CHAPITRE II
PROPAGANDE ET OPÉRATIONS DE VOTE

Article 4 bis
(art. L. 46-2 [nouveau], L. 164 [abrogé], L. 166, L. 168 et L. 330-6 du code électoral)Calendrier des campagnes électorales

Introduit à l'initiative du rapporteur de l'Assemblée nationale, l'article 4 bis de la proposition de loi tend à préciser le calendrier des campagnes électorales.

1. Une règle aujourd'hui fixée par décret, sauf pour les élections législatives

Conformément à l'article R. 26 du code électoral, la campagne électorale du premier tour dure quatorze jours : ouverte à partir du deuxième lundi précédant le scrutin, elle prend fin la veille de l'élection, minuit. En cas de second tour, la campagne est ouverte le lendemain du premier tour et prend fin la veille du scrutin, minuit.

Pour le premier tour des élections législatives, la campagne électorale dure six jours de plus . En application de l'article L. 164 du code électoral, elle « est ouverte à partir du vingtième jour qui précède la date du scrutin ».

S'ils enfreignent cette règle, les candidats aux élections législatives sont passibles de trois mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende (article L. 168 du même code).

2. Une règle élevée au niveau législatif

L'Assemblée nationale a souhaité préciser le calendrier des campagnes électorales 44 ( * ) afin, selon son rapporteur, de « clarifier le droit applicable à l'ensemble des actions de propagande » 45 ( * ) .

Les dispositions de l'actuel article R. 26 du code électoral seraient « élevées » au niveau législatif : les campagnes seraient ouvertes à partir du deuxième lundi qui précède le scrutin et prendraient fin la veille de l'élection, minuit. En cas de second tour, elles s'ouvriraient le lendemain du premier tour et prendraient fin la veille du scrutin, minuit.

Cohérente avec les élections européennes 46 ( * ) , cette règle concernerait l'ensemble des scrutins, à l'exception de l'élection présidentielle et des élections sénatoriales .

Les spécificités de l'élection présentielle et des élections sénatoriales

Conformément à la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel, un décret fixe le calendrier de la campagne de l'élection présidentielle .

En pratique, la campagne du premier tour dure quatorze jours, en cohérence avec l'article R. 26 du code électoral. À titre d'exemple, la campagne de 2017 a débuté le lundi 10 avril, pour un premier tour de scrutin fixé au dimanche 23 avril 47 ( * ) .

En l'absence de règle plus précise, la campagne des élections sénatoriales débute le deuxième vendredi précédant le scrutin , après la publication des candidatures.

Cette campagne présente toutefois certaines particularités, directement liées au suffrage universel indirect. À titre d'exemple, les communes n'ont pas l'obligation d'apposer les affiches électorales des candidats 48 ( * ) .

Durée des campagnes électorales pour le premier tour de scrutin

Scrutin

Droit en vigueur

Proposition de loi

Élections locales (municipales, départementales et régionales)

14 jours

(art. R. 26 du code électoral)

14 jours

(nouvel art. L. 46-2 du code électoral)

Élections législatives

20 jours

(art. L. 164 du code électoral)

Élections européennes

14 jours

(art. 15 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977)

Élections sénatoriales

10 jours

(à partir de la publication des candidatures)

Élection présidentielle

14 jours

(art. 10 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001)

Source : commission des lois du Sénat

Ce calendrier serait cohérent avec l'article 4 de la proposition de loi 49 ( * ) , qui tend à interdire toute action de propagande la veille et le jour du scrutin.

3. Pour les élections législatives, une réduction de la durée de la campagne

L'article 4 bis A de la proposition de loi conduirait à réduire de six jours la durée de la campagne pour le premier tour des élections législatives.

Cette disposition conduirait également à diminuer :

- la durée d'apposition des affiches électorales sur les panneaux communaux ;

- le délai de diffusion des clips de campagne, dont la durée totale ne serait pas modifiée.

Enfin, l'article 4 bis A supprimerait la sanction pénale prévue à l'encontre des candidats ne respectant pas le calendrier de la campagne électorale . De telles manoeuvres entraîneraient toutefois l'annulation du scrutin et, le cas échéant, le prononcé d'une peine d'inéligibilité.

Votre commission a adopté l'article 4 bis A sans modification .

