Rapport n° 528 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER , rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 juin 2020

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N° 528

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi , adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2019 ,

Tome II : Contributions des rapporteurs spéciaux

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

2899 , 3011 et T.A. 432

Sénat :

505 (2019-2020)

PARTICIPATION DE LA FRANCE
AU BUDGET DE L'UNION EUROPÉENNE

m. patrice joly, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES EN 2019 7

1. Une exécution en 2019 relativement proche de la prévision inscrite en loi de finances initiale 8

2. Les facteurs explicatifs de l'écart à la prévision 9

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 11

1. La progression des « restes à liquider » : un angle mort de la gestion financière et budgétaire de l'Union européenne 11

2. La prévisibilité des ressources de l'Union européenne devrait devenir un point de crispation de plus en plus important 12

I. EXÉCUTION DU PRÉLÈVEMENT SUR RECETTES EN 2019

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSRUE) est défini à l'article 6 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 1 ( * ) comme « un montant déterminé de recettes de l'État [...] rétrocédé directement au profit [...] des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ». Il est composé principalement des éléments suivants :

- la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui correspond à 0,3 % d'une assiette harmonisée pour l'ensemble des États membres ;

- la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) , dite « ressource RNB » ;

- la participation de la France au montant de la correction britannique .

Bien que le PSRUE représente une dépense au sens de la comptabilité nationale, il est traité comme une moindre recette et son montant est inscrit en première partie de loi de finances.

Traditionnellement, le PSRUE ne faisait pas l'objet d'une contribution dans le cadre du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes. Toutefois, le rapporteur spécial a souhaité qu'il fasse, pour la troisième année consécutive, l'objet d'un traitement spécifique en raison de son montant conséquent - 21 milliards d'euros en 2019 - et de son effet non négligeable sur l'équilibre des finances publiques.

Pour rappel, le PSRUE constitue la majeure partie, mais non la totalité, de la contribution de la France au budget de l'Union européenne . En effet, depuis 2010, son périmètre ne comprend plus les ressources propres traditionnelles (droits de douane et cotisations sur le sucre) versées par la France à l'Union européenne.

1. Une exécution en 2019 relativement proche de la prévision inscrite en loi de finances initiale

Évolution du prélèvement sur recettes
au profit de l'Union européenne

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Crédits votés en LFI

20 224

20 742

20 169

18 690

19 912

21 443

Crédits exécutés

20 347

19 702

18 996

16 380

20 645

21 025

Écart LFI/exécution en valeur

123

- 1 040

- 1 173

- 2 310

733

- 418

Écart LFI/exécution en %

0,6 %

- 5 %

- 5,8 %

- 12,4 %

3,7 %

- 1,9 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La loi de finances pour 2019 évaluait le montant du PSRUE à 21,4 milliards d'euros , soit une augmentation de 3,9 % par rapport au montant exécuté en 2018.

Le montant annuel du PSRUE varie selon les cycles de dépenses des cadres financiers pluriannuels, et poursuit une montée en charge progressive . Ainsi, après une sous-exécution de 12,4 % en 2017 caractérisée par les retards de décaissement des crédits européens, le montant du montant du PSRUE a progressé de 3 % environ depuis 2014 .

Cette montée en charge du PSRUE est toutefois bien inférieure à ce qu'avait anticipé la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 2 ( * ) . En effet, celle-ci avait prévu que le PSRUE s'élèverait à 23,3 milliards d'euros en 2019, soit 2,3 milliards d'euros de plus que le montant effectivement exécuté .

En fin de gestion, la loi de finances rectificative pour 2019 3 ( * ) a tenu compte de la perspective de cette sous-exécution en minorant de 249 millions d'euros le montant du PSRUE.

Cette sous-exécution du montant du PSRUE s'écarte de 1,9 % de la prévision inscrite en loi de finances initiale. Cet écart est relativement faible , compte tenu de la sous-exécution historique constatée en 2017, et des sous-exécutions plus importantes constatées en 2015 et 2016.

Si l'exercice 2019 est caractérisé par une sous-exécution, il s'inscrit néanmoins dans un retournement de tendance par rapport à la première moitié du cadre financier pluriannuel.

2. Les facteurs explicatifs de l'écart à la prévision

Pour rappel, aux termes de l'article 310 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), la contribution des États membres constitue la variable d'ajustement en cas d'évolution non anticipée des dépenses de l'Union européenne .

Ainsi, le montant du PSRUE inscrit dans le projet de loi de finances n'est qu'évaluatif. Il repose sur :

- le projet de budget de la Commission européenne , présenté en N-1. Ce projet de budget établit les prévisions de besoins de financement de l'Union européenne en crédits de paiements pour l'année suivante ;

- les hypothèses d'évolution des assiettes des ressources TVA et RNB de l'ensemble des États membres , actualisées après la réunion du comité consultatif des ressources propres (CCRP) en mai de l'année N-1 ;

- les hypothèses des montants des corrections accordées à certains États membres ainsi que le montant prévisionnel du solde budgétaire de l'exercice en cours, reporté sur le budget de l'année suivante.

Pour l'exercice 2019, le recours aux contributions nationales en tant que ressource d'équilibre a été moins important que prévu. Toutefois, cette évolution en cours de gestion résulte d'évènements circonstanciés et ponctuels , et non d'une réelle amélioration de la prévision du montant de la contribution de la France au budget de l'Union européenne.

En effet, la minoration de la contribution nationale de la France au budget de l'Union européenne s'explique principalement par deux facteurs :

- des corrections sur les exercices antérieurs , c'est-à-dire les révisions appliquées a posteriori sur les montants que les États membres doivent payer chaque année, ont été moins élevées que prévu ;

- la non-adoption du budget rectificatif n° 4 , en raison d'un désaccord entre le Parlement européen et le Conseil, n'a pas permis d'actualiser les bases de calcul du CCRP . Cette actualisation aurait dû conduire à minorer le montant théorique perçu par les douanes, ce qui aurait mécaniquement entraîné une augmentation des contributions nationales des États membres. Ce budget rectificatif aurait également réactualisé les clés de contribution au titre de la ressource RNB, de la ressource TVA et de la participation au « chèque » britannique.

Facteurs justifiant l'écart entre la prévision et l'exécution
du montant du PSRUE en 2019

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances, à partir de la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La progression des « restes à liquider » : un angle mort de la gestion financière et budgétaire de l'Union européenne

La question des besoins en crédits de paiement s'explique par le « reste à liquider » (RAL) qui caractérise les engagements financiers pris par l'Union européenne mais qui n'ont pas été couverts par des paiements.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, le rapporteur spécial avait déjà souligné que la fin du cadre financier précédent (2007-2013) avait été caractérisée par l'apparition d'un arriéré « anormal » de paiements , en raison de l'insuffisance des crédits de paiement approuvés par rapport aux crédits engagés. Néanmoins, ce constat avait été nuancé, car la formation d'un reste à liquider est une conséquence habituelle de la structure bipartite du budget de l'Union européenne, qui dissocie les crédits de paiement des crédits d'engagement.

Force est de constater que l'ampleur de la progression des RAL demeure préoccupante . En effet, comme le relève la Cour des comptes, leur montant s'élève à 298 milliards d'euros à la fin de l'année 2019 , soit 57 % de plus qu'au début du cadre financier pluriannuel en 2014.

Ainsi, les RAL représentent environ un tiers du total des crédits d'engagements du cadre financier pluriannuel 2014-2020 , contre 23 % en 2013 , soit la dernière année du cadre financier pluriannuel 2007-2013.

En outre, le rapporteur spécial relève que 60 % du stock de RAL correspond à des engagements de la sous-rubrique 1b du budget, c'est-à-dire de la politique de cohésion. Or, la mobilisation de ces crédits européens constitue une importance vitale pour certains territoires, en particulier ceux qui demeurent exclus des zones d'emplois et de pôles d'attractivité.

Alors que les discussions relatives au prochain cadre financier pluriannuel accusent de longs retards et se heurtent à des désaccords persistants entre les États membres, le rapporteur spécial s'interroge sur le volume de crédits de paiement qui devra être prévu dans les prochaines années pour couvrir les engagements passés .

Progression du stock de RAL depuis 2014

(en milliards d'euros)

Source : Commission des finances, à partir de la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

2. La prévisibilité des ressources de l'Union européenne devrait devenir un point de crispation de plus en plus important

Les ressources de l'Union européenne sont composées des éléments suivants :

- les ressources propres traditionnelles (RPT) incluant les droits de douane perçus sur les importations de produits en provenance de pays extérieurs à l'Union ;

- la ressource dite « TVA » due par chaque État membre , et calculée à partir d'un taux d'appel à une assiette de TVA harmonisée ;

- la ressource dite « RNB » versée par chaque État membre et obtenue par l'application d'un taux à une assiette constituée du revenu national brut de chaque État membre ;

- les autres ressources telles que, par exemple, le report du solde des exercices antérieurs, les recettes provenant des administrations européennes (produits de la location ou vente de biens, prestations de services, etc.), les amendes.

Si le rapporteur spécial a déjà rappelé dans ses contributions à la loi de règlement antérieures que les dépenses annuelles de l'Union européenne sont sujettes à de nombreuses incertitudes, ce risque s'applique également aux ressources. Ainsi, pour l'exercice 2019, la non-actualisation des bases de calcul retenues par la CCRP s'est traduite par une minoration de la contribution de la France au budget européen, rappelant que celle-ci dépend en grande partie du montant prévisionnel des agrégats économiques retenus pour estimer le montant des ressources de l'Union européenne .

S'agissant de la ressource « RNB », la Cour des comptes rappelle que la Commission européenne a émis en 2018 4 ( * ) une réserve générale sur les données transmises par la France afin d'estimer le montant de son revenu national brut. En effet, la Commission européenne a considéré que les informations transmises ne respectaient pas les normes de format, de contenu et de détail en vigueur.

Or, toute révision des comptes d'un État membre se traduit par des corrections notifiées ultérieurement .

L'évaluation du montant des ressources propres traditionnelles est également sujette à plusieurs incertitudes, alors qu'elles représentent environ 13 % des ressources propres de l'Union européenne.

Premièrement, leur volume est par nature lié à la conjoncture économique et aux variations du commerce international.

Deuxièmement, plusieurs méthodes statistiques prévisionnelles peuvent être mobilisées pour estimer leur montant. Ainsi, en mai 2018, le CCRP a modifié sa méthode d'évaluation en estimant le montant des droits de douane non plus sur les hypothèses macroéconomiques établies par la Commission européenne, mais en prolongeant les tendances de collecte observées au cours des mois précédents.

Enfin, le montant des droits de douane collectés dépend de l'efficacité de leur recouvrement par les différents États membres. Comme l'avait déjà souligné le rapporteur spécial dans le cadre de l'examen de la loi de règlement l'année dernière, l'Office européen de lutte contre la fraude (OLAF) met régulièrement en lumière des cas de sous-évaluation de marchandises importées au sein de l'Union européenne.

Or, les lacunes du recouvrement des droits de douane constituent un manque à gagner pour l'Union européenne se répercutant, in fine , sur le contribuable national , via une augmentation des contributions nationales.

Le rapporteur spécial considère que la question de la fiabilité des prévisions relatives au montant des ressources de l'Union d'une part, et de l'efficacité du recouvrement d'autre part, constitue un enjeu déterminant dans le débat actuel sur l'introduction d'un panier de nouvelles ressources propres dans les prochaines années.

En effet, sous l'impulsion du rapport publié en décembre 2016 par le groupe de haut niveau sur les ressources propres présidé par Mario Monti, dit « Rapport Monti », la Commission européenne a présenté en mai 2018 plusieurs pistes pour diversifier les ressources de l'Union européenne 5 ( * ) . Parmi elles, la Commission a renouvelé ses voeux d'instituer une ressource basée sur une assiette consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS), une ressource fondée sur les déchets d'emballage plastique, et une ressource fondée sur le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne.

La question de l'introduction de nouvelles ressources propres devient d'autant plus pressante que la Commission européenne a proposé en mai 2020 de relever le plafond de ressources de l'Union afin de pouvoir lever des ressources sur les marchés financiers , dans le cadre de sa réponse économique à la crise actuelle 6 ( * ) .

Toutefois, ces ressources supplémentaires devront faire l'objet d'un remboursement , ce qui impliquerait une hausse significative des contributions nationales des États membres. S'ils n'y consentent, en particulier les États membres qui sont déjà contributeurs nets au budget européen, la perspective de nouvelles ressources propres constitue une piste pour répondre à cette équation budgétaire , à condition que les recettes associées soient suffisamment élevées et pérennes.

MISSION « ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT »

m. vincent delahaye et rémi féraud, rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 17

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 24

A. UNE GESTION MIEUX MAÎTRISÉE MAIS UN PILOTAGE TOUJOURS CONTRAINT 24

1. Une amélioration de la gestion de fin d'exercice 24

2. Des dépenses toutefois très rigides, qui font peser un risque sur la soutenabilité de la mission 24

B. DES DÉPENSES DE PERSONNEL QUI AUGMENTENT ENCORE MALGRÉ UNE RÉDUCTION CONTINUE DES EFFECTIFS 25

1. Des réformes des indemnités de résidence à l'étranger (IRE) très attendues 25

2. Des négociations non abouties sur la prise en compte du risque de change mais une amélioration de la prévision de l'effet-prix 26

3. Des efforts de réduction des effectifs 27

C. UN RISQUE NON NÉGLIGEABLE QUI PÈSE SUR LE FINANCEMENT DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES 28

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

La mission « Action extérieure de l'État », qui représente 2,9 milliards d'euros, soit 0,61 % du budget de l'État (contre 0,92 % en 2018), regroupe en 2019 les crédits des quatre programmes suivants :

- le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » , qui porte les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau diplomatique, ainsi que les contributions de la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix ;

- le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » , qui regroupe les dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau consulaire, ainsi que les bourses octroyées aux élèves français scolarisés dans les établissements du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) ;

- le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » , qui rassemble les crédits de fonctionnement du réseau culturel et les subventions versées aux quatre opérateurs de la mission ;

- le programme 347 « Présidence française du G7 » , créé en loi de finances initiale (LFI) pour 2018, qui regroupe les moyens financiers dédiés à la préparation du sommet de Biarritz qui s'est tenu en août 2019. Ce programme est temporaire et limité aux exercices budgétaires 2018 et 2019.

Les dépenses de la mission sont désormais, à part égale, des dépenses d'intervention (titre 6) et des dépenses de personnel (titre 2), et sont dans une moindre mesure des dépenses de fonctionnement (titre 3).

Répartition des crédits de la mission exécutés, par titre

(en autorisations d'engagement)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Exécution des crédits de la mission par programme en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Écart à la prévision

Taux d'exécution

Crédits LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Écart à la prévision

Taux d'exécution

Évolution de l'exécution 2019/2018

LFI 2019/ LFI 2018

105

AE

1 898,7

1 880

-18,7

99%

1776

1 749,9

-26,1

99%

-7%

-122,7

CP

1 901,7

1 880,1

-21,6

99%

1 774,4

1750

-24,4

99%

-7%

-127,3

185

AE

718,5

719,8

1,3

100%

699,6

689,7

-9,9

99%

-4%

-18,9

CP

718,5

719,9

1,4

100%

699,6

689,7

-9,9

99%

-4%

-18,9

151

AE

368,7

362,8

-5,9

98%

374,2

362,9

-11,3

97%

0%

5,5

CP

368,7

363,4

-5,3

99%

374,2

362,9

-11,3

97%

0%

5,5

347

AE

14,4

0,2

-14,2

1%

22

16,6

-5,4

75%

8 200%

7,6

CP

12

0,08

-11,92

1%

24,4

16,6

-7,8

68%

20 650%

12,4

Total
P347 inclus

AE

3 000,3

2 962,8

-37,5

99%

2 871,8

2 819,1

-52,7

98%

-5%

CP

3 000,9

2 963,48

-37,42

99%

2 872,6

2 819,2

-53,4

98%

-5%

Total
hors P347

AE

2 985,9

2 962,6

-23,3

99%

2 849,8

2 802,5

-47,3

98%

-5%

-136,1

CP

2 988,9

2 963,4

-25,5

99%

2 848,2

2 802,6

-45,6

98%

-5%

-140,7

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'exécution des crédits en 2019 est relativement conforme aux prévisions inscrites en loi de finances initiale, le taux de consommation des crédits s'élevant à 98 % sur l'ensemble de la mission. Ce taux est toutefois légèrement inférieur à celui de 2018, qui s'élevait à 99 %.

Le montant des crédits sous-exécutés en 2019 s'élève à 52,7 millions d'euros en autorisations d'engagement (53,4 millions d'euros en crédits de paiement), soit 15,2 millions d'euros de plus qu'en 2018. L'écart par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale s'accroît donc, alors même que la consommation des crédits du programme 347 « Présidence française du G7 » s'est améliorée.

Le coût du sommet de Biarritz

Le montant budgété en LFI sur le programme 347 consacré au sommet du G7 à Biarritz avait été calculé à partir du coût du sommet du G8 de Deauville en 2011 (31,5 millions d'euros dont 11,4 millions d'euros non programmés initialement, en raison notamment de coûts d'aménagement non anticipés).

Le budget total prévu sur les exercices 2018 et 2019 (36,4 millions d'euros) intégrait 2,9 millions d'euros d'activités diplomatiques préparatoires et 2,3 millions d'euros de frais de communication et de fonctionnement du secrétariat général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE).

Les crédits exécutés sur ce programme en 2018 et 2019, correspondant au coût du sommet, ont été inférieurs aux prévisions : ils se sont élevés à 33,5 millions d'euros. À ceux-là s'ajoutent 1,4 million d'euros d'indemnités versées depuis le programme 134 aux commerçants de Biarritz dont l'activité a été affectée par la tenue du sommet. M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial, avait déposé un amendement lors de l'examen du PLF 2019 pour réduire de 3,1 millions d'euros les crédits dédiés à ce sommet, retiré en séance. L'exécution témoigne bien de la surestimation des crédits ouverts en LFI.

Plusieurs facteurs expliquent la différence de coût entre le sommet de Biarritz et celui de Deauville. En premier lieu, un travail important de spécification des besoins par la maîtrise d'ouvrage a eu lieu et une stratégie d'achats souple a été mise en place. En second lieu, des mécénats en nature ciblés sur les dépenses les plus difficiles à anticiper ont été recherchés. En 2011, le mécénat avait contribué au financement du coût du sommet de Deauville à hauteur de 2,3 millions d'euros. En 2019, ce montant représente 9,5 millions d'euros pour le sommet de Biarritz, hors prêt gracieux de véhicules de cortège. L'entreprise Orange a ainsi financé à hauteur de 9,1 millions d'euros le renforcement des réseaux et de la cyber sécurité du sommet pour lesquels 1,5 millions d'euros avaient été initialement budgétés. En outre, le fonds de concours « présidence française du G7 » a été abondé à hauteur de 0,46 million d'euros par l'entreprise L'Oréal en septembre 2019 pour financer des dépenses liées au conseil consultatif hommes femmes.

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les données de la Cour des comptes.

Évolution de l'exécution des crédits (en autorisations d'engagement) de la mission par programme en 2019, par rapport aux crédits votés en LFI

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'augmentation des crédits sous-exécutés des trois programmes pérennes de la mission est d'autant plus problématique que les crédits votés en loi de finances initiale pour 2019 ont diminué pour deux de ces programmes par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2018. Ils ont en effet été inférieurs de 128,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (128,3 millions d'euros en crédits de paiement) à ceux de la loi de finances initiale pour 2018, soit une diminution de 4,3 % à périmètre constant 7 ( * ) .

Évolution des crédits votés en LFI par programme
(en autorisations d'engagement)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le programme 105 est celui qui a le plus perdu de crédits (-6,5 % en AE) entre la loi de finances initiale pour 2018 et la loi de finances initiale pour 2019, alors qu'il a bénéficié de transferts de crédits d'autres ministères (+15 millions d'euros) au titre de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger. Cette diminution, qui s'élève à 7,3 % en neutralisant les transferts reçus, est principalement due au changement de barème des quotes-parts aux budgets de l'ONU 8 ( * ) , à la fermeture de la mission des Nations-Unies au Libéria (MINUL) et à la transformation de la mission des Nations-Unies en Haïti (MINUSTAH) avec une réduction des effectifs.

Les crédits du programme 185 ont également diminué entre 2018 et 2019 (- 2,6 %) , en raison de la baisse des crédits attribués aux Alliances françaises et aux établissements à autonomie financière (EAF). Par ailleurs, une sous-exécution de 10 millions d'euros a été constatée en 2019 sur les bourses visant à attirer en France les meilleurs étudiants internationaux . Le ministère a précisé que cela serait corrigé dans le suivi de la gestion 2020 par des consignes plus précises données aux postes. Les rapporteurs seront particulièrement vigilants à la mise en oeuvre de ces engagements.

À l'inverse, le programme 151 a vu ses crédits progresser de 1,5 % : les crédits des bourses scolaires ont diminué mais les dépenses de personnel ont augmenté. Les dépenses d'intervention du programme, qui correspondent à l'aide à la scolarité (101,6 millions d'euros) et aux aides sociales (13,3 millions d'euros) ont en effet très légèrement diminué en 2019 (-0,2 %). Les crédits dédiés aux bourses se sont élevés à 99,2 millions d'euros, en légère baisse par rapport aux années précédentes, en raison de la diminution du nombre de boursiers (-3,5 %). Par conséquent, le MEAE estime que la soulte de l'AEFE évaluée initialement à 17,9 millions d'euros devrait être supérieure à ce montant (environ 20 millions d'euros fin 2019 d'après le CBCM).

Évolution des crédits d'aides à la scolarité exécutés

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Enfin, les crédits du programme 347 ont également augmenté en LFI 2019 (+23 % en AE et +103 % en CP), la majeure partie des crédits n'ayant pas été consommée en 2018.

La légère sous-exécution des crédits de la mission dissimule en réalité une sur-exécution des crédits du titre 2. Ils ont été en 2019, comme tous les ans depuis 2008, à une exception près, supérieurs aux crédits ouverts en loi de finances initiale.

Évolution des crédits du titre 2 et de l'exécution du plafond d'emplois

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En 2019, cette sur-exécution est toutefois de moindre ampleur que les années précédentes : les crédits exécutés représentent 100,1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale . Comme en 2018, le schéma d'emplois a été plus que respecté (39 ETPT de moins que le plafond d'emplois prévu en LFI et en loi de finances rectificative). Le plafond d'emplois de la mission est en revanche plus élevé qu'en 2018 (12 115 ETPT en 2019 contre 11 888 en 2018), soit une hausse de 227 ETPT, en raison notamment du regroupement, au sein de la mission « Action extérieure de l'État » des effectifs chargés du soutien dans les réseaux de l'État à l'étranger 9 ( * ) et du transfert vers les régies diplomatiques des agents de trésorerie placés auprès des ambassades 10 ( * ) .

Crédits de titre 2 ouverts en LFI et exécutés en 2019 par programme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

A. UNE GESTION MIEUX MAÎTRISÉE MAIS UN PILOTAGE TOUJOURS CONTRAINT

1. Une amélioration de la gestion de fin d'exercice

Contrairement à l'exercice 2018, qui avait notamment nécessité un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles de 4,5 millions d'euros en toute fin de gestion, la fin de gestion de l'exercice 2019 a été mieux maîtrisée.

Il n'y a pas eu de mesures de régulation budgétaire avant la loi de finances rectificative (LFR). Les annulations de crédits au-delà de la réserve de précaution ont pu être couvertes par de moindres dépenses de fonctionnement en administration centrale et dans le réseau, ainsi que par des économies de constatation.

À l'échelle de la mission, 27,8 millions d'euros en AE et 27,7 millions d'euros en CP ont fait l'objet d'un surgel, en application du principe d'auto-assurance encouragé par le Premier ministre. Une partie de ces annulations a permis de couvrir les ouvertures de crédits sur le titre 2 autorisées en LFR (10,3 millions d'euros le programme 105). En effet, malgré l'autorisation donnée par la lettre plafond de juillet 2019 de mobiliser la réserve de précaution pour absorber l'effet change des dépenses de personnel, un léger dépassement de la masse salariale a nécessité des crédits supplémentaires en LFR, finalement supérieurs aux besoins réels .

2. Des dépenses toutefois très rigides, qui font peser un risque sur la soutenabilité de la mission

Les grands postes de la mission « Action extérieure de l'État » que constituent les contributions internationales aux opérations de maintien de la paix, les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs et la masse salariale sont relativement rigides . Par ailleurs, comme l'ont rappelé les rapporteurs lors de la loi de règlement 2018, le pilotage de la mission est contraint par deux types de risque : le risque sécuritaire et le risque de change .

S'agissant du programme 105, hors dépenses de personnel, 65 % des crédits sont consacrés aux contributions internationales et opérations de maintien de la paix, tributaires de contraintes externes (négociations des barèmes de contribution, impact du taux de change, notamment).

S'agissant du programme 151, 77 % des crédits hors personnel sont versés à l'AEFE au titre de l'aide à la scolarité . Le reste des crédits se compose quant à lui de plusieurs lignes difficilement pilotables (indemnités des conseillers de l'assemblée des Français de l'étranger, organisation des élections, dépenses liées aux services offerts aux usagers, rapatriements et hospitalisations) et dispose donc de capacités de redéploiements structurellement limitées.

74 % des crédits hors dépenses de personnel du programme 185 prennent la forme de subventions aux opérateurs (Agence pour l'enseignement français à l'étranger, Institut français, Atout France, Campus France,) et Alliances françaises . 10 % des crédits prévus en LFI sont consacrés aux bourses de mobilité pour les étudiants étrangers en France et 6 % aux dotations des établissements à autonomie financière (EAF) qui permettent le fonctionnement du réseau culturel à l'étranger.

La rigidité de ces dépenses (contributions internationales, subventions pour charges de service public et masse salariale) reconduit, de façon quasi-automatique, les hypothèses de budgétisation.

Or cette rigidité fait peser un risque sur la gestion annuelle des crédits , dans la mesure où elle ne permet pas de faire face à un effet change plus important que prévu par exemple, ou encore à des dépenses imprévues liées à des décisions politiques en cours de gestion , comme en témoignera certainement l'exécution des crédits de l'année 2020 dans le contexte de l'épidémie de covid-19.

B. DES DÉPENSES DE PERSONNEL QUI AUGMENTENT ENCORE MALGRÉ UNE RÉDUCTION CONTINUE DES EFFECTIFS

Comme l'ont montré les rapporteurs spéciaux dans leur rapport d'information sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères 11 ( * ) , les dépenses de personnel de la mission « Action extérieure de l'État » progressent alors que les effectifs diminuent, à périmètre constant. Ce constat est encore valable pour l'exercice 2019.

1. Des réformes des indemnités de résidence à l'étranger (IRE) très attendues

Le montant total des IRE versées aux agents sous plafond d'emploi en 2019 est en légère baisse par rapport à 2018 (386,5 millions d'euros contre 390 millions d'euros), compte tenu de la réalisation du schéma d'emploi à l'étranger, malgré une revalorisation moyenne de 3 % de l'IRE de l'ensemble des groupes pour faire face aux variations de change.

Des réformes des IRE sont toutefois encore attendues par les rapporteurs spéciaux, à compter de 2020 . Le régime des « sur-vocations », qui doublonne les IRE et permet de cumuler des avantages financiers dans certains pays, doit être supprimé dès 2020 et permettre de générer une économie de 5 millions d'euros sur la période 2020-2023, qui sera affectée à la dotation en IRE des catégories C en poste à l'étranger.

Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement attentifs, dans leurs travaux sur la loi de règlement pour 2020, aux réformes qui auront été menées en la matière et à leur impact.

2. Des négociations non abouties sur la prise en compte du risque de change mais une amélioration de la prévision de l'effet-prix

En matière d'effet-prix, des avancées ont eu lieu avec le PLF 2020, qu'il s'agira pour les rapporteurs d'évaluer lors de la prochaine loi de règlement.

Le PLF 2020 a en effet prévu pour la première fois un mécanisme de provision des effets-prix sur la masse salariale . Il correspond d'une part à une provision des effets de l'inflation mondiale sur la rémunération des agents de droit local (ADL), établie à partir des anticipations d'inflation du FMI, pays par pays. Il comprend d'autre part une provision des effets-prix sur les indemnités de résidence à l'étranger (IRE) établie à partir des quatre dernières actualisations trimestrielles des barèmes.

L'effet-change, par nature plus difficile à budgétiser, n'est en revanche pas mieux anticipé aujourd'hui qu'hier.

L'achoppement des négociations menées sur la prise en compte
du risque de change

Des négociations menées en 2019 par le MEAE et la direction du budget pour mettre en place un dispositif plus complet de prise en compte du risque de change sur les dépenses de personnel n'ont pas abouti. Une lettre plafond du Premier ministre du 26 juillet 2019 a toutefois repris une partie des propositions du MEAE :

- la mise en place d'une expérimentation visant à faire couvrir le risque de change sur les IRE et les agents de droit local (ADL) par la mobilisation de la réserve de précaution, à la baisse comme à la hausse ;

- la définition d'un mécanisme de suivi partagé de l'exécution des dépenses à l'étranger courant 2020, avant extension de la couverture aux dépenses en devises de fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires.

3. Des efforts de réduction des effectifs

La progression des effectifs de la mission « Action extérieure de l'État » en 2019 12 ( * ) ne traduit pas une volonté d'inflexion de la tendance baissière constatée depuis 2008 13 ( * ) mais une extension du périmètre des missions du ministère . La réforme des réseaux de l'État à l'étranger a en effet conduit à mutualiser des personnels de soutien à l'étranger et à les regrouper au sein du programme 105.

Les économies de dépenses de personnel attendues dans le cadre de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger

La réunion interministérielle du 25 janvier 2019 présidée par le Premier ministre a décidé d'un objectif de diminution des dépenses de personnel du MEAE de 45,1 millions d'euros pour le MEAE entre le 1 er juillet 2018 et le 31 décembre 2022.

À ce stade, la réforme des réseaux de l'État à l'étranger a engendré 18,6 millions d'euros d'économies sur le titre 2 en 2019 et avait permis de réduire ces mêmes crédits de 6,3  millions d'euros en 2018. Au total, 24,9 millions d'euros d'économies ont donc d'ores-et-déjà été réalisés.

Parallèlement à ces transferts de personnel, le ministère a continué à poursuivre les efforts demandés (-318 ETPT). La Cour des comptes souligne à cet égard que le schéma d'emplois a même été surexécuté par rapport aux objectifs pour les titulaires de CDI en administration centrale (catégorie G1) et pour les agents de droit local (catégorie G5). En revanche, les réductions d'ETPT des titulaires et CDI à l'étranger (catégorie G2) et des personnels en CDD et volontariat international (catégorie G3) ont été moindres que prévu.

Dans leurs travaux sur la masse salariale du MEAE, les rapporteurs spéciaux avaient souligné la nécessité de favoriser la transformation de postes d'expatriés en postes de contrats de recrutement sur place (CRSP) et de volontaires internationaux lorsque le profil du poste le permet. Il semble, au regard de l'exécution 2019, qu'il y ait encore des progrès à faire en la matière.

C. UN RISQUE NON NÉGLIGEABLE QUI PÈSE SUR LE FINANCEMENT DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES

Depuis la réforme de la politique immobilière de l'État de 2006, la politique immobilière du MEAE s'appuie sur le compte d'affectation spéciale 723 « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » alimenté par les produits de cessions et géré par la direction de l'immobilier de l'État.

Les produits de cessions du MEAE

En 2019, les produits de cession du MEAE se sont élevés à 6,3 millions d'euros, en baisse constante depuis plusieurs années (42,5 millions d'euros en 2016, 30,5 millions d'euros en 2017 et 26,6 millions d'euros en 2018).

Les principales cessions de l'année concernent l'ancien site de l'ambassade de France à Budapest (3 millions d'euros) et la villa du service de coopération et d'action culturelle à Ottawa (0,8 million d'euros). Le reliquat est constitué de recettes concernant des biens dont la vente a eu lieu en 2018 (villa du 1er conseiller à Dar es Salam et villa «Yvonne» à Libreville).

Source : rapport annuel du CBCM

Compte tenu de la baisse tendancielle des recettes de cessions, le ministère a commencé en 2012 à basculer certaines opérations vers les crédits budgétaires d'entretien lourd du programme 105.

7,5 millions d'euros de crédits ont été inscrits en LFI en 2019 pour financer les dépenses d'entretien lourd en France et 7,6 millions d'euros ont été consommés en autorisations d'engagement (4,3 millions d'euros en CP) pour faire face à la vétusté de certains sites franciliens et nantais.

12,5 millions d'euros ont été inscrits pour financer les dépenses d'entretien lourd à l'étranger et 13 millions d'euros ont été exécutés en AE (13,3 millions d'euros en CP) pour financer plus de 400 opérations pour des montants variant de quelques centaines d'euros à plus d'un million d'euros (à Taipei, Wuhan et Quito).

Par ailleurs, 100 millions d'euros de dépenses d'investissement relatives à la sécurisation des emprises à l'étranger sont financées sur deux ans par une avance du programme 723 gérée par le ministère de l'action et des comptes publics , ce qui s'est traduit par une diminution de 30 millions d'euros de la ligne correspondante sur le programme 105 et par une bascule des crédits correspondants vers le CAS 723.

Les crédits relatifs à la sécurité des établissements scolaires du réseau de l'AEFE sont désormais également portés par le programme 723, avec une baisse correspondante de la subvention de l'AEFE de près de 15 millions d'euros.

Par ailleurs, un socle de 17,7 millions d'euros de crédits a été maintenu sur le programme 105 en LFI 2019 pour financer des opérations d'investissement à l'étranger ainsi que l'achat, l'entretien et la maintenance des véhicules blindés 14 ( * ) . 11,8 millions d'euros ont été consommés en 2019 en AE (16,1 millions d'euros en CP).

Comme en 2018, l'absence de perspective générale sur les besoins en crédits immobiliers nuit à l'efficacité de la gestion de ces dépenses. Surtout, les risques sur la programmation immobilière ont augmenté avec le projet « Quai d'Orsay 21 » qui va représenter un investissement majeur d'ici 2022. Le coût de ce projet de rénovation, d'agrandissement et de mise aux normes du Quai d'Orsay était estimé initialement à 80 millions d'euros. Une évaluation de novembre 2018 le réévaluait néanmoins à 95 millions d'euros. Le contrôleur budgétaire et comptable ministériel appelle le MEAE à mettre en place une gouvernance opérationnelle pour suivre les risques de ce projet, à l'instar de ce qui a été fait pour le sommet du G7.

Les rapporteurs soulignent la nécessité, pour le MEAE, de mettre en oeuvre une stratégie immobilière pluriannuelle. Celle-ci est d'autant plus grande que le ministère est devenu l'affectataire unique du parc immobilier de l'État à l'étranger , avec 215 biens nouvellement affectés depuis le 1 er janvier 2019.

MISSION « ADMINISTRATION GÉNÉRALE
ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT »

m. jacques genest, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 34

A. UNE HAUSSE CONTINGENTE DES DÉPENSES DE LA MISSION 35

1. Hors cycle électoral, une légère réduction des charges... 35

2. Les dépenses par nature : au-delà d'évolutions apparentes, une forte inertie budgétaire 39

B. LES DÉPENSES ONT EXCÉDÉ LES PLAFONDS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES, TOUT EN LAISSANT UN MONTANT MOINS ÉLEVÉ D'ENGAGEMENTS RESTANT À PAYER, DU MOINS EN APPARENCE 49

1. Un excédent de dépenses par rapport à une programmation pluriannuelle des finances publiques, d'ores et déjà, obsolète pour le reste de la programmation 50

2. Une augmentation des engagements non couverts par des crédits de paiement au terme de l'exercice budgétaire pour le programme 307, mais une réduction à l'échelle de la mission, dans un contexte de forte probabilité de concrétisation de charges à ce jour latentes 52

C. UNE EXÉCUTION PLUS TENDUE QU'IL N'APPARAÎT 55

1. Au total, des dépenses inférieures aux ouvertures de la loi de finances initiale et aux crédits disponibles 55

2. Malgré des dépenses supérieures aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale et un niveau élevé de dégels, la réserve de précaution a laissé un reliquat disponible pour solder la gestion de la mission 58

3. Les dépenses destinées au financement de la vie politique ont été sensiblement inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale 59

4. Des modifications de crédits d'ordre qui modifient l'image de la répartition des moyens entre les différentes actions du programme 307 61

5. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité 65

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 67

A. UNE INFORMATION BUDGÉTAIRE LARGEMENT PERFECTIBLE 67

1. De nombreuses données financières font l'objet d'une information excessivement sommaire 67

2. La mission AGTE, une entorse à la spécialisation budgétaire qui s'aggrave du fait de la disparition des informations permettant d'apprécier la destination effective des crédits 68

3. La maquette de performance du programme 307 s'étiole de plus en plus et rend de moins en moins compte des priorités assignées au réseau préfectoral 69

4. La maquette de performance du programme 232 est réductrice 72

5. La maquette de performance du programme 216 est incomplète 73

B. DES RÉSULTATS INFÉRIEURS AUX ATTENTES 74

1. Les indicateurs de performance du programme 307 semblent traduire les difficultés certaines rencontrées dans l'accomplissement des missions évoquées, notamment dans le domaine de la sécurité civile 74

2. La mise en oeuvre du PPNG n'a pas tenu toutes ses « promesses » et s'est accompagnée d'une dégradation de l'accessibilité des services de délivrance des titres 76

3. Le programme 216, comme l'an dernier, suscite des inquiétudes sur le contentieux, l'informatique et l'immobilier, mais, de plus, sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance 78

C. UNE CONTRAINTE D'EMPLOIS QUI POSE PROBLÈME 82

D. REMÉDIER AUX SITUATIONS DE DÉBUDGÉTISATION 84

E. LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE REPOSE SUR DES MÉCANISMES QUI CONDUISENT À DES DÉSÉQUILIBRES PROBLÉMATIQUES 85

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) est une mission particulièrement composite, comme l'indiquent assez les objets des trois programmes qu'elle regroupe.

Les programmes de la mission AGTE

Les trois programmes de la mission « AGTE » sont, on le rappelle, d'une inégale densité budgétaire, le programme 307 (« Administration territoriale ») regroupant environ 60,1 % des dépenses réalisées en 2019 (soit 1,7 milliard d'euros sur un total de 2,8 milliards d'euros).

Les deux autres programmes, « Vie politique, cultuelle et associative » (232) pour 187,4 millions d'euros dépensés en 2019, année marquée par un calendrier électoral un peu plus dense que celui de l'année précédente qui détermine le profil budgétaire du programme, et « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (216) avec 939 millions d'euros de dépenses, mobilisent, le premier, 6,6 % des moyens (à comparer aux 4,3 % de l'exercice précédent), le second 33,2 % des dépenses.

Cette répartition prend en compte une certaine irrégularité de la structure de la mission en raison d'un cycle électoral dont les effets sur la programmation et l'exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale sont chroniquement significatifs.

La diversité des programmes regroupés dans la mission est aggravée par le caractère largement hétéroclite du programme 216 (un tiers des dotations) qui finance les moyens mobilisés par une série d'interventions souvent rattachables à des politiques publiques retracées par d'autres missions budgétaires.

Dans le même temps, certains programmes, qui pourraient utilement être inclus dans une mission budgétaire destinée à apprécier les moyens mis en oeuvre pour assurer l'administration générale de l'État ne l'étaient pas. Ainsi en allait-il du programme 333 « moyens mutualisés des services déconcentrés » logé dans la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Comme annoncé l'an dernier à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2018, la loi de finances pour 2020 a largement remédié à cette anomalie, tout en excluant du périmètre des regroupements un certain nombre de moyens qu'il conviendra d'inclure à l'avenir dans ce dernier. Le rapporteur spécial renvoie à cet égard aux développements qu'il a exposés dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2020 dans lequel il a pu déplorer que les agences régionales de santé, notamment, échappent au principe de mutualisation-coordination qui fonde la démarche enclenchée en 2020.

Il n'en reste pas moins qu'après cette évolution subsistera dans notre nomenclature budgétaire une mission fort éloignée, au point d'y contrevenir, de l'esprit et de la lettre de la loi organique relative aux lois de finances.

Cette situation, qui n'est pas propre à la mission AGTE - de nombreuses missions budgétaires abritent des programmes réservoirs à l'image du programme 216 de la mission AGTE- présentent de grands inconvénients qui s'aggravent (voir infra ) et devrait être corrigée.

Les réformes mises en oeuvre ces dernières années continuent à extérioriser des effets fonctionnels plus que mitigés, alors même que l'année 2019 a été riche en annonces de nouveaux projets touchant, notamment, à la réorganisation de l'administration territoriale.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

Après la baisse de la dépense observée l'an dernier pour des raisons essentiellement transitoires, les dépenses de la mission AGTE ont été légèrement supérieures en 2019 à leur niveau de 2018.

Cependant, une fois neutralisés un certain nombre de facteurs (modifications de périmètre, calendrier électoral) poussant les dépenses à la hausse, les dépenses (quasi-structurelles) de la mission ont été orientées vers une baisse modérée qui reflète la tendance désormais bien installée à un retrait des moyens de l'administration générale de l'État dans les territoires, retrait qui renvoie à une attrition plus générale du positionnement de l'État sur le territoire national.

Le rapporteur spécial a consacré un rapport d'information 15 ( * ) à cette regrettable « involution » qu'il n'a eu de cesse de déplorer ces dernières années au fil des rapports budgétaires sur la mission « AGTE ».

Fondée sur les effets du calendrier électoral de 2019 et l'alourdissement des charges de support du programme 216, la programmation budgétaire initiale faisait reposer sur le programme d'administration territoriale 307, une fois encore, une assez forte contrainte, sauf à ce que ce dernier puisse mobiliser des ressources complémentaires en gestion (fonds de concours, attribution de produits et rétablissements de crédits).

Dans les faits, la contrainte initiale pesant sur le programme 307 s'est encore resserrée, les rétablissements de crédits n'ayant pas été à la hauteur du potentiel tandis que des besoins en emplois complémentaires sont apparus.

En bref, derrière l'impression laissée d'une gestion sereine, des modifications significatives ont dû être apportées en exécution aux projets de dépenses.

Si, au total, les dépenses ont été inférieures aux disponibilités, permettant de prononcer des annulations nettes de crédits en loi de finances rectificative de fin d'année sans hausse apparente des restes à payer, la gestion de fin d'exercice suscite certaines interrogations au vu des charges de la mission demeurant à honorer.

Encore faut-il ajouter à ces considérations étroitement budgétaires celles nettement plus fonctionnelles qu'inspire l'appréciation de la capacité de l'État à faire face aux missions régaliennes que finance le budget de l'AGTE.

De ce point de vue, l'impasse semble patente au rapporteur spécial qui souhaite qu'elle ne soit comblée, ni par une nouvelle dégradation qualitative des fonctions de l'État territorial, ni par une sollicitation supplémentaire des contribuables locaux, dont les capacités contributives fort inégales ne sont que mal égalisées par les dotations budgétaires aux collectivités territoriales.

A. UNE HAUSSE CONTINGENTE DES DÉPENSES DE LA MISSION

1. Hors cycle électoral, une légère réduction des charges...

Après une année 2017 exceptionnellement « dépensière » du fait d'un cycle électoral chargé et d'un niveau très élevé de dépenses de contentieux, l'année 2018 avait vu les dépenses de la mission reculer très significativement malgré des « impayés » au titre du financement de la vie politique reportés sur cet exercice. Une fois neutralisées les évolutions atypiques, contingentes, observées en 2017, les dépenses avaient très légèrement augmenté, le supplément de dépenses représentant 0,9 % du total des dépenses de 2018 16 ( * ) .

En 2019, une nouvelle très légère augmentation intervient (+ 4 millions d'euros), qui relève de phénomènes analogues à ceux qui ordinairement « heurtent » les consommations de la mission.

Ainsi, les dépenses de la mission ont augmenté de 4 millions d'euros (+ 0,2 %) pour les crédits de paiement tandis que les autorisations d'engagement mobilisées ont été supérieures de 15,1 millions d'euros par rapport au niveau de 2018 (+ 0,6 %).

Les variations des dépenses de la mission d'une année sur l'autre oscillent autour d'une tendance baissière selon le calendrier électoral et certains événements plus ou moins ponctuels déterminés par des modifications d'organisation (et parfois de périmètre budgétaire) ou tenant au plan de charge d'un ministère confronté à de réelles tensions (parfois liées à la prolifération législative et réglementaire).

Dans ce cadre, une tendance à la déterritorialisation de l'administration générale de l'État a constitué une orientation lourde confirmée sur la période 2018-2019.

Compte tenu d'un certain nombre de reclassements entre le programme 307 et le programme 216, une fois tenue compte de leur évolution consolidée, ressort l'influence du programme 232 sur la dynamique des dépenses en 2019.

À dépenses inchangées de ce dernier programme, les consommations de la mission auraient connu un recul de 7,8 millions d'euros, le programme 307 qui retrace le déploiement de l'État sur le territoire perdant davantage de moyens que le programme support 216 (une partie de ces pertes relevant, il est vrai, de transferts) largement dédié à l'administration centrale du ministère de l'intérieur.

Évolution des dépenses de la mission

(en millions d'euros et en %)

Programme

2018

2019

Variation

Administration territoriale (307)

1 718, 8

1 699,3

- 19,5

Vie politique, cultuelle et associative (232)

175,5

187,3

+ 11,8

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

927,3

939

+ 11,7

Total

2 821,6

2 825,6

+ 4

Source : RAP 2019

Comme c'est traditionnellement le cas pour la mission, les crédits ouverts par la loi de finances initiale ont été ajustés en exécution par des rattachements de ressources récurrents, provenant de fonds de concours ou d'attributions de produits.

Ces rattachements n'ont pas débouché sur des suppléments de dépenses à due proportion de sorte que la mission a connu des dépenses inférieures au disponible. Au total, en fin de gestion, la loi de finances rectificative de fin d'année a procédé à des annulations de crédits.

Le programme 307 a sollicité des ouvertures nettes (76 millions d'euros, soit 4,6 % des ouvertures de la loi de finances) tandis qu'après ajustements de fin d'exercice, les deux autres programmes ont subi des annulations nettes de crédits (2 millions d'euros pour le programme 232 ; 20,3 millions d'euros pour le programme 216 soit, respectivement, 1 % et 2,1 % des crédits initiaux).

Éléments d'exécution des programmes de la mission en 2019

Source : commission des finances du Sénat

Au total, les taux de consommations des crédits ont varié selon le programme considéré et selon le référentiel employé.

Seul le programme 307 a connu une consommation supérieure aux crédits de la loi de finances initiale, tout en dépensant moins que le disponible alimenté par des reports mais également par des transferts et virements de crédits qu'il faudrait mieux documenter.

Taux de consommation des crédits par programme

(en %)

Source : commission des finances du Sénat

Parmi les ressources complémentaires apportées en gestion figurent également des fonds de concours, attributions de produits et rétablissements de crédits.

En ce qui concerne les fonds de concours et les attributions de produits, ils posent les problèmes traditionnels venant des relations entre le ministère de l'intérieur et l'Agence nationale des titres sécurisés (voir infra ) mais également la question de la justification de la commercialisation de données de fichiers administratifs (3,1 millions d'euros sont enregistrés en recettes au titre du système d'immatriculation des véhicules) qui constitue une question complexe sur laquelle il conviendra de revenir.

La Cour des comptes considère encore que le prélèvement sur recettes des collectivités territoriales destiné à assurer le fonctionnement du comité des finances locales constitue un faux fonds de concours. Sans atteindre, de loin, les enjeux historiques 17 ( * ) des faux fonds de concours longtemps rattachés, à partir pour certains de la même source, au ministère de l'économie et des finances 18 ( * ) , il convient qu'une correction intervienne.

Le rapporteur spécial relève les intéressantes observations de la Cour des comptes sur la procédure des rétablissements de crédits.

Cette procédure est le prolongement des remboursements de dépenses obtenus à la suite notamment de paiements indus. Elle permet de minorer comptablement les dépenses à hauteur de ces remboursements.

En 2018, elle avait été mobilisée à hauteur de 16,5 millions d'euros tandis qu'en 2019 elle ne l'a été que pour 8,38 millions d'euros. Or, selon la Cour des comptes, le stock disponible aurait été en début d'exercice de 26,4 millions d'euros sur le programme 307 et de 16,9 millions d'euros sur le programme 216 pour lequel le tableau ci-dessous présente l'état du stock.

Stock des rétablissements de crédits mobilisables
sur le programme 216

Source : Cour des comptes

La plus grande part du stock figurant au programme 216 tient à des mises à disposition.

La faible mobilisation de la procédure de rétablissement de crédits traduit en fait des difficultés de gestion de la récupération des indus, soit du fait de la superposition d'unités de gestion (les budgets opérationnels de programme) elles-mêmes peu mobilisées (programme 307), soit du fait des difficultés pratiques à surmonter pour récupérer des sommes indûment versées, le responsable du programme 216 faisant valoir, de surcroît, la difficulté pouvant exister du fait du caractère aléatoire des procédures de réallocation des crédits. La fongibilité asymétrique n'étant pas nécessairement accessible, l'incitation à rétablir des crédits appelés à être annulés peut être perçue comme assez faible.

Ces considérations sont loin d'emporter la conviction du rapporteur spécial qui suggère que les crédits rétablis puissent être fléchés vers les besoins de proximité qu'il n'apparaît pas très difficile d'identifier.

2. Les dépenses par nature : au-delà d'évolutions apparentes, une forte inertie budgétaire

Les dépenses de la mission AGTE sont majoritairement des dépenses de personnel.

Le poids de ces dépenses peut varier d'une année à l`autre à raison des particularités du programme 232 de financement de la vie politique, qui porte presque exclusivement des dépenses de fonctionnement ou d'intervention et dont l'ampleur des dotations est dépendante du calendrier électoral.

Cependant, malgré une légère augmentation des dépenses consacrées au financement de la vie politique, l'exercice 2019 enregistre une augmentation, modérée, de la part relative des dépenses de personnel dans le total des charges budgétaires de la mission à 70,4 % contre 69,7 % en 2018 et 64,6 % en 2017, mais pour des raisons qui tiennent principalement à des modifications de périmètre, dans un contexte marqué par l'accumulation de facteurs, généralement limités dans leur ampleur, susceptibles de soutenir les dépenses du personnel de la mission, mais aussi de réduction des autres dépenses.

Au total, les reclassements internes des dépenses par nature sont d'une ampleur limitée en 2019.

Structure des dépenses de la mission AGTE par nature

2018 (A)

2019 (B)

Variation B/ A

Dépenses de personnel

69,7 %

70,4 %

+ 0,7

Autres dépenses

30,3 %

29,6 %

- 0,7

dont :

Fonctionnement

21,6 %

21,4 %

- 0,2

Investissement

2,6 %

2,4 %

- 0,2

Interventions

6,1 %

5,8 %

- 0,3

Opérations financières

0

0,0 %

NS

Total

100 %

100 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2019

Par rapport à l'exercice précédent, le repli des dépenses autres que de personnel, qui est un repli en valeur absolue, est nettement influencé par le recul des dépenses d'intervention du programme support de la mission (programme 215), dont les dépenses d'investissement s'inscrivent également en baisse nette. Pour les dépenses de fonctionnement, c'est le programme 307 qui contribue à leur quasi-stabilisation en valeur (au niveau de la mission) puisque les dépenses de fonctionnement de ce programme sont les seules à baisser.

Par rapport aux prévisions initiales, incluant les prévisions de rattachements de fonds de concours et les attributions de produits, les dépenses ont été inférieures tant pour les dépenses de personnel (1,5 % de moins que prévu) que pour les autres dépenses (un déficit de consommation de 5,7 %) résultant d'un sous-investissement de plus de 50 % par rapport à la prévision.

Données sur l'exécution des crédits de la loi de finances initiale
par nature de dépenses

(en millions d'euros)

Réalisation 2018 (A)

Prévision 2018 (B)

Réalisation 2019 (C)

C-A

C-B

Dépenses de personnel

1 966,6

2 020,7

1 990,6

+ 24

- 30,1

Autres dépenses

855

885,3

835

- 20

- 50,3

dont :

Fonctionnement

610

594

603,4

- 6,6

+ 9,4

Investissement

75

142,5

67,5

- 7,5

- 75,0

Interventions

170

149,2

164,1

- 5,9

+ 14,9

Opérations financières

0,0

0

NS (PM : 32 euros !)

NS

0

Total

2 821,6

2 906

2 825,6

+ 4

- 80,4

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2019

a) Une diminution largement contingente des dépenses autres que de personnel

Les dépenses de fonctionnement et d'intervention de la mission reculent de 2,3 % en 2019, soit un nouveau recul après celui, nettement plus important (- 20 %) de 2018. Les trois catégories de dépenses (fonctionnement, investissement et interventions) se partagent à peu près à parité la réduction des dépenses autres que de personnel (- 20 millions d'euros).

En ce qui concerne les dépenses de fonctionnement (21,4 % des dépenses en 2019), leur retrait provient exclusivement du programme 307 (26 % des dépenses de fonctionnement de la mission), en lien avec la baisse des dépenses de fonctionnement des deux actions consacrées, l'une, à la réglementation générale et à la délivrance des titres sécurisés, l'autre, à l'animation du réseau. Comme il arrive souvent, ces évolutions présentent un caractère paradoxal dans la mesure où le disponible initial (hors mouvements réglementaires de crédits) avait été calibré en-deçà des dépenses effectives. Mais ces dépenses font l'objet de modifications structurelles en cours d'exercice, notamment en raison des relations croisées entre l'agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et le ministère de l'intérieur (voir infra ). À son tour, cette mécanique peut susciter quelques interrogations sur les conditions de financement des dépenses de la mission (voir infra ).

Les dépenses de fonctionnement des deux autres programmes sont à peu près stabilisées. Il est remarquable que les dépenses de fonctionnement du réseau préfectoral ne soient supérieures que de 55 % aux dépenses de fonctionnement relevant du programme de la mission consacré à la vie politique qui sont tributaires d'une organisation opérationnelle des élections structurellement coûteuse (voir infra ).

Pour les dépenses d'investissement (2,4 % des dépenses en 2019), leur recul est imputable au programme 216 (11 millions d'euros environ de dépenses en moins par rapport à 2018), mais il semble qu'une économie passive de l'ordre de 4,8 millions d'euros doive être constatée sur le programme 307 (immobilier), programme dont le devenir immobilier est du reste rendu assez incertain par la politique annoncée d'externalisation aux Maisons France Services. Pour le programme 216, la prévision a été considérablement sous-exécutée, le déficit concernant tant les dépenses informatiques que les dépenses immobilières.

En ce qui concerne ces dernières dépenses, la sous-consommation des crédits ressort comme encore plus forte en crédits de paiement qu'en autorisations d'engagement. Il s'agit sans doute d'un indice d'une difficulté de déroulement des programmes, mais également du résultat de divers mouvements comptables de crédits explicités infra (sans compter les effets des ajustements budgétaires de fin d'année qui prennent pour cible privilégiée les investissements).

À ce propos, le rapporteur spécial s'interroge sur les conditions dans lesquelles il est possible de gérer sereinement des investissements dont une partie, rarement négligeable, des moyens est d'emblée gelée et préférentiellement candidate au surgel, et aux annulations subséquentes. On ne peut pas dire que l'environnement budgétaire soit très favorable aux opérations d'investissement de la mission, qui ne doit pas afficher de singularité sur ce point. Il faudrait un jour compter les surcoûts auxquels tous ces verrous peuvent aboutir.

Quant aux dépenses informatiques, le nouveau projet phare du ministère, le réseau radio du futur, a été consommé au quart, à peine, de l'enveloppe prévue initialement, pour des raisons résumées laconiquement par le responsable du programme par l'évocation d'un « retard pris dans sa réalisation » , dont, à vrai dire, on se doutait un peu, l'attention devant plutôt porter sur les tenants et aboutissants de ce retard.

S'agissant des dépenses d'intervention (5,8 % des dépenses en 2019), elles sont en repli de l'ordre de 6 millions d'euros (- 3,5 %) en raison des évolutions constatées sur le programme 216 (- 15,7 millions d'euros) en lien avec la baisse des financements accordés au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

b) Malgré un schéma d'emplois a priori économe, une progression des dépenses de personnel

La mission AGTE a été placée ces dernières années sous l'influence d'une contrainte d'effectifs qui s'est inscrite dans une séquence plus longue de forte réduction structurelle des emplois rémunérés par la mission.

Après les séquences de la réforme de l'administration territoriale de l'État (la RéATE) et de la modernisation de l'action publique (la MAP), le « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG), qui prévoyait la suppression nette de 1 300 ETPT 19 ( * ) en trois ans (2016-2018), soit une réduction des emplois du programme 307 de 4,9 % a représenté une nouvelle étape de restructuration du réseau d'administration générale de l'État.

L'année 2019 a été le théâtre de nouvelles annonces, plus ou moins inscrites dans les perspectives tracées par le comité « Action publique 2022 », modulo les événements « Gilets jaunes », dont les impacts, quoique prévisibles (un nouveau tour de baisse des effectifs déployés par l'État sur les territoires), ne sont pas à ce jour parfaitement quantifiables.

En toute hypothèse, pour 2019, le schéma d'emplois de la mission avait été une fois de plus placé sous le signe d'une austérité certaine et dans le cadre d'un pari : celui de voir les structures mises en place dans le cadre du plan PPNG parvenir à fonctionner plus correctement.

Schémas d'emplois de la mission AGTE
2016-2019

(en ETPT)

Source : Cour des comptes

Le schéma d'emplois une fois corrigé des transferts s'est élevé à - 371 ETP pour le programme 307 entérinant une nouvelle réduction des moyens de l'administration territoriale.

Toutefois, plusieurs éléments doivent être pris en compte pour nuancer cette évolution.

En premier lieu, l'importance des transferts en cours de gestion doit être relevée. Une fois corrigé des transferts, le schéma d'emplois du programme 307 s'est traduit par des réductions d'effectifs plus limitées, mais se montant, malgré tout à 200 ETP.

Deux singularités méritent encore d'être relevées s'agissant du programme 307 : la mise en oeuvre d'un transfert d'emplois assez massif du programme 307 vers le programme 216 au titre notamment des personnels d'administration centrale du ministère (ainsi le programme 307 ne porte plus les 96 ETPT correspondants qui ne se retrouve pas moins dans la mission, mais sur un autre programme) et un transfert d'emplois importants (66 ETPT) vers les régions au titre de la gestion des fonds européens (gestion transférée aux régions depuis la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dite « MAPTAM »).

En second lieu, l'impact du schéma d'emplois réalisé en 2019 a été encore plus fort une fois traduit en consommation des emplois sur l'année (6 294 emplois rémunérés par le programme 307). Certains recrutements et rattachements sont intervenus tardivement. Il en est allé ainsi pour les emplois correspondant à une centaine d'ETPT au titre des délégués du préfet. En outre, des recrutements de personnels techniques ont été différés pour compenser les recrutements de personnels administratifs nécessités par l'activité croissante constatée dans certains domaines, en particulier, au titre de l'accueil des étrangers.

Les services en charge de l'accueil des étrangers représentent 15 % des effectifs du programme 307 selon le rapport annuel de performances et l'accroissement des dossiers à traiter, mais aussi les mesures adoptées pour la prise en charge des mineurs non accompagnés ont nécessité le recrutement de 84 emplois pérennes (dont 51 emplois pour la prise en charge des mineurs non accompagnés) en lieu et place des emplois précaires jusqu'à présent mis en place.

Il faut relever que cette évolution de la politique d'emplois du ministère de l'intérieur a exercé un impact très net en 2019 sur la gestion des emplois puisqu'à la prévision d'une réduction de 200 ETPT s'est changée, en réalisation, en une augmentation de 84 ETPT de personnels titulaires, la réduction des emplois précaires étant de 20 %.

Il faut enfin souligner la hausse du taux de vacance des emplois qui a doublé à 2 % (soit 532 ETPT).

Évolution des emplois en 2019 (en ETPT)

(en ETPT)

Programme

Réalisation 2018

LFI+LFR+

Réalisation 2019

Écart

2019/2018

Écart 2019 réalisés/ 2019 prévus

Transferts en

gestion

Administration territoriale (307)

25 659

25 417

24 885

- 774

- 532

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (232)

6 859

7 442

7 253

+ 394

- 189

Vie politique, cultuelle et associative (207)

48

51

49

+ 1

- 2

Total

32 467

33 048

32 566

+ 99

- 482

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette situation, dont les ressorts peuvent être très divers (mauvais fonctionnement de la fonction de recrutement, perte d'attractivité de métiers peu valorisés et inscrits dans des perspectives peu claires, problèmes de viviers locaux...) mérite d'être suivie avec attention.

