N° 657

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 juillet 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , relatif à l' énergie et au climat ,

Tome I : Rapport

Par M. Daniel GREMILLET,

Rapporteur,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , président ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

1908 , 2032 , 2031 , 2063 et T.A. 301

Sénat :

622 , 646 et 658 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Quatre ans après l'adoption de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, les défis auxquels la politique énergétique doit répondre se font chaque jour plus pressants .

Au-delà de la simple modification de tel ou tel objectif ponctuel, plusieurs évolutions majeures justifieraient l'élaboration d'une nouvelle loi d'orientation sur l'énergie qui donne le cap vers un nouveau mix énergétique et le développement d'une économie sobre en carbone.

La première évolution est la confirmation voire l'accentuation du réchauffement climatique et de ses conséquences qui nécessitent d'aller vers un modèle économique moins dépendant des énergies fossiles et plus respectueux de l'environnement. Ce changement devra se faire en France mais aussi, bien entendu, à l'échelle européenne et mondiale.

La deuxième évolution est la prise de conscience que cette transition énergétique aura des conséquences économiques majeures et que le développement d'une industrie verte sera au coeur de la compétition internationale de demain . Qu'il s'agisse des énergies renouvelables, de la mobilité, de l'efficience énergétique des entreprises et des bâtiments, les industries vertes seront à l'origine de nombreux emplois qui devront compenser l'effet des restructurations induites par ce changement de modèle.

Quant à la troisième évolution, elle concerne précisément la prise de conscience que cette transition énergétique devra impérativement être accompagnée pour en atténuer les effets sociaux , qu'ils pèsent sur les salariés des entreprises impactées - au premier rang desquels ceux des centrales au charbon -, sur les territoires qui les accueillent, sur les ménages les plus fragiles, les plus dépendants des déplacements en voiture, les moins à même d'améliorer l'efficacité énergétique de leur logement. Comme l'a illustré la crise des gilets jaunes, la transition énergétique suppose des moyens nouveaux, un financement, mais aussi un accompagnement des salariés et des consommateurs afin d' intégrer pleinement cet objectif de justice sociale .

Or, face à l'ampleur des défis, le projet de loi relatif à l'énergie et au climat reste, malgré l'inflation du nombre de ses articles, une « petite loi » par l'absence de vision stratégique à long terme qui le caractérise.

En se contentant d'actualiser certains objectifs et d'empiler les mesures techniques pour répondre aux difficultés de l'instant, le texte renvoie l'essentiel à la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) établie par décret. Dans une étrange inversion de la hiérarchie des normes , on demande au législateur d'entériner les évolutions préalablement fixées dans un projet de décret.

Considérant que cette anomalie démocratique ne pouvait plus durer, la commission a consolidé et renforcé le principe d'une loi quinquennale introduite à l'Assemblée nationale : inscrite en préambule du code de l'énergie, la loi voit son champ étendu à la rénovation énergétique des bâtiments et à l'autonomie énergétique en outre-mer. Un calendrier cohérent est établi pour garantir la préséance de la loi sur les outils de planification (PPE et stratégie bas carbone) qui la déclinent. C'est aussi la loi qui fixera le volume des obligations à réaliser dans le cadre des certificats d'économies d'énergie (CEE), par période de cinq ans et en s'appuyant sur une évaluation de l'Ademe, pour établir une trajectoire soutenable et faire baisser le coût des CEE pour les consommateurs.

Le projet de loi ne fixe guère de cap, si ce n'est peut-être celui de l'atteinte de la neutralité carbone en 2050 . C'est un bon objectif, mais encore faut-il savoir comment on l'atteint . En la matière, le texte initial ne comportait qu'une seule mesure concrète, la fermeture des quatre dernières centrales électriques au charbon d'ici à 2022, qui n'y suffira pas.

