IV. LES PISTES POUR FACILITER LES ÉCHANGES COMMERCIAUX DU SECTEUR

A. RATIFIER LA CONVENTION DE VIENNE N'AURAIT QU'UNE PORTÉE LIMITÉE

La convention sur le contrôle et le poinçonnement des ouvrages en métaux précieux, signée à Vienne le 15 novembre 1972, poursuit les mêmes objectifs que la convention franco-suisse. Bien que la France n'ait pas ratifié la convention de Vienne, elle participe aux réunions entre les parties depuis 1988, en qualité d'observateur.

À ce jour, vingt États l'ont ratifié. Il s'agit, pour l'essentiel, de membres de l'Union européenne 13 ( * ) ; seuls quatre pays extracommunautaires en sont parties :

- Israël ;

- la Norvège, qui est partie à l'accord sur l'Espace économique européen ;

- la Suisse, avec laquelle la France a conclu une convention bilatérale ;

- et, depuis le 1 er février 2020, le Royaume-Uni. Pendant la période de transition, instaurée jusqu'au 31 décembre 2020, le pays conserve néanmoins ses droits d'accès au marché unique européen et continue d'appliquer l'ensemble du droit de l'Union. À l'issue de cette période, les conditions de circulation des marchandises entre la France et le Royaume-Uni seront définies par l'accord commercial que le pays devrait conclure avec l'Union européenne.

Par conséquent, la ratification de la convention de Vienne n'aurait qu'une portée très limitée puisqu'à ce jour, seuls les échanges d'ouvrages avec Israël, relativement faibles au demeurant, ne bénéficient pas d'un régime de reconnaissance réciproque des poinçons officiels avec notre pays.

En outre, cette convention impose l'apposition du poinçon de la convention de Vienne, représenté par une balance et l'indication du titre en chiffres 14 ( * ) . À défaut d'une révision profonde de notre législation en la matière, les professionnels français devraient alors juxtaposer ce nouveau poinçon à ceux du fabricant et du titre. Or, le secteur semble réticent à marquer leurs ouvrages de trois poinçons pour des questions de place 15 ( * ) et de coût, mais aussi parce que le bénéfice qui en résulterait est incertain 16 ( * ) .

Enfin, certaines parties à la convention, comme le Royaume-Uni par exemple, ne reconnaissent pas notre système délégataire, ce qui implique de repoinçonner les ouvrages français une fois arrivés sur leur territoire national.

B. SIMPLIFIER ET MODERNISER LE SYSTÈME EXISTANT

Lorsque la nouvelle convention franco-suisse aura été ratifiée, les articles 524 bis , 548 et 549 du code général des impôts devront, par coordination, être modifiés afin d'inclure la Suisse dans la liste des pays bénéficiant d'une reconnaissance mutuelle de leurs poinçons officiels avec la France. À cette occasion, des mesures de simplification du cadre juridique pourraient utilement être proposées.

1. Renforcer le système délégataire pour l'apposition du poinçon de garantie

La loi de finances pour 2019 17 ( * ) a supprimé dix-sept taxes à faible rendement, dont la contribution aux poinçonnages et essais des métaux précieux. L'estimation de son coût était en effet supérieure à son rendement.

Ainsi que l'a souligné le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, « la suppression de cette taxe doit se comprendre comme la première étape d'une évolution importante des règles sectorielles applicables aux fabricants de métaux précieux. [...] La disparition de la taxe prélevée par la DGDDI lorsqu'elle est en charge de cette mission semble annoncer la prochaine dévolution complète de cette mission aux acteurs privés, qui en assument déjà une partie. » 18 ( * )

Dans le cadre de l'examen du projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), l'Assemblée nationale avait adopté un amendement visant notamment à :

- modifier les obligations déclaratives des fabricants et des marchands ou personnes assimilées ;

- remplacer le livre de police par une comptabilité matière ;

- rendre facultatif l'apposition du poinçon de fabricant ( cf. infra ) ;

- renvoyer à un décret le soin de fixer les autorités et organismes compétents pour assurer la gestion des poinçons de garantie ; dès alors, l'administration des douanes pourrait être dessaisie de cette mission, comme le préconisait l'inspection générale des finances dans son rapport de 2014 sur les taxes à faible rendement 19 ( * ) . Cette évolution lui permettrait d'allouer davantage de ressources à ses missions de contrôle.