En ce qui concerne le programme 216, outre l'impact du transfert en provenance du programme 307 cité ci-dessus, un transfert entrant prévu en loi de finances pour 2019 doit être signalé dans la mesure où il correspondait à l'expérimentation partielle d'un processus que la loi de finances pour 2020 a généralisé avec la création de structures de niveau de déploiement territorial variable (administration centrale ; niveau supra départemental) appelées à être le creuset de nouvelles mutualisations. Le constat d'une sous-consommation des emplois se vérifie également pour ce programme et appelle la même attention que pour le programme 307.

Quant au programme 232, peu consommateur d'emplois, il a sous-exécuté son plafond d'emplois de 2 unités (4 % du plafond) malgré la création d'un médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.

Dans un contexte favorable à la maîtrise des dépenses de personnel du fait des évolutions du volume d'emploi mobilisé et de l'absence de revalorisation indiciaire générale en 2019, les dépenses de personnel ont, malgré tout, augmenté, de 1,2 % (+ 24 millions d'euros).

Le GVT-solde évolue différemment entre les programmes 307 et 216 : dynamique pour le premier, en raison notamment du processus de repyramidage lié au plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG), il s'inscrit en baisse pour le second. Le transfert des emplois d'administration centrale portés auparavant par le programme 307 ne pèse pas encore en 2019 mais, à l'avenir, il devrait modifier quelque peu la dynamique du GVT du programme 216.

Les autres mesures catégorielles sont également beaucoup plus dynamiques sur le programme 307, notamment du fait des dispositions prises pour améliorer l'attractivité des emplois chargés en préfectures de traiter les dossiers relatifs aux étrangers.

Pour 2019, la reprise du calendrier du protocole « PPCR » se traduit pour les programmes 307 et 216 par un supplément de charges de 3,8 millions d'euros.

Les indemnités perçues dans le cadre du fonctionnement du compte épargne temps sont plus élevées pour le programme 307 que pour le programme 216, mais l'écart paraît épouser celui relatif au nombre des emplois mobilisés par chaque programme.

Quoi qu'il en soit, en 2019, ces indemnités représentent le poste le plus dynamique de ceux concourant à l'augmentation des rémunérations d'activité, indice sans doute d'un choix de gestion du personnel passant prioritairement par le temps de travail, dans un contexte marqué par une tendance à la réduction du volume de travail mobilisé.

Impact en 2019 du schéma d'emploi agrégé de la mission et d'autres variables salariales structurelles sur les charges salariales de la mission

GVT-solde

Mesures catégorielles

Indemnisation CET

Total

Schémas d'emplois 2018 et 2019

Solde

Programme 307

7,9

4,5

5,4

17,8

-22,5

-4,7

Programme 216

-1,6

1,3

1,6

1,3

-1,9

-0,6

Total

6,3

5,8

7

19,1

-24,4

-5,3

Source : commission des finances du Sénat

La corrélation entre les emplois mobilisés par chaque programme et le poids relatif des rémunérations d'activité est assez étroite, mais présente une certaine hiérarchie. Les emplois du programme 307 sont moins rémunérés que ceux des deux autres programmes de la mission du fait d'un contenu catégoriel différencié mais sans doute également d'un contenu en primes différent.

Corrélation entre le niveau relatif des emplois
et le niveau relatif des rémunérations d'activité

(en millions d'euros pour les rémunérations)

ETPT

Part dans le total

Rémunérations d'activité

Part dans le total

Programme 307

24 885

77,3%

894,4

74,1%

Programme 232

49

0,2%

6,8

0,6%

Programme 216

7 253

22,5%

306,2

25,4%

Total

32 187

100%

1 207,40

100%

Source : commission des finances du Sénat

Même si la perspective d'une réforme des retraites passant par l'intégration des primes des fonctionnaires dans le mécanisme de détermination des droits à retraite paraît aujourd'hui s'éloigner, il serait justifié de présenter à l'avenir les rémunérations d'activité (et les cotisations employeurs afférentes) en distinguant les rémunérations indiciaires des rémunérations indemnitaires, et ce, par corps de fonctionnaire.

Les vitesses de croissance de chacune des composantes des rémunérations d'activité offrent des singularités qu'il convient de pouvoir saisir de même que les déformations structurelles des revenus correspondants.

En outre, une information plus significative que celle portant sur l'année considérée s'impose.

Cette dernière conduit à tronquer l'appréciation qu'on se forme des sous-jacents de la politique salariale du ministère.

À cet égard, le dispositif de performances de la mission est trop pauvre en indicateurs de gestion des ressources humaines pour une mission dont plus de 70 % des dotations relèvent de dépenses de titre 2 et doit de ce fait être mis à niveau.

Pour illustrer ces analyses, l'on peut mentionner deux éléments.

Pour les mesures catégorielles, l'année 2019 ne révèle guère de dynamique significative. Mais, appréciées sur plus longue période, l'on pourrait observer que la mise en place du régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP créé par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014) au profit des membres du corps préfectoral a suscité une augmentation du coût global et du coût global moyen des rémunérations d'activité versées aux hauts fonctionnaires de ce corps de 6,08 % en 2018 (en lien certes avec une sous-budgétisation de la mesure en 2017), pour un coût en année pleine de 4,8 millions d'euros concernant 565 agents de catégorie A +. Cette mesure représentait alors 80 % des mesures catégorielles de l'année.

Un indicateur long de partage des rémunérations d'activité entre « indiciaire » et « indemnitaire » décomposé selon l'appartenance aux différents corps d'emploi permettrait de mieux saisir les équilibres rémunératoires mis en oeuvre et les enjeux correspondants sur le cycle d'activité.

De la même manière, alors que les orientations de la politique des ressources humaines sont marquées par de forts enjeux fonctionnels (voir à ce sujet les intentions de reclassements affichées par le « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG), avec de forts impacts attendus sur la structure des emplois, mais aussi par des nécessités territoriales, il est notable qu'aucune information systématique ne soit donnée sur des composantes aussi essentielles. La perspective de nouvelles modifications majeures (le développement des mutualisations, la multiplication des Maisons France Services...) impose de remédier à cette pénurie informative, si l'on veut que l'autorisation parlementaire conserve son sens.

Les contributions-employeur au compte d'affectation spéciale « Pensions » ont ajouté 5,9 millions d'euros de charges de titre 2 en 2019 pour les deux programmes 307 et 216, selon une structure qui fait ressortir les économies importantes réalisées du fait de la nature des emplois mobilisés par le programme 307.

La protection assurée par le régime de retraite des fonctionnaires ressort comme structurellement moins effective pour les agents au service de l'administration territoriale (de plus en plus exclus, par leur statut, du bénéfice du régime de retraite des fonctionnaires), et de ses usagers, que pour ceux, souvent d'administration centrale, du programme 216.

Évolution des contributions employeur
aux régimes de retraite des agents entre 2018 et 2019

Civils

Militaires

Ouvriers de l'État et autres

Total

Programme 307

- 3,7

+ 0,1

+ 0,2

- 3,4

Programme 216

+ 7,9

+ 0,1

+ 1,3

+ 9,3

Total

+ 4,2

0,2

+ 1, 5

+ 5,9

Source : commission des finances du Sénat

Alors qu'il existe encore une certaine proportion entre les rémunérations d'activité et les cotisations employeurs au CAS « Pensions », cette dernière tend donc à se décorréler progressivement.

Corrélation entre les rémunérations d'activité
et les contributions employeurs au CAS « Pensions »

Rémunérations d'activité

Part dans le total

CAS Pensions

Part dans le total

Programme 307

894,4

74,1%

434,7

74,26%

Programme 232

6,8

0,6%

0,4

0,07%

Programme 216

306,2

25,4%

150,3

25,67%

Total

1 207,40

100%

585,4

100%

Source : commission des finances du Sénat

B. LES DÉPENSES ONT EXCÉDÉ LES PLAFONDS DE LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES, TOUT EN LAISSANT UN MONTANT MOINS ÉLEVÉ D'ENGAGEMENTS RESTANT À PAYER, DU MOINS EN APPARENCE

Le rapporteur spécial rappelle, en préambule, que la mission AGTE, qui incarne pourtant l'État dans ce qu'il a de plus régalien, n'était pas considérée comme une mission prioritaire dans la programmation pluriannuelle des finances publiques précédent l'actuelle génération. Que cette dernière n'exprime plus ce concept ne change rien au constat qu'on peut tirer de la programmation des finances publiques à l'horizon de la nouvelle loi de programmation.

En 2019, comme en 2018, la mission n'aura pas respecté son plafond de dépenses tel que fixé par la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

Si l'excédent de dépenses a pu être réduit par une gestion économe de certains programmes d'investissement, gestion en quelque sorte sanctuarisée par les opérations infra-annuelles, les conditions de cet équilibrage ne témoignent pas de leur soutenabilité. Par ailleurs, la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques semble obsolète depuis l'origine, pour une raison essentiellement ponctuelle il est vrai.

Si l'exécution ne se solde pas par une hausse des engagements non couverts par des crédits de paiement, sinon au titre du programme 307, cet indicateur n'a qu'une signification assez limitée au vu des conditions de la gestion des crédits en 2019 et d'événements passés et, hélas, plus contemporains de l'élaboration de cette contribution.

1. Un excédent de dépenses par rapport à une programmation pluriannuelle des finances publiques, d'ores et déjà, obsolète pour le reste de la programmation

Une demande de plus de transparence

Le rapporteur spécial réitère son souhait que les documents budgétaires associés aux différentes catégories de projets de loi de finances consacrent un développement par mission et par programme et titre aux conditions dans lesquelles lesdits projets appliquent la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. L'information budgétaire s'en trouverait significativement améliorée, ce qui est d'autant plus nécessaire pour la mission AGTE qu'elle tend à connaître d'amples mouvements de périmètre et ainsi à sortir de son cadre initial de budgétisation (avec des répercussions sur d'autres missions budgétaires). Il renouvelle son constat que son souhait est absolument négligé.

Une interrogation de méthode

Les normes de dépenses des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques ne couvrent pas les contributions de l'État employeur au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Or, les conditions d'emploi et de rémunération de chaque ministère varient, avec pour conséquence l'existence d'effets asymétriques sur les charges patronales d'une même norme d'évolution des dépenses de personnel. L'élasticité des dépenses brutes (c'est-à-dire des dépenses augmentées de la contribution de l'État employeur au CAS) peut ainsi varier dans des proportions significatives selon la part de l'emploi affilié aux régimes de retraite des fonctionnaires et selon la structure des rémunérations (indices ou indemnités) de chaque ministère. Il pourrait être utile de disposer d'une estimation régulière sur ce point et l'on pourrait s'interroger sur la possibilité de donner aux gestionnaires de programmes davantage de marges en fonction de l'impact sur les coûts totaux de l'emploi (y compris la contribution employeur au CAS) de leur gestion des personnels.

En toute hypothèse, il serait judicieux d'évaluer ex ante les fondements qui président pour chaque fonction administrative à la détermination de la norme de dépenses de personnel, en particulier la mesure dans laquelle cette dernière internalise les coûts complets d'un emploi. Il est assez peu douteux au regard de la déformation de la structure d'emplois de l'État, qui a connu une impressionnante montée de la part des emplois ne bénéficiant pas des régimes de retraite de la fonction publique que les normes appliquées induisent un biais de recrutement vers des emplois impliquant des cotisations employeurs inférieures à la contribution employeur ordinairement versée au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Or, cette dernière a dépassé très nettement les besoins d'équilibre des dépenses de pensions des fonctionnaires (contribuant ainsi à réduire le besoin de financement apparent de l'ensemble du système de retraite) de sorte qu'on peut attribuer à un surcalibrage de la contribution employeur au CAS « Pensions », un effet de contrainte fort sur les effectifs des ministères et sur leur statut.

Si l'article 8 de la loi de programmation pluriannuelle a prévu que la progression des dépenses soit limitée à 1 % en volume au cours de la période 2018-2020, pour la mission, hors échéances électorales, une norme nettement plus stricte s'applique.

Comparaisons entre la norme de dépense et l'exécution de 2019

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2019

Au-delà des apparences, qui voient les dépenses excéder le plafond des autorisations de crédits fixé pour 2019, la consommation des crédits paraît en ligne avec la programmation, une fois pris en compte les effets sur le programme 232 de la gestion des remboursements de frais de campagne et, surtout, de la renonciation à la généralisation de la « numérisation » de la propagande électorale.

Le programme 307 ainsi que le programme 216 ont moins dépensé que la norme de dépenses de la loi de programmation, à hauteur, respectivement, de 15,6 et 14,2 millions d'euros. Ces résultats sont relatifs compte tenu des reports de charges envisageables, en particulier pour le programme 216.

Quant au programme 232, ses dépenses ont excédé celles prévues par la loi de programmation de 64,4 millions d'euros.

Il s'agit principalement de l'effet de la non-dématérialisation de la propagande électorale et de sa diffusion qui, intégrée à la programmation n'a pourtant pas été proposée dans le projet de loi de finances pour 2019 au titre des élections européennes, qui auraient pu constituer une bonne occasion d'en tester les effets.

Le surcoût engendré par l'absence de dématérialisation de la propagande électorale avait été estimé à 76,4 millions d'euros pour l'élection européenne, ce qui laisse supposer que si cette solution avait été appliquée, le programme 232 aurait respecté la trajectoire pluriannuelle.

2. Une augmentation des engagements non couverts par des crédits de paiement au terme de l'exercice budgétaire pour le programme 307, mais une réduction à l'échelle de la mission, dans un contexte de forte probabilité de concrétisation de charges à ce jour latentes

Les engagements non couverts par des crédits de paiement à la fin de l'exercice budgétaire ont globalement diminué, passant de 774,4 millions d'euros à 720,4 millions d'euros de fin 2018 à la fin de 2019.

Évolution des engagements non couverts par des crédits de paiement
à la fin des deux exercices budgétaires précédents

(en millions d'euros)

2017

2018

2019

Évolution 2019/2017

Évolution 2019/ 2018

Programme 307

68,386

76,517

78,351

+ 8,131

+ 1,834

Programme 232

14,378

10,266

11,234

- 4,112

+ 0,968

Programme 216

756,854

687,639

630,818

- 69,215

- 56,821

Total

771,232

774,422

720,403

- 65,196

- 54,019

Source : commission des finances du Sénat

Cette évolution, a priori satisfaisante, l'est moins quand on considère certains de ses soubassements.

Pour une partie prépondérante, les opérations concernées par l'étalement des paiements des engagements sont portées par le programme 216, notamment du fait des investissements immobiliers qu'il finance.

Les engagements du programme sont difficiles à suivre en l'état de l'information budgétaire, certaines opérations complexes pouvant donner lieu à des décomptes différés. Par ailleurs, les délais prévisionnels de réalisation des projets connaissent, structurellement, un allongement sensible. Les résultats pour 2019 doivent être pris avec d'autant plus de prudence qu'une opération importante, l'achat d'un terrain pour la cité du renseignement, a été réalisé grâce à une avance du compte d'affectation spéciale « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » pour un montant de 113,6 millions d'euros, avance dont le plan de financement n'est pas connu à ce jour. Il faut encore prendre en considération l'estimation avancée par la Cour des comptes selon laquelle les transferts de services projetés pour 2020 (en particulier, la création d'une direction du numérique) devraient augmenter les restes à payer du programme de 150 millions d'euros.

Quant au programme 307, les engagements demeurant à couvrir connaissent une nouvelle augmentation, de l'ordre de 2,6 % après celles (de près de 50 % et 12 %) observées en 2017 et l'an dernier.

Au total, en trois ans, les restes à payer ont augmenté de l'ordre de 24 millions d'euros.

Évolution des restes à payer du programme 307 depuis 2015

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire pour 2019

Si les dépenses effectuées en 2019 ont permis d'assurer le paiement d'engagements demeurant pendants à hauteur de 28 % de ces derniers, les engagements de 2019 ont laissé non payés 23,2 millions d'euros de nouvelles charges.

L'information budgétaire sur cette augmentation des restes à payer est des plus succinctes. Tout juste apprend-elle que les charges restant à payer pour couvrir les engagements pris à fin 2018 se répartissent entre 37,1 millions d'euros au titre du programme national d'équipement des préfectures (PNE) et 41,2 millions d'euros au titre des marchés pluriannuels. Dans sa note d'exécution budgétaire de 2018, la Cour des comptes avait fait ressortir la dimension composite des restes à payer, indiquant qu'il peut aussi bien s'agir d'engagements correspondant à des factures de fonctionnement courant de fin d'année que de grands projets de modernisation. Une partie de ces restes à payer concernait l'an dernier la carte nationale d'identité (22,7 millions d'euros) du fait notamment d'un surcoût qui aurait dû être constaté sur ce projet, dont le règlement aurait été étalé.

Dans la note d'exécution budgétaire de l'exercice sous revue, la Cour des comptes observe que le niveau des restes payer, qui atteint une proportion élevée des dépenses du programme 307 hors titre 2 (35 %), pose un problème de conduite des projets d'équipement.

Le rapporteur spécial partage ce point de vue et demande qu'une information plus efficace soit consacrée à cette question.

Une demande pour plus de transparence

Les niveaux des restes à payer sur les engagements pluriannuels, et leur évolution, font l'objet d'une information plus ou moins développée, mais qui, dans tous les cas, doit progresser. Une présentation plus détaillée s'impose (particulièrement pour le programme 307 pour lequel l'information budgétaire est très lacunaire) afin de suivre les engagements (en les imputant aux divers instruments de gestion opérationnelle, plan national d'équipement des préfectures, schémas informatiques ou immobiliers) et les paiements correspondants en isolant l'impact des grands projets et de leur révision en cours de réalisation. Par ailleurs, un échéancier des paiements devrait figurer dans l'information budgétaire mentionnant les écarts constatés en les justifiant.

Les progrès de transparence demandés par le rapporteur spécial s'imposent d'autant plus que la mission est exposée à de nouveaux grands projets dont le suivi ne saurait être assuré par le Parlement dans les conditions de l'information budgétaire courante. S'y ajoute la considération d'une dynamique de dépenses peu maîtrisable résultant de la perspective de nouvelles charges.

Pour le programme 307, l'on doit mentionner la perspective que le retour du projet d'une carte nationale d'identité électronique, qui avait été abandonné à la suite de décisions défavorables du Conseil constitutionnel, mais qui refait surface du fait des règles adoptées par l'Union européenne, puisse se traduire par de nouveaux engagements pour le ministère, qu'il conviendra de couvrir.

Force est ainsi d'observer que certaines charges latentes pouvant s'ajouter à l'avenir, le résultat en gestion de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui ressort comme favorable (avec un excédent de 9,1 millions d'euros au compte de résultat et une augmentation prévisionnelle du fonds de roulement de 13,6 millions d'euros), ne traduit pas nécessairement l'équilibre fondamental de l'établissement.

Le rapporteur spécial avait également mentionné l'an dernier les risques liés, pour le programme 216, à l'activité de la commission du contentieux du stationnement payant. Le programme 216 porte 123 agents de greffe de cette juridiction spécialisée qui tend à être débordée par le flux des dossiers. À la fin de 2019, les flux de demandes entrantes ont atteint 119 578 requêtes contre 84 845 clôtures, dont une partie importante provient d'une « renonciation » des parties, renonciation gérée informatiquement, dans des conditions quelque peu contestables. Le stock augmente donc, passant de 67 608 dossiers à 95 516 dossiers. La capacité de traitement annuelle avait été estimée à 10 680 dossiers. Malgré les dégagements « numériques », elle est évidemment insuffisante et justifie la demande de la présidente de la juridiction d'un recalibrage des moyens, du moins en l'état du fonctionnement du système.

Au-delà de ces points d'attention, il faut considérer plus globalement l'impact sur la mission des projets foisonnants du ministère de l'intérieur dans un contexte marqué par un vigilantisme dont la justification appellerait en soi une évaluation complète, qui, à l'évidence dépasse de beaucoup la mission du seul rapporteur spécial.

Il faut, bien entendu, être particulièrement vigilant sur toutes les fonctions du ministère de l'intérieur, qui sont particulièrement sensibles, mais le choix des moyens n'est pas indifférent et il mériterait sans doute d'être davantage discuté dans un contexte où la sécurité des Français appelle des réponses plus diversifiées et donc plus coûteuses que celles passant par le déploiement sélectif d'hyper-moyens dans certains domaines. Dans le passé proche, un certain nombre de projets sont apparus excéder quelque peu les justifications qui leur avaient été apportées et les moyens de déploiement opérationnel qui leur avaient été consacrés.

Enfin, malgré une nouvelle (légère) baisse des dépenses de contentieux en 2019, les charges payées à ce titre à fin 2019, qui atteignent encore 87,8 millions d'euros semblent inférieures aux enjeux repérables (voir infra ).

C. UNE EXÉCUTION PLUS TENDUE QU'IL N'APPARAÎT

La programmation financière de la mission adoptée en loi de finances initiale avait annoncé un peu plus de dépenses qu'en 2018.

Évolution des crédits de la mission dans la loi de finances initiale
(hors fonds de concours et attributions de produits)

(crédits de paiement en millions d'euros)

Programme

2018

2019

Variation

Administration territoriale (307)

1 691,3

1 656

- 35,3

Vie politique, cultuelle et associative (232)

125,8

206,3

+ 80,5

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (216)

939,8

973,7

+ 33,9

Total

2 756,9

2 836

+ 79 ,1

Source : RAP 2018 et 2019

1. Au total, des dépenses inférieures aux ouvertures de la loi de finances initiale et aux crédits disponibles

Les dépenses de la mission AGTE (2 825,6 millions d'euros) ont été inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale (2 836 millions d'euros), les économies atteignant 10,3 millions d'euros (0,3 % de la prévision).

Compte tenu des ouvertures de crédits d'origine réglementaire intervenues en gestion, les dépenses effectives ont significativement excédé le disponible, aboutissant à des annulations de crédits de 64,4 millions d'euros, dont 38,2 millions d'euros au titre de la loi de finances rectificative de fin d'année.

L'exécution des crédits de la mission AGTE en 2019

LFI

(b) Disponibles

(a) Dépenses

Taux de consommation (a/b)

Annulations

Programme 307

1 656

1742,30

1 699,30

97,5%

10,40

dont

Titre 2

1 481,30

1 493,10

1 470,50

98,5%

2,1

Programme 216

973,7

990,3

939

94,8%

36,9

dont

Titre 2

519,1

523,1

511,9

97,9%

6,2

Programme 232

206,3

221,40

187,3

84,6%

17,10

dont

Titre 2

18,2

18,2

8,2

45,1%

2,3

Total

2 836

2954,00

2 825,60

95,7%

64,40

dont

Titre 2

2 018,60

2 034,40

1 990,60

97,8%

10,6

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe au projet de loi de règlement pour 2019 portant sur le développement des opérations constatées au budget général

Le programme 307 (« Administration territoriale ») est le seul à avoir dépensé davantage que prévu en loi de finances initiale. Il a bénéficié, comme c'est traditionnel, d'ouvertures significatives en gestion (86,3 millions d'euros) de sorte qu'il n'a consommé que 97,5 % du disponible.

Des annulations sont également intervenues pour 10,4 millions d'euros (dont 2,5 millions d'euros en loi de finances rectificative). Le taux de consommation des crédits de personnel a été supérieur au taux de consommation moyen atteignant 98,5 %. Ceci témoigne d'une gestion d'autant plus tendue que le plafond d'emplois n'a pu être consommé, la vacance d'emplois doublant à 2 %. Il aurait été très difficile de le mettre en oeuvre avec les crédits disponibles sauf à « précariser » et « déqualifier » la structure d'emplois du programme, la seconde voie paraissant totalement contradictoire avec l'intention de repyramidage qui est affichée.

Comme pour le programme 307, l'exécution du programme 216 a été plus tendue pour les crédits de personnel que pour les autres titres de dépenses. Ces dernières ont été amplement sous-consommées sur les lignes d'investissement et d'intervention, les dépenses de fonctionnement étant, au contraire, relativement dynamiques. Des reports de charges ont contribué à ces évolutions par ailleurs favorisées par des décalages dans les projets informatiques portés par le programme et dans les décaissements du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Quant au programme 232 de financement de la vie politique, il a également très significativement sous consommé ses dotations. Ceci tient au fait que les délais d'instruction des comptes de campagne du scrutin européen par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'ont pas permis d'assumer en 2019 les remboursements des frais de campagne électorale. La consommation des crédits ouverts en loi de finances à ce programme aurait été encore moins favorable si une opération de fongibilité asymétrique par prélèvement de 6,75 millions de crédits de titre 2, pourtant fort dynamiques en 2019, n'avait pas été mise en oeuvre pour financer l'externalisation de la mise sous pli de la propagande électorale lors des élections européennes, opérations dont les coûts avaient été insuffisamment provisionnés en loi de finances initiale (voir infra ).

Cependant, les dépenses des programmes ont été systématiquement inférieures aux crédits finalement disponibles (4,3 % de non consommations au total), les taux de consommation marquant un déficit de 2,5 points, 5,2 points et 15,4 points pour les programmes 307, 216 et 232 respectivement.

Les ouvertures brutes de crédits en cours de gestion ont atteint le montant élevé de 118 millions d'euros soit 4,2 % des crédits initiaux. Il s'agit cependant d'un flux en baisse par rapport à celui de 2018.

Les rattachements en gestion ont principalement concerné le programme 307 (86,3 millions d'euros), le programme 232 bénéficiant d'ouvertures en gestion de 15,1 millions d'euros et le programme 216 de 16,6 millions d'euros.

Les rattachements de fonds de concours et d'attribution de produits ont atteint 70,2 millions d'euros (61,4 millions d'euros pour le programme 307 et 8,8 millions d'euros pour le programme 216). Les transferts, virements et reports ont ainsi été limités à 47,8 millions d'euros (dont 24,9 millions d'euros pour le programme 307 et 13,9 millions d'euros pour le programme 232).

L'héritage de la gestion précédente a été moins « généreux » que celui touché par la « génération 2018 » en grande partie du fait du programme 232 qui devait solder les opérations électorales de 2017 l'an dernier. Dans l'ensemble, une gestion assez stricte des reports a également joué, qui a mis les programmes en difficulté.

Le programme 307 a dû procéder à des redéploiements de crédits pour faire face à des dépenses de personnel mal provisionnées pour certaines fonctions inéluctables (l'accueil des étrangers) et il est heureux qu'il ait bénéficié de 4,2 millions d'euros en provenance du programme consacré au financement de la vie politique pour financer une opération immobilière à la préfecture de Seine-Saint-Denis. La revalorisation des moyens d'expression politique parfois réclamée à juste titre cède devant des nécessités pratiques.

Quant au programme 216, seuls des reports de programmes immobiliers et informatiques ont permis le bouclage de l'exécution dès lors que ce programme a été soumis en gestion à de significatives annulations.

Au total, les annulations de crédits ont atteint 64,3 millions d'euros (dont 36,9 millions d'euros sur le programme 216, 10,3 millions d'euros sur le programme 307 et 17,1 millions d'euros sur le programme 232).

Cela représente près de 55 % des crédits rendus disponibles en cours d'année et davantage que le solde entre les crédits de la loi de finances initiale et les consommations effectives (environ 11 millions d'euros).

Ainsi le projet de loi de règlement sous revue se traduira par une réduction des moyens offerts par les mouvements réglementaires de crédits accessibles en 2020.

2. Malgré des dépenses supérieures aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale et un niveau élevé de dégels, la réserve de précaution a laissé un reliquat disponible pour solder la gestion de la mission

La réserve de précaution a été mise en place en 2019 dans le cadre du nouveau dispositif applicable qui prévoit un taux de réserve de 0,5 % sur les crédits de personnel et de 3 % sur les autres types de crédits.

La réserve de précaution et sa gestion en 2019

(en millions d'euros)

Réserve initiale

Dégels

Solde

Programme 307

12,6

10,1

2,5

Programme 232

5,7

0

5,7

Programme 216

15,3

12,7

2,6

Total

33,6

22,8

10,8

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances de 2019

Un peu plus de la moitié de la réserve de précaution a été mobilisée en cours d'année.

L'emploi de crédits de la réserve ayant fait l'objet d'un dégel confirme « l'interbudgétarité » à laquelle est soumise la mission.

Les crédits ont principalement été virés au programme 303 « Immigration et asile » (12,6 millions d'euros à partir du programme 216 et 4,8 millions d'euros à partir du programme 307) extérieure à la mission AGTE mais que cette dernière tend de plus en plus à épauler.

Cependant, une part importante des dégels sur le programme 307 (5,3 millions d'euros) qualifiés de « dégels partiels » a été utilisée pour financer des besoins intercalaires de financement des rémunérations dans un contexte où des besoins de recrutement sont apparus en cours de gestion (accueil des étrangers notamment).

3. Les dépenses destinées au financement de la vie politique ont été sensiblement inférieures aux crédits ouverts en loi de finances initiale

En 2018, les dépenses effectives du programme avaient atteint 175,5 millions d'euros bénéficiant de reports de crédits de l'exercice précédents très importants (72,3 millions d'euros). Ces reports correspondaient à des crédits ouverts pour financer le remboursement forfaitaire des dépenses des candidats aux élections de 2017 (présidentielle et législatives principalement) et non consommés en 2017. La sous-consommation des crédits de 2017 résultait « essentiellement du report en gestion 2018 des remboursements forfaitaires des comptes de campagne aux élections présidentielles et législatives de 2017, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques n'ayant pas achevé l'examen des comptes avant la fin de la gestion 2017 » .

Les délais de traitement des comptes de campagne tendent à devenir un obstacle récurrent à la consommation des crédits du programme en bon temps lors des années pendant lesquelles les élections sont nombreuses.

L'année 2019 le confirme. Les dépenses ont été inférieures aux dotations initiales à hauteur de 19 millions d'euros et aux dotations disponibles après reports de l`exercice 2018 à hauteur de 32 millions d'euros.

Cette sous-consommation globale n'a pas empêché certains postes de dépenses de connaître un léger dérapage. Sans que ceci se conclue par un dépassement des limites de crédits, le coût de l'organisation des élections européennes (2,78 euros par électeur contre 2,67 euros en prévision) a subi les effets de l'inflation des coûts d'impression des bulletins de vote.

Par ailleurs, les coûts complets des opérations électorales continuent de n'être pas perceptibles, le programme 232 s'abstenant toujours de chiffrer la dépense fiscale à titre des dons aux partis et aux candidats tandis que les coûts exposés par les collectivités territoriales sont également ignorés. De ce point de vue, les conditions de l'élection européenne avec un nombre de candidats reflétant la fragmentation de la vie politique ont particulièrement sollicité les maires et leurs équipes (obligés de mettre à disposition des espaces de propagande électorale) sans qu'il soit permis de prévoir les prolongements d'une situation difficile.

Le supplément de charges d'organisation des élections par rapport aux prévisions n'a pas conduit à une surexécution des crédits. Mais les dettes du programme n'ont pas été toutes honorées. Il en est allé ainsi pour les remboursements des frais de campagne qui sont à sa charge du fait des délais d'instruction des comptes de campagne.

Les délais nécessaires au remboursement forfaitaire des dépenses électorales des candidats sont susceptibles de varier en fonction des élections, les délais imposés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) pour arrêter ses décisions et des contestations de l'élection étant également susceptibles de varier selon les circonstances de fait.

Les délais imposés à la CNCCFP pour arrêter ses décisions
sur les comptes de campagne des candidats aux élections (hors présidentielle)

Le délai dont dispose la commission pour se prononcer sur un compte est différent selon le type d'élection et selon que le scrutin a fait ou non l'objet d'une contestation devant le juge de l'élection.

Si l'élection a fait l'objet d'une contestation, quel que soit le motif de la contestation, la commission dispose d'un délai de deux mois décompté à partir de l'expiration du délai légal de dépôt des comptes de campagne des candidats présents à ce scrutin.

En revanche, si l'élection n'a pas fait l'objet de contestation, la commission dispose d'un délai de six mois à compter, cette fois, de la date de dépôt du compte du candidat.

En ce qui concerne les élections européennes, le délai de dépôt des comptes de campagne a été fixé au 2 août 2019 pour un scrutin ayant eu lieu le 26 mai 2019. La date limite d'arrêté des décisions sur les comptes de campagne était le 2 décembre 2019, du fait de l'existence de plusieurs recours contentieux formés devant le Conseil d'État.

Le principal scrutin de 2019 a été l'élection des représentants au Parlement européen. Pour cette élection, les candidats ayant obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés sont éligibles au remboursement forfaitaire de leurs frais de campagne. L'élection de 2019 s'est déroulée dans un contexte de circonscription nationale unique avec 34 listes en compétition, soit un record. Le plafond de dépenses avait été fixé à 9,2 millions d'euros par liste. Vingt listes ont été tenues de déposer leurs comptes de campagne, un certain nombre d'entre elles s'en dispensant ou ayant effectué leur dépôt hors délai (4). Une liste a vu son compte de campagne rejeté par la CNCCFP.

Au total, cette dernière après avoir approuvé sans réformation quatre comptes de campagne et avec réformations douze comptes de campagne a réduit le financement forfaitaire de l'État pour quatre listes.

Le remboursement forfaitaire a été arrêté à 25,7 millions d'euros 20 ( * ) au bénéfice des huit listes ayant atteint le seuil des suffrages exprimés conditionnant le remboursement 21 ( * ) .

En attente du compte rendu d'activité de la CNCCFP au moment de l'examen du projet de loi de règlement, il est impossible de fournir le détail des décisions de la commission.

Le rapporteur spécial suggère que cette dernière s'applique à publier un recueil de ses décisions en bon temps à l'avenir.

En toute hypothèse, le remboursement forfaitaire n'interviendra qu'en 2020.

4. Des modifications de crédits d'ordre qui modifient l'image de la répartition des moyens entre les différentes actions du programme 307

Appréciées à partir de leur valeur nette, les mesures de l'exercice 2019 conduisant à adapter les crédits ouverts en loi de finances initiale peuvent sembler d'une relative d'importance. Elles ont le mérite d'être formalisées, ce qui n'est pas le cas des modifications « existentielles », qui demeurant internes à chaque programme et ne nécessitent pas de formalisation particulière.

Le rapporteur spécial avait mis en évidence l'ampleur de certains ajustements auxquels il avait été procédé l'an dernier à la suite du constat d'erreurs de ventilation des moyens du programme 307 entre les différentes actions qu'il retrace.

Au vrai, la maquette budgétaire de ce programme est loin d'être satisfaisante : les 1 732 millions d'euros de dépenses dont il est le support sont répartis en cinq actions dont une seulement peut, à la limite, être considérée comme suffisamment déterminée du point de vue fonctionnel et opératoire pour se voir attribuée des moyens identifiables. Pour le reste, chaque action est susceptible de rattachements de moyens plus ou moins exacts.

L'année dernière, les reclassements de moyens avaient eu des effets importants.

La « mise en ordre » effectuée à l'occasion du règlement du budget 2018 avait conduit à modifier l'image de la répartition des moyens affectés à chaque action. L'action de délivrance des titres en était ressortie comme nettement moins dotée en personnels que dans les restitutions antérieures. C'est l'inverse qui se constatait pour la coordination de la sécurité de la personne et des biens et pour le contrôle de légalité.

Le projet de loi de règlement sous revue témoigne à nouveau de modifications sensibles, dont il n'est pas sûr qu'elles correspondent à des réalités fonctionnelles.

Répartition du plafond d'emplois par action en 2018

Source : rapport annuel de performances 2018

Répartition du plafond d'emplois par action en 2019

Source : rapport annuel de performances pour 2019

L'absence d'une comptabilité analytique réellement charpentée se fait ici sentir.

En bref, la spécialisation budgétaire du programme est insuffisamment caractérisée, ce qui conduit à des décompositions erratiques.

Dans ces conditions, l'analyse des choix d'allocation de moyens se trouve désarmée et la pauvreté informative de la maquette de performances n'offre pas de recours. Les indicateurs opérationnels ne sont certes pas inexistants, mais de nombreuses fonctions mises en oeuvre par l'État territorial sont dépourvues de tout élément de mesure.

Les 450 millions d'euros consacrés au pilotage territorial des politiques gouvernementales ne sont couverts par aucun indicateur de performance. Quant à des dimensions pourtant fortes des missions accomplies par les préfectures, dans le domaine de l'accueil des étrangers notamment, elles ne sont pas identifiables du point budgétaire et ne font l'objet d'aucune mesure de leurs performances.

Le programme 307 en tant que support d'une information sur les moyens et les résultats de l'État territorial est ainsi trop défaillant pour qu'on puisse lui attribuer la qualité d'instrument d'une vraie démocratie budgétaire.

Les ajustements de moyens entre actions se traduisent par des taux d'exécution des dotations disponibles pour certaines actions du programme 307 «déconcertants».

Toutes les actions sont concernées, les taux de consommation des crédits prévus au titre de la coordination de la sécurité des personnes et des biens d'un côté, de la réglementation générale, de la garantie de l'identité et de la nationalité ainsi que de la délivrance des titres, de l'autre, du pilotage territorial des politiques gouvernementales étant très éloigné d'un taux théorique, cette situation valant aussi, enfin, à un moindre titre, pour le contrôle de légalité.

Taux de consommation des crédits des différentes actions
du programme 307 en 2019

Source : commission des finances du Sénat

De façon générale, le responsable de programme tend à faire valoir les besoins de l'accueil des étrangers comme la source des difficultés apparues en gestion tant pour le programme 307 que pour le programme 216. Il est regrettable que cet aspect important du plan de charges des préfectures ne soit pas isolé.

En tout cas, le rapporteur spécial remarque que les ponctions subies de ce fait par différentes actions du programme, qui témoignent d'une sous budgétisation initiale des moyens, n'ont pas également impacté les différentes actions.

En particulier, le taux d'exécution de l'action n° 1 du programme ressort comme très supérieur aux prévisions. Pour cette action, qui ne porte que des crédits de personnel, 50 millions d'euros de plus que prévu (près de 30 % de la dotation initiale) ont été dépensés. Ce surcroît de dépenses ne s'est pas traduit par une amélioration des résultats atteints dans le cadre des objectifs documentés par le dispositif de performances. Les justifications apportées sont impalpables. Il est question de l'effet des manifestations exceptionnelles de 2019 (mais l'impact « gilets jaunes » n'aurait été que de l'ordre de 5 millions d'euros sur le programme 307) ; il est également mentionné que le suivi du G 7 de Biarritz aurait engendré des dépenses non prévues.

Sans doute doit-on attribuer à l'itinérance mémorielle du Président de la République dans l'Est de la France fin 2018 un certain nombre de frais. Des informations complémentaires seraient utiles sur ce point.

En toute hypothèse, le rapporteur spécial souhaite que le ministère de l'intérieur justifie avec plus de précision les écarts entre prévisions et dépenses.

La sur-consommation des dotations de l'action n° 1 a pesé sur les moyens de l'action de délivrance des titres sécurisés, ce qui a sans doute beaucoup joué sur la profonde dégradation des performances de cette action.

Elle a également entraîné une sous-consommation des crédits prévus au titre du pilotage territorial des politiques gouvernementales (un déficit de dépenses de plus de 12 %).

En revanche, les moyens du contrôle de légalité ont été préservés sans pour autant que la mise à niveau nécessaire ne soit acquise (les dépenses ont augmenté de l'ordre de 5 millions d'euros par rapport à 2018) alors qu'ainsi qu'il a été, encore tout dernièrement, rappelé par le rapporteur spécial 22 ( * ) les besoins sont très significatifs.

La perspective du développement du rescrit préfectoral imposera un véritable aggiornamento sur ce point.

5. Une gestion des fonds de concours et des attributions de produits qui suscite la perplexité

Il convient d'ajouter à ces modifications des crédits de la loi de finances initiale celles résultant des fonds de concours et des attributions de produits qui atteignent un niveau élevé pour la mission AGTE, tout particulièrement pour le programme 307.

Or, les modalités de gestion de ces apports suscitent une certaine perplexité.

Les rattachements de fonds de concours et attributions de produits (71 millions d'euros en comptant les reports de crédits de fonds de concours de l'année 2018) complètent les moyens du programme, en les majorant de 4,3 %.

Il apparaît que plus de 15 millions d'euros de cette masse n'ont pas été employés en 2018. Ceci traduit un taux de non consommation de plus de 20 %, qui est en soi excessif.

Plus qualitativement, il apparaît que les ressources correspondant à cette sous-consommation concernent assez régulièrement des financements européens par le FEDER correspondant à des projets de développement territorial dont l'exécution appelle une totale rigueur.

Les reports constatés sur ces interventions européennes suscitent à cet égard une certaine inquiétude et pourraient n'être pas étrangers aux difficultés rencontrées par le France pour mobiliser les ressources du budget européen auxquelles elle apporte une contribution nette élevée.

Une autre partie, importante, concerne des versements de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) censés couvrir des frais engagés par le ministère de l'intérieur dans sa contribution aux opérations conduisant à la production des titres sécurisés.

Le phénomène de non-consommation sur ces dernières ressources apparaît récurrent, les exercices budgétaires se concluant par des reports systématiques, ce qui conduit à s'interroger sur le niveau des produits versés par l'ANTS, dans le cadre de ses relations financières avec le ministère, notamment au titre de la carte nationale d'identité (CNI) et sur le niveau effectif des dépenses occasionnées, pour le programme, par la production des titres sécurisés.

On rappelle que l'ANTS est financée par des droits de timbre, qui sont des recettes fiscales. Il ne faudrait pas que la situation décrite plus haut corresponde à une affectation de recettes fiscales déguisée.

En toute hypothèse, le rapporteur spécial s'interroge sur la justification de l'estimation des coûts de l'intervention du ministère de l'intérieur dans les opérations de gestion de la carte nationale d'identité, estimation sur laquelle il souhaiterait disposer d'informations détaillées.

De façon plus incidente, le rapporteur spécial estime qu'à l'aune des événements en cours, la fiscalité indirecte des titres sécurisés mériterait de faire l'objet d'une modulation pour tenir compte de la relative dévalorisation des capacités que plusieurs de ces titres offrent à leurs titulaires.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE INFORMATION BUDGÉTAIRE LARGEMENT PERFECTIBLE

L'information budgétaire fournie présente des lacunes tant sur les ressources et les charges que du point de vue de la performance.

Des données financières qui mériteraient d'être explicitées sont livrées sans explication, même succinctes.

Quant à la performance, la mission comporte trois programmes assortis chacun d'objectifs suivis par des indicateurs (7 objectifs et 18 indicateurs au total).

Outre que, pour nombre d'indicateurs de performances, les résultats faisant l'objet d'un suivi échappent à la prise du responsable de programme, de nombreux indicateurs ressortent comme peu significatifs tandis que des objectifs primordiaux ne sont pas couverts par le suivi de performance.

Le rapporteur spécial expose ci-après quelques exemples parmi d'autres des difficultés rencontrées.

1. De nombreuses données financières font l'objet d'une information excessivement sommaire

Comme c'est la règle, la lecture du RAP pour 2019recèle de nombreux exemples où l'explicitation attendue des opérations financières qu'il décrit, la « justification au premier euro », est absente.

En matière de recettes, on relèvera, par exemple, la mention de plus de 1,7 million d'euros (contre 5 millions d'euros en 2017) d'attribution de produits correspondant à la vente des informations publiques issues du fichier tenu dans le cadre du système d'immatriculation des véhicules (SIV). Celui-ci correspond aux données nécessaires à l'immatriculation des véhicules. Il s'agit donc d'un fichier destiné à délivrer des titres sécurisés, dont il est pour le moins surprenant d'apprendre sans plus d'autres informations qu'il fait l'objet d'opérations commerciales. L'exploitation commerciale des données fournies par les usagers et traitées par le ministère de l'intérieur, sans doute à destination des concessionnaires automobiles qui, à leur tour, font payer le service de délivrance des certificats d'immatriculation à leurs clients appelle un supplément d'informations, qui permettraient, par exemple, d'en présenter les conditions et d'expliquer les raisons pour lesquelles sa contrevaleur semble connaître des évolutions heurtées (- 66 % de produits en 2018 par rapport à 2017).

Quant aux dépenses, il aurait été pour le moins justifié d'expliciter l'impact sur les charges de la mission d'évolutions a priori remarquables soit par leur nature, soit par leur ampleur. Il en va ainsi de la mise à la charge de la mission des dépenses nécessaires au fonctionnement de la commission du contentieux du stationnement payant, qui élargit le périmètre de la mission sans que l'effet budgétaire de cette extension ne soit isolé.

Mais, l'on pourrait également mentionner l'absence de toute information sur les dépenses fiscales concourant au financement de la vie politique. La réduction d'impôt accordée aux personnes consentant des dons et acquittant des cotisations aux partis politiques (article 200 du code général des impôts) continue à être ignorée par la documentation budgétaire alors qu'elle représente des transferts publics d'un montant très significatif.

2. La mission AGTE, une entorse à la spécialisation budgétaire qui s'aggrave du fait de la disparition des informations permettant d'apprécier la destination effective des crédits

La loi organique relative aux lois de finances a entendu préserver le principe de spécialité budgétaire, son article 7 posant à ce titre plusieurs normes régulatrices. Ainsi du I de l'article qui énonce qu'une « mission comprend un ensemble de programmes concourant à une politique publique définie » et encore qu'un « programme regroupe les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d'actions relevant d'un même ministère et auquel sont associées des objectifs précis, définis en fonction de finalités d'intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l'objet d'une évaluation » .

Le moins qu'on puisse dire de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » est qu'elle est très éloignée de satisfaire la lettre et l'esprit de ces dispositions organiques, dont le sens est d'aboutir à une nomenclature budgétaire garantissant les conditions d'une décision éclairée des autorités budgétaires, au premier rang desquelles se situe le Parlement, mais aussi une gestion des politiques publiques rigoureuse.

Il y a lieu de considérer certains des prolongements pratiques de cette contravention aux règles les plus éminentes s'appliquant aux finances publiques.

De ce point de vue, la mission AGTE apparaît, à bien des égards, comme une mission « réservoir ».

Elle regroupe des crédits destinés à financer moins des politiques publiques bien identifiées que des structures administratives chargées de surcroît de missions souvent très générales (comme l'intitulé de la mission l'indique assez) dont l'identification présente certaines difficultés. Par ailleurs, nombre des moyens rattachés à la mission sont en réalité redéployés vers d'autres missions tandis qu'au sein du programme 307 une action rassemble des dotations dites « d'animation et de soutien du réseau » qui ont vocation à être réparties entre d'autres actions du programme.

Ces caractéristiques de la mission AGTE sont autant d'obstacles à l'analyse budgétaire des politiques proposées et exécutées par le Gouvernement. Elles sont appelées à se renforcer à partir de 2020 dans le cadre du rattachement d'un volume élevé de moyens auparavant rattachés au programme 303 et à divers programmes de missions ministérielles. On rappelle que ces facteurs d'obscurité étaient tempérés par l'indication des emplois effectifs des crédits à partir du suivi des crédits déversés à partir de la mission vers d'autres missions (ou, au sein de la mission, entre programmes), les principaux déversements s'effectuant au profit de la mission « Sécurités » (559 millions d'euros), « Immigration, asile et intégration » (37,7 millions d'euros), « Outre-mer » (38,8 millions d'euros) et « Relations avec les collectivités territoriales » (10,8 millions d'euros). On rappelle ici que l'écart entre les consommations de crédits de la mission AGTE et ses dépenses complètes, une fois les déversements de crédits pris en compte, s'était élevé en 2017 à 501,6 millions d'euros, 16,7 % des emplois de crédits de la mission se trouvant consacrés à des politiques publiques prises en charge en dehors du champ propre de la mission AGTE.

Cette information, pourtant minimale, n'est plus fournie.

Il s'agit d'une régression qu'il convient d'autant plus de corriger que la maquette budgétaire à venir est de nature à renforcer l'opacité.

3. La maquette de performance du programme 307 s'étiole de plus en plus et rend de moins en moins compte des priorités assignées au réseau préfectoral

Le programme 307 « Administration territoriale », qui, jusqu'en 2015 affichait cinq objectifs, n'en affiche plus que quatre (un de plus que l'an dernier).

En 2016, l'objectif d'amélioration de la coordination des actions interministérielles avait cessé de faire l'objet d'un suivi en loi de finances.

En 2017, le suivi du développement des actions de modernisation et de qualité des préfectures, en lien avec l'affaiblissement des relations directes entre usagers et entités du réseau, avait été abandonné. Il réapparaît dans le rapport annuel de performances 2019. Cependant, il est d'une extension limitée, ne couvrant que les entités accueillant des CERT faisant l'objet d'une démarche de labellisation, dont il serait souhaitable qu'elle soit présentée tant pour les références appliquées que du point de vue du processus de labellisation lui-même.

Cet exposé présenterait d'autant plus d'intérêt que l'information ordinaire sur les performances de l'État territorial est faible.

Alors même que la période a été marquée par des initiatives, présentées comme fortes, pour redéfinir les missions du réseau, l'information budgétaire se réduit à la portion congrue, semblant traduire une difficulté majeure à passer d'un discours général volontariste sur les principes à l'affirmation, plus substantielle, d'objectifs concrets.

Le rapporteur spécial avait regretté que les objectifs développés dans les directives nationales d'orientation des préfectures et sous-préfectures ne soient que très lointainement documentées dans les exposés budgétaires. Des actions du programme 307, en particulier, celle relative à la coordination des politiques publiques est hors du champ de la maquette de performances.

Le rapporteur spécial avait recommandé qu'un effort soit conduit pour que les objectifs opérationnels définis dans le cadre des orientations fixées au réseau préfectoral trouvent une traduction permettant d'enrichir une information budgétaire qui doit pouvoir saisir de façon réaliste les réformes entreprises et les orientations données aux moyens financés par le programme d'administration générale territoriale de l'État.

Cette recommandation laissée sans aucune suite doit ici être renouvelée. Il faut ajouter qu'il serait justifié de réserver une partie du dispositif de performances à la restitution des objectifs et des résultats obtenus par les structures alternatives (les maisons France Services auxquelles l'État souhaite donner un nouvel élan).

Quant aux indicateurs de suivi, au nombre de dix-huit au niveau des sous-indicateurs, certains d'entre eux laissent, pour le moins, à désirer.

Sur ce point, on ne peut que répéter qu'il serait utile que les indicateurs de gestion selon lesquels le responsable de programme apprécie les résultats obtenus, dont l'exhaustivité est nettement plus satisfaisante que celle qui caractérise l'information fournie au Parlement, soient indiqués dans les documents de restitution budgétaire.

Quant à des critères plus qualitatifs, on rappelle que certains indicateurs suivent des données dont la réalisation n'incombe qu'en partie au responsable du programme. Ainsi en va-t-il de l'élaboration des plans communaux de sauvegarde.

Surtout, d'autres fournissent des indications à la faible significativité et susceptibles d'induire des conclusions hâtives, voire erronées.

Dans ce sens, le rapporteur spécial avait indiqué que, selon lui, le suivi de la détection des fraudes documentaires par les préfectures était certainement sensible à un « effet lampadaire », son interprétation comme témoin de l'efficacité administrative devant être considérée comme soumise à trop d'incertitudes pour qu'il puisse être jugé comme représentatif de celle-ci. Le rapport annuel de performances de l'exercice confirme à sa manière les ambiguïtés évoquées par le rapporteur spécial. Les services chargés de suivre l'indicateur de performance ont pris l'habitude de décompter leur activité en ce domaine dès qu'une suspicion de fraude leur venait à l'esprit. Ce faisant, ils s'inscrivaient dans la logique de la définition de l'indicateur tel qu'elle figure dans le RAP. Or, ce même RAP indique qu'une méprise s'est produite, les services étant priés de n'informer l'indicateur qu'en cas de suspicion de fraude avérée. On se rapproche ainsi d'une notion de « détection », plus rigoureuse que celle de simple suspicion. Il faut souhaiter que ces instructions plus précises permettent de disposer d'une image plus exacte de la capacité du processus de délivrance des titres sécurisés à combattre la fraude documentaire. Quoi qu'il en soit, on relèvera qu'en accord avec la modification de la définition des cas à ranger sous l'étendard de la lutte contre la fraude, le niveau de l'indicateur s'est trouvé considérablement diminué, passant d'une cible de 0,27 % à une cible de 0,08 % (0,9% en 2019).

Cela étant précisé, il reste que, dans le dispositif de suivi de la performance tel qu'il est, rien n'est dit sur les suites données aux constats de fraude si bien que l'orientation, pourtant prioritaire, donnée aux services dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération (PPNG) d'améliorer la détection des fraudes ne fait l'objet que d'une évaluation sommaire dans les documents budgétaires.

De leur côté, les indications données sur la performance atteinte dans le domaine de la délivrance des titres sécurisés avaient été améliorées, mais sont appelées à subir une prochaine détérioration. Les critiques qu'on leur avait ici adressées venaient de ce qu'elles portaient, non sur les délais de traitement des dossiers présentés par les demandeurs, mais sur le nombre des préfectures parvenant à traiter ces demandes en moins de 15 jours, méthode susceptible d'écraser les écarts de performances. Le suivi du délai moyen de délivrance des permis de conduire, de la carte nationale d'identité et du passeport biométrique permet d'atténuer cet effet d'écrasement. Toutefois, il ne l'évite pas tout à fait dans la mesure où présentant une performance moyenne, il ne restitue ni les très bons résultats parfois obtenus, ni les temps d'attente manifestement excessifs supportés en certains points du territoire et dans certaines circonstances de temps.

Dans ces conditions, il serait justifié pour disposer d'une vision plus juste des performances des services de disposer d'information sur la dispersion des délais subis par les usagers, dont le rapporteur spécial avait pu relever la grande diversité, selon les situations locales et les périodes de l'année. De la même manière, il convient de compléter les indicateurs de suivi de la performance des services chargés de délivrer les titres sécurisés en élargissant le champ des titres considérés à chacun d'entre eux.

Hélas, le rapporteur spécial relève un choix devant aboutir à dégrader l'information sur les performances des prestataires de services des titres sécurisés puisqu'il a été décidé de « sortir » de l'indicateur les délais n'incombant pas aux services instructeurs mais pouvant être imputés aux phases de la fabrication et de l'envoi des titres. Que l'administration souhaite isoler les délais mis par les CERT à instruire les dossiers est légitime (au demeurant c'est une information qui peut avoir son utilité en soi pour les parties prenantes, parmi lesquelles les parlementaires intéressés par ces questions), mais qu'elle fasse disparaître les délais des autres phases du processus de délivrance des titres relève d'une tentative malheureuse de gommer par le moyen d'une sorte de poudre de perlimpinpin des dysfonctionnements administratifs éprouvés par les usagers. Ce n'est pas en creusant le fossé entre la restitution des actions publiques et leur perception par les Français qu'on rétablira la confiance dans l'action publique.

Enfin, et sans préoccupation d'exhaustivité, force est d'observer que le suivi du contrôle de légalité par la mesure d'un taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture peut être affecté par des ruptures de champ. On sait que la dimension des actes prioritaires a fortement varié dans le temps. Les rapports annuels de performances successifs en témoignent qui rendent compte de la variabilité quantitative des actes reçus d'une année sur l'autre, mais aussi de la modulation des contrôles en fonction de choix locaux au demeurant très contraints. Ajoutons qu'un indicateur purement quantitatif ne saurait saisir la qualité du contrôle, qui est évidemment essentielle.

Sur ce point, un indicateur portant sur les prolongements donnés aux contrôles effectués par les services devrait être publié.

4. La maquette de performance du programme 232 est réductrice

Le suivi de la performance du programme repose sur un seul et unique indicateur, le coût moyen des différentes élections par électeur inscrit sur les listes électorales. Il n'offre aucun moyen tangible d'apprécier les résultats de l'action du responsable du programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative ».

L'indicateur suivant les délais de publication des comptes des partis politiques, qui offrait une indication, trop partielle (le délai de traitement des comptes de campagne des candidats aux élections politiques n'était pas appréciable) mais utile, sur les conditions de mise en oeuvre de la mission attribuée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ne figure plus dans la maquette de performance.

Au demeurant, aucune information n'est fournie sur les performances de la CNCCFP, qui pourraient, par exemple, être envisagée à partir de l'issue des contentieux que peut susciter son activité.

Il faut concéder que les résultats tels qu'ils sont appréhendés ne dépendent pas exclusivement, loin de là, du responsable de programme. En effet, ni les coûts des élections ni le délai de traitement des comptes des partis politiques ne sont réellement pilotés par le secrétaire général du ministère de l'intérieur.

Par exemple, le coût des élections résulte soit de circonstances électorales singulières, qui conduisent à étendre plus ou moins les remboursements effectués au profit des candidats en fonction des résultats des scrutins, soit de décisions éminemment politiques sur lesquelles le responsable de programme est sans prise. Ainsi en va-t-il, par exemple, de la dématérialisation des documents de propagande électorale, qui a fait l'objet d'une opposition systématique de la part du Parlement.

Néanmoins, des améliorations pourraient intervenir dans le sens d'une meilleure lisibilité de ce qui relève à proprement parler des services de l'État dans le coût des élections. Il serait justifié de distinguer les opérations sous leur maîtrise directe (mise sous pli et adressage de la propagande électorale notamment) des opérations qui ne font l'objet que d'un remboursement passif (impression et affichage de la propagande à la charge des candidats).

Au-delà, on peut regretter que le dispositif de suivi de la performance ne soit pas mobilisé pour être le support d'une information régulière et développée sur les conditions du financement de la vie politique et des cultes.

Il serait justifié de présenter dans ce cadre un bilan des activités de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de leurs effets sur la consommation des crédits du programme.

Une présentation systématique de la répartition des crédits allant au financement des partis politiques pourrait être réalisée, à l'occasion de la communication budgétaire (d'autant plus facilement du reste que cette donnée est publiée par ailleurs).

5. La maquette de performance du programme 216 est incomplète

Quant aux indicateurs de performance du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », pour fournir quelques indications utiles pour le suivi des éléments de la « fonction de production » du ministère, ils sont marqués par leur insuffisance.

Des améliorations sont parfois intervenues ces dernières années. Ainsi en va-t-il pour l'issue des contentieux qui n'était informée que pour celui des étrangers mais peut désormais être appréciée pour une gamme plus étendue de litiges.

Néanmoins, certains indicateurs sélectionnent sans raison évidente des données qui ne sont que partiellement représentatives du problème administratif envisagé et délaissent des données importantes.

C'est le cas dans le domaine de la gestion du personnel où manquent des données importantes sur les processus de restructuration des qualifications, de mobilité géographique ou fonctionnelle ou encore sur les éléments quantitatifs de productivité du travail. Ces lacunes sont particulièrement regrettables s'agissant d'une administration de réseau en phase de changement.

Dans sa note d'exécution budgétaire de 2018 consacrée à la mission, la Cour des comptes relevait le contraste entre le dispositif de performances publié dans le cadre de l'information budgétaire et la diversité et la richesse des outils mobilisés par le responsable de programme dans le pilotage de ses missions.

Cette observation avait pu être vérifiée par la commission des finances du Sénat dans le cadre de ses travaux sur le réseau des sous-préfectures, à propos du programme 307.

Le dispositif appliqué au programme 216 répondrait aux exigences de la direction du budget qui norme l'information à fournir sur les programmes supports des différentes missions du budget général. Ce processus n'est pas critiquable en soi, même s'il semble peu mobilisé dans les processus de détermination des choix budgétaires. Mais, il n'est pas nécessaire de réduire la documentation budgétaire aux seules exigences de la direction du budget.

Le Parlement n'est pas étranger aux préoccupations de cette direction, mais il lui serait utile de disposer, en sus, d'une image moins strictement quantitative des performances du programme 216.

Au total, un effort d'exhaustivité et de représentativité des objectifs et indicateurs de suivi des performances des actions publiques financées par la mission s'impose.

B. DES RÉSULTATS INFÉRIEURS AUX ATTENTES

Dans le contexte actuel du suivi de la performance, les résultats obtenus apparaissent pour le moins mitigés.

S'il est bien vrai que l'utilité sociale des actions financées par la mission n'est pas toujours susceptible d'être restituée par des indicateurs ponctuels, à dimension exclusivement quantitative et dont les niveaux dépendent en partie de facteurs extérieurs à l'action des responsables de programme, les indicateurs suivis n'en témoignent pas moins que les objectifs fixés ne sont pas atteints.

1. Les indicateurs de performance du programme 307 semblent traduire les difficultés certaines rencontrées dans l'accomplissement des missions évoquées, notamment dans le domaine de la sécurité civile

Des onze sous-indicateurs du programme 307, seul deux d'entre eux admettent un résultat meilleur que les attentes, les autres extériorisant des performances en deçà des cibles et trop souvent en retrait, parfois très net, par rapport à l'exercice précédent.

