Rapport n° 332 (2019-2020) de Mme Hélène CONWAY-MOURET , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 19 février 2020

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N° 332

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 février 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi , adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l' approbation de l' accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l' acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien ,

Par Mme Hélène CONWAY-MOURET,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, M. Olivier Cadic , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

2043 , 2374 et T.A. 365

Sénat :

202 et 333 (2019-2020)

L'ESSENTIEL

L'essentiel

Le projet de loi tend à autoriser la ratification d'un accord franco-allemand finançant la création, sur la base aérienne d'Evreux (BA 105), d'un escadron de transport tactique aérien. L'escadron sera composé de 10 avions C 130-J, opérés par des équipages et des équipes de soutien mixtes franco-allemands.

Le projet suppose l'installation durable d'environ 160 militaires allemands et, le cas échéant, de leurs familles. Il s'agit d'une avancée novatrice qui ajoute une brique importante à l'édification d'une défense européenne intégrée.

La commission se réjouit de l'avancée de ce projet novateur. D'autres dossiers (SCAF, MGCS, Eurodrone...) ont suffisamment été l'occasion d'évoquer les complexités de la coopération franco-allemande pour ne pas manquer de souligner les avancées réelles et importantes, lorsqu'on les constate.

I. UNE AVANCÉE NOVATRICE

Le projet de loi autorisant l'approbation d'une convention entre la France et l'Allemagne sur le transport militaire aérien tactique vient ajouter une brique importante à l'édification progressive de la défense européenne : la création de la première unité opérationnelle binationale franco-allemande . Ce texte a en commun avec l'accord avec la Belgique adopté par le Parlement l'an passé 1 ( * ) (accord « CaMo ») d'avoir peu retenu l'attention du grand public, alors qu'il traduit en réalité une avancée majeure.

L'accord prévoit le financement et la création d'une unité franco-allemande de transport tactique aérien , sur la base aérienne 105 d'Evreux. Certains ont pu penser qu'il s'agissait d'une coopération rappelant, par exemple, la brigade franco-allemande (BFA). En réalité, il s'agit de quelque chose de tout à fait différent et novateur. La BFA permet à des unités françaises et allemandes de travailler dans un cadre commun, mais de façon parallèle. Ainsi, on a pu dire que la BFA était engagée au Mali ; mais en fait, les unités françaises faisaient partie du dispositif Barkhane, alors que les éléments allemands étaient intégrés dans la MINUSMA. Les missions étaient donc différentes.

Dans le cas de la future unité de transport aérien d'Evreux, on trouvera dans chaque appareil des équipages mêlant aviateurs français et allemands. Il en ira de même pour le soutien. La dimension binationale deviendra réellement opérationnelle , et il s'agit donc d'une innovation majeure.

Certes, on peut observer qu'il s'agit de transport tactique, et non d'aviation de combat, le recours direct à la force étant susceptible de rencontrer plus rapidement l'écueil des différences de doctrines et de circuits de décision dans les deux pays.

Il faut également relever que chaque pays conservera la possibilité de ne pas participer à tout ou partie d'une mission . A l'inverse, chacun des deux pays pourra demander à préempter la totalité d'un avion pour une mission. Mais ces aspects fondamentaux devront être traités dans une seconde convention, actuellement en cours de négociation, et qui devrait être soumise au Parlement d'ici l'été.

II. UN ACCORD PERMETTANT LA CRÉATION D'UN ESCADRON BINATIONAL

A. LA CONSTITUTION D'UNE FLOTTE BINATIONALE DE 10 C130-J

L'unité prévue comptera une flotte de 10 avions de transports C 130-J. Il est prévu que l'Allemagne achète 6 appareils, et la France 4.

