MISSION « ADMINISTRATION GÉNÉRALE
ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT »

m. jacques genest, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 34

A. UNE HAUSSE CONTINGENTE DES DÉPENSES DE LA MISSION 35

1. Hors cycle électoral, une légère réduction des charges... 35

2. Les dépenses par nature : au-delà d'évolutions apparentes, une forte inertie budgétaire 39

B. LES DÉPENSES ONT EXCÉDÉ LES PLAFONDS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES, TOUT EN LAISSANT UN MONTANT MOINS ÉLEVÉ D'ENGAGEMENTS RESTANT À PAYER, DU MOINS EN APPARENCE 49

1. Un excédent de dépenses par rapport à une programmation pluriannuelle des finances publiques, d'ores et déjà, obsolète pour le reste de la programmation 50

2. Une augmentation des engagements non couverts par des crédits de paiement au terme de l'exercice budgétaire pour le programme 307, mais une réduction à l'échelle de la mission, dans un contexte de forte probabilité de concrétisation de charges à ce jour latentes 52

C. UNE EXÉCUTION PLUS TENDUE QU'IL N'APPARAÎT 55

1. Au total, des dépenses inférieures aux ouvertures de la loi de finances initiale et aux crédits disponibles 55

2. Malgré des dépenses supérieures aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale et un niveau élevé de dégels, la réserve de précaution a laissé un reliquat disponible pour solder la gestion de la mission 58

3. Les dépenses destinées au financement de la vie politique ont été sensiblement inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale 59

4. Des modifications de crédits d'ordre qui modifient l'image de la répartition des moyens entre les différentes actions du programme 307 61

5. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité 65

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 67

A. UNE INFORMATION BUDGÉTAIRE LARGEMENT PERFECTIBLE 67

1. De nombreuses données financières font l'objet d'une information excessivement sommaire 67

2. La mission AGTE, une entorse à la spécialisation budgétaire qui s'aggrave du fait de la disparition des informations permettant d'apprécier la destination effective des crédits 68

3. La maquette de performance du programme 307 s'étiole de plus en plus et rend de moins en moins compte des priorités assignées au réseau préfectoral 69

4. La maquette de performance du programme 232 est réductrice 72

5. La maquette de performance du programme 216 est incomplète 73

B. DES RÉSULTATS INFÉRIEURS AUX ATTENTES 74

1. Les indicateurs de performance du programme 307 semblent traduire les difficultés certaines rencontrées dans l'accomplissement des missions évoquées, notamment dans le domaine de la sécurité civile 74

2. La mise en oeuvre du PPNG n'a pas tenu toutes ses « promesses » et s'est accompagnée d'une dégradation de l'accessibilité des services de délivrance des titres 76

3. Le programme 216, comme l'an dernier, suscite des inquiétudes sur le contentieux, l'informatique et l'immobilier, mais, de plus, sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance 78

C. UNE CONTRAINTE D'EMPLOIS QUI POSE PROBLÈME 82

D. REMÉDIER AUX SITUATIONS DE DÉBUDGÉTISATION 84

E. LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE REPOSE SUR DES MÉCANISMES QUI CONDUISENT À DES DÉSÉQUILIBRES PROBLÉMATIQUES 85

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) est une mission particulièrement composite, comme l'indiquent assez les objets des trois programmes qu'elle regroupe.

Les programmes de la mission AGTE

Les trois programmes de la mission « AGTE » sont, on le rappelle, d'une inégale densité budgétaire, le programme 307 (« Administration territoriale ») regroupant environ 60,1 % des dépenses réalisées en 2019 (soit 1,7 milliard d'euros sur un total de 2,8 milliards d'euros).

Les deux autres programmes, « Vie politique, cultuelle et associative » (232) pour 187,4 millions d'euros dépensés en 2019, année marquée par un calendrier électoral un peu plus dense que celui de l'année précédente qui détermine le profil budgétaire du programme, et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (216) avec 939 millions d'euros de dépenses, mobilisent, le premier, 6,6 % des moyens (à comparer aux 4,3 % de l'exercice précédent), le second 33,2 % des dépenses.

Cette répartition prend en compte une certaine irrégularité de la structure de la mission en raison d'un cycle électoral dont les effets sur la programmation et l'exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale sont chroniquement significatifs.

La diversité des programmes regroupés dans la mission est aggravée par le caractère largement hétéroclite du programme 216 (un tiers des dotations) qui finance les moyens mobilisés par une série d'interventions souvent rattachables à des politiques publiques retracées par d'autres missions budgétaires.