Cette situation n'est pas acceptable.

Les objectifs de performance du programme 307 et leurs indicateurs

Objectif de performance n° 1 : Améliorer la prévention des crises

Indicateurs :

Taux d'établissement recevant du public soumis à obligation de contrôle visités par la commission de sécurité : 94,3 % contre 91,9 % en 2018 ;

Taux d'exercice de sécurité civile réalisés dans les délais règlementaires sur les sites soumis à plan particulier d'intervention : 78,7 % contre 81,8 % en 2018 ;

Taux de préfecture ayant réalisé au moins 4 exercices dans l'année : 68,9 % contre 65,3 % en 2018.

Objectif de performance n° 2 : Optimiser les conditions de délivrance de titres fiables
et l'efficacité des services de délivrance des titres :

Indicateurs :

Taux de dossier de fraude documentaire détectés pour la carte nationale d'identité, le passeport, le permis de conduire et le certificat d'immatriculation et, pour les seules préfectures, pour les titres de séjour : 1,1 pour mille conte 0,9 pour mille en 2018 ;

Délais moyens de délivrance des titres :

Part des passeports biométriques délivrés en 15 jours : 37,3 % contre 53,2 % en 2018 ;

Part des cartes nationales d'identité mises à disposition en 15 jours : 28 % contre 58,1 % en 2018 ;

Part des permis de conduire délivrés en 19 jours : 75,3 % contre 96,6 % en 2018.

Objectif de performance n ° 3 : Moderniser et rationaliser le contrôle de légalité
et le contrôle budgétaire

Indicateurs :

Taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture : 88,7 % contre 90,4 % en 2018 ;

Taux de contrôle des actes budgétaires des collectivités locales et des établissements publics : 59 % contre 60 % en 2018 ;

Taux d'actes transmis par le système @ctes : 66 % contre 60,5 % en 2018.

Objectif de performance n°4 : Développer les actions de modernisation et de qualité

Indicateur :

Taux de préfectures certifiées ou labellisées sur le nouveau référentiel : 11 % (indicateur non renseigné en 2018)

L'an dernier, le rapporteur spécial avait tout particulièrement exprimé son souhait que les cibles des indicateurs relatifs à la sécurité civile, qui pourraient être enrichis pour tenir compte des nouvelles menaces, soient toutes atteintes.

Les explications données aux difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs fixés renvoient à des motifs difficilement palpables mais qui paraissent suggérer des problèmes sérieux de coordination des moyens de la sécurité civile et de niveaux des moyens disponibles.

Face aux fragilités de certains espaces mises en évidence par des événements tragiques, l'inadéquation des moyens et des objectifs évoquée au détour de l'information budgétaire doit susciter une réflexion d'ensemble sur une politique, qui pour ne pas réclamer toujours des moyens de haute technologie, n'en est pas moins absolument nécessaire à la sécurité de nos compatriotes et du patrimoine national.

À cet égard, l'année 2019 a été marquée par des sinistres hélas retentissants dont il faut tirer toutes les leçons.

2. La mise en oeuvre du PPNG n'a pas tenu toutes ses « promesses » et s'est accompagnée d'une dégradation de l'accessibilité des services de délivrance des titres

Parmi les échecs rencontrés en 2019, les conditions de délivrance des titres sécurisés sont affectées d'une profonde dégradation. Or, cette fonction a été au coeur du plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG) censé tirer parti des gains du numérique pour réduire l'empreinte de la mission AGTE sur les dépenses publiques, dans un processus de substitution du capital au travail, ce dernier se trouvant à la fois économisé et redéployé vers des fonctions à plus haute valeur productive.

On peut à cet égard dire en effet que le PPNG se rattachait d'emblée à une tradition gestionnaire « modernisatrice » celle des réformes structurelles.

Le rapporteur spécial n'est évidemment pas hostile à ce type de démarches. Encore faut-il qu'elles fassent la preuve de leur réussite, condition qui semble assez systématiquement dépendre d'une capacité des réformateurs à ne pas faire l'impasse sur les contraintes du réel et à ne pas passer par pertes et profits des pertes de bien-être collectif, biais assez fréquent de réformes ignorantes du non-quantitatif.

Le Conseil constitutionnel avait invalidé un article de la loi de finances pour 2019 prescrivant la remise d'un rapport sur le bilan du « plan préfectures nouvelle génération » résultant d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement et que le Sénat n'avait pas adopté pour des raisons principalement formelles tenant à son défaut d'appartenance au domaine des lois de finances 23 ( * ) .

Elles n'équivalaient pas à juger sans intérêt l'initiative de nos collègues députés d'autant que la mise en oeuvre du PPNG a d'emblée révélé des difficultés importantes, à l'image du reste de celles rencontrées plus généralement dans le processus de dématérialisation des titres sécurisés.

Il en ressortait que si le volet « suppressions d'emplois » du PPNG avait pu être mis en oeuvre moyennant les réserves mentionnées plus haut, le volet « redéploiement des emplois » n'avait pu l'être totalement.

On rappelle que le PPNG portait sur 4 000 emplois du réseau dont la partie correspondant aux emplois non supprimés devait être réallouée des opérations de guichet correspondant à la délivrance des titres, désormais abandonnées, aux missions considérées comme prioritaires : la lutte contre la fraude documentaire, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, la coordination territoriale et la sécurité.

Or, si globalement les guichets du réseau préfectoral ont bien été fermés aux usagers, les difficultés rencontrées de ce fait ont conduit à reporter la réaffectation des emplois ainsi libérés, les effectifs nécessaires devant en outre être recrutés et formés.

Au total, il était prévu, une fois armé le réseau des 58 centres d'expertise et de ressource titres (CERT) appelé à se substituer au réseau installé des préfectures et sous-préfectures dans la fonction de délivrance des titres, de positionner 603 emplois sur les priorités énoncées afin de porter les moyens consacrés à ces priorités de 2 391 ETP à 2 994 ETP à l'horizon 2020.

Les redéploiements encore à mettre en oeuvre à ce titre portaient sur un peu plus de la moitié du plan à fin 2018.

Pour 2019, le rapport annuel de performances aurait dû être l'occasion de présenter précisément les prolongements donnés effectivement au PPNG. Il n'en est malheureusement rien.

Tout juste peut-on relever que les services régionaux, qui accueillent notamment les agents des CERT (mais aussi des secrétariats généraux pour les affaires régionales et ceux des guichets uniques de demande d'asile et des plateformes de naturalisation) enregistrent une réalisation d'emplois de 3 021 ETPT contre 822 prévus en loi de finances initiale, le responsable de programme indiquant encore avoir été contraint de réduire de 20 % son recours à des agents contractuels généralement utilisés ces dernières années pour apporter leur appui au fonctionnement desdits CERT.

En regrettant que l'information fournie manque de précision, le rapporteur spécial relève toutefois que le faisceau d'indices accessibles conduit à mettre en évidence une sous-capacité d'instruction des demandes de titres sécurisés (malgré l'augmentation du nombre des dossiers traités par agent), attribuable à une plus forte viscosité de la fonction de production qu'anticipé au moment de la définition du PPNG (l'automatisation des process se heurte manifestement à des limites qui n'ont pas été alors identifiées).

Tout en prenant acte des explications de l'engorgement des services d'instruction par un pic calendaire de demandes, et étant observé que le responsable de programme tend, sans doute à raison, à faire ressortir les défaillances du système de fabrication des titres sécurisés (dont il a partiellement la charge), force est d'observer que le résultat du PPNG a été jusqu'à présent marqué par une hausse considérable du phénomène d'engorgement et par une dégradation du service rendu aux usagers, alors même que ce dernier est dans une situation contrainte et prié de contribuer de plus en plus au service public.

Que les services d'accueil des étrangers dont les dotations en effectifs appelleraient un audit, et sa publication, soient destinataires de nouveaux moyens n'a en soi rien de choquant. Mais, force est de relever que les redéploiements attendus du PPNG n'ont pu y pourvoir qu'aux dépens de la qualité de la prestation rendus aux usagers.

L'exercice 2019 en offre une « parfaite » illustration.

À cet égard, deux observations complémentaires s'imposent, la première pour faire ressortir le transfert de charges sur les demandeurs, qui, pour être particulièrement patent pour les certificats d'immatriculation de plus en plus obtenus, à frais supplémentaires auprès des réseaux privés, comprend également les coûts d'attente et de déplacement imposés aux usagers, la seconde, pour s'interroger sur le bilan de la restructuration du réseau au regard de l'objectif de sécurisation des titres.

Sous cet angle l'indicateur de découverte de la fraude documentaire ressort comme bien orienté en 2019. Néanmoins, sa construction pose un certain nombre de problèmes et, au-delà, il faut se demander dans quelle mesure les objectifs d'augmentation de la production des titres par les agents sont bien compatibles avec l`objectif poursuivi.

3. Le programme 216, comme l'an dernier, suscite des inquiétudes sur le contentieux, l'informatique et l'immobilier, mais, de plus, sur le fonds interministériel de prévention de la délinquance

En ce qui concerne le programme 216, l'un des enjeux majeurs est de mieux maîtriser les contentieux traités par le ministère.

Les cibles fixées par le dispositif de performances sont inégalement atteintes.

La performance doit cependant être appréciée en fonction de la qualité des indicateurs et des ambitions affichées qui paraissent toutes deux largement perfectibles.

Ainsi, de la cible qui fixe le taux de réussite devant les juridictions saisies à un niveau de l'ordre de 80 % qui admet un taux de « déconvenue» relativement élevé, aggravé encore en exécution puisque le taux de réussite a été inférieur à la cible (76,32 %). Ainsi également du recours systématique à des coûts moyens unitaires, indication sans doute utile mais qui ne rend pas compte du volume du contentieux.

L'exécution 2019 a été une nouvelle fois marquée par un niveau de dépenses de contentieux en excès par rapport aux ouvertures de la loi de finances initiale (87,7 millions d'euros contre 80 millions d'euros) alors même que ces dernières avaient été sensiblement « sincérisées », ce dont le rapporteur spécial se félicite.

Dépenses de contentieux prévisions et réalisations
(2010-2019)

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

Des redéploiements internes ont été nécessaires pour acquitter les charges en excès.

Les mesures adoptées pour réduire l'impact des dépenses de contentieux sur la mission sont sans aucun doute utiles. Cependant, outre qu'elles consistent pour certaines d'entre elles en des opérations relevant assez largement de l'affichage (ainsi de celles visant à affecter le poids du contentieux à des missions budgétaires alternatives), elles n'équivalent pas à une action de fond qui permettrait seule de prévenir l'inflation contentieuse.

Il est vrai qu'une telle action rencontre des difficultés contextuelles fortes du fait des principes juridiques appliqués (notamment dans les cas où la responsabilité sans faute de l'État est engagée) ou des problèmes pratiques qu'il y a à exécuter les lois, règlements et traités.

Répartition des dépenses de contentieux par domaine en 2019

Source : Cour des comptes

Le graphique ci-dessus témoigne de l'importance des « accidents » contentieux rencontrés au titre du droit des étrangers, la procédure Dublin semblant particulièrement en cause, mais aussi de la récurrente ampleur des motifs contentieux offerts par la protection juridique des fonctionnaires et par les refus de concours de la force publique.

Le rapporteur spécial souhaite à cet égard que le ministère de l'intérieur n'adopte pas une ligne de gestion de ces dernières dépenses reposant sur la considération des enjeux financiers. Elle aboutirait à trier le devoir de protection par la force publique en fonction d'enjeux financiers ce qui contreviendrait à l'égale droit à la protection de la force publique.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur spécial avait interrogé le ministre de l'intérieur sur les prolongements possibles des désordres survenus à l'occasion de l'épisode dit des « gilets jaunes ».

Un supplément de charges de 5,5 millions d'euros a été identifié à ce titre en 2019 sur le programme 216. Un provisionnement d'un peu plus de 27 millions d'euros a été de surcroît prévu pour les années à venir, dont le montant pourrait être inférieur au nécessaire puisqu'il ne prend pas en compte certains dommages à forts enjeux.

Quant aux systèmes informatiques, l'année 2019 a été marquée par une augmentation des charges correspondantes (+ 6,8 millions d'euros, soit + 9,4 %). Néanmoins, le niveau des dépenses informatiques a été en 2019 inférieur à celui atteint en 2017, année où elles avaient littéralement explosé. Les dépenses de 2019 ont été en-deçà de la prévision, une sous-consommation de près de 13 millions ayant été constatée (un déficit de consommation de 14 %). L'efficience informatique est suivie à travers un indicateur d'indisponibilité de 33 applications jugées sensibles par un indicateur de coût par agent et de nombre de postes bureautiques. La significativité de ces indicateurs est médiocre. Si le nombre d'heures d'indisponibilité apparait en baisse c'est sans doute du fait d'une modification de l'indicateur qui n'a pas pu être actualisée pour les années antérieures. Quant au coût par agent, il varie selon le rythme des engagements de nouveaux programmes. À cet égard, le décalage dans le temps de la réalisation du réseau radio du futur (annoncé par le Président de la République dès le 18 octobre 2017) a pu peser sur la valeur de l'indicateur.

Quant au nombre de postes bureautiques en déficit d'environ 7 000 par rapport à l'objectif avec 190 565 postes déployés pour environ 292 000 agents il ressort comme relativement élevé compte tenu des missions des agents. Mais, il laisse malgré tout environ 100 000 agents sans accès numérique personnel et l'indicateur mériterait d'être complété par des considérations plus qualitatives. Les dépenses d'achats de postes et de licences (4,2 millions d'euros en 2019) ne représentent qu'une faible part des dépenses informatiques du ministère pour l'essentiel consacrées aux infrastructures des réseaux. Elles n'augurent pas d'un taux de renouvellement des matériels suffisant. On relèvera encore que les besoins de la mission « Immigration, asile et intégration » ont réduit le disponible accessible pour consolider le « capital « informatique du ministère.

Quant au « réseau radio du futur », si 5,3 millions d'euros ont été disponibles, on rappelle que le projet a été estimé à 166,3 millions d'euros. Compte tenu de la propension au dérapage des grands projets de cette sorte, il y a lieu de s'inquiéter de ses effets sur les charges du programme 216 ou, en cas d'arbitrages, sur l'impact qu'il pourrait exercer sur d'autres dépenses informatiques ou autres qui subiraient alors un effet d'éviction.

De la même manière, la maîtrise des opérations immobilières, dont les indicateurs varient avec une forte ampleur d'une année sur l'autre, semble perfectible au vu des dépassements de délais et de budgets dont ces indicateurs témoignent. Les dépenses ont diminué de 14,8 millions d'euros (- 10 %) évolution à la significativité relative, le taux de sous consommation des crédits disponibles étant de l'ordre de 2,6 points de pourcentage. L'action a compensé la sous budgétisation des besoins de la fonction d'accueil des étrangers et elle a été marquée par le décalage de projets de maintenance lourde. Dans le même temps, la Cour des comptes relève qu'une charge « externalisée » au compte d'affectation spéciale immobilier devra être assumée par la mission dans des conditions restant à définir.

On ne saurait oublier, par ailleurs, les interrogations sur l'état des emprises immobilières des préfectures et des sous-préfectures et leur niveau d'utilisation, qui relèvent du programme 307. La constitution de CERT a tendu à polariser les dépenses au détriment de l'entretien d'un patrimoine qui est souvent mis à disposition par les collectivités territoriales ; quant aux conditions immobilières devant permettre l'ouverture des centaines de « Maisons France Service » annoncées par le Premier Ministre, si elles devraient mobiliser l'immobilier du réseau, elles demandent à être éclaircies, notamment d'un point de vue budgétaire.

Le rapporteur spécial observe enfin que le bouclage financier de programme 216 a fortement sollicité le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). La sous-exécution atteint 16 millions d'euros, soit plus de 22 % de la dotation initiale, dans un contexte où le fonds a été plus mobilisé que prévu par les actions visant à prévenir les violences faites aux femmes (11,9 millions d'euros contre une dotation de 7,9 millions d'euros). En revanche, les actions en faveur des jeunes ont été moins consommées que prévu (10,7 millions d'euros contre 12,5 millions d'euros). Comme ces actions visent notamment à lutter contre le décrochage scolaire, il y a lieu d'imaginer qu'elles seront fortement sollicitées en 2020, le rapporteur spécial tendant à souhaiter qu'un programme ambitieux puisse être mis en place rapidement sur ce point.

La sous consommation des crédits a principalement touché les transferts aux collectivités territoriales au titre des équipements de vidéo-surveillance et de confortement des polices municipales. Les établissements scolaires ont été particulièrement impactés alors même que de graves faits portant atteinte à la sécurité des élèves et des enseignants, régulièrement relatés par les médias, paraissent objectivement constitués.

Le rapporteur spécial souhaite que l'efficacité des opérations financées par le FIPD fasse l'objet d'une évaluation et que le dispositif de performances lui consacre quelques indicateurs. Parmi ces derniers, en première approximation, il serait utile de pouvoir disposer d'éléments d'information sur l'efficacité des polices municipales ayant bénéficié d'un soutien mais encore d'un relevé des faits délictueux et criminels identifiés par les opérations de vidéo-surveillance. D'un point de vue plus financier, un audit des conditions de délégation des subventions du FIPD devrait être effectué et remis au Parlement.

C. UNE CONTRAINTE D'EMPLOIS QUI POSE PROBLÈME

Comme on l'a relevé, la mission AGTE n'appartenait pas au groupe des missions prioritaires défini par la précédente loi de programmation pluriannuelle des finances publiques sous l'empire de laquelle la mission se trouvait encore en 2017.

Même si cette catégorie ne figure plus explicitement dans la nouvelle loi de programmation, les faits parlent d'eux-mêmes : la mission AGTE est appelée à contribuer plus que d'autres aux économies de dépenses budgétaires retracées dans la nouvelle loi de programmation pluriannuelle à l'horizon 2022.

À l'échéance de 2020, elle devra à nouveau réduire ses dépenses.

Or, outre que cette mission finance des interventions régaliennes essentielles, elle se trouve confrontée quotidiennement aux contraintes les plus urgentes du moment. Elle est ainsi sollicitée pour améliorer la sécurité des Français et pour fournir une réponse adaptée à des flux d'immigration en forte hausse, et qui présentent des difficultés particulières de traitement. Ainsi en va-t-il, par exemple, dans le domaine de l'asile.

L'exécution pour 2019 illustre certains des problèmes suscités par une telle situation. On a indiqué qu'elle avait été marquée par des allégements considérables de l'emploi mobilisé pour assurer la mission de délivrance des titres sécurisés. Certes, on peut se réjouir que l'emploi public puisse se trouver flexibilisé afin de pouvoir répondre à des besoins transitoires. Néanmoins, la réduction évoquée ne peut nullement être considérée comme reflétant une diminution des besoins. Les performances atteintes en attestent. En réalité la gestion de l'emploi concerné a répondu à des strictes exigences financières ; ce fut une flexibilité par contrainte et non par objectif.

Une telle politique conduit à des facilités qui peuvent être très contreproductives, tant pour les usagers que pour les missions mêmes du ministère. Outre que la flexibilité a un coût puisqu'elle charge les allocations de retour à l'emploi, les contrats précaires peuvent être moins efficaces, étant systématiquement moins formés. Il serait intéressant de mesurer ce que les dépenses de contentieux doivent à ce déficit. De surcroît, l'habitude d'y recourir risque de finir par décourager les candidatures à des postes de travail réputés peu stables.

La sous-exécution du plafond d'emplois du programme 307, qui s'est dégradée en 2019, pourrait en être un signal faible.

D'un point de vue de la programmation fonctionnelle, il est fort peu satisfaisant que la distribution des ressources humaines puisse faire l'objet d'une attention « flottante » au prétexte qu'en cas de nécessité des marges de manoeuvre seraient mobilisables. Elles ne le sont jamais sans dommage pour la qualité des missions.

Autrement dit, le rapporteur spécial, tout en admettant l'utilité d'une certaine flexibilité souhaite qu'elle ne soit pas l'occasion d'un relâchement de l'attention prêtée à un bon calibrage des fonctions de production propres aux différentes missions accomplies.

À cet égard, il est probablement heureux que les recrutements effectués pour assumer la politique de l'accueil aient pu prendre une forme plus solide en 2019 que lors des années précédentes. Un impeccable professionnalisme s'impose en effet, ici comme ailleurs.

Cependant, le rapporteur spécial s'inquiète d'ores et déjà des conditions dans lesquelles les emplois des Maisons France Services seront pourvus, sachant que ces unités seront appelées à prendre le relais des services de proximité (éteints désormais) des unités du réseau préfectoral.

Enfin, la répartition des emplois du programme 307 ne cesse de se déformer aux dépens des emplois de proximité, ce qui est un révélateur d'une « régionalisation » des effectifs du réseau parallèle à la « métropolisation » de la décentralisation qui accentue la perception d'un désert administratif français qui s'étend.

Répartition territoriale des emplois du programme 307 en 2018

Source : rapport annuel de performances de la mission pour 2018

Répartition territoriale des emplois du programme 307 en 2019

Source : rapport annuel de performances de la mission pour 2019

Il est plus que temps d'arrêter cette hémorragie.

D. REMÉDIER AUX SITUATIONS DE DÉBUDGÉTISATION

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur spécial a évoqué la situation prévalant dans le domaine de la délivrance des certificats d'immatriculation. Du fait de la mise en place d'un système de délégation de la plupart de ces certificats au secteur privé, un véritable marché du titre sécurisé correspondant a été créé. Il impose une charge financière aux demandeurs. Au total, 13 millions de cartes grises seraient délivrés chaque année. Moyennant un coût de 30 euros par opération (coût qui ne correspond qu'à une simple hypothèse), les demandeurs s'exposeraient à une dépense de 390 millions d'euros par an.

Le rapporteur spécial considère qu'une analyse de cette dépense devrait être mise en oeuvre, en particulier dans la situation qui prévaut actuellement.

Le récent rapport de la Cour des comptes sur la préfecture de police de Paris a identifié une situation de débudgétisation de dépenses qui devraient figurer dans le budget de la mission « AGTE » mais n'y sont pas inscrites. Il s'agit de la contribution de la Ville de Paris au fonctionnement de la Préfecture de police de Paris.

Le montant des dépenses correspondantes, qui recouvrent des dépenses de délivrance de titres sécurisés mais aussi des dépenses de fonctionnement ordinaires, est difficile à estimer, mais il pourrait avoisiner une centaine de millions d'euros.

Le rapporteur spécial souhaite que ces dépenses soient intégrées à la mission AGTE.

E. LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE REPOSE SUR DES MÉCANISMES QUI CONDUISENT À DES DÉSÉQUILIBRES PROBLÉMATIQUES

Le rapporteur spécial a présenté un rapport consacré au financement de la vie politique le 26 février dernier 25 ( * ) .

Il renvoie notamment à son analyse de la répartition des subventions attribuées aux partis et groupements politiques qui établit que ces dernières suivent une répartition marquée par une double polarisation due à la « prime présidentielle » et à la « prime majoritaire ».

L'analyse de la répartition des subventions aux partis politiques doit en, outre être, complétée par celle des transferts associés à la niche fiscale qui permet de réduire l'impôt sur le revenu (pour dons et cotisations aux formations politiques et aux campagnes électorales) dans le cadre de l'article 200 du code général des impôts.

Ces transferts doublent presque les subventions budgétées. Ils ne sont pas estimés dans la documentation budgétaire et ils sont encore moins évalués.

Le rapporteur spécial renvoie aux suggestions qu'il a été conduit à formuler pour mieux structurer l'indispensable soutien public à l'expression démocratique, suggestions qui incluent les voies et moyens de surmonter les difficultés d'accès des partis et des candidats politiques au crédit.

On relève à cet égard que l'exercice 2019 aura été l'année de baptême d'une nouvelle institution, le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques, dont la capacité à résoudre les difficultés d'accès au financement bancaire ne pourra être sérieusement appréciée que dans l'avenir.

MISSION « AGRICULTURE, ALIMENTATION,
FORÊT ET AFFAIRES RURALES »
ET COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

mm. alain houpert et yannick botrel, rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. UNE EXÉCUTION 2019 MARQUÉE PAR LA SAISIE D'OPPORTUNITÉS ET UN PARI AVENTUREUX SUR LEUR REPRODUCTIBILITÉ 89

A. UNE RÉDUCTION DE LA DÉPENSE ET UNE CONTRIBUTION AU BOUCLAGE FINANCIER DU BUDGET EN FIN D'EXERCICE 91

1. Une exécution en ligne avec les crédits ouverts par la loi de finances de l'année... 91

2. Le respect de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 mais... 93

3. Une forte réduction des dépenses par rapport à l'exercice précédent 96

B. UNE RÉDUCTION DES DÉPENSES FAVORISÉE PAR DES FACTEURS EXOGÈNES, SYMPTÔME DES DIFFICULTÉS DE MISE EN OEUVRE DE LA POLITIQUE AGRICOLE 100

1. Des facteurs exogènes 100

2. Des reports de charges : les restes à payer et les charges reportées 106

3. Une exécution qui paraît déjà grever la programmation budgétaire pour 2020 112

II. UNE STAGNATION DE L'AMBITION AGRICOLE DE LA FRANCE 113

A. LA MISSION AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES (AAFAR), UN VECTEUR BUDGÉTAIRE PERFECTIBLE 113

1. Une mission aux limites de la lisibilité et de la conformité avec la loi organique sur les lois de finances 113

2. Une information insatisfaisante sur les concours publics à l'agriculture 115

B. MALGRÉ UN IMPACT PLUS MODÉRÉ EN 2019 LES DIFFICULTÉS RÉCURRENTES D'ADMINISTRATION MÉRITENT UNE ATTENTION SOUTENUE 121

1. La charge des refus d'apurement a été considérablement allégée par rapport aux exercices précédents, mais de nouvelles déconvenues ne sont pas à exclure 122

2. Un coût d'administration élevé des interventions agricoles de la PAC 125

3. Un retour au calendrier normal de versements des aides ? 128

4. Que vont devenir les crédits d'engagement ayant fait l'objet d'un retrait ? 131

C. UN NIVEAU DE SUBVENTIONS RIGIDE DANS UN CONTEXTE MARQUÉ PAR DES CONTRAINTES ÉCONOMIQUES FORTES 132

1. La contribution des subventions aux résultats économiques des exploitations est vitale pour de nombreuses exploitations et pleinement justifiée par les caractéristiques particulières de l'agriculture française... 133

2. ... mais les interventions stagnent 135

D. DES OPÉRATEURS EN DIFFICULTÉ 139

1. La politique forestière et l'ONF 139

2. L'ASP et la modernisation de ses outils 143

3. L'ANSES, une forte augmentation des dépenses de fonctionnement ; un financement reposant de plus en plus sur une activité d'autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques au modèle problématique ; une vocation scientifique à défendre résolument 144

4. L'INAO confronté aux charges de sécuriser la différenciation qualitative des produits, une mission très compromise en 2019 147

E. LA SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, UNE POLITIQUE PUBLIQUE À CONSOLIDER 148

1. Une programme fréquemment affecté par des difficultés de programmation budgétaire qui en a connu un nouvel épisode en 2019 150

2. Une exécution budgétaire qui matérialise certains déséquilibres de l'action publique de sécurité sanitaire des aliments 152

3. Les moyens de la politique de sécurité sanitaire de l'alimentation sont illisibles et la nomenclature budgétaire ne respecte pas la loi organique relative aux lois de finances 157

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » 160

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 160

1. Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », deux programmes aux destinataires propres 160

2. Après des déconvenues récurrentes par rapport aux prévisions de recettes du compte, une meilleure anticipation, mais une charge non négligeable pour les exploitants 162

3. Un taux de consommation des crédits peu satisfaisant 166

B. AMÉLIORER LES INFORMATIONS SUR LES PERFORMANCES ATTEINTES ET RECOURIR DAVANTAGE AUX APPELS À PROJETS POUR CONTRER LA LOGIQUE D'ABONNEMENT AUX AIDES 167

I. UNE EXÉCUTION 2019 MARQUÉE PAR LA SAISIE D'OPPORTUNITÉS ET UN PARI AVENTUREUX SUR LEUR REPRODUCTIBILITÉ

La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) comprend trois programmes budgétaires distincts :

- le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » (1 767,7 millions d'euros de dépenses en 2019) correspond principalement à la composante nationale des interventions en faveur du développement rural portées au niveau européen par le FEADER mais aussi aux interventions en faveur de la pêche et de la forêt ;

- le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » (550,6 millions d'euros de dépenses en 2019) couvre pour l'essentiel, en dépit de son intitulé, des interventions visant à assurer l'intégrité des animaux et végétaux, ne réservant qu'une partie de ses interventions à la sécurité sanitaire des aliments elle-même ;

- le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » (625,5 millions d'euros de dépenses en 2019) est le programme support du ministère de l'agriculture et réunit la plupart des moyens nécessaires à couvrir les coûts de gestion des missions du ministère (hors éducation).

Par ailleurs, la mission concourt au financement d'un grand nombre d'opérateurs, principalement à partir du programme 149, sans compter un nombre difficile à déterminer de partenaires auxquels se trouvent déléguées des missions du ministère et qui sont financés par ce dernier ou directement par les exploitants agricoles.

La mission AAFAR n'est qu'un financeur second de l'agriculture française et des autres activités dans lesquelles il intervient qui bénéficient de transferts publics, mal circonscrits, mais frôlant sans doute les 21 milliards d'euros par an.

Ces dernières années, la programmation budgétaire avait été marquée par une forme d'insincérité budgétaire consistant à ne pas inscrire en loi de finances initiale les crédits nécessaires à des dépenses certaines et obligatoires et aboutissant à des bilans d'exécution très éloignés des prévisions.

De ce point de vue, les opérations relatives au budget 2018 prêtaient moins le flanc à la critique; il en va de même pour l'exercice 2019.

Ces derniers constats doivent être formulés avec toute la prudence nécessaire.

D'une part, ils reposent sur des constats affectés d'un certain « nominalisme » budgétaire national que la confrontation avec la programmation financière européenne ne conduit pas à considérer comme le dernier mot de l'exécution budgétaire. L'état de la consommation de l'enveloppe française au titre du budget européen traduit des situations de tension.

D'autre part, compte tenu de la réalité d'une base productive agricole nationale en très grande difficulté, la question de la capacité du budget agricole à seconder les grands objectifs de la politique agricole doit être posée.

De fait, ni les objectifs de revenu des exploitants, ni les objectifs de qualité des productions ne sont atteints.

La question de la qualité de la dépense agricole ne peut être éludée.

Des dépenses considérables avaient dû être supportées par la mission sans profit pour l'économie agricole, du fait de dysfonctionnements dans l'administration des interventions européennes, qui, de surcroît, avaient gravement perturbé le cours normal des paiements des aides à l'agriculture. Après avoir navigué sur les sommets d'une vague largement subie, la mission AAFAR est redescendue en 2018 vers des eaux apparemment plus tranquilles. L'exercice 2019 bénéficie, à cet égard, comme son prédécesseur d'une forme de normalisation. Son ampleur demeure sujette à caution tandis que ses ressorts sont pour certains loin d'être satisfaisants.

Plus économiquement, l'exercice budgétaire 2019, qui a été marqué par une série de valses hésitations, peut être vu comme un exercice d'affadissement de la politique agricole incarnée dans le budget ministériel, motif principal du rejet des crédits de la mission par le Sénat.

Or, l'agriculture française ne peut durablement s'accommoder d'un calme plat budgétaire que ni sa situation économique ni les transitions auxquelles elle est appelée ne justifient, transitions auxquelles il convient aujourd'hui d'ajouter l'impératif d'une plus forte souveraineté agricole et alimentaire nationale.

L'exécution des crédits de la mission avait révélé en 2018 un reflux considérable des dépenses par rapport au sommet atteint en 2017.

En 2019, le reflux se poursuit.

On doit se féliciter que les dysfonctionnements de la chaîne des paiements agricoles qui avaient lourdement pesé sur les charges de la mission aient atténué leur emprise, offrant l'aubaine d'une exécution budgétaire apparemment plus sereine.

Toutefois, la réduction des dépenses de la mission, même si elle est partiellement le résultat de modifications structurelles touchant les allègements de cotisations sociales ne peut pas être accueillie sans considération de l'impact d'une langueur des « investissements » publics dans l'agriculture française.

A. UNE RÉDUCTION DE LA DÉPENSE ET UNE CONTRIBUTION AU BOUCLAGE FINANCIER DU BUDGET EN FIN D'EXERCICE

Si globalement l'exécution des crédits a été en 2019 conforme aux ouvertures de crédits de la loi de finances initiale, la gestion de fin d'exercice a interdit la reproductibilité des conditions de cette conformité, gestion d'autant plus risquée que les crédits inscrits en loi de finances pour 2020 ne laissent que très peu de marges.

1. Une exécution en ligne avec les crédits ouverts par la loi de finances de l'année...

Les dépenses de la mission ont été en ligne avec les crédits ouverts en loi de finances initiale.

Cependant, un léger excédent de dépenses doit être constaté. Il a atteint 22,3 millions d'euros (0,8 % des ouvertures de la loi de finances) moyennant la décomposition suivante :

- 6,4 millions d'euros sur le programme 149 (+ 0,4 %) ;

- 15,8 millions d'euros sur le programme 206 (3 %) ;

- 0,1 million d'euros sur le programme 215.

Dans ces conditions, les mouvements de crédits ont été globalement modestes. Se soldant par des ouvertures nettes (60,9 millions d'euros), elles ont excédé les dépenses en surcroît par rapport aux autorisations initiales, de l'ordre de 38,6 millions d'euros.

Mouvements infra-annuels de crédits sur les différents programmes
de la mission en 2019

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

Les reports de l'exercice précédent ont atteint un niveau significatif (65,6 millions d'euros hors reports de fonds de concours) avec une concentration sur le programme 149 (+ 61 millions d'euros hors reports de fonds de concours), les opérations de fin de gestion 2018 étant plus largement considérées par la Cour des comptes comme ayant facilité le bouclage des besoins apparus en 2019 (dispositif d'allègements de cotisations sociales, dotation de 50 millions d'euros au fonds national de gestion des risques en agriculture).

Des fonds de concours ont été rattachés pour 23,1 millions d'euros (contre 16,6 millions d'euros en 2018).

La loi de finances rectificative de fin d'exercice qui a procédé à l'annulation nette de 36,6 millions d'euros (en autorisations d'engagement) et de 42,6 millions d'euros (en crédits de paiement) a, ainsi, réduit le disponible reportable sur 2020.

Cette décision doit être mise en regard de la budgétisation initiale pour 2020. Cette dernière est marquée par une modeste progression des crédits ouverts, qui avec 2 958 millions d'euros impliquent une hausse des crédits de 1,24 %, très modérée au regard des défis que doivent relever les différentes politiques publiques financées par la mission.

2. Le respect de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 mais...

La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2018-2022 inscrit les crédits de la mission sur une trajectoire fortement baissière avec des crédits ouverts en 2020 inférieurs de 340 millions d'euros par rapport au disponible de début de période.

Plafonds de crédits de paiement de la loi de programmation
des finances publiques 2018-2022


(en milliards d'euros)

Loi de finances initiale 2017

Loi de finances initiale 2017 au format 2018

2018

2019

2020

3,15

2,79

3,18

2,88

2,84

Source : loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2018-2022

Le Gouvernement avait expliqué que cette programmation serait à mettre au compte de la réorganisation des compensations de cotisations sociales passant par la substitution d'allègements de cotisations sociales accordés aux employeurs de travailleurs saisonniers aux actuelles compensations sur crédits (soit la mise en oeuvre d'une énième niche fiscalo-sociale en lieu et place des dépenses publiques basées sur les crédits du programme 149).

Les charges correspondantes s'étaient élevées en 2018 à 482,6 millions d'euros de sorte qu'à périmètre constant, en supposant devoir totalement disparaître les crédits de compensation d'allègements des cotisations sociales, cette opération laisserait disponible pour financer les autres charges de la mission une dotation de 142,6 millions d'euros en excédent des crédits ouverts en 2018, ouvrant à la perspective d'une progression de 2,5 % par an des dépenses de la mission.

L'exercice 2019 oblige à reconsidérer ces perspectives. Le Gouvernement ayant été contraint d'abandonner, au moins provisoirement, son projet de réduire les transferts aux exploitations agricoles employant des travailleurs saisonniers à l'occasion de la substitution exposée ci-dessus et engagée en 2019, une somme de 177 millions d'euros a dû être mobilisée pour faire face à des engagements (au demeurant insuffisamment budgétés - voir infra ).

Même si le principe d'une banalisation du régime des TO-DE a été consacré, avec pour horizon l'exercice 2021, principe auquel les rapporteurs spéciaux s'opposent d'autant plus fermement que les événements catastrophiques de ce printemps 2020 ont mis pleinement en évidence l'impérieuse obligation de pouvoir mobiliser une main d'oeuvre saisonnière (sans compter les nécessités du projet agro-écologique français), il va de soi que, sauf à renoncer à toute ambition agricole, la programmation pluriannuelle doit être substantiellement modifiée.

Cette conclusion illustre l'observation faite par les rapporteurs spéciaux l'an dernier pour faire valoir que la programmation pluriannuelle des crédits d'une mission aussi sensible à des aléas de gestion comme de conditions économiques des destinataires des dépenses devrait être considérée plus comme une norme régulatrice que comme une norme contraignante.

Que telle ne soit pas la lettre de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques ne conduit pas à discréditer les moyens dégagés pour asseoir l'ambition agricole de la France mais plutôt le cadre posé pour « discipliner » les finances publiques nationales (qui, par ailleurs, ne manquent pas de devoir l'être).

Au-delà de la question ponctuelle ici exposée, il conviendrait encore de tenir compte des restes à engager et à payer pour que la France puisse respecter une autre programmation financière, celle d'un poids autrement important, que loge le budget européen.

À cet égard, la documentation budgétaire présente de très notables insuffisances.

Le rapport annuel de performances fait état d'une réduction des restes à payer qui pourrait apparaître satisfaisante n'en étaient les motifs et le caractère d'affichage.

En ce qui concerne les restes à payer sur engagements 26 ( * ) à fin 2018, ils s'élevaient encore à 1,3 milliard d'euros, malgré la mise en oeuvre d'une procédure de désengagement ayant réduit les engagements du programme 149 de 507,5 millions d'euros en 2018.

État des restes à payer

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Évolution
2019/2018

Prog 149

1 616,5

1 717,6

1 866,5

1 837,5

1 179,7

1 021,0

- 13 %

Prog 206

42,7

44,5

50,3

59,0

57,6

55,0

- 5 %

Prog 215

64,6

57,0

54,2

53,8

47,3

39,8

- 16 %

Total mission
hors CAS

1 723,8

1 819,2

1 970,9

1 950,3

1 284,4

1 115,8

- 13 %

Source : ministère de l'agriculture et de l'alimentation

Pour l'exercice sous revue, il s'est soldé par une nouvelle réduction des restes à payer qui sont évalués selon la structure suivante :

Programme 149 : 1 021 millions d'euros, soit une réduction de 158,7 millions d'euros ;

Programme 206 : 55 millions d'euros, soit une réduction de 2,6 millions d'euros ;

Programme 215 : 39,8 millions d'euros, soit une réduction de 7,5 millions d'euros.

Au total, les restes à payer ont ainsi diminué de 168,8 millions d'euros (- 13 %). Le repli est moins accusé que l'an dernier (- 34 %) et peut être partiellement expliqué par les retraits d'engagements dormants effectués encore une fois cette année. Le programme 149 a été particulièrement concerné avec des désengagements juridiques pour 80 millions d'euros (plus de la moitié de la baisse des restes à payer). La récurrence des « nettoyages » comptables des engagements appelle une justification permettant d'en saisir finement les tenants et aboutissants. Il faut encore tenir compte des difficultés de consommation des autorisations d'engagement ouvertes en 2019. Le taux de consommation des autorisations d'engagement systématiquement inférieur à l'unité réduit mécaniquement les restes à payer (plus de 92 millions d'euros d'autorisations d'engagement ouvertes sur le programme 149 sont restées sans affectation ni engagement en 2019).

Ces motifs ne sont pas faits pour rassurer. Outre qu'ils illustrent une gestion embarrassée des interventions financées par la mission (et sans doute aussi les difficultés rencontrées par la base de production agricole nationale), ils conduisent à s'interroger sur la capacité de la France à saisir les opportunités de la politique agricole commune et de la pêche.

3. Une forte réduction des dépenses par rapport à l'exercice précédent

Les ouvertures de crédits de la loi de finances de l'année ont été nettement inférieures à celles de l'exercice précédent tout comme les dépenses de la mission qui ont baissé d'environ 15 % par rapport à l'an dernier.

Avec un niveau de dépenses de 2,943 milliards d'euros en crédits de paiement et une consommation des autorisations d'engagement de 2,776 milliards d'euros, les dépenses de la mission AAFAR sur crédits de paiement ont été inférieures en 2019 par rapport au niveau atteint l'an dernier de 498,3 millions d'euros. Cependant, les dépenses sur crédits de paiement, si elles se sont inscrites en retrait par rapport au disponible ont excédé les ouvertures prévues en loi de finances initiale.

Quant aux consommations d'autorisations d'engagement, elles ont légèrement augmenté (+ 20,1 millions d'euros) tout en étant inférieures de 56,7 millions d'euros par rapport à la programmation budgétaire.

Données relatives à l'exécution des crédits de la mission en 2019

(en millions d'euros)

Programmes

Exécution 2018

Crédits ouverts en LFI 2019

Total des crédits ouverts en 2019

Exécution 2019

Variation 2019/2018

Écart exécution 2019/
LFI 2019

149 « Économie et développement durable de l'agriculture, de la pêche et des territoires »

AE

1 565,4

1 679,1

1 701,7

1 609,2

43,8

- 69,9

CP

2 244,1

1 761,3

1 782,7

1 767,7

- 476,4

6,4

206 « Sécurité et qualité
sanitaires de l'alimentation »

AE

550,8

535,9

563,1

548,5

- 2,3

12,6

CP

552,4

535,0

560,3

550,6

- 1,8

15,6

215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

AE

639,6

617,7

633,3

618,3

- 21,3

0,6

CP

645,8

625,5

639,7

625,5

- 20,3

0,0

Total Mission

AE

2 755,8

2 832,7

2 898,1

2 776,0

20,2

- 56,7

CP

3 442,3

2 921,8

2 982,7

2 943,8

- 498,5

22,0

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du RAP 2019


La variation des dépenses a été très contrastée selon les programmes concernés , le programme 149 en concentrant la majeure partie avec une baisse de 476,4 millions d'euros ( soit un abattement de plus d'un quart par rapport à 2018).

La réduction des dépenses a beaucoup moins touché le programme 206 (- 1,8 million d'euros après une réduction de 73,1 millions d'euros en 2018), tandis que les dépenses de conduite et pilotage des politiques du programme 215 ont connu une réduction un peu supérieure à 20 millions d'euros (- 3,1 %).

Du point de vue des évolutions des dépenses par nature , les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'intervention , dont le poids dans les dépenses de la mission s'allège de 5 points, passant de 71,4 % du total à 66,4 % ont connu les réductions les plus importantes, le repli des dépenses d'intervention atteignant 26,2 %.

Évolution des dépenses de la mission par titre
entre 2018 et 2019
27 ( * )

(en millions d'euros)

2018

2019

Variation 2019/2018 (en valeur)

Variation 2019/2018 (en %)

Dépenses de personnel

862,3

856,8

- 5,5

- 0,6

Autres dépenses

2 579,8

2 087

- 492,8

- 19,1

Dont :

Dépenses de fonctionnement

918,6

830,3

- 88,3

- 9,6

Dépenses d'investissement

8,3

12,9

+ 4,6

+ 55,4

Dépenses d'intervention

1 524,1

1 124,6

- 399,5

- 26,2

Dépenses d'opérations financières

128,9

119,3

- 9,6

- 7,4

Total

3 442,1

2 943,8

- 498,3

- 14,5

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission pour 2019

Les dépenses d'opérations financières avaient enregistré l'an dernier une très forte hausse (+ 128,9 millions d'euros), notamment pour couvrir les besoins du fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA), pour 75 millions d'euros, et de l'Agence de services et de paiement (voir infra ) pour 45 millions d'euros.

En 2019, elles ont connu un recul de plus de 7 % (- 9,6 millions d'euros) du fait d'un repli du niveau de la dotation financière attribuée à l'ASP.

En ce qui concerne les dépenses de personnel , qui représentaient près du quart des dépenses de la mission l'an dernier, leur poids s'alourdit en 2019 (près de 30 %), la réduction des ETPT consommés, très significative (1,1 %), n'ayant pas tous ses prolongements dans une baisse des dépenses de titre 2 limitée à 0,7 %.

L'évolution des emplois s'est en effet inscrite en baisse (- 135 ETPT après - 585 ETPT l'an dernier soit un total de - 720 ETPT en deux ans) dans un contexte marqué par des recrutements exceptionnels réalisés ces dernières années et, en particulier, en 2016.

Dans ce cadre, les évolutions d'emploi ont été très différenciées selon le programme considéré.

Le programme 206 a connu une augmentation de sa consommation d'ETPT qui est passée de 4 653 ETPT en 2018 à 4 748 ETPT en 2019 (+ 95), évolution due aux recrutements effectués dans la perspective d'un Brexit, qui ne s'est pas concrétisé au cours de l'année 2019, situation qui n'empêche pas de s'interroger sur les capacités d'anticipation de cet événement (voir infra ).

En ce qui concerne le programme 215 , qui avait perdu 390 ETPT en 2017 et 587 ETPT en 2018, passant de 8 448 à 8 058 unités, il en perd à nouveau 230 (7 241 ETPT consommé en 2019), soit un repli de 1 207 emplois en trois ans. Les effectifs du programme sont ainsi passés de 8 448 emplois à 7 241 emplois entre 2016 et 2019.

Cette évolution doit certes être resituée dans une perspective marquée par le recrutement massif d'agents (845 ETPT en 2015 et 2016) pour faire face aux difficultés de gestion des aides agricoles (plan FEAGA) mais aussi à la grave crise d'influenza aviaire.

Cependant, l'ampleur des réductions de personnel dépasse désormais sensiblement les évolutions prévisibles une fois ces besoins réputés couverts.

La réduction des effectifs a exclusivement porté sur des emplois de catégorie B et C (administratifs et techniques).

Au total, le plafond d'emplois n'a pas été consommé en totalité, la sous-exécution demeurant assez marginale (autour de 0,6 %).

Une partie des explications avancées repose sur la combinaison de deux facteurs : l'ouverture tardive des possibilités budgétaires de recrutement par la loi de finances rectificative de fin d'année ; les difficultés semblant exister pour recruter des personnels chargés de conduire les contrôles prévus par les divers règlements applicables à la politique agricole commune du fait des règles européennes et nationales.

Ces deux « justifications » suscitent une certaine perplexité quant aux conditions de la programmation budgétaire qui paraît accuser un certain retard par rapport aux diagnostics opérationnels mais également relativement à l'attractivité des emplois du ministère.

Après tout, celui-ci disposait d'un vivier d'emplois après avoir mobilisé une quantité considérable d'emplois précaires pour répondre à l'urgence d'une meilleure satisfaction des obligations règlementaires entourant les paiements des aides. Il faut croire que l'expérience n'a pas été de nature à fidéliser une main d'oeuvre a priori disponible.

Au total, les ETPT mobilisés par la mission ont diminué passant de 12 124 ETPT à 11 989 ETPT, soit une baisse de 1,1 % .

Cette diminution ne se retrouve pas à due proportion dans les évolutions salariales. Les coûts salariaux ne baissent que de 0,7 %. Ils ont été stables pour le programme 206 qui, du fait de recrutements supplémentaires intervenus en gestion, a dépassé la limite de crédits prévue en loi de finances. Ce dépassement est resté très limité (+1,1 million d'euros), les recrutements complémentaires n'ayant été conclus qu'en fin d'année.

Les dépenses de personnel ont, en revanche, reculé de 1 % pour le programme 215, qui a sous-consommé les crédits ouverts pour 8,8 millions d'euros. Le repli des dépenses a été moins important que celui des ETPT rémunérés par le programme (- 3 %), ce qui traduit une hausse du coût unitaire de l'ETPT du programme.

Les ETPT « économisés » relèvent sur ce programme, pour leur quasi-totalité de catégories d'emplois et de statuts aux rémunérations peu élevées (- 271 ETPT de catégories B et C administratifs ou techniques pour le programme 215) tandis que la consommation d'ETPT administratifs de catégorie A a augmenté de 50 unités entre 2018 et 2019.

Ces modifications structurelles ne sont pas seules en cause dans la résistance des dépenses de personnel, que, d'ailleurs, vient modérer en affichage la réduction ponctuelle de certaines charges (celles liées au contentieux des vétérinaires sanitaires pour plus de 9 millions d'euros ou encore des retards de paiement liés à la mise en oeuvre de nouveaux systèmes de paie).

Le glissement-vieillesse-technicité demeure assez dynamique (+ 1,64 % pour le programme 206 ; + 1,53 % pour le programme 215), la restructuration des effectifs annonçant une accélération pour les années à venir. Quant aux mesures catégorielles de l'année (2,7 millions d'euros en année pleine), elles sont marquées par la reprise de l'application du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) et ajoutent leurs effets à la garantie de pouvoir d'achat (450 agents concernés sur le programme 215) et aux allocations de retour à l'emploi (3,8 millions d'euros versés à pas moins de 1 130 agents), quantum qui illustre l'ampleur du recours aux emplois précaires par le responsable du programme 215, dans le cadre de l'effort de normalisation des paiements agricoles.

B. UNE RÉDUCTION DES DÉPENSES FAVORISÉE PAR DES FACTEURS EXOGÈNES, SYMPTÔME DES DIFFICULTÉS DE MISE EN OEUVRE DE LA POLITIQUE AGRICOLE

La réduction des dépenses du programme 149 entre 2018 et 2019 (- 476,3 millions d'euros), principal déterminant de la baisse des dépenses de la mission (- 498,4 millions d'euros) peut être attribuée à deux principaux facteurs : l'allègement, largement exogène, et appelé à être compensé par des moyens alternatifs, des compensations sur crédits des allègements de cotisations sociales, les dépenses correspondantes reculant de 302,8 millions d'euros, mais, également, une réduction nette des dépenses au titre de différentes actions du programme, pour un montant global de 173,5 millions d'euros, dont une partie au titre des charges liées aux refus d'apurement européen.

Cette dernière évolution est a priori passible d'appréciations contrastées. D'un côté, elle conduit à envisager les difficultés rencontrées pour atteindre une gestion correcte des aides ; de l'autre, elle suggère que l'ombre de ces difficultés s'estompe. Cependant, cette perspective peut, à son tour, être vue plus ou moins favorablement selon qu'on l'associe à des progrès de gestion ou au seul rythme des audits européens.

Il faut encore tenir compte d'un élément qui pèse sur les dépenses de l'exercice comme sur celles de l'année dernière à savoir le montant spectaculaire des désengagements d'autorisations d'engagement, qui jettent un nouveau trouble sur la conduite de la politique agricole nationale.

1. Des facteurs exogènes
a) La modification de la compensation des allègements de cotisations sociales pour les travailleurs saisonniers

Les dépenses de protection sociale assumées par le programme 149 ont baissé très significativement, de 63 % (- 302,8 millions d'euros). Ainsi, près des deux tiers de la réduction des dépenses de la mission entre 2018 et 2019 sont imputables à ce qui pourrait aussi bien être considéré comme un changement de périmètre budgétaire, conduisant à imputer aux autres composantes de la dépense une réduction de 193,4 millions d'euros. En ce qui concerne le seul programme 149, les actions hors protection sociale ont subi une réduction de 171,3 millions d'euros.

C'est la poursuite d'un processus de substitution d'une compensation sur crédits budgétaires des réductions de cotisations sociales dues par les employeurs par des allègements directs de cotisations sociales équilibrés par des affectations de taxes.

Or, les allégements de cotisations sociales mis en oeuvre dans le cadre du nouveau mécanisme obéissent à des barèmes qui ne garantissent pas d'équivalence entre les compensations en vigueur et les transferts résultant des « dépenses sociales » jusqu'alors accessibles aux employeurs.

L'année 2019 a été l'occasion d'illustrer cette difficulté sérieuse avec l'affaire des transferts au titre du dispositif destiné à favoriser l'emploi de travailleurs saisonniers (le TO-DE).

Le Gouvernement avait proposé un mécanisme qui devait se traduire par un ressaut de cotisations sociales pour certains employeurs de travailleurs saisonniers. La mobilisation parlementaire, particulièrement forte au Sénat où elle a été unanime, a conduit à améliorer le dispositif.

Historique du dispositif

L'exonération en faveur des travailleurs saisonniers est un dispositif qui date de 1985 et qui a été modifié à multiples reprises. Avant 2010, le dispositif était caractérisé par des taux réduits de cotisations différenciés par filière.

Les dernières réformes de ce dispositif sont :

- la réforme de 2010 qui a mis en place une mesure d'exonération dégressive, applicable à l'ensemble du secteur de la production agricole. Le dispositif en vigueur jusqu'à fin 2012 exonérait intégralement les cotisations des salaires bruts allant jusqu'à 2,5 SMIC, l'exonération était ensuite dégressive jusqu'à 3 SMIC. La rénovation du dispositif s'est accompagnée, par ailleurs, d'une mise en conformité des modalités de compensation financière par l'État du dispositif avec le droit commun des mesures d'exonérations ciblées, lequel prévoit une compensation intégrale par crédits budgétaires ministériels ;

- la réforme de 2013 qui a supprimé l'exonération de la cotisation accidents du travail et ciblé le dispositif sur les bas salaires e n modifiant le point de sortie du dispositif et la pente de dégressivité :

* les exonérations sont centrées sur les salaires n'excédant pas 1,5 SMIC ;

* l'exonération est entière pour les rémunérations allant jusqu'à 1,25 SMIC, puis dégressive au-delà ;

- enfin la loi de finances pour 2015 a exclu les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF) du champ d'application du dispositif d'exonération.

Le dispositif en vigueur avant la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 (codifié aux articles L. 741-16 et L. 741-16--1 du code rural et de la pêche maritime) était le suivant.

Régime du TO-DE avant la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2019

Les exonérations portent sur les cotisations patronales et conventionnelles pour les employeurs relevant du régime de protection sociale agricole qui embauchent en CDD des travailleurs saisonniers (ou en CDI des demandeurs d'emploi sous certaines conditions). Ils bénéficient d'une exonération de cotisations patronales de sécurité sociale (prestations familiales et assurances sociales agricoles) et de certaines cotisations patronales conventionnelles.

Point important, cette exonération était totale pour les rémunérations égales ou inférieures à 1,25 fois le montant mensuel du SMIC puis linéairement dégressive au-delà jusqu'à s'annuler pour les rémunérations égales ou supérieures à 1,5 SMIC. Avant la loi de finances pour 2013, la pente de dégressivité partait d'un niveau de salaire sensiblement supérieur, l'avantage pouvant comprendre les rémunérations égales à 3 SMIC.

Afin de conserver au dispositif sa vocation d'épouser les particularités de l'emploi agricole, fortement saisonnier, sans s'étendre aux salariés permanents, l'exonération était limitée à une période maximum d'emplois de 119 jours ouvrés, consécutifs ou non, par année civile pour un même salarié, qu'il soit employé par un groupement d'employeurs ou non.

Elle n'était pas cumulable avec l'allègement général de cotisations sociales sur les bas salaires, mais l'employeur avait la faculté de renoncer à cette exonération spécifique, pendant la période où elle pourrait s'appliquer, au profit de l'allègement général sur l'ensemble de la période de travail du salarié. En revanche, il était possible de cumuler les exonérations au titre du TO-DE avec le CICE.

L'adoption d'une exonération étendue des cotisations sociales dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a fourni l'occasion au Gouvernement de proposer la suppression du régime TO-DE.

De fait, les allègements généraux, malgré leur renforcement, avaient pour effet de réduire les transferts des administrations publiques vers les exploitants dès lors qu'ils n'étaient pas parfaitement homothétiques avec le régime spécial des exonérations TO-DE.

Les allègements généraux sont centrés sur le SMIC tandis que le régime TO-DE couvre jusqu'à 1,5 SMIC (avec une exonération totale jusqu'à 1,25 SMIC).

Ce décalage est d'autant plus accusé pour les travailleurs saisonniers que ces derniers, même lorsqu'ils sont employés au SMIC, bénéficient en réalité de rémunérations supérieures du fait de la fréquente conversion de leurs droits à congé en une indemnité de congés payés et de la pratique d'heures supplémentaires correspondant à la vocation même des travaux pour lesquels les contrats saisonniers sont conclus.

Les données suivantes permettent de saisir les enjeux, particulièrement sensibles pour certaines exploitations agricoles.

En année pleine, près de 73 000 établissements ont recours à plus de 900 000 contrats TO-DE pour un volume de plus de 140 millions d'heures et une masse salariale de 1,6 milliard d'euros. 90 % des contrats saisonniers concernent les filières « viticulture », « arboriculture » et « horticulture ».

En tout cas, si 489 millions d'euros avaient été budgétés l'an dernier au titre de la compensation des allégements de cotisations sociales (pour une dépense qui selon les informations recueillies par les rapporteurs spéciaux devait être supérieure de l'ordre de 60 millions d'euros), la loi de finances adoptée en fin d'année 2018 ne portait plus que 135 millions d'euros d'ouvertures de crédits à ce titre.

Initialement, le projet de loi de finances n'avait inscrit que 60 millions d'euros pour compenser les allégements, ce qui correspondait au reliquat des créances de 2018 encore à solder en 2019.

La mobilisation parlementaire a conduit le Gouvernement a accepté de majorer les crédits initiaux pour compenser la perte marginale d'allégements occasionnée par le nouveau mécanisme, du moins sa majeure partie.

Cependant, les crédits inscrits ont été finalement insuffisants pour tout à la fois solder l'année 2018 et combler le déficit d'allégements associé au nouveau barème et ainsi le besoin complémentaire de compensation pour le régime de sécurité sociale agricole. Ce dernier a pu être estimé à 117 millions d'euros.

Au total, les crédits ouverts (135 millions d'euros) s'ils avaient permis d'envisager une baisse des dépenses de la mission au titre du dispositif TO-DE de 345 millions d'euros, soit près de 70 % de la réduction des dépenses de la mission (et 72 % de la baisse des dépenses du seul programme 149), ont dû être complétés en exécution à hauteur de 42 millions d'euros (dont 30 millions d'euros par des reports de crédits non consommés en 2018).

Finalement, la dépense au titre du dispositif s'est élevée à 177 millions d'euros, en baisse de 305 millions d'euros par rapport à 2018 (soit 64 % de la réduction des dépenses du programme 149 entre 2018 et 2019). Les créances de TO-DE n'auront pas été toutes éteintes au terme de l'exercice.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que le dispositif budgétaire finalement mis en place en 2019 avait été sous dimensionné tant au regard de l'existant que du point de vue des enjeux financiers du nouveau mécanisme.

Au regard de l'existant, il s'est agi de réserver l'exonération totale jusqu'à 1,20 SMIC (au lieu de 1,25 SMIC) puis de suivre au-delà un barème dégressif linéaire d'exonération (fixé par le décret n° 2018-1357 du 28 décembre 2018), cette dernière devenant nulle à partir de 1,6 SMIC, soit une perte sèche dans le haut de la fourchette.

Du point de vue du nouveau régime, le Gouvernement avait révélé son intention de financer l'impasse de financement résultant de ces opérations complexes par des ponctions sur les dotations du programme 149, excluant toutefois de mettre à contribution la provision pour risques et aléas, contrairement à la pratique suivie en 2018.

À vrai dire, cet engagement ne coûtait pas grand-chose, la provision pour aléas étant insuffisante pour assumer les charges à couvrir en 2019.

Plus encore, il était apparu très contestable aux rapporteurs spéciaux puisqu'il annonçait que l'impasse de financement manifeste de la programmation initiale de la compensation des allégements de cotisations sociales serait comblée par une ponction sur des crédits dont la programmation était d'emblée périmée avant même d'avoir été entérinée par le vote de la représentation nationale.

b) La baisse des dépenses de refus d'apurement

Dans le reliquat de la réduction des dépenses du programme 149, la baisse des dépenses au titre de la procédure des apurements européens de crédits (- 61,8 millions d'euros) représente 36 % du total, laissant aux autres compartiments de la dépense la responsabilité d'une baisse supplémentaire de 109,5 millions d'euros.