Article 5
(art. L. 52-3 du code électoral)
Contenu des bulletins de vote

L'article 5 de la proposition de loi tend à mieux encadrer le contenu des bulletins de vote.

1. L'apposition d'une photographie

En première lecture, le Sénat a souhaité interdire l'apposition sur le bulletin de vote de la photographie ou de la représentation de toute personne. S'inspirant d'une observation du Conseil constitutionnel 50 ( * ) , il s'agissait ainsi de « garantir la sincérité du scrutin et d'éviter tout détournement d'image » 51 ( * ) .

L'Assemblée nationale a assoupli cette disposition sur deux aspects .

D'une part, la photographie ou la représentation des candidats pourrait figurer sur le bulletin de vote , nos collègues députés estimant qu'une telle possibilité ne remettrait pas en cause la sincérité du scrutin.

Cette disposition risque toutefois de soulever des difficultés pour les scrutins de liste (élections européennes, régionales, etc .). À titre d'exemple, un responsable politique pourrait s'inscrire en dernière position d'une liste de candidats dans le seul objectif de faire figurer sa photographie sur le bulletin de vote.

D'autre part, l'Assemblée nationale a autorisé l'apposition, pour les trois villes à secteurs et arrondissements (Paris, Lyon et Marseille) , de la photographie ou de la représentation du candidat pressenti pour devenir maire de la ville.

De façon plus accessoire, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de notre collègue Dino Cinieri interdisant l'apposition sur le bulletin de vote de la photographie ou de la représentation d'un animal .

Pour le rapporteur de l'Assemblée nationale, cette précision est « bienvenue afin d'éviter toute confusion. Une photographie d'animal sur un bulletin de vote ne serait pas dans l'esprit de la loi » 52 ( * ) .

Contenu des bulletins de vote
(photographies et représentations)

Photographie ou représentation...

Droit en vigueur

Texte du Sénat

Texte de l'Assemblée nationale

... du ou des candidats à l'élection concernée et de leurs suppléants

Autorisée

Interdite

Autorisée

... du candidat pressenti pour présider l'organe délibérant

Autorisée

Interdite

Autorisée uniquement pour les élections municipales de Paris, Lyon et Marseille

... d'un tiers

Autorisée

Interdite

Interdite

... d'un animal

Autorisée

Autorisée

Interdite

...de l'emblème du parti

Autorisée

Autorisée

Autorisée

Source : commission des lois du Sénat

2. L'apposition du nom d'un tiers

En première lecture, le Sénat a interdit d'apposer sur le bulletin de vote le nom d'un tiers, à l'exception du candidat pressenti pour présider l'organe délibérant des collectivités territoriales 53 ( * ) .

L'Assemblée nationale a adopté une mesure plus restrictive en limitant la possibilité de faire figurer le nom d'un tiers aux candidats pressentis pour devenir maires de Paris, Lyon ou Marseille .

Comme l'a souligné notre collègue député Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur, « compte tenu des incertitudes inhérentes à la désignation préalable du futur président de l'organe délibérant qui découlent notamment du mode de scrutin binominal par canton, cette faculté ne s'appliquera donc pas aux élections départementales » 54 ( * ) .

Contenu des bulletins de vote
(noms propres)

Nom...

Droit en vigueur

Texte du Sénat

Texte de l'Assemblée nationale

... du ou des candidats à l'élection concernée et de leurs suppléants

Autorisé

Autorisé

Autorisé

... du candidat pressenti pour présider l'organe délibérant

Autorisé

Autorisé

Autorisé uniquement pour Paris, Lyon et Marseille

... d'un tiers

Interdit

Interdit

Interdit

Source : commission des lois du Sénat

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

Article 5 bis A (art. L. 51 et L. 90 du code électoral)Dépose d'affiches électorales apposées irrégulièrement

L'article 5 bis A de la proposition de loi vise à mieux lutter contre l'affichage sauvage.

Comme l'a souligné notre collègue André Reichardt en séance publique, « l'affichage électoral sauvage entraîne une inégalité entre les candidats, nuit à la qualité du paysage et de l'environnement et s'avère extrêmement couteux pour les communes en charge de la propreté des espaces publics ».

En l'état du droit, plusieurs dispositifs existent pour combattre « cette course à l'affichage sauvage » 55 ( * ) .

