Rapport n° 385 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 mars 2020

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N° 385

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 mars 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1)
sur le projet de loi de
finances rectificative , adopté par l'Assemblée nationale,
pour
2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

2758 , 2761 et T.A. 411

Sénat :

384 (2019-2020)

PREMIÈRE PARTIE
UNE TRAJECTOIRE DES FINANCES PUBLIQUES BOULEVERSÉE PAR LA CRISE SANITAIRE

I. LE GOUVERNEMENT ANTICIPE DÉSORMAIS UN RECUL DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT, DONT L'AMPLEUR RESTE TRÈS INCERTAINE

A. LA MISE EN oeUVRE DE MESURES DE CONFINEMENT POUR LUTTER CONTRE L'ÉPIDÉMIE DE CORONAVIRUS BOULEVERSE LES PERSPECTIVES DE CROISSANCE

1. Avant même l'épidémie de Coronavirus, l'économie française se dirigeait vers une croissance plus faible qu'escompté par le Gouvernement

La loi de finances pour 2020 a été construite sur la base d'une hypothèse de croissance de 1,3 % . Le produit intérieur brut (PIB) a toutefois reculé de 0,1 % au dernier trimestre 2019 , ce qui n'avait pas été anticipé.

Cette mauvaise performance pèse sur les perspectives de croissance pour 2020 , qui dépendent du profil de la croissance 2019.

L'économie française bénéficie ainsi d'une « rampe de lancement » nettement moins favorable que lors des exercices précédents : l'acquis de croissance - qui correspond au niveau de la croissance en 2020 si le PIB restait au même stade qu'au dernier trimestre 2019 - est ainsi limité à 0,2 %, contre 0,6 % en 2018 et 1,1 % en 2017. Un rythme de croissance trimestriel conforme au potentiel de l'économie française (0,3 %) tout au long de l'année 2020 aurait par exemple abouti à une croissance annuelle de seulement 0,9 %, soit 0,4 point en-deçà de la prévision gouvernementale.

Avant même la propagation de l'épidémie de Coronavirus, les instituts de conjoncture du Consensus forecasts avaient d'ailleurs sans surprise abaissé leur prévision de croissance à 1,1 % pour la France.

2. La propagation de l'épidémie de Coronavirus constitue un choc de grande ampleur pour l'économie française, dont l'impact sur la croissance reste aujourd'hui très incertain

Si la prévision gouvernementale pouvait donc déjà apparaître légèrement optimiste, c'est naturellement la crise sanitaire du Coronavirus qui a contraint le Gouvernement à la revoir fortement à la baisse.

Pour apprécier son impact sur l'économie française, il est utile de distinguer deux phases .

Avant sa propagation à l'échelle mondiale, l'épidémie de Coronavirus a d'abord pesé sur l'économie française indirectement, du fait de son effet sur la croissance chinoise.

Pour contenir la diffusion du virus, le gouvernement chinois a en effet imposé des mesures de quarantaine très strictes, entraînant un fort ralentissement de l'activité économique . Les statistiques publiées pour les deux premiers mois de l'année 1 ( * ) conduisent ainsi les instituts de prévision à anticiper une contraction du PIB chinois de l'ordre de 10 % au premier trimestre , bien au-delà des estimations initiales 2 ( * ) .

Cela constitue à la fois un choc de demande et un choc d'offre pour l'économie française .

Sur le plan de la demande, le ralentissement chinois pèse sur la croissance par le canal du commerce extérieur . En effet, la Chine représentait 4,2 % des exportations françaises en 2018 3 ( * ) . Or, une baisse de 1 % de la demande mondiale adressée à la France pèse sur le PIB à hauteur de 0,13 % au bout d'un trimestre et de 0,22 % au bout d'un an, d'après le modèle de prévision Opale de la direction générale du Trésor 4 ( * ) .

Sur le plan de l'offre, les mesures de quarantaine chinoises perturbent les chaînes de production françaises , à la fois directement via les importations de produits intermédiaires chinois et indirectement, du fait de la valeur ajoutée chinoise incorporée à d'autres intrants. Une récente étude de l'Institut des politiques publiques (IPP) estime ainsi qu'un choc négatif de 10 % sur la production chinoise pourrait réduire le PIB français de 0,3 % uniquement à travers les chaînes de valeur, ce qui serait « suffisant pour que la croissance de 0,2 % sur le premier trimestre 2020 qui était prévue par l'INSEE en décembre 2019 se transforme en réduction de l'activité » 5 ( * ) .

Circonscrite à la Chine, l'épidémie de Coronavirus aurait néanmoins constitué un choc d'ampleur raisonnable pour l'économie française - et ce d'autant plus que les indicateurs conjoncturels les plus récents suggèrent qu'un fort rebond de l'économie chinoise est déjà en cours .

Sa propagation à l'échelle mondiale, qui a conduit à la mise en oeuvre de mesures de confinement de plus en plus strictes en France et à travers le monde, est toutefois à l'origine d'un deuxième choc pour l'économie française, à la fois plus direct et plus significatif.

Là encore, il s'agit à la fois un choc d'offre, lié principalement aux absences au travail , et un choc de demande, lié notamment au report des décisions de consommation et d'investissement des agents économiques ainsi qu'à à la contraction de la demande de nos partenaires commerciaux.

À ce stade, il est toutefois très difficile d'apprécier l'ampleur du choc sur la croissance liée aux mesures de confinement récemment mises en oeuvre .

D'une part, il n'y a pas réellement de précédent en la matière . En effet, si des études existent sur les effets économiques des stratégies de confinement, elles portent sur des mesures beaucoup plus ciblées que celles mises en oeuvre en France. À titre d'exemple, le coût d'une politique de fermeture des écoles de douze semaines aux États-Unis a été estimé à près d'un point de PIB 6 ( * ) .

D'autre part , le coût économique des mesures de confinement dépendra de leur durée de mise en oeuvre et de la vitesse de rebond de l'économie française, qui restent à ce jour très incertaines .

Dans ce contexte, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la Banque de France ont fait le choix de renoncer temporairement à leur exercice de prévision . L'Insee a néanmoins précisé, dans le cadre de son communiqué de presse annonçant l'ajournement de sa note de conjoncture prévue le 24 mars, que les informations collectées avant le durcissement des mesures « laissaient envisager une prévision en légère baisse du produit intérieur brut au premier trimestre 2020, et une baisse plus significative au deuxième trimestre », avec une « dégradation du climat des affaires en France au moins du même ordre de grandeur qu'à l'automne 2008 » 7 ( * ) .

B. SI LE GOUVERNEMENT ANTICIPE DÉSORMAIS UN RECUL DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT EN 2020, LE CHOC ÉCONOMIQUE LIÉ À L'ÉPIDÉMIE POURRAIT ÊTRE PLUS FORT QU'ESCOMPTÉ

1. Dans ce contexte particulièrement incertain, le Gouvernement table sur un recul du PIB de 1 % en 2020

Sans surprise, le présent projet de loi de finances rectificative est donc marqué par une forte révision à la baisse de la prévision de croissance pour 2020 .

Le PIB reculerait de 1 % en 2020 , alors que le Gouvernement tablait sur une croissance de 1,3 %, soit une dégradation de 2,3 points .

Évolution de l'hypothèse gouvernementale
de croissance du PIB pour l'année 2020

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Il s'agirait du deuxième plus fort recul du PIB de l'après-guerre , juste derrière l'année 2009, marquée par la crise financière des subprimes .

Comparaison de la prévision de croissance pour 2020
avec les plus bas niveaux atteints depuis 1949

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

2. Un recul nettement plus prononcé du PIB ne peut être exclu

Dans son rapport sur l'évolution de la situation économique et budgétaire annexé au présent projet de loi, le Gouvernement suggère que cette nouvelle hypothèse présente un caractère central , en soulignant que « l'impact économique de l'épidémie de coronavirus retenu pour cette prévision est cohérent avec les évaluations publiées en mars par l'OCDE et la BCE, qui estiment un choc négatif allant de - 0,2 à - 1,4 point de PIB en 2020 pour l'Europe selon le degré de contagion et les mesures mises en place ».

Toutefois, les évaluations de l'OCDE et de la BCE auxquelles se réfère le Gouvernement apparaissent déjà datées . À titre d'illustration, les prévisions semestrielles de la Banque centrale européenne publiées le 12 mars ont été réalisées en l'état des connaissances à la fin du mois de février - les hypothèses techniques ayant été arrêtées le 18 février.

Or, plusieurs développements intervenus depuis indiquent que le recul du PIB pourrait être plus fort qu'anticipé .

Tout d'abord, les premières données chinoises sur le ralentissement observé au cours des deux premiers mois de l'année suggèrent que le coût économique des mesures de confinement pourrait avoir été sous-estimé , ainsi que cela a été précédemment rappelé.

En outre, le scénario de croissance du Gouvernement « repose sur deux hypothèses fortes, celle d'un confinement limité à un mois et celle d'un retour rapide à la normale de la demande française comme étrangère , qui ne sont pas acquises », ainsi que le souligne le Haut Conseil des finances publiques dans son avis 8 ( * ) .

La première hypothèse apparaît notablement incertaine, les travaux de modélisation sur lesquels le Gouvernement se serait appuyé pour décider de mettre en place les mesures de confinement suggérant que l'endiguement du virus pourrait prendre plusieurs mois 9 ( * ) .

Aussi, la prévision du Gouvernement se situe en réalité plutôt dans la fourchette haute des estimations les plus récentes .

En effet, si l'hypothèse de croissance pour 2020 est très proche de celle présentée le 13 mars par la Commission européenne pour l'ensemble de la zone euro (recul du PIB de 1 % environ) 10 ( * ) et de celle retenue par Goldman Sachs le 16 mars pour la France (recul du PIB de 0,9 %) 11 ( * ) , d'autres banques et instituts sont désormais beaucoup plus pessimistes . La banque américaine Morgan Stanley anticipe par exemple un recul de l'activité de 4,8 % en France en 2020 12 ( * ) dans ses prévisions du 17 mars.

À titre d'illustration, un choc d'ampleur comparable à celui anticipé en Chine pour le premier trimestre de l'année (contraction de 10 % du PIB) mais étalé sur deux trimestres conduirait en France à une perte de PIB comprise entre 4,2 et 6,3 % selon l'ampleur du rattrapage effectué au cours du second semestre de l'année.

Niveau de la croissance 2020 en fonction de la perte d'activité au
premier semestre et du rattrapage effectué au second semestre

(taux d'évolution du PIB en volume)

Perte de PIB au premier semestre

Ampleur du rattrapage effectué
au second semestre

Croissance 2020 déduite

2,5 %

50 %

- 1,5

75 %

- 1,2

100 %

- 0,9

5 %

50 %

- 3,1

75 %

- 2,6

100 %

- 2,0

10 %

50 %

- 6,3

75 %

- 5,2

100 %

- 4,2

15 %

50 %

- 9,4

75 %

- 7,8

100 %

- 6,2

Note méthodologique : la perte de PIB est répartie équitablement entre le premier et le deuxième trimestre, tandis que 75 % du rattrapage prévu sur l'ensemble du second semestre est effectué dès le troisième trimestre.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données d'exécution de l'Insee pour 2019)

Le scénario gouvernemental apparaît pour sa part compatible avec une perte de seulement 2,5 % au premier semestre, entièrement rattrapée au second semestre , ainsi que l'illustre le tableau ci-dessus. Interrogé sur le profil infra-annuel de sa prévision de croissance, le Gouvernement n'a malheureusement pas répondu précisément, se contentant d'indiquer que le PIB connaîtrait un « recul sur le premier semestre 2020, avant de rebondir au second avec le retour à la normale de la consommation ».

Là encore, les points de comparaison sont quasi-inexistants dans la France de l'après-guerre : on notera toutefois que si le deuxième trimestre 1968 avait été marqué par une chute de 5,3 % du PIB, le terrain perdu avait été plus que rattrapé dès le trimestre suivant (+ 8 %).

Panorama des reculs les plus importants du PIB
au cours d'un trimestre depuis 1949

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

II. LA DÉGRADATION DE LA CONJONCTURE ET LA MISE EN oeUVRE DE MESURES DE SOUTIEN PÈSENT SUR LA TRAJECTOIRE DE REDRESSEMENT DES COMPTES PUBLICS

A. LE CONTEXTE BUDGÉTAIRE CONTRAINT NE SAURAIT CONDUIRE À RENONCER À LA MISE EN oeUVRE DE MESURES DE SOUTIEN

1. Si la France n'a pas reconstitué de marges de manoeuvre budgétaires avant le déclenchement de la crise...

Cette crise sanitaire intervient dans un contexte budgétaire malheureusement contraint .

Sur le plan de l'endettement, la France est ainsi, avec l'Italie, le seul grand pays de la zone euro dont la part de la dette dans la richesse nationale a augmenté entre 2014 et 2019, une fois la crise européenne des dettes souveraines résolue.

Évolution prévisionnelle du ratio d'endettement entre 2014 et 2019
au sein des principaux pays de la zone euro

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la base Ameco de la Commission européenne, fondées sur les prévisions d'automne 2019)

Dans le cadre de ses travaux, la commission des finances du Sénat a pourtant régulièrement souligné que le choix des majorités successives de reporter l'ajustement structurel des comptes publics risquait de rendre l'économie française vulnérable face aux chocs , en limitant la capacité de la politique budgétaire à jouer son rôle d'amortisseur 13 ( * ) .

La France aborde ainsi cette crise dans une situation budgétaire bien plus défavorable que certains de ses voisins tels que l'Allemagne et les Pays-Bas, dont le ratio d'endettement est revenu sous le seuil maastrichtien de 60 % du PIB.

Comparaison de l'évolution prévisionnelle du ratio
d'endettement de la France, de l'Allemagne et des Pays-Bas

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données d'exécution, de la trajectoire gouvernementale et des prévisions d'octobre 2019 du FMI pour l'Allemagne et les Pays-Bas)

Le constat est identique sur le plan du déficit. Après l'Espagne, la France est ainsi le pays de la zone euro dont la situation structurelle des comptes publics apparaît la plus dégradée, avec un déficit structurel de 2,7 % à l'issue de l'exercice 2019.

Niveau anticipé du solde structurel à l'issue de l'exercice 2019
au sein des principaux pays de la zone euro

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de la base Ameco de la Commission européenne, fondées sur les prévisions d'automne 2019)

Ce contexte budgétaire contraint ne saurait toutefois conduire à renoncer à la mise en place de mesures de soutien.

2. ...elle bénéfice d'une forte confiance sur les marchés et du soutien monétaire de la Banque centrale européenne

En effet, la France continue de bénéficier d'un haut degré de confiance sur les marchés financiers. L'écart de coût de financement avec l'Allemagne se situe ainsi à un niveau très faible (environ 40 points de base à 10 ans) par rapport à la plupart des pays voisins et au point haut atteint lors de la crise des dettes souveraines (190 points de base fin 2011).

Écart de coût de financement à 10 ans par rapport à l'Allemagne
observé le 19 mars 2020

(en points de base)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du London Stock Exchange Group du 19 mars 2020 pour les obligations souveraines à 10 ans)

Cela peut s'expliquer par deux principaux facteurs .

Tout d'abord, la crédibilité de la politique budgétaire d'un pays ne se réduit pas à son niveau d'endettement ou de déficit .

Or, la France bénéficie de nombreux atouts aux yeux des créanciers : absence de défaut depuis 1812, qualité de la gestion de la dette, forte capacité à lever l'impôt, mise en oeuvre de réformes structurelles visant à élever le potentiel de croissance de l'économie française (et donc sa future capacité de remboursement), diminution programmée des dépenses liées au vieillissement à long terme, etc .

En outre, le poids de la charge de la dette dans la richesse nationale est en forte diminution , dans un contexte d'affaiblissement durable des taux d'intérêt à l'échelle mondiale 14 ( * ) .

La charge de la dette s'est ainsi établie à 1,5 % du PIB en 2019, contre 3 % du PIB lors de la mise en place de l'euro, alors même que l'endettement a augmenté de près de 40 points au cours de la période.

Pour faire face à la crise sanitaire, la France peut par ailleurs compter sur le plein soutien de la Banque centrale européenne (BCE) , qui a clairement réaffirmé qu'un accroissement des différentiels de coûts de financement entre les pays de la zone euro perturberait la bonne transmission de sa politique monétaire et conduirait à une réponse de sa part.

Évolution du coût de financement à 10 ans de différents États de la zone euro
entre le 9 mars et le 18 mars 2020

(en points de base)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de Bloomberg pour les obligations souveraines à 10 ans)

Le durcissement des conditions de financement observé depuis le 9 mars a ainsi conduit la BCE à annoncer dès le 18 mars un nouveau programme d'achat d'obligations de 750 milliards d'euros , qui porte ainsi à 1 100 milliards le montant total des achats d'actifs prévus d'ici la fin de l'année 2020.

3. En outre, l'absence de mesures de soutien risquerait de dégrader durablement les perspectives de croissance de l'économie française

Au-delà de la confiance des marchés, la mise en place de mesures de soutien se justifie enfin et surtout par la nécessité de préserver le capital productif et humain de l'économie française pendant la mise en oeuvre des mesures de confinement.

De ce point de vue, les risques liés au choc sanitaire sont principalement de deux ordres :

- des entreprises viables peuvent disparaître , du fait de la dégradation temporaire de leur carnet de commandes ;

- des salariés peuvent se retrouver durablement au chômage et perdre en employabilité.

B. AU TOTAL, LA DÉGRADATION DE LA CONJONCTURE ET LES MESURES DE SOUTIEN DÉFENSIVES DEVRAIENT FORTEMENT DÉGRADER LE DÉFICIT PUBLIC

1. Dans ce contexte, le Gouvernement entend légitimement laisser jouer les « stabilisateurs automatiques » et mettre en oeuvre des mesures de soutien « défensives »

Aussi, le rapporteur général partage la stratégie budgétaire proposée par le Gouvernement, qui comporte deux volets .

Tout d'abord, laisser jouer les « stabilisateurs automatiques » , en ne cherchant pas à augmenter les impôts ou à diminuer les dépenses pour atteindre les objectifs budgétaires initialement fixés pour 2020.

La faiblesse de la croissance va en effet se traduire naturellement par une perte de recettes et une augmentation des dépenses sociales - et ce d'autant plus que les « stabilisateurs automatiques » sont particulièrement élevés en France.

Ainsi, une diminution de la croissance de 1,0 point se traduit mécaniquement en France par une hausse du déficit public de 0,63 point de PIB : il s'agit du niveau le plus élevé au sein de l'Union européenne.

Importance des « stabilisateurs automatiques »
au sein des pays de l'Union européenne

(en pourcentage)

Note méthodologique : l'importance des « stabilisateurs automatiques » est ici appréhendée par le niveau de la semi-élasticité budgétaire, qui correspond à la sensibilité du solde public à la variation de l'écart de production.

Source : commission des finances du Sénat (d'après : Gilles Mourre, Aurélien Poissonnier et Martin Lausegger, « The Semi-Elasticities Underlying the Cyclically-Adjusted Budget Balance : An Update & Further Analysis », Commission européenne, European Economy - Discussion Paper 098, mai 2019)

Au-delà des « stabilisateurs automatiques », des mesures de soutien budgétaire à vocation défensive ont été légitimement annoncées par le Gouvernement afin de permettre aux entreprises et aux travailleurs de surmonter le choc temporaire lié aux mesures prises pour lutter contre l'épidémie, avec :

- « 45 milliards d'euros de mesures de soutien immédiates », prévues par le présent projet de loi de finances et le projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;

- « 300 milliards d'euros de prêts garantis par l'État » , portés par l'article 4 du présent projet de loi de finances rectificative.