Un C130-J. Source : armée de l'air

Cet avion produit par l'américain Lockheed Martin répond au segment intermédiaire du transport aérien militaire. En effet, entre le CASA (CN 160), qui offre un emport de 30 hommes, et l'A 400M qui peut en emporter 120, il manquait un avion de taille moyenne. Or les besoins, sur ce segment médian, se font d'autant plus pressants que les Transall sont progressivement retirés du service. La conjonction des retards du programme A 400M et du retrait progressif des Transall a conduit à une réduction temporaire de capacité (RTC) dont le point bas est encore à venir, puisqu'il sera atteint en 2023, même si la capacité globale de transport remonte déjà du fait de la capacité d'emport des A400 M déjà livrés (16 sur 35 de la première tranche).

Il faut rappeler également que l'armée de l'air dispose déjà d'une version plus ancienne de cet avion, avec 12 C 130-H basés à Orléans. Ces C130-H sont entrés en service en 1984 et voleront jusque vers 2030.

C'est également à Orléans que sont provisoirement basés les 3 C130-J que l'armée de l'air a déjà perçu. Le dernier avion français devrait être livré en mars 2020. Deux des avions français disposeront de la capacité de faire du ravitaillement en vol (KC 130-J-AAR), pour les avions et les hélicoptères, capacité qui n'a pu pour l'instant être certifiée sur l'A400 M, ce qui est une des raisons de l'achat de C130-J.

Quant aux appareils allemands, le premier d'entre eux se posera à Evreux en 2021.

B. LE FINANCEMENT COMMUN DES INVESTISSEMENTS

Le second aspect du projet, qui est plus directement l'objet de l'accord dont le projet de loi tend à autoriser la ratification, concerne les investissements, et notamment les deux bâtiments principaux. Ceux-ci sont de deux natures. Il y aura d'une part les installations de l'escadron, c'est-à-dire :

- un nouveau parking dédié, car la conception d'origine des parkings de la BA 105 « en marguerite » n'est pas adaptée à la nouvelle unité ;

- 3 hangars de maintenance ;

- des ateliers de stockage du matériel ;

- l'escadron opérationnel, où seront préparées les missions.

Les travaux devraient débuter d'ici à juin 2020. Ces travaux, importants, correspondent à un volume de 100 à 150 camions par jour, pour lesquels un accès spécifique a été aménagé dans la base afin de préserver sa sécurité globale. Pour le financement de ces infrastructures, l'accord prévoit une enveloppe de 60 millions d'euros à financer par chacun des pays.

Viendra s'ajouter dans un second temps, en 2023, un bâtiment abritant les simulateurs et permettant la formation des équipages. Pour ce second aspect, 50 millions d'euros par pays sont prévus.

III. L'INSTALLATION PÉRENNE DES PERSONNELS ALLEMANDS

Il est utile d'aborder également un second volet du projet, qui n'est pas directement couvert par l'accord, mais qu'il est important de connaître pour appréhender l'ensemble du dispositif : il s'agit des personnels allemands. Ceux-ci seront au nombre de 160. Mais le point le plus emblématique de cette coopération est qu'il s'agira, pour ces militaires allemands, d'affectations longues , c'est-à-dire de 5 ans et plus. Autrement dit, une part significative d'entre eux viendront en famille de façon pérenne, voire définitive. Il y a là un beau symbole de l'intégration réellement binationale du projet. Il faut souligner à ce titre la mobilisation des élus locaux et des administrations des environs pour permettre le meilleur accueil et la bonne intégration de ces familles allemandes, ce qui sera un gage du succès de l'opération.

Cet élément de la durée des affectations est très original ; il exprime le fait qu'il s'agit bien d'une unité entièrement binationale, et non d'une coopération militaire classique. Du reste, cela a amené le chef d'état-major de l'armée de l'air (CEMAA) à envisager une opération équivalente en retour en Allemagne. Il pourrait s'agir par exemple d'une unité d'hélicoptères tactiques ou, si la France et l'Allemagne venaient à s'en doter, d'hélicoptères lourds qui nous font, à l'heure actuelle, gravement défaut.