Dans le même temps, certains programmes, qui pourraient utilement être inclus dans une mission budgétaire destinée à apprécier les moyens mis en oeuvre pour assurer l'administration générale de l'État ne l'étaient pas. Ainsi en allait-il du programme 333 « moyens mutualisés des services déconcentrés » logé dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Comme annoncé l'an dernier à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2018, la loi de finances pour 2020 a largement remédié à cette anomalie, tout en excluant du périmètre des regroupements un certain nombre de moyens qu'il conviendra d'inclure à l'avenir dans ce dernier. Le rapporteur spécial renvoie à cet égard aux développements qu'il a exposés dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2020 dans lequel il a pu déplorer que les agences régionales de santé, notamment, échappent au principe de mutualisation-coordination qui fonde la démarche enclenchée en 2020.

Il n'en reste pas moins qu'après cette évolution subsistera dans notre nomenclature budgétaire une mission fort éloignée, au point d'y contrevenir, de l'esprit et de la lettre de la loi organique relative aux lois de finances.

Cette situation, qui n'est pas propre à la mission AGTE - de nombreuses missions budgétaires abritent des programmes réservoirs à l'image du programme 216 de la mission AGTE- présentent de grands inconvénients qui s'aggravent (voir infra ) et devrait être corrigée.

Les réformes mises en oeuvre ces dernières années continuent à extérioriser des effets fonctionnels plus que mitigés, alors même que l'année 2019 a été riche en annonces de nouveaux projets touchant, notamment, à la réorganisation de l'administration territoriale.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

Après la baisse de la dépense observée l'an dernier pour des raisons essentiellement transitoires, les dépenses de la mission AGTE ont été légèrement supérieures en 2019 à leur niveau de 2018.

Cependant, une fois neutralisés un certain nombre de facteurs (modifications de périmètre, calendrier électoral) poussant les dépenses à la hausse, les dépenses (quasi-structurelles) de la mission ont été orientées vers une baisse modérée qui reflète la tendance désormais bien installée à un retrait des moyens de l'administration générale de l'État dans les territoires, retrait qui renvoie à une attrition plus générale du positionnement de l'État sur le territoire national.

Le rapporteur spécial a consacré un rapport d'information 15 ( * ) à cette regrettable « involution » qu'il n'a eu de cesse de déplorer ces dernières années au fil des rapports budgétaires sur la mission « AGTE ».

Fondée sur les effets du calendrier électoral de 2019 et l'alourdissement des charges de support du programme 216, la programmation budgétaire initiale faisait reposer sur le programme d'administration territoriale 307, une fois encore, une assez forte contrainte, sauf à ce que ce dernier puisse mobiliser des ressources complémentaires en gestion (fonds de concours, attribution de produits et rétablissements de crédits).

Dans les faits, la contrainte initiale pesant sur le programme 307 s'est encore resserrée, les rétablissements de crédits n'ayant pas été à la hauteur du potentiel tandis que des besoins en emplois complémentaires sont apparus.

En bref, derrière l'impression laissée d'une gestion sereine, des modifications significatives ont dû être apportées en exécution aux projets de dépenses.

Si, au total, les dépenses ont été inférieures aux disponibilités, permettant de prononcer des annulations nettes de crédits en loi de finances rectificative de fin d'année sans hausse apparente des restes à payer, la gestion de fin d'exercice suscite certaines interrogations au vu des charges de la mission demeurant à honorer.

Encore faut-il ajouter à ces considérations étroitement budgétaires celles nettement plus fonctionnelles qu'inspire l'appréciation de la capacité de l'État à faire face aux missions régaliennes que finance le budget de l'AGTE.

De ce point de vue, l'impasse semble patente au rapporteur spécial qui souhaite qu'elle ne soit comblée, ni par une nouvelle dégradation qualitative des fonctions de l'État territorial, ni par une sollicitation supplémentaire des contribuables locaux, dont les capacités contributives fort inégales ne sont que mal égalisées par les dotations budgétaires aux collectivités territoriales.

A. UNE HAUSSE CONTINGENTE DES DÉPENSES DE LA MISSION

1. Hors cycle électoral, une légère réduction des charges...

Après une année 2017 exceptionnellement « dépensière » du fait d'un cycle électoral chargé et d'un niveau très élevé de dépenses de contentieux, l'année 2018 avait vu les dépenses de la mission reculer très significativement malgré des « impayés » au titre du financement de la vie politique reportés sur cet exercice. Une fois neutralisées les évolutions atypiques, contingentes, observées en 2017, les dépenses avaient très légèrement augmenté, le supplément de dépenses représentant 0,9 % du total des dépenses de 2018 16 ( * ) .