Ces dernières années, la mission a été lestée par des dépenses sans aucun bénéfice pour les exploitants agricoles, les dépenses correspondant aux refus d'apurement prononcés par la Commission européenne.

En 2017, ces dépenses avaient atteint 721 millions d'euros, dont 138 millions d'euros payés en anticipation sur le calendrier de règlement qui devait voir l'exercice 2018 supporter cette charge.

En 2018, les dépenses correspondantes se sont élevées à 177,8 millions d'euros. La réduction enregistrée sur ce poste avait ainsi contribué à une baisse des dépenses de la mission de 543,2 millions d'euros.

Lors de l'exécution 2019, les dépenses liées aux apurements européens ont à nouveau reculé (- 52,7 millions d'euros), contribuant à 11 % de la réduction des dépenses.

Évolution des dépenses correspondant aux refus d'apurement européens

(2009-2019)

Source : Cour des comptes
c) L'impact d'une surcharge budgétaire lors de l'exercice précédent

La consommation des crédits du programme 149 a été particulièrement chaotique depuis 2015, traduisant un ensemble de défaillances mises en évidence par les rapporteurs spéciaux dans leur rapport sur la chaîne des paiements agricoles 28 ( * ) . Les problèmes rencontrés ont particulièrement touché les aides surfaciques.

En 2017, un rattrapage significatif, quoique trop partiel (voir infra ), du paiement des aides surfaciques, qui avait été suspendu au cours des exercices précédents (campagnes 2015 et 2016) en raison des défaillances de l'infrastructure des paiements agricoles, avait conduit à constater des dépenses au titre de l'action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » du programme 149 de 638,2 millions d'euros (elle n'avait été dotée que de 380,6 millions d'euros en loi de finances initiale). Parmi les dépenses de cette action figurent l'indemnité compensatoire de handicap naturel (ICHN) et les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), deux lignes qui n'avaient supporté aucune charge en 2016, mais occasionné 588,2 millions d'euros de dépenses en 2017.

En 2018, la consommation de ces deux lignes s'était encore élevée à 404,9 millions d'euros, dégageant une économie de 183,3 millions d'euros, mais correspondant à un niveau de dépenses encore majoré par la nécessité de rattrapage des dettes de paiement des campagnes antérieures.

Pour 2019, les deux lignes concernées enregistrent des dépenses à nouveau en retrait (381,7 millions d'euros, soit une baisse de 23,2 millions d'euros) à hauteur de 5,7 %.

L'exécution 2019 tire profit d'une réduction continue (quoique trop lente et sans doute encore à compléter) des dettes de paiement lors des exercices précédents.

2. Des reports de charges : les restes à payer et les charges reportées

La mission AAFAR est régulièrement marquée par des reports de charges budgétaires dont l'ampleur a été particulièrement large ces dernières années du fait des difficultés de comblement des impasses financières constatées à la suite des refus d'apurement européen mais aussi en raison des retards de paiement des aides aux exploitants.

La réduction de l'ampleur des refus d'apurement en 2018 et en 2019 et de leurs effets déstabilisants pour le programme 149 ainsi que le retour à un calendrier normal de versement des aides européennes entamé en 2017 pour une partie des aides surfaciques du second pilier de la PAC ont réduit les tensions sur l'exécution des crédits.

Dans ce contexte, la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2019 estime que la soutenabilité budgétaire de la mission « s'améliore ».

À partir de données des rapports du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, elle relève que les charges à payer en fin d'exercice et les reports de crédits sur l'exercice 2020 sont tenus pour être situés à un niveau historiquement bas.

Évolution des charges à payer en fin d'exercice

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes selon les données CBCM et MAA

Reports de crédits de l'exercice N sur l'exercice N+1

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes selon les données CBCM et MAA

Dans ces conditions, les reports de crédits accessibles permettraient de couvrir les besoins nés des charges reportées sur 2020, qui ne viendraient pas bousculer une programmation 2020 susceptible de permettre de financer les engagements du ministère de l'agriculture (hors l'impact de la catastrophe sanitaire, économique et sociale en cours en ce printemps 2020).

Ces appréciations favorables ne pourraient que réjouir les rapporteurs spéciaux n'étaient quelques considérations complémentaires.

En premier lieu, s'agissant de la réduction des restes à payer, les rapporteurs spéciaux relèvent qu'avec 1 milliard d'euros fin 2019, ils représentent autant que les dépenses d'intervention de l'année 2019.

L'enjeu financier est donc très élevé et ce alors même que les années 2018 et 2019 ont été marquées par des retraits d'engagement massifs (503 millions d'euros en 2018 et encore 80,4 millions d'euros en 2019).

Ces opérations mériteraient de faire l'objet d'une explicitation sérieuse permettant d'identifier les pathologies dont elles sont un symptôme avéré.

En toute hypothèse, ni la programmation budgétaire pour 2020, ni les tendances suivies à moyen terme pour calibrer le budget agricole de la France ne sont compatibles avec la situation laissée par l'exécution de 2019

C'est d'autant plus vrai qu'il faut, en second lieu, évoquer la question des charges à payer.

Sur ce point d'abord, ainsi que le relève la Cour des comptes, il faut compter avec le maintien d'une charge non acquittée, de longue date, correspondant à une dette envers la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) d'un montant de l'ordre de 100 millions d'euros non comptabilisé dans les charges à payer par le ministère de l'agriculture.

Cette non-comptabilisation viendrait de ce que le ministère des comptes publics aurait donné assurance au ministère de l'agriculture et de l'alimentation que cette dette pourrait être couverte par d'autres voies en 2020.

Les rapporteurs spéciaux en prennent acte ainsi que du fait que les engagements budgétaires du ministère de l'agriculture au titre de cette dette devront être repris par d'autres financeurs, avec une traduction budgétaire qui, à ce jour, mériterait d'être exposée. Ils remarquent toutefois que la situation de la protection sociale des agriculteurs se révèle de plus en plus tendue. À titre d'illustration, on observe que l'exercice 2019 est le dernier à voir la mission « régimes sociaux et de retraite » dotée d'une ligne de crédit pour subventionner le régime complémentaire vieillesse des exploitants agricoles. Or, non seulement ce dernier va perdre cette subvention mais encore il est appelé à se voir privé de deux taxes affectées représentant un apport majeur pour son équilibre (taxe sur les huiles et les farines). Il conviendra de suivre avec la plus grande attention la dynamique des affectations mises en oeuvre après 2019, dont il y avait déjà tout lieu de craindre avant la catastrophe révélée en début d'année qu'elle ne serait pas à la hauteur des enjeux.

En second lieu, l'estimation des charges à payer se trouve très peu évaluable du fait d'une lacune de l'information budgétaire qui tient en ce que les indemnités diverses que pourraient devoir supporter le ministère au titre de gestions passées ne sont pas estimées explicitement. La seule estimation disponible est celle dont rend compte le graphique supra . Les charges ainsi extériorisées sont si marginales qu'elles paraissent d'emblée manquer de crédibilité.

Le mécanisme d'indemnisation pour aléas prend du temps et les événements climatiques sévères de 2019 n'ont pas été tous financièrement « assumés » par le budget de 2019. Initialement estimé à 400 millions d'euros, le coût de la sécheresse 2018 avait été réestimé autour de 200 millions d'euros, soit beaucoup moins que la dotation au fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA) en 2018. Le niveau du reste à charge payé en 2019 n'est pas indiqué dans la documentation budgétaire non plus que celui des indemnités correspondant aux sinistres apparus en 2019.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent que l'information budgétaire présentée dans le cadre des projets de loi de règlement comprenne systématiquement une présentation de l'évaluation des risques financiers matérialisés une année donnée pouvant peser sur l'exercice suivant. Cette recommandation vaut évidemment pour les dispositifs de couverture des risques dont la gestion mériterait d'être accélérée pour éviter aux exploitants les affres qu'on imagine.

Ils prennent acte de ce que la trésorerie du fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA), qui a été fortement sollicitée en 2019 (151 millions d'euros de dépenses pour 66 millions d'euros de recettes) a pu être soulagée par des versements du programme 149 (87,5 millions d'euros) grâce à des redéploiements de crédits (dont 69 millions d'euros à partir de la « provision pour dépenses imprévisibles » et 18,5 million d'euros par prélèvement sur des dispositifs « divers » -une information détaillée sur ce point s'impose -).

Ils relèvent cependant que la trésorerie du FNGRA s'établit à l'étiage (24,5 millions d'euros fin 2019, soit moins de 17 % des dépenses constatées au cours de l'année).

Les conditions climatiques, auxquelles il convient d'ajouter des aléas plus industriels (cf. l'accident du site Lubrizol), ne tendent pas à s'atténuer (selon toute apparence).

Dans ces conditions, sauf à ce que le Gouvernement fasse la démonstration que son action visant à améliorer les amortisseurs de crise (voir les développements relatifs à la déduction pour épargne de précaution) puisse se prévaloir d'avancées décisives, les rapporteurs spéciaux tendent à s'inquiéter que le ministère de l'agriculture puisse estimer, sans preuve, à rien (ou presque) les dettes latentes dues aux aléas et s'appuyer sur des telles estimations pour établir son programme budgétaire de l'année suivante.

Cette inquiétude est d'autant plus vive que le Gouvernement a fait le choix de réduire encore la réserve pour dépenses imprévues dans la loi de finances pour 2020, abaissée à 174,8 millions d'euros.

Il faut, enfin, ne pas dissimuler les marges de manoeuvre que présente la notion mouvante de charges à payer.

Les choix sont, en ce domaine, toujours discutables. Ce qui ne l'est pas c'est que le ministère de l'agriculture fait le choix systématique (à certains égards étonnants) de minorer ses engagements.

On en a fourni une première illustration avec la question de la protection sociale agricole. Sauf erreur de la part des rapporteurs spéciaux, les gouvernements successifs ont pris des engagements visant à porter le minimum de pensions des exploitants à 85 % du niveau du SMIC. Or, ces engagements n'ont pas reçu de matérialisation concrète.

On pourra toujours dire que de ce fait de même il n'y a pas de charges à payer à constater à ce titre. Mais, cet argument, comptablement exact ne l'est nullement d'un point de vue plus politique.

Une même défense pourrait intervenir en ce qui concerne la programmation financière européenne. Après tout, le cadre financier européen n'ouvre que des autorisations de dépenses et non pas des obligations de dépenser.

Ainsi, techniquement, il est toujours possible de faire valoir que la sous-exécution des lignes d'engagement n'est nullement synonyme de l'accumulation de charges à payer.

Politiquement, dans tous les sens du terme 29 ( * ) , il en va tout à fait autrement.

Or, force est de constater que les taux d'engagement des lignes budgétaires européennes (du moins dans la version comptabilisée en milieu d'année 2019) laissent ouvert un niveau encore élevé de charges à assumer par la mission.

La maquette FEADER a été dotée de 12 milliards d'euros. Le niveau des engagements au 1 er juin 2019 n'est que de 65 % des enveloppes disponibles tandis que le niveau des paiements n'atteint que 50 % du disponible.

Les paiements réalisés sur engagements couvrent 78 % de ceux-ci (soit un reste à payer sur engagement de 1,7 milliard d'euros).

Données relatives à la consommation des dotations de la France
au titre du FEADER au 1 er juin 2019

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En ce qui concerne les engagements , le rythme observable à mi-2019 n'impliquait pas d'inquiétudes systématiques sur la capacité de la France à mobiliser son enveloppe, compte tenu des délais laissés aux États pour solder une programmation financière donnée.

Rappel des règles européennes de mobilisation des crédits du FEADER

La date limite de paiement est fixée au 31 décembre 2023 dans le règlement (UE) n°1303/2013 du 17 décembre 2013. La date limite pour les engagements de crédits au bénéfice des agriculteurs est fixée par chaque État membre dans le respect de la date limite de paiement

Les travaux relatifs à la fin de gestion sont en cours au niveau national, avec l'ensemble des partenaires concernés, en particulier les autorités de gestion et l'organisme payeur.

S'agissant du dégagement d'office, la réglementation européenne prévoit que la part des crédits FEADER mise à disposition d'une autorité de gestion en année « n » et qui ne donne pas lieu à un paiement au profit des bénéficiaires finaux à la fin de « n+3 » est dégagée d'office, c'est-à-dire définitivement perdue. Les premières mises à disposition de FEADER au profit des AG ayant eu lieu en 2015, le seuil de paiements correspondants doit être atteint fin 2018. Tous les PDR ont atteint le seuil de paiement exigé au 31 décembre 2018.

Au 30 juin 2019, 18 programmes ont déjà franchi le seuil à atteindre et 11 programmes doivent encore réaliser des paiements pour atteindre le seuil requis au 31 décembre 2019.

Toutefois, pour certaines lignes, la situation est inquiétante (LEADER, assistance technique, services de base) ou paradoxale (la gestion des risques) au vu des besoins identifiés.

Que la période complémentaire doive être sollicitée n'est toutefois pas satisfaisant. Cela signifie que les moyens budgétés ne sont pas assez rapidement mobilisés, situation qui contraste très fâcheusement avec les besoins d'urgence et structurels de l'agriculture française.

Quant aux paiements , leur situation est difficile à apprécier compte tenu des retards de paiement accumulés et dans un contexte où les engagements couvrent des périodes pluriannuelles. Pour certaines lignes dont le taux d'engagement est très faible, ils sont eux-mêmes très en retard. Pour d'autres lignes, l'écart entre le taux d'engagement relativement élevé, et le taux de consommation encore assez modeste supposera de dégager les moyens budgétaires permettant de financer la partie nationale des financements.

3. Une exécution qui paraît déjà grever la programmation budgétaire pour 2020

Il apparaît aujourd'hui, compte tenu de la catastrophe en cours, assez incongru d'évoquer l'articulation entre l'exécution budgétaire en 2019 et la programmation pour 2020. Le budget voté pour 2020 comporte une augmentation des autorisations d'engagement de 6,3 %, reflet des besoins de mobilisation des crédits européens non satisfaits à la sortie de 2019, et une croissance des crédits de paiement de 1,2 %.

Les annulations de crédits de paiement décidés à la fin de l'exercice 2019 (52,9 millions d'euros) ont eu pour effet de creuser l'écart entre la trajectoire des autorisations d'engagement et celle des paiements prévus, alors même que les restes à payer (sans même compter les charges à payer) demeuraient très significatifs à la fin de l'année.

Le disponible en crédits de paiement apparaissait d'autant plus tendu que la dotation pour dépenses imprévues a été encore réduite dans le projet de budget pour 2020.

À l'évidence, cette décision apparaît aujourd'hui malheureuse, mais à la lumière d'événements qui, jusqu'à l'automne 2019 ne pouvait guère être envisagés que comme des dangers au risque de matérialisation encore incalculables alors.

En revanche, elle était annonciatrice d'une absence de conséquence entre les objectifs affichés, notamment lors des États Généraux de l'alimentation, et les moyens mis en oeuvre.

En toute hypothèse, les rapporteurs spéciaux attendent qu'une loi de finances rectificative prenne en charge les effets de la catastrophe en cours et les objectifs annoncés par l'exécutif.

II. UNE STAGNATION DE L'AMBITION AGRICOLE DE LA FRANCE

A. LA MISSION AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES (AAFAR), UN VECTEUR BUDGÉTAIRE PERFECTIBLE

Les documents annexés aux lois de finances répondent à des fonctionnalités différentes, les unes normatives, faisant écho au principe de spécialité budgétaire qui s'applique au vote et à l'exécution des crédits, les autres, informatives. Ces dernières ont été développées dans le prolongement de l'adoption de la loi organique relative aux lois de finances qui a souhaité améliorer l'information du Parlement sur les politiques publiques qu'il dote en moyens financiers.

Sur ces deux plans, la mission AAFAR apparaît largement perfectible.

Une observation de principe

Les documents budgétaires assignent à des directeurs d'administration centrale le rôle de « responsables » des différents programmes qui les composent. Cette assignation peut bien être pertinente dans le cadre du fonctionnement ordinaire des ministères.

Dans les relations avec le Parlement, elle ne l'est pas. Seuls les ministres sont responsables.

Par ailleurs, cette assignation tend à accréditer auprès de l'opinion publique une idée fausse, celle d'une administration qui déciderait et devrait être tenue pour responsable.

Ce sont toujours les ministres qui décident.

1. Une mission aux limites de la lisibilité et de la conformité avec la loi organique sur les lois de finances

À partir de 2017, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » qui comportait alors quatre programmes a été restructurée par fusion des crédits du programme 154 consacré au développement de l'agriculture et de ceux du programme 149 qui regroupait jusqu'alors les crédits de la politique de la forêt. Puis, la mission a réintégré en 2018 les crédits de la pêche et de l'aquaculture. Ce ne sont là que deux événements renforçant une impression générale d'illisibilité, qui, au demeurant, s'accompagne d'interrogations plus juridiques, sur la conformité de la mission avec les principes de notre droit budgétaire.

Désormais, la mission est structurée autour de trois programmes :

- le programme 149 (désormais intitulé « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture ») regroupe la majeure partie des dépenses de la mission, tout en agrégeant des crédits consacrés à des politiques publiques diverses et spécifiques ;

- le programme 206 est spécifiquement dédié aux actions destinées à assurer la sécurité et la qualité sanitaires de l'alimentation ;

- enfin, le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » est un programme transversal de soutien aux actions des services .

Les poids budgétaires de ces programmes sont très inégaux, le programme 149 concentrant 60 % des dotations de loi de finances initiale contre 18,3 % pour le programme 206 et 21,7 % pour le programme 215.

La coagulation de crédits concourant à des politiques publiques - qui, pour pouvoir être subsumées par une problématique d'ensemble portant sur la production de ressources naturelles, n'en obéissent pas moins à des fonctionnalités très différentes et s'inscrivent dans des problématiques socioéconomiques fort diversifiées -, dans un unique programme gagné par une sorte d'obésité progressive, n'est pas de nature à améliorer la lisibilité de la mission.

Cette dernière est également altérée par la multiplication des dotations allant à un nombre considérable de délégataires des missions du ministère de l'agriculture, qu'ils soient des opérateurs ou des organismes liés à l'État par des conventions plus ou moins actualisées et contrôlées, mais aussi par le choix de ne pas isoler les dépenses d'administration propres aux différentes interventions mises en oeuvre par le ministère, ce dernier ne procédant, et encore que partiellement, à une telle individualisation que pour ses actions de contrôle de la sécurité sanitaire « de la fourche à la fourchette ».

En soi, le défaut de lisibilité des masses budgétaires confiées au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, défaut qui s'aggrave chaque année, pose un problème de rang constitutionnel.

En outre, au regard des prescriptions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la confusion de crédits de vocations disparates au sein du programme 149 mériterait d'être reconnue comme contrevenant à la lettre et à l'esprit de la LOLF.

Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la conformité de la confusion des crédits pour la forêt avec ceux consacrés à l'économie agricole avec les termes de l'alinéa 6 de l'article 7 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) relatif aux programmes budgétaires dans la mesure où les objets de ces politiques publiques ne sont pas nécessairement les mêmes.

Il en va de même pour les crédits consacrés à la pêche et à l'aquaculture qui ont été intégrés au programme 149 sans nulle considération de l'esprit de la LOLF.

Rappelant qu'ils avaient exprimé le souhait que les services concernés sollicitent les parlementaires des commissions des finances des deux chambres, pour avis, avant d'engager de telles démarches, ils ne peuvent que constater que l'inclusion réalisée en 2018 des crédits de la pêche et de l'aquaculture dans le programme 149 s'est affranchie de cette ferme recommandation.

Les rapporteurs spéciaux renouvellent leur demande que le Gouvernement procède à un recalibrage des programmes composant la mission et souhaitent être consultés sans délai.

2. Une information insatisfaisante sur les concours publics à l'agriculture

La vocation des documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances est de constituer le support de l'autorisation parlementaire tant dans son objet que dans l'information qu'implique un vote tout à fait éclairé.

Les crédits de la mission AAFAR ne correspondent structurellement qu'à une (faible) partie des concours publics à l'agriculture, à la forêt et à la pêche 30 ( * ) , qui, en 2019, se seraient élevés à 21,4 milliards d'euros (contre 21,2 milliards d'euros en 2018), soit une quasi-stagnation.

L'examen du projet de loi de règlement devrait offrir l'occasion d'appréhender au plus près la contribution de la mission aux concours publics soutenant in fine les revenus agricoles, objectif d'autant plus légitime que les dépenses de la mission sont, pour une part importante, la contrepartie nationale d'interventions européennes.

Or, cette information n'est pas rendue disponible dans le rapport annuel de performances de la mission annexé au projet de loi de règlement.

Les délais de confection des comptes nationaux agricoles sont en cause. À la date d'examen du projet de loi de règlement seuls sont disponibles les comptes prévisionnels de l'agriculture publiés en décembre 2019. Quant aux concours publics à l'agriculture, le dernier document mobilisable porte sur l'année 2018.

Les rapporteurs spéciaux réitèrent leur demande que la commission des comptes de l'agriculture de la Nation puisse tenir compte du calendrier d'examen parlementaire des opérations budgétaires sur crédits nationaux pour organiser ses travaux.

Il conviendra d'exposer les résultats de ces travaux dans les rapports de performances annexés aux projets de loi de règlement.

Il est du reste étonnant que ceci ne soit pas fait à ce jour puisqu'aussi bien le premier indicateur de performance de la mission suppose cette information disponible. Il consiste à présenter l'évolution du poids des concours publics dans l'excédent brut des exploitations agricoles et se trouve renseigné, mais sous la forme très agrégée d'un ratio dont l'utilité est des plus réduite.

Dans ces conditions les rapporteurs spéciaux souhaitent traditionnellement que les composantes de cette information soient suffisamment développées à l'avenir.

Une fois de plus cette demande reste insatisfaite.

À ce stade, les données permettant de situer l'exécution budgétaire de 2019 dans le contexte plus large des concours à l'agriculture sont trop fragmentaires et, quand elles existent, souvent trop incomplètes pour qu'il soit possible de fournir une information précise sur la structure des financements publics fléchés vers l'agriculture.

Dans ce contexte, l'évaluation publiée par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire fournit cependant un point de repère précieux.

Concours publics à l'agriculture, à la forêt et à la pêche

(en milliards d'euros)

Source : MAA, Cour des comptes - Les crédits budgétaires sont présentés en exécution. Ceux du poste « autres crédits MAA » regroupent les programmes 142, 143 et le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ». Les dépenses fiscales sont nettes de la part de taux réduit de TICPE ne bénéficiant pas aux agriculteurs (cf. supra). Les allègements de charges n'incluent pas les dispositifs faisant l'objet d'une inscription budgétaire sur la mission AAFAR (principalement le dispositif TO-DE)

Ainsi qu'il ressort du graphique et des estimations de la Cour des comptes, la mission AAFAR ne représente qu'une part seconde des concours publics à l'agriculture (14 % du total).

La première source de soutien provient du budget européen (9,4 milliards d'euros, soit 44 % de l'ensemble avec une prédominance des concours financés dans le cadre du premier pilier de la PAC, le second pilier, dont une part des crédits de la mission représente le miroir étant censé apporter un peu moins de 2 milliards d'euros en 2019).

Les dépenses sur crédits de la mission AAFAR sont désormais devancées par le total constitué des dépenses fiscales et des allégements de cotisations sociales. Ces dernières représentent 21 % des concours publics (une fois les crédits TO-DE neutralisés), tandis que les dépenses fiscales représentent le reste des concours publics à l'agriculture.

Il s'est produit dans le temps une déformation des concours publics avec la montée en puissance de transferts passant par des niches fiscales et sociales, dont la sensibilité à l'activité agricole appelle une analyse approfondie, et dont les effets structurels devraient être sérieusement étudiés.

A priori , il n'y a pas d'équivalence entre des interventions sur crédits, qui idéalement, devraient pouvoir vérifier des propriétés contra-cycliques, et des transferts fiscalo-sociaux dont la portée tend à devenir pro-cyclique.

De la même manière, la structure des allégements fiscaux et sociaux tend à flécher les transferts en faveur de l'agriculture vers des exploitations comparativement « prospères », réalisant une sorte de « couplage implicite des concours publics à l'agriculture » dans un contexte plutôt marqué par une logique d'aides aux revenus des agriculteurs.

Ces questions méritent incontestablement d'être envisagées, sans a priori , d'autant qu'elles doivent être resituées dans un ensemble où les subventions sur crédits n'ont pas nécessairement les propriétés affichées (voir infra ).

Quoi qu'il en soit, une certaine approximation dans l'estimation des concours publics à l'agriculture devrait, au préalable, être corrigée .

Si l'on se reporte aux seules données publiées par les comptables nationaux, en ce qui concerne les concours publics à l'agriculture sur dotations budgétaires nationales, qui, pour 2019, ne sont pas disponibles, le périmètre utilisé par les comptables nationaux pose problème dans la mesure où un certain nombre d'interventions semblent exclues sans justification évidente mais aussi parce que les données publiées ne permettent pas d'identifier les ministères de provenance des financements. Dans la mesure où, pour certaines politiques agricoles (développement de l'agriculture biologique, sécurité sanitaire des aliments...), le budget du ministère de l'agriculture n'est sollicité que pour partie, il faut demander que la présentation des concours publics à l'agriculture permette d'articuler les informations comptables avec les informations budgétaires.

Inversement, il n'est pas sûr que l'inclusion des autres crédits du ministère de l'agriculture, dont ceux d'enseignement agricole doive être réalisée.

En outre, certaines données paraissent établies sur des bases dont la robustesse pourrait être améliorée.

L'année dernière, on avait évoqué les crédits correspondant à la compensation des allègements de cotisations sociales sur les travailleurs saisonniers (TO-DE), qui auraient été consommés au-delà des inscriptions portées en loi de règlement avec une charge budgétaire réelle de l'ordre de 540 millions d'euros dès 2018 au lieu des 480,7 millions d'euros mentionnés dans le RAP.

Au total, la méthode de comptabilisation en exécution budgétaire peut conduire à des imprécisions dès que les engagements comptables diffèrent des consommations.

Un sérieux problème de cohérence entre les informations budgétaires et l'appréciation du niveau des concours publics à l'agriculture , signalé à plusieurs reprises (voir l'encadré ci-dessous extrait de la contribution des rapporteurs spéciaux à l'examen du projet de loi de règlement pour 2018), provient de l'imputation à la mission AAFAR d'une dépense fiscale qui ne semble avoir aucun lien avec l'activité agricole : le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole sous condition d'emploi (1,250 milliard d'euros en 2019).

Deux dépenses fiscales énergétiques qui représentent près de 80 % des dépenses fiscales en faveur de l'agriculture et de la forêt ?

Deux dépenses fiscales sur les produits énergétiques, le taux réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole et le remboursement partiel en faveur des agriculteurs de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, représentent près de 80 % des dépenses fiscales rattachées à la mission. La première de deux dépenses fiscales s'est élevée à plus de 2 milliards d'euros en 2018 (en hausse de 7 %), soit presque la totalité des dépenses du programme. Pourtant, aucune indication sur le nombre de ses bénéficiaires, et moins encore sur leur qualité, n'est fournie. Or le rattachement de cette dépense fiscale à la mission ressort comme peu justifié selon la Cour des comptes. Cette dernière relève que l'estimation incluse dans le RAP comprend la totalité de la dépense fiscale alors que la réduction du taux de la taxe profite essentiellement au secteur du BTP. La Cour des comptes estime que seuls 42 % de cette dépense fiscale sont fléchés vers l'agriculture, soit un montant rattachable à la mission de 850 millions d'euros plutôt que les 2 milliards d'euros mentionnées. Cette anomalie doit au plus vite être corrigée. Le déficit informationnel sur les dépenses fiscales de la mission caractérise également la seconde de ces dépenses, estimée à 240 millions d'euros en 2018 (soit une hausse de 25 %), le nombre et la qualité des bénéficiaires n'étant pas fournis.

Si les rapporteurs se félicitent que cette dépense fiscale soit désormais isolée dans la documentation budgétaire, ils restent perplexes sur le rattachement de cette mesure à la mission 31 ( * ) .

Les dépenses fiscales sur impositions d'État enregistrent un fort dynamisme en 2019. Hors la dépense fiscale évoquée ci-dessus, elles atteignent 1,6 milliard d'euros (auxquels il faut ajouter 117 millions d'euros de dépense fiscale correspondant à des impositions locales).

Un grand nombre de dispositifs ne sont pas quantifiés, la plupart n'étant pas évalués.

Force est d'observer que les dépenses fiscales, qui sont exposées dans un tableau sommaire occupant 5 pages d'un rapport de performances de 233 pages, représentent une masse financière supérieure à celle des crédits consommés à partir du programme 149 auquel elles sont rattachées.

Cette situation n'est pas satisfaisante et il doit y être remédié d'autant que le soutien public à l'agriculture passe de plus en plus par ces voies.

Les dépenses fiscales sur impôt d'État augmentent de 76 millions d'euros (+ 5,1 %) contre une consommation des crédits budgétaires du programme 149 en baisse de 21,3 % (- 7,2 % pour l'action 24, base de comparaison qui évite certains biais de comparaison).

L'augmentation des transferts publics sur dépenses fiscales vient en totalité de l'innovation fiscale apportée par la loi de finances pour 2019 avec la déduction pour épargne de précaution (DEP). Son coût est estimé à 90 millions d'euros, mais il est inférieur aux coûts cumulés des déductions pour investissement (87 millions d'euros en 2018) et pour aléas (12 millions d'euros en 2018) auxquelles la DEP se substitue.

Si l'on consolide ces mouvements, la réalisation 2019 extériorise une baisse des soutiens fiscaux aux épargnes de précaution, situation évidemment paradoxale au vu des intentions affichées.

La capacité d'épargne des exploitants, fortement inégale, qui fait que les dispositifs dont s'agit ne bénéficient que très inégalement aux agriculteurs, devrait ressortir très fortement réduite de la catastrophe en cours. Les réserves disponibles auront sans doute été largement sollicitées au terme de 2020 d'autant que l'article 7 de la loi n° 2020-473 de finances rectificative du 25 avril 2020 en a facilité la mobilisation, en prévoyant que les disponibilités mobilisées puissent n'être pas rapportées aux résultats 32 ( * ) . La capacité des exploitants à reconstituer leur épargne devrait être très limitée, de sorte que le dispositif adopté en 2019 ne sera durablement opératoire que dans un nombre d'années assez indéterminable.

L'alourdissement des enjeux financiers du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique doit être signalé. Il représente 54 millions d'euros contre 37 millions l'an dernier (+ 46 %). Cette dynamique tranche avec celle des dépenses sur crédits dont la consommation baisse par rapport à l'année dernière. Sous réserve des difficultés de suivi des engagements et des paiements en faveur des agriculteurs passés au bio résultant d'une opacité inacceptable des programmations budgétaires correspondantes, mais aussi des anomalies constatées dans le rythme des paiements en faveur de l'agriculture biologique, cette divergence laisse supposer que l'extension de la surface cultivée en bio doit beaucoup à des exploitations pour lesquelles l'agriculture biologique ne représente qu'une source seconde de revenus.

La documentation budgétaire de la dépense fiscale est anormalement en retard sur les évolutions réelles puisque le nombre des bénéficiaires demeure évalué sur la base des données de 2017 (13 895 entreprises) alors que depuis cette date, le nombre des exploitants en bio a augmenté de plus de 13 %.

Cependant, il apparaît assez clair que cette dernière dynamique est insuffisante pour expliquer l'accroissement du poids du crédit d'impôt de sorte qu'outre l'effet de composition mentionné plus haut il faille prendre en compte l'impact de l'entrée dans le dispositif d'exploitants auparavant exclus du fait des aides directes perçues par eux 33 ( * ) .

Enfin, les rapporteurs spéciaux réitèrent deux souhaits.

Il est plus que regrettable que la contribution du budget européen à l'agriculture française, qui est la première bénéficiaire de la PAC, soit totalement passée sous silence dans le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement. Ce regret n'est pas uniquement politique, il est également technique dans la mesure où l'exécution des crédits européens et nationaux sont étroitement liées.

Enfin, en ce qui concerne les allègements de cotisations sociales, dont la prise en compte au titre des crédits budgétaires fluctue sur la base d'arrangements purement institutionnels (voir infra ), ils ne sont pas exposés dans les documents budgétaires lorsqu'ils ne sont pas compensés sur les crédits de la mission. Cette lacune devrait être corrigée.

B. MALGRÉ UN IMPACT PLUS MODÉRÉ EN 2019 LES DIFFICULTÉS RÉCURRENTES D'ADMINISTRATION MÉRITENT UNE ATTENTION SOUTENUE

Régulièrement chaotique ces dernières années, l'exécution budgétaire a été moins bousculée en 2019 par les effets de difficultés d'administration de la politique agricole, qui, toutefois, appellent une attention soutenue.

Le charge des refus d'apurement, quoiqu'en baisse, reste élevée et, provenant de motifs structurels, reste un point de préoccupation pour l'avenir alors même que les coûts d'administration des interventions agricoles sont souvent élevés.

Le retour à un calendrier normal de paiement des aides agricoles, qui mériterait d'être étayé par une information budgétaire, aujourd'hui très insuffisante, à supposer qu'il soit réellement complet, a profité de facteurs différenciés, dont certains sont très loin d'être satisfaisants.

1. La charge des refus d'apurement a été considérablement allégée par rapport aux exercices précédents, mais de nouvelles déconvenues ne sont pas à exclure

L'exécution des crédits en 2019 fait état d'une charge au titre des refus d'apurement européen de 125,1 millions d'euros en baisse par rapport aux 177,8 millions d'euros payés en 2018 (eux-mêmes en forte diminution par rapport aux charges de 2017 (721 millions d'euros).

Évolution des refus d'apurement européens depuis dix ans

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

La charge d'apurement, pour avoir allégé le poids budgétaire de la mission de près de 600 millions d'euros de l'exercice 2017 à l'exercice 2019, demeure trop élevée. Il n'est pas satisfaisant que notre pays doive gaspiller des ressources qu'il devrait pouvoir mobiliser auprès du budget européen.

Les dysfonctionnements observés dans le passé ont conduit à engager des dépenses importantes destinées à y remédier. Dans sa dernière note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes présente la synthèse des données dont les rapporteurs spéciaux ont eu l'occasion de faire état ces dernières années.

Moyens consacrés à la normalisation de la chaîne de paiements agricoles

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

L'estimation de la Cour des comptes conduit à mettre en évidence les hésitations et lenteurs du processus, en particulier en ce qui concerne les dépenses informatiques de l'ASP.

Or, les investissements informatiques de l'ASP (50 millions d'euros dans les comptes de l'établissement) ne sont pas couvertes en 2019 par des ressources durables suffisantes. Le rapport annuel de performances l'indique avec netteté et il attribue à cette impasse de financement une forte responsabilité dans la dégradation du fonds de roulement de l'ASP, qui atteint 18,9 millions d'euros.

Cette somme équivaut à une débudgétisation particulièrement malvenue au regard des enjeux d'une parfaite régularité des paiements européens.

Ainsi, on observera que, malgré les dépenses consenties dans le passé pour améliorer l'infrastructure des paiements, une partie importante des charges de refus d'apurement européens s'explique par des décisions postérieures à l'année 2018. Cette situation est inquiétante même si la documentation budgétaire ne précise pas les années de rattachement des pénalités financières.

Elle montre que les défectuosités de la chaîne de paiement agricole que les rapporteurs spéciaux ont appelé à réparer dans leur rapport 34 ( * ) consacré à la chaîne de paiements agricoles, publié au mois de janvier 2018, autour de la formulation de 9 recommandations principales, auxquelles ils renvoient, doivent encore trouver une meilleure correction.

On rappelle ici que les refus d'apurement européens sont encore provisionnés pour une somme de 426 millions d'euros à fin 2019 (sur un total de provisions pour risques de 590 millions d'euros inscrits sur le seul programme 149). Les dotations de l'année concernent un montant de 268 millions d'euros au titre de l'apurement européen.

Les rapporteurs spéciaux relèvent que cet alourdissement n'a pas dissuadé le ministre de l'agriculture et de l'alimentation de proposer un budget comportant une diminution de la provision pour dépenses imprévues en 2020.

Le maintien d'un risque d'apurement élevé n'est guère surprenant au vu de la complexité de la gestion des interventions européennes qui oblige l'ASP à faire du « sur mesure » et à multiplier les modules de traitement d'aides répondant à des cadres financiers très diversifiés et aux conditionnalités pléthoriques.

Il ne faut du reste pas négliger, au-delà des difficultés de programmation informatique, les problèmes posés par le dispositif de contrôle-sanction institué par le droit européen, mais aussi les déficits de moyens de contrôle qui, au fil des années, et des différentes étapes de l'attrition de l'État territorial, ont réduit les capacités de ce dernier d'exercer des missions absolument nécessaires non seulement à la sauvegarde des finances publiques mais encore à la loyauté des relations entre exploitants agricoles.

Le graphique ci-dessous extrait d'un rapport de l'inspection générale des finances et du conseil général de l'alimentation de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) publié en 2017 restitue une répartition des responsabilités dans les dysfonctionnements des paiements agricoles qui aboutit au constat d'un éventail de responsabilités plurielles auxquelles il convient de s'attaquer avec détermination.

Répartition des responsabilités des corrections financières
par type d'intervention

Source : rapport IGF-CGAAER La gestion des aides de la politique agricole par l'agence de services et de paiement

C'est la condition pour que de nouvelles corrections financières ne viennent pas peser à nouveau dans les années à venir.

2. Un coût d'administration élevé des interventions agricoles de la PAC

Le coût d'administration des aides versées aux exploitants a été particulièrement élevé ces dernières années du fait des recrutements nécessités par le traitement des mesures mises en oeuvre pour pallier les dysfonctionnements de la chaîne régulière des paiements agricoles et pour rattraper les retards accumulés mais aussi des investissements nécessaires pour améliorer le registre parcellaire graphique (les prestations courantes de l'Institut national de l'information géographique et forestière ; ex IGN coûtant chaque année 8 millions d'euros) et les outils informatiques mobilisés par l'ASP.

Le RAP pour 2019 ne documente pas davantage que celui de 2018 le coût de gestion des aides de la PAC en cours d'année. Cette lacune supplémentaire dans l'information budgétaire est imputée aux « difficultés d'accès et de traitement aux données nécessaires au calcul, issues notamment de la fin de la comptabilité d'analyse des coûts qui permettaient de ventiler entre ministères les dépenses de fonctionnement en service déconcentrés » .

Les rapporteurs spéciaux ont déploré, à plusieurs reprises, l'appauvrissement de l'information budgétaire consécutif à la décision d'arrêter la publication des coûts complets des politiques publiques dans les documents budgétaires. Au demeurant, le président de la commission des finances du Sénat a traduit cette préoccupation lors de la récente audition du ministre des comptes publics. La réponse de ce dernier n'est pas pour rassurer, les travaux destinés à restaurer la comptabilité analytique, évoqués d'ailleurs dans le rapport annuel de performances de la mission AAFAR, semblant assez peu avancés.

Il n'est pas certain que la nouvelle vague de regroupement des services territoriaux annoncée en cours d'année et qui devrait se traduire par des transferts de moyens (notamment d'emplois) vers la mission « administration générale et territoriale de l'État » puisse en faciliter l'accomplissement.

Au demeurant, l'objectif de mutualisation des moyens d'administration territoriale de l'État peut conduire à des coûts fluctuants des politiques publiques.

Les rapporteurs spéciaux prennent acte de l'engagement de reprendre la publication de l'indicateur à compter du projet annuel de performances pour 2021. Il serait souhaitable que cet indicateur mentionne non seulement les coûts supportés par le ministère de l'agriculture et ses opérateurs, mais aussi la contribution de ces coûts à l'ensemble des coûts d'administration des interventions agricoles, dans la mesure où l'évolution du premier indicateur peut se trouver en interdépendance avec les interventions d'autres acteurs de la chaîne de paiement des aides agricoles. En outre, il conviendra que l'indicateur expose finement le coût de chaque grande intervention.

Il faut ajouter aux facteurs exposés pour justifier l'absence de publication d'un indicateur de gestion, évidemment essentiel, la réalité d'un versement chaotique des aides agricoles ces dernières années, la suspension des paiements de nombreuses catégories d'aides agricoles conduisant à une montée en flèche du coût de mise en oeuvre des interventions prises au dénominateur.

Dans ces conditions, les données présentées ci-dessous doivent être prises avec précaution.

Coût de gestion des aides de la PAC

Source : rapport annuel de performances 2019

On relève que le coût de gestion des aides du second pilier (hors aides surfaciques) absorbe une part très significative de moyens qui pourraient être sans doute plus utilement employés à soutenir la production agro-alimentaire, les aides du premier pilier dégageant apparemment des économies d'échelle. Cette dernière situation tient sans doute à la relative simplicité des modes d'intervention rattachés au premier pilier de la PAC, qui tranche avec l'extrême complexité des interventions pour le développement rural. Il convient donc de s'orienter vers des instrumentations plus simples, qui doivent devenir une composante à part entière de la détermination de la politique de développement rural.

Si l'on se réfère au passé, on a pu alors constater que les cibles de coût de gestion qui étaient fixées n'étaient régulièrement pas atteintes, la Cour des comptes ayant en outre observé que l'indicateur excluait un certain nombre de coûts de gestion.

Les rapporteurs spéciaux ajoutent qu'il serait utile de suivre les contributions des unités de production agricole à la satisfaction de processus de production normalisés répondant à des objectifs de politique publique afin d'en pouvoir évaluer l'ampleur respective et l'évolution. On peut mentionner à ce titre, les coûts de certification ou encore les montants acquittés au titre des cotisations volontaires obligatoires.

Sur cette dernière question, il apparaît que le taux de contribution aux coûts des différents processus s'inscrivant dans la logique de choix collectifs est susceptible de varier significativement, sans que cette situation, qui peut répondre à une certaine rationalité, ne soit documentée.

En bref, un sérieux effort de transparence des coûts d'administration des différentes composantes de la politique agricole s'impose qui doit aller jusqu'à une élucidation des conditions de leur imputation.

3. Un retour au calendrier normal de versements des aides ?

Les dysfonctionnements de la chaîne des paiements agricoles n'ont pas seulement valu des pénalités financières très lourdes imputées sur le budget de la mission AAFAR ces dernières années, elles ont également entraîné des retards dans le paiement des aides au point que certaines d'entre elles n'avaient tout simplement pas été budgétées dans les lois de finances.

Pour accompagner les exploitants, des avances de trésorerie remboursables ont été mises en place jusqu'en 2017. À leur propos, quelques observations peuvent être faites, l'une pour relever que les conditions monétaires qui ont prévalu au cours de la période récente ont eu l'heureux effet de réduire la charge financière desdites avances, circonstance indépendante de l'action directe de l'État et dont le renouvellement ne serait pas assuré si, d'aventure, de nouvelles avances remboursables devaient être nécessaires, l'autre pour souligner que toutes les aides n'ont pas pu donner lieu à une même couverture par les avances remboursables.

Pour certaines des aides (les mesures agroenvironnementales et climatiques - MAEC -, les aides bios...), l'absence de référence claire a gêné la mise en place d'avances remboursables. Les exploitants concernés ont donc été dans l'obligation de trouver des financements alternatifs, qui, pour certains d'entre eux, ont occasionné des charges financières. Parfois, les intervenants de l'aval ont pu se substituer à l'État en préfinançant les productions.

Un bilan complet de ces opérations mériterait d'être publié.

Enfin, outre les difficultés occasionnées aux exploitants par un mécanisme soumis au plafonnement de minimis 34 ( * ) et lourd à mobiliser, il faut rappeler que le taux d'avance n'a jamais été de 100 %, des marges plus ou moins importantes selon le type d'aide étant appliquées par l'administration.

En toute hypothèse, le retour à un calendrier normal de versement des aides 35 ( * ) est une bonne nouvelle pour les exploitants.

Cependant, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur son effectivité.

Ils regrettent, à ce titre, que l'information budgétaire sur les restes à payer soit si succincte qu'il soit impossible de rattacher les restes à payer aux différentes lignes d'intervention du budget agricole. Ils relèvent encore que l'information budgétaire ne distingue pas les restes à payer correspondant à un déroulement calendaire normal des engagements de ceux qui résultent d'un décalage du calendrier des paiements.

Ces lacunes doivent être comblées si l'on veut que l'information budgétaire soit pleinement sincère.

Déjà, l'an dernier, ils avaient pu relever que, selon toute apparence, tous les retards de paiement n'avaient pas été rattrapés.

Point d'étape en 2018 sur les paiements des aides agricoles

Si, pour la campagne 2015, les paiements ont été démarrés en 2017 et achevés en 2018, les aides de la campagne 2016 (hors aides du 1 er pilier de la PAC, qui, sous l'aiguillon d'une réglementation menaçant d'un dégagement d'office les crédits européens non exécutés en bon temps, ont fait l'objet d'un retour à paiement prioritaire) n'ont été payées qu'à hauteur de 90 % des dossiers (pour un montant de l'ordre de 300 millions d'euros, les dossiers les plus difficiles restant à régler). En ce qui concerne la campagne 2017, 75 % des dossiers auraient été payés.

Quant à la campagne 2018, s'agissant des MAEC et des aides bio, les paiements auraient été de 50 % pour les premières et de 30 % pour les secondes.

Quant à l'exécution 2019, en réponse à une question des rapporteurs spéciaux dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, il avait été indiqué que, si pour les aides du premier pilier, il n'y aurait aucun écart entre le calendrier normal des paiements et le calendrier prévisionnel du Gouvernement (ce qui ne signifie d'ailleurs pas que celui-ci avait pu être honoré), pour le second pilier, la réponse fournie aux rapporteurs spéciaux témoignait d'un peu plus de complexité.

Le calendrier des paiements des aides surfaciques
du second pilier de la PAC

a) L'Indemnité Compensatoire de Handicaps Naturels (ICHN).

Comme pour les aides du premier pilier de la PAC, en ce qui concerne l'ICHN, le retard a été entièrement résorbé et le calendrier de versement des aides est revenu à une situation normale dès 2018. Comme pour les aides du premier pilier de la PAC, les aides de l'ICHN seront versées selon un calendrier habituel en 2019.

b) Les Mesures Agro-Environnementales et Climatiques (MAEC) et les aides en faveur de l'agriculture biologique (AB).

Les dispositifs des aides MAEC/BIO ont connu du retard à compter de la campagne 2015....

Le démarrage des paiements MAEC/BIO de la campagne 2018 est intervenu en mars 2019 conformément au calendrier annoncé par le Gouvernement et illustre le retour à un calendrier normal pour le versement de ces aides, à savoir un démarrage des paiements en mars de l'année N+1 pour la campagne de l'année N. 58 % du total des dossiers pour la campagne PAC 2018 ont été payés à la date du 18 juillet 2019. Cela représente un montant total de 290 millions d'euros. Au titre de la campagne 2019, les premiers paiements seront effectués à compter du mois de mars 2020 conformément au calendrier normal.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux (PLF 2020)

Les indications fournies dans la réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux suscitent une certaine perplexité.

En premier lieu, il en ressort que plus de 40 % des dossiers restaient à instruire en juillet 2019, aucune information n'étant apportée sur la suite des instructions.

La réponse n'excluait pas, en soi, que le reste de l'année ait permis de conclure l'instruction des demandes présentées au titre de 2018 mais rien n'est indiqué quant aux dossiers des campagnes précédentes restant à honorer. L'analyse de leur sort en est réduite à demeurer hypothétique (voir infra ).

En ce qui concerne les dossiers non traités en juillet il ne ressort pas avec clarté des données de l'exécution budgétaire pour 2019 que toutes les aides de la campagne 2018 aient pu être versées.

Les enjeux financiers attachés aux 58 % de dossiers traités en juillet de l'année étaient estimés dans la réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux à 290 millions d'euros soit une dépense de cofinancement national de 72,5 millions d'euros.

Aucune précision n'est apportée sur la part de ce cofinancement reposant à l'échéance indiquée sur les crédits du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, ministère qui n'est pas le seul financeur national des interventions en cause.

On en est donc réduit à poser des hypothèses pour tenter d'approcher la réalité de l'exécution des paiements de ces interventions.

En supposant que la totalité des cofinancements nationaux correspondant aux dossiers traités en juillet puisse être imputée à la mission AAFAR, sur la base d'un cofinancement national de 25 %, on observe que la dépense finale au titre des MAEC et des aides à l'agriculture biologique pour l'ensemble de l'année 2019, telle que restituée dans les écritures de la mission AAFAR, a été de 97 millions d'euros, soit un complément de 24,5 millions d'euros par rapport à l'enjeu financier « identifiable » à mi-juillet.

C'est a priori moins que le nécessaire pour le reliquat des dossiers (sauf à supposer une distribution complètement différente des enjeux financiers des 58 % de dossiers traités en juillet et des 42 % du reliquat).

Les rapporteurs spéciaux considèrent véritablement pénible de devoir, six mois après la clôture d'un exercice budgétaire, se livrer à un lot d'hypothèses pour essayer de surmonter les lacunes de l'information budgétaire.

Il convient de fournir systématiquement des restitutions fidèles et sincères des situations financières reflétant la gestion des aides agricoles.

Les rapporteurs spéciaux insistent pour que les aides correspondant à des priorités fortes de la politique agricole du pays fassent l'objet d'une documentation budgétaire sérieuse. Il n'est pas interdit de dépasser les dix lignes que leur consacre le RAP en 2019.

Au-delà, d'un point de vue opérationnel, ces interventions ne doivent pas être l'objet d'une attention de second ordre.

À cet égard, la réglementation européenne qui aboutit à accorder une priorité d'exécution aux aides de premier pilier introduit un biais de sélection incohérent avec les objectifs affichés de la PAC. Il convient d'en obtenir l'assouplissement.

Cet objectif s'impose d'autant plus que la pression exercée par le règlement financier européen nourrit une seconde crainte quant aux rattrapages des paiements réalisés à ce jour, celle qu'ils puissent avoir été effectués dans des conditions ne garantissant pas entièrement leur conformité, et qu'ainsi ils alimentent d'éventuelles sanctions financières subséquentes. Certes, le ministère de l'agriculture a pu se baser sur les efforts entrepris pour améliorer les infrastructures de paiement. Néanmoins, l'extrême diversité des points de contrôle prescrits et l'application de corrections forfaitaires par la Commission peuvent toujours entretenir des incertitudes sur l'issue de contrôles appliqués à des volumes déjà considérables d'opérations en temps normal et rendus pléthoriques lorsque s'y ajoute le traitement du stock.

4. Que vont devenir les crédits d'engagement ayant fait l'objet d'un retrait ?

Les années 2018 et 2019 ont enregistré un retrait d'engagements massif (plus de 580 millions d'euros).

Les rapporteurs spéciaux souhaitent disposer des informations sur les tenants et aboutissants de ces opérations.

Il faut, en particulier, que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation indique précisément les motifs qui ont conduit à ne pas concrétiser ces engagements et les axes prioritaires qui ont été concernés.

Il faut également pouvoir apprécier dans quelle mesure ces opérations ont pu engendrer des pertes d'opportunités budgétaires pour la France dans ses relations financières avec le budget européen.

Il faut enfin des précisions sur les reprises des crédits rendus disponibles.

C. UN NIVEAU DE SUBVENTIONS RIGIDE DANS UN CONTEXTE MARQUÉ PAR DES CONTRAINTES ÉCONOMIQUES FORTES

La statistique agricole, remarquablement développée sous certains angles, accuse un retard d'autant plus regrettable que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation dispose d'un service statistique efficace et secondé par des emplois issus de l'INSEE.

L'année 2020 devait être une année de recensement agricole, mais il est à redouter que ce dernier subisse des retards.

L'agriculture française connaît une situation très tendue qui s'accompagne de mutations très profondes, dont certaines présentent des risques élevés. La population des exploitations agricoles mérite à ce titre un suivi très vigilant auquel la statistique agricole devrait prêter un concours plus continu.

De nombreuses exploitations dégagent très peu de revenus et l'âge des exploitants est souvent élevé, faisant craindre un effondrement de la base productive agricole.

Si ce dernier ne s'est pas concrétisé jusqu'à présent, la France ayant perdu beaucoup d'exploitations mais dans un contexte d'augmentation de la superficie moyenne des exploitations, les perspectives démographiques annoncent une accentuation des risques.

La capacité des aides agricoles à conjurer ces derniers semble plutôt médiocre. Les aides agricoles demeurent assez peu contra-cycliques.

Le glissement vers des concours publics à l'agriculture présentant des caractéristiques de plus en plus asymétriques (les « niches fiscales et sociales ») dans un contexte de raréfaction des aides est susceptible de créer des chocs particulièrement difficiles à surmonter pour des exploitations tirant du marché des ressources médiocres.

L'année 2019 caractérisée par une baisse de la production agricole hors subventions de 2 % a également été marquée par une baisse des subventions d'exploitation.

1. La contribution des subventions aux résultats économiques des exploitations est vitale pour de nombreuses exploitations et pleinement justifiée par les caractéristiques particulières de l'agriculture française...

Les exploitations agricoles bénéficient de soutiens publics importants.

Selon les derniers chiffres disponibles, la subvention moyenne atteignait 32 000 euros en 2016 avec une dispersion toutefois marquée.

Dans ce total, les aides liées à la politique de développement rural à laquelle la mission contribue représentent un tiers.

Orientation technique

Subvention totale moyenne par bénéficiaire en 2016 (en euros)

Subvention totale moyenne par bénéficiaire

Évolution 2015/2016*
(en %)

Part des subventions dans le total produit de l'exercice + subventions

Aides découplées : montant moyen par bénéficiaire (en euros)

Aides couplées : montant moyen par bénéficiaire (en euros)

Développement rural : montant moyen par bénéficiaire (en euros)

Céréales et oléoprotéagineux

35 519

- 9 %

23 %

28 798

2 356

5 571

Autres grandes cultures

34 872

- 11 %

15 %

31 751

2 979

10 657

Maraîchage

9 559

- 19 %

4 %

3 757

774

1 964

Horticulture

6 389

- 31 %

2 %

5 409

1 441

14 334

Viticulture

6 519

- 17 %

3 %

6 154

1 364

4 451

Fruits et autres cultures permanentes

17 870

- 7 %

9 %

9 166

7 665

5 949

Bovins lait

33 885

- 1 %

19 %

22 561

2 978

13 458

Bovins viande

46 105

1 %

39 %

21 329

11 688

12 060

Bovins mixte

47 435

- 2 %

26 %

27 854

8 409

14 464

Ovins et caprins

42 314

2 %

40 %

17 509

9 832

14 285

Porcins

20 500

- 11 %

5 %

16 698

4 283

9 395

Volailles

19 235

10 %

8 %

14 016

5 390

6 447

Granivores mixtes

35 392

- 3 %

12 %

23 953

6 209

13 436

Polyculture, polyélevage, autres

38 019

- 4 %

23 %

27 645

6 471

8 873

Total

32 068

- 4 %

21 %

23 114

5 937

11 845

* Évolutions exprimées à échantillon d'exploitations 15-16 constant - en valeurs réelles.

Note de lecture : dans les deux premières colonnes, les bénéficiaires considérés sont les exploitations agricoles bénéficiant d'au moins une subvention, quelle que soit la nature de celle-ci. En 2016, un viticulteur bénéficiaire d'au moins une subvention touche 6 50 euros d'aides en moyenne. Dans les trois dernières colonnes, les bénéficiaires sont précisément les bénéficiaires de la subvention dont le montant moyen est calculé. En 2016, un éleveur de bovins viande bénéficiaire d'une aide au développement rural touche en moyenne 12 100 euros.

Source : commission des comptes de l'agriculture

La France se singularise par une polarisation des soutiens autour des exploitations de taille moyenne 36 ( * ) du fait des caractéristiques des exploitations agricoles.

Sans ces aides, 30 % des exploitations connaîtraient un excédent brut d'exploitation négatif.

Cette proportion demeure importante après versement des subventions, mais elle n'est plus que de 6 %.

Évolution des effectifs 15-16 calculée sur échantillons complets d'exploitations par année - € courants.

Source : SSP, RICA

L'agriculture française est exposée à des contraintes économiques d'autant plus prégnantes que le modèle d'agriculture promu par la politique agricole française est diversifié et tend vers une transition agro-écologique renforcée.

2. ... mais les interventions stagnent

À cet égard, l'exécution du budget agricole en 2019, moins tributaire des chaos observés les années précédentes, conduit à retrouver, une fois dissipée l'illusion budgétaire concomitante, une déplaisante réalité, celle d'une forme de stagnation des interventions destinées à soutenir les capacités de l'agriculture française à se renforcer.

Les subventions d'exploitation de la branche agriculture

(2013-2019)

(en millions d'euros)

* Les montants sont enregistrés selon la règle des droits et obligations (montants dus), ce qui peut occasionner des différences avec les concours publics (montants versés).
** À partir de 2015, les paiements uniques de la PAC ont été remplacés par un paiement de base (2 899 millions d'euros en 2019), un paiement vert adossé au paiement de base conditionné au respect de pratiques environnementales (2 000 millions d'euros), un paiement redistributif (675 millions d'euros) qui sur prime forfaitairement les 52 premiers hectares de chaque exploitation et un paiement en faveur des jeunes agriculteurs (80 millions d'euros).

Source : service de la statistique et de la Prospective, ministère de l'agriculture, offices agricoles

Le niveau des subventions d'exploitation versées à l'agriculture s'est inscrit en baisse de 61,8 millions d'euros entre 2018 et 2019. Plus significativement encore il est inférieur à celui de 2015 (- 596 millions d'euros).

Il est bien vrai que les subventions agricoles et particulièrement les dépenses d'intervention du programme 149 sont susceptibles de plusieurs niveaux de lecture selon qu'on lisse ou non les variations accidentelles intervenues d'une année sur l'autre, selon le champ des interventions qu'on embrasse et selon le rythme des engagements.

À cet égard, force est de constater que la moyenne mobile sur trois ans est à la baisse depuis 2013.

Les facteurs baissiers ne proviennent a priori pas de la programmation initiale du Feader pour la période 2014-2020, l'enveloppe de la France ayant été portée de 7,6 milliards d'euros à 11,4 milliards d'euros, d'autant que le second pilier de la PAC auquel correspond ce fonds a été abondé en cours de gestion par des transferts provenant du premier pilier pour 7,5 % des disponibilités de la France au titre du Feaga 37 ( * ) .

Il faut ainsi plutôt les attribuer à des facteurs internes, tenant à la gestion des dotations.

On doit ici évoquer à nouveau les considérables retraits d'engagement constatés en 2018 et 2019.

Par ailleurs, même corrigée des facteurs exceptionnels tenant au rattrapage des paiements agricoles, la courbe des dépenses d'intervention du programme 149 est descendante.

Les dépenses d'intervention du programme 149 (2012-2019) 38 ( * )

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes ; note d'exécution budgétaire 2019

Cette tendance entretient sans doute une relation étroite avec l'attrition de la base productive agricole. Si cette dernière est moins marquée sous l'angle des surfaces cultivées, elle a été très forte sous celui du nombre des exploitants.

De 2000 à 2010, il s'est replié de 3 % par an, puis, de 2010 à 2016, de 2 % l'an. Ce recul a principalement touché les petites exploitations (moins de 25 000 euros de production par an) qui ne représentent plus que 31 % du total (contre 36 % en 2010). En revanche, le nombre des exploitations agricoles dégageant plus de 100 000 euros de revenus était sur une pente ascendante entre 2010 et 2013 (de 110 000 à 115 000).

Dans ces conditions, la sous-exécution des crédits destinés à la dotation aux jeunes agriculteurs (- 4,6 millions d'euros en autorisations d'engagement, - 21 millions d'euros en crédits de paiement, soit pas loin de la moitié de la dotation prévue) dont une partie avait été redéployée l'an dernier vers la lutte contre la prédation du loup, dont les coûts fortement croissants n'assurent pas l'efficacité, peut être tout particulièrement déplorée.

Le RAP explique qu'il s'est agi de doter les moyens de bonifications d'intérêt dont les besoins n'avaient pas été estimés dans le projet de loi de finances initiale. Les dépenses réalisées à ce titre se sont élevées à 49,9 millions d'euros. Elles sont à peu près stables par rapport à l'an dernier, exercice pendant lequel elles avaient pu être financées par redéploiements mais également par des reports de crédits de 2017. Cette année, le poids des dépenses correspondantes a dû être supporté par les dotations de la loi de finances initiale, dont celle prévue pour la dotation aux jeunes agriculteurs.

On rappelle que les bonifications d'intérêt ne sont attribuées qu'à des installations passées, le dispositif ne présentant plus d'intérêt du fait des taux ayant été fermés. Par ailleurs, la consommation de la sous-action « dotation aux jeunes agriculteurs », en baisse par rapport à 2018, n'est pas rattachable aux différentes générations d'installation.