L'impact de ces mesures de soutien sur les indicateurs maastrichtiens est toutefois nettement plus faible à ce stade , car l'essentiel des « mesures de soutien immédiates » consistent en un simple étalement des charges fiscales et sociales des entreprises, tandis que les garanties constituent un engagement « hors bilan » de l'État.

D'après le Gouvernement, le coût budgétaire au titre de l'exercice 2020 se limiterait dès lors à 11,5 milliards d'euros , dont :

- 8,5 milliards d'euros pour le dispositif exceptionnel de chômage partiel ;

- 2 milliards d'euros pour les dépenses additionnelles de santé ;

- 1 milliard d'euros pour le fonds de solidarité des très petites entreprises (TPE).

2. En conséquence, le déficit public s'élèverait à 3,9 % du PIB à l'issue de l'exercice 2020, tandis que la dette publique dépasserait le seuil symbolique de 100 % du PIB

Au total, la prévision de déficit public s'en trouve fortement dégradée : alors que celui-ci était attendu à 2,2 % du PIB, il s'élèverait finalement à 3,9 % du PIB à l'issue de l'exercice 2020.

Évolution du tableau de synthèse de l'article liminaire

(en points de PIB)

Exécution 2018

Prévision d'exécution 2019

Prévision 2020 du PLF

Prévision 2020 du PLFR

Solde structurel (1)

- 2,3

- 2,2

- 2,2

- 2,2

Solde conjoncturel (2)

0

0

0,1

- 1,3

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

- 0,2

- 0,9

- 0,1

- 0,4

Solde effectif (1 + 2 + 3)

- 2,5

- 3,1

- 2,2

- 3,9

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Cette dégradation traduit à la fois l'effet de la conjoncture et le coût des mesures de soutien , qui ne sont que marginalement compensés par un accroissement ponctuel des recettes lié à l'amende de 2,1 milliards d'euros payée au mois de janvier par Airbus dans le cadre d'une convention judiciaire d'intérêt public .

Décomposition de l'évolution de la prévision de déficit pour 2020

(en points de PIB)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Le dépassement du seuil de 3 % du PIB ne conduira pas à l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif , dès lors que la Commission européenne a indiqué être prête à activer la « clause de sauvegarde » prévue par les traités, ce qui aurait pour conséquence de suspendre l'application des trajectoires de redressement 15 ( * ) .

Le déficit structurel resterait par ailleurs inchangé (2,2 %). En effet, le Gouvernement considère que l'intégralité du coût des mesures de soutien peut être catégorisée au sein des mesures exceptionnelles et temporaires, qui ne sont pas prises en compte dans son calcul.

Il peut être noté que le Gouvernement n'a initialement pas souhaité communiquer sur l'évolution de sa prévision d'endettement , fixée à 98,7 % dans le cadre de la loi de finances pour 2020. Interrogé sur ce point, il a seulement indiqué que « la dette publique dépassera les 100 points de PIB cette année ».

Sur la base du scénario macrobudgétaire sous-jacent au projet de loi de finances pour 2020, modifié uniquement pour tenir compte de la nouvelle prévision de croissance et du surcoût lié aux mesures de soutien, le modèle de la commission des finances suggère que le ratio d'endettement s'élèverait à environ 102,5 % du PIB à l'issue de l'exercice 16 ( * ) .

3. La nouvelle trajectoire budgétaire est soumise à des aléas d'une ampleur inédite

Le nouveau scénario budgétaire présenté par le Gouvernement pour l'exercice 2020 apparaît en tout état de cause soumis à des aléas d'une ampleur inédite et sera, selon toute vraisemblance, substantiellement modifié lors des prochaines semaines.

La prévision de croissance constitue naturellement la principale source d'interrogation, ainsi que cela a été précédemment rappelé .

À titre d'illustration, un recul de 5 % du PIB en 2020 tel qu'envisagé par les instituts de conjoncture les plus pessimistes pèserait à hauteur de 2,4 points de PIB supplémentaires sur le déficit public 2020, ce qui porterait ce dernier à 6,3 % du PIB .

À prévision de croissance inchangée, l'élasticité des recettes à la conjoncture constitue également un aléa notable .

En effet, le Gouvernement table sur une élasticité des prélèvements obligatoires à l'activité économique unitaire, alors que celle-ci varie en fonction de la position de l'économie dans le cycle et est généralement plus faible lorsque l'économie ralentit , ainsi que l'a d'ailleurs rappelé le HCFP dans son avis sur le présent projet de loi 17 ( * ) .

L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB

L'élasticité des prélèvements obligatoires au PIB est le coefficient par lequel il faut multiplier la croissance du PIB en valeur pour obtenir la croissance « spontanée » des prélèvements obligatoires (c'est-à-dire avant les modifications du droit, appelées « mesures nouvelles »), l'année considérée.

Sur longue période, les prélèvements obligatoires « spontanés » tendent à augmenter à la même vitesse que le PIB. On dit alors que leur élasticité au PIB est égale à 1.

En revanche, il arrive fréquemment à court terme que cette élasticité s'éloigne de l'unité . Ainsi, certaines années (en général quand la croissance du PIB est forte), les prélèvements obligatoires augmentent plus rapidement que le PIB : leur élasticité au PIB est alors supérieure à 1 . D'autres années (en général quand la croissance du PIB est faible), les prélèvements obligatoires au PIB augmentent moins rapidement que le PIB : leur élasticité au PIB est alors inférieure à 1 .

Source : « Quels prélèvements obligatoires pour la sortie de crise ? », rapport d'information n° 45 (2009-2010) de Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances et déposé le 15 octobre 2009

Le coût des mesures de soutien annoncées pour faire face à la crise sanitaire constitue un troisième aléa majeur .

Tout d'abord, le scénario budgétaire retenu pour l'exercice 2020 suppose que les charges sociales et fiscales décalées soient intégralement remboursées et que les garanties octroyées ne soient pas appelées . Si tel n'était pas le cas, les indicateurs budgétaires maastrichtiens seraient grevés d'autant. Ce risque apparaît plus important encore dans certains secteurs pour lesquels la perte d'activité ne pourra pas être intégralement rattrapée à l'issue de la crise sanitaire (ex : aérien, événementiel, etc .).

En outre, le calibrage des mesures de soutien « défensives » pourrait être revu à la hausse en fonction de la durée des mesures de confinement , en particulier s'agissant du dispositif rénové de soutien à l'activité partielle.

Enfin, il ne peut être exclu que le Gouvernement décide dans les prochains mois de mettre en oeuvre des mesures de soutien « offensives » visant à accélérer le rattrapage du terrain perdu une fois l'épidémie endiguée. Après avoir « sauvé » le tissue économique, il conviendra probablement de mettre en oeuvre un plan de relance.

DEUXIÈME PARTIE
DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT, TIRER LES PREMIÈRES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE ET FOURNIR LES EFFORTS NÉCESSAIRES POUR AIDER AU SAUVETAGE DU TISSU ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE

I. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE PRÉVISIONNEL DE L'ÉTAT S'AGGRAVE DE 15,4 MILLIARDS D'EUROS

Le projet de loi de finances rectificative prévoit une aggravation de 15,4 milliards d'euros du déficit budgétaire de l'État , qui s'établirait à 108,5 milliards d'euros, contre 93,1 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale.

Lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2020, le rapporteur général a regretté la très modeste amélioration du solde budgétaire de l'État prévu par la loi de finances initiale : le déficit prévisionnel était en effet passé de 96,3 milliards d'euros en 2019 selon l'estimation alors disponible (ou 97,6 milliards d'euros selon l'estimation donnée en projet de loi de finances rectificative pour 2019) à 93,1 milliards d'euros en 2020.

D'ailleurs cette amélioration était largement optique , puisqu'elle provenait en premier lieu de l'absence de compensation à la Sécurité sociale de certaines pertes de recettes. En outre, cette prévision dépendait d'effets transitoires, tels que le contrecoup de l'aggravation du déficit en 2019 par le double compte du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) cette année-là, et la perception de l'impôt sur le revenu sur douze mois en 2020 contre onze en 2019, par l'effet de la mise en place du prélèvement à la source.

L 'État n'ayant pas su redresser ses comptes depuis 201 7, la crise actuelle amène à constater l'absence de marges de manoeuvre et une dégradation immédiate du solde budgétaire, désormais prévu à un niveau de 108,5 milliards d'euros.

Ce niveau s'explique à la fois par une diminution de recettes occasionnée par la réduction de l'activité économique et par la création d'un programme nouveau tendant à apporter une aide d'urgence aux entreprises (voir infra ).

Révision du solde budgétaire de l'État en 2020

(en milliards d'euros)

LFI : loi de finances initiale. CAS PFE : compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État. PLFR : projet de loi de finances rectificative.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de finances rectificative

Le déficit budgétaire devrait donc poursuivre son aggravation en 2020, sans toutefois atteindre les niveaux atteints en 2009 et 2010.

Évolution du solde budgétaire de l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Cela ne signifie pas que la crise sanitaire ait des effets sur l'économie inférieurs à la crise financière qui a démarré en 2008, mais il convient de constater que :

- d'une part, le plan d'urgence ne repose que très partiellement sur les comptes de l'État , à travers les mesures présentées dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative ;

- d'autre part, comme il a été indiqué dans la première partie du présent rapport, ce plan ne prend probablement en compte que les premiers effets de la crise sur le budget de l'État . Il paraît très probable que les pertes de ressources, comme les prévisions de dépenses supplémentaires présentées par le Gouvernement sont largement sous-estimées. Ces éléments seront précisés infra .

II. LA DIMINUTION DE RECETTES EST PROBABLEMENT SOUS-ESTIMÉE

A. LES RECETTES FISCALES NETTES SERAIENT INFÉRIEURES DE 10,7 MILLIARDS D'EUROS À LA PRÉVISION EN LOI DE FINANCES INITIALE...

Les recettes fiscales nettes s'établiraient en diminution de 10,7 milliards d'euros .

L'écart porte principalement sur l'impôt sur les sociétés net , dont le produit serait en diminution de 6,6 milliards d'euros par rapport au produit attendu en loi de finances initiale, ce qui s'explique par la baisse d'activité des entreprises.

La chute prévisible de la consommation aurait des conséquences sur le rendement de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) nette estimées à 2,2 milliards d'euros . L'impôt sur le revenu serait quant à lui en diminution de 1,4 milliard d'euros.

Ces écarts sont dus en partie à l'augmentation des remboursements et dégrèvements : en rendement brut, l'impôt sur le revenu serait quasiment stable avec une diminution limitée à 45 millions d'euros, tandis que le rendement de l'impôt sur les sociétés diminuerait de 3,3 milliards d'euros. Celui de la TVA, en revanche, serait inférieur de 3,0 milliards d'euros à celui prévu en loi de finances initiale.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit en effet une augmentation de 4,0 milliards d'euros des remboursements et dégrèvements , comprenant une ouverture de crédits à hauteur de 4,6 milliards d'euros sur les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État et une annulation de crédits à hauteur de 0,6 milliard d'euros sur les ceux portant sur les impôts locaux. Le projet de loi de finances rectificative ne contient pas d'élément d'explication sur ces mouvements.

Les remboursements et dégrèvements seraient donc plus élevés que prévu pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, mais moins élevés que prévu pour la TVA.

Quant à la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), la part revenant à l'État ne serait pas différente de l'estimation prévue en loi de finances initiale, en raison selon l'exposé des motifs des règles relatives aux transferts entre affectataires. Le rapporteur général s'étonne de cette prévision , alors que la diminution des déplacements liée à la chute de l'activité entraînera nécessairement une baisse marquée du produit brut de la TICPE.

Pour mémoire, le produit de la TICPE est réparti entre quatre catégories d'entités :

- l'agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF), à hauteur de 1,6 milliard euros en 2020 18 ( * ) ;

- la fraction de TICPE transférée aux régions et à la collectivité territoriale de Corse en application de l'article 265 du code des douanes est définie selon un prix fixe en fonction des ventes de carburants sur leur territoire 19 ( * ) . Les régions et départements bénéficient également de parts de TICPE liées à des transferts de compétences. Le montant transféré aux collectivités territoriales en 2020 est estimé à 11,2 milliards d'euros 20 ( * ) ;

- le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique », à hauteur de 6,3 milliards d'euros en 2020 21 ( * ) ;

- l'État pour le produit non affecté aux autres entités, estimé à 14,5 milliards en 2020.

B. ... CE QUE COMPENSERAIT PARTIELLEMENT UN ACCROISSEMENT DES RECETTES NON FISCALES À HAUTEUR DE 3,5 MILLIARDS D'EUROS

L'impact de la baisse des recettes fiscales sur le budget de l'État est partiellement compensé par des recettes de constatation sur les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite , dont le montant serait supérieur de 3,9 milliards d'euros à celui prévu en loi de finances initiale.

En particulier, le parquet national financier et la société Airbus ont signé, le 29 janvier dernier, une convention judiciaire d'intérêt public (CJIP) qui conduit au paiement par cette société d'une amende de 2 milliards d'euros. L'exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative précise que plusieurs sanctions prononcées par l'autorité de la concurrence entre décembre 2019 et mars 2020 contribuent à l'accroissement de cette ressource.

C. LES COMPTES DE L'ÉTAT NE BÉNÉFICIERAIENT PLUS DE LA CESSION DE CERTAINES PARTICIPATIONS

Selon l'exposé des motifs du projet de loi de finances rectificative, la réalisation de recettes de privatisation n'est plus attendue , ce qui conduit à une annulation de recettes de 9,0 milliards d'euros pour les comptes d'affectation spéciale.

La principale recette attendue résultait de la cession de l'établissement Aéroports de Paris et devait conduire à une dépense d'un montant égal, tenant d'une part à compléter la dotation en numéraire du fonds pour l'innovation dans l'industrie (programme 731) et d'autre part à contribuer au désendettement de l'État (programme 732).

L'article 3 du présent projet de loi de finances rectificative prévoit en conséquence une annulation des crédits des comptes spéciaux , portant sur le compte « Participations financières de l'État », mais à un montant de 7,0 milliards d'euros seulement , inférieur de 2 milliards d'euros à la minoration des ressources. L'annulation des crédits porte sur le programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État » à hauteur de 5,0 milliards d'euros, sur un total de 10,2 milliards d'euros, et sur le programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État » à hauteur de 2 milliards d'euros.

Le Gouvernement semble ainsi conserver une marge qui lui permettrait d'acquérir ou d'augmenter des participations dans des entreprises ou secteurs qu'il serait nécessaire de soutenir.

III. LES OUVERTURES DE CRÉDITS SUR LE BUDGET DE L'ÉTAT SONT IMPORTANTES MAIS RISQUENT D'ÊTRE INSUFFISANTES

Le présent projet de loi de finances rectificative, en complément des mesures mises en oeuvre par le projet de loi d'urgence et des autres initiatives gouvernementales, propose un dispositif de soutien d'urgence aux entreprises, composé de trois branches : un dispositif exceptionnel de chômage partiel et un fonds de solidarité pour les très petites entreprises, faisant tous deux l'objet d'une mission budgétaire nouvelle, ainsi qu'un système de garantie.

Ces mesures proposées relèvent du soutien conjoncturel et non, comme lors de la crise de 2008 à 2010, de dépenses productives ou d'investissement. La relance sera probablement pour plus tard.

A. UN PLAN D'URGENCE S'INSPIRANT PAR CERTAINS ASPECTS DES PROGRAMMES MIS EN oeUVRE LORS DE LA CRISE DE 2008-2010

De nombreux secteurs économiques majeurs sont aujourd'hui en panne . Certains secteurs sont même complètement à l'arrêt par application des décisions du gouvernement 22 ( * ) , tandis que de nombreux autres sont gravement impactés dans leur activité. À titre d'exemple, la diffusion de l'épidémie se traduit, selon l'association internationale des transporteurs aériens, par des pertes estimées entre 63 et 113 milliards de dollars 23 ( * ) .

La crise économique concerne donc d'ores et déjà l'économie réelle, depuis les indépendants et les très petites entreprises, souvent à l'arrêt complet, jusqu'aux grands secteurs pourvoyeurs d'emploi. C'est donc l'ensemble des entreprises, et non un secteur particulier, qu'il convient de soutenir.

1. L'expérience de la crise financière

Si la crise actuelle est inédite en ce qu'elle provient d'une origine sanitaire et non, comme les crises habituelles, d'une crise économique ou d'une catastrophe naturelle, son ampleur et ses conséquences sur l'économie appellent à rappeler les grandes lignes de la traduction de la crise de 2008-2010 dans les projets de loi de finances .

Cet examen permet de constater que le montant des crédits d'État ouverts par le présent projet de loi de finances rectificative, à hauteur de 10,8 milliards d'euros sur le budget général, correspond seulement aux stades préliminaires de la crise de 2008 .

Montant des crédits ouverts (nets des crédits annulés) sur le budget général
en cours d'exercice par décrets d'avance et lois de finances rectificatives

(en milliards d'euros)

Autorisations d'engagement (AE) et crédits de paiement (CP) ouverts nets des AE et CP annulés.

R&D : remboursements et dégrèvements. LOLF : loi organique relative aux lois de finances.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des lois de finances rectificatives et des décrets d'avance.

Les mesures présentées dans le présent projet de loi de finances rectificative rappellent certaines des actions menées en 2008-2010.

Dès le début de la crise de 2008, l'apport de garanties d'un niveau très important avait ainsi permis de maintenir à flot le secteur qui était alors concerné le plus directement , à savoir le secteur bancaire.

L'article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie a autorisé l'attribution de la garantie de l'État pour des titres de créances émis avant le 31 décembre 2009 et émis par une société ad hoc dénommée Société de financement de l'économie française (SFEF), qui elle-même accordait des prêts aux banques, ainsi que pour des financements levés par le groupe Dexia. Le montant total maximal de ces garanties était de 360 milliards d'euros.

Ce dispositif a permis aux banques de surmonter une phase transitoire pendant laquelle leur financement était mis en péril du fait du dysfonctionnement du marché interbancaire. La SFEF a finalement prêté 77 milliards d'euros aux banques et a mis fin à ses activités dès l'automne 2009. Non seulement ces garanties n'ont pas été mises en oeuvre et n'ont donc pas représenté un coût pour l'État, mais leur rémunération a au contraire rapporté 1,4 milliard d'euros 24 ( * ) .

L'Allemagne, pour sa part, a mis en place un dispositif d'indemnisation du chômage partiel de manière beaucoup plus large qu'en France. Ainsi, ce dispositif a profité, en 2009, à plus de 1,5 million de personnes dans ce pays, contre moins de 300 000 personnes en France 25 ( * ) . La Cour des comptes, dans son rapport public annuel 2011, a recommandé d'améliorer l'attractivité du dispositif de chômage partiel, en s'appuyant sur l'exemple allemand 26 ( * ) .

C'est dans un second temps que des plans de relance et d'investissement ont été lancés.

La loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 a ainsi mis en place un plan de relance de l'économie, sous la forme d'une mission budgétaire nouvelle , dotée de 10,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 10,3 milliards d'euros en crédits de paiement. Cette mission a été confiée au ministère de la relance, créé pour l'occasion.

L'année suivante, un programme d'investissements d'avenir a été lancé, pour un montant de 35 milliards d'euros réparti entre plusieurs missions existantes. Ce programme a ultérieurement été complété de 12 milliards d'euros dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2014 27 ( * ) et, lors de sa troisième édition, fait l'objet d'une mission budgétaire spécifique dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2018 28 ( * ) avec 10 milliards d'euros supplémentaires.