Malgré le cadre contraint imposé par le champ limité du texte déposé et par l'application des règles de recevabilité de l'article 45 de la Constitution, la commission a défendu par une série de mesures sa vision de ce que devrait être une bonne politique énergétique : une politique qui concilie réponse aux défis climatiques, sécurité d'approvisionnement, croissance économique et justice sociale . Il ne faut pas produire moins, mais mieux ; il ne faut pas punir ou taxer sans solution de remplacement mais accompagner , pour aller vers des modes de consommation, de déplacement et de production plus sobres en carbone, pour développer de nouveaux métiers et débouchés de la croissance verte.

Concernant les objectifs, la commission a rappelé son adhésion à l'objectif d'une diversification progressive d'un mix électrique résolument décarboné , assis sur un socle fort de nucléaire maintenu à 50 %, impliquant le développement d'un nouveau nucléaire compétitif et sûr, faisant appel à toutes les énergies renouvelables - éolien sur terre et en mer, posé et flottant, solaire au sol et sur le bâti et hydroélectricité, grande et petite - et complété d'un volant de moyens de production thermique utilisant les énergies et les technologies les moins émettrices.

Pour donner la visibilité nécessaire à l'émergence de filières françaises de l'industrie verte , plusieurs objectifs quantitatifs ont été ajoutés : au moins 27 GW d'hydroélectricité en 2028 , 1 GW par an d'éolien en mer , posé et flottant, jusqu'en 2024 et 8 % de biogaz en 2028 pour s'assurer que l'objectif des 10 % en 2030, tel que fixé par le législateur en 2015, sera bien tenu. Tous les dispositifs de soutien à l'électricité et au gaz renouvelables devront par ailleurs inclure un bilan carbone parmi leurs critères d'éligibilité ou de notation, ce qui sera bon pour l'environnement et bon pour les filières françaises et européennes.

La commission a aussi affirmé, parmi les objectifs de la politique énergétique, l'importance d'une politique de recherche et d'innovation pour adapter notre économie à la transition énergétique, et la nécessité de concilier la valorisation énergétique de la biomasse avec l'agriculture et la sylviculture.

En matière de rénovation énergétique du bâti , la commission a préféré l'information, l'incitation et l'accompagnement à la sanction des propriétaires bailleurs ou occupants. Elle a souhaité en particulier renforcer l'information des consommateurs sur le montant des dépenses énergétiques réelles et théoriques liées au logement et assurer une plus grande progressivité des dispositifs , en reportant de 2021 à 2024 la date à partir de laquelle la révision des loyers en zone tendue sera conditionnée à l'atteinte d'un certain niveau de performance énergétique.

Pour accélérer le développement des énergies renouvelables , la commission a notamment simplifié la possibilité, pour les installations hydroélectriques concédées, d' augmenter leur puissance sans remise en concurrence. Elle a facilité le développement du photovoltaïque sur le bâti dans le respect des prérogatives du maire, a encadré le solaire au sol aux abords des routes et favorisé le déploiement d'installations photovoltaïques sur les sites dégradés du littoral. Elle a aussi reporté de dix-huit mois l'entrée en vigueur d'une réforme des garanties d'origine du biogaz potentiellement déstabilisatrice pour la filière, tout en permettant aux collectivités d'accéder de façon privilégié aux garanties d'origine des productions issues de leur territoire.

S'agissant de la fermeture des centrales au charbon, la commission a rappelé qu' il revient à l'État d'assumer les effets de ces fermetures sur les salariés, les entreprises et les territoires impactés.

Pour mieux accompagner les consommateurs , elle a prévu la publication mensuelle par la Commission de régulation de l'énergie d'un prix de référence du gaz , qui leur servira de point de repère après la disparition des tarifs, et adapté le dispositif obligatoire d'information des ménages en situation de précarité énergétique sur le niveau de leurs consommations, pour en assurer la mise en oeuvre effective.

Enfin, sur la régulation du nucléaire, la commission a conditionné le relèvement du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) à la révision de son prix, qui devra tenir compte de l'inflation , pour concilier la stabilité des prix et la juste rémunération du parc historique.

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