En 2019, une nouvelle très légère augmentation intervient (+ 4 millions d'euros), qui relève de phénomènes analogues à ceux qui ordinairement « heurtent » les consommations de la mission.

Ainsi, les dépenses de la mission ont augmenté de 4 millions d'euros (+ 0,2 %) pour les crédits de paiement tandis que les autorisations d'engagement mobilisées ont été supérieures de 15,1 millions d'euros par rapport au niveau de 2018 (+ 0,6 %).

Les variations des dépenses de la mission d'une année sur l'autre oscillent autour d'une tendance baissière selon le calendrier électoral et certains événements plus ou moins ponctuels déterminés par des modifications d'organisation (et parfois de périmètre budgétaire) ou tenant au plan de charge d'un ministère confronté à de réelles tensions (parfois liées à la prolifération législative et réglementaire).

Dans ce cadre, une tendance à la déterritorialisation de l'administration générale de l'État a constitué une orientation lourde confirmée sur la période 2018-2019.

Compte tenu d'un certain nombre de reclassements entre le programme 307 et le programme 216, une fois tenue compte de leur évolution consolidée, ressort l'influence du programme 232 sur la dynamique des dépenses en 2019.

À dépenses inchangées de ce dernier programme, les consommations de la mission auraient connu un recul de 7,8 millions d'euros, le programme 307 qui retrace le déploiement de l'État sur le territoire perdant davantage de moyens que le programme support 216 (une partie de ces pertes relevant, il est vrai, de transferts) largement dédié à l'administration centrale du ministère de l'intérieur.

Évolution des dépenses de la mission

(en millions d'euros et en %)

Programme

2018

2019

Variation

Administration territoriale (307)

1 718, 8

1 699,3

- 19,5

Vie politique, cultuelle et associative (232)

175,5

187,3

+ 11,8

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

927,3

939

+ 11,7

Total

2 821,6

2 825,6

+ 4

Source : RAP 2019

Comme c'est traditionnellement le cas pour la mission, les crédits ouverts par la loi de finances initiale ont été ajustés en exécution par des rattachements de ressources récurrents, provenant de fonds de concours ou d'attributions de produits.

Ces rattachements n'ont pas débouché sur des suppléments de dépenses à due proportion de sorte que la mission a connu des dépenses inférieures au disponible. Au total, en fin de gestion, la loi de finances rectificative de fin d'année a procédé à des annulations de crédits.

Le programme 307 a sollicité des ouvertures nettes (76 millions d'euros, soit 4,6 % des ouvertures de la loi de finances) tandis qu'après ajustements de fin d'exercice, les deux autres programmes ont subi des annulations nettes de crédits (2 millions d'euros pour le programme 232 ; 20,3 millions d'euros pour le programme 216 soit, respectivement, 1 % et 2,1 % des crédits initiaux).

Éléments d'exécution des programmes de la mission en 2019

Source : commission des finances du Sénat

Au total, les taux de consommations des crédits ont varié selon le programme considéré et selon le référentiel employé.

Seul le programme 307 a connu une consommation supérieure aux crédits de la loi de finances initiale, tout en dépensant moins que le disponible alimenté par des reports mais également par des transferts et virements de crédits qu'il faudrait mieux documenter.

Taux de consommation des crédits par programme

(en %)

Source : commission des finances du Sénat

Parmi les ressources complémentaires apportées en gestion figurent également des fonds de concours, attributions de produits et rétablissements de crédits.

En ce qui concerne les fonds de concours et les attributions de produits, ils posent les problèmes traditionnels venant des relations entre le ministère de l'intérieur et l'Agence nationale des titres sécurisés (voir infra ) mais également la question de la justification de la commercialisation de données de fichiers administratifs (3,1 millions d'euros sont enregistrés en recettes au titre du système d'immatriculation des véhicules) qui constitue une question complexe sur laquelle il conviendra de revenir.

La Cour des comptes considère encore que le prélèvement sur recettes des collectivités territoriales destiné à assurer le fonctionnement du comité des finances locales constitue un faux fonds de concours. Sans atteindre, de loin, les enjeux historiques 17 ( * ) des faux fonds de concours longtemps rattachés, à partir pour certains de la même source, au ministère de l'économie et des finances 18 ( * ) , il convient qu'une correction intervienne.