2. Un plan d'urgence et non un plan de relance

Ainsi que cela a été précédemment rappelé, le plan d'urgence présenté dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative, à vocation essentiellement « défensive », vise avant tout à soutenir les entreprises qui ne peuvent plus exercer leur activité normale pendant une période limitée , et non à relancer des secteurs qui présenteraient des difficultés structurelles ou nécessiteraient de voir la demande stimulée comme en 2009 (plan de relance de l'économie) et en 2010 (programme d'investissements d'avenir).

Il en résulte plusieurs conséquences.

D'une part, il n'est pas question de présenter les dépenses occasionnées pour l'État comme un « investissement » qui permettrait, par le développement de l'activité, de produire un retour ultérieur par une amélioration des rentrées fiscales. Il s'agit plutôt d'aider les entreprises, autant qu'il est possible, à exercer leur activité normale. Le rendement de ces mesures consiste toutefois à éviter une perte de capital productif. En tout état de cause, un prolongement de la crise entraînerait mécaniquement une augmentation du coût budgétaire du dispositif.

D'autre part, il n'est pas encore question de mettre en place un véritable plan de relance . Celui-ci ne présenterait d'ailleurs aucun intérêt tant que les entreprises ne sont pas en mesure de mettre en oeuvre l'appareil productif dans des conditions normales.

C'est lorsque l'activité reprendra qu'il sera nécessaire d'évaluer la nécessité ou non de prolonger le plan d'urgence par un autre type de politique économique de plus long terme.

3. La création justifiée d'une mission spécifique « Plan d'urgence face à la crise sanitaire »

De même que la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009 avait créé une mission « Plan de relance de l'économie », le présent projet de loi de finances rectificative propose la création d'une mission temporaire intitulée « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » .

Cette mission est confiée au ministre chargé de l'action et des comptes publics, et non à un ministre spécifique comme cela avait été le cas en 2009.

L'inscription des dispositifs dans une mission budgétaire se justifie pleinement.

En effet, l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances prévoit qu'« une mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie. Seule une disposition de loi de finances d'initiative gouvernementale peut créer une mission . »

Face à la survenance d'une crise majeure telle que l'épidémie de Covid-19, la définition d'une politique publique spécifique s'impose . Elle permettra de « sanctuariser » les crédits et d'assurer leur contrôle et leur suivi, notamment à travers les informations présentées dans les documents budgétaires. Les crédits sont également soumis aux règles limitatives et d'information définies par la loi organique relative aux lois de finances concernant les virements (entre programmes d'un même ministère) et les transferts (entre programmes de ministères distincts, pour des emplois correspondant à des actions du programme d'origine).

En outre, le regroupement de chacun des dispositifs ainsi créés dans des programmes distincts permet d'identifier leurs responsables, à savoir le délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle pour le dispositif exceptionnel de chômage partiel et le directeur général des finances publiques pour le fonds de solidarité.

La mission nouvelle comprend deux programmes, qui seront présentés infra :

- le programme 356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » ;

- le programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire ».

4. La nécessité d'un suivi régulier

Il est nécessaire de mettre en place un dispositif de suivi et d'information régulier sur la mise en oeuvre du plan d'urgence et du dispositif de garantie . Ce suivi, fréquent et régulier, est indispensable pour informer le Parlement, compte tenu des montants et des caractéristiques exceptionnelles du plan d'aide qui lui est soumis, mais aussi de mieux adapter les mesures à l'évolution de la situation, s'agissant des montants, du ciblage des entreprises concernées ou de la nature des mesures prises.

Une coordination approfondie devra aussi être mise en place entre les nombreuses mesures annoncées par le Gouvernement à destination des entreprises, et mises en oeuvre notamment dans le présent projet de loi de finances rectificative et dans le cadre du projet de loi d'urgence examiné en parallèle par le Parlement. Il conviendra notamment éviter les redondances et les effets d'aubaine afin de concentrer les moyens sur les entreprises qui en ont réellement besoin.

La multiplicité des dispositifs annoncés et leur caractère encore particulièrement imprécis pour beaucoup d'entre eux posent la question de leur articulation.

Les mesures de soutien annoncées
par le ministère de l'économie et des finances

1. Délais de paiement d'échéances sociales et/ou fiscales (URSSAF, impôts directs).

2. Remises d'impôts directs pouvant être décidées dans le cadre d'un examen individualisé des demandes.

3. Report du paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité pour les plus petites entreprises en difficulté.

4. Aide de 1 500 euros pour les plus petites entreprises, les indépendants et microentreprises des secteurs les plus touchés.

5. Mobilisation de l'État à hauteur de 300 milliards d'euros pour garantir des lignes de trésorerie bancaires dont les entreprises pourraient avoir besoin à cause de l'épidémie.

6. Soutien de l'État et de la Banque de France (médiation du crédit) pour négocier avec sa banque un rééchelonnement des crédits bancaires.

7. Maintien de l'emploi dans les entreprises par le dispositif de chômage partiel simplifié et renforcé.

8. Appui au traitement d'un conflit avec des clients ou fournisseurs par le Médiateur des entreprises.

9. Marchés publics : les pénalités de retard ne seront pas appliquées.

Source : site Internet du ministère de l'économie et des finances 29 ( * )

B. UNE GÉNÉRALISATION DE L'ACTIVITÉ PARTIELLE, FINANCÉE PAR L'ÉTAT ET L'UNÉDIC

Le programme 356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire », au sein de la nouvelle mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », prévoit la prise en charge d'un dispositif exceptionnel de chômage partiel.

1. Le dispositif existant de chômage partiel est limité au SMIC

Le dispositif d'activité partielle , ou de chômage partiel, vise, sur autorisation du préfet de département, à permettre aux entreprises en situation difficile de réduire ou suspendre temporairement 30 ( * ) leur activité tout en maintenant dans l'emploi leurs salariés , le temps de retrouver une situation plus favorable. Cinq motifs sont susceptibles de justifier le recours à l'activité partielle : la conjoncture économique ; des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie ; un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ; la transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ou enfin toute autre circonstance de caractère exceptionnel.

Ce dispositif est issu de la refonte des dispositifs d'aide d'allocation spécifique de chômage partiel et d'allocation d'activité partielle de longue durée opérée par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, elle-même issue de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Il est régi par les articles L. 5122-1 à L. 5122-5 du code du travail dans sa partie législative ainsi que par les articles R. 5122-1 à R. 5122-26 dans sa partie réglementaire et enfin par la convention État-Unédic relative à l'activité partielle du 1 er novembre 2014.

Ainsi, lorsqu'un salarié a été placé en activité partielle, l'employeur est tenu de lui verser une indemnité correspondant en principe à 70 % de son salaire brut antérieur 31 ( * ) , soit environ 84 % de son salaire net . Lorsque le montant de cette indemnité est inférieur au salaire minimum, l'employeur est tenu de verser une allocation complémentaire à due concurrence 32 ( * ) . Celles-ci ne sont passibles ni de la taxe sur les salaires ni des cotisations de sécurité sociale.

L'employeur reçoit en retour une allocation dont le montant est calculé sur la base d'un taux horaire, fixé par décret. Ce taux est aujourd'hui fixé à 7,74 euros par heure non travaillée pour les entreprises comptant entre 1 et 250 salariés et à 7,23 euros pour les autres entreprises 33 ( * ) . Son financement est assuré par l'Unédic (2,90 euros par heure non travaillée) et par l'État (respectivement 4,84 euros et 4,33 euros par heure non travaillée) 34 ( * ) . Celle-ci est versée dans la limite d'un contingent, fixé par arrêté, en principe égal à 1 000 heures par an et par salarié 35 ( * ) .

Ainsi, cette allocation permet de couvrir quasiment la rémunération d'un salarié au salaire minimum . Le versement de l'indemnisation d'activité partielle aux salariés dont les rémunérations sont plus élevées peut en revanche impliquer un reste à charge pour l'employeur.

Le dispositif existant d'activité partielle est porté par le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi ». Il vise spécifiquement les TPE et PME. Il a notamment bénéficié au secteur de l'agriculture en 2016 et 2017 (grippe aviaire), au secteur du bâtiment et des travaux publics en 2016 (pénurie de carburant) et aux entreprises des îles de Saint Martin et Saint-Barthélemy en 2018 et 2019 (ouragan Irma et cyclone Maria), ainsi qu'au secteur du petit commerce à l'occasion de la crise dite des « gilets jaunes » 36 ( * ) .

Le projet annuel de performances relatif à la mission « Travail et emploi » annexé au projet de loi de finances pour 2020 prévoit un coût pour l'État du dispositif actuel d'activité partielle de 99,2 millions d'euros, permettant de financer en 2020 près de 19 millions d'heures d'activité partielle. Sur la base de cette estimation, le coût pour l'Unédic serait de 55,1 millions d'euros, soit un coût global pour les finances publiques égal à 155,3 millions d'euros.

2. Ce type de dispositif a montré son efficacité en temps de crise

L'activité partielle constitue un dispositif de flexibilité interne visant à réduire les potentiels effets d'hystérèse générés par une crise économique en préservant le capital humain.

La Cour des comptes, dans ses rapports publics annuels de 2011 37 ( * ) et de 2015 38 ( * ) , a relevé l'efficacité du recours à ce type de dispositif en Allemagne lors de la crise de 2008-2009, et a appelé à son utilisation plus large en France . En Allemagne, l'allocation s'élève à 60 % du salaire net d'activité pour les salariés sans enfant et à 67 % pour les salariés avec enfants. Elle est versée directement par le système d'assurance chômage et non par l'employeur, qui reste en principe assujetti au versement des cotisations sociales afférentes à la rémunération des salariés (même si des allégements avaient été prévus lors de la crise de 2009). En 2009, l'Allemagne avait en outre porté la durée maximale à 24 mois, contre 6 normalement.

Selon Hijzen et Venn (2011) 39 ( * ) , les 293 980 salariés équivalent-temps plein placés en activité partielle en Allemagne en 2009 ont permis de préserver 234 281 emplois, soit 0,8 % de l'emploi total.

En 2009, toujours en Allemagne, les dépenses se sont élevées à 6 milliards d'euros, concernant 1,53 million de salariés . En France, la même année, celles-ci se sont élevées à 610 millions d'euros (349 millions d'euros en dépenses et 260 millions de moindre recettes), et concernent 78 millions d'heures et 275 000 salariés .

Ce moindre recours en France par rapport à l'Allemagne et aux autres pays de l'OCDE s'explique par différents facteurs, énumérés par la Cour des comptes : l'existence d'autres mesures de flexibilité liée à l'organisation du temps de travail, un secteur industriel moins développé, des indemnités plus élevées pour les salariés et une moindre attractivité pour les entreprises.

3. Le projet de loi de finances rectificative prévoit un recours massif à l'activité partielle

Le plan d'urgence prévoit que l'État alloue un montant de 5,5 milliards au dispositif de chômage partiel. Toutefois, le coût budgétaire sera supporté à la fois par l'État et l'Unédic, qui relèvera également sa participation dans le cadre de l'allocation prévue par le dispositif d'urgence.

Le coût global du dispositif proposé serait donc de 8,5 milliards d'euros pour une application sur deux mois. Il devrait même être encore plus élevé pour les finances publiques du fait des moindres recettes perçues.

Cette mise à contribution de l'Unédic devrait, en outre, modifier la trajectoire de résorption de son déficit , qui devait passer de 1,9 milliard d'euros en 2019 à 0,9 milliard d'euros en 2020 pour laisser la place à un solde positif de 2,3 milliards d'euros en 2021 et 4,2 milliards d'euros en 2022 40 ( * ) .

En outre, le report au 1 er septembre 2020 de l'entrée en vigueur, précédemment prévue au 1 er avril, du volet de la réforme de l'assurance chômage relatif au calcul du salaire journalier de référence aura également un coût pour l'Unédic, qui avait chiffré à 250 millions d'euros l'économie que devait générer cette mesure 41 ( * ) .

L'ordonnance prévue par l'article 7 du projet de loi d'urgence fixera les règles de ce dispositif, qui dérogeront du droit commun : allocation plus élevée (annoncée jusqu'à 4,5 SMIC), ouverture aux particuliers employeurs. Il reviendra sans doute aux préfets de département d'assurer l'étanchéité de ce dispositif d'urgence avec le dispositif « de droit commun », qui peut toujours bénéficier aux entreprises concernées, avant ou après la crise sanitaire ou pour un motif étranger à cette crise.

4. Un fonds de solidarité, co-financé par les régions, à destination des entreprises dont l'activité est affectée par la crise sanitaire

Le programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire », au sein de la nouvelle mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », prévoit la création d'un fonds spécifique à destination des très petites entreprises dont l'activité est fortement impactée par la crise sanitaire.

Ce fonds, ciblé sur les secteurs et les entreprises les plus fragiles, complète les autres dispositifs prévus par le présent projet de loi de finances rectificative (extension de l'activité partielle) et les mesures diverses prévues par l'article 7 précité du projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, actuellement examiné par le Parlement. Le même article 7 du projet de loi d'urgence propose d'autoriser le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures nécessaires à la mise en place de ce fonds.

La présentation qui suit reprend les éléments prévisionnels indiqués par le Gouvernement dans l'analyse par programme annexée au présent projet de loi de finances rectificative ou dans des déclarations publiques.

5. Les bénéficiaires des aides

L'analyse par programme annexée au présent projet de loi de finances rectificative indique que les aides financières seraient attribuées « aux très petites entreprises qui connaissent une situation critique en raison des conséquences économiques de la crise sanitaire résultant du Covid-19 et dont la pérennité est menacée malgré les dispositifs publics d'accompagnement ».

Pour mémoire, une très petite entreprise, ou microentreprise, est une entreprise qui occupe moins de dix personnes et a un chiffre d'affaires annuel ou un total de bilan n'excédant pas deux millions d'euros 42 ( * ) .

Selon le ministère de l'économie et des finances, le seuil de chiffre d'affaires serait de seulement 1 million d'euros 43 ( * ) . Le fonds serait également accessible dans les secteurs qui font l'objet d'une fermeture administrative (commerces non alimentaires, restaurants, etc.) mais aussi l'hébergement, le tourisme, les activités culturelles et sportives, l'événementiel et les transports.

6. Les conditions et les modalités d'attribution des aides

Selon le ministère, les entreprises et indépendants concernés auraient accès à l'aide si elles ont fermé par l'effet des décisions administratives . C'est le cas par exemple de 160 000 entreprises dans le secteur de la restauration, 100 000 entreprises relevant du secteur du tourisme 44 ( * ) .

Elles bénéficieront également du dispositif si elles subissent une perte de chiffre d'affaires supérieure à 70 % au cours du mois de mars 2020, par rapport au mois de mars 2019.

Le ministre de l'économie et des finances a indiqué que des petites entreprises libérales pourront en bénéficier.

Une simple déclaration devrait être suffisante sur le site de la direction générale des finances publiques.

7. Le montant des aides et la nature des interventions

L'aide serait limitée à 1 500 euros. Un soutien complémentaire serait toutefois apporté aux entreprises les plus en difficulté, afin de leur éviter la faillite, sur présentation d'un dossier.

Les dépenses seraient des dépenses d'intervention, même si à titre exceptionnel des dépenses de fonctionnement, voire d'investissement, pourraient intervenir.

8. Le coût du dispositif et son financement

Le coût du dispositif est actuellement limité à 750 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement pour l'État. Les régions et certaines grandes entreprises sont appelées à y participer à hauteur de 250 millions d'euros, soit un coût total de 1 milliard d'euros pour un mois .

D'après les indications données par le ministre de l'économie et des finances, ce coût porterait sur le mois de mars, avec un prolongement éventuel d'un mois pour le même montant, non encore prévu dans le budget.

9. Un dispositif nécessaire mais sans doute insuffisant

La mise en place de ce dispositif permet probablement d'éviter que la fermeture subite ou la très forte réduction d'activité imposée à de nombreux établissements ne conduise à remettre en cause leur existence même.

Votre rapporteur général souhaite toutefois mettre l'accent sur plusieurs points d'alerte :

- le fonds de solidarité devra être en mesure d'apporter une aide très rapide compte tenu de la tension très forte exercée sur la trésorerie des petites entreprises par l'arrêt brutal de l'activité ;

- les modalités d'attribution des aides doivent être suffisamment simples pour que l'administration soit en mesure de répondre à un nombre exceptionnel de sollicitations ;

- le seuil d'1 million d'euros de chiffre d'affaires apparaît particulièrement bas . Il s'agit de la moitié seulement du seuil conduisant à classer une entreprise de moins de 10 salariés dans la catégorie des microentreprises. Pourtant , alors qu'une fermeture complète d'activité pendant un, voire plusieurs mois est susceptible de conduire des entreprises de taille légèrement supérieure à la fermeture, emportant ainsi des suppressions d'emploi encore plus importantes ;

- les champs d'activité concernés par le fonds devront être suffisamment larges pour couvrir les entreprises concernées, qui peuvent même aller au-delà des secteurs cités dans le projet de loi de finances rectificative. En effet, la crise actuelle impacte également de nombreuses petites et très petites entreprises dans d'autres secteurs, tels que l'artisanat ou le commerce. Le rapporteur général souligne que l'ensemble des entreprises dont la survie est mise en danger par la crise sanitaire, quel que soit le secteur auquel elles appartiennent, devront pouvoir bénéficier de la solidarité nationale si les autres mesures de soutien ne sont pas suffisantes.

Enfin, d'une manière générale, les critères d'attribution des aides sont particulièrement imprécis . Les modalités de fonctionnement sont renvoyées soit à l'ordonnance prévue par l'article 7 du projet de loi d'urgence, soit au niveau réglementaire, soit au responsable de programme lui-même qui devra définir les modalités de gestion et les outils de suivi les plus adaptés.

C. UN DISPOSITIF DE GARANTIE EXCEPTIONNEL POUR LES PRÊTS AUX ENTREPRISES

La troisième branche du dispositif de soutien aux entreprises présenté dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative consiste en la garantie, par l'État, des prêts qui seraient octroyés entre le 16 mars et le 31 décembre 2020 au bénéfice d'entreprises dont l'activité est pénalisée par les mesures d'urgence prises par le Gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire.

Ce dispositif de garantie exceptionnelle ne se limite pas, comme celui mis en place en 2008 et 2009, à maintenir à flot le système interbancaire, mais concerne l'ensemble des entreprises . Son montant global maximal s'élève à 300 milliards d'euros.

Il est proposé par l'article 4 du présent projet de loi de finances rectificative et fait ainsi l'objet d'un commentaire détaillé infra 45 ( * ) .

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE

Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble
des administrations publiques pour l'année 2020

. Commentaire : le présent article retrace la prévision de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques au titre de l'année 2020.

Conformément à l'article 7 de la loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques 46 ( * ) , le présent projet de loi de finances rectificative comporte un article liminaire qui retrace, dans un tableau synthétique, « l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, avec l'indication des calculs permettant d'établir le passage de l'un à l'autre ».

Tableau de synthèse de l'article liminaire

(en points de PIB)

Prévision d'exécution 2019

Prévision 2020

Solde structurel (1)

- 2,2

- 2,2

Solde conjoncturel (2)

0,0

- 1,3

Mesures exceptionnelles (3)

- 0,9

- 0,4

Solde effectif (1 + 2 + 3)

- 3,1

- 3,9

Source : article liminaire du projet de loi de finances rectificative pour 2020

Le présent article fait l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport, auquel le lecteur est invité à se reporter.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

ARTICLE ADDITIONNEL AVANT LE TITRE UNIQUE

Exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires

. Le présent article que la commission des finances propose d'adopter, à l'initiative du rapporteur général, vise à soutenir les salariés mobilisés pour assurer, en cette période de crise sanitaire, la fourniture de biens et de services vitaux pour nos concitoyens, que ce soit bien sûr dans le secteur de la santé, mais aussi dans ceux de la grande distribution ou des transports. Or, si le présent projet de loi donne des garanties aux entreprises et aux salariés contraints au chômage partiel, il ne prévoit aucune compensation pour les salariés mobilisés et exposés à un risque sanitaire important.