Dans ces conditions, la documentation budgétaire permet d'autant moins de suivre les soutiens accordés aux nouveaux exploitants que le dispositif de performance de la mission présente un indicateur reposant sur des données insuffisamment actualisées.

En toute hypothèse, la réduction du nombre des exploitants agricoles conduit à la recommandation d'un examen complet de l'aide au renouvellement de la population engagée dans la production agricole.

Évolution de la population des exploitants agricoles (2000-2016)

Source : Tableaux de l'économie française ; INSEE; 2019

Cette recommandation s'impose d'autant plus que la dotation aux jeunes agricultures semble affectée par une certaine complexité de gestion.

La dotation d'installation est une aide en trésorerie structurée autour d'un montant de base variable selon la zone d'installation (entre 8 000 euros et 36 000 euros) et d'une composante modulée en fonction de certains engagements particuliers (notamment au regard du développement de l'agro-écologie).

Les délais d'instruction peuvent être assez élevés et le niveau de la dotation (le niveau moyen de la DJA est de 28 000 euros), pour n'être pas négligeable, demeure assez modeste .

Elle n'est qu'une des composantes des aides publiques à l'installation.

Parmi celles-ci figure une dépense fiscale dont la loi de finances pour 2019 a réorganisé l'économie. Elle a recentré l'abattement fiscal dont bénéficient les jeunes agriculteurs, tout en en réduisant (du moins dans le projet initial) la contrevaleur (- 6 millions d'euros).

L'exercice 2019 ne traduit pas encore les effets de cette réorganisation (qui a débouché sur un barème aux forts effets de seuil). La dépense fiscale correspondante est estimée à 42 millions d'euros (contre 38 millions d'euros en 2018).

Les exercices à venir permettront d'estimer l'impact de la réforme.

Une dernière observation s'impose pour évoquer le glissement des interventions agricoles opéré dans le cadre de la financiarisation du budget de l'État produite par le grand plan d'investissement.

Les crédits de modernisation des exploitations agricoles correspondent de plus en plus à des dotations venant en confort de productions financières gérées par des tiers (BPI, Fonds européen d'investissement). Le suivi de l'emploi de ces dotations n'est pas restitué par la documentation budgétaire, qui se contente de relever que la consommation des crédits augmente.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent pouvoir mesurer l'effectivité de l'emploi de ces dotations en forte hausse (103,2 millions d'euros en 2019 contre 85,4 millions d'euros en 2018).

En toute hypothèse, il est assez paradoxal de justifier la clôture du mécanisme des prêts bonifiés par son déficit de pertinence dans un contexte de faibles taux d'intérêt et d'orienter les interventions du budget agricole vers des soutiens qui, sans être totalement équivalents, reposent malgré tout sur une logique de facilitation d'accès au crédit, dont une trop faible partie de la population agricole est à même de bénéficier.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que la justification principale du budget agricole est de fournir les bases d'une agriculture nationale diversifiée (l'agriculture française est la plus diversifiée d'Europe) et non d'être le support d'un darwinisme agricole qui affaiblirait sa vocation.

À cet égard, il faut déplorer que le sort des exploitations agricoles désormais privées du bénéfice de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels n'ait pas été réglé en 2019.

D. DES OPÉRATEURS EN DIFFICULTÉ

1. La politique forestière et l'ONF

La gestion durable de la forêt et le développement de la filière bois (action n° 26) étaient dotés de crédits correspondant à 8,5 % des autorisations d'engagement du programme 149 en loi de finances et à 8,7 % des crédits de paiement (en comprenant les fonds de concours et les attributions de produits).

Données sur la programmation budgétaire
de l'action n° 26 du programme 149

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Loi de finances initiale 2018

242,1

270,3

Loi de finances initiale 2019

245,3

253,3

Évolution

+ 3,2

- 17

Consommation 2018

171,0

268,6

Consommation 2019

215,3

227,6

Évolution

+ 44,3

- 41

Taux d'exécution des dotations 2018

71 %

99,4 %

Taux d'exécution des dotations 2019

87,8 %

89,9 %

Source : commission des finances du Sénat

La programmation des dotations en faveur de la forêt est fréquemment quelque peu sacrifiée tandis que la consommation des crédits accentue cette regrettable tendance.

En 2019, au stade de la programmation budgétaire, les autorisations d'engagement avaient été préservées avec un montant légèrement supérieur à celui de l'exercice précédent, tandis que les crédits de paiement accusaient une baisse significative (- 6,2 %). Cette dernière évolution avait été justifiée par la réduction des besoins nécessaires pour couvrir les suites de la tempête Klaus de 2009. De fait, les crédits de paiement mobilisés en 2019 à ce titre ont baissé de 20,9 millions d'euros.

Quoi qu'il en soit de cette justification, le bilan d'exécution des dotations budgétaires dégage des taux de consommation en retrait par rapport au potentiel : 87,8 % pour les autorisations d'engagement (en amélioration de 17,8 points par rapport à 2018) et 89,9 % pour les crédits de paiement (soit une détérioration de 9,5 points par rapport à l'an dernier).

Dans ce contexte, la consommation des autorisations d'engagement s'est toutefois fortement redressée (+ 25 %), mais les paiements ont reculé de 15,3 % par rapport à 2018.

Ces évolutions sont en partie opaques dans la mesure où les retraits d'engagement ont atteint des niveaux élevés qui appellent une explicitation beaucoup plus précise que celle, sibylline, de la documentation budgétaire. Cette année encore des retraits d'engagement sont mentionnés pour un total avoisinant 14 millions d'euros, dont la plupart concernent les transferts aux entreprises (13,6 millions d'euros).

Le bras armé de la politique forestière, l'Office national des forêts, rencontre des difficultés considérables. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2016-2020 fixait à l'établissement des objectifs de redressement fondés sur une maximisation de ses recettes propres et sur une maîtrise de sa masse salariale.

Un rapport récent de quatre inspections publié en juillet 2019 a mis en évidence la fragilité financière de l'ONF.

Évolution de l'excédent brut d'exploitation de l'ONF depuis 2009

(en millions d'euros)

Source : rapport des quatre inspections, juillet 2019

Moyennant des redressements comptables, l'excédent brut d'exploitation de l'ONF se serait un peu redressé mais demeurerait négatif.

Le tableau de financement de l'ONF traduit au cours de la période considérée l'existence d'un besoin de financement cumulé de 544 millions d'euros couvert par une subvention publique d'équilibre de 286 millions d'euros, des cessions d'actifs pour 31 millions d'euros et des emprunts pour 227 millions d'euros.

Ces derniers ont grevé la dette de l'établissement supposée avoisiner 400 millions d'euros à la fin de 2019 .

Le non versement en 2016 et 2017 de la subvention d'équilibre votée par le Parlement a aggravé la situation.

Dans ces conditions, il est plus que regrettable que la subvention d'équilibre attribuée à l'ONF en 2019 ait rétrogradé en-deçà du niveau payé en 2018 (6,5 millions d'euros contre 13,3 millions d'euros).

Si l'on peut se féliciter que le résultat d'exploitation de l'ONF ait été moins négatif qu'en 2018, malgré une baisse importante des ressources tirées de la vente de bois, force est de reconnaître que cette évolution a été acquise sur des bases difficilement reproductibles : une inflation des cessions immobilières portées à 57,4 millions d'euros (contre 6 millions d'euros en 2018) , une modification de la structure d'emplois de l'ONF avec un recours accru au salariat privé qui permet d'économiser des contributions employeurs au compte d'affectation spéciale « Pensions » mais semble difficilement compatible avec le maintien du statut de l'opérateur ; une baisse des emplois dont la cohérence avec les ambitions affichées dans le contrat d'objectifs et de performance est douteuse.

L'autre grand poste de réduction des crédits de paiement a concerné le fond stratégique de la forêt et du bois. L'an dernier, les dépenses avaient été de 18,4 millions d'euros en crédits de paiement (23,4 millions d'euros en autorisations d'engagement). Cette année la réduction des paiements atteint 15 millions d'euros en crédits de paiement (8,7 millions d'euros en autorisations d'engagement). Ces interventions semblent avoir été particulièrement concernées par les retraits d'autorisations d'engagement. Elles financent la desserte de parcelles forestières mais aussi les prêts participatifs pour investissements innovants mis en place par BpiFrance, l'accélérateur de PME géré par cette même banque ainsi que les appels à manifestation d'intérêt « projet de territoires » conclus en fin de gestion 2019.

Les motifs des variations de dépenses ne sont pas explicités alors même qu'elles sont censées jouer un rôle central pour l'investissement forestier et peuvent se recommander de leur inscription dans le cadre du « grand plan d'investissement » qui incarne, avec un succès inégal, le tournant financier, contestable, des interventions du ministère de l'agriculture.

Quand on tient compte de la mobilisation des moyens de cette sous-action pour lutter contre les scolytes (mise à l'écart des bois affectés), on peut s'interroger sur la portée des actions prévues pour améliorer l'investissement forestier.

Un point de satisfaction doit être signalé avec le renforcement des dépenses consacrées à soutenir les collectivités territoriales dans leur action de lutte contre les incendies de forêts. Cependant, le niveau de ces dépenses avait été particulièrement minime en 2018 et l'exercice 2019 est resté marqué par une forte sous-consommation du disponible, une partie des moyens non mobilisés (de l'ordre de 9 millions d'euros) ayant été divertie vers d'autres besoins du programme 149 (le rapport annuel de performances mentionne les prêts bonifiés qui avaient été sous-dotés en loi de finances initiale).

2. L'ASP et la modernisation de ses outils

Les dépenses correspondant à la subvention pour charges de service public à destination de l'agence de services et de paiement (ASP) qui a notamment pour mission d'assurer un paiement régulier de la plupart des interventions au profit des exploitants agricoles 39 ( * ) accusent une sous-consommation par rapport aux crédits votés (95,6 millions d'euros contre 98,7 millions d'euros) mais surtout une nette réduction par rapport à l'an dernier.

Parmi les facteurs identifiés comme ayant causé les dysfonctionnements de la chaîne de paiements agricoles figurent des problèmes de configuration des systèmes informatiques de l'ASP.

Une mise à niveau s'était imposée dont le retard avait aggravé les difficultés rencontrées pour assurer les paiements des aides.

L'année 2018 avait vu l'affectation à l'ASP d'une partie des crédits dévolus théoriquement aux dépenses imprévisibles (les 300 millions d'euros de la ligne budgétaire ouverte à ce titre dans le budget pour 2018), emploi qui constitue une anomalie au vu de la destination de cette enveloppe budgétaire.

Au total, les transferts au profit de l'ASP avaient excédé de 22 millions d'euros les dotations initialement prévues (soit une surcharge de 17 %), notamment du fait du complément évoqué.

Par rapport aux 103,5 millions d'euros mobilisés l'an dernier, le recul est de près de 8 millions d'euros cette année (- 7,6 %).

A ces données, il convient d'ajouter les dotations en fonds propres allouées à l'établissement. Là aussi, une baisse se constate : 45,1 millions d'euros en 2018 ; 22 millions d'euros en 2019.

Au total, l'effort en faveur de l'ASP rétrograde (118 millions d'euros contre 148 millions d'euros en 2018, soit une baisse de plus de 20 %).

Il est très difficile d'estimer si les besoins à couvrir, qui paraissent très substantiels, ont pu être satisfaits en 2019. En tout cas, le compte financier de l'ASP se solde par une perte de 28 millions d'euros et par une diminution du fonds de roulement de 18,9 millions d'euros.

Un nouveau contrat d'objectifs et de performance couvrant la période 2019-2023 a été conclu en cours d'année.

Les rapporteurs spéciaux relèvent le choix de cet instrument plutôt que d'un contrat d'objectifs et de moyens, formule qui permet de mieux programmer les contreparties financières des objectifs assignés aux opérateurs.

Par ailleurs, deux questions se posent relatives à la faisabilité d'une mise à niveau en l'état. La prochaine politique agricole commune est à ce stade peu anticipable mais un nouveau tour de configuration des systèmes devra intervenir. En outre, la multiplicité des conditions de paiement est actuellement si extrême que la direction de l'établissement estime devoir faire face à des process ne se prêtant pas à un traitement de masse standard, configuration qui confère la plus grande efficience aux systèmes informatiques. Dans ces conditions, il y a lieu d'anticiper la réitération de coûts d'adaptation élevés dans l'avenir.

3. L'ANSES, une forte augmentation des dépenses de fonctionnement ; un financement reposant de plus en plus sur une activité d'autorisation de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques au modèle problématique ; une vocation scientifique à défendre résolument

L'année 2019 est la deuxième portant exécution du contrat d'objectifs et de performance conclu avec l'État pour la période 2018-2019. L'agence est placée sous l'autorité de quatre ministres de tutelle, le financement par l'État étant majoritairement à la charge du programme 206 de la mission AAFAR.

En 2019, la subvention pour charges de service public versée par ce programme qui avait été programmée pour atteindre 68,6 millions d'euros a été nettement réduite en exécution. N'ont été versés que 56,9 millions d'euros.

Cette sous consommation est « justifiée » par le constat que la hausse de la subvention envisagée en loi de finances initiale (+ 8,4 millions d'euros) dans la perspective du Brexit (il s'agissait de pallier le retrait du Royaume-Uni du circuit d'autorisation de mise sur le marché des substances actives) a perdu sa pertinence du fait du report de cet événement.

Manifestement, ce dernier a reçu dans l'exécution budgétaire de 2019 des prolongements différenciés.

Il n'empêche que les crédits ont été ajustés en exécution au-delà de « l'opportunité financière » ainsi identifiée par le responsable de programme puisqu'afin de résoudre des tensions d'exécution sur le programme 206, au total, près de 9 millions d'euros ont été économisés (la surcharge « Brexit » semblant avoir été estimée à 5,87 millions d'euros).

Cet arbitrage interne à un programme dont il est inutile de rappeler ici et en ces temps la dimension absolument essentielle ne saurait recueillir l'assentiment des rapporteurs spéciaux.

Ces derniers observent que le financement reçu du ministère de la santé (15,9 millions d'euros), pour n'être pas à la hauteur d'un objectif qui devrait rechercher une répartition des financements de l'État plus équilibré, a été supérieur, de son côté, à la prévision de la loi de finances initiale.

La baisse de la subvention pour charges de service public a inversé en réalisation le solde provisionnel du compte de résultat, mais pas à due proportion. D'un excédent de 3,7 millions d'euros, le résultat est passé à une perte de 776 000 euros (4,3 millions d'euros d'écart pour une réduction de la subvention versée par le programme 206 de 10,16 millions d'euros).

Les charges ont pu être réduites par rapport à la prévision, du fait des dépenses de personnel qui ont extériorisé 7 millions d'euros d'économies tandis que les ressources alternatives ont été supérieures aux prévisions. La sur exécution de la subvention du ministère de la santé, un produit de la fiscalité affectée légèrement supérieur et un transfert pour études permettant de couvrir partiellement les effets de la baisse de l'engagement du ministère de l'agriculture au profit de l'ANSES.

Du côté des charges, si les dépenses de personnel ont servi de variables d'ajustement, le plafond d'emplois prévu ayant été sous consommé (- 5 ETPT), les emplois hors plafond ayant été par ailleurs économisés (10 emplois aidés en moins que prévu), les dépenses de fonctionnement ont connu une forte augmentation par rapport au budget initial, évolution qui ne se réconcilie pas avec les données détaillées sur les dépenses par destination (elles extériorisent moins de dépenses de fonctionnement que prévu).

Cette discordance mériterait d'être explicitée. Il en va de même pour les opérations d'ordre qui conduisent à inscrire des charges supérieures de 50 % par rapport à la prévision dans le compte financier.

L'ANSES dispose d'une capacité de financement en baisse par rapport à la prévision (7,8 millions d'euros contre 8,8 millions d'euros) mais qui lui a permis d'autofinancer des investissements eux-mêmes significativement moins importants que prévu. Par ailleurs, elle a pu rembourser 1 million d'euros de dettes sans écorner son fonds de roulement qui s'élève à 31,7 millions d'euros fin 2019, la trésorerie ayant de son côté perdu 1,7 million d'euros.

Les rapporteurs spéciaux sont donc amenés à constater que l'exercice 2019 plutôt marqué par une réduction des capacités de production de l'agence (les dotations aux amortissements excèdent les investissements) et par un report de projets censés nécessaires au développement de l'ANSES relève d'une forme de gestion au fil de l'eau, où la mobilisation de l'emploi précaire constitue un adjuvant supplémentaire pour surmonter un renforcement de la contrainte financière. On est assez loin des ambitions affichées même si les rapporteurs spéciaux relèvent que l'ANSES a été récipiendaire de 3 nouveaux mandats de référence de l'Union européenne. Si cette évolution est peut être liée à la perspective de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, elle est tout de même réconfortante en ce qu'elle paraît témoigner du maintien d'une compétence scientifique qui doit être au coeur du projet de l'agence.

À cet égard, prenant acte que le premier axe stratégique du contrat d'objectif et de performances de l'ANSES consiste à « renforcer l'excellence scientifique, la qualité et l'indépendance d'expertise de l'Agence », ils partagent pleinement cette priorité.

Cependant, un motif d'inquiétude doit ici être exprimé.

La structure de financement et de dépense de l'agence pose un problème de compatibilité avec l'indépendance (les ressources de l'agence sont trop dépendantes de son attractivité comme point d'entrée européen des produits actifs) et avec son orientation scientifique.

À cet égard, la comptabilité analytique de l'agence fait l'objet d'une publication beaucoup trop sommaire pour qu'on puisse vérifier si les activités scientifiques reçoivent toute l'attention qu'elles méritent.

Les rapporteurs spéciaux demandent que cette situation soit corrigée.

Cela permettrait notamment d'estimer dans quelle mesure les coûts engagés pour développer l'activité de police des mises sur le marché sont couverts par les ressources adaptées à cette activité.

En attendant, les rapporteurs spéciaux relèvent que les recettes de la fiscalité affectée à l'ANSES reculent (- 3,1 %) alors que l'activité correspondante semble plutôt dynamique.

Cet effet de ciseaux suscite naturellement une interrogation à laquelle l'invocation d'un « changement de méthode de comptabilisation pour les taxes sur les produits phytopharmaceutiques avec une moindre comptabilisation des recettes » n'apporte pas de réponse appréciable.

Le RAP pour 2018 faisait état de la mise en oeuvre, en cours d'année, du « modèle économique produits réglementés » qui est censé permettre d'accompagner la gestion des autorisations de mise sur le marché (AMM).

Ce modèle qui repose sur la diversification des recettes de l'ANSeS avec une montée en charge des produits de la fiscalité sur les produits phytopharmaceutiques, mais aussi d'autres ressources propres, dans l'équation financière de l'établissement, semble à ce jour déficitaire.

Les perspectives d'augmentation des recettes correspondantes sont floues, d'autant que le Gouvernement entend limiter l'utilisation de ces produits. Quant aux charges correspondantes, leur flexibilité n'est pas assurée. La pertinence du « modèle » reste ainsi à démontrer.

4. L'INAO confronté aux charges de sécuriser la différenciation qualitative des produits, une mission très compromise en 2019

L'institut national de l'origine et de la qualité (INAO) a bénéficié en 2018 d'une subvention pour charges de service public stable par rapport à 2017 mais légèrement en deçà de la prévision de la loi de finances initiale. En 2019, une séquence analogue se déroule. La subvention pour charges de service public baisse un peu par rapport à 2018 (- 123 000 euros) et est en retrait par rapport à la loi de finances initiale (- 330 000 euros).

Ces évolutions sont compensées par celle de la fiscalité affectée dont les produits excèdent les prévisions de 388 000 euros ainsi que les recettes encaissées en 2018 (+ 1 million d'euros).

L'INAO a par ailleurs bénéficié du transfert d'un ETPT qui lui a permis de porter ses emplois à 236 ETPT (un de plus que le plafond ouvert en loi de finances initiale et trois de plus qu'en 2018).

Le résultat est positif avec un bénéfice au compte de résultat de 868 000 euros contre une perte attendue de 64 000 euros, et une augmentation du fonds de roulement de 1,1 million d'euros plus forte qu'anticipé.

Cependant, les investissements apparaissent très faibles (305 000 euros) tandis que si les dépenses de personnel sont mieux que maîtrisées (16,851 millions d'euros à peu près comme l'an dernier) les dépenses de fonctionnement tendent à augmenter et à systématiquement dépasser le budget prévisionnel, des dotations de provisions et d'amortissements apparaissant sans explication.

Le fonds de roulement ressort à 7,3 millions d'euros soit un tiers des charges courantes et près de vingt fois les dépenses d'investissement.

Un déséquilibre est donc enclenché qui représente un risque d'ajustement pour l'INAO.

Selon toute apparence, les professionnels assujettis aux droits INAO paraissent attachés à les régler, redoutant que toute réduction de leurs contributions ne se traduisent pas une étatisation de l'établissement.

On rappelle ici que l'INAO est un établissement public juridiquement placé sous la tutelle du ministère de l'agriculture.

On rappelle également que l'audit de l'INAO réalisé en amont du renouvellement de son contrat d'objectifs et de performance conclu en 2019 et qui couvre la période 2019-2023 a pu identifier un certain nombre de défis à relever, parmi lesquels une meilleure activité de promotion des signes de qualité, une robustesse plus forte des décisions et une meilleure défense juridique des signes de qualité.

Ces objectifs ont été transgressés en 2019 selon l'analyse du rapporteur spécial Alain Houpert, qui veut ici rappeler la désastreuse initiative prise par l'INAO dans l'affaire des vins de Bourgogne.

En outre, les rapporteurs spéciaux ont eu l'occasion de s'inquiéter des conditions dans lesquelles l'INAO accomplit ses missions dans le domaine de l'agriculture biologique. Ils ont relevé avec satisfaction que l'établissement avait établi un registre permettant d'encadrer les activités des organismes certificateurs auxquels sont renvoyés les exploitants entrant dans le processus de « biologisation » de leur mode de production. Mais, tout comme d'autres études précédentes, il ne semble pas que l'INAO exerce une vigilance suffisante sur l'activité des organismes certificateurs auxquels pourtant l'établissement accorde leurs agréments.

Il est vrai que l'INAO ne semble pas disposer des moyens humains nécessaires.

Peut-être en va-t-il de même pour une activité sensible dans le domaine de l'agriculture biologique, celle consistant à gérer les « dérogations » à l'interdiction de principe d'usage de substances actives.

En toute hypothèse, il est à relever qu'alors que la production agricole sous signe de qualité tend à couvrir une proportion de plus en plus élevée, les moyens de l'INAO, qui demeurent façonnés sur des bases historiques, n'ont pas suivis.

Le projet de loi de finances pour 2020 comportait une modification significative des équilibres actuels. L'initiative a fait long feu.

Il reste que la question de la conciliation entre des activités de type régalien et d'autres, de nature plus promotionnelle, ainsi que du modèle de financement bifide de l'INAO, qui risque de freiner l'ambition de valorisation des produits sous signe de qualité, doit être posée.

E. LA SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, UNE POLITIQUE PUBLIQUE À CONSOLIDER

Le programme 206 de la mission AAFAR est consacré à la sécurité et à la qualité sanitaire de l'alimentation.

Les rapporteurs spéciaux, il y a trois ans, ont consacré à la politique publique destinée à garantir la sécurité sanitaire des aliments un rapport de contrôle et d'évaluation 40 ( * ) qui avait pu souligner les besoins de consolidation d'une politique publique évidemment essentielle.

Y avait aussi été mise en exergue l'illisibilité budgétaire de cette politique et certaines ambiguïtés de l'information budgétaire apportée par le programme 206 de la mission.

Pour l'essentiel, les rapporteurs spéciaux renvoient aux soixante-et-une recommandations exposées dans leur rapport.

Ils expriment leur souhait que le rapport inter-inspections remis en début d'année relatif aux contrôles sanitaires leur soit rapidement transmis.

En 2019, les dépenses du programme ont été stables par rapport à celles constatées en 2018. Mais, l'exécution des crédits a conduit à adopter des ajustements très significatifs par rapport à la prévision budgétaire.

Données relatives à l'exécution du programme 206
« Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation » en 2019

Exécution 2018

Crédits votés en LFI 2019

Crédits consommés en 2019

Crédits consommés 2019/2018 (en %)

Crédits consommés/crédits votés en LFI en 2019 (en %)

Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale

25,7

30,1

27,9

+ 8,6 %

- 7,3

Lutte contre les maladies animales

113,1

83,8

111,1

- 1,8 %

+ 32,6

Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires

20,6

21,2

20,4

1 %

- 0,4

Actions transversales

74,8

82,2

72

- 3,7 %

- 12,4

Élimination des cadavres et des sous-produits animaux

3,2

3,8

3,5

+ 10

- 7,9

Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

311,2

310,2

311,5

NS

+ 0,4

Qualité de l'alimentation et offre alimentaire

3,8

3,7

4,2

+ 10,5 %

+ 13,5

Total

552,4

535

550,6

NS

+ 3

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du rapport annuel de performances de la mission pour 2019

Les différents objectifs, dont le dispositif de performance ne rend pas compte de manière satisfaisante, sont loin d'être atteints et révèlent une fragilité du système de surveillance sanitaire à laquelle les rapporteurs spéciaux souhaitent une fois de plus qu'il soit remédié.

Enfin, l'année 2019 ressort comme très marquée par les enjeux internationaux, qu'il s'agisse de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ou de la pression sanitaire exercée par des crises très préoccupantes, toutes contraintes dont il n'est pas utile de souligner combien le printemps 2020 en illustre le poids et les défis qu'il faudra rapidement relever.

1. Une programme fréquemment affecté par des difficultés de programmation budgétaire qui en a connu un nouvel épisode en 2019

Les errements de la programmation budgétaire de l'année 2017

En 2017, les crédits ouverts en loi de finances initiale dans le cadre du programme 206 avaient été fixés à un niveau supérieur de 4,1 % à celui de la loi de finances initiale pour 2016, mais à un niveau inférieur de plus de 8 % par rapport aux dépenses finalement constatées lors de cette année.

Plus encore que cela n'avait été le cas en 2016, la programmation budgétaire témoignait ainsi d'un « volontarisme » déconcertant au vu des défis sanitaires de toutes sortes dont l'intensification ne pouvait manquer d'être anticipée par les autorités sanitaires.

C'est d'ailleurs sur ce dernier motif que la programmation budgétaire avait reçu un avis défavorable du contrôleur budgétaire et comptable ministériel.

L'impasse budgétaire était donc parfaitement prévisible justifiant totalement le jugement d'insincérité porté par le rapporteur spécial Alain Houpert et finalement repris par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour 2017.

Au demeurant, la nécessité de procéder à des ajustements de crédits était vite apparue en cours d'année. Des crédits supplémentaires avaient été ouverts pour 148,1 millions d'euros, dont la majeure partie dès le décret d'avance du 20 juillet 2017. 101,4 millions d'euros de crédits d'intervention ont alors été ouverts. Si la plupart des crédits supplémentaires avaient été inscrits pour financer des dépenses de fonctionnement et d'intervention, 18,2 millions d'euros ont abondé les dotations du titre 2, soit une ouverture supplémentaire représentant plus de 6 % des crédits initiaux.

En lieu et place de la baisse des dépenses envisagée à hauteur de 8 % (soit 45,3 millions d'euros), les dépenses de sécurité sanitaire de l'alimentation avaient excédé celles effectuées en 2016 de 13,5 % (+ 74,5 millions d'euros).

Au total, la dérive par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale avait atteint près de 120 millions d'euros (23,4 % des crédits ouverts).

En 2018, une sorte de « normalisation » avait pu être relevée par les rapporteurs spéciaux.

La programmation des crédits en loi de finances initiale avait été globalement respectée en exécution. Les reports de crédits mis en place en 2018 avaient conduit à un disponible supérieur aux consommations si bien que des annulations de crédits étaient intervenues en fin d'année pour un montant de l'ordre de 8 millions d'euros.

En dépit du rapprochement entre la programmation et l'exécution budgétaire, les rapporteurs spéciaux avaient relevé que les modalités de restitution des opérations budgétaires ne permettent pas d'appréhender la contribution précise des différentes catégories de dépenses associées à des crises, non plus que les restes à payer corrélatifs, d'autant que de nombreuses erreurs d'imputation sont commises chaque année.

Ils exprimaient le souhait qu'à l'avenir une information budgétaire plus fonctionnelle soit mise en place, qui permette d'appréhender l'impact sur le programme 206 des crises au cours de l'exercice et pour les années suivantes.

Cette demande n'a pas été exaucée.

Ils avaient également exprimé des doutes sur la pertinence d'une gestion de fin d'exercice procédant à des annulations substantielles alors même que des dangers sanitaires nouveaux s'étaient concrétisés et que demeuraient à honorer des restes à payer très conséquents (57,3 millions d'euros) , en lien avec des dispositifs d'indemnisation dont la mise en oeuvre pouvait laisser envisager de nouveaux besoins non provisionnés.

Les conditions de l'exécution budgétaire de l'année sous revue viennent confirmer le bien-fondé de ces inquiétudes.

L'action n° 02 du programme « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » a été débordée en gestion, les dotations ouvertes en loi de finances initiale se révélant insuffisantes tant en autorisations d'engagement (24,3 millions d'euros soit un déficit de moyens de plus de 22 %) qu'en crédits de paiement (27,3 millions d'euros, soit un déficit de près de 25 %).

Au demeurant, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel avait refusé de donner son visa à la programmation budgétaire de 2019.

Avec 4,9 millions d'euros de crédits reportés sur les dotations nationales à l'ouverture de l'exercice, les moyens ont manqué , obligeant à des ouvertures en loi de finances rectificative de fin d'année pour 13,4 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 7,2 millions d'euros de crédits de paiement, le rattachement de fonds de concours européens ayant allégé la contrainte de financement de l'impasse financière apparue dans l'année.

Le gestionnaire de programme a par ailleurs été contraint à des arbitrages le conduisant à réduire la consommation des dotations prévues au titre des « actions transversales » (action n° 04 du programme), report de contrainte budgétaire obéissant plus à la nécessité qu'à une cohérence stratégique entre les missions financées par l'action et les besoins de couverture des ambitions poursuivies (voir infra ).

Si finalement les dotations disponibles n'ont pas été totalement consommées, les conditions de la sous-exécution ne sont pas réellement appréciables. En ce qui concerne les autorisations d'engagement, un reliquat de 14,6 millions d'euros (2,6 % du disponible) doit être constaté. Il porte sur les dépenses de fonctionnement, d'investissement et celles liées aux interventions. La non consommation ne semble pas provenir d'une quelconque surestimation des besoins mais plutôt des difficultés rencontrées pour réaliser les programmes. Quant aux crédits de paiement, la sous exécution jouxte les 10 millions d'euros, sur les mêmes postes.

La gestion s'achève ainsi sur un déficit d'engagement mais également sur un niveau de paiements restant à entreprendre qui, malgré une légère réduction, demeure élevé (55 millions d'euros, soit environ 10 % des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2019 et 2020).

2. Une exécution budgétaire qui matérialise certains déséquilibres de l'action publique de sécurité sanitaire des aliments

L'action publique mise en oeuvre sous l'égide de la direction générale de l'alimentation tend à s'inscrire dans des logiques diversifiées alliant la prévention des crises et la réaction à celles-ci une fois déclenchées.

Chacun de ces objectifs se trouve lui-même compartimenté, la prévention pouvant s'attacher à modifier en profondeur les modalités de la production agricole (orientation qui, bien que mise à la charge du responsable de programme, n'est, en réalité que peu développée et, ainsi, ne devrait pas être mise sous sa responsabilité à titre principal), ou, de façon plus routinière, à exercer une surveillance constante des productions primaires ou des processus plus proches de la mise à disposition des produits alimentaires sur le marché.

En régime courant (c'est-à-dire quand les crises ne suscitent pas de lourdes dépenses indemnitaires), l'essentiel de l'effort budgétaire porte sur la surveillance en continu de la santé des végétaux (un peu) et des animaux (beaucoup), les moyens de prévention les plus en amont et les plus proches de l'assiette du consommateur se trouvant globalement délaissés (excepté du point de vue strictement réglementaire).

L'exécution 2019 ne dément pas cette configuration constante mais y ajoute le poids d'événements exogènes.

Hors titre 2, la surveillance des végétaux (11,6 % des dépenses) mobilise nettement moins de moyens que celle des animaux (46,2 %) tandis que les interventions sur les stades de l'aval de la chaîne alimentaire (en particulier, l'inspection en abattoir), il est vrai relativement consommatrice en emplois, ne concentre que 8,5 % des moyens.

La faiblesse des moyens mis en oeuvre à ce dernier stade a fait l'objet d'une prise de conscience puisque ces dernières années des effectifs supplémentaires avaient été recrutés pour assurer une plus forte surveillance des abattoirs de volailles.

Cependant, non plus que l'exécution du programme 206 en 2018 l'exercice 2019 n'a été au rendez-vous du comblement de notre déficit en moyens de contrôle.

Les audits européens sont régulièrement l'occasion d'identifier des manquements aux obligations de contrôle imposées à la France. Ainsi, une augmentation de l'enveloppe consacrée à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, de 4,1 millions d'euros, avait dû être inscrite en 2018 à la suite d'avertissements concernant la lutte contre les salmonelles en élevage et du besoin d'améliorer l'application de la réglementation européenne en matière de gestion des foyers de salmonelloses aviaires 41 ( * ) .

C'est d'ailleurs très largement que les cibles du programme 206 ne sont pas atteintes (voir infra ).

Tout en renvoyant aux développements relatifs au défaut de visibilité des moyens consacrés à la sécurité sanitaire des aliments (voir infra ), l'exécution des emplois du programme en 2019 paraît traduire un nouveau désarmement des moyens du contrôle sanitaire.

Sans doute peut-on relever que le plafond d'emplois initialement défini (4 695 ETPT, en légère hausse par rapport à la consommation de 2018 de 4 653) a été dépassé en exécution (4 748 ETPT, soit + 95 ETPT par rapport à la consommation de 2018), mais ces données ont été tributaires d'un recrutement de 100 ETPT pour renforcer les contrôles aux frontières dans la perspective du Brexit. Ainsi, les emplois appelés à être mobilisés pour les missions traditionnelles s'inscrivent en baisse de 5 ETPT.

L'information sur les effectifs fournie par la documentation budgétaire est indigente, les demandes répétées des rapporteurs spéciaux d'un exposé fonctionnel et territorial, aisé à réaliser compte tenu de leur disponibilité auprès du responsable de programme, continuant à être ignorées.

Cependant, l'attrition des effectifs déployés dans les départements (51 ETPT de moins que la prévision) et le renforcement des personnels régionaux (104 ETPT de plus que la prévision) 42 ( * ) témoignent d'une déterritorialisation du déploiement des moyens de la vigilance sanitaire ordinaire qui ne peut être justifiée autrement que par la contrainte budgétaire.

Les menaces sanitaires sont extrêmement vives et les risques tendent à se concrétiser, comme l'ont montré une série d'événements retentissants ces dernières années, les infections à plus bas bruits demeurant tout à fait ordinaires. L'exécution 2019 témoigne sous cet angle d'une réelle nonchalance. Il faut ajouter certaines inquiétudes pour l'avenir puisqu'aussi bien la direction générale de l'alimentation va se trouver concernée par les transferts d'emplois de certains de ses services vers la mission AGTE et, ainsi, exposée à des arbitrages préfectoraux qui peuvent manquer de certaines informations, et se traduire par une dispersion territoriale des choix de priorité.

Dans le même temps, il est possible de s'interroger moins sur les raisons pour lesquelles il fut procédé au recrutement de 100 ETPT, recrutement justifié par une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sans accord, que sur les prolongements donnés à ces recrutements. L'événement envisagé ne s'est pas concrétisé. Bien sûr, il est facile d'être « savant avec un livre » et l'on peut comprendre qu'un degré suffisant d'anticipation soit absolument nécessaire. Cela étant, l'évaluation des besoins reste à fournir. Si la France est le point d'entrée principal des exportations en provenance d'Albion et à destination de l'Union européenne, on observera quand même que les recrutements entrepris sont plus qu'équivalents à la totalité des agents actuellement mobilisés par le service d'inspections vétérinaires et phytosanitaires aux frontières (le SIVEP), qui était de 90 ETPT en 2018. Au demeurant, la loi de finances pour 2020 a commencé à apporter une forme de réponse à ces questionnements en ouvrant 300 ETPT nouveaux par rapport à la prévision initiale de 2019, indiquant par-là que les recrutements de l'exercice sous revue n'ont traduit qu'insuffisamment les besoins d'anticipation pris en compte par les rapporteurs spéciaux.

Le dispositif de performances du programme, qui est mal construit, révèle de sérieuses difficultés auxquelles il faut remédier.

En ce qui concerne la structure du dispositif de performances, elle repose sur trois objectifs documentés par neuf indicateurs. Plusieurs objectifs ne relèvent pas directement du responsable de programme qui, pour certains d'entre eux, paraît même n'exercer qu'une très faible influence, soit que l'action publique correspondante soit partagée entre de multiples intervenants sur lesquels le responsable de la politique de sécurité sanitaire n'exerce aucune influence appréciable, soit que les missions correspondantes soient confiées à des entités dont la tutelle, au demeurant partagée qu'exerce le responsable de programme, n'exclut nullement une large autonomie. En outre, les indicateurs sont sur tel ou tel point fort contestables, laissant parfois une assez grande marge de computation ou n'entretenant qu'un rapport très lointain avec la donnée qu'ils sont supposés mesurer.

Il faut ajouter que les indicateurs financiers ont totalement disparu. Ainsi alors que cette donnée est évidemment essentielle pour un contrôle de gestion sérieux, le coût moyen des inspections n'est plus fourni.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent que le dispositif de performances fasse l'objet des améliorations indispensables que son état appelle.

Quant aux résultats, force est d'observer qu'ils sont très loin d'être à la hauteur d'une exigence minimale de sérieux.

On n'évoquera ici que pour mémoire, la constante progression de la consommation de « dosesunités de pesticides » vendus (72 % de plus que prévu pour 2019) qui manifeste une fois de plus l'insuccès des plans successifs de diminution de l'usage des pesticides. Le responsable du programme ne peut tout à fait être considéré comme responsable d'un échec qui est partagé, mais dont les facteurs appellent une explication rigoureuse. On relèvera que le développement des surfaces en conversion ou déjà exploitées en bio a été signalé comme pouvant, paradoxalement, exercer un effet inflationniste sur la croissance de la consommation de substances actives dans la mesure où certaines de celles utilisées en agriculture biologique (en conformité avec le cahier des charges du bio) semblent assez intensément employées.

Le suivi du plan Ecophyto

Tout en se félicitant que ce dernier soit suivi dans le cadre de la mission AAFAR, les rapporteurs spéciaux relèvent qu'on pourrait y voir une entorse à la logique. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'est responsable financièrement de ce plan que de façon très seconde, secondaire même, si l'on exclut du champ les crédits destinés à l'agriculture biologique 43 ( * ) , puisqu'il n'apporte que 325 000 euros de crédits au dispositif contre 41 millions d'euros par le ministère de l'écologie et ses opérateurs, les Agences de l'eau. Mais, il est vrai que les agriculteurs sont, de loin, les premiers contributeurs au financement de l'action publique en ce domaine avec la redevance pour pollutions diffuses. En toute hypothèse, la préoccupation principale est bien dans ce domaine de devoir constater l'échec massif d'un projet par ailleurs enrichi au fil du temps de nouveaux objectifs, parmi lesquels la fin de l'utilisation du glyphosate à échéance de 3 ans.

Cet objectif annoncé en 2018, qui n'est pas partagé par l'ensemble des représentants de la profession agricole, suppose une politique publique particulièrement vigoureuse à laquelle l'année budgétaire 2018, année de son annonce, n'a apporté aucun prolongement appréciable. L'exercice 2019 conduit à prolonger ce constat. L'introduction d'un indicateur, techniquement perfectible, consacré spécifiquement à l'utilisation du glyphosate dans le dispositif de performances à partir de 2020 appellera une forte vigilance.

On passera également rapidement sur les difficultés rencontrées pour développer les projets alimentaires territoriaux (27 d'entre eux ont été pris en charge par le ministère de l'agriculture entre 2017 et 2020 contre un objectif de 200). Sur ce point également, une analyse en profondeur des verrous devra être réalisée.

En revanche, il convient de très vivement déplorer les « performances » qui voient le taux de réalisation des exercices interministériels de préparation à la gestion des crises sanitaires (épizooties) ne pas dépasser 40 %, les délais de traitement des rapports d'inspection des services de contrôle sanitaire jouxter les vingt jours, les échantillons exploitables se limiter à 80 % et le nombre des non conformités majeures relevées dans certains élevages augmenter.

Les défaillances sont manifestes dans le domaine du suivi des contrôles. Le dispositif de performances du programme en rend compte malgré la dilution de l'information à laquelle il aboutit du fait de l'agrégation excessive d'éléments de gestion qu'il conviendrait de décomposer à ce stade, afin de fournir une information plus proche de celle accessible au responsable du programme.

En ce qui concerne l'information contenue dans le RAP, si le suivi des constats de non-conformité semble s'améliorer (85 % de suites données contre 77 % seulement en 2017), on est assez loin d'un suivi systématique, qui devrait s'imposer. Par ailleurs, l'amélioration traduite par l'indicateur vaut ce que vaut ce dernier, étant observé que sous le pavillon des « suites données aux inspections non conformes » peuvent se cacher bien des marchandises.

Dans la version plus détaillée de l'indicateur qui a été un temps accessible et à laquelle il convient de revenir, on pouvait ainsi relever que les mises en demeure adressées par les services ne donnaient lieu à réitération du contrôle que dans moins de 70 % des cas alors même que la cible de 95 % apparaît déjà très permissive. Les établissements agréés ayant fait l'objet d'une inspection défavorable ne faisaient l'objet d'un suivi renforcé que dans 88 % des cas (contre une cible également fixée à 95 %).

Encore faut-il qu'ils soient inspectés. Or, si pour les abattoirs l'obligation européenne d'une inspection permanente est peu ou prou mise en oeuvre, il est loin d'en aller de même pour les établissements situés plus en aval de la production. Les conditions dans lesquelles un transformateur de produits laitiers a pu poursuivre ses activités malgré la persistance de résultats défavorables de ses examens d'autocontrôle suggèrent une défaillance de la supervision publique.

À cet égard, on observera qu'alors que les résultats des autocontrôles des opérateurs sont désormais beaucoup plus largement diffusables aux services de l'État, les moyens correspondants d'en assurer un suivi ne sont pas à ce jour réunis.

3. Les moyens de la politique de sécurité sanitaire de l'alimentation sont illisibles et la nomenclature budgétaire ne respecte pas la loi organique relative aux lois de finances

Les rapporteurs spéciaux doivent ici répéter leur insatisfaction face au maintien de conditions de budgétisation de la politique de sécurité sanitaire des aliments qui enfreignent gravement la lisibilité budgétaire souhaitée par la loi organique relative aux lois de finances.

La nomenclature budgétaire n'offre pas de lisibilité de la politique publique de sécurité sanitaire de l'alimentation, ce diagnostic pouvant s'appuyer sur la dissémination des données budgétaires tant au sein du programme 206 que dans la documentation budgétaire générale. En cela, elle manque au respect de la loi organique relative aux lois de finances.

Dans ces conditions, il est impossible d'appréhender la dynamique de la dépense destinée spécifiquement à assurer la protection des consommateurs contre les risques sanitaires de l'alimentation, et, plus généralement, de l'effort public consacré à la sécurité sanitaire des aliments.

Les rapporteurs spéciaux ont pu mettre en évidence les problèmes posés par la définition du périmètre de cette politique publique.

Schématiquement, on rappellera que le programme 206 comprend des interventions visant à assurer l'intégrité sanitaire des matières premières animales et végétales, interventions dont le poids dans les dépenses du programme est très largement majoritaire, mais aussi d'autres interventions plus proches du risque sanitaire lié à la consommation des aliments. Si les premières interventions ont une vocation marquée de préservation de l'intégrité des cheptels et des végétaux, elles ne sont cependant pas étrangères à la problématique générale de sécurité sanitaire de l'alimentation. Dans une conception où celle-ci va « du champ à l'assiette », la nomenclature budgétaire ne retient pas sans raison les différentes actions du programme 206 comme concourant à la sécurité et à la qualité sanitaires de l'alimentation. Pour autant, les crédits ouverts n'en financent pas moins des interventions hétéroclites dont certaines n'ont qu'un lien très ténu avec les objectifs affichés par l'intitulé du programme.

Ce constat conduit à juger que le programme 206 n'est pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances qui a entendu préserver le principe de spécialité des crédits tout en en enrichissant la conception par une prise en compte plus systématique de leur destination fonctionnelle de moyens au service d'une politique publique donnée .

Dans ces conditions et au-delà même du contenu de la mission budgétaire, les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'exprimer leur refus de décerner un certificat de qualité à la présentation budgétaire des interventions nécessitées par la politique de sécurité sanitaire des aliments, qui est sérieusement défectueuse.

Sur ce point, une série d'observations complémentaires s'impose.

En premier lieu, doit être évoquée l'extrême fragmentation des moyens déployés, éparpillés dans plusieurs missions budgétaires . Celle-ci reflète l'interministérialité des interventions de l'État, qui témoigne d'une superposition des services opérationnels qui est loin d'être optimale.

Du point de vue de l'information budgétaire, il serait, à tout le moins, justifié d'entreprendre l'élaboration d'un document de politique transversale unifiant les crédits de la politique publique de sécurité sanitaire des aliments.

Les rapporteurs spéciaux relèvent, en outre, que les crédits de personnel du programme se trouvant agglomérés dans une action dédiée (l'action n° 6), il est impossible de disposer d'une vue satisfaisante de l'affectation des personnels (et des crédits correspondants) aux différentes catégories d'intervention financées par le programme.

En témoignent les données fournies aux rapporteurs spéciaux pour rendre compte des personnels spécifiquement dédiés à la surveillance de la qualité sanitaire des aliments dans le cadre de leur contrôle sur la politique de sécurité sanitaire des aliments, qui n'apparaissent pas comme tels dans la nomenclature budgétaire.

Ainsi, selon ces données, les effectifs affectés par la DGAL à la sécurité sanitaire des aliments stricto sensu, dans le cadre de l'action 3 du programme 206, se seraient élevés en 2015, à 1 844 ETPT (soit environ 2 820 agents) sur les 4 511 ETPT du programme 206, soit 40,9 % des ETPT du programme.

Il apparaît ainsi nécessaire de mieux imputer les emplois et les crédits de rémunération aux différentes interventions opérationnelles du programme , en particulier à celles concourant spécifiquement à la sécurité sanitaire de l'alimentation.

Les rapporteurs spéciaux suggèrent enfin que l'information budgétaire fasse l'objet d'une amélioration sur un point particulier. Il s'agit des produits tirés des nombreux prélèvements obligatoires appliqués dans le champ de la politique sanitaire de l'alimentation.

Une présentation systématique de ces prélèvements (dont certains attendent depuis des années la détermination de leurs taux) devrait être fournie dans le cadre des documents budgétaires, d'autant que certains d'entre eux résultant directement des obligations européennes contractées par la France ont un lien très direct avec les interventions financées sur les crédits du programme 206.

Sur ce point, l'annonce de la mise en oeuvre d'une taxe sanitaire appelée de ses voeux par le comité action publique 2022 n'a pas prospéré davantage en 2019 qu'en 2018.

Enfin, il conviendrait évidemment de pouvoir disposer d'un indicateur mesurant l'efficacité du contrôle sanitaire international et interne à l'Union européenne, donnée absolument indispensable dans son domaine très marqué par les échanges internationaux.

En conclusion, les rapporteurs spéciaux, sur la base de leurs analyses récurrentes des données de la politique de sécurité sanitaire, et rappelant que les infrastructures de la sécurité sanitaire de l'alimentation ont été diagnostiquées comme très fragiles par plusieurs rapports réalisés ces dernières années, demandent que des états généraux de l'action sanitaire dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation soient rapidement organisés sur la base de l'ensemble des travaux disponibles et avec le concours évidemment pluriel et pluraliste des parties prenantes.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CASDAR » qui a été créé par la loi de finances pour 2006.

Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural orientées par les priorités du programme national de développement agricole et rural (PNDAR). Celui-ci, qui couvre actuellement les années 2014 à 2020, a pour priorité de « conforter le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants à la fois du point de vue économique, environnemental et sanitaire » en s'inscrivant dans le cadre de « Projet agro-écologique pour la France » .

L'importance des enjeux est évidente dans un contexte où les innovations doivent permettre d'améliorer des modes de production présentant des coûts de toute nature et exposés à des risques qu'il importe de réduire mais aussi à des opportunités qu'il convient d'exploiter.

1. Le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », deux programmes aux destinataires propres

La mission repose sur deux programmes : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

Les crédits du programme 775 (voir infra ) sont principalement destinés aux chambres d'agriculture, à FranceAgriMer (génétique animale) et aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), parmi lesquels figure la fédération nationale de l'agriculture biologique, Coop de France, Terre de liens... Il s'agit de diffuser des bonnes pratiques et des connaissances . Le programme est géré par la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE).

Quant au programme 776 , davantage orienté vers la recherche appliquée 44 ( * ) , il finance des recherches réalisées par une pluralité d'acteurs, au premier rang desquels les instituts techniques agricoles (la plupart se trouvant rattachés à des filières de production) et FranceAgriMer. Le programme est géré par la direction générale de l'enseignement et de la recherche. Par ailleurs, le pilotage de la recherche passe aussi pour une proportion de 35 % par la procédure d'appel à projets .

Le schéma ci-dessous illustre l'emploi des ressources du CAS en 2017. On y observe que chaque programme est dirigé vers des partenaires propres et prépondérants : les chambres d'agriculture pour le programme 775 (60 % des dépenses) et les instituts techniques agricoles pour le programme 776.

Dans les deux cas, FranceAgrimer se voit déléguer une partie des disponibilités de chaque programme.

Budget de la programmation PNDAT

Source : rapport d'activité du CASDAR pour 2017 ; ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et des affaires rurales

En 2018, la répartition des interventions du CAS a été structurée comme suit.

Répartition des interventions du CASDAR par type d'intervention

Source : INSEE

Compte tenu de l'inertie de la gestion des interventions financées par le compte, ces deux répartitions donnent un aperçu fiable de la structure des dépenses de 2019.

2. Après des déconvenues récurrentes par rapport aux prévisions de recettes du compte, une meilleure anticipation, mais une charge non négligeable pour les exploitants

Le CASDAR, alimenté jusqu'en 2015 par une fraction (85 %) du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts, en perçoit, depuis, la totalité.

La taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles

La taxe est due par les exploitants agricoles au titre de leurs activités agricoles, à l'exclusion de ceux placés en dehors du régime de la TVA, sous le régime du remboursement forfaitaire agricole. Ainsi, les exploitants agricoles réalisant moins de 46 000 euros de chiffres d'affaires sont a priori exonérés de la taxe. Cette dernière est assise sur le chiffre d'affaires de l'année précédente ou du dernier exercice clos auquel sont ajoutés les paiements accordés aux agriculteurs au titre des soutiens directs attribués en application du règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009, à l'exclusion du chiffre d'affaires issu des activités de sylviculture, de conchyliculture et de pêche en eau douce. Le tarif de la taxe est composé d'une partie forfaitaire comprise entre 76 euros et 92 euros par exploitant et d'une partie variable fixée à 0,19 % jusqu'à 370 000 euros de chiffre d'affaires et à 0,05 % au-delà.

Source : rapport d'activité du CASDAR pour 2018 ; ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt et des affaires rurales

Les prévisions de recettes (147,5 millions d'euros en 2016 et 2017) étaient fréquemment déjouées avec une moins-value de recettes de 16,7 millions d'euros en 2016 et de 14,1 millions d'euros (dont 15,3 millions d'euros pour la seule taxe, des recettes diverses de 1,3 million d'euros ayant été constatées) en 2017. Pour l'exercice 2018, la prévision de recettes a été ajustée avec davantage de réalisme à 136 millions d'euros, évolution conforme aux recommandations des rapporteurs spéciaux. Le produit de la taxe a été un peu meilleur que prévu permettant de financer le CAS à hauteur de 136,2 millions d'euros auxquels se sont ajoutées des recettes diverses pour 311 639 euros.

Pour 2019, comparées à une prévision de recettes maintenue à 136 millions d'euros, les recettes finalement perçues ont atteint 142,9 millions d'euros soit une plus-value de 5,1 %.

L'augmentation des recettes de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles affectées au compte s'est ainsi élevée entre 2018 et 2019 à 5,1 % après l'augmentation de 3,1 % de l'année précédente.

Cette évolution traduit l'amélioration du chiffre d'affaires des exploitants agricoles en 2018 45 ( * ) .

La production agricole hors subvention a augmenté de 5,7 %, et de 5,6 % une fois intégrées les subventions sur les produits, accroissement qui ne se répercute que partiellement dans les produits de la taxe, en raison notamment de son barème dégressif et largement forfaitaire.

Ces deux caractéristiques limitent l'élasticité du produit de la taxe dans les périodes de croissance de l'assiette mais, à l'inverse, elles altèrent l'ampleur des stabilisateurs automatiques lorsque la conjoncture agricole se retourne.

Par ailleurs, force est de constater que plusieurs intervenants majeurs de la filière agroalimentaire, qui in fine , sont susceptibles de tirer parti des interventions financées par le CAS sont totalement exonérés de cette taxe, que les agriculteurs redevables ne sont souvent pas en position de répercuter dans leurs prix de vente. Or, même si la charge unitaire moyenne de la taxe apparaît modérée (de l'ordre de quelques dizaines d'euros), le niveau très faible des revenus agricoles impose une retenue fiscale rigoureuse.

Les rapporteurs spéciaux sont ainsi amenés à s'interroger sur l'imposition qui alimente le CAS, non tant au regard de son principe même que du point de vue de sa gestion, d'autant qu'au-delà de son affectation formelle au compte d'affectation spéciale, qui l'exonère de tout écrêtement, les modalités effectives de son emploi l'assimilent à une recette affectée.

Par ailleurs, comme c'est structurellement le cas (voir le tableau ci-dessous), le CAS a, à nouveau connu une inflation de son solde cumulé qui tend vers la moitié des recettes annuelles tirées de la taxe affectée.

Exécution et prévision des recettes du CASDAR
et dépenses constatées 46 ( * )

(en millions d'euros)

Année

Recettes LFI

Recettes constatées

Exécution (CP)

Solde cumulé

2006

134,46

145,96

99,70

46,26

2007

98,00

102,05

101,34

46,97

2008

102,50

106,30

98,47

54,8

2009

113,50

110,56

112,34

53,02

2010

114,50

104,89

111,21

46,7

2011

110,50

110,44

108,38

48,72

2012

110,50

116,76

114,35

51,13

2013

110,50

120,58

106,98

64,73

2014

125,50

117,10

132,40

49,43

2015

147,50

137,10

131,30

55,23

2016

147,5

130,8

129,2

56,83

2017

147,5

133,4

128,1

62,13

2018

136

136,5

131,2

67,6

2019

136

142,9

130,5

80

Source : commission des finances du Sénat

Dans ces conditions, les interrogations sur les conditions de financement du CAS, la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles pouvant se révéler lourdement procyclique en raison de la volatilité des conditions économiques de l'activité agricole, persistent ainsi que celles sur ses effets redistributifs et les conditions concrètes de son recouvrement.

Il va sans dire que cette interrogation prend un relief particulier au regard de la situation prévalant en ce printemps 2020.

3. Un taux de consommation des crédits peu satisfaisant

La gestion des crédits de paiement peut être résumée comme suit pour 2019.

Dépense et gestion des crédits de paiement du CASDAR

(en millions d'euros)

Programme 775

Programme 776

Total

LFI

65

71

136

LFR

Reports

14,3

45,5

59,8

Crédits disponibles

79,3

116,5

195,8

Crédits consommés

62,7

67,8

130,5

Crédits non consommés

16,6

48,7

65,3

Source : ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt

Le taux de consommation des crédits ressort comme satisfaisant hors crédits reportés.

La gestion des projets soutenus par le CAS implique, tout particulièrement pour le programme 776, un dépassement de l'annualité budgétaire. Ils sont conduits sur une durée souvent supérieure à l'année et mobilisent une séquence de versements qui l'excède.

Dans ce contexte, des reports et des restes à payer interviennent à chaque fin d'exercice.

C'est ainsi que pour l'exercice 2019, les crédits ouverts en cours d'année et non consommés sont équivalents en quasi-totalité aux crédits nécessaires à l'exécution d'engagements déjà décidés.

Il reste que ces engagements sont structurellement inférieurs au solde comptable, les reports observés en 2019 s'étant élevés à 59,8 millions d'euros contre une capacité financière de 67,6 millions d'euros. Dans ces conditions, le solde comptable du compte tend à connaître un effet boule de neige.

Les justifications avancées par le ministère de l'agriculture font valoir que l'écart entre les crédits reportables et la capacité de reports tenant à la situation du solde comptable du compte proviendrait d'une erreur de programmation commise en 2006 les autorisations d'engagement alors inscrites n'ayant pas donné lieu à autant d'inscriptions en crédits de paiement à la suite de la cessation d'activité de l'Agence de développement agricole et rural. Selon la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes sur le projet de loi de règlement cette « explication » laisse entière la question de l'origine de cette somme et de sa disponibilité. Pour être résolue, il conviendrait de réconcilier solde comptable et solde budgétaire du compte.

En toute hypothèse, l'ampleur du solde comptable conduit à nourrir quelques inquiétudes sur les conditions de budgétisation du CASDAR dans l'avenir. La direction du budget tend à s'interroger sur le niveau des crédits ouverts chaque année sur le compte puisque, même s'il est inférieur à la capacité de financement associée au solde comptable, il s'accompagne du constat de sous-consommations récurrentes.

Les rapporteurs spéciaux veulent exposer ici une source d'inquiétude liée aux modifications apportées aux conditions du soutien financier des appels à projets.

Ces derniers demandent de la part des unités qui y répondent des engagements financiers dont ils portent la charge en trésorerie (ou, pis, budgétairement, lorsqu'ils ne sont pas lauréats). Dans l'ancien mécanisme de financement trois versements intervenaient (le premier à signature pour 30 % du coût du projet ; le deuxième pour 40 % une fois les coûts équivalents à la moitié du projet engagés sur simple déclaration, le troisième - 30 % - à la clôture des opérations). Un nouveau protocole a été mis en place qui conduit à lier le deuxième versement à la réalisation de 80 % du projet, l'avance étant portée à 50 % des coûts, sur la base d'une évaluation beaucoup plus détaillée. En bref, la charge en trésorerie s'en trouve fortement alourdie pour des instituts techniques qui ne bénéficient pas à parts égales des mêmes soutiens de la part des filières (les soutiens issus des contributions volontaires obligatoires).

Les rapporteurs spéciaux sont naturellement attentifs à ce que les projets de recherche n'aboutissent pas à des gestions financières « opportunistes » mais ils tendent à ne pas considérer que le durcissement des conditions financières du soutien à la recherche agricole par le CASDAR (dont la rigueur tranche avec d'autres formes de soutien) aille dans le sens d'une facilitation de l'effort de recherche agricole.

B. AMÉLIORER LES INFORMATIONS SUR LES PERFORMANCES ATTEINTES ET RECOURIR DAVANTAGE AUX APPELS À PROJETS POUR CONTRER LA LOGIQUE D'ABONNEMENT AUX AIDES

L'évaluation à mi-parcours du programme national de développement agricole et rural réalisée par le CGAAER publié en 2017 avait formulé 7 recommandations déclinées en une quarantaine de suggestions d'actions concrètes.

Les rapporteurs spéciaux saluent cette initiative qui permet de disposer d'une visibilité renforcée sur les difficultés à surmonter pour améliorer la portée du PNDAR et la contribution des interventions du CAS à son succès.

Ils appellent à ce que l'évaluation ne reste pas sans suite.

Ils étendent cette recommandation aux conclusions d'un audit plus récemment publié du PNDAR, même si certains aspects de cet audit méritent sans doute quelques compléments d'analyse.

L'audit du CGAAER sur le PNDAR

Un audit du programme national de développement agricole et rural publié par le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, auquel notre collègue Françoise Lavarde a prêté son concours, a été publié en décembre 2019.