Le rapporteur spécial relève les intéressantes observations de la Cour des comptes sur la procédure des rétablissements de crédits.

Cette procédure est le prolongement des remboursements de dépenses obtenus à la suite notamment de paiements indus. Elle permet de minorer comptablement les dépenses à hauteur de ces remboursements.

En 2018, elle avait été mobilisée à hauteur de 16,5 millions d'euros tandis qu'en 2019 elle ne l'a été que pour 8,38 millions d'euros. Or, selon la Cour des comptes, le stock disponible aurait été en début d'exercice de 26,4 millions d'euros sur le programme 307 et de 16,9 millions d'euros sur le programme 216 pour lequel le tableau ci-dessous présente l'état du stock.

Stock des rétablissements de crédits mobilisables
sur le programme 216

Source : Cour des comptes

La plus grande part du stock figurant au programme 216 tient à des mises à disposition.

La faible mobilisation de la procédure de rétablissement de crédits traduit en fait des difficultés de gestion de la récupération des indus, soit du fait de la superposition d'unités de gestion (les budgets opérationnels de programme) elles-mêmes peu mobilisées (programme 307), soit du fait des difficultés pratiques à surmonter pour récupérer des sommes indûment versées, le responsable du programme 216 faisant valoir, de surcroît, la difficulté pouvant exister du fait du caractère aléatoire des procédures de réallocation des crédits. La fongibilité asymétrique n'étant pas nécessairement accessible, l'incitation à rétablir des crédits appelés à être annulés peut être perçue comme assez faible.

Ces considérations sont loin d'emporter la conviction du rapporteur spécial qui suggère que les crédits rétablis puissent être fléchés vers les besoins de proximité qu'il n'apparaît pas très difficile d'identifier.

2. Les dépenses par nature : au-delà d'évolutions apparentes, une forte inertie budgétaire

Les dépenses de la mission AGTE sont majoritairement des dépenses de personnel.

Le poids de ces dépenses peut varier d'une année à l`autre à raison des particularités du programme 232 de financement de la vie politique, qui porte presque exclusivement des dépenses de fonctionnement ou d'intervention et dont l'ampleur des dotations est dépendante du calendrier électoral.

Cependant, malgré une légère augmentation des dépenses consacrées au financement de la vie politique, l'exercice 2019 enregistre une augmentation, modérée, de la part relative des dépenses de personnel dans le total des charges budgétaires de la mission à 70,4 % contre 69,7 % en 2018 et 64,6 % en 2017, mais pour des raisons qui tiennent principalement à des modifications de périmètre, dans un contexte marqué par l'accumulation de facteurs, généralement limités dans leur ampleur, susceptibles de soutenir les dépenses du personnel de la mission, mais aussi de réduction des autres dépenses.

Au total, les reclassements internes des dépenses par nature sont d'une ampleur limitée en 2019.

Structure des dépenses de la mission AGTE par nature

2018 (A)

2019 (B)

Variation B/ A

Dépenses de personnel

69,7 %

70,4 %

+ 0,7

Autres dépenses

30,3 %

29,6 %

- 0,7

dont :

Fonctionnement

21,6 %

21,4 %

- 0,2

Investissement

2,6 %

2,4 %

- 0,2

Interventions

6,1 %

5,8 %

- 0,3

Opérations financières

0

0,0 %

NS

Total

100 %

100 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2019

Par rapport à l'exercice précédent, le repli des dépenses autres que de personnel, qui est un repli en valeur absolue, est nettement influencé par le recul des dépenses d'intervention du programme support de la mission (programme 215), dont les dépenses d'investissement s'inscrivent également en baisse nette. Pour les dépenses de fonctionnement, c'est le programme 307 qui contribue à leur quasi-stabilisation en valeur (au niveau de la mission) puisque les dépenses de fonctionnement de ce programme sont les seules à baisser.

Par rapport aux prévisions initiales, incluant les prévisions de rattachements de fonds de concours et les attributions de produits, les dépenses ont été inférieures tant pour les dépenses de personnel (1,5 % de moins que prévu) que pour les autres dépenses (un déficit de consommation de 5,7 %) résultant d'un sous-investissement de plus de 50 % par rapport à la prévision.