C'est pourquoi la commission des finances a adopté cet article, afin d'exonérer d'impôt sur le revenu les heures supplémentaires de ces salariés, sans application du plafond annuel des 5 000 euros prévu dans le droit existant. Elle propose également d'exonérer ces heures supplémentaires de cotisations sociales, salariales comme patronales, afin que ni les salariés, ni les entreprises ne soient davantage pénalisés en cette période difficile.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE EXONÉRATION FISCALE ET SOCIALE PLAFONNÉE DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

L'article 2 de la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales 47 ( * ) a rétabli, à compter du 1 er janvier 2019, l'article 81 quater du code général des impôts , abrogé en 2012 48 ( * ) , afin d' exonérer d'impôt sur le revenu les rémunérations, majorations et éléments de rémunérations mentionnés au I et III de l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale . Sous une forme différente, cette exonération avait été introduite en 2007 par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (dite loi « TEPA ») 49 ( * ) .

Le champ des rémunérations visées est vaste : cette exonération concerne autant les salariés relevant du régime général que ceux relevant du régime agricole, les salariés à temps partiel et ceux à temps plein ou en convention de forfait annuel en heures, les agents publics, les salariés des particuliers employeurs ou encore les assistants maternels 50 ( * ) .

Toutefois, le bénéfice de cette exonération est soumis au respect de deux conditions :

- l'exonération est limitée par un plafond annuel de 5 000 euros , soit 417 euros par mois en moyenne (article 81 quater du code général des impôts) ;

- les éléments de rémunérations des salariés doivent être éligibles et ne peuvent pas simplement se substituer à d'autres éléments de rémunération, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé depuis le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé (V de l'article L. 241- 17 du code de la sécurité sociale).

Le champ des rémunérations éligibles à cette exonération fiscale est identique à celui prévu à l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale pour l'exonération de cotisations sociales salariales . Ce renvoi assure une harmonisation des dispositions relatives aux cotisations salariales et à l'impôt sur le revenu. Le dispositif d'exonération, abrogé en 2012 51 ( * ) et réintroduit, sous une forme aménagée, en 2019 52 ( * ) , conduit de fait à exonérer les rémunérations pour heures supplémentaires de cotisations sociales salariales . L'entrée en vigueur de ce dispositif avait été avancée, du 1 er septembre 2019 au 1 er janvier 2019 53 ( * ) .

Quant aux cotisations patronales, l'article 2 de la loi dite « TEPA » 54 ( * ) avait inséré un nouvel article L. 241-18 au sein du code de la sécurité sociale, afin de définir les modalités de déduction des cotisations sociales patronales pour les heures supplémentaires . Cette déduction, limitée aux employeurs de moins de 20 salariés en 2012 55 ( * ) , est forfaitaire . Son montant est fixé à 1,50 euro par heure effectuée, et ce quel que soit le niveau de rémunération du salarié. Contrairement aux rémunérations visées à l'article 81 quater du code général des impôts, cette déduction se limite aux heures supplémentaires et ne s'applique pas, par exemple, aux heures complémentaires.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LA COMMISSION DES FINANCES : SOUTENIR LES SALARIÉS ET LES ENTREPRISES MOBILISÉS POUR ASSURER LA CONTINUITÉ ÉCONOMIQUE DU PAYS

Le dispositif proposé par la commission des finances dans son amendement FINC.1 vise à soutenir les salariés et les entreprises mobilisés pour assurer, en cette période de confinement et de crise sanitaire, la fourniture de biens et de services vitaux pour la population française ainsi que la continuité économique de notre pays . Du fait des contraintes, justifiées, qui pèsent actuellement sur l'organisation du travail, que ce soit le recours aux arrêts maladie pour garder les enfants de moins de 16 ans ou les mesures de quatorzaine en cas de symptômes du Covid-19, certaines entreprises et administrations sont amenées à demander à leurs employés disponibles davantage d'efforts, ce qui se traduit par le recours aux heures supplémentaires.

Or, si le présent projet de loi de finances rectificative propose des garanties pour les entreprises en difficulté, et un accompagnement des salariés contraints au chômage partiel, il ne propose pas de compensation pour les salariés les plus mobilisés . En outre, certains d'entre eux ne peuvent pas recourir au télétravail et sont donc exposés à un risque sanitaire important .

C'est pourquoi la commission des finances a proposé de telles mesures de compensation, sous la forme de modifications apportées au dispositif actuel d'exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires afin que :

- les heures supplémentaires effectuées durant la période de confinement ne rentrent pas dans la limite annuelle de 5 000 euros prévue par l'article 81 quater du code général des impôts ;

- les salariés restent également totalement exonérés de cotisations salariales sur ces heures supplémentaires ;

- les rémunérations éligibles à l'exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations salariales soient également exonérées de cotisations patronales, afin de ne pas pénaliser davantage les entreprises en cette période difficile. Ainsi, pour les heures supplémentaires effectuées durant la période de confinement, ni le plafond de 20 salariés par entreprise, ni la restriction aux seules heures supplémentaires ne seront appliquées.

Certes, ces mesures auront un coût. Toutefois, elles ne concerneront qu'une partie des salariés, pour une durée déterminée (à savoir la période de confinement) : elles visent à répondre à un contexte d'urgence sanitaire , dans lequel, comme l'a rappelé le ministre de l'économie et des finances Bruno Le Maire, il faut bien tout faire pour « assurer la continuité économique du pays ».

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article.

TITRE UNIQUE

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉQUILIBRE DES RESSOURCES ET DES CHARGES

ARTICLE 1er A (nouveau)

Exonération d'octroi de mer et autres impositions indirectes des livraisons et importations de produits nécessaires au secours des populations, au rétablissement de la continuité des services publics et des infrastructures publiques dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire

. Le présent article prévoit, lors de la mise en oeuvre de l'état d'urgence sanitaire, dans ou un plusieurs départements et régions d'outre-mer, une exonération des importations et des livraisons de biens nécessaires au secours aux populations, au rétablissement de la continuité des services de droits de douane, d'octroi de mer, de droits de circulation et de taxes d'accise de l'octroi de mer.

Cette exonération est fixée par un arrêté des ministres chargés du budget, de l'intérieur et de l'outre-mer.

Ce dispositif permet d'exonérer ces biens de la totalité de la fiscalité indirecte applicable dans les départements et régions d'outre-mer (en particulier l'octroi de mer interne et externe), à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette exonération est particulièrement large mais son objet apparaît justifié compte tenu de l'état d'urgence sanitaire.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UN RÉGIME FISCAL ET DOUANIER SPÉCIFIQUE EN OUTRE-MER, DONT L'OCTROI DE MER, S'APPLIQUANT À L'IMPORTATION ET À LA LIVRAISON DES BIENS

Les régions et départements d'outre-mer se voient appliquer un régime douanier spécifique.

En particulier, aux termes de l'article 1 er de la loi du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer 56 ( * ) , cet impôt dit de l'octroi de mer est applicable dans les départements et régions d'outre-mer aux importations de marchandises en provenance de l'hexagone, d'un autre département d'outre-mer, d'un État membre de l'Union européenne, d'un État ou d'un territoire n'appartenant pas à l'Union européenne (octroi de mer externe).

Les livraisons de biens effectuées à titre onéreux issus d'opérations de production sont également soumises à l'octroi de mer (octroi de mer interne).

En conséquence, les importations et livraisons de biens nécessaires au secours des populations, au rétablissement de la continuité des services publics et des infrastructures publiques sont susceptibles de faire l'objet d'une imposition spécifique en outre-mer, notamment au titre de l'octroi de mer.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE: UNE EXONÉRATION POUR CERTAINES IMPORTATIONS ET LIVRAISONS DE BIEN

Le présent article, adopté à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission, prévoit qu'un arrêté des ministres chargés du budget, de l'intérieur et de l'outre-mer fixe, pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, « la liste des importations et des livraisons de biens nécessaires au secours aux populations, au rétablissement de la continuité des services publics et des infrastructures publiques, qui sont exonérés de taxes d'importation, droits de douane, octroi de mer, droits de circulation et taxes d'accise de l'octroi de mer dans la ou les parties du territoire visées par le décret pris pour la mise en oeuvre de l'état d'urgence sanitaire. »

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE EXONÉRATION JUSTIFIÉE DANS LE CADRE D'UNE CRISE SANITAIRE

Le dispositif proposé par le présent article est particulièrement large, puisqu'il permet en principe au Gouvernement d'exonérer les biens nécessaires au secours des populations et à la continuité des services et infrastructures publics de la totalité de la fiscalité indirecte applicable dans les départements et régions d'outre-mer (en particulier l'octroi de mer interne et externe), à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée 57 ( * ) .

Cette exonération apparaît particulièrement large mais également justifiée compte tenu de l'état d'urgence sanitaire. Il est à noter que cette disposition concerne également les ressources des départements et régions d'outre-mer qui bénéficient d'une part de l'octroi de mer, mais que cela concerne des importations et livraisons exceptionnelles (non prévues).

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 1er

Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d'autorisation
des emplois

. L'article 1 er traduit l'incidence, sur l'équilibre prévisionnel du budget 2020, des réévaluations opérées et des dispositions proposées par le présent projet de loi.

Le déficit budgétaire de l'État s'établirait selon le projet de loi initial à un niveau de 108,5 milliards d'euros, en dégradation de 15,4 milliards d'euros par rapport au déficit de 93,1 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale.

Lors de l'examen par l'Assemblée nationale, la prévision de déficit a été aggravée de 500 millions d'euros supplémentaires en raison d'une prévision de perte de recettes d'exploitation d'un montant identique par le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », compensée par un prêt du Trésor.

La commission propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ DÉGRADE LE SOLDE BUDGÉTAIRE DE 15,4 MILLIARDS D'EUROS

Aux termes du I du présent article, le déficit budgétaire de l'État s'établirait à un niveau de 108,5 milliards d'euros, en dégradation de 15,4 milliards d'euros par rapport au déficit de 93,1 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale.

Les déterminants de cette dégradation, en recettes et en charges, ont été présentés dans la deuxième partie de l'exposé général du présent rapport et ne seront donc pas repris ici.

Le II définit les ressources de financement permettant de réaliser l'équilibre financier. L'accroissement du déficit entraîne une augmentation de 5 milliards d'euros seulement des émissions de dette à moyen et long terme, qui s'éléveraient à 210 milliards d'euros contre 205 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale.

En revanche, l'encours de titres d'État à court terme augmenterait en 2020 de 27,5 milliards d'euros, contre 10 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale.

Le nouveau besoin de financement de l'État serait ainsi moins exposé à la remontée récente, ou plus généralement à la volatilité du niveau des taux à moyen terme 58 ( * ) .

Par voie de conséquence, le plafond de la variation nette de la dette négociable de l'État est également remonté de 5 milliards d'euros.

Enfin, le III précise que le plafond d'autorisation des emplois rémunérés par l'État demeure inchangé au niveau de 1 943 108 emplois prévu en loi de finances initiale.

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ENTÉRINENT UNE DÉGRADATION SUPPLÉMENTAIRE DE 500 MILLIONS D'EUROS

L'Assemblée nationale, sur la proposition du Gouvernement, a adopté un amendement tendant :

- d'une part, à prendre en compte , à l'état A annexé au présent projet de loi, une diminution prévisionnelle des recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » à hauteur de 500 millions d'euros, tout en augmentant à due concurrence le produit des emprunts ;

- d'autre part, à accroître de 500 millions d'euros les charges des concours financiers .

Ce double mouvement, complété à l'article 3 par un amendement portant ouverture de crédits sur le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » (voir infra) , a pour objet de permettre au budget annexe, par un emprunt auprès du Trésor, d'assumer en 2020 ses dépenses d'exploitation et d'investissement .

Cet amendement a pour effet de dégrader de 500 millions d'euros supplémentaires le déficit budgétaire de l'État , qui s'établirait donc à un niveau de 109 milliards d'euros dans le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

Le rapporteur général est bien conscient de l'impact massif de la crise sanitaire sur le secteur du transport aérien , concerné au premier chef par la diminution drastique des transports aériens causée par les recommandations officielles tendant à éviter les déplacements non indispensables, voire dans certains cas par la fermeture complète des frontières.

La constatation de la diminution des recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ne peut donc faire en soi l'objet d'une discussion, même s'il ne peut s'agir à l'heure actuelle que d'une simple estimation. La réduction de 500 000 euros représente ainsi près d'un quart des recettes du budget annexe, estimées à 2,1 milliards d'euros par la loi de finances initiale pour 2020.

Le rapporteur général note toutefois que la méthode retenue pour compenser le manque à gagner du budget annexe, à savoir l'emprunt, conduira à accroître massivement la dette du budget annexe, dont l'encours devait, selon la prévision en loi de finances initiale, diminuer à 662 millions d'euros à la fin 2020. Cette opération devrait ainsi annuler cinq années d'effort de désendettement du budget annexe .

Endettement du BACEA au 31 décembre de 2008 à 2020
(avant le PLFR 2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat 59 ( * ) , d'après les documents budgétaires

Décision de la commission : la commission propose d'adopter cet article sans modification.

SECONDE PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES
ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

TITRE PREMIER

AUTORISATIONS BUDGÉTAIRES POUR 2020 -
CRÉDITS DES MISSIONS

ARTICLE 2

Budget général : ouverture et annulations de crédits

. L'article 2 procède, au titre du budget général, aux ouvertures et annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement conformes à la répartition fixée à l'état B annexé au présent projet de loi de finances rectificative.

Les ouvertures de crédit concernent la création de la mission « Plan de relance face à la crise sanitaire », à hauteur de 6,3 milliards d'euros, et les remboursements et dégrèvements sur impôts d'État à hauteur de 4,6 milliards d'euros. Les annulations portent sur les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux à hauteur de 598 millions d'euros.

La commission propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'article 2 porte sur les ouvertures et annulations de crédits au titre du budget général pour l'exercice en cours. La répartition par mission est précisée dans l'état B annexé au présent projet de loi de finances rectificative.

Le I ouvre 10,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Le II annule 598 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

*

L'Assemblée nationale a adopté le présent article sans modification.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

Les ouvertures de crédit correspondent à la création de la mission « Plan de relance face à la crise sanitaire » à hauteur de 6,3 milliards d'euros, présentée en détail dans la deuxième partie de l'exposé général du présent rapport, ainsi qu'à une augmentation des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État à hauteur de 4,6 milliards d'euros. L'annulation à hauteur de 598 millions d'euros porte sur les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux.

L'analyse par programme annexée au projet de loi de finances rectificative indique, sans explication supplémentaire, que les mouvements concernant les remboursements et dégrèvements sont effectués « en cohérence avec l'ajustement des prévisions de recettes ».

Selon le rapporteur général de l'Assemblée nationale 60 ( * ) , les ouvertures de crédit se rapportent à des contentieux à hauteur de 2,6 milliards d'euros, à la mécanique de l'impôt sur les sociétés à hauteur de 1,1 milliard d'euros environ, et à une réévaluation du montant restitué des crédits d'impôts portant sur l'impôt sur le revenu à hauteur de 1 milliard d'euros. L'annulation de crédits à hauteur de 0,6 milliard d'euros correspondrait à une mise à jour des prévisions du montant des remboursements et dégrèvements d'impôts locaux tenant compte de l'exécution 2019.

Décision de la commission : la commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3

Comptes spéciaux : ouvertures et annulations de crédits

. L'article 3 procède, au titre des comptes d'affectation spéciale, aux ouvertures et annulations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement conformes à la répartition fixée à l'état D annexé au présent projet de loi de finances rectificative.

Il annule des crédits à hauteur de 7,0 milliards d'euros sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », suite à l'annulation de la prévision de cession de la participation de l'État dans la société Aéroports de Paris.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale, en cohérence avec la modification apportée à l'article premier, à ouvert des crédits supplémentaire à hauteur de 500 millions d'euros sur le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » afin de permettre un prêt au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

La commission propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article porte sur les ouvertures et annulations de crédits au titre des comptes spéciaux pour l'exercice en cours. La répartition par mission est précisée dans l'état D annexé au présent projet de loi de finances rectificative.

Il existe quatre sortes de comptes spéciaux : les comptes d'affectation spéciale, les comptes de commerce, les comptes d'opération monétaire et les comptes de concours financiers.

Dans sa version initiale, le présent article comporte uniquement une mesure d'annulation de crédits à hauteur de 7,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur les comptes d'affectation spéciale .

II. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Sur la proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a complété le présent article en prévoyant l'ouverture, au titre des comptes de concours financiers , d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement à hauteur de 500 millions d'euros.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

L'annulation de crédits concernant les comptes d'affectation spéciale , à hauteur de 7,0 milliards d'euros, concerne le compte « Participations financières de l'État ». Liée à l'annulation de la prévision de cession de la participation de l'État dans la société Aéroports de Paris, cette annulation a été présentée dans la deuxième partie de l'exposé général du présent rapport.

L'ouverture de crédits concernant les comptes de concours financiers à hauteur de 500 millions d'euros se rapporte au compte « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ». Il s'agit d'un amendement « miroir » par rapport à celui adopté sur l'article premier du présent projet de loi de finances rectificative : il permet à ce compte de concours financier d'accorder un prêt du même montant au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (voir supra ).

Le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » compte parmi ses missions l'octroi d'avances du Trésor à d'autres services de l'État tels que les budgets annexes. L'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) précise que les prêts et avances sont accordés pour une durée déterminée et sont assortis d'un taux d'intérêt qui ne peut être inférieur à celui des obligations ou bons du Trésor de même échéance ou, à défaut, d'échéance la plus proche.

La loi de finances pour 2020 a ouvert des crédits d'un montant de 10,4 milliards d'euros pour ce compte de concours financiers, qui a pour principale activité des avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

TITRE II

DISPOSITIONS PERMANENTES

ARTICLE 4 A (nouveau)

Élargissement du dispositif de garantie publique à l'export

. Le présent article élargit les conditions d'octroi de la garantie de l'État accordée dans le cadre d'opérations de réassurance des entreprises habilitées à pratiquer en France des opérations d'assurance-crédit au titre des risques politiques et commerciaux à l'exportation. Il augmente également le montant total de l'encours maximum de cette garantie pour le passer d'un milliard d'euros à deux milliards d'euros.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : UNE GARANTIE À L'EXPORT LIMITÉE

Aux termes de l'article L. 432-1 du code des assurances, « le ministre chargé de l'économie est autorisé à accorder la garantie de l'État pour les opérations concourant au développement du commerce extérieur de la France » .

Ces garanties peuvent être octroyées :

- aux entreprises françaises exportatrices ainsi qu'aux personnes morales de droit étranger qu'elles contrôlent seules ou conjointement lorsque le recours à une entité de droit local est nécessaire ;

- aux entreprises françaises importatrices ou investissant à l'étranger ;

- dans des conditions précisées par décret, pour des opérations de construction navale ou de construction d'engins spatiaux civils, à des entreprises françaises en concurrence avec une personne étrangère bénéficiant d'un soutien public ;

- aux établissements de crédit, aux sociétés de financement, aux entreprises d'assurance et de réassurance, aux mutuelles et institutions de prévoyance , de droit français ou étranger ;

- aux organismes de placement collectif .

En application de l'article L. 432-2 du même code, l'organisme chargé par l'État de gérer et délivrer sous son contrôle, pour son compte et en son nom ces garanties publiques est Bpifrance Assurance Export . Il doit ainsi « gérer et délivrer sous son contrôle, pour son compte et en son nom les garanties publiques pour le commerce extérieur prévues à l'article L. 432-1 ».