Il fait ressortir, après avoir observé que le développement agricole et rural ne fait l'objet d'aucune définition précise, un défaut majeur de cohérence entre les différents instruments pouvant être vus comme concourant à ce dernier de sorte qu'in fine le PNDAR apparaît plutôt comme une superposition de dispositifs peu coordonnés entre eux que comme une politique publique dotée d'objectifs identifiables et de moyens intégrés les uns avec les autres. Cette situation est aggravée par la multiplicité des niveaux d'intervention (Europe, échelon central avec une pluralité de ministères et d'opérateurs plus ou moins pilotés par les services ministériels, régions, intervenants de terrain...).

L'audit en conclut que les processus d'innovation, notamment dans le vaste domaine de la transition agro-écologique, qui réclament une mobilisation des parties prenantes et des diffusions de méthodes et de bonnes pratiques sont affectés d'une certaine inefficacité.

En conséquence, la mission d'audit a pu recommander :

- que les financements soient orientées vers des actions tendant à la re-conception des systèmes de production, la promotion de démarches partenariales ou appuyées sur des agriculteurs innovants, une capitalisation des résultats aux fins d'en assurer la diffusion ;

- une réorganisation profonde de la gouvernance du PNDAR passant par l'implication du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire et par une réunification de sa gestion au sein d'une seule direction ministérielle moyennant une déconcentration réalisée à l'échelle des directions régionales de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt susceptible de simplifier la mise en oeuvre des appels d'offre axés sur les deux objectifs traditionnels de l'innovation-partenariat et de la recherche-technologie .

La mission considère au surplus que la certification haute valeur environnementale devrait devenir l'indicateur central de la réussite du PNDAR mais également qu'il convient de maintenir des structures nationales et régionales qualifiées, bénéficiant de financements pluriannuels sur la base de programmes s'appuyant sur les orientations stratégiques, de structurer le volet des appels à projets autour de quatre axes (trois appels à projets thématiques), et un appel à projets blanc ou permettant des projets commissionnés, et, enfin, de conforter la cellule Recherche - Innovation - Technologie en lui accordant des financements et des moyens humains pour la réalisation de synthèses nationales ou le repérage de solutions innovantes.

Globalement, une complexification est intervenue au fil du temps. Fin 2018, les financements associés au PNDAR se répartissaient entre 18 dispositifs, certains ne mobilisant que 2 millions d'euros. La direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'agriculture et de l'alimentation justifie ce foisonnement des dispositifs et procédures par la nécessité, en réponse aux recommandations de la Cour des Comptes, de consacrer une part toujours plus large des financements à des appels à projets (AAP). On ne peut se déprendre également que le PNDAR en sa gestion reflète une logique de saucissonnage destinée à soutenir le plus possible d'intervenants.

Par ailleurs on a assisté à l'élargissement substantiel des acteurs du PNDAR avec désormais 17 organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR) lauréats de l'AAP réseaux mixtes thématiques (RMT) de 2014 et le financement direct de structures locales de développement au travers des dispositifs « assistance technique régionalisée » (ATR) et «génétique animale ».

En ce qui concerne l'apport du CASDAR au PNDAR, la mission a relevé que la concertation nationale sur la priorisation des objectifs et des soutiens du PNDAR qui est appelée à mobiliser la contribution de l'État, des organisations professionnelles agricoles et des autres personnes concernées, en particulier les collectivités territoriales (article L 820-1 du code rural et de la pêche maritime) continue à être localisée dans la commission technique spécialisée du développement agricole et rural du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire (CT-CSO DAR) qui n'accueille pas d'autres intervenants que l'État et les principales organisations professionnelles agricoles.

Cette structuration centrale quelque peu « exclusive » se double d'une structure régionale au sein de la commission régionale de l'économie agricole et du monde rural qui abrite une instance d'orientations et de suivi du projet agro-écologique pour la France, instance importante puisqu'elle traite le projet agro-écologique et les différents programmes associés (dont Ecophyto) et instruit en pratique les dossiers de constitution des groupements d'intérêt économie et environnemental (GIEE), mais qui se trouve quelque peu concurrencée, selon la mission, par d'autres circuits (celui centré autour de la chambre régional d'agriculture qui accueille le préfet de région et le président de région mais avec voix consultative seulement et élabore le programme régional de développement agricole et rural dans le cadre du comité d'orientation recherche développement formation de la chambre régionale d'agriculture). Quant au CASDAR, il est seulement précisé qu'un comité État-région est chargé de développer les synergies entre les fonds européens et les subventions du CAS « en particulier en faveur du soutien à des dynamiques territoriales innovantes conduites en multi partenariat ».

Compte tenu de la multiplicité des intervenants et malgré le développement des interventions conduites en multi-partenariats, l'impression subsiste d'une assez faible coordination active entre les différents acteurs de la recherche développement et entre les projets soutenus par la CASDAR et les subventions aux exploitations en provenance des différents financeurs.

En l'état, la justification au premier euro des deux programmes du CASDAR présente, une fois de plus, un caractère lacunaire .

Pour le programme 775 , le rapport annuel de performances ne fournit pas d'information suffisamment détaillée sur l'utilisation des crédits destinés au réseau des chambres d'agriculture , à la fédération des coopératives agricoles et aux organismes nationaux de vocation agricole et rurale (ONVAR) .

L'indicateur utilisé consiste à suivre les effectifs desdits organismes consacrés par eux à atteindre les grands objectifs du programme national de développement agricole et rural. On se doute bien que là est leur pente naturelle et qu'il n'est pas très difficile de fournir au logiciel censé accueillir les déclarations des organismes les données permettant d'extérioriser des résultats probants.

On relèvera pour mémoire que les organismes dont s'agit (qui agrègent une série d'entités sans vraie commensurabilité) indiquent consacrer près de 70 % de leurs effectifs aux thématiques du PNDAR, ce qui, compte tenu du caractère très « inclusif » des thématiques en question ne livre strictement aucun enseignement sur l'efficacité des soutiens attribués par le programme 775.

Il résulte de ce manque d'information une impossibilité de savoir si les crédits du programme servent aux projets de développement plus qu'aux structures qui sont censées les porter.

Le ministère de l'agriculture indique procéder à des évaluations des actions financées par le truchement du compte mais, outre que cette évaluation paraît orientée plutôt vers un contrôle de conformité que vers une évaluation des impacts seule à même de fonder une appréciation de la valeur ajoutée des financements publics, le programme ne comporte aucun indicateur permettant d'en rendre compte .

Cette lacune doit être corrigée , objectif fixé par les rapporteurs spéciaux d'autant plus aisément atteignable que le ministère de l'agriculture publie un compte rendu d'activité du CASDAR riche en informations sur les programmes soutenus mais qu'il conviendrait de compléter par l'adoption d'une démarche évaluative.

Les rapporteurs spéciaux relèvent avec satisfaction l'orientation consistant à développer des « projets pilotes régionaux » destinés à l'animation des groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) faisant intervenir les partenaires de terrain et pouvant favoriser, de ce fait, un effet de levier susceptible de démultiplier les moyens consacrés à chaque projet. Cette évolution correspond par ailleurs à l'esprit même des interventions financées par le programme qui porte notamment sur la diffusion de bonnes pratiques à partir de pilotes.

Il restera à vérifier que l'émergence d'une matrice régionale débouchera effectivement sur un renforcement des ressources et qu'elle aboutira à la préservation des équilibres locaux d'intervention du CASDAR .

En tout cas, il convient de veiller à ce que l'affirmation de l'échelon régional n'éloigne par trop les interventions opérationnelles du terrain, qui est par nature, très local et qu'il ne débouche pas sur une multiplication des « guichets » et l'éclatement des conditionnalités d'accès, travers qui pourraient alourdir considérablement la gestion de projets qui doivent être efficaces.

Quant au développement des conventions avec les ONVAR 47 ( * ) , présenté par le ministère de l'agriculture comme correspondant à l'émergence d'un « CASDAR-ONVAR », si l'on peut y voir une diversification bienvenue des partenariats mobilisés par le dispositif, il est regrettable que la communication du ministère aille jusqu'à suggérer qu'une sorte de droit de tirage automatique puisse lui être associé .

L'élaboration d'un véritable projet national d'optimisation agro-économique des exploitations agricoles doté des moyens et d'une gouvernance adaptée s'impose. Il faut aujourd'hui dissiper l'éclatement des actions entreprises en ce domaine dont témoigne l'agencement des ressources du ministère de l'agriculture qui couvrait une dispersion budgétaire trop forte des moyens et de leur gestion (voir, à ce propos, la superposition des crédits dans les différents programmes de la mission AAFAR et dans le CASDAR).

S'agissant du programme 776 , l'information est, là aussi, insuffisante.

Le RAP décrit insuffisamment les projets sélectionnés dans le cadre des procédures d'appel à projets et les actions d'accompagnement thématiques innovantes .

Pour le programme 776 , l'indicateur unique 48 ( * ) se décline en deux sous-indicateurs de moyens : le premier repose sur la « part des financements portant principalement sur des problématiques de développement durable pour la compétitivité de l'agriculture » et le second sur la « part de financements impliquant une unité mixte technologique (UMT) ou un réseau mixte thématique (RMT) » rapportés à l'ensemble des financements du programme.

Au regard des cibles, les résultats visés sont mieux qu'atteints en 2019.

Néanmoins, la significativité du premier sous-indicateur n'est guère satisfaisante. Il n'est pas difficile de « verdir » des projets de recherche appliquée quand les objectifs du PNDAR sont énoncés en des termes tellement généraux que leur référentiel comporte une élasticité si forte qu'il est sans lisibilité autre que conjecturale.

Les rapporteurs spéciaux attendent davantage de précisions dans l'énoncé et le suivi des objectifs poursuivis.

Ce n'est pas trop demander que le ministère de l'agriculture s'attache à restituer les résultats des recherches appliquées financées par les exploitations agricoles, qui, de leur côté, ont droit à cette information.

Parmi les constats réalisés dans le cadre de l'évaluation du PNDAR évoquée plus haut il était mentionné que l'articulation entre le FEADER et le CAS restait à réaliser .

Cette observation semble pouvoir être étendue aux contreparties nationales du FEADER financées par la mission AAFAR.

À l'heure où la thématique de l'agro-écologie oriente fortement les choix publics dans le domaine de l'agriculture, il est nécessaire de renforcer la programmation de la recherche, ce qui passe par une information plus satisfaisante du Parlement.

Toujours, en ce sens , les rapporteurs spéciaux, prenant acte de la priorité accordée au développement de l'agriculture sous mode de production biologique, souhaitent appeler l'attention sur la nécessité de renforcer les capacités d'action de l'Institut technique de l'agriculture biologique, organisme transversal dont la spécificité mérite d'être défendue dans un oekoumène de la recherche appliquée par ailleurs riche de ses instituts techniques de filières, d'autant que les contributions des agriculteurs passés au bio aux recettes du CAS sont en expansion.

À cet égard, il convient d'être particulièrement attentif aux conditions d'exécution des engagements pris dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire de l'ITAB, qui a été l'un des événements majeurs de l'année 2019.

Cet événement constitue l'un des symptômes d'un dysfonctionnement du programme Ambition bio 2022 par ailleurs évoqué dans la présente contribution.

Interrogé sur ce point par le rapporteur spécial Yannick Botrel, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation dans la séance publique tenue au Sénat le 20 février 2020 s'est borné à mentionner le soutien de 1 million d'euros attribué à l'ITAB (soutien à mettre en perspective avec les 71 millions d'euros budgétés sur le programme 776).

Or, il semble que l'accord de sortie de redressement judiciaire prévoyait encore l'attribution d'une majoration de 25 % de cette dotation destinée à prévenir de nouveaux licenciements dans cette structure.

Les rapporteurs spéciaux demandent solennellement les clarifications qu'impose cette situation, dont il n'y a pas lieu de rappeler que les événements en cours constituent un lourd facteur d'aggravation.

Enfin, il faut constater la portée seulement relative de la montée en charge des appels à projets.

La Cour des comptes dans la note d'exécution budgétaire mentionnée en fait ressortir le poids encore très relatif dans les dépenses du programme 775 (19 %) et la très grande dispersion avec pour incidence la modestie des mises de fonds.

Appels à projets du programme 775

Source : Cour des comptes

Elle met en regard de ces allocations de fonds, les abondements reconduits d'une année sur l'autre de quelques grands bénéficiaires du CASDAR.

Principaux bénéficiaires des interventions du programme 775

Source : Cour des comptes

Ces derniers soutiens ne paraissent nullement condamnables en soi. Mais, dans le cadre d'un renforcement nécessaire de la recherche, il serait sans doute utile, tout en préservant les moyens des structures d'animation, de procéder à une amplification des moyens consacrés aux appels à projet, la question de l'inégale attribution des subventions pérennes pouvant utilement faire l'objet d'une analyse.

En ce qui concerne le programme 776, la proportion des engagements sur appels à projets est sensiblement supérieure (plus du tiers des dépenses).

Les projets sont pour 65,4 % d'entre eux annuels, 33,2 % durant 3 ans ou plus.

Répartition des dépenses du programme 776 en 2019

Source : Cour des comptes

La Cour des comptes relève la concentration des attributions, observation régulièrement faite par les rapporteurs spéciaux qui, pour traduire un état de l'offre d'assistance technique, justifie une évaluation de la contribution de chacun et de ce que pourrait apporter une diversification des intervenants..

Principaux bénéficiaires des interventions du programme 776

Source : Cour des comptes

MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »

mm. yvon collin et jean-claude requier,
rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2019 179

1. La mission « Aide publique au développement » poursuit sa montée en charge 179

2. Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » est une nouvelle fois marqué par une sous-exécution 181

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 184

1. La variation des taux d'intérêt et le rythme de décaissement des contributions internationales constituent deux incertitudes fortes sur l'exécution de la mission 184

2. L'exercice 2019 consacre la montée en charge rapide des dons de l'Agence française de développement 185

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2019

1. La mission « Aide publique au développement » poursuit sa montée en charge

La mission « Aide publique au développement » regroupe les crédits des principaux programmes concourant à la politique française d'aide publique au développement :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement » , mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances ;

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » , mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international.

En 2019, les crédits de la mission ne représentent toutefois que 42 % de l'effort budgétaire de l'État en matière d'aide publique au développement 49 ( * ) , en hausse de 4,5 points par rapport à 2018. La participation budgétaire de 24 programmes , issus de 14 missions du budget de l'État, rappelle le caractère fortement interministériel du financement de cette politique publique.

Exécution des crédits de la mission « Aide publique au développement »
en 2019, à périmètre courant

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Exécution 2019 / Exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Aide économique et financière au développement (110)

1 100,0

929,2

1 305,8

1 074,8

820,1

994,0

74,5 %

107,0 %

62,8 %

92,5 %

Solidarité à l'égard des pays en développement (209)

1 801,3

1 703,6

3 194,4

2 003,7

3 148,7

1 998,3

174,8 %

117,3 %

98,6 %

99,7 %

Mission

2 901,3

2 632,8

4 500,2

3 078,5

3 968,9

2 992,4

136,8 %

113,7 %

88,2 %

97,2 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En 2019, les crédits exécutés de la mission se sont élevés à 3,97 milliards d'euros en autorisations d'engagement , et à 2,99 milliards d'euros en crédits de paiement . Le taux d'exécution des crédits votés en loi de finances initiale est respectivement de 88,2 % et 97,2 %. Ainsi, si le taux d'exécution des crédits est relativement stable pour les crédits de paiement, celui des autorisations d'engagement marque une baisse significative par rapport à l'exercice 2019 , pour lequel il s'était élevé à 108,1 % .

Le faible taux d'exécution des crédits en autorisations d'engagement provient essentiellement du programme 110, qui a connu deux modifications significatives en cours d'exercice :

- une diminution du besoin de bonifications des prêts de l'Agence française de développement (AFD) . Cette baisse résulte de la persistance d'un environnement de taux bas. Ainsi, la loi de finances rectificative pour 2019 50 ( * ) a annulé 261,4 millions d'euros en autorisations d'engagement pour en tirer les conséquences ;

- une réévaluation à la baisse des bonifications de prêts réalisés par l'AFD à l'Association internationale de développement (AID), et au Fonds international de développement agricole (FIDA) . Cette réduction s'est traduite par des retraits d'autorisations d'engagement sur exercices antérieurs pour un montant total de 178,6 millions d'euros (116,8 millions d'euros pour le prêt à l'AID, et 12,7 millions d'euros pour le prêt au FIDA). En outre, l'exercice 2019 a également été marqué par la clôture des autorisations d'engagement de « l'International Finance Facility for Immunisation », désormais financée par le fonds de solidarité pour le développement, pour un montant de 48 millions d'euros .

S'agissant des crédits de paiement, leur exécution en 2019 respecte le plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 51 ( * ) , en tenant compte des effets de périmètre résultant de la rebudgétisation de recettes et de taxes affectées à partir de 2019.

Comparaison de l'exécution 2019 avec le plafond
prévu par la LPFP 2018-2022

(en milliards d'euros, crédits de paiement)

LPFP 2019 à périmètre constant

PLF 2019 à périmètre constant

PLF 2019 à périmètre courant

Exécution 2019

2,81

2,81

3,08

2,99

Source : commission des finances du Sénat

Enfin, le principal mouvement en cours d'exécution concernant les crédits de paiement relève d'une annulation de 80,2 millions d'euros sur le programme 110 par la loi de finances rectificative , qui résulte des facteurs suivants :

- l'annulation de l'intégralité de la réserve de précaution ;

- l'ajustement du calendrier de décaissement de la contribution de la France au Fonds vert pour le climat (FVC) pour tenir compte des négociations tardives sur la reconstitution de ses ressources ;

- l'actualisation des besoins de crédits pour certains dispositifs à décaissements pluriannuels , tels que le Fonds d'expertise technique et d'échange d'expériences (FEXTE), et les bonifications de prêts de l'AFD.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros et en crédits de paiement)

Programme

LFI 2019

Reports
entrants

Décrets
d'avance

Vire-ment
ou
transfert

LFR de fin de gestion

Fonds de concours et attributions de produits

Reports sortants

Crédits disponi-bles

Exécu-tion 2019

Écart
consommé/
prévu

Prog. 110

1 074,8

63,6

-

-

-80,2

-

-

1 026

994,0

92,5 %

Prog. 209

2 003,7

1,9

-

0,05

-5,2

6,0*

-

1 951

1 998,3

99,7 %

Mission

3 078,5

65,8

-

0,05

-85,4

6,0

-

2 977

2 992,3

97,2 %

* y compris le report de fonds de concours

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

2. Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » est une nouvelle fois marqué par une sous-exécution

Le compte de concours financiers regroupe pour sa part des prêts à des États étrangers qui concourent à la politique française d'aide publique au développement, à l'exception du programme concernant la Grèce :

- le programme 851 « Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et services concourant au développement du commerce extérieur de la France » porte deux catégories de prêts du Trésor, à savoir les prêts concessionnels accordés à certains pays en développement, et les prêts non concessionnels ;

- le programme 852 permet de refinancer les dettes de certains pays envers la France. Il retrace le suivi et la mise en oeuvre des accords de consolidation de la dette des pays les moins avancés (PMA) ;

- le programme 853 porte le versement à l'Agence française de développement de la « ressource à condition spéciale » (RCS) qui lui permet d'octroyer des prêts à des États étrangers à des conditions concessionnelles ;

- le programme 854 était initialement destiné à porter la contribution de la France au plan de soutien en faveur de la Grèce, finalement confié au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce programme n'est plus actif depuis 2012.

200,7 millions d'euros ont été exécutés en autorisations d'engagement et 427,4 millions d'euros en crédits de paiement , pour un taux d'exécution global respectivement de 16 % et de 59 % par rapport aux prévisions inscrites en loi de finances pour 2019.

Concernant le programme 851 , sur l'enveloppe d'un milliard d'euros d'autorisations d'engagement inscrite en loi de finances initiale, seulement 282,6 millions d'euros ont été consommés en raison des projets en Iran retardés par les relations internationales tendues entre l'Iran et les États-Unis. Les rapporteurs spéciaux rappellent qu'en 2018, la loi de finances rectificative avait déjà annulé 400 millions d'euros d'autorisations d'engagement pour ce motif. En outre, 81,8 millions d'euros d'apurements sur des protocoles non utilisés ont été rattachés comptablement à l'exercice 2019, minorant d'autant le montant des autorisations d'engagement consommées.

Concernant le programme 852, aucun traitement de dettes n'a été réalisé en 2019, pour la deuxième année consécutive, en raison du report du traitement de la dette de la Somalie, du Zimbabwe, du Yémen et de l'annulation du traitement de la dette du Congo. Par conséquent, la loi de finances rectificative a annulé 245,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

S'agissant du programme 853, aucune autorisation d'engagement n'avait été inscrite en loi de finances initiale pour 2019 à la suite d'un changement de doctrine comptable . En effet, depuis 2018, les prêts de l'État à l'Agence française de développement (AFD) sont comptabilisés par l'INSEE en dépenses publiques. Par conséquent, il a été décidé de financer ces opérations par les crédits de bonification de prêts prévus par le programme 110 de la mission « Aide publique au développement », plutôt que par le présent compte de concours financier.

Enfin, le programme 854 , destiné à porter les prêts consentis à la Grèce depuis 2010, est en sommeil depuis 2012 .

Exécution des crédits du compte de concours financiers
« Prêts à des États étrangers » en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Exécution 2019 / Exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

851 - Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France

120,1

208,2

1 000,0

481,0

200,7

187,4

167 %

90 %

20 %

39 %

852 - Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

-

-

245,4

245,4

-

-

0 %

0%

0 %

0 %

853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

425,0

1 008,0

-

388

-

240

0 %

24 %

0 %

62 %

854 - Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro

-

-

-

-

-

-

-

-

-

-

Total

545,1

1 216,2

1 245,4

726,4

200,7

427,4

37 %

35 %

16 %

59 %

Source : commission des finances du Sénat

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La variation des taux d'intérêt et le rythme de décaissement des contributions internationales constituent deux incertitudes fortes sur l'exécution de la mission

L'exécution des crédits de la mission « Aide publique au développement » est fortement contrainte par le rythme de décaissement des contributions de la France à des fonds multilatéraux, ainsi que par l'évolution des taux d'intérêt qui conditionne l'activité de prêts de l'AFD et du Trésor.

S'agissant du décaissement de la contribution française à des fonds multilatéraux en matière d'aide publique au développement, l'exercice 2019 a été marqué par l'absence de versement au Fonds vert pour le climat (FVC) . En effet, alors que la loi de finances initiale prévoyait une participation de la France en 2019 à hauteur de 43,1 millions d'euros , aucun engagement n'a pas concrétisé en raison des négociations tardives de cette reconstitution en 2019.

La contribution française au Fonds européen de développement (FED) témoigne aussi d'un écart significatif entre la prévision inscrite en loi de finances et l'exécution. Ainsi, depuis plusieurs années, la Cour des comptes considère que la forte volatilité de la contribution française au FED constitue un risque budgétaire important pour la mission « Aide publique au développement ». Alors que la loi de finances initiale prévoyait une enveloppe de 863 millions d'euros , seulement 842,4 millions d'euros ont été effectivement appelés.

S'agissant de l'évolution des taux d'intérêt, la persistance de taux bas est à l'origine d'une sous-exécution significative des autorisations d'engagement du programme 110 ( cf. supra ).

Toutefois, comme l'a indiqué la direction du budget aux rapporteurs, la baisse du besoin de bonifications des prêts de l'AFD aux États étrangers n'a pas remis en cause la tendance haussière de l'activité de l'AFD en matière de prêts . Concernant les prêts et garanties aux États étrangers, l'activité de l'AFD a augmenté de 10 % en 2019 , en passant de 7,53 milliards d'euros d'engagement à 8,31 milliards d'euros . Ainsi, moins de crédits budgétaires ont été nécessaires pour permettre de bonifier un même volume de prêts.

De la même façon, les retraits d'autorisations d'engagement sur exercices antérieurs relatifs aux prêts de l'AFD à l'AID et au FIDA proviennent d'un écart entre le coût estimé des bonifications et leur coût réel , constaté a posteriori lors de la couverture du risque par l'AFD. Pour le prêt au FIDA , le coût des bonifications s'est élevé à 14,32 millions d'euros , au lieu de 27 millions d'euros , soit presque moitié moins élevé. Pour le prêt à l'AID , le coût réel des bonifications avait été estimé à 500 millions d'euros , et il s'est finalement élevé à 383,3 millions d'euros soit 23 % de moins.

2. L'exercice 2019 consacre la montée en charge rapide des dons de l'Agence française de développement

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, les rapporteurs spéciaux avaient salué les moyens supplémentaires accordés à l'Agence française de développement (AFD) , en ligne avec les objectifs fixés par le Président de la République.

Conformément aux orientations du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) de février 2018, l'exercice 2019 a été marqué par une hausse sans précédent des moyens accordés à l'AFD afin d'octroyer des dons . Ainsi, le projet de loi de finances pour 2019 prévoyait d'augmenter la capacité de l'AFD à accorder des dons de 1,2 milliard d'euros (en autorisations d'engagement), desquels il fallait cependant déduire les 270 millions d'euros de taxe sur les transactions financières qu'elle ne percevait plus à compter de 2019.

Plus précisément, la loi de finances initiale pour 2019 prévoyait une enveloppe de 1,6 milliard d'euros en autorisations d'engagement pour les « dons-projets » et les dons versés aux organisations non gouvernementales (ONG) pour l'AFD, et 413 millions d'euros en crédits de paiement .

Crédits dédiés aux dons-projets et aux dons aux ONG de l'AFD

(en millions d'euros)

AE

CP

LFI 2019

1 610

413

Exécution 2019

1 513

359

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux relèvent toutefois que cette montée en charge rapide des engagements en 2019 devrait se traduire rapidement par une hausse significative des crédits de paiement associés, nécessitant un dialogue efficace entre l'Agence française de développement et ses ministères de tutelle.

MISSION « ANCIENS COMBATTANTS,
MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION »

m. marc laménie, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. UNE EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION GLOBALEMENT CONFORME EN 2019 AUX DIFFÉRENTES NORMES DE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE 189

A. LES OUVERTURES DE CRÉDITS DE LA LOI DE FINANCES INITIALE ONT ÉTÉ RESPECTÉES ET PRESQUE INTÉGRALEMENT CONSOMMÉES 190

1. Les crédits finalement disponibles ont globalement permis de couvrir les besoins et ont été partiellement rendus dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'exercice 191

2. Les dépenses ont été contenues au moyen d'opérations qu'il est possible de considérer comme non durables 192

3. Les opérations de fin de gestion n'ont pas été à la hauteur de la contribution théorique attendue de la réserve de précaution mais elles se traduisent par une forte contrainte sur l'exercice à venir 194

B. LES DÉPENSES DE LA MISSION SE SONT INSCRITES EN DESSOUS DU PLAFOND FIXÉ PAR LA PROGRAMMATION TRIENNALE DES FINANCES PUBLIQUES 195

C. UNE DIMINUTION DES DÉPENSES CONCENTRÉE SUR LE PROGRAMME 169 197

II. UN REDRESSEMENT MESURÉ DE L'EFFORT DE LA NATION ENVERS LES ANCIENS COMBATTANTS 200

A. UN RECUL DES CHARGES DE LA DETTE VIAGÈRE FAVORISÉ PAR UNE FAIBLE REVALORISATION DES DROITS 203

1. Un exercice 2019 marqué une nouvelle fois par un déficit de revalorisation des principales allocations de reconnaissance aux anciens combattants, déficit toutefois tempéré par une dynamique modérée de l'indexation des prestations 203

2. Un déclin de la population des bénéficiaires des deux allocations de reconnaissance qui s'accentue particulièrement pour les titualaires de pensions militaires d'invalidité de droit direct 206

3. Un effet de composition influence l'évolution de la charge des pensions d'invalidité 209

B. LES ÉCONOMIES SUR LES MAJORATIONS DES RENTES MUTUALISTES ONT ÉTÉ NETTEMENT PLUS CONTENUES SI BIEN QUE LEUR POIDS DANS LES DÉPENSES DU PROGRAMME 169 CONTINUE DE S'ALOURDIR... 209

1. Une déformation lente des interventions de la mission... 209

2. ... qui n'est pas sans susciter quelques interrogations 213

III. LES CRÉDITS DE LA MISSION SONT LOIN DE RENDRE COMPTE DE L'EFFORT PUBLIC CONSACRÉ À LA RECONNAISSANCE DE LA NATION ENVERS SES ANCIENS COMBATTANTS 214

A. DES DÉPENSES EFFECTIVES SUPÉRIEURES AUX DÉPENSES DIRECTES ET INSUFFISAMMENT RECENSÉES 215

B. LES TRANSFERTS PUBLICS AU PROFIT DES ANCIENS COMBATTANTS DÉPASSENT DE BEAUCOUP LES DÉPENSES PUBLIQUES DU FAIT DE RÉGIMES FISCAUX AVANTAGEUX 215

IV. QUELQUES OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES À PARTIR DE L'EXÉCUTION 2019 219

A. UNE ANNÉE 2019 SANS VÉRITABLE ÉLAN NOUVEAU POUR LES ANCIENS COMBATTANTS MAIS AVEC DEUX EXCEPTIONS DONT IL FAUT SE FÉLICITER 219

1. Une énième dépréciation de la valeur réelle des principales allocations de reconnaissance à laquelle il convient de renoncer 219

2. Deux éléments de satisfaction mais... 219

B. UN PROGRAMME 167 MARQUÉ PAR LE RETOUR À DES TEMPS MÉMORIAUX ORDINAIRES ET QUI INSPIRE UNE DÉCEPTION CERTAINE SUR LE FRONT DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ 223

C. LES SOUTIENS APPORTÉS À L'INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES, UN ENGAGEMENT RENFORCÉ, UNE ATTENTION PLUS QUE JAMAIS NÉCESSAIRE 226

D. DES INQUIÉTUDES ACCRUES DU CÔTÉ DE L'ONAC-VG 228

E. UNE ANNÉE 2019 QUI ILLUSTRE À NOUVEAU LA PERSISTANCE DE L'IMPÉRATIF D'UN PLUS FORT ENGAGEMENT POUR HONORER LA DETTE DE RÉPARATION DES VICTIMES DE SPOLIATIONS ANTISÉMITES 230

I. UNE EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION GLOBALEMENT CONFORME EN 2019 AUX DIFFÉRENTES NORMES DE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE

La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » dotée de 2,302 milliards d'euros, en loi de finances initiale (contre 2,461 milliards d'euros en 2018), a finalement occasionné 2,299 milliards d'euros de dépenses en 2019.

Elle a ainsi dégagé une petite économie de 3 millions d'euros par rapport à la programmation budgétaire initiale, s'ajoutant aux économies programmées en loi de finances initiale (123 millions d'euros par rapport à l'exécution de 2018) malgré l'extension des droits à reconnaissance réalisée notamment dans le cadre de l'attribution de la carte du combattant à certains militaires déployés sur le sol algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964.

La mission comporte trois programmes d'ampleur très inégale :

- le programme 158 « Indemnisations des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » ;

- le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » ;

- le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » ;

Le tableau ci-dessous détaille la diversité des dotations des différents programmes de la mission.

S'en détache la prédominance du programme 169 (94 % des dotations) qui regroupe les différents transferts en dépenses en faveur du monde combattant.

Crédits ouverts par la loi de finances initiale
de l'année 2019

(en millions d'euros)

Intitulé du programme

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

En % du total (CP)

167

Liens entre la Nation et son armée

8

33,8

1,7 %

169

Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant

2 194,8

2 162,5

94 %

158

Indemnisations des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale

105,9

105,9

4,4 %

Total

2 234,5

2 302,2

100 %

Source : Rapport annuel de performances 2019

A. LES OUVERTURES DE CRÉDITS DE LA LOI DE FINANCES INITIALE ONT ÉTÉ RESPECTÉES ET PRESQUE INTÉGRALEMENT CONSOMMÉES

La programmation budgétaire de la loi de finances initiale a permis de couvrir les besoins mais dans des conditions très tendues.

Si les dépenses ont été légèrement inférieures aux crédits ouverts, ceci a tenu à des opérations quelque peu acrobatiques.

En premier lieu, ligne à ligne, des écarts parfois substantiels sont apparus entre les crédits ouverts en loi de finances et les besoins à couvrir, l'équilibrage étant atteint par le truchement d'un jeu à somme quasi-nulle, mais susceptible d'obérer les moyens disponibles à terme pour soutenir certaines actions, en particulier, celles de l'ONAC-VG, dont la trésorerie a été sollicitée.

En outre, une opération croisée a permis de financer des besoins au moyen de la trésorerie du programme 169 dans les écritures comptables du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Ainsi, des charges significatives ont été couvertes au moyen de ressources extrabudgétaires de sorte qu'au total la base accessible pour couvrir durablement les besoins s'est étiolée.

1. Les crédits finalement disponibles ont globalement permis de couvrir les besoins et ont été partiellement rendus dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'exercice

Globalement, les modifications de crédits intervenues en cours d'année n'ont apporté que très peu d'évolutions à la programmation initiale, ainsi que le montre le tableau ci-après.

Mouvements infra annuels de crédits

(en millions d'euros)

P 167

P 169

P 158

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

33,8

33,8

2 194,6

2 162,3

105,9

105,9

2 334,3

2 302

Total des mouvements de crédits

1,4

1,7

- 0,8

- 0,8

6,7

6,7

7,3

7,6

Dont

Reports

0

1,3

NS

NS

6,7

6,7

6,7

8

Virements

0,01

0,01

Annulations (LFR du 2 décembre 2019)

NS

1

0,8

0,8

0

0

0,8

1,8

Fonds de concours (pour mémoire)

1,4

1,4

NS

NS

0

0

1,4

1,4

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits finalement disponibles ont légèrement excédé les ouvertures de la loi de finances initiale (+ 0,3 % des crédits initiaux ont été finalement ouverts) malgré l'annulation de 1,8 million d'euros de crédits de paiement par la loi de finances rectificative de fin d'année.

Les reports de crédits ont été particulièrement importants sur le programme 158, atteignant environ 6 % des dotations initiales, ce qui traduit une certaine difficulté (compréhensible mais, sous certains angles, regrettable) à gérer les interventions de ce programme, qui, ainsi que le rapporteur spécial s'en est largement expliqué dans son rapport consacré à la réparation des spoliations, porte une dette latente qu'il importe particulièrement d'honorer.

2. Les dépenses ont été contenues au moyen d'opérations qu'il est possible de considérer comme non durables

Les dépenses ont atteint 2 299,5 millions d'euros pour un total de crédits de paiement ouverts en début d'exercice de 2 302 millions d'euros, portés en gestion à 2 309,4 millions d'euros, une fois pris en compte les mouvements de crédits.

Les crédits initiaux ont ainsi été consommés à hauteur de 99,9 % tandis que les crédits disponibles (après l'annulation de la loi de finances rectificative de fin d'année) l'ont été pour 99,6 %, ce qui témoigne d'une gestion mise sous forte tension.

Exécution des crédits de la mission en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2018

Crédits votés en LFI 2019

Crédits disponibles en 2019

Crédits exécutés en 2019

Exécution 2019/Exécution 2018

Exécution 2019/LFI 2018
(en %)

167

AE

40,9

33,7

35,1

33,6

- 7,3

=

CP

40,4

33,7

35,4

34,1

- 6,3

1,2

169

AE

2 295,7

2 194,8

2 193,8

2 193,5

- 102

=

CP

2 296,6

2 162,3

2 161,5

2 162,2

- 134,4

=

158

AE

95,8

105,9

112,6

104,2

+ 8,4

- 1,6

CP

95,9

105,9

111

104,2

+ 8,3

- 1,6

Total

AE

2 432,4

2 334,4

2 440,1

2 331,3

- 101,1

NS

CP

2 432,9

2 301,9

2 441,9

2 299,5

- 133,4

NS

Note : les crédits disponibles en 2019 cumulent les crédits de la loi de finances initiale, les attributions de produits et rattachements de fonds de concours et les mouvements de crédits consolidés intervenus au cours de l'année.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette tension a menacé l'exécution de chacun des programmes, mais avec des nuances.

Ainsi, le programme 158 , qui ne concentre que 4,6 % des moyens de la mission, a connu un taux d'exécution des crédits initiaux un peu plus faible que les autres mais les crédits initiaux ont toutefois été consommés à hauteur de 98,4 %, les reports de l'exercice précédents offrant certaines marges de manoeuvre. Ces données doivent toutefois être appréciées dans le contexte d'une dette de réparation latente qui reste à honorer.

Le programme 167 a de son côté été surconsommé en crédits de paiement, le bouclage n'étant assuré que grâce aux reports de l'exercice précédent. Ils ont permis de couvrir les besoins identifiés par le gestionnaire de programme et de contribuer aux annulations de crédits de fin de gestion. Toutefois, les engagements ouverts sur ce programme nécessiteront 4,6 millions d'euros de nouveaux crédits de paiement à compter de 2020.

Finalement, l'exécution la plus tendue a concerné les crédits du programme 169 dont la quasi-totalité des dotations de la loi de finances initiale ont été consommés et qui a dû rendre les quelques crédits laissés disponibles par les reports de l'exercice précédent à l'occasion de la loi de finances rectificative de fin de gestion.

Dans ce contexte, la mécanique budgétaire qui voit la plus grande partie des dépenses du programme 169 de la mission fléchées vers le compte d'affectation spéciale « Pensions » (le programme 743 de ce compte) doit être prise en compte. Le ministère des armées dispose au sein de la trésorerie du compte d'affectation spéciale d'une sorte d'avoir correspondant au solde comptable cumulé au cours des années du fait de la différence entre les versements du programme 169 et les dépenses constatées sur le programme 743 du compte « Pensions ». L'an dernier, il avait été amélioré (de l'ordre de 8 millions d'euros). Cette année, l'appel à versement sur le compte « Pensions » a fait l'objet d'une minoration très significative, de 32 millions d'euros.

Dans ces conditions, il apparaît que les disponibilités ouvertes par la « créance » de 32,98 millions d'euros (11,9 millions d'euros au titre de la retraite du combattant ; 21,05 millions d'euros au titre de la PMI) détenue par le ministère sur la trésorerie du compte d'affectation spéciale « Pensions » ont été presque totalement mobilisées lors de l'exécution 2019.

Trésorerie du programme 743 du compte d'affectation spéciale « Pensions »
au titre des opérations croisées avec le programme 169 de la mission

Source : Cour des comptes

Si cette décision n'avait pas été mise en oeuvre, les crédits initiaux auraient été marqués par un déficit de dotations. En bref, les dépenses du programme ont été partiellement couvertes par le recours à des réserves extrabudgétaires.

3. Les opérations de fin de gestion n'ont pas été à la hauteur de la contribution théorique attendue de la réserve de précaution mais elles se traduisent par une forte contrainte sur l'exercice à venir

Du fait des besoins constatés, la réserve de précaution, qui avait d'abord été fixée à 3 % des dotations ouvertes en loi de finances initiale pour les crédits hors titre, 2 (0,5 % pour les quelques crédits de titre 2 inclus dans la mission) a été largement dégelée en gestion.

Sur les 67,7 millions d'euros gelés, essentiellement sur le programme 169 (63,6 millions d'euros de gel initial) seuls 1,8 million d'euros ont été rendus indisponibles en cours de gestion, témoignant de la contrainte forte exercée par la programmation budgétaire initiale.

Le rapporteur spécial relève que l'exécution des crédits de la mission justifie pleinement les appréciations tendant à souligner le caractère artificiel des conditions dans lesquelles la réserve de précaution était mise en oeuvre lors de la précédente période de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Il se félicite que davantage de réalisme ait pu être introduit dans la nouvelle programmation, tout en regrettant, au plan symbolique, que perdure le gel des droits conférés aux anciens combattants et victimes de guerre, qui, pour virtuel qu'il doive être, représente pour le moins une maladresse par laquelle l'État jette le doute sur des engagements solennels au nom d'une norme technique à la portée pratique rien moins qu'évidente.

En se plaçant dans un cadre plus large, il est évident que l'application indiscriminée de la réserve de précaution à des interventions très inégalement « pilotables » et le resserrement du taux de la réserve conduisent à des programmations budgétaires initialement plus strictes tout se passant comme si la prudence budgétaire était désormais internalisée en amont.

Ce processus ne s'est pas accompagné ces dernières années par un gonflement des décrets d'avance, mais on a pu constater des arbitrages plus nombreux effectués par virements ou transferts ou encore une politique plus systématique de ponction des trésoreries d'opérateurs, dont la gestion en 2019 de la mission rend compte.

Les marges laissées libres par l'exécution ressortent également plus étroites comme l'illustre là aussi la gestion des crédits de la mission au cours de l'exercice sous revue.

Dans ces conditions, il convient de suivre avec attention la dynamique des engagements d'un côté, dont il y a lieu de redouter qu'ils servent de variables d'ajustement, et de l'autre, celle des crédits de paiement nécessaires pour solder les engagements en compte.

B. LES DÉPENSES DE LA MISSION SE SONT INSCRITES EN DESSOUS DU PLAFOND FIXÉ PAR LA PROGRAMMATION TRIENNALE DES FINANCES PUBLIQUES

Malgré un niveau élevé de consommation des crédits, et malgré des initiatives probablement non anticipées au moment de la construction de la programmation financière à moyen terme (plan harkis), la mission a respecté la norme de dépense de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022.

Observation de méthode

L'article 15 de la loi de programmation en vigueur, qui détermine la valeur des « plafonds de crédits alloués aux missions du budget général de l'État, hors contribution du budget général au compte d'affectation spéciale « Pensions », hors charge de la dette et hors remboursements et dégrèvements » comporte une certaine dose d'approximation.

Pour ce qui concerne sa dimension formelle 52 ( * ) , compte tenu de la coexistence de plusieurs conceptions des plafonds de crédits alloués aux missions budgétaires (s'agit-il des plafonds des lois de finances initiales, des lois de finances initiales corrigées par les lois de finances rectificatives, des plafonds législatifs ou de ces derniers complétés par les crédits ouverts en gestion au titre, par exemple, des attributions de produits qui, dans certains cas, peuvent atteindre des niveaux élevés quoique variables d'un exercice à l'autre ?), il existe une marge d'interprétation du sens de la norme.

Il serait sans doute plus simple, étant donné l'objectif poursuivi, de se référer à un concept de dépenses par exercice.

Dans le cadre de l'examen de la loi de règlement il paraît convenable, en l'état actuel des choses, de se référer aux dépenses constatées en comptabilité budgétaire sans omettre les reports de crédits. L'esprit de la loi de programmation des finances publiques est bien d'identifier la norme de dépense appliquée à chaque mission budgétaire.

Par ailleurs, les changements de périmètre susceptibles de modifier la substance de la norme, qui ne font pas l'objet d'une information assez systématique, posent des difficultés d'appréciation sans fin redoublés par le financement extrabudgétaire d'un certain nombre d'interventions.

Comparaison entre le plafond de la loi de programmation pluriannuelle
et l'exécution des crédits en 2019

(en millions d'euros)

Plafond de la loi de programmation des finances publiques

2 340

Crédits ouverts en 2019

2 309

Contribution au CAS « Pensions »

0,3

Exécution hors CAS « Pensions »

2 299, 2

Marges sous le plafond 2019

40,8

Source : commission des finances du Sénat d'après le programme annuel de performances pour 2018 et la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques (2018-2022)

Tant les crédits initialement ouverts que les dépenses finalement réalisées se sont inscrits sous la barre de la loi de programmation des finances publiques.

La consommation des crédits a laissé une marge de près de 40 millions d'euros sous le plafond nominal de la loi de programmation. Cette situation pourrait être jugée satisfaisante, du moins au regard de la norme de dépenses résultant d'une loi de programmation très discutable (voir ci-dessous), si elle n'était pas accompagnée des incertitudes et des pontions de trésorerie mentionnées ci-dessus.

Néanmoins, au-delà de la question de la reproductibilité de ces méthode, l'essentiel est bien de souligner que la programmation des crédits de la mission dépend d'un « volontarisme » auquel le rapporteur spécial ne peut souscrire puisqu'il repose sur une sourde altération des politiques de mémoire et de reconnaissance de la Nation aux anciens combattants et aux victimes des persécutions nazies.

La loi de programmation dessine en effet une trajectoire franchement baissière du plafond de crédit de la mission, ce dernier devant passer de 2,540 milliards d'euros en 2017 à 2,250 milliards d'euros en 2020 soit une réduction de 11,5 % entre ces deux échéances.

Trajectoire des plafonds de crédits de la mission dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022

(en milliards d'euros)

Loi de finances pour 2017

Loi de finances pour 2017 (format 2018)

2018

2019

2020

2,54

2,54

2,46

2,34

2,25

Source : loi de programmation des finances publiques 2018-2022

C. UNE DIMINUTION DES DÉPENSES CONCENTRÉE SUR LE PROGRAMME 169

D'un point de vue budgétaire, l'évolution des dépenses de la mission est déterminée par le programme 169 du fait de son poids relatif.

Or, les dépenses de ce programme s'inscrivent sur une tendance spontanément baissière moyennant quelques écarts à la tendance résultant principalement de revalorisations, très chiches et irrégulières, des allocations correspondant à la dette viagère.

La mission, du fait de la réduction de la population couverte par les engagements viagers du programme 169, dégage ainsi régulièrement chaque année des économies qu'on peut qualifier « d'économies de constatation » 53 ( * ) .

L'exécution 2019 confirme, une fois de plus, cette tendance.

Retour sur l'évolution des dépenses de la mission en 2015, 2016, 2017 et 2018

En 2015 , la mission avait dégagé des économies de 152,5 millions d'euros (soit une baisse de l'ordre de 5 % par rapport aux dépenses de 2014) principalement concentrées sur les crédits prévus au programme 169 dont les dépenses avaient accusé un repli de 210 millions d'euros . La baisse des dépenses de la mission aurait été sensiblement plus forte (elle aurait même dépassé 7 %) en dehors d'un événement exceptionnel : l'accord conclu entre la France et les États-Unis pour solder la dette de réparation envers certaines victimes de la déportation reconnue par la France. Cet accord, qui portait sur la responsabilité de la SNCF dans la déportation, avait, en effet, conduit à inscrire une dotation exceptionnelle de 54,5 millions d'euros au titre de 2015 , de sorte qu'en dehors de l'impact ponctuel de cet accord les économies réalisées en 2015 se seraient élevées à 207 millions d'euros , soit un repli des dépenses de 6,8 %.

En 2016, les dépenses de la mission ont poursuivi leur diminution mais dans des proportions plus mesurées. Les économies constatées s'étaient élevées à 129,7 millions d'euros , soit un niveau proche de l'année précédente. Toutefois, cette évolution pouvait être qualifiée de partiellement « faciale » du fait de l'accord mentionné qui avait occasionné une dépense non-récurrente. Une fois neutralisé son impact, les économies structurelles dégagées en 2016 pouvaient être estimées à 74,1 millions d'euros , soit un niveau beaucoup plus faible qu'en 2015. En bref, le rythme de réduction des charges de la mission avait nettement décéléré en 2016 .

Avec 86,7 millions d'euros, l'année 2017 avait dégagé des économies du même ordre et ainsi confirmé la contraction des économies réalisées sur la mission par rapport à une tendance historique généralement calée sur les données démographiques.

Dès 2018, les facteurs de soutien des allocations versées à partir du programme 169 ne jouant plus -il s'était agi de la revalorisation du point de la fonction publique décidée en amont de la campagne présidentielle de 2017-, les dépenses de ce programme ont à nouveau rétrogradé significativement ( - 70,7 millions d'euros ), malgré les mesures mises en oeuvre dans le cadre de la reconnaissance de la Nation envers les harkis

Ainsi que l'a illustré le tableau récapitulant les données d'exécution des crédits par programme en 2019 (voir supra ), les économies réalisées sur les dépenses de la mission se sont à nouveau concentrées sur les dépenses du programme 169.

L'allègement des charges dudit programme se reflète dans la baisse des dépenses d'intervention de la mission qui proviennent pour 91 % d'entre elles du programme 169.

Évolution des consommations de crédits par titre
(y.c fonds de concours et attributions de produits)

(en millions d'euros)

Crédits exécutés en 2018

Crédits votés en LFI 2019

Crédits exécutés en 2019

Exécution 2019/ Exécution 2018

Exécution 2019 / Crédits ouverts en LFI 2019

Titre 6
(dépenses d'intervention)

2 335,5

2 194,8

2 197,7

- 137,8

+ 2,9

Autres titres

97,3

107,3

101,8

+ 4,5

- 5,5

dont :

Titre 3
(dépenses de fonctionnement)

94,2

103,1

97,4

+ 3,2

- 5,7

Total

2 432,8

2 302,1

2 299,5

- 133,3

- 2,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

De fait, les dépenses du programme 169, qui se sont inscrites en baisse de 135,3 millions d'euros par rapport à 2018 (elles se situent en deçà des ouvertures de crédits de la loi de finances initiale à hauteur de 1,3 million d'euros), diminuent de 5,9 %.

Quant aux deux autres programmes de la mission, leurs dépenses ont, pour l'un (le programme 167 ), diminué par rapport à 2018, de 15,4 % après avoir augmenté de 13 % l'année précédente en lien avec le déroulement des commémorations de la Grande Guerre, et pour l'autre (le programme 158) augmenté de 8,6 % du fait d'une certaine dynamique intrinsèque d'indemnisations de crimes contre l'humanité non encore réparés et bénéficiant, au surplus, d'une indexation particulière (voir infra ).

II. UN REDRESSEMENT MESURÉ DE L'EFFORT DE LA NATION ENVERS LES ANCIENS COMBATTANTS

La structure des dépenses du programme 169 peut être déclinée à partir des quatre grandes actions suivantes correspondant à des regroupements de prestations de nature homogène :

- l'administration de la dette viagère qui compte les pensions militaires d'invalidité des victimes de guerre et les prestations rattachées, ainsi que la retraite du combattant ;

- la gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité : soins médicaux gratuits et appareillage des mutilés, remboursement des réductions de transport accordées aux invalides, remboursement des prestations de sécurité sociale accordées aux invalides... ;

- les interventions au titre de la solidarité : majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et des victimes de guerre, subventions aux associations, action sociale de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) et subventions versées à cet organisme, Institution nationale des Invalides ;

- les actions en faveur des rapatriés .

À ces allocations financées sur des crédits budgétaires, il faut ajouter les transferts réalisés à partir des régimes dérogatoires du droit commun des prélèvements obligatoires .

Le tableau ci-après, qui présente les principales évolutions des dépenses du programme entre 2018 et 2019, montre l'influence prédominante de la dette viagère sur les tendances de la dépense en niveau.

Évolution des dépenses du programme 169 entre 2018 et 2019

(en milliers d'euros et en %)

Exécution en 2018

Exécution en 2019

Évolution 2019/2018
(en millions d'euros)

Évolution 2019/2018
(en %)

Administration de la dette viagère

1 807,8

1 676,1

- 131,7

- 7,3

Pensions militaires d'invalidité de victimes de guerre

1 069,4

975

- 94,4

- 8,8

Retraite du combattant

738,5

701,2

- 37,3

- 5

Gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

132,2

128,8

- 3,4

-2,6

Soins médicaux gratuits

47,9

45,9

- 2

- 4,2

Remboursement des réductions de transport

2,3

1,8

- 0,5

-21,7

Remboursements des prestations de sécurité sociale aux invalides

82

81

- 1

- 1,2

Solidarité

337,1

327,1

- 10

- 3

Majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre

237

232,6

- 4,4

- 1,9

Pécules

ND

ND

Subventions aux associations

3,4

0,2

- 3,2

- 94,1

Action sociale de l'ONACVG

26,4

26,4

0

0

Subventions versées à l'ONACVG

57,4

51,4

- 6

- 10,4

Institution nationale des Invalides

12,9

14,8

+1,9

+ 14,7

Conseil national des communes compagnons de la Libération

1,3

1,7

+0,4

+ 30,8

Actions en faveur des rapatriés

19,4

29,3

+ 9,9

+ 51

Total

2 296,6

2 161,3

- 135,3

- 5,9

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

C'est la simple traduction de la répartition des charges du programme, les poids en crédits de chacune de ces grandes têtes de chapitre diffèrant nettement.

Crédits de paiement du programme 169 consommés
en 2019

(en millions d'euros)

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2019

La dette viagère qui mobilisait 81 % des dotations en 2018 voit son poids dans le total des dépenses du programme légèrement rétrograder mais ce poids demeure prépondérant (77,5 % du total).

Elle est suivie par les actions dites de solidarité (15 %) tandis que les interventions au titre des droits complémentaires ne représentent que 6 % des crédits, contre 1 % pour les interventions en faveur des rapatriés.

Dans ce contexte, si la baisse des dépenses a atteint 135,3 millions d'euros entre 2018 et 2019, le repli des dépenses liées à la rente viagère (- 131,7 millions d'euros) en a été le principal facteur représentant 97 % de la contraction des charges du programme.

La réduction des dépenses liées à la dette viagère traduit principalement les effets d'une baisse régulière du nombre des bénéficiaires des allocations correspondantes.

Il n'y aurait pas là en soi matière à mettre en évidence un affadissement de l'effort de la Nation en faveur de ses anciens combattants d'autant qu'ainsi qu'on l'a indiqué plus haut un facteur « technique » est intervenu en 2019 avec la décision mise en oeuvre de réduire la trésorerie du programme 743 du CAS « Pensions ».

Si cette appréciation doit néanmoins être formulée c'est sur la base d'une négligence trop fréquente d'assurer une revalorisation des allocations dispensées aux anciens combattants mais aussi des hésitations à élargir la reconnaissance due aux anciens combattants, deux phénomènes à nouveau vérifiés en 2019, mais dans une moindre mesure qu'au cours de l'année précédente.

A. UN RECUL DES CHARGES DE LA DETTE VIAGÈRE FAVORISÉ PAR UNE FAIBLE REVALORISATION DES DROITS

Le recul des dépenses du programme 169 consacrées aux deux principales prestations de la dette viagère (- 131,7 millions d'euros) n'est pas strictement équivalent à celui des allocations versées au titre des pensions militaires d'invalidité et de la retraite du combattant qui sont retracées dans le cadre du programme 743 du compte d'affectation spéciale « Pensions ». L'opération d'arasement de la trésorerie du programme exposée ci-dessus a entraîné une baisse des versements au CAS supérieure à celle des prestations versées aux titulaires de droits, ces dernières ayant d'ailleurs pâti d'un retard technique qui n'a pas permis de prendre en compte la totalité des effets de l'arrêté de revalorisation du point de PMI (vois infra ). Au total, les allocations versées au titre des PMI et de la retraite du combattant ont tout de même diminué de 94,6 millions d'euros par rapport à 2018, soit un recul effectif de 5,3 %.

1. Un exercice 2019 marqué une nouvelle fois par un déficit de revalorisation des principales allocations de reconnaissance aux anciens combattants, déficit toutefois tempéré par une dynamique modérée de l'indexation des prestations

Les différents postes de dépense du programme 169 figurés dans le graphique ci-après font ressortir la part prépondérante des pensions militaires d'invalidité (45,1 % du total), suivies des charges liées à la retraite du combattant (32,4 %), les dépenses liées à divers droits accordés aux anciens combattants comptant pour 22,5 % des dépenses du programme.

Crédits de paiement du programme 169
consommés en 2019

Source : RAP pour 2019

Les modalités de revalorisation des deux principales allocations de reconnaissance, les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant, suivent un régime marqué par le rôle majeur du « rapport constant ».

Modalités de revalorisation des pensions correspondant
aux pensions militaires d'invalidité et à la retraite du combattant

Depuis 2005, la valeur du point de pension militaire d'invalidité (PMI) est révisée proportionnellement à l'évolution de l'indice INSEE des traitements bruts de la fonction publique de l'État, à la date de cette évolution, et non plus de manière rétroactive comme dans le dispositif en vigueur auparavant, suivant ainsi les règles du « rapport constant ».

Quant au montant de la retraite du combattant, il est fixé par référence à un nombre de points d'indice de PMI , déterminé à l'article L. 256 du CPMIV G. Il peut donc varier sous l'effet de deux facteurs : le nombre de points d'indice de PMI et la valeur de celui-ci.

L'indice INSEE des traitements bruts de la fonction publique doit être distingué de l'indice sur la base duquel sont calculés les traitements indiciaires dus aux agents publics, malgré les liens existant entre ces deux indices. Il s'agit d'un indice statistique qui agrège à qualification constante des traitements indiciaires effectivement versés aux agents (à ce titre, il est sensible à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique mais aussi à des modifications de la structure des rémunérations entre la part indiciaire et la part indiciaire ; en revanche, il n'inclut pas les effets des requalifications des emplois publics).

D'autres allocations de reconnaissance, en particulier celles versées aux anciens membres des forces supplétives de la guerre d'Algérie et à leurs conjoints survivants, sont, quant à elles, indexées sur l'évolution des prix.

En 2019, le jeu du « rapport constant » a une fois de plus conduit à une indexation de la valeur du point PMI très modérée. Cependant, du fait des mesures catégorielles appliquées en 2019, en particulier dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), une dynamique certes modérée (0,8 % soit moins que l'inflation) a pu se constater, ce qui offre une certaine nuance avec l'exercice précédent.

Dans le même temps, aucune revalorisation spécifique nouvelle de la retraite du combattant n'a été décidée. Cette dernière a donc évolué en fonction de la seule évolution du point de PMI.

Séquence de l'évolution de la valeur du point PMI depuis 2016

Source : Cour des comptes

Dans ces conditions, la valeur unitaire de la retraite du combattant à la date du 1 er janvier 2019 a été portée à 757,7 millions d'euros.

Séquence de progression de la valeur de la retraite du combattant

Source : Cour des comptes

La retraite du combattant s'est trouvée revalorisée de 5 euros et 72 centimes à compter du 1 er janvier 2019 (+0,8 %) parallèlement au point de PMI, cette revalorisation n'épuisant pas l'impact de la mise à jour de la valeur du point de PMI, celle-ci exerçant des effets rétroactifs difficiles à gérer du fait de la complexité selon laquelle sont mises en oeuvre les indexations associées au « rapport constant » sur laquelle on revient plus loin.

Les évolutions ici décrites confirment - malgré l'amortissement des effets du gel du point de la fonction publique sur l'indexation des allocations sous revue par les mesures catégorielles - la tendance à un décrochage de la valeur réelle de ces deux allocations, plus ou moins tempéré, mais par à coups, par des attributions de points, généralement au seuil des échéances électorales, qui, opportunes, ne suffisent toutefois pas à combler les retards pris.

Dans ce contexte, les dépenses résultant des pensions militaires d'invalidité (PMI) ont reculé de 8,8 % (soit un recul très sensiblement supérieur à la baisse de 5 % observée l'an dernier) tandis que les charges liées à la retraite du combattant qui, en 2018, en raison d'effets en année pleine de mesures d'attribution de points de PMI, n'avaient fléchi que de 0,4 % repartent à la baisse (- 5 %).

On rappelle qu'après avoir stagné à partir de 2012, la retraite du combattant a été améliorée en 2017, sans connaître depuis de nouvelles progressions, le nombre des points de PMI restant de 52 points de PMI.

Séquence des augmentations de la retraite du combattant
entre 2007 et 2012

Alors qu'il s'élevait à 37 points au 1 er juillet 2007, soit 495,06 euros à la valeur du point à cette date, il a été revalorisé chaque année entre 2008 et 2012 :

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2008 : 39 points , soit 526,89 euros ;

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2009 : 41 points , soit 526,89 euros ;

- deux points supplémentaires au 1 er juillet 2010 : 43 points , soit 592,97 euros ;

- un point supplémentaire au 1 er juillet 2011 : 44 points , soit 595,55 euros ;

- quatre points supplémentaires au 1 er juillet 2012 : 48 points , soit 665,28 euros.

Cette situation ne satisfait pas le Sénat qui a voté lors de la discussion budgétaire de la fin d'année 2019 une revalorisation de la retraite du combattant, mais en vain.

2. Un déclin de la population des bénéficiaires des deux allocations de reconnaissance qui s'accentue particulièrement pour les titualaires de pensions militaires d'invalidité de droit direct

Entre 2010 et 2018, le nombre des allocataires des pensions militaires d'invalidité de victimes de guerre s'est replié de 102 264 unités, soit près de 33,1 %, ce repli atteignant 399 659 personnes pour les bénéficiaires de la retraite du combattant (environ - 29,8 %).

Évolution des effectifs des pensions militaires d'invalidité
et des retraites du combattant de 2007 à 2018

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2018

Afin d'élargir la perspective temporelle, on peut rappeler que, sur le long terme, la réduction du nombre des bénéficiaires des deux prestations n'a pas été concomitante.

Jusqu'à la moitié des années 2000, le contingent des titulaires de la retraite du combattant s'est accru, dans des proportions importantes d'ailleurs.