Ces dispositions, introduites à l'article 104 de ladite loi, ont toutefois été censurées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2019-781 DC du 16 mai 2019, au motif qu'il s'agissait d'un cavalier législatif ; le Sénat avait d'ailleurs supprimé cet article en première lecture pour les mêmes raisons.

Le poinçon de garantie est un gage de protection du consommateur qu'il n'est nullement question de remettre en cause. Les professionnels du secteur le jugent d'ailleurs indispensable, mais souhaiteraient que certains produits, comme les montres « bicolores », puissent en être explicitement exemptés afin de ne pas dénaturer la partie en métal précieux qui est la plus visible du consommateur - ou, à défaut, de pouvoir apposer le poinçon sur une partie plus discrète.

Enfin, la concentration géographique des OCA, situés aujourd'hui à Paris, Lyon, Marseille et Besançon, constitue un point d'attention : elle contraindrait les professionnels n'ayant pas le statut de délégataire à transporter, de manière sécurisée, leurs marchandises sur des distances plus importantes afin de les faire poinçonner. Une meilleure répartition des OCA sur le territoire est donc indispensable, en particulier dans les départements ultramarins 20 ( * ) , de même qu'une incitation des fabricants à devenir délégataires.

Il convient néanmoins de relever qu'un tel renforcement du système délégataire serait contraire aux dispositions de la convention de Vienne et empêcherait donc sa ratification. En effet, son article 5 précise que : « dans l'accomplissement des tâches requises par la Convention, le personnel administratif et technique du bureau de contrôle agréé ne doit dépendre d'aucun cercle ou groupe de personnes directement ou indirectement concernées par le sujet » .

2. Assouplir les modalités d'apposition des poinçons de fabricant

Le poinçon de fabricant (poinçon de maître ou de responsabilité) assure la traçabilité de l'origine de l'ouvrage et engage le professionnel à respecter les règles de garantie. Il permet aux services douaniers d'identifier le professionnel responsable de sa commercialisation.

La pertinence des poinçons de maître et de responsabilité peut légitimement interroger. En effet, ces poinçons sont difficilement lisibles et reconnaissables par le consommateur. Dans le secteur de la bijouterie-joaillerie, les grandes maisons mettent en avant leur marque en l'apposant en toutes lettres sur leurs ouvrages - par ailleurs reconnaissables à leurs modèles -, rendant le poinçon de maître superflu. Il en va de même pour le secteur horloger où la marque figure déjà sur le cadran.

Les dispositions de la loi PACTE censurées par le Conseil constitutionnel ( cf. supra ) répondaient à ce besoin de simplification. Ces questions mériteraient d'être réexaminées par le législateur.


* 13 Seize États membres sont parties à la convention de Vienne : l'Autriche, Chypre, la Croatie, le Danemark, la Finlande, la Hongrie, l'Irlande, la Lettonie, la Lituanie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie et la Suède.

* 14 L'indication du titre correspond à l'inscription, en chiffres, du titre sur l'ouvrage (par exemple, « 750 » pour de l'or 750 millièmes). Cette indication figure notamment sur les ouvrages en provenance de Suisse, mais pas sur les ouvrages français, notre pays ayant choisi un système figuratif du titre. En France, le consommateur peut connaître le titre de l'ouvrage en regardant le poinçon de garantie apposé et en consultant le tableau des poinçons qui doit obligatoirement être affiché dans chaque point de vente d'ouvrages en métaux précieux ; le poinçon figuratif est corrélé au titre de l'ouvrage.

* 15 La balance étant particulièrement grosse, ce qui pose des difficultés pour les petits ouvrages.

* 16 Réponse de la direction générale des douanes et droits indirects au questionnaire écrit du rapporteur.

* 17 Cf. article 26 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 18 Projet de loi de finances pour 2019 : les conditions générales de l'équilibre financier (article liminaire et première partie de la loi de finances), rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, p.214.

* 19 « Dans l'hypothèse où la DGDDI craindrait une augmentation de la demande de poinçonnage du fait d'un effet report depuis la garantie aujourd'hui effectuée par des prestataires privés, elle pourrait soit poursuivre le mouvement de concentration des bureaux de la garantie déjà engagé, soit abandonner cette mission. »

* 20 La convention a vocation à s'appliquer aux collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution, à savoir, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte. Lors du dépôt des instruments, le gouvernement devrait formuler une déclaration interprétative afin de lever toute ambiguïté sur l'expression « départements d'outre-mer » utilisée à l'article 1 er .

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