain que la spéculation existe ailleurs, mais ici, nous devons nous en tenir au littoral.

M. Pierre Louault . - Nous devons voter conforme. Mais cela ne doit pas nous empêcher d'introduire un débat général sur la protection des activités agricoles, car la question foncière n'est que l'un des aspects de ces activités.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'amendement COM-4 rectifié bis est retiré.

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3 (supprimé)

L'article 3 demeure supprimé.

Article 3 bis

L'article 3 bis est adopté sans modification.

Article 4 (supprimé)

L'article 4 demeure supprimé.

Article additionnel après l'article 4 (supprimé)

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-5 étend la proposition de loi à la saliculture, à la demande des saliculteurs des marais salants. Il s'agit de leur donner un statut, car cette activité est aujourd'hui à cheval entre le régime des carrières et celui de l'agriculture.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous faisons cela en créant un nouvel article, qui sera donc le seul en discussion à l'Assemblée nationale si le texte en restait là.

M. Laurent Duplomb . - Il aurait fallu ajouter les cultures marines !

L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.

Intitulé de la proposition de loi

M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-6 clarifie le titre du texte.

L'amendement COM-6 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci à nos deux rapporteurs. Le Sénat a montré ce matin qu'il était vif et toujours à l'écoute des préoccupations locales.

Les avis de la commission sur les amendements de commission sont repris dans le tableau ci-après :

Article 1 er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. DUPLOMB

4 rect. bis

Prévoir qu'à défaut de conchyliculteurs, les bâtiments anciennement conchylicoles préemptés par une SAFER, reviennent, en priorité, à des exploitants de cultures marines

Retiré

Article 2

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 3 (Supprimé)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 3 bis (nouveau)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article(s) additionnel(s) après Article 4 (Supprimé)

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. GREMILLET, rapporteur

5

Extension du droit de préemption étendu des SAFER aux bâtiments salicoles (marais salants) par la reconnaissance de la saliculture comme activité agricole

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. GREMILLET, rapporteur

6

Modification de l'intitulé

Adopté

La réunion est close à 10 h 50.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 5 février 2019

- Association nationale des élus du littoral : M. Jean-François RAPIN , Président - Sénateur du Pas-de-Calais, Mme Raphaële LEGUEN , Présidente de la commission permanente du Conseil Maritime de Façade Méditerranée, Mme Christine LAIR , Déléguée générale.

Mercredi 6 février 2019

- Comité national de la conchyliculture : M. Philippe LE GAL , Président, Mme Anne-Laure PREGO-CAUCHET , Responsable des affaires institutionnelles et européennes.

Mardi 12 février 2019

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation - Cabinet du ministre : Mme Béatrice FRECENON , Conseillère politique en charge des relations avec le parlement, les élus et les territoires, M. Baptiste MEUNIER , Chef du bureau foncier - Service Compétitivité et performance environnementale - Sous-direction Performance environnementale et valorisation des territoires.

- Fédération nationale des SAFER : M. Emmanuel HYEST , Président, Mme Sabine AGOFROY , Chargée des relations publiques, affaires européennes et internationales, M. Thierry COUTELLER , Directeur, M. Michaël RIVIER , Directeur juridique.

- Assemblée nationale : M. Jimmy PAHUN , Député du Morbihan.

Jeudi 14 février 2019

- Sels de France : M. Franck HEURTEBISE , Président, Mme Clotilde FERRAND , Chargée des affaires publiques.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Association nationale des élus de montagne


* 1 Résultats issus du programme de collecte des données économiques des entreprises aquacoles de l'Union européenne.

* 2 Source : ministère chargé de l'agriculture et de l'alimentation (année 2016).

* 3 En moyenne sur les cinq dernières années.

* 4 Loi n° 86-2 du 3 janvier 1086 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral.

* 5 87 en estuaire, 975 en bord de mer, 150 communes relevant des espaces lacustres.

* 6 L'article a autorisé les SAFER à utiliser le mécanisme de révision de prix lorsque les bâtiments n'ont pas fait l'objet de changement de destination.

* 7 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

* 8 Proposition de loi n° 508 présentée par M. Retailleau et ses collègues enregistrée à la Présidence du Sénat le 18 avril 2017 tendant à reconnaître la saliculture comme activité agricole.

* 9 Article L. 112-2 du code rural et de la pêche maritime.

* 10 Déterminé par le département, un établissement public de coopération intercommunale ou, sous conditions, un syndicat mixte ou un pôle d'équilibre territorial et rural.

* 11 Définies aux articles 3 et 4 de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

* 12 L'article a autorisé les SAFER à utiliser le mécanisme de révision de prix lorsque les bâtiments n'ont pas fait l'objet de changement de destination.

* 13 Proposition de loi n° 508 présentée par M. Retailleau et ses collègues enregistrée à la Présidence du Sénat le 18 avril 2017 tendant à reconnaître la saliculture comme activité agricole.

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