Ce n'est qu'au-delà de cette date que leur nombre a rejoint la tendance à la baisse du nombre des bénéficiaires de pensions militaires d'invalidité.

Évolution du nombre des bénéficiaires des rentes viagères

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2017

Source : Rapport annuel de performances de la mission pour 2010

Quoi qu'il en soit, la pente de la décrue des titulaires de la retraite du combattant a tendu à s'accentuer tandis que celle des pensionnés invalides suivait une tendance au repli plus régulière .

L'exercice 2019 conduit à nuancer ces tendances.

Par rapport à 2018, les titulaires de pensions militaires d'invalidité reculent de près de 4,9 % tandis que pour les bénéficiaires de la retraite du combattant dont le repli avait dépassé 6 % en 2018, l'exercice sous revue introduit une inflexion, avec une diminution des titulaires de droits de 2,9 %.

La baisse du nombre des titulaires de la retraite du combattant était d'autant plus forte que cette allocation n'ouvre pas de droit à réversion, contrairement aux pensions militaires d'invalidité dont près de 30 % des bénéficiaires le sont au titre des droits dérivés.

En outre, elle semblait inéluctable en l'état, le nombre des cartes du combattant attribuées chaque année étant loin de couvrir les décès (185 720 cartes ont été attribuées entre 2010 et 2017 pour un cumul de sorties nettes du dispositif de l'ordre de 340 000 personnes).

L'octroi de la carte du combattant aux militaires en poste en Algérie entre juillet 1962 et le 1 er juillet 1964, tant attendu par les anciens combattants, et soutenu de longue date par le Sénat, dans le cadre de la loi de finances pour 2019 s'est traduit par l'attribution de 30 000 cartes du combattant en 2019, et, ainsi, par une atténuation de la baisse des titulaires de la retraite du combattant. Sans cette mesure, la réduction du nombre des titulaires de la retraite du combattant aurait atteint 57 059 unités (soit un recul de 6,1 % comme l'an dernier).

La décélération du rythme de la réduction du nombre des titulaires de la retraite du combattant, pour être appelée à se poursuivre l'an prochain dans la mesure où les personnes supposées éligibles à la mesure n'en ont encore bénéficié que partiellement (30 000 pour un total de 50 000, soit 60 % de taux d'octroi), ne devrait pas se maintenir au-delà, le rythme de réduction des bénéficiaires de la retraite du combattant devant rejoindre progressivement sa tendance.

3. Un effet de composition influence l'évolution de la charge des pensions d'invalidité

Si la baisse de la population titulaire des pensions d'invalidité est quelque peu freinée par l'existence de droits dérivés, l'augmentation de la part relative dans le total des titulaires de droit des bénéficiaires de réversion, conduit à réduire le montant unitaire des pensions versées.

Alors que le point de PMI a été (modestement) revalorisé, ce dernier a reculé de 2,4 % en 2019, prolongeant une baisse qui a désormais dépasse 10 % par rapport à 2010.

Un autre effet de composition a sans doute joué comme c'est souvent le cas. La répartition des pensions militaires d'invalidité suit une hiérarchie des niveaux de pensions accusée, certains grands invalides de guerre voyant leurs pensions très nettement supérieures au niveau moyen. Dans ces conditions, en fonction des niveaux des pensions sorties du stock, une discordance entre les évolutions de la population pensionnée et le montant des pensions versées peut se produire.

B. LES ÉCONOMIES SUR LES MAJORATIONS DES RENTES MUTUALISTES ONT ÉTÉ NETTEMENT PLUS CONTENUES SI BIEN QUE LEUR POIDS DANS LES DÉPENSES DU PROGRAMME 169 CONTINUE DE S'ALOURDIR...

1. Une déformation lente des interventions de la mission...

Face à une réduction des charges d'allocations viagères qui, structurellement, avoisine les 5 %, les charges liées aux rentes mutualistes ont tendance à connaître un repli plus modéré, de sorte que leur poids relatif dans les dépenses en faveur des anciens combattants se renforce.

La rente mutualiste du combattant

La rente (ou retraite) mutualiste du combattant est un système de rente par capitalisation créé par la loi du 4 août 1923, qui a posé pour la première fois le principe du versement d'une majoration financée par l'État , en plus de la rente constituée par les anciens combattants et leurs ayants cause du conflit 1914-1918. Après la Seconde Guerre mondiale, plusieurs dispositions législatives et réglementaires ont permis, successivement, d'en étendre le bénéfice à tous les titulaires de la carte d'ancien combattant, aux victimes de guerre (veuves, veufs, orphelins ou ascendants des civils ou militaires décédés en opération) et aux titulaires du titre de reconnaissance de la nation (TRN) . Ce dispositif a été maintenu par l'article L. 222-2 du code de la mutualité.

L'adhésion doit avoir lieu dans un délai de dix ans à compter de l'attribution de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation.

Au-delà, la majoration spécifique est réduite de moitié.

Les majorations s'appliquent au montant de la rente résultant des versements personnels et sont versées par les mutuelles et les sociétés mutualistes aux souscripteurs et remboursées par l'État l'année suivante . Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité par la référence à un plafond, dit « plafond majorable ». Le plafond annuel majorable des rentes mutualistes du combattant a été fixé par l'article 101 de la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 (loi de finances pour 2007) à 125 points de pension militaire d'invalidité, soit 1 806,25 euros au 1 er janvier 2018.

L'indexation du point de PMI a entraîné une revalorisation du plafond qui a été porté à 1 821,25 euros au 1 er janvier 2019 (soit une hausse de 0,8 % ; + 15 euros).

La rente mutualiste se cumule avec toutes les autres pensions et retraites. Elle est exonérée d'impôt pour sa part inférieure au plafond majorable. Les versements effectués pour constituer la rente sont déductibles du revenu imposable, dans la limite de la constitution d'une rente majorée égale à ce même plafond. En cas de décès, ils peuvent être transmis à un bénéficiaire hors droits de succession. Au-delà du plafond majorable, le régime fiscal est celui de l'assurance-vie.

Onze organismes gèrent la rente mutualiste du combattant, dont la Caisse autonome de retraite des anciens combattants (CARAC) avec 181 191 adhérents, la France Mutualiste avec 104 846 adhérents, CNP Assurances, avec 49 870 adhérents et MUTEX, avec 26 673 adhérents (dernières estimations transmises au rapporteur spécial)..

Après un repli, en 2017, de 5,8 millions d'euros par rapport à 2016 (- 2,3 %) parallèle à la décrue du nombre des bénéficiaires, les majorations de rentes mutualistes avaient connu en 2018 un recul plus accusé, de 7,7 millions d'euros (soit -3,1 %). En 2019, la dépense baisse à nouveau, mais un peu moins du fait du relèvement du plafond de la rente majorable (- 1,9 %).

Il mérite d'être relevé que cette augmentation, parallèle à l'augmentation du point de PMI (+ 0,8 %), a été inférieure à l'inflation, mais supérieure à la revalorisation des pensions qui a été limitée à 0,3 % à partir du 1 er janvier 2019.

Un regard rétrospectif sur les trois plus importantes catégories de dépenses du programme 169 (les PMI, la retraite du combattant et les majorations des rentes mutualistes versées par l'État), qui concentrent près des 9/10 ème des dépenses du programme, fait ressortir des évolutions notables, notamment du fait des règles de réversion des droits, qui sont plus ou moins favorables selon les allocations.

Entre 2010 et 2019, le nombre des bénéficiaires de ces dépenses a diminué de 584 361 unités (cette grandeur est le résultat de l'addition de la baisse des bénéficiaires de chaque intervention, sachant qu'une même personne peut bénéficier de plusieurs d'entre elles).

Les reculs relatifs les plus significatifs ont concerné les titulaires de pensions militaires d'invalidité (- 36,3 % en 2019 par rapport à 2010) et des retraites du combattant (- 31,8 %).

En revanche, le nombre de bénéficiaires des majorations des rentes mutualistes versées par l'État, s'ils sont moins nombreux en 2019 qu'en 2010, n'a diminué que de 21,3 %.

En outre, la baisse du nombre des bénéficiaires de chacune des interventions n'a pas eu de prolongements identiques sur leurs coûts si bien que l'élasticité des charges budgétaires aux évolutions concernant les bénéficiaires de ces trois interventions ressort fortement dispersée.

De date à date, les dépenses des pensions militaires d'invalidité ont régressé de 44 % soit plus que la population des bénéficiaires. En revanche, pour la retraite du combattant, du fait des revalorisations mentionnées plus haut, le différentiel entre la réduction des bénéficiaires et celle des dépenses a montré une certaine inélasticité de celles-ci par rapport aux évolutions de la population (- 10,7 % contre - 31,8 % pour la population des bénéficiaires).

Mais c'est pour la majoration des rentes mutualistes que les dépenses se révèlent à long terme les plus rigides par rapport aux modifications du nombre des bénéficiaires.

Celui-ci a diminué de 21,3 % tandis que les charges liées au régime de majoration ont légèrement augmenté depuis 2010 (+ 2,8 %).

Évolution des effectifs et des dépenses des trois principales interventions
du programme 169 entre 2010 et 2019

(en nombre de bénéficiaires et en millions d'euros)

2010

2019

2019/2010
(en %)

2019/2010
(en nombre)

Pensions militaires d'invalidité

Effectifs

308 940

196 660

- 36,3

- 122 280

Dépenses

1 766 641

990 659

- 44

- 775 982

Retraite du combattant

Effectifs

1 339 730

913 012

- 31,8

- 426 718

Dépenses du programme

798 393

712 736

- 10,7

- 85 657

Majoration des rentes mutualistes

Effectifs

418 164

328 943

- 21,3

- 89 221

Dépenses du programme

226 300

232 567

+ 2,8

+ 6 267

Total

Effectifs

2 072 026

1 438 615

- 30,6

- 584 361

Dépenses

2 791 334

1 935 962

- 30,6

- 855 372

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données des rapports annuels de performances de la mission pour 2010 et 2019

Ces évolutions différenciées proviennent du sort très contrasté connu par les valeurs unitaires de chacune des interventions envisagées.

Évolution de la valeur unitaire annuelle des trois principales interventions
du programme 169 entre 2010 et 2019

(en euros)

2010

2019

2019/2010 (en %)

2019/2010 (en valeur)

Pensions militaires d'invalidité

5 476

4 912

- 10,3

- 564

Retraite du combattant

584

769

31,6

+ 185

Majoration des rentes mutualistes

581

694

19,4

+ 113

Source : Commission des finances du Sénat d'après les données des rapports annuels de performances de la mission pour 2010 et 2019

En particulier, la valeur de la pension militaire d'invalidité moyenne s'est fortement repliée tandis que, pour les deux autres chefs de dépenses, une revalorisation est intervenue.

Alors que le coût moyen par bénéficiaire des majorations des rentes était de l'ordre de 581 euros en 2010, il s'est élevé à 694 euros en 2019.

Dans ces conditions, le poids des charges budgétaires liées aux majorations des rentes mutualistes dans le total des dépenses du programme ne cesse de s'alourdir . Il s'élevait à 8 % en 2010 et représente 10,7 % des dépenses du programme en 2019.

2. ... qui n'est pas sans susciter quelques interrogations

La contribution de l'État aux rentes mutualistes aboutit, pour les bénéficiaires, à un transfert moyen supplémentaire égal à 90 % de la valeur de la retraite du combattant qu'ils perçoivent, lorsqu'ils sont titulaires de la carte du combattant.

Néanmoins, le nombre des bénéficiaires de ces deux catégories de dépenses est très inégal puisque les prestataires de la retraite du combattant (913 012) excèdent de près de 680 445 ceux qui bénéficient des majorations des rentes mutualistes par l'État (232 567 en 2019) alors même que la population potentiellement concernée par ces dernières est plus importante.

Cette situation reflète une sous-utilisation de la faculté ouverte aux ayants droit de se constituer un complément de retraite disposant d'un soutien élevé de l'État, sous-utilisation qui appelle une élucidation. En l'état, le taux de mobilisation du dispositif est un peu inférieur à 25 %.

À ce stade, le rapporteur spécial se limitera à relever qu'elle conduit à des économies significatives. Leur quantification dépend de l'horizon retenu. Instantanément, l'économie de charges s'élève à 40 millions d'euros, chiffre associé à un taux de pénétration de 100 % dans la population des militaires de 50 ans et plus (58 000 personnes supplémentaires bénéficieraient alors des majorations). Mais, l'on pourrait également considérer les engagements de l'État sur la base d'une souscription par la totalité des bénéficiaires potentiels du dispositif qui sont au nombre de 1,7 million à comparer aux 340 000 bénéficiaires actuels. Dans cette hypothèse, les engagements de l'État au titre des rentes mutualistes seraient alourdis de plusieurs centaines de millions d'euros et le dispositif serait à long terme le premier chef de dépenses du programme 169.

Les dynamiques divergentes entre les charges de la dette viagère et celles liées aux majorations des rentes mutualistes illustrent un processus plus global de déformation de l'effort de la nation au bénéfice de ses anciens combattants vers des interventions moins « universelles » adressées à des sous-populations.

III. LES CRÉDITS DE LA MISSION SONT LOIN DE RENDRE COMPTE DE L'EFFORT PUBLIC CONSACRÉ À LA RECONNAISSANCE DE LA NATION ENVERS SES ANCIENS COMBATTANTS

Il convient de compléter le paysage suggéré par les crédits de la mission par la mention de deux circuits de financement complémentaires, constitués, l'un, par des dépenses rattachables aux actions financées par la mission mais prises en charge par d'autres missions budgétaires, l'autre, par des transferts effectués au profit des anciens combattants et victimes de guerre à travers les dépenses fiscales correspondant aux divers avantages fiscaux qui leur sont réservés.

Une demande de meilleure information budgétaire

Les informations budgétaires communiquées par les ministères ont connu une régression considérable ces toutes dernières années dès lors que les documents annexés aux projets de loi de finances ne comportent plus d'indication permettant d'apprécier les moyens totaux des politiques publiques rattachées à une mission budgétaire, mais qui peuvent bénéficier d'autres concours que ceux spécifiés par une mission particulière. L'amélioration de l'information sur les dépenses mobilisées par chacune des politiques publiques financées à travers le budget de l'État a été au coeur de la loi organique sur les lois de finances de 2001. De ce point de vue, la suppression récente des tableaux récapitulant les coûts budgétaires complets d'une politique donnée constitue un recul regrettable qu'il convient d'inverser au plus tôt.

Cette demande réitérée déjà un assez grand nombre de fois reste obstinément sans suite, ce qu'il convient de déplorer, très vivement.

A. DES DÉPENSES EFFECTIVES SUPÉRIEURES AUX DÉPENSES DIRECTES ET INSUFFISAMMENT RECENSÉES

En ce qui concerne les crédits « déversés » par d'autres missions budgétaires, ils correspondent principalement aux dépenses de personnel acquittées par le ministère de la défense pour organiser la journée défense et citoyenneté (JdC) et le service militaire volontaire (SMV).

Cependant, il faut également tenir compte de la contribution relative au financement du service militaire volontaire issue de la mission « Défense » et de l'apport de la mission « Culture » résultant de la mise en place d'une Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945 au sein du ministère de la culture à partir de juin 2019, création dont le rattachement administratif peut toujours être discuté mais qui est fidèle aux recommandations formulées par le rapporteur spécial dans son rapport consacré à l'action de réparation des spoliations antisémites.

Il faudrait également pouvoir apprécier le poids des efforts réalisés par les collectivités territoriales, notamment dans le cadre de la JdC et du SMV mais aussi au regard des actions de mémoire.

L'attrition de l'information budgétaire déplorée plus haut ne permet plus d'envisager finement les coûts complets des actions publiques financées par la mission. On en est réduit à avancer quelques estimations.

Le montant du soutien fourni par la mission « Défense » (chiffres pour 2019) peut être estimé à 91,8 millions d'euros pour la journée défense citoyenneté et 37 millions d'euros pour le service militaire volontaire pour un total de 128,8 millions d'euros.

Dans ces conditions, les dépenses complètes de la mission se seraient élevées, en réalité, à 2 428,3 millions d'euros, soit 5,6 % de plus que les dépenses affichées.

Encore cette estimation n'est-elle pas exhaustive.

En plus des concours évoqués plus haut et de ceux apportés à l'Institution nationale des invalides par le ministère de la santé, il faut encore évoquer la très précieuse contribution des associations et des bénévoles, qui mérite ici d'être particulièrement saluée.

B. LES TRANSFERTS PUBLICS AU PROFIT DES ANCIENS COMBATTANTS DÉPASSENT DE BEAUCOUP LES DÉPENSES PUBLIQUES DU FAIT DE RÉGIMES FISCAUX AVANTAGEUX

Quant aux transferts réalisés au bénéfice des anciens combattants à travers les régimes fiscaux dérogatoires qui leur reconnaissent des avantages particuliers, ils sont évalués par le rapport annuel de performances annexé au projet de loi de règlement à 750 millions d'euros, soit 32,6 % des dépenses budgétaires de la mission, une proportion en hausse par rapport à l'an dernier (30,5 %).

Dans ces conditions, l'effort public consolidé consacré aux différents objectifs poursuivis par la mission doit a minima être relevé d'un peu plus d'un tiers par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale.

Le rapporteur spécial observe toutefois que les prescriptions détaillées de dépenses de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques ne s'appliquent pas aux dépenses fiscales 54 ( * ) si bien que leur niveau, quoiqu'élevé, ne conduit pas à réviser l'appréciation portée plus haut sur le respect du triennal par les consommations de crédits.

La dynamique des dépenses fiscales tranche habituellement avec celle des crédits.

Néanmoins, mais sur des bases encore « affinables » (voir à ce sujet la note d'exécution budgétaire 2019 de la Cour des comptes), cette année, les six dépenses fiscales inventoriées dans le rapport annuel de performances passent de 775 millions d'euros en 2018 à 750 millions d'euros en 2019, soit un repli de 25 millions d'euros (- 3,2 %) et une évolution tout de même moins négative que celle des dépenses (- 5,9 % pour les dépenses du seul programme 169).

Depuis 2010 la croissance du poids des dépenses fiscales a été particulièrement forte. Alors, les cinq dépenses fiscales recensées s'élevaient à 430 millions d'euros. Dans un contexte de quasi-homogénéité entre le champ de l'évaluation de ces transferts entre 2010 et 2019, on relève ainsi une augmentation de 74,4 % du poids des dépenses fiscales en neuf ans.

Avec 320 millions d'euros en plus, elles ont considérablement atténué la baisse de 1 124 millions d'euros constatée sur les dépenses de la mission au cours de cette période.

Encore faut-il observer que seules quatre des six dépenses fiscales recensées dans le rapport annuel de performances sont évaluées tandis que l'inventaire des transferts alloués aux anciens combattants et à leurs ayants droits par la Cour des comptes conduit à constater une fois de plus que le recensement proposé par la documentation budgétaire continue d'être incomplet.

Exemples de dépenses fiscales et sociales
non mentionnées par les documents budgétaires selon la Cour des comptes

L'impôt sur le revenu (IR)

Le rapport annuel de performances (PAP) ne fait pas figurer :

- en l'isolant, la part des dépenses fiscales découlant des dispositifs prévus par le programme 158 qui correspondrait à 3,5 % de la dépense n° 120126 ; le ministère de la défense, la direction du budget et le Secrétariat général du Gouvernement ont indiqué qu'ils étaient disposés à répartir la dépense fiscale qui figure aujourd'hui au titre du programme 169 entre les deux programmes 158 et 169 et à rattacher les montants correspondants dans le PAP. Des travaux seront entrepris à ce sujet ;

- l'exonération d'impôt sur le revenu des PMI reversées aux ayants droit des militaires et anciens combattants décédés, en vertu des dispositions du CPMIVG ;

- pour le programme 158, les indemnités versées aux ayants droit des victimes de spoliation qui sont exonérées d'IR.

Les droits de mutation

Le PAP ne mentionne pas l'exonération dont bénéficie le capital versé aux victimes de spoliations qui serait soumis au droit d'enregistrement (programme 158).

Les droits de succession

Le PAP ne mentionne pas que :

- la transmission du capital de la rente mutualiste, lorsqu'il a été opté pour le régime réservé viagèrement, se fait hors droit de succession dans la limite de la fiscalité actuelle ;

- pour les ayants droit des victimes de spoliations, les indemnités versées postérieurement au décès du bénéficiaire ne constituent pas un patrimoine taxable.

Les prélèvements sociaux

Certaines aides bénéficient d'exonérations de prélèvements sociaux :

- les PMI, la retraite du combattant, la retraite mutualiste des anciens combattants (dans la mesure où elle bénéficie de la majoration de l'État) et les allocations de reconnaissance servies aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie et leurs veuves sont exonérées de CSG et de CRDS. Cette exonération est d'ailleurs codifiée par l'article L. 136-2-III-3° du code de la sécurité sociale. Le coût de ces avantages est difficile à évaluer en raison des modulations susceptibles d'intervenir. Compte tenu de l'augmentation des taux de la CSG en 2018, il devrait s'alourdir par rapport aux données suivantes appréciées par la Cour des comptes sur la base de différents échanges : le coût de l'exonération pour les retraites mutualistes avait été estimé, en 2013, à 80 millions d'euros ; quant à la retraite du combattant, l'exonération avait été estimée à 67 millions d'euros ;

- les sommes perçues par les orphelins des victimes de la barbarie, les orphelins des victimes d'actes d'antisémitisme pendant la Seconde guerre mondiale et par les victimes de spoliations ne sont pas soumis à prélèvements sociaux.

Bien que ces deux exonérations ne relèvent pas de la loi de finances initiale stricto sensu, et ne doivent pas figurer dans le PAP à ce titre, mais du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les montants correspondants viennent augmenter le coût global de cette politique. Ils pourraient donc être mentionnés dans les documents budgétaires pour porter à la connaissance de la représentation nationale le coût de cette politique.

On mentionnera encore, pour mémoire, que les rapports de performances non plus que les projets annuels de performances ne comprenaient pas les différentes exonérations d'impôt sur la fortune prévues au profit :

- des sommes allouées aux ayants droit des victimes de persécutions antisémites en vertu de l'article 885 K du code général des impôts ;

- de la rente mutualiste, dont la valeur de capitalisation n'était pas imposable ;

- de l'ensemble des aides financières versées aux orphelins et aux victimes de spoliations n'entrent pas dans le champ de l'ISF.

Source : à partir de la note d'analyse budgétaire 2015. Cour des comptes

La montée en puissance des transferts fiscaux dans le total des expressions de la reconnaissance de la Nation aux anciens combattants conjointe avec celle des majorations accordées aux rentes mutualistes conduit à une concentration des manifestations de soutien de la Nation à ses anciens combattants dans un contexte où les allocations les plus « universelles » n'ont bénéficié ces dernières années que de revalorisations ponctuelles.

On relèvera à cet égard que la demi-part attribuée à partir de 74 ans aux titulaires de la carte du combattant et de PMI, pour bénéficier, semble-t-il, à près de 900 000 foyers fiscaux (cette dépense fiscale représente 72 % du total des dépenses fiscales recensées et 20 % du montant des dépenses budgétaires au titre des PMI et de la retraite du combattant) exerce des effets nettement différenciés selon le niveau de revenu des bénéficiaires. En particulier, cet avantage ne profite pas aux contribuables exonérés d'impôt sur le revenu.

Un même constat s'impose en ce qui concerne l'exonération d'imposition sur le revenu de la plupart des allocations versées par le programme 169 (165 millions d'euros de transferts vers les anciens combattants). On peut illustrer l'impact de cette disposition en indiquant que pour un titulaire de la retraite du combattant non imposable elle équivaut à un avantage nul quand pour un titulaire de la retraite du combattant dont le taux moyen d'imposition tend vers le taux marginal supérieur du barème elle représente une économie d'impôt de 346 euros.

IV. QUELQUES OBSERVATIONS COMPLÉMENTAIRES À PARTIR DE L'EXÉCUTION 2019

A. UNE ANNÉE 2019 SANS VÉRITABLE ÉLAN NOUVEAU POUR LES ANCIENS COMBATTANTS MAIS AVEC DEUX EXCEPTIONS DONT IL FAUT SE FÉLICITER

1. Une énième dépréciation de la valeur réelle des principales allocations de reconnaissance à laquelle il convient de renoncer

L'évolution des dépenses de la mission de 2018 à 2019 suit principalement un principe d'inertie et elle traduit à ce titre la combinaison d'une attrition tendancielle du nombre des titulaires de droits et d'une absence de revalorisation volontariste de la situation de la plupart d'entre eux. Tout juste peut-on observer qu'en 2019, en nuance avec la situation de 2018 le jeu de l'indexation du point de PMI a débouché sur une dynamique, mais très modérée, des deux principales allocations servies par le programme 169.

Il n'empêche que ce facteur de soutien n'a pas permis de compenser les effets de l'inflation et qu'ainsi une perte de pouvoir d'achat desdites allocations a dû être constatée.

Elle est d'autant moins acceptable, qu'en dehors même de la réduction de son nombre, la recomposition de la population des titulaire de droits engendre spontanément une réduction des dépenses de la mission qui offre des marges de manoeuvre pour prévenir une érosion de la valeur réelle des prestations de reconnaissance dues aux anciens combattants.

Le projet de réforme des retraites, dont, en ce printemps 2020, le sort est des plus incertains, comporte la perspective d'une indexation des pensions qui ne serait pas inférieure à l'inflation.

Même si les allocations de reconnaissance versées aux anciens combattants ne sont pas des retraites au sens du code de la sécurité sociale, il serait incompréhensible qu'elles ne bénéficient d'un engagement identique de maintien de leur valeur réelle.

2. Deux éléments de satisfaction mais...
a) La poursuite de la revalorisation des allocations de reconnaissance versées aux supplétifs de l'armée française en Algérie, un circuit de financement critiquable

Ces dernières années, les principales mesures traduites en loi de finances avaient bénéficié aux supplétifs de l'armée française engagés pendant le conflit en Algérie.

Pour le reste l'effort de reconnaissance est resté très faible (voir l'encadré ci-dessous).

Bilan législatif 2017 et 2018

La loi de finances pour 2017 a apporté quelques modifications au code des pensions militaires et des invalides de guerre (CPMIVG) :

- l'article 53 du projet de loi de finances (article L. 141-19 du CPMIVG) a étendu le bénéfice du supplément de pension accordé à certains conjoints ou partenaires survivants d'un ayant droit aux personnes relevant de cet état âgées de moins de 40 ans et ayant au moins un enfant à charge (avec un impact de 130 000 euros en 2017) ;

- l'article 55 a amélioré les pensions de réversion dues aux ayants cause des militaires tués dans l'exercice de leurs fonctions sur le territoire national et de plusieurs catégories d'agents de la sécurité civile décédés en service et cités à l'ordre de l'armée (coût de 100 000 euros).

L'article 51 du projet de loi de finances pour 2018 a ouvert aux militaires radiés des cadres ou rayés des contrôles avant l'application d'un décret de juillet 1962 réformant les règles de cumul des allocations des anciens combattants et à leurs ayants cause le bénéfice du cumul d'une pension de retraite et d'une pension militaire d'invalidité liquidée au taux du grade.

Si à la dernière mesure mentionnée dans l'encadré ci-dessus il était possible d'associer un effet financier non négligeable (6 millions d'euros), finalement, seul le nouveau tour de revalorisation des allocations de reconnaissance au bénéfice des forces supplétives décidée par la loi de finances de l'année 2018 dans le prolongement d' une précédente mesure de la loi de finances pour 2017 peut être considérée comme significative d'une certaine volonté politique.

Les mesures en faveur des anciens des forces supplétives
et de leurs ayants droit

L'article 120 de la loi de finances pour 2017 a revalorisé l'allocation de reconnaissance versée aux conjoints et ex-conjoints survivants, non remariés, d'anciens membres des formations supplétives (pour un coût de 570 000 euros).

L'article 124 de la loi de finances pour 2018 a prolongé cette revalorisation de sorte qu'en deux ans les allocations de reconnaissance accessibles aux populations concernées ont été majorées de 200 euros, pour être portées à un niveau de 3 663 euros (ou 2 555 euros si le titulaire du droit opte pour une allocation de complément d'un capital).

La loi de finances pour 2019 a prolongé ce processus de revalorisation. Elle amplifie les effets de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés , qui a fixé le régime de reconnaissance de la France envers les harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie et ayant fixé leur domicile en France. L' allocation de reconnaissance aménagée par la loi et l'allocation viagère prévue par l'article 133 de la loi de finances pour 2016 ont été revalorisées à nouveau de 400 euros.

L'évaluation de ces mesures doit tenir compte de la modestie de leur impact individuel. Il faut certes se féliciter de l'augmentation entreprise. Mais, force est de reconnaître qu'elle n'aboutit au mieux qu'à porter à 342 euros par mois les subsides issus des allocations.

Par ailleurs, il est difficile de mesurer la portée de la mesure pour les éventuels bénéficiaires. Le régime de la forclusion entraîne des difficultés qui expliquent sans doute le nombre assez modeste des personnes susceptibles d'être concernées.

D'après le rapport de M. Dominique Ceaux consacré aux actions de mémoire et de reconnaissance en faveur des harkis publié en juillet 2018, le nombre des bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance correspondant à la loi de 2005 était au 1 er août 2017 de 5 276 personnes, dont 3 624 harkis et 1 652 veuves de harkis décédés. Le nombre des bénéficiaires au titre de la descendance n'est pas précisé. Cet effectif connaît une attrition spontanée, le recul de la population bénéficiaire de 2017 à 2018 ayant atteint 200 personnes. La population des bénéficiaires est d'un âge moyen de 78 ans et le dispositif devrait d'éteindre en 2040 environ.

Le coût du dispositif (15,4 millions d'euros en 2017) tend ainsi à se réduire fortement mais les revalorisations décidées par le Parlement conduisent à le stabiliser autour d'un montant de 15 millions d'euros. L'effectif prévisionnel des bénéficiaires en 2019 avait été estimé à 5 811 personnes (harkis, conjoints et ex-conjoints).

Cet effectif devait se répartir selon les catégories suivantes :

- 424 bénéficiaires de l'allocation annuelle de 3 709 euros prévue au deuxième alinéa de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

- 4 588 bénéficiaires de l'allocation annuelle de 2 587 euros prévue au troisième alinéa de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ;

- 799 bénéficiaires de l'allocation annuelle de 3 709 euros prévue à l'article 133 de la loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 modifiée.

La charge supplémentaire devant résulter de la revalorisation décidée en 2019 était supposée s'élever à 2,3 millions d'euros par an correspondant à l'effectif prévisionnel (5 811 bénéficiaires), multiplié par le montant de la revalorisation des allocations concernées (400 euros).

Le rapport annuel de performances aurait dû offrir l'occasion d'une estimation ex post du nombre des bénéficiaires effectivement touchés par une mesure dont la traduction concrète suppose un effort de liquidation des droits qui implique de surmonter des difficultés pratiques importantes.

Hélas, hormis l'évocation d'un surplus de dépense de 0,42 million d'euros lié « à la revalorisation annuelle des montants versés et à l'augmentation du nombre des bénéficiaires », aucune donnée précise n'est fournie.

Le rapporteur spécial demande que le taux de pénétration des allocations de reconnaissance fasse l'objet d'un suivi annuel.

À ce stade, il lui faut observer, pour le regretter, que la loi de règlement est l'occasion de confirmer le recours à une pratique qu'il a eu l'occasion de regretter : la ponction de la trésorerie de l'ONAC-VG pour combler un déficit de budgétisation initiale des allocations de reconnaissance aux supplétifs et à leurs ayants droits s'élevant à 5,5 millions d'euros à travers la réduction de la subvention pour charge de service public de l'établissement.

Le bilan des opérations dont s'agit méritera d'être tiré. Il n'est pas souhaitable que des effets d'annonce (celle très publicisée de revalorisations) soient « payés » par des restrictions sourdes des moyens consacrés à la même politique ou à des politiques analogues.

b) L'attribution longtemps attendue de la carte du combattant aux militaires présents en Algérie entre 1962 et 1964, une droit nouveau à mettre à disposition effective des titulaires

Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, le Sénat avait adopté un amendement tendant à étendre les conditions d'attribution de la carte du combattant aux forces présentes en Algérie entre 1962 et 1964. Le rapporteur spécial avait soutenu cette initiative tout en rappelant qu'elle n'aurait aucun effet si le Gouvernement ne la soutenait pas. Il avait souhaité que la secrétaire d'État clarifie ses intentions et que celles-ci soient marquées par la reconnaissance d'une situation trop longtemps négligée, celle des militaires présents en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964.

La secrétaire d'État avait répondu favorablement à cet appel annonçant la constitution d'un groupe de travail destiné à examiner un certain nombre de demandes légitimes du monde combattant.

Sur le point précis des militaires présents en Algérie, une réponse satisfaisante a été apportée à la demande ancienne portée par le Sénat.

Le rapporteur spécial s'en était vivement félicité.

La mesure annoncée, qui trouve un début de traduction dans les lois de finances pour 2019, dont le projet de loi de règlement, prévoit l'ouverture du droit à la carte du combattant pour les militaires présents sur le sol algérien entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964. Elle prolonge les extensions de droit acquises dans un passé récent, en particulier l'attribution de la carte du combattant dite « à cheval » prévue par la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014 au bénéfice des personnes présentes en Algérie au-delà du 2 juillet 1962, à condition que le début du séjour soit antérieur à cette date et sans interruption de service. Dorénavant, la condition d'antériorité ne sera plus exigée.

Cette mesure bénéficie principalement aux appelés, les militaires de carrière bénéficiant souvent de la carte du combattant à un autre titre.

L'impact budgétaire en avait été estimé à 6,6 millions d'euros en 2019, sans compter les transferts induits sous forme de dépenses fiscales.

Le projet de loi de règlement ne permet pas de vérifier précisément la justesse de cette évaluation qui doit être comprise comme représentative d'une fraction seulement du coût du dispositif.

Tout juste est-il indiqué que 35 000 attributions de cartes du combattant ont été réalisées à la fin de l'année sur un total de 49 819 personnes concernées. Compte tenu du niveau des attributions en 2019, le coût en année pleine devrait s'élever à 26,9 millions d'euros (37,6 millions d'euros une fois toutes les cartes attribuées), mais il faut tenir compte qu'en 2019, la mesure n'a pas bénéficié en année pleine aux nouveaux titulaires de la carte.

Ses effets ont donc fait l'objet d'une proratisation ce que le rapporteur spécial déplore vivement. Les titulaires de cette reconnaissance ont attendu si longtemps qu'elle leur soit manifestée qu'il est pour le moins mesquin de leur en avoir mégotté le bénéfice.

En toute hypothèse, il convient de veiller à ce que le reste des bénéficiaires de la mesure puisse être promptement reconnus tels par l'ONAC-VG.

B. UN PROGRAMME 167 MARQUÉ PAR LE RETOUR À DES TEMPS MÉMORIAUX ORDINAIRES ET QUI INSPIRE UNE DÉCEPTION CERTAINE SUR LE FRONT DE LA JOURNÉE DÉFENSE ET CITOYENNETÉ

Les dépenses du programme 167 (34,1 millions d'euros) avaient augmenté de 15,1 % en 2018. Elles baissent de 15,4 % en 2019, malgré une ouverture de crédits complémentaires en cours de gestion du fait des reports de l'exercice précédent.

Au total, la consommation des crédits du programme a été limitée à 96,4 % du disponible, permettant une annulation de 1 million d'euros en loi de finances rectificative de fin d'année et ouvrant à la perspective de reports de moyens sur 2020 à hauteur de 1,3 million d'euros.

Cette faculté ne suffira pas à couvrir les besoins de paiement nés des engagements constatés à la fin de l'année, besoins qui se montent à 4,6 millions d'euros.

Le programme comporte deux actions principales, le premier consacré aux liens entre la jeunesse et les armées, le second orienté vers le financement des dispositifs mémoriels soutenus par la mission.

Au titre de la première action, le premier fait saillant réside dans la forte augmentation des dépenses nécessitées par le Journée défense et citoyenneté (JdC), qui ont dépassé les crédits initiaux et ont cru de 18,5 %. Cette augmentation, très supérieure à celle du nombre des participants à la JdC (+ 3 %) doit être imputée à des reports de charges de l'exercice précédent mais aussi à un désengagement ponctuel du transport militaire (base aérienne d'Évreux) qui a contraint l'organisateur à trouver en urgence une solution de transport alternative apparemment fort coûteuse.

Le rapporteur spécial est conduit à s'interroger sur les motifs d'une décision, semble-t-il précipitée et paradoxale puisqu'elle est attribuable au ministère des Armées.

À ce facteur d'inflation des coûts, il faut ajouter celui tenant à l'alimentation des appelés.

Évolution des dépenses de la JdC assumées par la mission
(2016-2019)

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

En 2019, l'action porte une charge nouvelle pour un coût supplémentaire de 3,1 millions d'euros, avec la prise en charge d'une partie des dépenses liées au service militaire volontaire. Si les dépenses correspondantes ont été inférieures aux dépenses prévues (3,1 millions d'euros contre 5,8 millions d'euros), quelques observations s'imposent. En premier lieu, le déficit de dépenses est venu d'une réduction des moyens attendus des mécanismes de formation professionnelle qualifiante, en lien avec la réforme de la politique en matière de formation professionnelle. Il s'en est suivi un désengagement de l'État que d'autres financeurs, dont la région Grand-Est, ont été appelés à combler par voie de fonds de concours tardifs (et ainsi non pleinement consommés) dont la répétition dans le temps semble problématique. En second lieu, le rapporteur spécial, s'il admet bien volontiers que le service militaire volontaire offre un accompagnement utile à des jeunes qui y trouvent l'occasion d'un nouveau départ, doit souligner le caractère encore assez confidentiel d'une formule (elle touchait 843 engagés en 2017, mais 1 200 en 2019) difficilement reproductibles au vu de ses enjeux financiers. Le SMV coûterait de l'ordre de 50 millions d'euros au total, soit un peu moins de la moitié de la JdC mais pour une population près de 700 fois moins importante. Cette comparaison peut donner un aperçu des enjeux financiers du prochain service national universel.

Quant aux dépenses de la politique de mémoire , elles ont chuté (- 44 %) en dépit de la prise en charge d'une partie des frais d'organisation du défilé du 14 juillet, transfert de charges estimé au moment où il est intervenu à 2,4 millions d'euros. Si l'intégralité des charges correspondantes n'a pas pu être honorée en 2019, force est de constater qu'à périmètre constant, l''investissement de la mission dans les actions de mémoire qu'elle soutient se serait limitée à 12,5 millions d'euros (une chute de 54 % par rapport à l'année 2018).

Évolution des crédits budgétaires de la mission consacrés
à la politique de mémoire (2012-2019)

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

Ce désinvestissement a touché de façon à peu près équivalente les deux sous-actions incluses dans la rubrique « politique de la mémoire » : les dépenses dites de mémoire (- 4,7 millions d'euros avec un effondrement des subventions et transferts malgré l'augmentation du nombre des bénéficiaires) ; l'action en direction des sépultures de guerre et des lieux de mémoire (- 7,1 millions d'euros avec là aussi un effondrement des subventions accordées pour procéder à l'entretien et à la réhabilitation des sépultures de guerre).

Si une bonne part des évolutions ici retracées doit être appréciée en fonction des efforts réalisés à l'occasion des commémorations de la « Grande guerre », il y a lieu de s'inquiéter d'un investissement mémoriel qui ne peut guère faire autre chose que de « sauver les meubles ».

Il est essentiel dans cette période de réhabilitation du patrimoine de ne pas oublier le patrimoine mémoriel de guerre.

Mais au-delà, c'est bien la mémoire vivante des conflits qui doit être défendue beaucoup plus activement contre les amnésies collectives que ne parviennent que trop ponctuellement à atténuer les grandes évocations mémorielles.

L'an dernier, le rapporteur spécial avait tenu à mettre en exergue l'hommage national rendu au colonel Beltrame. Dans la perpétuation de cet hommage, il tient à mettre en évidence ici les hommages organisés à l'intention des membres du commando Hubert tués en opérations militaires au Burkina Faso et aux 13 soldats morts en opérations au Mali.

Enfin, il se félicite que puisse avoir été, mais avec quels retards, inauguré le monument aux morts pour la France en opérations extérieures.

C. LES SOUTIENS APPORTÉS À L'INSTITUTION NATIONALE DES INVALIDES, UN ENGAGEMENT RENFORCÉ, UNE ATTENTION PLUS QUE JAMAIS NÉCESSAIRE

La loi de règlement témoigne de la stabilité de la subvention versée par la mission à l'Institution nationale des Invalides (INI). Celle-ci s'est établie à 12,09 millions d'euros.

Cette subvention représente un peu plus d'un tiers des ressources de l'INI qui est par ailleurs attributaire d'une dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé (11,9 millions d'euros) et s'efforce de développer des ressources propres (9,8 millions d'euros en 2019 contre 11,4 millions d'euros en 2018) avec un succès seulement très relatif, qui peut s'expliquer par les évolutions de la fréquentation.

L'année 2019 se singularise par un transfert de 336 000 euros en provenance du programme 192 consacré à la recherche et à l'enseignement supérieur.

L'exécution 2019 a dégagé des résultats d'exploitation encore plus favorables que l'an dernier. L'INI a pu extérioriser un bénéfice de 567 000 euros contre 498 000 euros l'an dernier qui a contribué à abonder le fonds de roulement de l'établissement, en augmentation de 3,8 millions d'euros.

Si ces résultats, inattendus, sont à saluer, il convient de les replacer dans le contexte d'une équation financière alourdie par le projet de modernisation du rôle de l'INI.

Si certaines charges récurrentes pourront être allégées du fait de la réorientation des activités vers une offre de soins moins irréaliste (ainsi de la fermeture du bloc opératoire), la lourdeur des pathologies traitées ainsi que les besoins des pensionnaires ne permettront pas d'optimiser beaucoup des charges de personnel qu'il convient de calibrer en fonction des situations des usagers.

Les dépenses de personnel baissent par rapport à l'an dernier (- 600 000 euros, dont environ 200 000 euros au titre des cotisations vieillesse employeurs). La réduction des dépenses de personnel atteint ainsi 1,9 % et elle doit être mise en rapport avec une baisse des emplois rémunérés par l'INI. Ceux-ci se réduisent de 11 unités (pour une prévision tablant sur une hausse de 5 ETPT), soit un repli de 2,6 %.

Le coût moyen d'un emploi de l'INI s'élève à 61 469 euros en brut pour l'employeur.

Ces résultats sont un peu en trompe l'oeil étant tributaires des conditions de mise en oeuvre du schéma d'investissement de l'INI. Ce dernier comporte des enjeux importants puisqu'il représente au minimum 50 millions d'euros.

En l'état des informations du rapporteur spécial, il serait financé à hauteur de 10 à 15 millions d'euros par le fonds de roulement, le reste étant pris en charge par une dotation du ministère de la défense. En ce sens, 800 000 euros avaient été attribués à l'INI en 2018, soit environ un quart des dépenses d'investissement de l'exercice, tandis qu'en 2019, la dotation en fonds propres a atteint 2,7 millions d'euros, soit 2,7 fois les dépenses d'investissement de l'année.

Ce décalage permet de comprendre les facteurs d'augmentation du fonds de roulement.

La question principale reste celle du déroulement à bonne date des opérations immobilières et, avec elle, celle de la maîtrise du coût du projet.

À cet égard, le rapporteur spécial, qui relève que des travaux importants ont été différés et nourrit des inquiétudes face à la situation prévalant en ce printemps 2020 souhaite que le détail des réalisations du schéma immobilier de l'INI puisse être restitué dans la documentation budgétaire.

Par ailleurs, il ne veut pas manquer d'exprimer ici ses pensées, et ses remerciements, pour les résidents de l'Institution nationale des Invalides et leurs soignants.

D. DES INQUIÉTUDES ACCRUES DU CÔTÉ DE L'ONAC-VG

L'an dernier, le rapporteur spécial avait exposé certaines de ses inquiétudes quant aux conditions faites à l'ONAC-VG pour assurer certaines de ses missions.

Le projet de loi de règlement pour 2019 qui présente cette dernière comme une « année de transition » entre la fin du contrat d'objectifs et de performance 2014-2018 et le prochain appelé à couvrir la période 2020-2025 n'est pas de nature à atténuer des sentiments réitérés lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.

Une observation préalable s'impose pour mettre en évidence quelques difficultés substantielles apparues dans différents processus de valorisation des droits servis par l'ONAC dans le cadre de ses missions d'exécution des interventions financées par le programme 169 55 ( * ) .

Il convient en premier lieu de mentionner ici les amphigouris de l'application du « rapport constant ». Ce dispositif, dont on rappelle qu'il consiste en une indexation du point de PMI sur l'évolution de l'indice INSEE fonction publique grille salariale, comporte trois particularités : il aboutit à un décalage entre la période de revalorisation et l'exercice budgétaire en cours ; il implique des revalorisations rétroactives parfois assez anciennes ; il peut se traduire en fonction de la date d'application de la dernière actualisation par une concentration de ses impacts sur un « effet d'extension en année pleine » des revalorisations.

À titre d'exemple, les différentes actualisations mises en oeuvre en 2019 (deux arrêtés, l'un de fin 2018, l'autre à fin 2019) se sont traduits par trois tours d'indexation s'étageant sur une séquence calendaire couvrant trois années. Les services ont dû ajuster trois fois le décompte des droits des 2 millions de bénéficiaires.

Cette situation s'accompagne de difficultés pratiques considérables puisqu'il faut alors rechercher les successeurs des personnes décédées dans les intervalles de revalorisation.

Le rapporteur spécial invite le secrétariat d'État auprès du ministre des Armées à rechercher les voies d'une simplification d'un processus, dont il y a lieu de vérifier qu'il n'aboutit pas plus ou moins subrepticement à des lésions de droits.

Mais les délais nécessaires à la conclusion de certaines procédures condit ionnant l'ouverture des droits doivent être évoqués au surplus.

Elles offrent un problème récurrent susceptible d'être aggravé par l'ouverture de nouveaux droits.

En ce qui concerne les délais moyens de traitement des dossiers de pension militaire d'invalidité, alors qu'un gain de 40 jours ressortait l'an dernier de l'indicateur de performance correspondant, un allongement de 8 jours doit être déploré cette année, la cible du projet annuel de performances pour 2020 étant encore moins satisfaisante.

Le délai de traitement des demandes demeure très élevé : 228 jours sont nécessaires, cette durée n'étant au demeurant qu'une moyenne pouvant admettre des écarts très importants sur lesquels le rapporteur spécial souhaite que soient publiées les informations nécessaires. Il est hélas à craindre que les modestes efforts réalisés pour sortir d'une situation déplorable (le recrutement de cinq médecins conseils) voient leur portée réduite par la catastrophe sanitaire en cours.

Si le rapporteur spécial prend note que le stock des demandes de révision antérieures au 1 er janvier 2016 se trouve désormais traité à hauteur de 95,2 % il note que, fin 2018, 8 789 dossiers demeuraient sans réponse des services. Compte tenu du nombre des décisions rendues en 2018 (9 439), on pourrait s'attendre à un objectif plus ambitieux que celui retenu par le responsable de programme qui, compte tenu d'un flux de demandes de l'ordre de 7 000, indique ne pas pouvoir descendre en-deçà d'un stock « incompressible » de 5 000 dossiers. Il est vrai que des difficultés sérieuses paraissent entourer d'incertitudes le traitement de la phase médico-sociale du dispositif, une insuffisance de moyens localement importante grippant la procédure.

En ce qui concerne la procédure de délivrance de la carte du combattant, la situation était encore pire. Chaque agent n'avait traité que 968 dossiers en moyenne en 2018 contre un flux espéré de 1 100 dossiers. À cet égard, le rapporteur spécial se félicite qu'un redressement très significatif ait pu intervenir en 2019. En lien avec l'extension des droits à reconnaissance mentionnée supra, le nombre des cartes attribuées par agent de l'ONAC-VG a presque doublé (1 843 contre 968). Il s'agit d'une performance réellement appréciable, au demeurant très nécessaire compte tenu de la réduction des emplois de l'établissement (- 10 ETPT par rapport à 2018 et - 18 ETPT par rapport aux prévisions).

Toutefois, il convient de rappeler que près de 20 000 titulaires potentiels de la carte du combattant au titre de la présence en Algérie au-delà de juillet 1962 demeurent en attente du traitement de leur dossier, celui-ci conditionnant leur accès aux droits attachés à la possession de la carte.

En outre, il ne faudrait pas que la délivrance des cartes crée un effet d'éviction sur les autres missions de l'ONAC-VG.

Ce dernier, en plus de devoir réduire ses effectifs et de supporter toujours davantage de missions, parfois délicates à remplir, voit sa trésorerie ponctionnée du fait d'une réduction de la subvention pour charge de service public qui lui est attribuée.

À cet égard, l'exercice 2019 enregistre une baisse de 6 millions d'euros (- 10,5 %) qui traduit une sous-exécution des dotations programmées, dont une partie a été divertie pour financer les allocations de reconnaissance aux rapatriés.

Au total, le compte de résultat extériorise une perte de 4,5 millions d'euros et le fonds de roulement se détériore de près de 5 millions d'euros en 2019.

Le rapporteur spécial prend encore note de l'observation formulée par la Cour des comptes par laquelle cette dernière, tout en saluant la conclusion de conventions entre l'ONAC-VG et les trois associations qui reçoivent de ce dernier plus de 23 000 euros, conformément à l'article 10 de la loi n° 2001-495 du 6 juin 2001, s'associe à sa demande que les crédits d'action sociale fassent l'objet d'un exposé régulier et précis d'exécution.

Au demeurant, il paraîtrait utile de disposer d'une évaluation globale et rigoureuse des conditions dans lesquelles les moyens consentis par les Français, sous forme d'impôts ou encore de dons, afin de soutenir les anciens combattants, sont utilisés.

E. UNE ANNÉE 2019 QUI ILLUSTRE À NOUVEAU LA PERSISTANCE DE L'IMPÉRATIF D'UN PLUS FORT ENGAGEMENT POUR HONORER LA DETTE DE RÉPARATION DES VICTIMES DE SPOLIATIONS ANTISÉMITES

Le programme 158 placé sous l'autorité du secrétaire général du Gouvernement et qui regroupe plusieurs catégories d'interventions publiques en faveur des victimes, et de leurs ayants droits, de crimes perpétrés pendant la seconde guerre mondiale (victimes de spoliations, de déportation et d'actes de barbarie), n'a pas consommé toutes les dotations ouvertes par la loi de finances initiale, le taux de consommation atteignant toutefois 98,3 % et s'annonçant assez tendu pour justifier le maintien en fin d'exercice d'un lot de crédits non consommés de 8,4 millions d'euros profitant des reports de 2018.

Au total, les dépenses réalisées en 2019, malgré le reliquat disponible de fin d'exercice, ont excédé nettement celles de 2018 (+ 8,3 millions d'euros, soit + 8,6 %).

Cette séquence budgétaire illustre la persistance de besoins encore élevés au titre de la réparation des crimes commis pendant l'Occupation, notamment du fait des spoliations antisémites.

Au demeurant, la consommation des crédits destinés à cette action a été supérieure à la programmation budgétaire de début d'année (1,8 million d'euros de plus (soit 16,8 millions d'euros).

Ce résultat illustre les difficultés d'anticipation des enjeux liés à la réparation. La programmation avait tablé sur le règlement de 325 dossiers quand seuls 164 dossiers ont finalement été traités. Mais alors que l'enjeu financier moyen par dossier avait été fixé à 20 000 euros, il s'est élevé in fine à un niveau bien supérieur. Certaines demandes impliquent des sommes bien plus considérables que la plupart des autres demandes. L'année 2019 a été caractérisée ainsi par le traitement de quelques dossiers à forts enjeux financiers.

Le rapporteur spécial a consacré un rapport 56 ( * ) à cette question en 2018 par lequel il a souhaité rompre avec le discours ambiant quelque peu lénifiant qui aurait pu avoir pour prolongement extrêmement inapproprié la fin de la mission confiée à la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (la CIVS).

L'année 2018 a vu la publication d'un décret (n° 2018-829) le 1 er octobre élargissant la mission de la CIVS pour la rendre plus proactive afin de mieux assurer le rétablissement des droits des spoliés.

La tâche est considérable ainsi que l'a exposé le rapporteur spécial et ne se bornera pas aux seules oeuvres dites « MNR » qui ont sans doute détourné l'attention de bien d'autres circuits de spoliation.

Il faut se féliciter qu'un consensus entre le Parlement et le Gouvernement ait pu se faire autour de la nécessité de construire une « CIVS augmentée ». Il faut que les dispositifs pratiques qui doivent accompagner ce consensus soient mis en place, ce qui réclamera sans doute un nouveau pas vers un consensus plus « interne » aux services administratifs mais également aux opérateurs du marché de l'art.

Une très grande attention devra se manifester dans les années à venir afin de suivre les transactions que pourraient occasionner les fatalités démographiques. De la même manière, il serait absolument justifié qu'en plus du ministère de la culture, le ministère des affaires étrangères (qui compte un assez grand nombre d'attachés culturels) se mobilise dans la recherche des objets d'art et que d'autres types d'objets spoliés soient davantage intégrés à l'horizon des recherches destinées à obtenir des restitutions (formule évidemment préférable à celle en quoi réside la simple indemnisation).

À ce stade, le rapporteur spécial rappelle que le stock des dossiers en instance et les parts réservées appellent des solutions dont l'exécution du budget en 2019 ne porte que marginalement la trace et que la programmation budgétaire de 2020 n'annonce pas.

Il convient d'ajouter que si la proactivité a enfin été reconnue comme tout à fait indispensable, il faut s'en donner les moyens. À cet égard, les 20 ETPT confiés à la CIVS et les quelque 500 000 euros dont bénéficient les deux opérateurs de la réparation (la CIVS : 303 000 euros et l'ONAC-VG : 171 000 euros) apparaissent particulièrement « comptés ».

MISSION « COHÉSION DES TERRITOIRES »

mm. philippe dallier et bernard delcros,
rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. L'EXÉCUTION DES PROGRAMMES DE LA MISSION 235

A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION POURSUIVENT LEUR DIMINUTION MAIS ELLE EST MOINS MARQUÉE QUE NE LE PRÉVOYAIT LA LOI DE FINANCES INITIALE 236

B. LE NIVEAU TOUJOURS TRÈS ÉLEVÉ DES DÉPENSES FISCALES 238

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES RELATIFS AU LOGEMENT ET À L'URBANISME (M. PHILIPPE DALLIER, RAPPORTEUR SPÉCIAL) 240

A. LE PROGRAMME 177 : LA POLITIQUE DE L'HÉBERGEMENT SOUFFRE D'UN FINANCEMENT NETTEMENT INSUFFISANT 240

1. Le programme 177 a été insuffisamment doté en loi de finances initiale 240

2. La politique d'hébergement n'atteint pas les objectifs fixés 242

B. LE PROGRAMME 109 « AIDES AU LOGEMENT » : LE DÉCALAGE D'UNE RÉFORME INSUFFISAMMENT PRÉPARÉE ENTRAÎNE UNE SUR-EXÉCUTION IMPORTANTE DES CRÉDITS 245

1. Bien que les aides au logement soient l'une des principales sources d'économie du budget de l'État... 245

2. ... le report de la réforme du versement des aides au logement a nécessité une importante ouverture de crédits en cours d'année 246

3. Le dispositif de performance montre l'importance des aides au logement pour diminuer le reste à payer des ménages, qui demeure supérieur aux objectifs 248

C. LE PROGRAMME 135 : LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL DEMEURE EN DEÇA DE SES OBJECTIFS 249

1. Les crédits consommés sont très supérieurs à l'effort réel de l'État 250

2. L'activité de l'Anah s'est considérablement développée en 2019 253

3. La politique du logement social ne parvient pas à assurer une fluidité suffisante du parc de logements 253

D. LE PROGRAMME 147 : LA POLITIQUE DE LA VILLE NE CONSOMME QU'UNE PARTIE DE SES CRÉDITS 258

1. L'écart entre les quartiers de la politique de la ville et les autres territoires continue à s'accroître 258

2. Les crédits dédiés au renouvellement urbain sont largement sous-consommés 259

3. L'activité de l'ANRU est toujours marquée par l'incertitude à terme sur les financements 260

4. Des crédits de personnel sont portés de manière résiduelle par le programme 262

III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » ET 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » (M. BERNARD DELCROS, RAPPORTEUR SPÉCIAL) 264

A. LE PROGRAMME 112, UN PROGRAMME BUDGÉTAIRE EN PERTE DE VITESSE 264

1. Les dépenses fiscales rattachées au programme 112 représentent près de trois fois le montant des crédits budgétaires qui lui sont alloués 264

2. La hausse du niveau des autorisations d'engagement constatée en exécution ne remet pas en cause la baisse continue des moyens affectés par l'État aux politiques en faveur des territoires 266

3. Une réduction continue et incompréhensible des crédits consacrés à la prime d'aménagement du territoire 267

4. L'accélération de la consommation des crédits dédiés aux CPER ne suffira pas à permettre de rattraper les retards accumulés sur les différents volets 268

5. L'année 2019 a été une année de transition pour les maisons de services au public 269

B. LE PROGRAMME 162, UN PROGRAMME COMPOSITE QUI N'ATTEINT PAS SES OBJECTIFS ET DONT L'EXÉCUTION EST ÉLOIGNÉE DES PRÉVISIONS INSCRITES EN LOI DE FINANCES INITIALE 271

1. Un programme composite dans lequel l'action dédiée au plan d'investissement en Corse occupe une place prépondérante 271

2. Des écarts d'exécution très marqués entre les différentes actions du programme 272

I. L'EXÉCUTION DES PROGRAMMES DE LA MISSION

La mission « Cohésion des territoires » est issue de la fusion en 2018 des missions « Égalité des territoires et logement » et « Politique des territoires ». Elle est composée de six programmes distincts :

- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » met en oeuvre la politique d'hébergement et de veille sociale ;

- le programme 109 « Aide à l'accès au logement » porte environ 80 % des crédits de la mission à travers le versement des aides personnelles au logement ;

- le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » finance les aides à la pierre et plusieurs actions relatives au logement, à la construction, à l'urbanisme et à l'aménagement ;

- le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » comprend le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), la prime d'aménagement du territoire (PAT) et, jusqu'en 2019, les dépenses de fonctionnement et de personnel du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ;

- le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) , dont les crédits proviennent de différents ministères, finance des plans gouvernementaux interministériels répondant à certains enjeux territoriaux particuliers comme la qualité de l'eau en Bretagne, le programme exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse, le plan gouvernemental pour le Marais poitevin, le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe et, depuis 2018, une nouvelle action en faveur du littoral méditerranéen, « Plan littoral 21 »;

- le programme 147 « Politique de la ville » porte les moyens de l'État consacrés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville et au nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).

En 2019, le périmètre du programme 177 a évolué avec le transfert au programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » du financement des centres d'hébergement d'urgence des migrants (CHUM) et des centres d'accueil de réfugiés (CPH) pour un montant de 118,7 millions d'euros.

A. LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA MISSION POURSUIVENT LEUR DIMINUTION MAIS ELLE EST MOINS MARQUÉE QUE NE LE PRÉVOYAIT LA LOI DE FINANCES INITIALE

Les crédits exécutés de la mission « Cohésion des territoires » ont été en 2019 de 17 541,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 17 580,0 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une diminution à périmètre constant de 76,0 millions d'euros , soit 1,0 %, en autorisations d'engagement , et de 107,9 millions d'euros , soit 0,6 %, en crédits de paiement .