IV. LA BA 105 : UN REMARQUABLE OUTIL POLYVALENT

La préparation de ce rapport a conduit la rapporteure à se rendre sur place pour visiter la BA 105 et le lieu d'implantation du futur escadron. La base compte environ 2 500 personnels. Elle a toujours eu une vocation de transport aérien. Elle dispose d'une emprise importante, car elle a été une importante base américaine après-guerre, qui a compté jusqu'à 9 000 hommes. Lorsque la France a quitté le commandement intégré de l'OTAN, l'armée de l'air a récupéré cette base et y a notamment abrité ses Transall . Il est intéressant de noter que, dans le contexte de réduction du format des armées après la fin de la Guerre froide, il a été envisagé jusque dans les années 2010 de fermer la BA 105. Il s'en est notamment suivi un arrêt des investissements lourds sur les bâtiments, ce qui demande aujourd'hui un effort d'autant plus soutenu pour moderniser la base.

On ne peut qu'être frappé du changement de pied auquel on assiste désormais, puisque la BA 105 est aujourd'hui confortée dans son rôle, et devrait même être renforcée à l'avenir par les nouveaux avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR). Le caractère stratégique de cette base tient aussi au fait qu'elle abrite les 2 C160 Gabriel , qui sont un élément central des capacités de guerre électronique françaises. Au retrait des Gabriel , en 2025, la BA105 accueillera leurs successeurs dans le cadre du programme Archange (il s'agira de 3 Falcon adaptés). Il est également envisagé qu'un détachement de Rafale participant à la police de l'air puisse être stationné de façon pérenne à Evreux.

De ce point de vue, le projet d'unité franco-allemande de transport tactique est doublement emblématique , en ce qu'il reflète deux tendances de fond que nous voyons à l'oeuvre dans nos armées :

- un effort très marqué de ré-investissement ;

- une volonté d'aller plus loin dans les coopérations européennes , à des niveaux de plus en plus proches des opérations. Sur bien des plans, et quoique d'une ampleur moindre, ce dossier rappelle celui du partenariat avec la Belgique (CaMo). Naturellement, concernant l'unité franco-allemande, il faudra regarder avec attention le contenu du second accord portant sur les opérations menées.

CONCLUSION

Il faut se réjouir de l'avancée de ce projet novateur. D'autres dossiers (SCAF, MGCS, Eurodrone...) ont suffisamment été l'occasion d'évoquer les complexités de la coopération franco-allemande pour ne pas manquer de souligner les avancées réelles et importantes, lorsqu'on les constate.

L'accord dont la ratification est demandée au Parlement est la première étape d'un projet ambitieux et de long terme, qui permettra de répondre aux besoins opérationnels des deux pays, tout en consolidant la défense européenne.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 19 février 2020, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Hélène Conway-Mouret sur le projet de loi n° 202 (2019-2020) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l'acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien.

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteure. - Il y a quinze jours, nous évoquions le Fonds européen de défense (FEDef), à travers le rapport de Cédric Perrin. Nous examinons aujourd'hui, à travers un projet de loi autorisant l'approbation d'une convention entre la France et l'Allemagne, une autre brique de la défense européenne : la création de la première unité opérationnelle binationale franco-allemande. Ce texte a en commun avec l'accord avec la Belgique (accord « CaMo ») que nous avons examiné l'an passé, et dont M. Cigolotti était le rapporteur, d'avoir peu retenu l'attention du grand public, alors qu'il traduit en réalité une avancée majeure.

De quoi s'agit-il concrètement ? L'accord prévoit le financement et la création d'une unité franco-allemande de transport tactique aérien, qui sera basée sur la base aérienne 105 d'Évreux (BA 105). Certains ont pu penser qu'il s'agissait d'une coopération rappelant, par exemple, la brigade franco-allemande (BFA). En réalité, il s'agit de quelque chose de tout à fait différent et novateur. La BFA permet à des unités françaises et allemandes de travailler dans un cadre commun, mais de façon parallèle. Ainsi, on a pu dire que la BFA était engagée au Mali, mais, en fait, les unités françaises faisaient partie du dispositif Barkhane, alors que les éléments allemands étaient intégrés dans la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Les missions étaient donc différentes.

