II. COMPLÉTER LA « BOÎTE À OUTILS » DES ÉLUS : UN POUVOIR DE POLICE SUPPLÉMENTAIRE POUR LE MAIRE

A. UN DISPOSITIF INITIAL LARGE

1. Un dispositif plus ambitieux que l'objectif initial de la proposition de loi

La proposition de loi prévoit d'élargir à la protection de l'environnement la définition de l'ordre public général et des missions de police municipale définies par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

Elle suggère en outre de citer explicitement la protection du patrimoine naturel dans son ensemble dans la liste non-limitative des missions de police municipale prévue par l'article : alors que cette liste prévoit déjà, dans le cadre du pouvoir de police générale du maire, le soin de prévenir les pollutions de toute nature (5°), la proposition de loi ajoute un 5° bis visant le soin de prévenir les atteintes de nature à compromettre la protection des espaces naturels, des paysages, des espèces animales ou végétales et du caractère des sites bénéficiant d'un régime de protection.

Les travaux préparatoires menés par le rapporteur, qui est également l'auteur de la proposition de loi, ont fait apparaître qu'à son sens, une réflexion sur une telle extension des pouvoirs de police générale du maire à la protection de l'environnement pourrait utilement être menée et approfondie . De nombreux juristes spécialisés en droit de l'environnement mettent en avant la nécessité d'entériner les dispositions de la Charte de l'environnement, de nature constitutionnelle, qui prescrivent aux acteurs publics, y compris aux décideurs locaux, de prendre en compte l'impératif de protection de l'environnement dans l'exercice de leurs compétences. De ce point de vue, le maire est aujourd'hui un acteur incontournable de la politique de l'environnement, au service de laquelle il pourrait être cohérent qu'il mette, en tant qu'autorité politique, ses pouvoirs de police.

De ce point de vue, à l'inverse des sites patrimoniaux, qui ne concernent que du patrimoine bâti, malgré certaines caractéristiques semblables à celles des espaces naturels, la protection des espaces naturels et, de manière plus large de l'environnement, pourrait de manière cohérente, pour le rapporteur, faire l'objet d'une telle évolution en ce qu'elle découlerait d'une disposition constitutionnelle.

Malgré ce constat, le rapporteur a considéré qu'une telle évolution ne correspondait pas à l'objectif de la proposition de loi qui est de permettre aux maires de réglementer « l'hyper-fréquentation » des zones touristiques aux fins de préservation de l'environnement . Ses auditions ont par ailleurs souligné l'importance des conséquences non maîtrisées que pourrait avoir un tel dispositif trop large.

2. Les conséquences d'une telle évolution juridique ne sont pas maîtrisées

Le rapporteur a été alerté, au cours de ses auditions, sur un certain nombre de conséquences non maîtrisées auxquelles pourrait donner lieu une telle extension trop large des pouvoirs de police générale du maire.

Modifier le pouvoir de police général du maire conduit aussi à lui confier une responsabilité nouvelle et à l'exposer à d'éventuelles poursuites s'il ne s'en sert pas, d'autant qu'un nombre de plus en plus grand d'administrés ou d'associations n'hésitent pas à reprocher au maire son inaction. Un tel élargissement risquerait donc d'exposer les maires à une insécurité juridique d'autant plus grande qu'ils ne disposent bien souvent pas des moyens techniques, juridiques ou humains leur permettant d'exercer effectivement ce nouveau pouvoir de police.

En outre, alors qu'il existe déjà de nombreuses polices spéciales de la nature , l'extension du pouvoir de police générale du maire pourrait poser des problèmes d'articulation avec les autorités disposant de pouvoirs de police équivalents.

Le maire lui-même dispose d'ailleurs déjà de pouvoirs en matière d'environnement , dans le cadre de son pouvoir de police générale, d'une part, en matière de pollutions de toute nature et de prévention des fléaux, dans le cadre de pouvoirs de police spéciale, d'autre part, par exemple en matière de déchets (article L. 541-3 du code de l'environnement), de salubrité des ruisseaux, rivières, étangs, mares ou amas d'eau (article L. 2213-29 du code général des collectivités territoriales), de circulation des véhicules à moteur au sein des espaces naturels (article L. 2213-4 du même code), ou encore de santé publique (articles L. 1311-1 et L. 1311-2 du code de la santé publique).

Enfin, alors que la plupart des polices spéciales de la nature sont exercées par l'État, une mauvaise interprétation de ces dispositions pourrait laisser penser que les maires sont désormais compétents de manière générale en matière de protection de l'environnement. La délimitation précise de ce que recouvrirait cette nouvelle compétence serait complexe en ce qu'elle s'inscrirait en fait « en creux » de l'ensemble des polices spéciales déjà attribuées par le code de l'environnement à d'autres autorités.

3. Dans la plupart des cas, les risques pesant sur l'environnement dans les espaces et sites naturels ou patrimoniaux remarquables peuvent déjà être gérés par les outils existants

En outre, la plupart des gestionnaires de sites « hyper-fréquentés » réussissent, dans le cadre d'outils d'aménagement du territoire et de politique du tourisme concertés, à agir efficacement sur les éventuels impacts pesant sur l'environnement de ce fait .

Comme l'a par exemple mis en évidence l'audition de la direction générale du patrimoine du ministère de la culture par le rapporteur, pour les monuments historiques ouverts au public (la plupart du temps des espaces clos), il est possible de réguler la fréquentation en agissant de manière pragmatique sur les modalités d'organisation des visites . En outre, la plupart des mesures de prévention des atteintes de nature à compromettre le caractère de ces sites entrent dans le cadre de la police générale du maire car concernent généralement toujours des questions de sécurité.

De la même manière, dans les sites patrimoniaux remarquables comme la cité de Carcassonne par exemple, les villes gèrent les questions de sur-fréquentation via des outils de régulation de la circulation.

D'une manière générale, le ministère de l'environnement considère que le problème des impacts de « l'hyper-fréquentation » d'espaces naturels ne se pose en réalité en France que sur certains sites bien spécifiques (Mont-Saint-Michel, dune du Pilat, parc national de Port-Cros et Porquerolles). Peut également être cité l'exemple du Mont-Blanc, qui ne bénéficie pas du régime de protection prévu pour les parcs nationaux et dont l'inscription en tant que site classé (entre 1 800 et 4 800 mètres) impose des contraintes d'urbanisme mais très peu de règles permettant de réguler la fréquentation. Le maire de Saint-Gervais-les-Bains regrettait ainsi que cette réglementation des sites classés, qui correspond davantage pour lui à une reconnaissance qu'à un régime de protection d'un espace naturel, ne permette que d'interdire le camping.

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