Données sur l'exécution des crédits de la loi de finances initiale
par nature de dépenses

(en millions d'euros)

Réalisation 2018 (A)

Prévision 2018 (B)

Réalisation 2019 (C)

C-A

C-B

Dépenses de personnel

1 966,6

2 020,7

1 990,6

+ 24

- 30,1

Autres dépenses

855

885,3

835

- 20

- 50,3

dont :

Fonctionnement

610

594

603,4

- 6,6

+ 9,4

Investissement

75

142,5

67,5

- 7,5

- 75,0

Interventions

170

149,2

164,1

- 5,9

+ 14,9

Opérations financières

0,0

0

NS (PM : 32 euros !)

NS

0

Total

2 821,6

2 906

2 825,6

+ 4

- 80,4

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2019

a) Une diminution largement contingente des dépenses autres que de personnel

Les dépenses de fonctionnement et d'intervention de la mission reculent de 2,3 % en 2019, soit un nouveau recul après celui, nettement plus important (- 20 %) de 2018. Les trois catégories de dépenses (fonctionnement, investissement et interventions) se partagent à peu près à parité la réduction des dépenses autres que de personnel (- 20 millions d'euros).

En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement (21,4 % des dépenses en 2019), leur retrait provient exclusivement du programme 307 (26 % des dépenses de fonctionnement de la mission), en lien avec la baisse des dépenses de fonctionnement des deux actions consacrées, l'une, à la réglementation générale et à la délivrance des titres sécurisés, l'autre, à l'animation du réseau. Comme il arrive souvent, ces évolutions présentent un caractère paradoxal dans la mesure où le disponible initial (hors mouvements réglementaires de crédits) avait été calibré en-deçà des dépenses effectives. Mais ces dépenses font l'objet de modifications structurelles en cours d'exercice, notamment en raison des relations croisées entre l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et le ministère de l'intérieur (voir infra ). À son tour, cette mécanique peut susciter quelques interrogations sur les conditions de financement des dépenses de la mission (voir infra ).

Les dépenses de fonctionnement des deux autres programmes sont à peu près stabilisées. Il est remarquable que les dépenses de fonctionnement du réseau préfectoral ne soient supérieures que de 55 % aux dépenses de fonctionnement relevant du programme de la mission consacré à la vie politique qui sont tributaires d'une organisation opérationnelle des élections structurellement coûteuse (voir infra ).

Pour les dépenses d'investissement (2,4 % des dépenses en 2019), leur recul est imputable au programme 216 (11 millions d'euros environ de dépenses en moins par rapport à 2018), mais il semble qu'une économie passive de l'ordre de 4,8 millions d'euros doive être constatée sur le programme 307 (immobilier), programme dont le devenir immobilier est du reste rendu assez incertain par la politique annoncée d'externalisation aux Maisons France Services. Pour le programme 216, la prévision a été considérablement sous-exécutée, le déficit concernant tant les dépenses informatiques que les dépenses immobilières.

En ce qui concerne ces dernières dépenses, la sous-consommation des crédits ressort comme encore plus forte en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement. Il s'agit sans doute d'un indice d'une difficulté de déroulement des programmes, mais également du résultat de divers mouvements comptables de crédits explicités infra (sans compter les effets des ajustements budgétaires de fin d'année qui prennent pour cible privilégiée les investissements).

À ce propos, le rapporteur spécial s'interroge sur les conditions dans lesquelles il est possible de gérer sereinement des investissements dont une partie, rarement négligeable, des moyens est d'emblée gelée et préférentiellement candidate au surgel, et aux annulations subséquentes. On ne peut pas dire que l'environnement budgétaire soit très favorable aux opérations d'investissement de la mission, qui ne doit pas afficher de singularité sur ce point. Il faudrait un jour compter les surcoûts auxquels tous ces verrous peuvent aboutir.

Quant aux dépenses informatiques, le nouveau projet phare du ministère, le réseau radio du futur, a été consommé au quart, à peine, de l'enveloppe prévue initialement, pour des raisons résumées laconiquement par le responsable du programme par l'évocation d'un « retard pris dans sa réalisation » , dont, à vrai dire, on se doutait un peu, l'attention devant plutôt porter sur les tenants et aboutissants de ce retard.

S'agissant des dépenses d'intervention (5,8 % des dépenses en 2019), elles sont en repli de l'ordre de 6 millions d'euros (- 3,5 %) en raison des évolutions constatées sur le programme 216 (- 15,7 millions d'euros) en lien avec la baisse des financements accordés au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

b) Malgré un schéma d'emplois a priori économe, une progression des dépenses de personnel

La mission AGTE a été placée ces dernières années sous l'influence d'une contrainte d'effectifs qui s'est inscrite dans une séquence plus longue de forte réduction structurelle des emplois rémunérés par la mission.