Aux termes de ce même article, les garanties peuvent être octroyées pour plusieurs motifs, dont des opérations de réassurance des entreprises habilitées à pratiquer en France des opérations d'assurance-crédit, au titre des opérations d'assurance des risques politiques et commerciaux à l'exportation ( e du 1° de l'article L. 432-2 du code des assurances). Les opérations visées sont de court-terme, avec une durée du risque inférieure à deux ans.

Concrètement, les entreprises exportatrices françaises peuvent bénéficier d'une couverture de court-terme de la part des assureurs-crédit privés pour couvrir le risque de non-paiement du débiteur étranger, en raison de difficultés politiques ou commerciales. Cette situation est caractérisée par une défaillance de marché répondant aux critères établis par voie réglementaire 61 ( * ) . Bpifrance Assurance Export, dans le cadre du dispositif dit « Cap Francexport » 62 ( * ) , réassure les engagements pris par les assureurs privés, dans la limite globale d'un milliard d'euros .

L'assurance-crédit à l'export est la seule garantie publique faisant l'objet d'un encadrement international . Celui-ci est prévu par l' Arrangement sur les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public , signé en 1978 dans le cadre de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Les dispositions de cet arrangement sont appliquées au sein de l'Union européenne , qui considère qu'il « réglemente, afin d' instaurer des conditions de concurrence égales pour les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public, les modalités et conditions financières que les organismes de crédit à l'exportation (OCE) peuvent offrir » 63 ( * ) .

Ainsi, aux termes de l'article L. 432-2 du code des assurances, le dispositif de réassurance des opérations d'assurance des risques politiques et commerciaux à l'exportation ne s'applique pas aux exportations vers des pays de l'Union européenne, ni des pays à haut revenu de l'OCDE 64 ( * ) . L'emploi de ce dispositif est limité aux exportations vers des pays dont l'équilibre macroéconomique est dégradé.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE EXTENSION DU CHAMP DES EXPORTATIONS VISÉES ET UNE HAUSSE DE L'ENCOURS RÉASSURABLE PAR L'ÉTAT

Le présent article résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des finances.

Il vise, d'une part, à élargir considérablement la liste des pays vers lesquels les exportations peuvent être couvertes par la réassurance par l'État des opérations d'assurance. Ainsi, le présent article prévoit que le dispositif soit éligible aux exportations vers des pays étrangers , y compris les États membres de l'Union européenne et les États appartenant à l'OCDE et qui en étaient auparavant exclus.

D'autre part, il augmente à deux milliards d'euros l'encours maximum net réassurable par l'État , soit un doublement de l'encours maximum actuellement en vigueur.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES : UNE RÉPONSE RAPIDE POUR PROTÉGER NOS ENTREPRISES EXPORTATRICES

L'objectif du présent article est triple : il vise à éviter que les entreprises exportatrices se retirent de certains marchés étrangers en raison du risque de défaut de paiement de leurs clients, à sécuriser leur trésorerie , et à préserver le marché des prêts interentreprises en limitant un phénomène de méfiance généralisée, à l'image des défaillances observées sur le marché interbancaire.

L'on ne peut que partager ces ambitions, d'autant que le présent article permet une montée en charge d'un dispositif qui, d'après le Gouvernement, aurait fait ses preuves lors de la crise économique de 2008 en bénéficiant à plus de 1 500 entreprises.

Toutefois, la mise en oeuvre de ce dispositif reste conditionnée à une autorisation dérogatoire de la Commission européenne , qui devra être justifiée par le fait que « la capacité du marché des assurances privées ne suffit pas pour couvrir tous les risques » 65 ( * ) . Dans l'hypothèse où cette dérogation serait acceptée, celle-ci ne serait que temporaire, et le mécanisme de réassurance de l'État devrait répondre à une tarification spécifique, supérieure aux primes moyennes demandées par les organismes privés d'assurance-crédit.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Garantie de l'État relative aux prêts consentis
par des établissements de crédit

. Le présent article vise à autoriser le Gouvernement à accorder la garantie de l'État aux prêts de trésorerie consentis par des établissements de crédit aux entreprises non financières immatriculées en France faisant l'objet de difficultés de financement dans le contexte de crise sanitaire que connait actuellement la France.

Le mécanisme, dont la mise en oeuvre est confié à Bpifrance Financement SA, porte sur un encours total de garantie de 300 milliards d'euros. Il concerne des prêts de trésorerie conclus entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020, augmentant les capacités de financement de l'emprunteur et dont l'amortissement doit faire l'objet d'un décalage temporel de douze mois minimum, avec possibilité offerte à l'emprunteur de le prolonger jusqu'à six ans.

Un encadrement du mécanisme est proposé, dans le double objectif d'en assurer l'efficacité et la conformité au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État.

L'impact budgétaire et comptable du dispositif ne peut pas être évalué, dès lors qu'il dépend du montant qui sera effectivement appelé au titre de la garantie. L'encours total conduira toutefois à multiplier par près de 2,5 les garanties déjà accordées par l'État à la fin de l'exercice 2018, comptabilisées en engagement « hors bilan ».

Un suivi et une évaluation du dispositif se révèle donc indispensable. Pour cela, l'information du Parlement doit être assurée dès à présent et de façon périodique. Au-delà du comité de suivi adopté par l'Assemblée nationale, votre rapporteur général propose un amendement portant article additionnel afin de disposer mensuellement d'un suivi d'exécution.

Compte tenu de ces éléments, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : L'APPORT DE LA GARANTIE DE L'ÉTAT, UN OUTIL CLASSIQUE POUR AMÉLIORER L'ACCÈS AU CRÉDIT DES ACTEURS ÉCONOMIQUES

A. LE RÉGIME JURIDIQUE, BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE DES GARANTIES

1. Une disposition relevant du domaine exclusif des lois de finances

Une garantie de l'État correspond à un engagement par lequel celui-ci accorde sa caution à un organisme dont il veut faciliter les opérations d'emprunt , en garantissant au prêteur le remboursement en cas de défaillance du débiteur. L'État s'expose alors au risque de défaut de l'emprunteur.

Conformément à l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 66 ( * ) , seule une loi de finances peut autoriser le Gouvernement à accorder la garantie de l'État.

Dans ce cadre, l'État accorde régulièrement sa garantie pour améliorer les conditions de financement de certains organismes, à l'instar de la garantie octroyée chaque année à l'Unédic ou des garanties traditionnellement apportées aux organisateurs de compétitions sportives internationales 67 ( * ) .

Contrairement aux dispositions prévues pour les prêts et avances de l'État, la LOLF ne prévoit pas de rémunération systématique et obligatoire des garanties de l'État . Si une rémunération peut être prévue, elle correspond donc davantage à une exigence de bonne gestion des deniers publics et, plus généralement, à une exigence résultant de l'encadrement européen des aides d'État (cf. infra ).

2. Un impact sur les finances publiques dépendant du montant de la garantie in fine appelé

D'un point de vue budgétaire et comptable, l'octroi d'une garantie n'entraîne pas de traduction immédiate .

Pour l'information du Parlement, les garanties figurent au « hors bilan » de l'État et sont renseignées chaque année au sein du compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement de chaque exercice. En 2018, l'encours de dette garantie par l'État s'élève ainsi à 210,4 milliards d'euros , soit environ 9 % du PIB , en progression de 1,6 % par rapport à 2017.

De fait, tant qu'une garantie n'est pas appelée, elle n'a pas vocation à être intégrée à la dette publique . Si le risque supporté par l'État est réel, le coût budgétaire n'est qu'éventuel.

L'impact budgétaire et comptable se matérialise uniquement lorsque la garantie de l'État est appelée , avec un impact différent selon la comptabilité prise en compte :

- en comptabilité budgétaire, le paiement de la charge annuelle liée à la dette ayant fait l'objet de l'appel de garantie dégrade le solde budgétaire ;

- en comptabilité nationale, l'exercice de la garantie revient à une reprise de dette par l'État - indépendamment du calendrier de remboursement -, ce qui affecte conjointement le besoin de financement et la dette publique.

3. Un encadrement par le droit de l'Union européenne au titre des aides d'État

Dans la mesure où la garantie permet au débiteur d'accéder à de meilleures conditions de financement, elle est susceptible de relever du cadre européen en matière d'aides d'État. Comme l'indique le vademecum des aides d'État publié par le ministère de l'économie et des finances, « l'aide est constituée lorsque la garantie n'est pas rémunérée ou quand sa rémunération ne peut pas être considérée comme suffisante , eu égard aux risques encourus » et précise que « l'aide est accordée au moment où la garantie est offerte et non au moment où elle est mobilisée » 68 ( * ) .

Ces dispositions de droit commun peuvent toutefois faire l'objet d'aménagements , sur le fondement de l'article 107 § 3 b) du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui rend compatibles avec le marché intérieur « les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d'autres évènements extraordinaires ». Dans ce cadre, il revient à la Commission européenne de préciser, par une communication, le régime dérogatoire applicable pour chaque évènement extraordinaire justifiant le recours à cette disposition, tout en préservant l'unité du marché intérieur. Les États membres peuvent ensuite accorder des aides d'État respectant les critères harmonisés définis par la Commission européenne. Ces critères peuvent en particulier exiger que l'octroi de la garantie par l'État fasse l'objet d'une rémunération.

C'est à partir de cette base juridique qu'un régime ad hoc avait été adopté en 2008 69 ( * ) , permettant l'octroi par les États membres de garanties au secteur bancaire. Le 16 mars dernier, la Commission européenne a transmis aux États membres pour consultation un projet de proposition d'encadrement temporaire des aides d'État visant à soutenir l'économie dans le contexte de diffusion du Covid-19 70 ( * ) .

B. LA GARANTIE DE L'ÉTAT AU SECTEUR BANCAIRE EN 2008 POUR UN MONTANT TOTAL DE 360 MILLIARDS D'EUROS

En réponse à la crise financière de 2008 et afin de restaurer les conditions d'un fonctionnement normal du système de financement de l'économie, l'article 6 de la loi de finances rectificative du 16 octobre 2008 71 ( * ) a autorisé l'octroi de la garantie de l'État dans la limite de 360 milliards d'euros :

- aux créances d'une durée maximale de cinq ans émises avant le 31 décembre 2009 par la société de financement de l'économie française, détenue minoritairement par l'État (34 %) et majoritairement par les banques (66 %), visant à permettre le refinancement des établissements de crédit ;

- aux financements levés jusqu'au 31 octobre 2009 par les sociétés Dexia SA, Dexia Banque Internationale Luxembourg, Dexia Banque Belgique et Dexia Crédit Local de France ;

- aux financements levés par la Société de prises de participations de l'État (SPPE), détenue exclusivement par l'État, ayant pour objet de souscrire à des titres émis par des organismes financiers et qui constituent des fonds propres réglementaires.

Conformément au cadre dérogatoire mis en place par la Commission européenne, les deux premières garanties étaient octroyées à titre onéreux, contrairement à la troisième garantie, accordée à titre gracieux à une société intégralement détenue par l'État - la rémunération étant alors opérée par voie de dividendes.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE ENVELOPPE DE 300 MILLIARDS D'EUROS POUR GARANTIR DES PRÊTS DE TRÉSORERIE ACCORDÉS PAR LES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT AUX ENTREPRISES

Le présent article prévoit d'autoriser l'État à accorder sa garantie aux prêts de trésorerie consentis par des établissements de crédit à des entreprises françaises pour leur permettre de répondre aux besoins de financement constatés dans le cadre des mesures d'urgence sanitaires et de la contraction de la demande.

La gestion du dispositif est confiée par l'État à l'établissement de crédit Bpifrance Financement SA.

A. UNE GARANTIE ACCORDÉE AUX PRÊTS DE TRÉSORERIE CONTRACTÉS PAR LES ENTREPRISES NON FINANCIÈRES DANS LA LIMITE D'UN ENCOURS TOTAL DE 300 MILLIARDS D'EUROS

La garantie concerne les prêts consentis par les établissements de crédit et les sociétés de financement à compter du 16 mars 2020 et jusqu'au 31 mars 2020 inclus ( I du présent article ), à des entreprises non financières immatriculées en France, soit un ensemble de près de 3,9 millions d'entreprises 72 ( * ) . Sont exclues du dispositif les entreprises faisant l'objet, lors de l'octroi du prêt, d'une procédure collective - sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires - prévues aux titres II, III et IV du livre VI du code de commerce.

L'encours total pouvant être garanti en principal, intérêts et accessoires, par l'État s'élève à 300 milliards d'euros ( II du présent article ), soit environ 12 % du produit intérieur brut (PIB). Ce montant est défini à partir de l'encours des crédits de trésorerie constaté par la Banque de France en janvier 2020 à hauteur de 240 milliards d'euros.

Le V du présent article prévoit deux conditions distinctes d'octroi de la garantie en fonction de la taille des entreprises :

- la garantie est de droit pour les prêts accordés aux entreprises qui emploient moins de 5 000 salariés ou ont un chiffre d'affaires inférieur à 1,5 milliard d'euros 73 ( * ) - apprécié lors du dernier exercice clos -, dès lors que le prêt correspond aux conditions prévues, l'établissement prêteur devant en ce cas notifier à Bpifrance Financement SA les créances concernées ;

- la garantie est accordée individuellement par arrêté du ministre chargé de l'économie pour les prêts accordés aux autres entreprises.

B. UN MÉCANISME ENCADRÉ AFIN DE CIBLER LE DISPOSITIF SUR LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE ET D'ASSURER SA CONFORMITÉ AVEC LE DROIT EUROPÉEN

Les III, IV et V du présent article fixent les modalités d'encadrement du mécanisme de garantie . Une partie des dispositions sont toutefois renvoyées au pouvoir réglementaire, ce qui s'explique par la nécessité de transcrire le régime dérogatoire au titre des aides d'État que s'apprête à publier la Commission européenne.

En application du III du présent article, les prêts éligibles à la garantie doivent répondre à deux caractéristiques :

- leur amortissement est différé d'au moins douze mois , avec une possibilité obligatoirement laissée à l'emprunteur d'échelonner l'amortissement sur une période additionnelle de cinq ans , soit un amortissement possible dans la limite totale de six ans ;

- leur conclusion doit conduire à augmenter les capacités de financement de l'entreprise emprunteuse et non permettre le refinancement de prêts déjà contractés au 16 mars 2020.

Aux termes du IV du présent article, la garantie fait l'objet d'un triple encadrement :

- elle donne lieu à une rémunération de l'État par l'établissement de crédit, ce qui correspond à une exigence de la Commission européenne ;

- elle ne peut couvrir la totalité du prêt concerné , afin de maintenir un partage des risques minimal entre l'établissement de crédit et l'État ;

- elle n'est acquise qu'après un délai de carence , fixé par l'arrêté précité, au terme duquel l'entreprise emprunteuse n'a pas honoré ses remboursements.

Un arrêté du ministre chargé de l'économie devra préciser le cahier des charges encadrant le mécanisme de garantie. Il devra ainsi :

- préciser les caractéristiques auxquelles les prêts devront répondre pour entrer dans le périmètre de la garantie ;

- fixer les conditions précises dans lesquelles la garantie de l'État peut être appelée par l'établissement prêteur.

C. UNE MISE EN oeUVRE CONFIÉE PAR L'ÉTAT À BPIFRANCE

Le VI du présent article confie à Bpifrance Financement SA la mission d'assurer, à titre gratuit, la mise en oeuvre du mécanisme de garantie.

Dans ce cadre, cet établissement doit suivre les encours garantis, ainsi que percevoir et reverser à l'État les commissions de garantie. En cas d'appel de la garantie, il doit vérifier que les conditions définies dans le cahier des charges prévu par l'arrêté du ministre chargé de l'économie sont remplies. Il lui revient de procéder au paiement des sommes dues, ensuite remboursées par l'État dans des conditions fixées par une convention conclue avec le ministre chargé de l'économie.

Il est renvoyé à un décret le soin de déterminer les modalités du contrôle exercé par l'État sur la mise en oeuvre de ces dispositions par Bpifrance Financement SA.

III. LES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable du Gouvernement deux amendements modifiant le dispositif proposé.

Le premier amendement modifie le délai maximal d'amortissement différé au-delà des douze mois obligatoirement prévus. Le dispositif initialement proposé prévoyait une durée complémentaire de cinq années, ce que l'amendement modifie en renvoyant à l'arrêté du ministre chargé de l'économie le soin de préciser le délai maximal d'amortissement. Selon les indications du Gouvernement, cette modification vise à permettre d'ajuster le délai maximal d'amortissement différé qui sera autorisé par la Commission européenne, non encore connu avec certitude à ce jour.

Le second amendement étend l'application du présent article à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna , dans la limite du plafond maximal d'encours de 300 milliards d'euros.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a complété le dispositif en créant, à l'initiative de notre collègue Éric Woerth, président de la commission des finances, et avec l'avis favorable du Gouvernement, un comité de suivi chargé de veiller au suivi de la mise en oeuvre et à l'évaluation des mesures de soutien financier aux entreprises confrontées à la crise sanitaire du Covid-19, à savoir le mécanisme de garantie prévu par le présent article et le fonds de solidarité. Il serait également chargé d'assurer le suivi et l'évaluation du fonds de solidarité bénéficiant aux très petites entreprises et créé sur le fondement de l'article 7 du projet de loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, actuellement en discussion également au Parlement.

Placé auprès du Premier ministre qui en désigne le président, le comité est composé de deux membres de chacune des deux assemblées parlementaires, de deux membres de la Cour des comptes, de deux représentants de l'État désignés au sein des administrations compétentes, de deux représentants des fédérations d'entreprises et d'un représentant de chacune des associations de collectivités territoriales - Association des maires de France, Assemblée des départements de France et Régions de France. Le comité établit un rapport public un an après la promulgation du présent projet de loi.

*

L'Assemblée nationale a, en outre, adopté huit amendements de précision rédactionnelle, à l'initiative du rapporteur général du budget Laurent Saint-Martin et acceptés par le Gouvernement.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES : UN MÉCANISME INDISPENSABLE POUR SOUTENIR LES ENTREPRISES, DONT LES EFFETS SUR L'ÉCONOMIE ET LES COMPTES PUBLICS DOIVENT POUVOIR ÊTRE SUIVIS ET AVANT UN PROBABLE PLAN DE RELANCE

A. UN IMPÉRATIF : PRÉSERVER LE TISSU PRODUCTIF DE NOTRE ÉCONOMIE AVANT LA RELANCE

Le mécanisme de garantie proposé par le présent article vise à répondre aux risques de défaillances d'entreprises entraînés par les mesures d'urgence sanitaires et l'assèchement brutal de la demande. Alors que l'activité se trouve fortement réduite, voire même interrompue, les entreprises sont toujours confrontées à des charges, sans qu'elles disposent nécessairement de ressources de trésorerie suffisantes. Compte tenu des perspectives économiques incertaines, elles ne pourraient accéder à un financement ponctuel qu'à des conditions très dégradées , voire pourraient se heurter au refus des établissements de crédit.

C'est à cette situation que le présent article entend répondre , en permettant à l'État, par l'intermédiaire de Bpifrance Financement, d'accorder sa garantie aux prêts de trésorerie consentis par les établissements de crédit et les sociétés de financement aux entreprises non financières françaises. Il s'agit ainsi de préserver le tissu productif de notre économie avant qu'elle ne puisse être relancée à l'issue de la crise.

Le montant total de la garantie, fixé à 300 milliards d'euros , doit être comparé à l'encours total des crédits de trésorerie constaté en janvier 2020, estimé à 240 milliards d'euros par la Banque de France, parmi lesquels près de 160 milliards d'euros pour les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire.