Dans le cas de la future unité de transport aérien d'Évreux, on trouvera dans chaque appareil des équipages mêlant aviateurs français et allemands. La dimension binationale deviendra réellement opérationnelle, et il s'agit donc d'une innovation majeure.

Certes, on peut observer qu'il s'agit de transport tactique, et non d'aviation de combat, le recours direct à la force étant susceptible de rencontrer plus rapidement l'écueil des différences de doctrines et de circuits de décision dans les deux pays.

On peut également relever que chaque pays conservera la possibilité de ne pas participer à tout ou partie d'une mission. À l'inverse, chacun des deux pays pourra demander à préempter la totalité d'un avion pour une mission. Ces aspects fondamentaux devront être traités dans une seconde convention, actuellement en cours de négociation, et qui devrait nous être soumise d'ici l'été.

Je vous propose de rentrer maintenant dans une description du dispositif prévu. Il s'agit de constituer une flotte de dix avions de transports C-130J. Il est prévu que l'Allemagne achète six appareils, et la France quatre.

Cet avion produit par l'américain Lockeed Martin, répond au segment intermédiaire du transport aérien militaire. En effet, entre le CASA (CN-160), qui offre un emport de 30 hommes, et l'A400M qui peut en emporter 120, il manquait un avion de taille moyenne. Or les besoins, sur ce segment médian, se font d'autant plus pressants que les Transall sont progressivement retirés du service. La conjonction des retards du programme A400M et du retrait progressif des Transall a conduit à une réduction temporaire de capacité (RTC) dont le point bas est encore à venir, puisqu'il sera atteint en 2023, même si la capacité globale de transport remonte déjà du fait de la capacité d'emport des A400M déjà livrés (16 sur 35 de la première tranche).

Il faut rappeler également que l'armée de l'air dispose déjà d'une version plus ancienne de cet avion, avec douze C-130H basés à Orléans. Ces C-130H sont entrés en service en 1984 et voleront jusque vers 2030. C'est également à Orléans que sont provisoirement basés les trois C-130J que l'armée de l'air a déjà reçus. Le dernier avion français devrait être livré le mois prochain. Deux des avions français disposeront de la capacité de faire du ravitaillement en vol - les KC-130J-AAR - pour les avions et les hélicoptères, capacité dont vous vous souvenez sans doute qu'elle n'a pu pour l'instant être certifiée sur l'A400M, ce qui est une des raisons de l'achat de C-130J.

Quant aux appareils allemands, le premier d'entre eux se posera à Évreux en 2021, peut être sans même passer par l'Allemagne.

Le second aspect du projet, en matière d'investissement, concerne les bâtiments. Ceux-ci sont de deux natures. Il y aura d'une part les bâtiments de l'escadron, c'est-à-dire un parking dédié, car la conception d'origine des parkings de la BA 105, « en marguerite », n'est pas adaptée à cet avion ; trois hangars de maintenance ; des ateliers de stockage du matériel ; et l'escadron opérationnel où seront préparées les missions.

Les travaux devraient débuter en mai ou juin. Pour donner une idée de l'ampleur des travaux, ils correspondent à un volume de 100 à 150 camions par jour, pour lesquels un accès spécifique a été aménagé dans la base afin de préserver sa sécurité globale.

Dans un second temps, en 2023, viendra s'ajouter un bâtiment abritant les simulateurs et permettant la formation des équipages.

Je voudrais maintenant aborder un second volet du projet, qui n'est pas directement couvert par l'accord qui nous est soumis, mais qu'il est important de connaître pour appréhender l'ensemble du dispositif. Il s'agit des personnels allemands. Ceux-ci seront au nombre de 160. Mais le point le plus important, et le plus emblématique de cette coopération, c'est qu'il s'agira, pour les militaires allemands d'affectations longues, c'est-à-dire de cinq ans et plus. Autrement dit, une part significative de ces 160 militaires viendront en famille de façon pérenne, voire définitive. C'est un beau symbole de l'intégration réellement binationale de ce projet. Il faut souligner à ce titre la mobilisation des élus locaux et des administrations des environs pour permettre le meilleur accueil et la bonne intégration de ces familles allemandes, ce qui sera un gage du succès de l'opération.