Après les séquences de la réforme de l'administration territoriale de l'État (la RéATE) et de la modernisation de l'action publique (la MAP), le « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG), qui prévoyait la suppression nette de 1 300 ETPT 19 ( * ) en trois ans (2016-2018), soit une réduction des emplois du programme 307 de 4,9 % a représenté une nouvelle étape de restructuration du réseau d'administration générale de l'État.

L'année 2019 a été le théâtre de nouvelles annonces, plus ou moins inscrites dans les perspectives tracées par le comité « Action publique 2022 », modulo les événements « Gilets jaunes », dont les impacts, quoique prévisibles (un nouveau tour de baisse des effectifs déployés par l'État sur les territoires), ne sont pas à ce jour parfaitement quantifiables.

En toute hypothèse, pour 2019, le schéma d'emplois de la mission avait été une fois de plus placé sous le signe d'une austérité certaine et dans le cadre d'un pari : celui de voir les structures mises en place dans le cadre du plan PPNG parvenir à fonctionner plus correctement.

Schémas d'emplois de la mission AGTE
2016-2019

(en ETPT)

Source : Cour des comptes

Le schéma d'emplois une fois corrigé des transferts s'est élevé à - 371 ETP pour le programme 307 entérinant une nouvelle réduction des moyens de l'administration territoriale.

Toutefois, plusieurs éléments doivent être pris en compte pour nuancer cette évolution.

En premier lieu, l'importance des transferts en cours de gestion doit être relevée. Une fois corrigé des transferts, le schéma d'emplois du programme 307 s'est traduit par des réductions d'effectifs plus limitées, mais se montant, malgré tout à 200 ETP.

Deux singularités méritent encore d'être relevées s'agissant du programme 307 : la mise en oeuvre d'un transfert d'emplois assez massif du programme 307 vers le programme 216 au titre notamment des personnels d'administration centrale du ministère (ainsi le programme 307 ne porte plus les 96 ETPT correspondants qui ne se retrouve pas moins dans la mission, mais sur un autre programme) et un transfert d'emplois importants (66 ETPT) vers les régions au titre de la gestion des fonds européens (gestion transférée aux régions depuis la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dite « MAPTAM »).

En second lieu, l'impact du schéma d'emplois réalisé en 2019 a été encore plus fort une fois traduit en consommation des emplois sur l'année (6 294 emplois rémunérés par le programme 307). Certains recrutements et rattachements sont intervenus tardivement. Il en est allé ainsi pour les emplois correspondant à une centaine d'ETPT au titre des délégués du préfet. En outre, des recrutements de personnels techniques ont été différés pour compenser les recrutements de personnels administratifs nécessités par l'activité croissante constatée dans certains domaines, en particulier, au titre de l'accueil des étrangers.

Les services en charge de l'accueil des étrangers représentent 15 % des effectifs du programme 307 selon le rapport annuel de performances et l'accroissement des dossiers à traiter, mais aussi les mesures adoptées pour la prise en charge des mineurs non accompagnés ont nécessité le recrutement de 84 emplois pérennes (dont 51 emplois pour la prise en charge des mineurs non accompagnés) en lieu et place des emplois précaires jusqu'à présent mis en place.

Il faut relever que cette évolution de la politique d'emplois du ministère de l'intérieur a exercé un impact très net en 2019 sur la gestion des emplois puisqu'à la prévision d'une réduction de 200 ETPT s'est changée, en réalisation, en une augmentation de 84 ETPT de personnels titulaires, la réduction des emplois précaires étant de 20 %.

Il faut enfin souligner la hausse du taux de vacance des emplois qui a doublé à 2 % (soit 532 ETPT).

Évolution des emplois en 2019 (en ETPT)

(en ETPT)

Programme

Réalisation 2018

LFI+LFR+

Réalisation 2019

Écart

2019/2018

Écart 2019 réalisés/ 2019 prévus

Transferts en

gestion

Administration territoriale (307)

25 659

25 417

24 885

- 774

- 532

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (232)

6 859

7 442

7 253

+ 394

- 189

Vie politique, cultuelle et associative (207)

48

51

49

+ 1

- 2

Total

32 467

33 048

32 566

+ 99

- 482

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette situation, dont les ressorts peuvent être très divers (mauvais fonctionnement de la fonction de recrutement, perte d'attractivité de métiers peu valorisés et inscrits dans des perspectives peu claires, problèmes de viviers locaux...) mérite d'être suivie avec attention.