Lutte contre l'affichage sauvage : les dispositifs en vigueur

- Droit électoral et droit pénal

Pendant les six mois qui précèdent le scrutin, « tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit » en dehors des emplacements réservés à cet effet. Le contrevenant est passible d'une amende de 9 000 euros 56 ( * ) .

Dans la même logique, une amende de 3 750 euros est prévue à l'encontre des candidats ayant bénéficié, sur leur demande ou avec leur accord exprès, de l'apposition illégale d'affiches électorales 57 ( * ) .

Le scrutin peut être annulé par le juge de l'élection lorsque ces affiches ont eu pour effet de tromper les électeurs 58 ( * ) .

- Droit de l'environnement

L'affichage sauvage constitue une pollution , au sens du code de l'environnement. Saisi par le maire, le préfet peut prononcer une amende forfaitaire de 1 500 euros, sans possibilité d'astreinte 59 ( * ) .

- Droit civil

En application de l'article 809 du code de procédure civile, un référé peut être formé auprès du président du tribunal de grande instance pour ordonner l'enlèvement, sous astreinte, d'affiches apposées hors des emplacements réservés 60 ( * ) .

En première lecture, le Sénat a adopté deux dispositifs afin de mieux lutter contre l'affichage sauvage.

Le maire ou, à défaut, le préfet, pourrait procéder à la dépose d'office des affiches, aux frais des candidats et après mise en demeure .

Cohérente avec la jurisprudence 61 ( * ) , cette disposition n'a pas été remise en cause par l'Assemblée nationale.

Tel qu'adopté par le Sénat, l'article 5 bis A permettait également d' imputer le coût du nettoyage sur le remboursement public des dépenses de propagande électorale 62 ( * ) , sauf si le candidat apportait la preuve de son innocence.

L'Assemblée nationale n'a pas conservé cette seconde mesure . D'après notre collègue député Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur, « cette inversion de la charge de la preuve par rapport au droit existant poserait de multiples difficultés aux candidats mis en cause et pourrait engendrer des risques de manipulation de la part de leurs concurrents » 63 ( * ) .

Votre rapporteur prend acte de la suppression de cette mesure, tout en considérant qu'il conviendra de poursuivre les réflexions pour améliorer la lutte contre l'affichage sauvage.

Votre commission a adopté l'article 5 bis A sans modification .


* 44 Nouvel article L. 46-2 du code électoral.

* 45 Source : objet de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale.

* 46 Article 15 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977 relative à l'élection des représentants au Parlement européen.

* 47 Article 10 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001 portant application de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du Président de la République au suffrage universel.

* 48 Voir, pour plus de précisions, le rapport n° 443 (2018-2019) fait au nom de votre commission lors de l'examen de la proposition de loi en première lecture, p. 50-51.

* 49 L'article 4 de la proposition de loi a été adopté conforme par les deux assemblées.

* 50 Conseil constitutionnel, 21 février 2019, Observations relatives aux élections législatives de 2017 , décision n° 2019-28 ELEC.

* 51 Source : exposé des motifs de la proposition de loi de notre collègue Alain Richard.

* 52 Compte rendu intégral de la séance de l'Assemblée nationale du 17 septembre 2019.

* 53 Cette exception s'inspirant des actuels articles R. 30 et R. 30-1 du code électoral.

* 54 Objet de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale.

* 55 Source : objet de l'amendement adopté en première lecture par le Sénat.

* 56 Articles L. 51 et L. 90 du code électoral.

* 57 Article L. 113-1 du code électoral.

* 58 Conseil constitutionnel, 30 janvier 2003, Élections législatives dans la septième circonscription de Seine-Saint-Denis , décision n° 2002-2651/2655/2887 AN.

* 59 Tribunal administratif de Paris, 1 er octobre 1999, affaire n° 98-2775.

* 60 Tribunal de grande instance de Carcassonne, 2 novembre 1990, Sampietro.

* 61 Tribunal administratif de Grenoble, 29 mars 1995, affaire n° 93-718.

* 62 L'État rembourse aux candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés le coût du papier, l'impression des bulletins de vote, affiches, circulaires ainsi que les frais d'affichage (article L. 167 du code électoral).

* 63 Source : objet de l'amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale.

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