J'insiste sur cet élément de la durée des affectations, car c'est très original et cela exprime le fait qu'il s'agit bien d'une unité entièrement binationale, et non d'une coopération militaire classique. Du reste, cela a amené le chef d'état-major de l'armée de l'air (Cemaa) à envisager une opération équivalente en retour en Allemagne. Il pourrait s'agir par exemple d'une unité d'hélicoptères tactiques ou, si la France et l'Allemagne venaient à s'en doter, d'hélicoptères lourds qui nous font, à l'heure actuelle, gravement défaut.

Enfin, la préparation de ce rapport m'a conduit à me rendre sur place pour rencontrer le commandant de la BA 105, le colonel Sébastien Delporte. Il me semble utile de partager avec vous les informations que j'ai recueillies à cette occasion, sur cette base très proche de la région parisienne. La base compte environ 2 500 personnels, et elle a toujours eu une vocation de transport aérien. Elle dispose d'une emprise importante, car elle a été une importante base américaine après-guerre, qui a compté jusqu'à 9 000 hommes. Lorsque la France a quitté le commandement intégré de l'OTAN, l'armée de l'air a récupéré cette base et y a notamment abrité ses Transall. Il me semble intéressant de souligner que, dans le contexte de réduction du format des armées après la fin de la Guerre froide, il a été envisagé jusque dans les années 2010 de fermer la BA 105. Il s'en est notamment suivi un arrêt des investissements lourds sur les bâtiments, ce qui demande aujourd'hui un effort d'autant plus soutenu pour moderniser la base. On ne peut qu'être frappé du changement de pied auquel on assiste désormais, puisque la BA 105 est aujourd'hui confortée dans son rôle, et devrait même être renforcée à l'avenir par les nouveaux avions légers de surveillance et de reconnaissance (ALSR). Le caractère stratégique de cette base tient aussi au fait qu'elle abrite les deux C160 Gabriel, qui sont un élément central de nos capacités de guerre électronique. Au retrait des Gabriel, en 2025, la BA 105 accueillera leurs successeurs dans le cadre du programme Archange : il s'agira de trois Falcon adaptés. Il est également envisagé qu'un détachement de Rafale participant à la police de l'air puisse être stationné de façon pérenne à Évreux.

De ce point de vue, le projet d'unité franco-allemande de transport tactique est doublement emblématique, en ce qu'il reflète deux tendances de fond que nous voyons à l'oeuvre dans nos armées : un effort très marqué de réinvestissement - comme corapporteure, avec Cédric Perrin, du programme 146, je suis naturellement sensible à cette dimension - ; et une volonté d'aller plus loin dans les coopérations européennes, à des niveaux de plus en plus proches des opérations.

En conclusion, il me semble que nous pouvons nous réjouir de l'avancée de ce projet. Nous avons suffisamment évoqué ici les complexités de la coopération franco-allemande pour ne pas manquer de souligner les avancées réelles et importantes, lorsque nous les constatons.

M. Christian Cambon, président. - Je rappelle aussi que le Sénat a insisté pour que le texte soit examiné le plus rapidement possible, afin de ne pas retarder davantage le lancement des travaux.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte à l'unanimité le rapport ainsi que le projet de loi.

DÉPLACEMENTS

20 janvier 2020

Déplacement sur la base aérienne 105 d'Evreux et entretien avec le Colonel Sébastien Delporte , commandant de la base.

PERSONNES AUDITIONNÉES

27 janvier 2020

Entretien avec le Colonel Paul Villemin , chef de division Aviation de mission et de support, bureau Programmes, Etat-major de l'Armée de l'air.


* 1 Rapport n° 396 (2018-2019) de M. Olivier Cigolotti, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

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