Seule une partie des prêts répondant aux critères prévue sera éligible à la garantie de l'État . Acquise de droit pour les prêts éligibles consentis aux entreprises employant moins de 5 000 salariés ou dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1,5 milliard d'euros, la garantie sera accordée par une décision ad hoc du ministre chargé de l'économie pour les autres entreprises. Cette modalité vise à éviter une trop forte exposition des finances publiques à des situations individuelles. Elle correspond surtout à l'objectif de concentrer l'effort consenti sur les petites et moyennes entreprises ainsi que sur l'essentiel des entreprises de taille intermédiaire, les plus exposées à l'assèchement des canaux de financement .

B. UNE CONDITION : ASSURER L'EFFICACITÉ ET LA CONFORMITÉ JURIDIQUE DU DISPOSITIF

Le mécanisme doit conjuguer une indispensable souplesse de mise en oeuvre, afin de répondre immédiatement aux difficultés rencontrées par nos entreprises, et une conditionnalité pour prémunir l'État de tout aléa moral , dans des conditions juridiquement conformes au droit de l'Union européenne.

Le dispositif proposé intègre cette préoccupation compte tenu des caractéristiques fixées aux prêts éligibles à la garantie, à deux égards :

- d'une part, la durée d'amortissement du prêt doit être différée d'au moins douze mois afin d'attendre le retour de l'entreprise à une meilleure fortune, et doit pouvoir être étalée davantage ;

- d'autre part, le prêt doit conduire à accroitre les capacités de financement de l'emprunteur, ce qui exclut tout emprunt de refinancement.

Le cahier des charges qui sera défini par arrêté devrait compléter cet encadrement en définissant un plafond maximal d'emprunt , qui pourrait être fixé à 25 % du chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice selon les indications transmises par le Gouvernement. En outre, pour maintenir un partage des risques entre l'État et les établissements de crédit et prévenir tout aléa moral, la garantie ne pourra pas porter sur l'ensemble du montant du prêt mais devrait être comprise entre 70 % et 90 %, en fonction de la taille de l'entreprise et du montant du prêt.

Selon les informations transmises à votre rapporteur général par le Gouvernement, ces caractéristiques s'intègrent dans le cadre dérogatoire européen harmonisé en cours de négociation et que la Commission européenne devrait rapidement publier en application du b de l'article 107 § 3 du TFUE. S'agissant plus particulièrement des conditions de rémunération de la garantie, le Gouvernement a indiqué qu'elles devraient être fixées au seuil plancher permis par la Commission européenne.

C. UNE NÉCESSITÉ : PERMETTRE D'ÉVALUER LE MÉCANISME ET SON IMPACT SUR LES COMPTES PUBLICS

De façon immédiate, le dispositif proposé par le présent article conduira à multiplier par près de 2,5 le total des garanties déjà accordées par l'État, pour atteindre plus de 20 % du PIB.

Pour autant, l'impact sur les finances publiques ne peut être anticipé à ce stade dans la mesure où il dépendra du montant in fine appelé au titre de la garantie consentie, déduction faite des rémunérations perçues. Il est impossible d'envisager le taux d'appel et les montants concernés : ni la durée des mesures d'urgence sanitaires, ni l'impact sur le produit intérieur brut et encore moins les effets sur les différents secteurs d'activité ne pouvant être évalués à ce stade.

La seule certitude tient, en l'état du dispositif, à la durée d'exposition des finances publiques : compte tenu des capacités d'étalement de l'amortissement envisagées, elle devrait s'achever le 31 décembre 2026.

Au-delà du comité de suivi introduit par l'Assemblée nationale, il est indispensable d'assurer l'information du Parlement avec des données régulières, dressant un l'état actualisé des garanties consenties, afin de permettre d'évaluer les risques auxquels s'exposent les finances publiques. C'est ce que vous propose votre rapporteur général dans un amendement portant article additionnel 74 ( * ) .

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS L'ARTICLE 4

Information du Parlement sur les mesures d'urgence prévues par le présent projet de loi de finances rectificative

. Le présent article additionnel que votre commission vous propose d'adopter vise à assurer l'information du Parlement sur la mise en oeuvre des dispositifs d'urgence prévus par le projet de loi de finances rectificative.

Votre commission a adopté un amendement FINC.2 tendant à créer un article additionnel après l'article 4 afin de prévoir la remise de deux rapports assurant l'information du Parlement sur la mise en oeuvre des mesures d'urgence prévues par le présent projet de loi de finances et sur leurs effets sur les entreprises et les comptes publics .

Le présent article prévoit ainsi la remise de « reportings » mensuels puis semestriels, permettant de suivre l'exécution de dispositifs exceptionnels.

Le rapport doit tout d'abord dresser un compte-rendu mensuel du dispositif d'activité partielle et du « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire ». Ce rapport, rendu tous les mois jusqu'à la fin de l'année, puis deux fois par an à partir du 1 er janvier 2021, doit présenter :

- la consommation des crédits des deux programmes de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » ainsi que les valeurs estimées des indicateurs de performance associés à cette mission ;

- le coût pour l'État et pour l'Unédic du dispositif d'activité partielle, l'évolution du nombre de salariés en situation d'activité partielle, ainsi qu'un bilan statistique comportant notamment la moyenne et la médiane des salaires des actifs indemnisés ainsi que la moyenne et la médiane des sommes versées aux entreprises au titre de l'indemnisation de l'activité partielle ;

- le suivi des dépenses engagées par le « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » et leur effet sur l'activité des entreprises soutenues ;

- le bilan de l'effet de la crise sanitaire sur le tissu économique, notamment le nombre de défaillances de petites et moyennes entreprises enregistrées depuis mars 2020.

Le rapport doit ensuite également porter sur le déploiement de la garantie des prêts de trésorerie aux entreprises prévu par l'article 4 du présent projet de loi de finances rectificative. Rendu tous les mois jusqu'à la fin de l'année 2020, puis tous les six mois à compter du 1 er janvier 2021, ce rapport doit en particulier présenter le nombre de prêts garantis, leur encours total, leur durée d'amortissement, le montant des commissions de garantie perçues ainsi que le nombre et le montant des appels de garantie ayant conduit à un versement de l'État.

Il complète utilement le comité de suivi créé par ailleurs à l'article 4, celui-ci ne pouvant rapidement se constituer dans le contexte actuel et ayant vocation à intervenir sur plus long terme afin de procéder à une évaluation du dispositif.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article.

ARTICLE 5 (nouveau)

Garantie de l'État relative aux opérations d'assurance et de réassurance pratiquées par la caisse centrale de réassurance

. Le présent article vise à autoriser l'État à apporter sa garantie, dans la limite de 10 milliards d'euros, à la caisse centrale de réassurance afin qu'elle pratique des opérations d'assurance ou de réassurance, intervenant avant le 31 décembre 2020, des risques d'assurance-crédit portant sur des petites et moyennes entreprises et sur des entreprises de taille intermédiaire, ainsi que des engagements pris dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction.

Ce mécanisme vise à répondre au risque de contraction du crédit interentreprises.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE MÉCANISME DE L'ASSURANCE-CRÉDIT

Dans le cadre des relations interentreprises, un fournisseur peut accorder un délai de paiement à son client pour une marchandise déjà livrée. Cette opération, qui correspond à un crédit interentreprises, constitue un élément indispensable à la fluidité des échanges commerciaux.

Pour se protéger contre la défaillance de son client, le fournisseur peut recourir à un assureur-crédit afin qu'il couvre ce crédit interentreprises dans le cadre d'un contrat d'assurance.

Lorsque la conjoncture économique se dégrade, les risques de défaillance d'entreprises augmentent, ce qui peut conduire à une hausse des primes d'assurances exigées pour ce type de contrat, voire même à un refus de couvrir le fournisseur en cas de défaillance de son client.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE GARANTIE JUSQU'À 10 MILLIARDS D'EUROS DES OPÉRATIONS D'ASSURANCE OU DE RÉASSURANCE DES RISQUES D'ASSURANCE-CRÉDIT JUSQU'À LA FIN 2020

Le présent article résulte de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission des finances.

Il vise, d'une part, à autoriser la Caisse centrale de réassurance (CCR) à pratiquer des opérations d'assurance ou de réassurance des risques d'assurance-crédit portant sur des petites et moyennes entreprises (PME), des entreprises de taille intermédiaire situées en France, ainsi que des engagements pris dans le cadre des contrats de sous-traitance en matière de construction 75 ( * ) . Le dispositif est borné dans le temps puisqu'il s'applique aux opérations d'assurance et de réassurance effectuées par la CCR avant le 31 décembre 2020.

D'autre part, le présent article accorde la garantie de l'État à la CCR dans le cadre de ces opérations d'assurance et de réassurance . Le montant maximal de la garantie pouvant être accordée à ce titre est fixé à 10 milliards d'euros.

Il est renvoyé à un décret le soin de préciser les conditions d'exercice de cette garantie.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES : UN MÉCANISME NÉCESSAIRE POUR PRÉSERVER LES CHAÎNES DE SOUS-TRAITANCE MAIS QUI DEVRA ÊTRE PRÉCISÉ

Le présent article vise à apporter une réponse rapide au risque d'assèchement de l'assurance-crédit dans les relations interentreprises, qui pourrait accentuer le ralentissement de l'activité économique. En effet, ce mécanisme permettant à un fournisseur de se couvrir contre le risque de défaillance de son client constitue un élément essentiel des chaînes de sous-traitance. Il permet d'endiguer un phénomène de méfiance généralisée sur le marché du crédit interentreprises.

Si les opérations d'assurance et de réassurance des risques d'assurance-crédit ne constituent pas la principale mission de la CCR, société anonyme intégralement détendu par l'État, celle-ci avait déjà été mobilisée dans le cadre d'un dispositif analogue entre décembre 2008 et juin 2011, pour un montant identique 76 ( * ) . Ce dispositif avait alors été justifié par la brusque contraction du crédit consenti par les fournisseurs, accentuant ainsi les difficultés de trésorerie de certaines PME .

L'apport de la garantie de l'État à la CCR lui permet de faire face à des opérations d'assurance et de réassurance de grande ampleur , sur le modèle du schéma de réassurance prévu dans le cadre de l'indemnisation des catastrophes naturelles 77 ( * ) .

Toutefois, en prévoyant que les conditions d'exercice de cette garantie soient prévues par décret, le présent article ne précise ni les modalités de partage des risques avec les assureurs-crédit, ni le caractère onéreux de l'octroi de la garantie de l'État . Or, cette dernière précision serait nécessaire pour évaluer la compatibilité du dispositif avec les dispositions dérogatoires en matière de contrôle des aides d'État que la Commission européenne s'apprête à publier.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le vendredi 20 mars 2020 sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020.

M. Vincent Éblé , président . - Je vous remercie vivement de votre présence. Nous sommes réunis ce matin non seulement dans des circonstances exceptionnelles, mais aussi dans une configuration particulière, puisque nous avons volontairement restreint, pour des raisons sanitaires, la présence en commission. Je remercie nos collègues qui ont accepté de ne pas prendre part à la réunion, et qui pourront intervenir en séance publique. La salle a été préparée pour respecter les distances entre nous et a fait l'objet d'une désinfection préalable.

Comme vous le savez, le Gouvernement a déposé un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020 afin de tirer les conséquences du nouveau contexte économique, d'apporter un soutien budgétaire notamment par des mesures en faveur de l'activité partielle, et d'accorder une garantie bancaire de l'État à hauteur de 300 milliards d'euros, pour les emprunts contractés pour leurs besoins de trésorerie par les entreprises.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Alors que la France est confrontée à une crise sanitaire sans précédent, mes premières pensées vont naturellement aux victimes de cette épidémie, ainsi qu'à l'ensemble des soignants qui s'efforcent jour et nuit d'en limiter l'ampleur. Je tiens également à vous remercier pour votre présence et à saluer nos collègues qui n'ont pas pu être là, du fait des mesures de distanciation sociale que nous sommes contraints de mettre en oeuvre au Sénat comme partout ailleurs dans le pays.

Nous sommes réunis ce matin pour examiner en urgence un projet de loi de finances rectificative déposé il y a deux jours seulement et dont il y a fort à parier qu'il sera le premier d'une longue série. Il ne s'agit pas d'un plan de relance, mais plutôt d'un plan de sauvetage.

Le Gouvernement a dû revoir considérablement son scénario macroéconomique. Il tablait initialement sur une croissance de 1,3 % en 2020. Cette hypothèse était déjà compromise par le recul surprise du PIB de 0,1 % enregistré au dernier semestre de l'année 2019. Avec la crise sanitaire, elle est désormais caduque. La propagation du coronavirus à l'échelle mondiale, qui a conduit à la mise en oeuvre de mesures de confinement de plus en plus strictes en France et à travers le monde, constitue un choc d'une ampleur inédite depuis 2009. Nous avions dû à l'époque adopter successivement plusieurs lois de finances rectificatives.

L'économie française est confrontée à la fois à un choc d'offre, lié principalement aux absences au travail et à la perturbation des chaînes de production, et à un choc de demande, dû au report des décisions de consommation et d'investissement des agents économiques ainsi qu'à la contraction de la demande de nos partenaires commerciaux.

À ce stade, il est toutefois très difficile d'apprécier l'effet cumulé de ces différents chocs sur la croissance. J'observe d'ailleurs que l'Insee et la Banque de France ont temporairement renoncé à leur exercice de prévision habituel.

Pour sa part, le Gouvernement anticipe désormais un recul du PIB de 1 % en 2020. Il s'agirait du deuxième plus fort recul du PIB de l'après-guerre, juste derrière l'année 2009. Dans son exposé général, le Gouvernement suggère que cette nouvelle hypothèse présenterait un caractère central au regard des estimations disponibles. Toutefois, les évaluations de l'OCDE et de la Banque centrale européenne (BCE) auxquelles se réfère le Gouvernement apparaissent déjà datées. En effet, plusieurs développements intervenus depuis lors indiquent que le recul du PIB pourrait être plus fort qu'anticipé, notamment si la durée du confinement s'avère plus longue que prévu.

Tout d'abord, les premières données chinoises sur le ralentissement observé au cours des deux premiers mois de l'année suggèrent un effet économique des mesures de confinement nettement plus fort qu'escompté. Certains analystes anticipent désormais un recul de l'activité de 10 % en Chine sur le premier trimestre.

En outre, le scénario de croissance du Gouvernement repose sur deux hypothèses fortes qui sont tout sauf acquises, à savoir un confinement limité à un mois et un retour rapide à la normale de la demande française comme étrangère. Le Haut Conseil des finances publiques a d'ailleurs souligné la fragilité de ces hypothèses dans son avis.

Au regard des évolutions des derniers jours, la prévision du Gouvernement me paraît en réalité plutôt optimiste et se situer dans la fourchette haute des estimations. Si l'hypothèse retenue est très proche de celle qui a été présentée le 13 mars dernier par la Commission européenne et de celle qui a été retenue par Goldman Sachs le 16 mars, d'autres banques et instituts sont désormais beaucoup plus pessimistes. La banque américaine Morgan Stanley anticipe par exemple un recul de l'activité de 4,8 % en France en 2020. Un recul du PIB nettement plus fort qu'anticipé ne peut donc pas être exclu.

J'en viens maintenant aux effets de la crise sanitaire sur la trajectoire de redressement des comptes publics et à l'analyse de la stratégie budgétaire du Gouvernement.

Cette crise sanitaire intervient dans un contexte budgétaire malheureusement contraint. Dans le cadre de nos travaux, nous avons régulièrement souligné que le choix des majorités successives de reporter l'ajustement structurel des comptes publics risquait de rendre l'économie française vulnérable face aux chocs. Nous y sommes ! Pour ne donner qu'un chiffre, la France est, avec l'Italie, le seul grand pays de la zone euro dont la part de la dette dans la richesse nationale a augmenté entre 2014 et 2019. L'écart avec l'Allemagne atteint désormais 40 points de PIB. Vous connaissez tout cela par coeur.

Faut-il pour autant que l'État renonce à soutenir les entreprises et les salariés ? Évidemment que non.

L'absence de mesures de soutien risquerait tout d'abord de dégrader durablement les perspectives de croissance de l'économie française.

En outre, la France dispose de deux atouts pour mener à bien ces mesures de soutien. Tout d'abord, elle continue de bénéficier d'un haut degré de confiance sur les marchés financiers. L'écart de coût de financement avec l'Allemagne se situe à un niveau très faible - 40 points de base - par rapport à la plupart des pays voisins et au point haut atteint lors de la crise des dettes souveraines - 190 points de base fin 2011. Enfin, la France peut compter sur le plein soutien de la BCE, qui a d'ailleurs annoncé avant-hier un nouveau programme d'achat d'obligations à hauteur de 750 milliards d'euros, en réponse au durcissement des conditions de financement qui commençait à se matérialiser.

Dans ce contexte, je partage la stratégie budgétaire de soutien proposée par le Gouvernement, qui comporte deux volets. Tout d'abord, laisser jouer les « stabilisateurs automatiques », en ne cherchant pas à augmenter les impôts ou à diminuer les dépenses pour atteindre les objectifs budgétaires initialement fixés pour 2020. La faiblesse de la croissance va en effet se traduire naturellement par une perte de recettes et une augmentation des dépenses sociales. Ainsi, la dégradation de la conjoncture pèse sur le déficit public à hauteur de 1,4 point de PIB.

En complément, des mesures de soutien budgétaire à vocation « défensive » ont été légitimement annoncées par le Gouvernement afin de permettre aux entreprises et aux travailleurs de surmonter le choc temporaire lié aux mesures de confinement.

Le Gouvernement communique sur un montant de 45 milliards d'euros de mesures de soutien immédiates et met par ailleurs en avant les 300 milliards d'euros de prêts garantis par l'État - une loi de finances rectificative était donc nécessaire, un décret d'avance budgétaire n'aurait pas suffi.

L'impact de ce « paquet » de mesures sur les indicateurs maastrichtiens est nettement plus faible à ce stade, car l'essentiel des mesures de soutien consiste en un simple étalement de charges fiscales et sociales, tandis que les garanties constituent un engagement « hors bilan » de l'État.

Le coût budgétaire au titre de l'exercice 2020 pris en compte par le Gouvernement se limite ainsi à 11,5 milliards d'euros : 8,5 milliards d'euros pour le dispositif exceptionnel de chômage partiel - État et Unédic - ; 2 milliards d'euros pour les dépenses additionnelles de santé et 1 milliard d'euros pour le fonds de solidarité en faveur des très petites entreprises (TPE).

Au total, la prévision de déficit public s'en trouve d'ores et déjà fortement dégradée, passant de 2,2 % du PIB initialement prévu à 3,9 % du PIB à l'issue de l'exercice 2020. Le dépassement du seuil de 3 % du PIB ne conduira toutefois pas à l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif, dès lors que la Commission européenne a indiqué être prête à activer la « clause de sauvegarde » prévue par les traités.

Il peut être noté que le Gouvernement n'a pas souhaité communiquer sur l'évolution de sa prévision d'endettement. Interrogé sur ce point, il a seulement indiqué que « la dette publique dépassera les 100 points de PIB cette année ». Je l'estime pour ma part à 102,5 % du PIB, en tenant compte de la dégradation de la croissance et des mesures de soutien.

Il y a néanmoins fort à parier que le scénario gouvernemental sera, de nouveau, substantiellement modifié dans les prochaines semaines, tant celui-ci apparaît soumis à des aléas d'une ampleur inédite.

La prévision de croissance constitue naturellement la principale source d'interrogation. À titre d'illustration, un recul de 5 % du PIB en 2020, tel qu'envisagé par les instituts de conjoncture les plus pessimistes, pèserait à hauteur de 2,4 points de PIB supplémentaires sur le déficit public de 2020, ce qui porterait ce dernier à 6,3 % du PIB, soit un niveau comparable à celui qui a été atteint pendant la crise de 2009.