En ce qui concerne le programme 216, outre l'impact du transfert en provenance du programme 307 cité ci-dessus, un transfert entrant prévu en loi de finances pour 2019 doit être signalé dans la mesure où il correspondait à l'expérimentation partielle d'un processus que la loi de finances pour 2020 a généralisé avec la création de structures de niveau de déploiement territorial variable (administration centrale ; niveau supra départemental) appelées à être le creuset de nouvelles mutualisations. Le constat d'une sous-consommation des emplois se vérifie également pour ce programme et appelle la même attention que pour le programme 307.

Quant au programme 232, peu consommateur d'emplois, il a sous-exécuté son plafond d'emplois de 2 unités (4 % du plafond) malgré la création d'un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.

Dans un contexte favorable à la maîtrise des dépenses de personnel du fait des évolutions du volume d'emploi mobilisé et de l'absence de revalorisation indiciaire générale en 2019, les dépenses de personnel ont, malgré tout, augmenté, de 1,2 % (+ 24 millions d'euros).

Le GVT-solde évolue différemment entre les programmes 307 et 216 : dynamique pour le premier, en raison notamment du processus de repyramidage lié au plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG), il s'inscrit en baisse pour le second. Le transfert des emplois d'administration centrale portés auparavant par le programme 307 ne pèse pas encore en 2019 mais, à l'avenir, il devrait modifier quelque peu la dynamique du GVT du programme 216.

Les autres mesures catégorielles sont également beaucoup plus dynamiques sur le programme 307, notamment du fait des dispositions prises pour améliorer l'attractivité des emplois chargés en préfectures de traiter les dossiers relatifs aux étrangers.

Pour 2019, la reprise du calendrier du protocole « PPCR » se traduit pour les programmes 307 et 216 par un supplément de charges de 3,8 millions d'euros.

Les indemnités perçues dans le cadre du fonctionnement du compte épargne temps sont plus élevées pour le programme 307 que pour le programme 216, mais l'écart paraît épouser celui relatif au nombre des emplois mobilisés par chaque programme.

Quoi qu'il en soit, en 2019, ces indemnités représentent le poste le plus dynamique de ceux concourant à l'augmentation des rémunérations d'activité, indice sans doute d'un choix de gestion du personnel passant prioritairement par le temps de travail, dans un contexte marqué par une tendance à la réduction du volume de travail mobilisé.

Impact en 2019 du schéma d'emploi agrégé de la mission et d'autres variables salariales structurelles sur les charges salariales de la mission

GVT-solde

Mesures catégorielles

Indemnisation CET

Total

Schémas d'emplois 2018 et 2019

Solde

Programme 307

7,9

4,5

5,4

17,8

-22,5

-4,7

Programme 216

-1,6

1,3

1,6

1,3

-1,9

-0,6

Total

6,3

5,8

7

19,1

-24,4

-5,3

Source : commission des finances du Sénat

La corrélation entre les emplois mobilisés par chaque programme et le poids relatif des rémunérations d'activité est assez étroite, mais présente une certaine hiérarchie. Les emplois du programme 307 sont moins rémunérés que ceux des deux autres programmes de la mission du fait d'un contenu catégoriel différencié mais sans doute également d'un contenu en primes différent.

Corrélation entre le niveau relatif des emplois
et le niveau relatif des rémunérations d'activité

(en millions d'euros pour les rémunérations)

ETPT

Part dans le total

Rémunérations d'activité

Part dans le total

Programme 307

24 885

77,3%

894,4

74,1%

Programme 232

49

0,2%

6,8

0,6%

Programme 216

7 253

22,5%

306,2

25,4%

Total

32 187

100%

1 207,40

100%

Source : commission des finances du Sénat

Même si la perspective d'une réforme des retraites passant par l'intégration des primes des fonctionnaires dans le mécanisme de détermination des droits à retraite paraît aujourd'hui s'éloigner, il serait justifié de présenter à l'avenir les rémunérations d'activité (et les cotisations employeurs afférentes) en distinguant les rémunérations indiciaires des rémunérations indemnitaires, et ce, par corps de fonctionnaire.

Les vitesses de croissance de chacune des composantes des rémunérations d'activité offrent des singularités qu'il convient de pouvoir saisir de même que les déformations structurelles des revenus correspondants.

En outre, une information plus significative que celle portant sur l'année considérée s'impose.

Cette dernière conduit à tronquer l'appréciation qu'on se forme des sous-jacents de la politique salariale du ministère.