À prévision de croissance inchangée, l'élasticité des recettes à la conjoncture constitue également un aléa notable. En effet, le Gouvernement table sur une élasticité des prélèvements obligatoires à l'activité économique unitaire, alors que l'élasticité est généralement faible lorsque l'économie ralentit.

Le coût des mesures de soutien annoncées pour faire face à la crise sanitaire constitue un troisième aléa majeur. En effet, le scénario budgétaire retenu pour l'exercice de 2020 suppose que les charges sociales et fiscales décalées soient intégralement remboursées et que les garanties octroyées ne soient pas appelées. Si tel n'était pas le cas, les indicateurs budgétaires maastrichtiens seraient grevés d'autant. Or, il est à craindre que de nombreuses entreprises fassent faillite et le mécanisme de soutien exclut les entreprises qui sont déjà placées sous le coup de la procédure de sauvegarde.

En outre, le calibrage des mesures de soutien « défensives » pourrait être revu à la hausse en fonction de la durée des mesures de confinement, en particulier s'agissant du dispositif rénové de chômage partiel.

Enfin, il ne peut être exclu que le Gouvernement décide dans les prochains mois de mettre en oeuvre des mesures de soutien « offensives », une fois l'épidémie du coronavirus endiguée. Après avoir « sauvé » le tissu économique, il conviendra probablement de mettre en oeuvre un plan de relance.

S'agissant à présent du budget de l'État et des articles du projet de loi de finances rectificative, je ne remettrai pas en cause les mesures proposées, qui ont pour objet de soutenir une économie qui risque de s'arrêter. Comme je viens de le rappeler, je ne peux toutefois que constater que l'absence de rétablissement des comptes de l'État depuis 2017 a conduit à priver le Gouvernement de toute marge de manoeuvre.

Les mesures présentées dégraderaient donc le solde budgétaire de l'État de 15,4 milliards d'euros, ce qui conduirait à amener le déficit budgétaire à un niveau de 108,5 milliards d'euros, contre 93,1 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale. Le déficit budgétaire serait même de 109 milliards d'euros, l'Assemblée nationale ayant pris en compte, à la demande du Gouvernement, la baisse prévisible des recettes du contrôle et de l'exploitation aériens.

Cet impact porterait à la fois sur les recettes et sur les dépenses.

S'agissant des recettes, les prévisions sont particulièrement imprécises, car il est impossible à ce stade de savoir quelles seront les conséquences exactes de la crise sanitaire sur le rendement des impôts. Le texte prévoit donc une diminution de 10,7 milliards d'euros des recettes fiscales nettes, mais cela semble difficile à concevoir, car, en 2009, la perte de recettes fiscales avait été de 45 milliards d'euros.

Les deux impôts les plus affectés seraient l'impôt sur les sociétés (IS), à hauteur de 6,6 milliards d'euros, et la TVA, pour un montant de 2,2 milliards d'euros. Le rendement de l'impôt sur le revenu brut, avant prise en compte des remboursements et dégrèvements, serait quasiment identique à la prévision, ce qui peut surprendre compte tenu de l'effet potentiel de la crise sur les salaires versés. En outre, la part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) revenant à l'État n'évoluerait pas, malgré une évidente chute considérable de la consommation de carburant. D'après le Gouvernement, les autres affectataires subiraient cette baisse, or il s'agit des collectivités territoriales. Les mécanismes exacts devront être mieux expliqués et je ne manquerai pas d'interroger le gouvernement sur ce point.

S'agissant des dépenses, le texte que nous examinons comporte trois séries de mesures qui, toutes, tendent à soutenir l'activité des entreprises. Il s'agit donc non pas d'un plan de relance, mais plutôt d'un « plan de sauvetage » : c'est plus tard qu'il faudra aider les entreprises, en contribuant à relancer l'économie.

Deux mesures sont portées par une nouvelle mission budgétaire intitulée « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ». Il faut, me semble-t-il, approuver la création d'une mission budgétaire spécifique, comme cela avait été le cas pour le plan de relance de l'économie en 2009. Les crédits seront ainsi sanctuarisés et traçables au travers des documents budgétaires.

Au sein de cette mission, le programme 356 « Prise en charge du dispositif exceptionnel de chômage partiel à la suite de la crise sanitaire » porte les crédits alloués par l'État au dispositif de soutien exceptionnel au chômage partiel. J'en rappellerai les principaux points : alors que le dispositif de droit commun s'arrête au niveau du SMIC, celui-ci soutiendra les salaires jusqu'à 4,5 fois le SMIC. Concrètement, l'entreprise verse une indemnité égale à 70 % du salaire brut, soit environ 84 % du salaire net, à ses salariés concernés. Les salariés au SMIC ou moins sont indemnisés à 100 %. L'entreprise sera entièrement remboursée par l'État, pour les salaires jusqu'à 4,5 fois le SMIC. Le coût budgétaire de ce dispositif, environ 8,5 milliards d'euros sur deux mois d'application, serait porté par l'État à hauteur de 5,5 milliards d'euros et par l'Unédic pour le complément, ce qui pourrait d'ailleurs porter atteinte au rétablissement des comptes de cet organisme.

Il convient sans doute d'approuver ce dispositif. Il a été massivement mis en place par l'Allemagne lors de la crise de 2008, ce qui a favorisé le maintien de l'emploi dans le pays. Soyons toutefois conscients que le coût final sera probablement supérieur si le dispositif est prolongé.

Le programme 357 « Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire » prévoit la création d'un fonds spécifique à destination des très petites entreprises dont l'activité est fortement touchée par la crise sanitaire. Les bénéficiaires seraient des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 1 million d'euros, qui connaissent une situation critique en raison des conséquences économiques de la crise sanitaire, malgré les effets des autres dispositifs d'accompagnement, et qui ont perdu 70 % de leur chiffre d'affaires en mars par rapport à l'année précédente. L'aide sera de 1 500 euros - c'est peu pour sauver une entreprise ! - sur déclaration, ou supérieure à ce montant sur présentation d'un dossier. Le coût total serait de 1 milliard d'euros, dont un quart serait mis à la charge des régions, voire de certaines grandes entreprises.

Là encore, le dispositif est loin d'être cadré. Si le texte évoque quelques secteurs comme la restauration et l'hôtellerie, il faudra mettre l'accent sur les effets de la crise sur la situation économique des entreprises, plus que sur leur appartenance à tel ou tel secteur. Nombre d'artisans, de petites entreprises de construction ou encore d'agriculteurs sont et seront affectés par les mesures de confinement. En outre, le seuil de 1 million d'euros de chiffre d'affaires, qui est égal à la moitié du seuil d'appartenance à la catégorie des micro-entreprises, paraît bien bas et assez arbitraire. Le seuil de 70 % de pertes, nécessaire pour bénéficier des aides, est-il lui aussi adapté ou faudra-t-il l'abaisser ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Cette référence est contestable. Très peu d'entreprises auront perdu 70 % de leur chiffre d'affaires en mars, car elles ont fonctionné normalement jusqu'au 15 mars.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ces mesures ont été élaborées dans l'urgence et sans une concertation parfaite avec les fédérations professionnelles. D'une manière générale, je veux alerter sur la nécessité de définir des modalités d'attribution des aides particulièrement claires et rapides, car les demandes vont affluer.

Enfin, de manière à répondre aux problèmes de trésorerie auxquels de nombreuses entreprises font face, l'article 4 autorise l'État à garantir jusqu'à 300 milliards d'euros de prêts aux entreprises. Ce dispositif, dont la mise en oeuvre est confiée à Bpifrance Financement, doit permettre de maintenir ouvert le canal du crédit pour les entreprises, afin qu'elles soient en mesure de faire face à leurs charges pendant la période de forte contraction de l'activité qu'entraîne la crise sanitaire. Des conditions précises sont prévues pour définir les prêts éligibles, dans un double objectif de cibler le dispositif sur les conséquences de la crise sanitaire et de respecter le cadre spécifique relatif aux aides d'État que la Commission européenne s'apprête à publier. En particulier, cette garantie donnera lieu à une rémunération de l'État : c'est une exigence de la Commission européenne, le Gouvernement m'a indiqué qu'il devrait fixer cette commission au seuil plancher permis par le cadre européen.

Les petites et moyennes entreprises ainsi qu'une partie des entreprises de taille intermédiaire, à savoir celles qui réalisent un chiffre d'affaires annuel inférieur à 1,5 milliard d'euros, sont plus particulièrement ciblées : dès lors que le prêt respecte les critères prévus, l'octroi de la garantie sera automatique. Pour les autres, un arrêté du ministre chargé de l'économie est nécessaire.

Par ailleurs, le Gouvernement a introduit une garantie spécifique de l'assurance-crédit à l'Assemblée nationale au sein d'un nouvel article 5, dans la limite de 10 milliards d'euros. Ce dispositif vise à préserver les chaînes de sous-traitances qui structurent notre économie.

Les conséquences de ces garanties pour les finances publiques sont incertaines : elles dépendront des montants pour lesquels la garantie sera in fine appelée.

En adoptant le nouvel article 4 A à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a également élargi les conditions d'octroi de la garantie de l'État accordée dans le cadre d'opérations de réassurance des entreprises habilitées à pratiquer en France des opérations d'assurance-crédit au titre des risques politiques et commerciaux à l'exportation. Il a également augmenté le montant total de l'encours maximum de cette garantie pour le passer de 1 milliard d'euros à 2 milliards d'euros.

S'agissant des autres articles du projet de loi de finances rectificative, l'article 1 A, inséré par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement, prévoit d'exonérer d'octroi de mer et d'autres impositions indirectes propres à l'outre-mer des livraisons et importations de produits nécessaires au secours des populations, au rétablissement de la continuité des services publics et des infrastructures publiques dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire.

Du côté des articles de récapitulation, l'article 1 er tire les conséquences des prévisions de ressources et de charges sur l'équilibre général. Les articles 2 et 3 procèdent aux ouvertures et annulations de crédits respectivement sur le budget général et sur les comptes spéciaux. L'Assemblée nationale a adopté deux amendements du Gouvernement qui prévoient une baisse de recettes de 500 millions d'euros du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », compensée par un prêt du Trésor comptabilisé dans le compte de concours financier « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Si je regrette parfois le caractère lacunaire des informations qui nous sont apportées, je ne m'opposerai pas aux mesures proposées dans ce projet de loi de finances rectificative. Elles s'inspirent en effet de procédures déjà expérimentées et qui devraient contribuer à apporter un soutien aux entreprises.

Il faut toutefois être conscient que ce plan est le premier et certainement pas le dernier. Les montants présentés ici ne seront suffisants que si la crise s'achève rapidement, ce qui paraît malheureusement peu probable : il est donc possible que nous devions nous retrouver, d'ici à quelques semaines, pour examiner un nouveau collectif budgétaire. Peut-être faudra-t-il aussi - mais à plus long terme - mettre en oeuvre un plan de relance pour ranimer la demande, lorsque l'offre pourra y répondre.

En tout état de cause le caractère extraordinaire des mesures qui nous sont présentées exige que nous soyons en mesure d'en suivre précisément et régulièrement la mise en oeuvre. Tout au long de l'application du plan de relance de l'économie adopté en 2009, le ministre de la relance a rendu des comptes chaque trimestre, au travers de rapports circonstanciés.

C'est pourquoi je souhaite qu'il en soit de même pour les mesures prévues par la nouvelle mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » et la garantie des prêts prévue par l'article 4. Je vous proposerai donc un amendement prévoyant la mise en place de ce mécanisme de suivi. Le Gouvernement préfère la création d'un comité de suivi, mais le Parlement doit être informé directement et dès à présent.

Par ailleurs, j'ai entendu le Président de la République et le ministre de l'économie dire que les salariés doivent continuer de travailler dans les secteurs prioritaires - santé, alimentation, énergie, transport. Il faut aussi les y encourager ! C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à exonérer de l'impôt sur le revenu et de cotisations sociales les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires effectuées par les salariés depuis le 16 mars 2020, début du confinement, et ce jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire. Il faut soutenir les salariés qui continuent à travailler en dépit du contexte. Le Gouvernement évoque une prime exceptionnelle, se référant probablement à la prime d'activité exceptionnelle défiscalisée de 1 000 euros instaurée lors de la crise des « gilets jaunes ». Mais cette prime est versée par les entreprises, non par l'État. Les grandes entreprises pourront la verser, pas les petites entreprises que nous voulons pourtant aider.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'adopter ce PLFR, qui répond à une urgence, ainsi modifié par ces deux amendements. Si le Gouvernement prend des engagements en séance, nous les retirerons pour parvenir à un vote conforme. Il est possible aussi que le Gouvernement dépose un amendement visant à faciliter le versement d'une prime en faveur de ceux qui continuent à aller travailler.

Mme Nathalie Goulet . - Hier, lors de l'examen en séance des projets de loi ordinaire et organique d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, on a évoqué plusieurs fois la nécessité de mettre en place un suivi des mesures prises par le Gouvernement dans ce cadre. On peut en effet faire des parallèles entre l'état d'urgence sanitaire et l'état d'urgence pour lutter contre le terrorisme. Le Parlement doit être informé dans les deux cas. Pourquoi ne pas nommer un rapporteur spécial sur la nouvelle mission budgétaire ? En tout état de cause, un suivi des mesures liées à l'urgence sanitaire est indispensable.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je suis d'accord. On peut tout à fait dresser un parallèle entre l'état d'urgence, l'état d'urgence sanitaire et ces mesures d'urgence économiques. On peut aussi se référer à ce qui s'est passé en 2009. À l'époque, le Parlement a été informé régulièrement. Je considère que la création d'un comité de suivi qui serait réuni à la discrétion du Gouvernement ne suffit pas. Je veux que nous disposions tous les mois de certaines données, comme les décaissements, les entreprises visées, etc. Même si nous ne nous réunissons pas physiquement, il est simple de nous adresser ces informations par courriel.

M. Vincent Éblé , président . - La question est moins de savoir quelle sera la modalité de ce suivi que d'être en mesure d'obtenir les informations que nous souhaitons. C'est pourquoi je soutiens l'amendement de notre rapporteur général qui contient un tableau de bord précis.

Mme Nathalie Goulet . - Nous voterons cet amendement avec enthousiasme.

M. Jean-Marc Gabouty . - Les effets de la crise sur les recettes de l'impôt sur les sociétés se feront essentiellement sentir à partir de 2021 ; quant à la baisse des recettes au titre de la TVA, elle me semble très sous-estimée.

La prime de 1 500 euros ne sera octroyée qu'aux entreprises ayant vu leur chiffre d'affaires baisser de 70 % en mars 2020 par rapport à mars 2019. Mais la trésorerie des entreprises n'a jamais été aussi élevée qu'aujourd'hui !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Pas dans tous les secteurs ! Pensez à la restauration.

M. Jean-Marc Gabouty . - En effet. Mais dans les secteurs qui n'ont pas été touchés par le confinement, les entreprises ont encaissé les recettes de février et pourront reporter le paiement des charges du mois de mars. Or le problème ne concerne pas que le mois de mars. Même si la crise est relativement courte, il faut s'attendre à des difficultés au 15 avril, en mai et les mois suivants.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - C'est la période de référence qui ne vous paraît pas pertinente ?

M. Jean-Marc Gabouty . - Le critère d'une baisse de 70 % du chiffre d'affaires par rapport au mois de mars de l'année dernière sera valable pour certains secteurs, comme la restauration, mais, pour l'ensemble des entreprises de production, les difficultés se poseront par la suite, car le redécollage ne sera pas immédiat. Les reports de charges sont accordés par les commissions des chefs de service financiers (CCSF) dans chaque département. Étaler le paiement des charges pendant six mois ne serait guère utile. Il faut prévoir un amortissement des charges sur le moyen terme, sinon on ne fait que reporter de quelques mois la difficulté pour les entreprises. En plus, les charges reportées par les CCSF ne sont que les charges patronales, soit la moitié environ des charges des entreprises. De plus, les CCSF, qui sont habituées à traiter quelques dizaines de dossiers en temps normal, vont avoir à en traiter plusieurs centaines et risquent d'être saturées.

La garantie des prêts des entreprises à hauteur de 300 milliards d'euros est une excellente mesure, mais il convient que le dispositif soit placé sous le contrôle d'un opérateur public, l'État ou Bpifrance, afin que les banques n'en profitent pas pour regarantir tous les prêts qu'elles ont déjà émis. Il faut éviter que le mécanisme ne soit détourné. Aussi, j'insiste sur la nécessité d'amortissements dans la longue durée, au minimum 24 ou 36 mois, des reports de charges et des pertes, à l'image des prêts participatifs simplifiés de trésorerie dans les années 1980.

D'un côté, on demande aux entreprises de continuer leur activité, ce qui est indispensable pour assurer le fonctionnement de l'économie et l'approvisionnement en produits de nécessité, et, de l'autre, on demande aux gens de rester chez eux. Finalement, les salariés ne savent plus que faire, hésitant à aller travailler ou à rester chez eux par civisme.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Quant aux entreprises, elles ne veulent pas prendre de risques, face au risque de poursuite pénale.

M. Jean-Marc Gabouty . - Cette situation crée des distorsions de concurrence entre les commerces physiques et les plateformes numériques. On ferme les librairies ou les magasins de chaussures, mais on n'interdit pas à Amazon de vendre sur internet ! Les petits commerces vont souffrir.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je comprends vos remarques. Il est évident que le dispositif est perfectible et qu'il devra être peaufiné. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir. Peut-on vraiment sauver une entreprise avec une aide de 1 500 euros ? Il faut reconnaître que, pour l'instant, on navigue à vue, dans l'urgence, et que nous aurons certainement à revoir ces mécanismes.

M. Pascal Savoldelli . - Merci au rapporteur général pour sa présentation sérieuse et apaisée : le Sénat doit veiller à l'image qu'il renvoie à nos concitoyens - tout comme les élus locaux - et travailler avec autonomie.

Incontestablement, il y a un choc d'offre, comme vous l'avez bien montré. Il y a aussi un choc de demande, et certains de nos amendements l'évoqueront. Un tel cataclysme ne peut que provoquer une profonde mutation de la demande sociale. La question de la dette privée se posera aussi brutalement. Nous devons apprendre à mieux veiller à la solvabilité des entreprises et des particuliers.

L'idée d'un outil d'information régulier sur les aspects financiers ne peut, à mon avis, que faire l'unanimité. Nous pourrions avoir le même outil sur les aspects sanitaires... C'est le rôle du Parlement que d'exercer son contrôle sur un plan comme sur l'autre. Ce serait une erreur de les séparer. Sur les 2 milliards d'euros de dépenses additionnelles de santé, il nous faut des explications très claires : c'est un sujet à se brûler les mains ! Il est étonnant qu'un ministre annonce qu'il est exceptionnel que les heures supplémentaires seront payées... À l'hôpital, on ne comprend pas. Sans aucune polémique, je souhaite savoir ce que comprennent ces 2 milliards d'euros.

M. Vincent Éblé , président . - Ils ne figurent pas dans le projet de loi de finances rectificative - mais j'entends votre question, sur le plan politique.

M. Philippe Dallier . - Nous allons bien sûr voter cet ensemble de mesures. Conforme ? Nul ne le sait. Le Gouvernement sous-estime dans ses prévisions l'impact de cette crise - du reste, nous aurons tous tout sous-estimé, du début à la fin. Pourquoi le fait-il ? Pour ne pas affoler les marchés financiers ? Les taux sont en train de monter fortement, surtout en Italie, où la dette dépasse 130 % du PIB. Nous finirons par être rattrapés par le poids de l'endettement public. On nous dit que, depuis 1812, la France n'a jamais fait défaut. C'est vrai. Mais à force de charger la barque...