À cet égard, le dispositif de performances de la mission est trop pauvre en indicateurs de gestion des ressources humaines pour une mission dont plus de 70 % des dotations relèvent de dépenses de titre 2 et doit de ce fait être mis à niveau.

Pour illustrer ces analyses, l'on peut mentionner deux éléments.

Pour les mesures catégorielles, l'année 2019 ne révèle guère de dynamique significative. Mais, appréciées sur plus longue période, l'on pourrait observer que la mise en place du régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP créé par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014) au profit des membres du corps préfectoral a suscité une augmentation du coût global et du coût global moyen des rémunérations d'activité versées aux hauts fonctionnaires de ce corps de 6,08 % en 2018 (en lien certes avec une sous-budgétisation de la mesure en 2017), pour un coût en année pleine de 4,8 millions d'euros concernant 565 agents de catégorie A +. Cette mesure représentait alors 80 % des mesures catégorielles de l'année.

Un indicateur long de partage des rémunérations d'activité entre « indiciaire » et « indemnitaire » décomposé selon l'appartenance aux différents corps d'emploi permettrait de mieux saisir les équilibres rémunératoires mis en oeuvre et les enjeux correspondants sur le cycle d'activité.

De la même manière, alors que les orientations de la politique des ressources humaines sont marquées par de forts enjeux fonctionnels (voir à ce sujet les intentions de reclassements affichées par le « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG), avec de forts impacts attendus sur la structure des emplois, mais aussi par des nécessités territoriales, il est notable qu'aucune information systématique ne soit donnée sur des composantes aussi essentielles. La perspective de nouvelles modifications majeures (le développement des mutualisations, la multiplication des Maisons France Services...) impose de remédier à cette pénurie informative, si l'on veut que l'autorisation parlementaire conserve son sens.

Les contributions-employeur au compte d'affectation spéciale « Pensions » ont ajouté 5,9 millions d'euros de charges de titre 2 en 2019 pour les deux programmes 307 et 216, selon une structure qui fait ressortir les économies importantes réalisées du fait de la nature des emplois mobilisés par le programme 307.

La protection assurée par le régime de retraite des fonctionnaires ressort comme structurellement moins effective pour les agents au service de l'administration territoriale (de plus en plus exclus, par leur statut, du bénéfice du régime de retraite des fonctionnaires), et de ses usagers, que pour ceux, souvent d'administration centrale, du programme 216.

Évolution des contributions employeur
aux régimes de retraite des agents entre 2018 et 2019

Civils

Militaires

Ouvriers de l'État et autres

Total

Programme 307

- 3,7

+ 0,1

+ 0,2

- 3,4

Programme 216

+ 7,9

+ 0,1

+ 1,3

+ 9,3

Total

+ 4,2

0,2

+ 1, 5

+ 5,9

Source : commission des finances du Sénat

Alors qu'il existe encore une certaine proportion entre les rémunérations d'activité et les cotisations employeurs au CAS « Pensions », cette dernière tend donc à se décorréler progressivement.

Corrélation entre les rémunérations d'activité
et les contributions employeurs au CAS « Pensions »

Rémunérations d'activité

Part dans le total

CAS Pensions

Part dans le total

Programme 307

894,4

74,1%

434,7

74,26%

Programme 232

6,8

0,6%

0,4

0,07%

Programme 216

306,2

25,4%

150,3

25,67%

Total

1 207,40

100%

585,4

100%

Source : commission des finances du Sénat


* 15 Rapport d'information n° 334 du 19 février 2020 sur « l'implantation des services de l'État dans les territoires : état des lieux et enjeux financiers », Commission des finances du Sénat.

* 16 Dont une partie correspond à une évolution de périmètre avec l'imputation à la mission des dépenses nécessaires à l'activité de la commission du contentieux du stationnement payant installée en janvier 2018.

* 17 Jusqu'au tournant de l'adoption de l'euro, de l'ordre d'un quart du budget de ce ministère ne faisait l'objet d'aucune budgétisation.

* 18 On se réfère ici aux prélèvements sur recettes du contrôle fiscal et des collectivités territoriales, qui, non budgétés au motif d'une qualification abusive de « fonds de concours » permeyttaient dabonder de façon extra-budgétaire les moyens du ministère des finances pour une somme de l'ordre de 25 % de son budget apparent. La sous-budgétisation correspondante permettait au surplus de minorer le déficit public prévisionnel dans un temps où il revêtait une réelle importance historique.

* 19 Au total (cf. infra ,) 4 000 emplois étaient concernés par ce plan.

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