Les mesures à destination des TPE sont très sous-calibrées. Déjà, il y a eu la crise des « gilets jaunes », et beaucoup avaient des difficultés de trésorerie. Il va falloir voir durant les douze ou vingt-quatre prochains mois comment elles pourront traverser cette période difficile sans déposer le bilan. Le report de la réforme des aides personnelles au logement (APL), est-il comptabilisé dans ce texte ? Son impact en année pleine est d'environ 1 milliard d'euros.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le cabinet de M. Le Maire vient de m'indiquer que le Gouvernement ne déposerait pas d'amendement sur le projet de loi de finances rectificative, il devrait appliquer le dispositif de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat. Pour l'instant, toutefois, il ne sait pas me dire si une entreprise qui aurait versé une prime en janvier pourrait le faire de nouveau. Et, sur la défiscalisation et la désocialisation des heures supplémentaires, il renvoie à des débats ultérieurs, afin que nous votions ce texte conforme.

Sur le comité de suivi, il y a une certaine confusion. Je présenterai mon amendement et le retirerai si le Gouvernement s'engage formellement en séance - qui sera présidée par M. le Président Larcher - à nous fournir mensuellement le tableau que nous souhaitons.

M. Vincent Éblé , président . - Nous pourrons de toute façon le réclamer en vertu de nos pouvoirs de contrôle.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le dispositif de comité de suivi n'est pas adapté, en particulier avec la période que nous traversons.

Le Gouvernement nous annonce un autre projet de loi de finances rectificative prochainement. Il faut un dispositif plus incitatif qu'une prime exceptionnelle que les entreprises ne peuvent pas verser !

M. Thierry Carcenac . - Compte tenu de l'urgence, nous devons voter ce texte, même si les hypothèses de l'article 1 er posent problème. L'article 2 introduit une nouvelle mission et deux programmes : pourquoi pas ? Mais nous avons déjà des rapporteurs spéciaux, sur l'économie, d'une part, et sur le travail et l'emploi, d'autre part, qui pourraient suivre ces deux programmes, il me semble. L'article 4 doit nécessairement être adopté. Sur le suivi et le contrôle, la proposition du rapporteur général est intéressante, mais quid de la dette ? Il est anormal d'apprendre le résultat des émissions de dette par l'Agence France Trésor par les journaux.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ce matin, le taux de notre obligation à dix ans (OAT) était de 0,2 % sur le marché secondaire.

M. Thierry Carcenac . - Nous devons être mieux informés : cette année, nous allons tout de même emprunter 246 milliards d'euros ! Nous n'avons pas évoqué les collectivités locales. Pourtant, il y aura un ralentissement des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - C'est clair !

M. Thierry Carcenac . - Les départements les utilisaient pour investir...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Les dépenses liées au revenu de solidarité active (RSA) vont sans doute aussi augmenter.

M. Thierry Carcenac . - Et le pacte de Cahors...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je crois que, cette année, il passera aux oubliettes.

M. Thierry Carcenac . - Comme Pascal Savoldelli, je m'interroge sur les 2 milliards d'euros supplémentaires pour la santé. De quoi s'agit-il ? D'une réévaluation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) ? Sur quel budget seront-ils pris ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous verrons si, à terme, un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFSS) est déposé. L'Ondam va effectivement évoluer.

M. Thierry Carcenac . - Chaque secteur aura des difficultés, et requerra un plan d'urgence. Il en est ainsi du secteur culturel et des librairies, qu'il faudrait autoriser à ouvrir.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Tant que nous n'aurons pas assez de gants ni de masques...

M. Thierry Carcenac . - On entre bien sans masque au supermarché.

M. Vincent Capo-Canellas . - Merci pour ce rapport éclairant. L'exigence est double : dépenser, pour soutenir l'économie et éviter que tout se bloque, et veiller à la solidité financière de l'État, dont la dette avoisine 100 % du PIB. Sur le long terme, il faudra tirer des leçons, en matière de souveraineté, de définition et de financement des secteurs régaliens, et de localisation de la production. À court terme, il faut empêcher que des secteurs vitaux ne se grippent : ainsi, de la chaîne logistique de l'agro-alimentaire, dont l'arrêt provoquerait la panique dans la population. Conserver les savoir-faire et la capacité productive par le chômage partiel, c'est du bon sens. Sur la solidité financière de l'État, l'évolution des taux nous renseigne et fixe notre capacité à vendre notre dette. Il faudrait disposer d'une cartographie précise des risques pour éviter toute bascule financière. Quels sont les seuils à ne pas dépasser pour que l'État conserve sa crédibilité financière ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'avenir le dira ! J'essaierai de vous faire suivre des informations pendant la période à venir.

M. Philippe Dominati . - L'inquiétude, pour tout plan de sauvetage, c'est de savoir si c'est l'État ou le contribuable qui en bénéficiera : souvent, l'État en profite pour réparer ses propres insuffisances. Quelle est la part de ces 45 milliards d'euros qui ira réellement aux entreprises ou aux personnes ? Il y aura de nombreuses faillites, notamment pour ceux qui vivent d'une activité saisonnière. Le président de la République a annoncé 5 milliards d'euros pour la recherche : très bien, mais sont-ils inscrits dans ce texte ? Il paraît d'ailleurs que ce sera, en fait, 500 millions d'euros par an sur dix ans. Tout cela reste bien flou.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'essentiel du décaissement budgétaire prévu consiste en un soutien aux entreprises, avec les dispositifs de chômage partiel et du fonds de solidarité aux TPE, accompagnés de reports de charges et de fiscalité. L'hôpital, cela relève du champ du PLFSS. La recherche, c'est une annonce, sans traduction budgétaire pour l'instant. Nous ne sommes que dans une première phase du « plan de sauvegarde » de notre économie.

M. Emmanuel Capus . - Nous sommes tous d'accord pour privilégier l'unité nationale contre cette crise. Nos services fiscaux pourront-ils être assez réactifs, compte tenu du télétravail ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - C'est une vraie question.

M. Emmanuel Capus . - Dans le bâtiment, on refuse le chômage partiel à beaucoup d'entreprises qui avaient compris qu'elles devaient interrompre leurs chantiers.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On entend parler d'un renforcement du confinement...

M. Emmanuel Capus . - Sur le chômage partiel, nous sommes passés à 100 %, si j'ai bien compris.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Uniquement au niveau du SMIC. Le plafond a été porté à 4,5 fois le SMIC, mais, au-delà du SMIC, l'indemnisation n'est pas de 100 % mais de 84 %. Près de 6 milliards d'euros seront pris en charge par l'État ; le reste le sera par l'Unédic.

M. Vincent Éblé , président . - Concernant la réactivité de l'administration, un amendement voté hier habilite le Gouvernement à déroger par ordonnance aux dispositions relatives à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics afin de permettre le recours accru à des pièces dématérialisées. Il apporte de la souplesse avec des allégements de procédures annoncés par le Gouvernement comme proportionnés.

Mme Sophie Taillé-Polian . - Plus que d'un plan de relance, il s'agit d'un plan de sauvegarde. Des annonces ont été faites en faveur des plus démunis, mais je n'en vois pas la transcription.

M. Julien Bargeton . - Le président de la République a dit « coûte que coûte ». Ce texte est une première salve, et nul ne sait à combien se montera le déficit. À long terme, il y aura d'autres éléments de réflexion, et rien ne sera comme avant. Je me réjouis de ce que la commission vise un vote conforme, et envisage de nous informer par voie numérique. Il y aura d'autres mesures, et d'autres projets de loi de finances rectificative, mais nous devons réfléchir à notre mode de travail : cette réunion aurait pu se tenir par visioconférence.

M. Vincent Éblé, président. - Il faudrait pour cela probablement adapter notre Règlement.

EXAMEN DES ARTICLES

Article liminaire

L'article liminaire est adopté sans modification.

Article additionnel avant le titre unique (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je présenterai un amendement demandant un rapport mensuel, puis semestriel, sur les deux dispositifs, et un amendement sur la défiscalisation des heures supplémentaires. Si le Gouvernement ne dépose pas d'amendement, je retirerai mes amendements en échange d'un engagement formel du Gouvernement, qui sera confirmé par un échange de lettres, afin que nous puissions aboutir à un vote conforme.

L'amendement n° 8 vise à exonérer de l'impôt sur le revenu et de cotisations sociales les rémunérations perçues au titre des heures supplémentaires effectuées par les salariés depuis le 16 mars 2020, début du confinement, et ce jusqu'à la fin de l'état d'urgence sanitaire.

M. Jean-Marc Gabouty . - Nous nous abstiendrons.

Mme Sophie Taillé-Polian . - Nous nous abstiendrons également.

M. Pascal Savoldelli . - Nous nous abstiendrons, en attendant d'y voir plus clair.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Cet amendement n'est pas la panacée, j'en conviens. Mais il faut inciter à poursuivre l'activité. M. Le Maire a dit que nous avions le système de chômage partiel le plus généreux d'Europe ; dès lors pourquoi aller travailler... Pourtant, il faut que l'activité continue. Il faut récompenser ceux qui travaillent si l'on veut éviter que l'économie s'arrête totalement.

M. Vincent Capo-Canellas . - Les collectivités territoriales et les entreprises, avec leurs plans de sauvegarde, savent travailler en mode dégradé. Ce qui manque à l'État, c'est un gigantesque plan national de sauvegarde. Du coup, on tâtonne.

M. Emmanuel Capus . - Cela nous renvoie au débat que nous avons eu, à l'initiative du groupe CRCE, sur ce qu'est une entreprise particulièrement indispensable à la poursuite de l'activité économique et sociale du pays. Si nous avions une liste des secteurs concernés, cela permettrait de procéder à des réquisitions.

L'amendement n° 8 est adopté.

Articles 1er A, 1er, 2, 3, 4 A, 4

Les articles 1er A, 1er, 2, 3, 4 A et 4 sont adoptés sans modification.

Article additionnel après l'article 4 (nouveau)

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - L'amendement n° 9 prévoit l'information du Parlement sur les mesures d'urgence, notamment pour lui permettre d'évaluer l'effet des mesures sur les comptes publics.

L'amendement n° 9 est adopté.

Article 5

L'article 5 est adopté sans modification.

Après avoir adopté deux amendements, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de finances rectificative pour 2020 tel que modifié par ses amendements.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl19-384.html


* 1 À titre d'illustration, les ventes de détail ont chuté de 20,5% sur un an tandis que la production industrielle a chuté de 13,5 %, au plus bas depuis plus de trente ans. Cf. Xavier Diaz, « La récession est au bout du confinement », L'AGEFI Quotidien, 17 mars 2020.

* 2 Voir par exemple : Deutsche Bank Research, « Impact of Covid-19 on the global economy - Update 2 : Severe recession », 18 mars 2020 ; « Goldman Sachs voit le PIB de la Chine en contraction de 9 % au 1 er trimestre », Reuters, 17 mars 2020.

* 3 Camille Bortolini et Estelle Jacques, « Les relations commerciales entre la France et la Chine en 2018 », direction générale du Trésor, 4 avril 2019.

* 4 Aurélien Daubaire, Geoffroy Lefebvre et Olivier Meslin, « La maquette de prévision Opale », direction générale du Trésor, 2017, p. 74.

* 5 Institut des politiques publiques, « Propagation des chocs dans les chaînes de valeur internationales : le cas du coronavirus », Note IPP n° 53, mars 2020.

* 6 Howard Lempel, Ross A. Hammond et Joshua M. Epstein, « Economic Cost and Health Care Workforce Effects of School Closures in the U.S. », PLoS Currents, 2009.

* 7 Insee, « Missions de l'Insee dans les semaines à venir », communiqué de presse, 16 mars 2020.

* 8 Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP-2020-1 relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour l'année 2020, p. 1.

* 9 Le Monde, « Coronavirus : des modélisations montrent que l'endiguement du virus prendra plusieurs mois », 17 mars 2020.

* 10 Commission européenne, « Coordinated economic response to the COVID-19 Outbreak », annexes 1 à 3, 13 mars 2020.

* 11 Goldman Sachs, « Europe in Recession », Economics Research, 16 mars 2020.

* 12 Morgan Stanley, « Covid-19 Contraction », Euro Area Economics, 17 mars 2020.

* 13 Voir par exemple : rapport général n° 140 (2019-2020) d'Albéric de Montgolfier relatif au projet de loi de finances pour 2020, fait au nom de la commission des finances et déposé le 21 novembre 2019.

* 14 Sur les conséquences de l'affaiblissement durable des taux d'intérêt sur la conduite de la politique budgétaire, voir par exemple : rapport d'information n° 468 (2018-2019) relatif au projet de programme de stabilité pour les années 2019 à 2022 d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances et déposé le 29 avril 2019.

* 15 Commission européenne, « COVID-19: Commission sets out European coordinated response to counter the economic impact of the Coronavirus », 13 mars 2020.

* 16 Le niveau d'endettement à la fin 2019 ne sera toutefois connu que le 26 mars lors de la publication par l'Insee des résultats provisoires des comptes annuels, qui pourraient être meilleurs qu'escompté.

* 17 Haut Conseil des finances publiques, Avis n° HCFP-2020-1 précité, p. 5.

* 18 Article 81 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 19 Article 265 du code des douanes.

* 20 Document « Voies et moyens », tome 1, annexé au projet de loi de finances pour 2020.

* 21 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, état A.

* 22 Arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, modifié.

* 23 Estimation transmise au rapporteur général le 16 mars 2020.

* 24 Réponse du Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à la question écrite n° 11613 de M. Roland Courteau, journal officiel du Sénat du 7 juillet 2011.

* 25 Francis Kramarz, Alexandra Spitz-Oener, Charlotte Senftleben et Hanna Zwiener, Les mutations du marché du travail allemand , Conseil d'analyse économique, 2012.

* 26 Cour des comptes, Le système français d'indemnisation du chômage partiel : un outil insuffisamment utilisé , rapport public annuel 2011.

* 27 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 28 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 29 Coronavirus COVID-19 : chefs d'entreprise, le ministère de l'économie est à vos côtés , site Internet du ministère de l'économie et des finances, 19 mars 2020.

* 30 L'article R. 5122-9 du code du travail prévoit une durée maximale de six mois renouvelables.

* 31 Celle-ci est portée à 100 % si le salarié placé en activité partielle suit une formation.

* 32 Article L. 3232-5 du code du travail.

* 33 Articles 2 et 15 du décret n° 2013-551 du 26 juin 2013.

* 34 Article 3 de la convention État-Unédic relative à l'activité partielle du 1 er novembre 2014.

* 35 Arrêté du 26 août 2013 fixant les contingents annuels d'heures indemnisables prévus par les articles R. 5122-6 et R. 5122-7 du code du travail. Ce contingent est abaissé à 100 heures si le dispositif est activé pour motif de transformation, modernisation ou restructuration de l'entreprise.

* 36 Projet annuel de performances de la mission « Travail et emploi », annexé au projet de loi de finances pour 2020.

* 37 Cour des comptes, « Le système français d'indemnisation du chômage partiel : un outil insuffisamment utilisé », RPA 2011, février 2011.

* 38 Cour des comptes, « Le chômage partiel : un dispositif rénové, insuffisamment utilisé », RPA 2015, février 2015.

* 39 Hijzen A., Venn D. (2011), The role of short-time work schemes during the 2008-2009 recession, Social, Employment and Migration Working Paper 115, OECD - cité dans : DARES , Les enjeux de l'activité partielle , Les notes de la MAR, janvier 2018.

* 40 Unédic, situation financière de l'assurance chômage, 25 février 2020.

* 41 Unédic, Note d'impact sur la réforme de l'assurance chômage, septembre 2019.

* 42 Article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique.

* 43 Coronavirus COVID-19 : chefs d'entreprise, le ministère de l'Economie est à vos côtés , site Internet du ministère de l'économie et des finances, 19 mars 2020.

* 44 M. Bruno Le Maire, présentation du projet de loi de finances rectificative devant l'Assemblée nationale, 19 mars 2020.

* 45 Voir le commentaire de l'article 4 au sein du présent rapport.

* 46 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques.

* 47 Article 2 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales. Cette loi visait à répondre au mouvement des « gilets jaunes ».

* 48 Article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 49 Article 1 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 50 Pour une liste exhaustive des rémunérations visées, se reporter au commentaire de l'article 7 du Rapport n° 111 (2018-2019) de M. Jean-Marie VANLERENBERGHE, Mme Catherine DEROCHE, MM. Bernard BONNE, Gérard DÉRIOT, René-Paul SAVARY et Mme Élisabeth DOINEAU, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 novembre 2018 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 51 Article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 52 Article 7 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 53 Article 2 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales.

* 54 Article 1 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 55 Article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 56 Loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer.

* 57 Cette dernière fait l'objet d'un taux réduit à La Réunion, en Martinique et en Guadeloupe et n'est pas applicable à Mayotte.

* 58 Le taux de l'OAT à 10 ans est ainsi remonté à + 0,3 % le 18 mars 2020, contre - 0,32 % le 12 mars. Les mesures annoncées par la BCE, comme il a été indiqué dans la première partie du présent rapport, ont toutefois permis de réduire ce taux le 19 mars.

* 59 Rapport spécial de M. Vincent Capo-Canellas sur les crédits du transport aérien dans la mission « Écologie, développement et mobilité durables, annexé au rapport général n°  140 (2019-2020), déposé le 21 novembre 2019.

* 60 Rapport n° 2758 fait par M. Laurent Saint-Martin, au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020.

* 61 Article R. 442-8-9 du code des assurances.

* 62 Initié en octobre 2018.

* 63 Cf. considérant 1 du règlement (UE) n° 1233/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 relatif à l'application de certaines lignes directrices pour les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public et abrogeant les décisions du Conseil 2001/76/CE et 2001/77/CE.

* 64 Tels que définis à l'article 11 de l'Arrangement précité.

* 65 a) du paragraphe 18 de la communication de la Commission aux États membres concernant l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne à l'assurance-crédit à l'exportation à court terme, en date du 19 décembre 2012.

* 66 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 67 Voir par exemple la garantie apportée au Comité d'organisation des Jeux olympiques de Paris 2024, autorisée par l'article 81 de la loi n° 2017-1775 de finances rectificative pour 2017.

* 68 Voir la fiche 15 « Les garanties publiques » du Vademecum des aides d'État, édition 2016, direction des affaires juridiques du ministère de l'économie et des finances.

* 69 Communication révisée de la Commission sur l'application des articles 87 et 88 aux aides d'État sous forme de garanties adoptée le 20 mai 2008 ( JOUE C 155/10, 20 juin 2008 ).

* 70 Voir la déclaration de la vice-présidente exécutive Margrethe Vestager concernant un projet de proposition d'encadrement temporaire des aides d'État visant à soutenir l'économie dans le contexte de la flambée de COVID-19.

* 71 Article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l'économie.

* 72 Selon les chiffres de l'Insee pour 2017, voir « Les entreprises en France », édition 2019 .

* 73 Ces chiffres correspondent, pour le critère d'emploi, au seuil fixé par la loi de modernisation de l'économie (LME) de 2008 pour les entreprises de taille intermédiaire, et, pour le critère de chiffre d'affaires, à une partie des entreprises de taille intermédiaire - le plafond étant fixé à 2 milliards d'euros par la LME de 2008.

* 74 Voir infra le commentaire de l'article additionnel après l'article 4.

* 75 En application du g de l'article L. 231-13 du code de la construction et de l'habitation.

* 76 Article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008.

* 77 Article L. 431-9 du code des assurances.

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