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires » en 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

2018

2019

Exécution / prévision 2019

Exécution

2019 / 2018 à périmètre constant

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

1 953,7

2 075,2

+ 6,2 %

1 873,1

2 091,7

+ 218,6

+ 11,7 %

+ 135,2

+ 6,9 %

CP

1 953,7

2 099,5

+ 7,5 %

1 891,2

2 115,7

+ 224,5

+ 11,9 %

+ 135,0

+ 6,8 %

109 - Aide à l'accès au logement

AE

14 256,2

14 346,2

+ 0,6 %

13 442,6

14 069,5

+ 627,0

+ 4,7 %

- 276,7

- 1,9 %

CP

14 256,2

14 346,2

+ 0,6 %

13 442,6

14 069,5

+ 627,0

+ 4,7 %

- 276,7

- 1,9 %

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

744,0

694,0

- 6,7 %

744,3

688,1

- 56,2

- 7,6 %

- 6,0

- 0,9 %

CP

734,0

685,0

- 6,7 %

734,3

644,7

- 89,6

- 12,2 %

- 40,3

- 5,9 %

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

208,7

152,2

- 27,1 %

216,1

182,4

- 33,8

- 15,6 %

+ 30,2

+ 19,8 %

CP

267,6

240,4

- 10,2 %

257,6

229,3

- 28,3

- 11,0 %

- 11,1

- 4,6 %

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

58,9

49,2

- 16,5 %

55,6

38,5

- 17,1

- 30,7 %

- 10,7

- 21,7 %

CP

47,3

55,7

+ 17,8 %

45,7

47,4

+ 1,7

+ 3,8 %

- 8,3

- 14,9 %

147 - Politique de la ville

AE

429,0

400,2

- 6,7 %

669,3

471,6

- 197,7

- 29,5 %

+ 71,5

+ 17,9 %

CP

429,0

399,2

- 6,9 %

509,3

473,3

- 35,9

- 7,1 %

+ 74,2

+ 18,6 %

Total mission

AE

17 650,5

17 717,0

+ 0,4 %

17 000,9

17 541,8

+ 540,9

+ 3,2 %

- 76,0

- 1,0 %

CP

17 687,8

17 826,0

+ 0,8 %

16 880,5

17 580,0

+ 699,4

+ 4,1 %

- 107,9

- 0,6 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

La colonne « Exécution 2019 / 2018 à périmètre constant » prend en compte, pour le programme 177, le transfert, au titre de 2019, du financement des centres d'hébergement d'urgence des migrants (CHUM) et des centres d'accueil de réfugiés (CPH) vers le programme 303 (diminution de périmètre de 118,7 millions d'euros).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette quasi-stabilité contraste avec la diminution prévue en loi de finances initiale , qui était à périmètre constant de 534,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 795,5 millions d'euros en crédits de paiement.

La réalisation très partielle de la diminution des crédits de la mission témoigne du poids prépondérant des aides au logement dans la mission, l'action 01 « Aides personnelles » du programme 109 représentant à elle seule 79,6 % des crédits de paiement de la mission.

C'est en fait le décalage de la mise en oeuvre d'un nouveau mode de versement des aides au logement (voir infra , programme 109) qui explique la plus grande partie de la faible baisse des crédits, nécessitant une ouverture de crédits de 627,0 millions d'euros pour ce programme en loi de finances rectificative. Le programme 177 connaît également une sur-exécution supérieure à 200 millions d'euros, partiellement compensée par une moindre exécution sur les autres programmes.

Ces deux programmes portant principalement des dépenses de guichet, ils ne contribuent guère aux mouvements de crédit en cours de gestion, hormis les ouvertures de crédits en loi de finances rectificative. Les reports de crédits depuis la gestion précédente , d'un montant de 63,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 196,7 millions d'euros en crédits de paiement, sont ainsi dus à titre principal au programme 135, porteur d'opérations pluriannuelles.

C'est également sur ce programme que s'imputent 95 % environ des fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP) de la mission, d'un montant de 845,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 500,4 millions d'euros en crédits de paiement.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Ouverts LFI
(hors FDC et ADP)

Prévus LFI,
(y. c.
FDC et ADP)

Ouverts / annulés après la LFI

Total crédits ouverts

Crédits consommés

Écart consommé

/ouvert

Reports de la gestion précédente

Mouvements
réglementaires

FDC et ADP

LFR

Total

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

1 873,1

1 873,1

+ 4,7

+ 38,2

+ 180,7

+ 223,6

2 096,7

2 091,7

- 5,0

CP

1 891,2

1 891,2

+ 10,5

+ 38,2

+ 178,2

+ 226,8

2 118,1

2 115,7

- 2,3

109 - Aide à l'accès au logement

AE

13 442,6

13 442,6

+ 627,0

+ 627,0

14 069,5

14 069,5

0,0

CP

13 442,6

13 442,6

+ 627,0

+ 627,0

14 069,5

14 069,5

0,0

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

291,2

744,3

+ 43,8

+ 814,2

- 0,4

+ 857,6

1 148,8

688,1

- 460,7

CP

281,2

734,3

+ 163,4

+ 471,9

- 16,6

+ 618,7

899,9

644,7

- 255,2

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

199,4

216,1

+ 5,9

+ 2,4

+ 11,2

- 7,4

+ 12,0

211,4

182,4

- 29,0

CP

240,8

257,6

+ 7,7

+ 2,4

+ 11,2

- 23,5

- 2,2

238,6

229,3

- 9,3

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

35,6

55,6

+ 8,9

+ 5,9

+ 20,0

- 1,1

+ 33,6

69,2

38,5

- 30,7

CP

25,7

45,7

+ 12,5

+ 5,5

+ 16,9

- 0,8

+ 34,1

59,8

47,4

- 12,4

147 - Politique de la ville

AE

668,9

669,3

- 15,9

+ 0,4

- 19,2

- 34,8

634,2

471,6

- 162,6

CP

508,9

509,3

+ 1,7

- 15,9

+ 0,4

- 15,4

- 29,2

479,7

473,3

- 6,4

Total mission

AE

16 510,7

17 000,9

+ 63,2

+ 30,5

+ 845,8

+ 779,6

+ 1 719,1

18 229,8

17 541,8

- 688,0

CP

16 390,4

16 880,5

+ 195,7

+ 30,1

+ 500,4

+ 749,0

+ 1 475,2

17 865,5

17 580,0

- 285,6

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport annuel de performances et l'annexe 1 au projet de loi de règlement pour 2019. FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produit

B. LE NIVEAU TOUJOURS TRÈS ÉLEVÉ DES DÉPENSES FISCALES

D'après l'annexe 1 au projet de loi de règlement, 92 dépenses fiscales sont rattachées à la mission « Cohésion des territoires » , pour un coût total estimé de 10,6 milliards d'euros en 2019, dont 9,6 milliards pour les dépenses fiscales rattachées au seul programme 135, contre 14,7 milliards d'euros en 2018.

Cette baisse affichée est toutefois un simple artifice dû à la présentation tronquée des dépenses fiscales faite dans les documents budgétaires .

En effet, sur les 92 dépenses fiscales rattachées à la mission, 53 seulement font l'objet d'un chiffrage pour l'année 2019 . 14 sont marquées comme négligeables en raison d'un coût inférieur à 500 000 euros et surtout 20 dépenses fiscales ne font l'objet d'aucun chiffrage.

Ainsi trois des six principales dépenses fiscales de la mission ne sont-elles pas chiffrées dans les documents budgétaires au titre de l'année 2019 :

- la déduction d'impôt sur le revenu au titre des dépenses de réparations et d'amélioration (n° 130201, rattachée au programme 135), d'un montant de 1 840 millions d'euros en 2018 ;

- le taux de TVA de 5,5 % applicable aux logements en accession sociale à la propriété dans les zones faisant l'objet de la politique de la ville (n° 730216, rattachée au programme 147), d'un montant de 1 460 millions d'euros en 2018 et estimé à 180 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2019. Cette diminution résulte en fait d'une modification dans la définition de cette dépense fiscale, dont une partie a été transférée sur la dépense n° 730210 (voir infra) ;

- le taux de TVA de 5,5 % ou de 10 % applicable aux logements sociaux (n° 730210, rattachée au programme 135), d'un montant de 950 millions d'euros en 2018 et estimé à 2 450 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2019.

Le rapporteur spécial en charge des crédits du logement et de l'urbanisme regrette la grande confusion qui règne dans le chiffrage des dépenses fiscales . S'il est compréhensible que la définition des dépenses fiscales relatives à la TVA ait évolué avec les réformes successives des taux de TVA relatifs à la politique du logement au cours des dernières lois de finances, il n'est pas normal que ces dépenses deviennent subitement « non chiffrables » et sortent ainsi du calcul des dépenses fiscales.

La Cour des comptes note que, suite à ces réformes, la direction de la législation fiscale a « jugé plus prudent » d'indiquer que les coûts prévisionnels des dépenses fiscales n° 730210 et 730216 étaient non chiffrables en 2019 et 2020, et conclut, non sans ironie, que « cette « prudence » a permis de minorer d'autant la progression des dépenses fiscales ».

La baisse affichée du coût des dépenses fiscales de la mission « Cohésion des territoires » paraît donc purement illusoire.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES RELATIFS AU LOGEMENT ET À L'URBANISME (M. PHILIPPE DALLIER, RAPPORTEUR SPÉCIAL)

Les programmes suivis par le rapporteur spécial en charge des crédits relatifs au logement et à l'urbanisme sont les programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville ».

A. LE PROGRAMME 177 : LA POLITIQUE DE L'HÉBERGEMENT SOUFFRE D'UN FINANCEMENT NETTEMENT INSUFFISANT

1. Le programme 177 a été insuffisamment doté en loi de finances initiale

Alors que le rapporteur spécial notait, lors de l'examen de la loi de règlement des comptes pour 2018, une amélioration de la gestion budgétaire du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » et une moindre ouverture de crédits en cours d'année par rapport à l'année précédente, le même constat ne peut être reconduit cette année.

La loi de finances rectificative pour 2019 a dû ouvrir des crédits supplémentaires à hauteur de 180,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 178,2 millions d'euros en crédits de paiement, soit trois fois plus environ qu'en 2018.

Si les crédits votés en loi de finances initiale pour 2019 étaient de 1 873,1 millions d'euros en crédits de paiement, en augmentation de 38,1 millions d'euros à périmètre constant 57 ( * ) par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2018, les crédits consommés sont de 2 115,7 millions d'euros, en augmentation de 135,0 millions d'euros par rapport à l'exécution 2018 à périmètre constant. Ils excèdent de 224,5 millions d'euros la prévision faite en loi de finances initiale pour 2019.

La sur-exécution a fait l'objet principalement d'une ouverture de crédits en loi de finances rectificative de fin d'année, d'un montant de 180,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 178,2 millions d'euros en crédits de paiement.

En revanche, les reports de crédits à la gestion suivante sont très limités , à hauteur de 2,3 millions d'euros, alors qu'ils étaient de 96,2 millions d'euros en 2017, dernière année au cours de laquelle la dernière loi de finances rectificative avait été promulguée en toute fin d'année, empêchant l'utilisation des crédits ouverts avant la fin de l'exercice budgétaire.

Exécution du programme 177 en 2019 en crédits de paiement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Le rapporteur spécial souligne, comme il l'a déjà fait lors de l'examen de loi de finances initiale pour 2020, que les mêmes difficultés d'exécution budgétaire se produiront probablement en 2020 : les crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale sont de 1 991,2 millions d'euros, soit un niveau inférieur de plus de 120 millions d'euros aux crédits consommés en 2019, alors même que l'ouverture de crédits nécessaire à l'exécution 2019 était connue avant l'adoption définitive du budget 2020.

Or la crise actuelle ne fera qu'augmenter les besoins. Le Gouvernement a annoncé le 2 avril une enveloppe d'urgence de 50 millions d'euros supplémentaires pour l'hébergement 58 ( * ) , portée par la suite à 65 millions d'euros 59 ( * ) . Ces crédits couvrent des dépenses d'urgence (distribution de chèques-services, ouverture de centres d'hébergement spécialisés pour accueillir les personnes sans domicile atteintes du coronavirus, prolongation des places hivernales d'hébergement et ouverture de places d'hôtel supplémentaires) et devront donc certainement être complétés si les difficultés économiques persistantes augmentent le nombre de personnes ayant besoin d'un hébergement.

2. La politique d'hébergement n'atteint pas les objectifs fixés

Les indicateurs de performance associés au programme 177 témoignent de l'insuffisance des résultats de la politique d'hébergement , mais aussi de l'imperfection de ces indicateurs eux-mêmes.

Si le taux de réponses positives des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) aux demandes d'hébergement (indicateur 1.1) semble s'améliorer, passant de 18,5 % en 2017 à 34 % en 2018 et 45,2 % en 2019, ce taux demeure encore insuffisant puisqu'il signifie que la majorité des demandes ne sont pas satisfaites. En outre et surtout, son mode de calcul n'est guère fiable puisque, selon le rapport annuel de performances, l'amélioration de l'indicateur est en partie liée à un meilleur remplissage de l'enquête.

Quant au taux de réponses positives des SIAO aux demandes de logement adapté ou ordinaire , qui est seulement de 0,75 % pour une cible de 7 %, il paraît encore moins représentatif : ce sous-indicateur rapporte le nombre de réponses positives ayant débouché sur un logement adapté ou ordinaire au nombre total de demandes d'hébergement ou de logement adapté et dépend donc beaucoup des variations de ce dernier nombre, qui peuvent être liées aux besoins d'hébergement et non aux seuls besoins de logement adapté ou ordinaire - tout en étant d'ailleurs peu fiable en soi puisque, là encore, fortement lié à la qualité de remplissage de l'enquête.

En outre, comme le fait observer la Cour des comptes, cet indicateur ne prend en compte que les demandes qui passent par les SIAO, alors que dans certains territoires de nombreuses personnes ne parviennent pas joindre ces organismes. Cette observation rejoint la difficulté générale qui résulte de l'absence de mise à jour de l'enquête « Sans domicile fixe » de l'INSEE, qui date de 2012 : le rapporteur spécial rappelle que seule une enquête statistique de fond permettrait de connaître les besoins réels d'hébergement en France .

La Cour des comptes donne une illustration concrète des difficultés du dispositif d'hébergement : selon une enquête de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), ce sont plus de 3 100 demandes de mise à l'abri, dont 40 % en Île-de-France, qui n'ont pu être réalisées chaque jour entre le 9 décembre 2019 et le 12 janvier 2020.

La mesure de la part des personnes sortant de centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) qui accèdent à un logement paraît plus fiable, mais montre une dégradation au cours des années récentes malgré la politique « Logement d'abord » engagée par le Gouvernement.

Part des personnes sortant de CHRS qui accèdent
à un logement (indicateur 1.2)

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, à partir du rapport annuel de performances pour 2019

Il ressort de cet indicateur une difficulté croissante pour les CHRS à remplir leur fonction d'étape vers un logement durable pour les personnes en difficulté.

Toutefois, dans ce cas encore, les valeurs indiquées sont affectées - et, selon le rapport annuel de performances, minorées - par une erreur de mesure lors de l'extraction des données depuis le système d'information des SIAO.

Par ailleurs, le nombre de nuits d'hébergement en hôtel continue de progresser .

Évolution du nombre de nuitées d'hôtel

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires et des notes d'exécution budgétaires de la Cour des comptes

Le recours aux nuitées hôtelières est la réponse la plus rapidement mobilisable aux demandes pour lesquelles aucune solution d'hébergement n'est disponible. C'est d'ailleurs celle qui a été choisie dès la prise des mesures de confinement à la mi-mars 2020. Toutefois les modalités d'accueil et l'emplacement souvent excentré des hôtels ne permettent pas d'assurer un suivi satisfaisant et l'hébergement en hôtel ne devrait être que très transitoire, même si la Cour des comptes note toutefois que le coût des nuitées hôtelières était en diminution au premier semestre 2019.

S'agissant enfin de la stratégie « Logement d'abord » lancée à l'automne 2017, qui a pour objectif de développer le logement adapté en créant en cinq ans 40 000 places supplémentaires d'intermédiation locative et 10 000 places en pension de famille, les capacités globales sont passées de 231 560 places à la fin 2017 à 244 089 places à la mi-2019, soit une augmentation de plus de 12 500 places.

Le rapporteur spécial apprécie cette augmentation, mais note que les objectifs quinquennaux seront difficiles à atteindre , alors même que la crise économique majeure qui débute entraînera nécessairement une augmentation des besoins.

B. LE PROGRAMME 109 « AIDES AU LOGEMENT » : LE DÉCALAGE D'UNE RÉFORME INSUFFISAMMENT PRÉPARÉE ENTRAÎNE UNE SUR-EXÉCUTION IMPORTANTE DES CRÉDITS

1. Bien que les aides au logement soient l'une des principales sources d'économie du budget de l'État...

Le programme 109 « Aide à l'accès au logement » porte 80,2 % des crédits budgétaires consommés dans le cadre de la mission « Cohésion des territoires ». Avec une diminution de crédits de 276,7 millions d'euros, soit 1,9 % en autorisations d'engagement et crédits de paiement, c'est l'un des principaux programmes du budget général pourvoyeurs d'économies dans l'exercice 2019, avec le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » (marqué par la baisse du coût des contrats aidés et de l'allocation de solidarité spécifique) et le programme 117 qui porte la charge de la dette de l'État 60 ( * ) .

En conséquence des mesures prises depuis l'année 2017, les crédits consommés sur le programme 109 sont passés de 15,5 milliards d'euros en 2017 à 14,3 milliards d'euros en 2018 puis 14,1 milliards d'euros en 2019 , soit une baisse de 1,4 milliard d'euros ou 9 %.

Ces sommes correspondent à la dotation d'équilibre versée par l'État au fonds national d'aide au logement (FNAL), également alimenté par le produit de plusieurs cotisations versées par les employeurs 61 ( * ) . Les ressources totales du FNAL se sont élevées à 17,0 milliards d'euros en 2019, contre 18,4 milliards d'euros en 2017 et 17,2 milliards d'euros en 2018, soit une diminution de 1,4 milliard d'euros qui correspond à la baisse de la dotation de l'État. La participation des employeurs a en effet légèrement augmenté, passant de 2 714 millions d'euros en 2017 à 2 772 millions d'euros en 2019, le financement complémentaire provenant de la taxe sur les plus-values immobilières (43,2 millions d'euros en 2019) et de la taxe sur les bureaux (116,1 millions d'euros en 2019).

Évolution des crédits de paiements du programme 109 « Aide au logement »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Cette diminution des crédits aurait toutefois dû être encore plus importante si les prévisions de la loi de finances initiale avaient été respectées : le programme connaît en effet une sur-exécution très importante de 627,0 millions d'euros, due pour l'essentiel au décalage de la réforme du versement contemporain des aides au logement.

2. ... le report de la réforme du versement des aides au logement a nécessité une importante ouverture de crédits en cours d'année

La loi de finances rectificative pour 2019 62 ( * ) a ouvert 627,0 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme 109 en conséquence du report à 2020 de la mise en oeuvre de la réforme du versement des aides au logement.

Pour mémoire, cette réforme a pour objet de permettre le calcul des aides au logement en fonction des revenus actuels alors qu'elles sont actuellement calculées à partir des revenus déclarés à l'administration fiscale deux ans auparavant. Cette réforme réduirait le nombre des bénéficiaires dans la mesure où le revenu tend à augmenter au cours du temps. L'économie en année pleine est estimée à 1 116 millions d'euros 63 ( * ) .

Les difficultés techniques rencontrées par cette réforme ont conduit le Gouvernement à repousser plusieurs fois sa mise en oeuvre au cours de l'année 2019, puis au cours de l'année 2020 64 ( * ) .

Comme l'indique la Cour des comptes dans sa note d'exécution, budgétaire, la complexité de la réforme a été particulièrement sous-estimée. La mise en oeuvre du versement contemporain des aides au logement a été une décision politique et budgétaire que le rapporteur spécial soutient dans son principe , mais dont le calendrier aurait dû s'appuyer sur une étude de faisabilité technique à la hauteur de l'enjeu budgétaire . Le calendrier des reports successifs de la réforme témoigne de son impréparation.

Les reports successifs de la réforme du versement contemporain
des aides au logement

- Octobre 2018 : la réforme, initialement prévue pour mai 2019, est décalée à juillet 2019 afin de prendre en compte un avis de la commission nationale « Informatique et Libertés » (CNIL) sur la conservation des données salariales. Un amendement au projet de loi de finances ouvre des crédits supplémentaires en conséquence.

- Février 2019 : la réforme est repoussée au mois d'août à la suite d'un audit concluant aux risques de non-respect du planning.

- Juillet 2019 : le Premier ministre décide le décalage de la réforme à janvier 2020, en raison du nombre insuffisant des tests réalisés et de la difficulté d'informer les allocataires pendant l'été.

- Décembre 2019 : face à l'instabilité du système d'information, le report au 1 er avril 2020 est annoncé le 26 décembre, soit six jours avant le jour prévu pour sa mise en oeuvre.

- 17 mars 2020 : le ministre chargé de la ville et du logement annonce le report de la réforme en raison du manque de disponibilité des personnels. Un décret du 20 avril prévoit sa mise en oeuvre au plus tard le 1 er janvier 2021.

Source : commission des finances, Cour des comptes

Le rapporteur spécial comprend que la crise sanitaire ne permettait pas de lancer le nouveau mode de calcul dans des conditions satisfaisantes , d'autant que les personnels ont été mobilisés par la mise en oeuvre de l'aide exceptionnelle aux familles modestes pour laquelle la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020 a prévu une enveloppe de 880 millions d'euros 65 ( * ) .

Il souligne toutefois que le déséquilibre constaté en 2019 se produira avec une plus grande ampleur encore en 2020 puisque le décalage de la réforme devrait produire ses effets sur l'ensemble de l'année alors que le budget initial a été établi sur l'hypothèse d'une entrée en vigueur de la réforme dès le 1 er janvier 2020. En outre, la gravité de la crise économique, qui ne fait que commencer à se manifester, entraînera certainement une augmentation du nombre de demandeurs, renforçant encore la nécessité de procéder à une ouverture très importante de crédits sur le programme 109.

Enfin, le rapporteur spécial remarque que l'abondement en loi de finances rectificative n'a pas permis de diminuer la dette du fonds national d'aide au logement (FNAL) , fonds alimenté notamment par le programme 109 et chargé de compenser les organismes de sécurité sociale pour les sommes qu'ils versent au titre des aides au logement. Cette dette, qui avait augmenté de 50 millions d'euros en 2018, s'est encore accrue de 5 millions d'euros en 2019 pour atteindre 309 millions d'euros.

Le Gouvernement ne montre aucune intention de réduire cette dette , qui n'est pas prise en compte dans les ouvertures de crédit du fonds, aussi bien en loi de finances initiale qu'en fin d'année dans le cadre de la loi de finances rectificative.

3. Le dispositif de performance montre l'importance des aides au logement pour diminuer le reste à payer des ménages, qui demeure supérieur aux objectifs

Le programme 109 contient un seul indicateur de performance , relatif au taux d'effort net médian des ménages 66 ( * ) , divisé en douze sous-indicateurs selon la structure du ménage et la nature du logement (locatif public, locatif privé ou accession à la propriété). Ce taux d'effort permet de mesurer l'efficacité des aides au logement dans la mesure où elles ont pour objectif de diminuer le reste à charge des personnes qui en bénéficient.

La présentation du dispositif de performance faite dans le rapport annuel de performance (RAP) ne permet toutefois pas d'apprécier si les objectifs fixés en loi de finances initiale ont été respectés en cours d'exercice.

En effet, il ne présente que la réalisation pour les exercices 2017 et 2018 et la prévision pour 2019, car la valeur atteinte par les objectifs en 2019 ne sera connue qu'au mois de juillet 2020 en raison, selon le rapport annuel de performances, du temps de traitement des données par la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).

Il n'est donc possible, à ce stade, de commenter que la réalisation des objectifs en 2018 , en complétant la présentation faite dans le RAP 2019 par les prévisions faites dans le projet annuel de performances (PAP) annexé au projet de loi de finances initiale pour 2019.

Évolution du taux d'effort médian des ménages bénéficiaires d'aides au logement

(en pourcentage)

Sous-indicateur

Réalisation 2017

Prévision 2018

Réalisation 2018

Réalisation 2018
- prévision 2018

Prévision 2019

Personnes seules sans enfant

25,2

24,6

25,0

+ 0,4

25,3

Familles monoparentales avec 1 enfant

18,2

17,8

17,7

- 0,1

18,3

Familles monoparentales avec 2 enfants

15,7

15,4

15,3

- 0,1

15,7

Familles monoparentales avec 3 enfants

8,5

8,5

8,2

- 0,3

8,5

Couples sans enfant

21,1

21

20,8

- 0,2

21,2

Couples avec 1 enfant

17,7

17,5

17,3

- 0,2

17,8

Couples avec 2 enfants

16,9

16,8

16,4

- 0,4

16,9

Couples avec 3 enfants ou plus

12,5

12,5

12,1

- 0,4

12,5

Locatif public

11,9

11,5

11,6

+ 0,1

11,9

Locatif privé

25,8

25,1

25,6

+ 0,5

25,9

Accession à la propriété

25,1

24,6

24,6

0,0

25,1

Total

19,0

18,5

18,7

+ 0,2

18,9

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

De manière globale, le taux d'effort médian a diminué de 0,3 % entre 2017 et 2018, mais est resté supérieur de 0,2 % à l'objectif fixé en loi de finances initiale .

La moitié des ménages consacrent ainsi plus de 18,7 % de leur revenu , hors aides, au paiement du loyer et des charges . Ce taux d'effort est nettement plus élevé pour les personnes seules (25 %) et moins élevé pour les familles nombreuses.

Selon le rapport annuel de performances, toutefois, le taux d'effort médian hors aides personnelles au logement serait de 38,7 % , ce qui démontre l'importance cruciale de ces aides pour aider au logement des ménages bénéficiaires.

Le taux d'effort dépend également du statut du logement : il est plus de deux fois plus élevé (25,6 %) dans le locatif privé que dans le locatif public (11,6 %) : en effet, neuf foyers allocataires sur dix, dans le parc privé, acquittent un loyer réel supérieur au loyer plafond servant au calcul des aides, contre un foyer sur deux dans le parc social.

C. LE PROGRAMME 135 : LA POLITIQUE DU LOGEMENT SOCIAL DEMEURE EN DEÇA DE SES OBJECTIFS

Le programme 135 porte notamment les crédits consacrés aux aides à la pierre .

Il relève d'une gestion budgétaire atypique , de sorte que le montant des crédits indiqué dans les documents budgétaires donne une vision peu exacte de l'effort réel des politiques de l'État en faveur de la construction et de la rénovation de l'habitat.

1. Les crédits consommés sont très supérieurs à l'effort réel de l'État

Les crédits consommés en 2019 sur le programme 135 ont été de 688,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 644,7 millions d'euros en crédits de paiement.

Ces montants donnent toutefois une vision exagérée de l'effort budgétaire de l'État en 2019 en faveur des politiques portées par le programme 135. Les crédits consommés sont en effet supérieurs aux crédits ouverts en loi de finances initiale de près de 300 % en autorisations d'engagement et de plus de 200 % en crédits de paiement.

Exécution des crédits du programme 135 en 2019

(en millions d'euros)

En autorisations d'engagement

En crédits de paiement

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

L es crédits consommés sont en effet dus pour une large part aux fonds de concours : ceux-ci représentent 69,7 % des crédits ouverts en crédits de paiement, en ajoutant 155,0 millions d'euros de fonds de concours reportés depuis l'exercice précédent sur 2019 (sur un total de 163,4 millions d'euros reportés) aux 471,9 millions d'euros de fonds de concours nouveaux versés en 2019 sur le programme.

En outre 250,8 millions d'euros, soit 27,9 %, des crédits de paiement ouverts, sont reportés à l'exercice suivant, dont la plus grande part, soit 242,4 millions d'euros, au titre des fonds de concours.

Ces particularités de l'exécution budgétaire sont liées en premier lieu au désengagement de l'État dans le financement des aides à la pierre portées par l'action 01 « Construction locative et amélioration du parc » du programme 135, dont les crédits budgétaires votés en loi de finances initiale n'étaient que de 20 millions d'euros.

L'État ne contribue en effet plus au financement des aides à la pierre , centralisées au niveau du fonds national des aides à la pierre (FNAP). Ce fonds est donc financé pour l'essentiel par des cotisations des bailleurs sociaux, mais les sommes qu'il centralise transitent par le budget général de l'État sous forme de fonds de concours, à hauteur de 467,7 millions d'euros en 2019, afin de permettre leur répartition ultérieure au niveau des services déconcentrés de l'État.

Quant au niveau très élevé des reports, il est lié à la mise en oeuvre de la « règle d'or » du FNAP 67 ( * ) selon laquelle de nouvelles opérations ne peuvent être engagées qu'à hauteur du montant total des versements effectués par le fonds au programme 135.

Cette règle de bonne gestion permet de stabiliser le montant des restes à payer, qui est d'un niveau d'environ 2 milliards d'euros depuis 2015. Toutefois, elle a pour effet de décorréler le montant des crédits de paiement versés par le FNAP des besoins réels de paiement des dossiers en stock, d'où la nécessité de reporter en fin d'année un montant élevé de crédits de paiement.

Le rapporteur spécial souligne que cette situation nuit à la transparence du suivi budgétaire du programme 135 . Sans nécessairement supprimer la règle d'or qui garantit la soutenabilité du programme, une adaptation des procédures devrait être envisagée, par exemple, comme le propose la Cour des comptes, en maintenant les crédits de paiement dans le FNAP qui les verserait au programme 135 en fonction des besoins.

L'État ne contribuant plus au financement des aides à la pierre, les crédits proprement budgétaires du programme 135 portent sur les autres actions et notamment sur la participation au financement de la rénovation thermique des logements privés, mise en oeuvre par l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

2. L'activité de l'Anah s'est considérablement développée en 2019

L'Agence nationale pour l'habitat (ANAH) est un opérateur doté en 2019 de 110 millions d'euros de crédits budgétaires en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, mais majoritairement financé par le produit de la mise aux enchères des quotas carbone qui lui a rapporté 420 millions d'euros, plafond au-delà duquel le produit de cette taxe revient au budget général de l'État. Ce plafond a été atteint dès la mi-juillet 2019 en raison d'un prix moyen du carbone élevé.

L'ANAH a disposé en 2019 de ressources égales à 665 millions d'euros, dont 481 millions d'euros de taxes affectées 68 ( * ) , 110 millions d'euros de crédits budgétaires, 13,7 millions d'euros de subventions et produits divers et 160,2 millions d'euros de contributions des fournisseurs d'énergie et de GRDF. Ses dépenses ont été de 634 millions d'euros, dont 611 millions d'euros de dépenses d'intervention.

S'agissant de la rénovation thermique des logements , les objectifs fixés par l'Anah étaient de financer la rénovation énergétique de 75 000 logements, répartis entre les dispositifs « Habiter mieux Sérénité » (bouquet de travaux) et « Habiter mieux Agilité ».

Le dispositif « Habiter mieux Agilité » a connu un développement massif et imprévu , en raison de l'intérêt qu'a représenté la conjonction entre cette aide et l'aide « CEE coup de pouce », diminuant fortement le reste à charge pour les particuliers lors d'un changement de chaudière : le nombre de logements financés à ce titre a été de 68 464 en 2019, pour un coût de 265,6 millions d'euros, contre une prévision de 15 000 logements et un coût de 54 millions d'euros. Les besoins supplémentaires ont été couverts en partie par des redéploiements mais ont dû faire l'objet d'un budget rectificatif de l'Agence, qui a augmenté les autorisations d'engagement de 50 millions d'euros et les crédits de paiement de 50 millions d'euros.

L'année 2020 marque un nouveau développement de l'activité de l'ANAH avec la transformation du crédit d'impôt transition énergétique (CITE) en une prime gérée par l'Agence.

3. La politique du logement social ne parvient pas à assurer une fluidité suffisante du parc de logements

En 2019, 105 491 logements sociaux ont été agréés hors périmètre couvert par l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), soit 85 % seulement de l'objectif fixé, en diminution de plus de 3 000 logements par rapport au nombre de 108 612 agréments atteint en 2018.

La diminution se concentre sur les logements les plus sociaux , à savoir ceux financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) ou un prêt locatif à usage social (PLUS), tandis que le nombre de logements financés par un prêt locatif social (PLS) progresse légèrement.

Agréments de logements sociaux en 2018 et 2019

(en nombre de logements)

Source : commission des finances, à partir de la note d'exécution budgétaire 2019 « Cohésion des territoires de la Cour des comptes

Les indicateurs associés au programme 135 permettent de constater une performance insuffisante de la politique de logement social .

La pression de la demande sur le logement social , mesurée par l'indicateur 1.1 « Fluidité du parc de logements sociaux », se traduit par une augmentation de la demande non satisfaite de logements sociaux au cours des années passées. Cette augmentation est particulièrement nette en zone A, c'est-à-dire dans les grandes métropoles.

Il en ressort une efficacité insuffisante de la politique de recentrage de l'offre sur les zones tendues qui a pourtant été menée depuis 2018, en notant toutefois que le temps de réalisation des programmes entraîne un décalage entre la prise de décision et ses effets.

Évolution de la pression sur le logement social (indicateur 1.1)

(ratio)

L'indicateur correspond au rapport, dans chacune des zones A, B1, B2 et C définies pour le zonage du dispositif fiscal en faveur de l'investissement locatif, entre le nombre de demandeurs de logement social en fin d'année et le nombre de relogements de demandeurs au cours de l'année (hors mutations internes).

Source : commission des finances, à partir du rapport annuel de performances

Les cibles fixées pour 2020 , qui correspondraient à une forte diminution de cette pression dans toutes les zones, paraissent irréalistes compte tenu de l'évolution à la hausse passée. En outre, la crise sanitaire - qui ne pouvait bien entendu pas être prévue au moment de l'élaboration du budget - devrait entraîner une nouvelle hausse de la pression sur le logement social, par le ralentissement de la livraison de logements neufs ou rénovés mais surtout, à court et moyen terme, par l'accroissement de la demande qui résultera probablement des difficultés rencontrées par certains locataires du parc privé.

Le même indicateur mesure également le taux de mobilité dans le parc social , qui est particulièrement faible dans les grandes métropoles (zone A). Cette situation n'est pas satisfaisante car elle réduit les possibilités pour les nouveaux arrivants ou les nouveaux demandeurs d'obtenir un logement social.

Taux de mobilité dans le parc social (indicateur 1.2)

(ratio)

L'indicateur correspond au rapport, dans chacune des zones A, B1, B2 et C, entre le nombre d'emménagements et le nombre total de logements locatifs.

Source : commission des finances, à partir du rapport annuel de performances

Les zones moins tendues connaissent elles-mêmes une diminution du taux de mobilité, dont la chute marquée en zone C (- 2,56 % en 2019) n'est pas expliquée.

Les autres indicateurs de performance renforcent le constat d'une performance insuffisante de la politique du logement social , tout particulièrement dans les zones les plus denses :

- les zones A et B1 représentent 71 % des logements sociaux financés, alors que la cible est de 77 % (indicateur 1.2) ;

- 70 % seulement des personnes ayant reçu une décision de logement favorable accordée par les commissions DALO 69 ( * ) ont été effectivement logées en 2019, contre 88,2 % en 2017 et 77,8 % en 2018 (la cible étant de 100 %). Ce nombre n'inclut pas les personnes réorientées vers un hébergement (indicateur 1.3) et résulte de l'augmentation du nombre des décisions favorables ;

- 14,5 % seulement des logements sociaux hors QPV 70 ( * ) ont été dédiés en 2019 à des demandes du premier quartile de ressources ou à des personnes relogées dans le cadre d'une opération de renouvellement urbain, alors que la cible est fixée à un niveau manifestement très élevé de 22 % (indicateur 1.4).

L'examen de ces indicateurs montre la nécessité de poursuivre la politique de production de logement social, tout particulièrement dans les zones tendues où le niveau de tension du logement social atteint un niveau préoccupant .

Par ailleurs, sur le plan méthodologique, il est permis de s'interroger , comme le font les acteurs de l'habitat, sur le recours au zonage A, B, C pour mesurer les indicateurs de pression sur le logement social . La hausse de la demande de logement pour les personnes âgées, par exemple, est liée au facteur démographique plus qu'à la tension du marché locatif.

Enfin, la mise en oeuvre de l'article 55 de la loi SRU 71 ( * ) montre la difficulté pour les communes à réaliser les objectifs de construction de logement sociaux qui leur sont assignés, tout particulièrement celles soumises au taux de 25 %.

Nombre de communes soumises aux taux
de 20 % et de 25 % (indicateur 2.1)

(en nombre de communes)

L'indicateur correspond au nombre de communes soumises à l'article 55 de la loi SRU, selon que leur taux légal est de 20 % ou de 25 %.

Source : commission des finances, à partir du rapport annuel de performances

Si la stabilité de l'indicateur 2.1 en 2019 est temporaire dans la mesure où le périmètre des communes soumises aux obligations sera révisé au début de la nouvelle période triennale 2020-2022, le Gouvernement reconnaît lui-même dans le rapport annuel de performance que des communes déficitaires rencontrent des difficultés pour atteindre leurs objectifs triennaux , tendance qui va s'accentuer à mesure que l'échéance 2025 approche.

D. LE PROGRAMME 147 : LA POLITIQUE DE LA VILLE NE CONSOMME QU'UNE PARTIE DE SES CRÉDITS

1. L'écart entre les quartiers de la politique de la ville et les autres territoires continue à s'accroître

Le rapporteur spécial met l'accent , une nouvelle fois, sur la tendance à l'accroissement des écarts de revenu entre les QPV et les agglomérations environnantes 72 ( * ) .

L'indicateur correspondant à cet écart évolue de manière négative et demeure éloigné des objectifs d'un rapprochement des quartiers avec le reste de l'agglomération dont ils font partie. Le rapport de revenu entre les QPV et leur agglomération diminue en effet de manière continue en passant de 47,5 % en 2015 à 46,3 % en 2018. L'objectif demeure pourtant fixé, de manière peu réaliste, à plus de 50 %, alors qu'aucune mesure particulière n'est présentée pour inverser la courbe. En revanche, le taux de chômage dans les QPV semble se rapprocher légèrement du taux de chômage dans les agglomérations environnantes.

Écart de revenu et d'emploi entre les QPV et celui
des agglomérations environnantes (indicateur 3.1)

(en pourcentage et en points)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des rapports annuels de performances pour 2017, 2018 et pour 2019. Le sous-indicateur relatif à l'écart entre les taux de chômage n'est renseigné que depuis l'exercice 2016

Cet indicateur est d'ailleurs insuffisant car, au-delà d'un revenu global, il faudrait également vérifier l'évolution de la mixité sociale au sein des QPV, par exemple en étudiant dans quel sens évolue la proportion de ménages aisés et de ménages pauvres.

D'autres indicateurs vont dans le même sens :

- les zones franches urbaines « territoire entrepreneur » accueillent 64,1 établissements industriels ou commerciaux pour 1 000 habitants, contre 97,8 dans les unités urbaines dont ils font partie ; cet écart de 33,7 % tend à augmenter puisqu'il n'était que de 30,7 % en 2015 et s'est accru chaque année par la suite ;

- alors que le taux de réussite au brevet des collèges en collège REP+ dans un QPV, qui était de 73,2 % seulement en 2015, s'était amélioré à un niveau de 80,3 % en 2017, il se dégrade à 75,7 % en 2018 (le chiffre n'étant pas encore disponible pour 2019) et s'éloigne du taux national de 89 % : le seul élément d'explication fourni par le rapport annuel de performances est l'augmentation du poids des épreuves terminales en 2018 par rapport à 2017.

Le rapporteur spécial constate ainsi que, malgré l'ensemble des politiques menées en faveur des quartiers depuis la mise en oeuvre du programme national de rénovation urbaine en 2003, il demeure toujours aussi difficile de réduire l'écart entre ces quartiers et le reste de leur agglomération .

2. Les crédits dédiés au renouvellement urbain sont largement sous-consommés

Les crédits du programme 147 ont été consommés à hauteur de 471,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 473,3 millions d'euros en crédits de paiement , avec une sous-exécution de 197,7 millions d'euros, soit 29,5 %, en autorisations d'engagement et de 35,9 millions d'euros, soit 7,1 %, en crédits de paiement par rapport aux montants prévus en loi de finances initiale. La sous-exécution était en 2018 de 6,7 % en autorisations d'engagement et de 6,9 % en crédits de paiement.

L'importante sous-exécution en autorisations d'engagement s'explique par le retard du démarrage du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU). Ainsi la consommation en autorisations d'engagement n'est-elle que de 24,2 millions d'euros sur l'action 04 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie », contre une prévision de 185,0 millions d'euros , ce qui constitue un taux d'exécution de 13,1 % seulement.

Au total depuis 2016, l'État n'a apporté que 39,2 millions d'euros en autorisations d'engagement à cette action, qui porte les crédits de l'État consacrés au NPNRU 73 ( * ) , alors qu'il s'est engagé à apporter un financement de 1 milliard d'euros à ce programme sur la totalité de sa durée. En 2020, les autorisations d'engagements inscrites au budget de l'État sont nulles, ce qui signifie que l'exécution de l'engagement de l'État sera certainement repoussée pour l'essentiel au prochain quinquennat.

Évolution des autorisations d'engagement sur l'action 04
« Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

L'action 01 « Actions territorialisées et Dispositifs spécifiques de la politique de la ville », qui porte la majorité des crédits du programme en attendant la montée en puissance du NPNRU, connaît également une sous-exécution de 23,3 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, qui traduit une mise en oeuvre plus lente que prévu des dispositifs annoncés par le Gouvernement en 2018 dans le cadre du plan « Mobilisation nationale pour les habitants des quartiers ».

3. L'activité de l'ANRU est toujours marquée par l'incertitude à terme sur les financements

L'activité de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) est toujours marquée par le chevauchement entre la fin d'exécution du programme national de rénovation urbaine (PNRU), dont les engagements se sont terminés en 2015, et la mise en oeuvre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) prévu par la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

Si la situation financière de l'ANRU est en 2019 plutôt satisfaisante, c'est surtout parce que la sous-exécution du NPNRU a permis d'éviter un surcroît de dépenses .

Le PNRU devrait se conclure sur un montant d'économies d'un niveau estimé à 621 millions d'euros en octobre 2019, remplissant l'objectif de 600 millions d'euros d'économies fixé dans la convention tripartite État - ANRU - Union économique et sociale du logement (UESL) du 2 octobre 2015 et confirmés lors du renouvellement de cette convention en 2018 74 ( * ) . Les derniers paiements sont prévus pour l'année 2021.

Le financement du NPNRU , fixé à 10 milliards d'euros d'équivalent-subvention, demeure pour sa part soumis à des incertitudes importantes .

D'une part, ce plan de financement repose sur un apport d'Action Logement à hauteur de 6,6 milliards d'euros en équivalent-subvention , sous la forme de prêts bonifiés et de subventions. Cet équivalent-subvention, dans le cadre d'un prêt bonifié, correspond à la part des mensualités de prêt (en total actualisé) qui est pris en charge par Action Logement, sur un prêt dont le taux est égal, dans le cas des opérations de logement social, au taux de long terme du livret A.

Or le taux de long terme du livret A a été abaissé de 2,40 % à 1,80 % en juillet 2019 75 ( * ) : en conséquence, la bonification apportée par Action Logement est diminuée en conséquence et les prêts bonifiés perdent de ce fait une part de leur attractivité. La Cour des comptes estime à 400 millions d'euros la diminution de l'équivalent-subvention et souligne le caractère stratégique et prioritaire de la négociation de la prochaine convention quinquennale .

D'autre part, comme le rapporteur spécial l'a fait observer lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 76 ( * ) , les crédits ne sont sécurisés que jusqu'en 2022 , alors que les dépenses du NPNRU connaîtront un pic au cours des années ultérieures .

Le rapporteur spécial reviendra plus en détail sur la question du financement du NPNRU dans le cadre du rapport rendu à l'occasion de la présentation, le 17 juin 2020, par la Cour des comptes d'un rapport relatif à l'ANRU remis en application de l'article 58, alinéa 2 de la loi organique relative aux lois de finances.

4. Des crédits de personnel sont portés de manière résiduelle par le programme

Les crédits de personnel consommés sont de 1,0 million d'euros sur le programme 147, contre un montant voté en loi de finances initiale de 19,4 millions d'euros. L'écart est dû pour l'essentiel comme les années précédentes, à un transfert en gestion des crédits et des emplois liés au dispositif des délégués du préfet .

Les délégués du préfet représentent l'État dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville les plus en difficulté. Rattachés au préfet délégué pour l'égalité des chances ou au sous-préfet ville, ces agents agissent sur le terrain au contact de tous les acteurs locaux de la politique de la ville. Ils sont mis à disposition par d'autres ministères ou par des structures telles que La Poste, les agences régionales de santé ou des collectivités territoriales.

Le transfert des crédits et des emplois permet de constater le nombre élevé de ministères et de politiques publiques concernés par ce dispositif . Un décret 77 ( * ) du 6 décembre 2019, pris afin d'assurer le remboursement par le ministère chargé de la ville des agents mis à disposition par les autres ministères dans le cadre du dispositif des délégués du préfet, a ainsi transféré 273 équivalents temps plein travaillés (ETPT) ainsi qu'un montant de 15,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement depuis le programme 147 vers 18 programmes budgétaires et 11 ministères.

Transfert d'emplois vers les ministères au titre
du dispositif des délégués du préfet

(en ETPT transférés)

Source : commission des finances du Sénat, à partir du décret n° 2019-1305 du 6 décembre 2019 portant transfert de crédits

III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE » ET 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » (M. BERNARD DELCROS, RAPPORTEUR SPÉCIAL)

A. LE PROGRAMME 112, UN PROGRAMME BUDGÉTAIRE EN PERTE DE VITESSE

1. Les dépenses fiscales rattachées au programme 112 représentent près de trois fois le montant des crédits budgétaires qui lui sont alloués

Dix-huit dépenses fiscales sont rattachées au programme 112, pour un coût de 586 millions d'euros en 2019, en hausse de 31 millions d'euros par rapport à 2018 .

Principales dépenses fiscales du programme 112

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Cette hausse s'accompagne d'une révision très importante du chiffrage des dépenses fiscales pour 2018 . En effet, alors que le rapport annuel de performance (RAP) pour 2018 indiquait un chiffrage de 464 millions d'euros, le RAP 2019 affiche désormais un chiffrage définitif de 555 millions d'euros pour cette même année, soit une réévaluation de 91 millions d'euros .

Cette hausse de plus d'un cinquième du montant total résulte de la réévaluation des trois principales dépenses fiscales, à hauteur :

- de 30 millions d'euros pour le coût des taux de TVA réduits en Corse ;

- de 37 millions d'euros pour les exonérations dans les zones de revitalisation rurales ou dans les zones d'aides à finalité régionale ;

- de 30 millions d'euros en faveur du crédit d'impôt pour investissement en Corse.

Les imprécisions du chiffrage initial pour 2018 appellent à un renforcement du pilotage des dépenses fiscales. Ces dernières ne peuvent se résumer à une sédimentation de dispositifs dont le coût réel et la portée seraient insuffisamment contrôlés et évalués.

À l'occasion des travaux de contrôle qu'il a menés avec Rémy Pointereau et Frédérique Espagnac sur les zones de revitalisation rurales 78 ( * ) , le rapporteur spécial a rencontré des difficultés similaires pour obtenir les chiffrages précis concernant les différents dispositifs fiscaux et isoler le coût respectif de chacun d'entre eux.

Les conclusions du rapport « Sauver les ZRR, un enjeu pour 2020 » sur les mesures fiscales mises en oeuvre dans les territoires ruraux sont par ailleurs sans équivoque : il s'agit d'un dispositif essentiel pour compenser le différentiel d'attractivité que subissent les territoires ruraux .

Plus globalement, il est indispensable d'assurer un suivi plus précis de ces coûts, qui représentent près de trois fois les crédits budgétaires affectés au programme 112 .

Pour 2019, la hausse des dépenses fiscales résulte pour l'essentiel des principaux dispositifs en faveur de la Corse avec une hausse de 10 millions d'euros du coût des taux réduits applicables sur l'île et une augmentation de 18 millions d'euros du crédit d'impôt en faveur de l'investissement en Corse (CIIC) .

Ce dernier a été particulièrement dynamique au cours des dernières années, son coût passant de 52 millions d'euros en 2017 à 100 millions d'euros en 2019. Pour rappel ce dispositif ne sera applicable qu'aux investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2020.

2. La hausse du niveau des autorisations d'engagement constatée en exécution ne remet pas en cause la baisse continue des moyens affectés par l'État aux politiques en faveur des territoires

Évolution des crédits par action du programme 112

(en millions d'euros et en %)

2018

2019

Exécution / prévision 2019

Exécution

2018 / 2019

Exécution

Crédits votés LFI

Prévision LFI

Exécu-tion

en volume

en %

en volume

en %

01 - Attractivité économique et compétitivité des territoires

AE

48,1

60,3

60,3

45,9

- 14,3

- 23,7 %

- 2,1

- 4,4 %

CP

76,1

81,7

81,7

58,7

- 23,0

- 28,1 %

- 17,4

- 22,9 %

02 - Développement solidaire et équilibré des territoires

AE

74,5

109,4

125,2

106,5

- 18,7

- 14,9 %

+ 32,0

+ 42,9 %

CP

134,4

129,4

145,1

143,2

- 2,0

- 1,4 %

+ 8,8

+ 6,6 %

04 - Instruments de pilotage et d'étude

AE

29,6

29,7

30,7

29,9

- 0,8

- 2,6 %

+ 0,3

+ 1,1 %

CP

29,9

29,7

30,7

27,4

- 3,3

- 10,8 %

- 2,5

- 8,4 %

Total programme

AE

152,2

199,4

216,1

182,4

- 33,8

- 15,6 %

+ 30,2

+ 19,8 %

CP

240,4

240,8

257,6

229,3

- 28,3

- 11,0 %

- 11,1

- 4,6 %

LFI : loi de finances initiale. La prévision en LFI inclut les prévisions de fonds de concours (FDC) et d'attribution de produits (ADP), ce qui n'est pas le cas des crédits votés en LFI. L'exécution constatée dans le projet de loi de règlement inclut les FDC et ADP constatés.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Malgré la hausse de la consommation des autorisations d'engagement (AE) constatée en exécution entre 2018 et 2019, la dynamique de moyen terme du programme reste à la diminution des crédits .

En effet, la hausse de la consommation d'AE par rapport à 2018 résulte principalement d'un effet de rattrapage, après une année 2018 caractérisée par une très forte sous-consommation en AE, notamment sur les contrats de plan État région (CPER) .

Par rapport à l'année 2017, la baisse du niveau des AE à moyen terme reste très forte (- 57 % en LFI et - 43 % en exécution) et témoigne que le programme 112 vise davantage à liquider des engagements antérieurs qu'à conduire une politique ambitieuse d'aménagement du territoire .

Alors que les dépenses du programme répondent pour l'essentiel à une logique de contractualisation pluriannuelle, les restes à payer du programme diminuent donc d'année en année. Ainsi, 66,5 % des CP du programme couvrent des engagements souscrits avant 2019 .

La baisse des crédits de paiement concerne tout particulièrement le Fonds national d'aménagement du territoire (FNADT, hors CPER et maisons de services au public, MSAP), les contrats de ruralité et la prime d'aménagement du territoire.

Niveau de consommation des crédits
sur les principaux dispositifs d'intervention du programme

(en millions d'euros)

Niveau de consommation

Exécution 2018

Exécution 2019

Évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Engagements FNADT -CPER

119,6

107,6

120,3

108,6

+ 0,59 %

+ 0,93 %

FNADT hors CPER et MSAP

7

18,6

7

6,9

0,00 %

- 62,90 %

PAT

14,4

19

9,5

7,7

- 34 %

- 59,5 %

Contrats de ruralité

0

41,5

0

35,9

/

- 13,5 %

Pacte État-métropoles

0

2,9

0

2,7

/

-6,90 %

Services au public dont MSAP

17,4

17,9

29

29

+ 66,7 %

+ 62,01 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après la note d'analyse d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

3. Une réduction continue et incompréhensible des crédits consacrés à la prime d'aménagement du territoire

La prime d'aménagement du territoire (PAT) est devenue une véritable variable d'ajustement du programme 112 . Alors que les crédits engagés s'élevaient en moyenne à 36 millions d'euros par an entre 2010 et 2014, la PAT ne représente plus 9,5 millions d'euros en AE en 2019 .

Le rapporteur spécial tient tout particulièrement à rappeler l'importance de ce dispositif, aux enjeux financiers pourtant très limités. La baisse des crédits consacrés à la PAT est d'autant plus incompréhensible que l'effet de levier de cette prime a été démontré et que les réponses au questionnaire du rapporteur spécial indiquent que « la PAT constitue un outil solide et pertinent pour soutenir le développement économique des territoires fragiles. En particulier, il constitue l'outil idoine pour accompagner l'investissement industriel dans le cadre du programme Territoires d'Industrie de l'Agence . »

Cette baisse est amenée à se poursuivre en 2020, avec seulement 6 millions d'euros en AE au titre de la PAT . Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur spécial avait proposé un amendement, adopté par le Sénat, visant à porter les crédits dédiés à cette prime à 10 millions d'euros. L'amendement n'ayant pas été retenu dans le texte final, la PAT se trouve plus que jamais menacée .

Dans le contexte de crise actuelle, la logique de rabot doit cesser de s'appliquer et les outils les plus adaptés pour soutenir l'activité dans l'ensemble des territoires doivent être mobilisés par l'État .

4. L'accélération de la consommation des crédits dédiés aux CPER ne suffira pas à permettre de rattraper les retards accumulés sur les différents volets

Le volet territorial des contrats de plan État régions (CPER) constitue le principal dispositif d'intervention porté par le programme 112 . En 2019, il représente 52,4 % des AE et 59,5 % des CP exécutés. Pour la génération de contrats 2015-2020, 754 millions d'euros ont été contractualisés sur le FNADT, dont seulement 472 millions d'euros ont été couverts par des AE fin 2019 (soit 62,6 %).

Le volet mobilité des CPER affiche le retard d'exécution le plus marqué, à seulement 51,1 % au 31 décembre 2019. Il a d'ores-et-déjà été acté que ce volet serait prolongé jusqu'en 2022. Ainsi, alors que les négociations sur la nouvelle génération de CPER ont été engagées dès 2019, il a été annoncé que le volet mobilité en serait pour l'instant exclu.

Par ailleurs, notre collègue Jean-François Rapin 79 ( * ) , rapporteur spécial de la mission "Recherche et Enseignement supérieur" a documenté le rôle des CPER dans le financement de la recherche. Les CPER permettent de concentrer des moyens financiers sur des investissements emblématiques 80 ( * ) .

Il a néanmoins souligné le manque de souplesse des CPER dans le financement de la recherche . La plupart des régions interrogées ont fait valoir qu'en raison des spécificités de l'architecture financière des CPER, les interventions de l'État demeuraient limitées aux seuls projets immobiliers ou équipements scientifiques .

5. L'année 2019 a été une année de transition pour les maisons de services au public

Les 1 350 maisons de services au public (MSAP) délivrent un ensemble de services de proximité dans les territoires . Afin de prendre en compte les différentes critiques et en particulier les recommandations de la Cour des comptes dans son rapport sur L ' accès aux services publics dans les territoires ruraux 81 ( * ) , une évolution de ces structures a été engagée par la circulaire du n°6094-SG du 1 er juillet 2019, via la labellisation de maisons « France Services ».

La Cour a considéré que les MSAP constituaient « un modèle de service public de proximité à consolider » en soulignant particulièrement l'hétérogénéité de l'offre de services au sein des MSAP, avec un déficit plus marqué dans les maisons mise en place dans des bureaux de Poste (504 maisons).

Rappel des évolutions entre les Maisons de services au public
et les Maisons France services

Maison de services au public (MSAP)

Maison France services

Horaires

/

Ouverture au moins cinq jours par semaine sur une amplitude minimale de 24 heures hebdomadaires .

Agents

Présence d'un agent

Présence de deux agents polyvalents

Nombre de partenaires

Présence de deux opérateurs minimum sur les sept (Pôle emploi, CNAF, CNAM, CNAV, MSA, La Poste et GRDF). 3,6 opérateurs en moyenne

Neuf partenaires au minimum (CAF, Pôle Emploi, CNAM, CNAV, MSA, Ministère de l'Intérieur, Justice, DGFiP, La Poste) seront présents en « back-office » (joignables avec délai de réponse garanti) des structures labellisées.

Mobilisation locale des opérateurs

Dans la majorité des cas, ils n'assurent pas de permanence physique, ni n'entretiennent de contacts directs avec les agents de « front-office »

Chacun des neuf opérateurs de back-office a désigné au minimum un référent local par département, afin d'assurer le traitement des demandes complexes.

De plus, des permanences physiques ou l'usage de systèmes de web-conférence doivent permettre de faciliter l'accès des usagers aux différents opérateurs.

Formation des agents

Pas de standards uniformes de formation.

Avant la labellisation, chaque agent bénéficie de 5,5 jours de formation en présentiel, (posture de l'agent, médiation numérique et maîtrise des outils numériques de la maison ainsi que des modules dispensés par des formateurs de chacun des neuf partenaires du bouquet de service).

Outillage numérique

Poste informatique en libre-accès dans la plupart des MSAP

Équipement minimal d'un poste en libre-accès , d'un ordinateur équipé de webcam , et d'un service de visioconférence avec les neuf opérateurs socles. La Banque des territoires et la Dinsic mettent à disposition plusieurs applications métier pour les agents.

Ergonomie des locaux

/

Présence d'un espace d'accueil de l'usager et d'un espace de confidentialité clos.

Garantie de qualité de service

/

L'ouverture est conditionnée au respect de 30 critères obligatoires de qualité de service . A posteriori, des enquêtes annuelles seront réalisées, complétées, le cas échéant, par des audits qualités.

Source : Cour des comptes

L'exécution 2019 a donc été marquée par une croissance des crédits affectés aux MSAP, qui ont progressé de 67 % en AE et de 62 % en CP par rapport à 2018 .

Les MSAP ont en effet été financées à hauteur de 16,4 millions d'euros par le fonds inter-opérateurs (FIO, constitué de Pôle emploi, de la MSA, de la CNAF, de la CNAV et de la CNAM), et ont bénéficié de 12,1 millions d'euros de crédits budgétaires dédiés , auxquels s'ajoutent des transferts d'un montant total de 4,4 millions d'euros en AE et en CP en provenance du programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » pour le ministère de l'action et des comptes publics et du programme 307 « Administration territoriale » pour le ministère de l'intérieur.

D'après la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 (NEB) de la Cour des comptes sur la mission cohésion des territoires, un accord-cadre national, signé le 2 novembre 2019, a permis de clarifier la situation financière des MSAP pour 2019. La dette de 4,27 millions d'euros du FIO aux structures non postales a été soldée grâce à la prise en charge de la moitié de cette somme par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) .

Comme le rapporteur spécial l'avait déjà souligné en 2018, le principe de parité du financement entre l'État et les opérateurs n'est pas respecté . En 2019, tant la prise en charge de la dette du FIO que les transferts depuis d'autres programmes remettent en cause ce principe paritaire. Selon le chiffrage de la Cour, « la part de l'État dans le financement des MSAP non postales s'élève à 18,4 millions d'euros, soit 67,6 % du total ».

Le rapporteur spécial considère qu'il est indispensable de respecter la parité du financement entre l'État et les opérateurs. En effet, les services proposés dans ces maisons n'étant que partiellement de la compétence de l'État, les financements doivent être en phase avec la diversité des interventions au sein des MSAP .

B. LE PROGRAMME 162, UN PROGRAMME COMPOSITE QUI N'ATTEINT PAS SES OBJECTIFS ET DONT L'EXÉCUTION EST ÉLOIGNÉE DES PRÉVISIONS INSCRITES EN LOI DE FINANCES INITIALE

1. Un programme composite dans lequel l'action dédiée au plan d'investissement en Corse occupe une place prépondérante

Les autorisations d'engagement par action
du programme 162

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

La part prépondérante qu'occupe le quatrième programme exceptionnel d'investissement (PEI IV) en faveur de la Corse explique que les crédits ouverts par fonds de concours représentent les deux tiers des AE consommés du programme .

En effet, l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) a abondé l'action 04 à la fois au titre des reports de crédits de fonds de concours pour 8,9 millions d'euros en AE et 11,7 millions d'euros en CP et en permettant l'ouverture par voie de fonds de concours de 20 millions d'euros d'AE et 16,9 millions d'euros de CP à la fin de l'année 2019 .

Par ailleurs, ces crédits ont encore une fois été sous consommés en AE et en CP. Cette sous consommation s'explique principalement par les retards dans la mise en oeuvre des différents projets portés par l'action . Il en résulte des reports de crédits conséquents sur 2020. Alors que les reports de 2018 à 2019 s'élevaient à 9 millions d'euros en AE et à 7 millions d'euros en CP, les reports de 2019 à 2020 s'élèvent à 27 millions d'euros en AE et 12 millions d'euros en CP .

Alors que la convention d'application du PEI IV arrivera à échéance au 31 décembre 2020, le rapporteur spécial considère que la soutenabilité budgétaire de ce plan devra faire l'objet d'une attention particulière en 2020 . En effet, une accélération dans la réalisation des chantiers et dans la facturation pourrait rendre le niveau des CP insuffisants compte tenu des sous-consommations récurrentes ces dernières années .

2. Des écarts d'exécution très marqués entre les différentes actions du programme

L'exécution des autorisations
d'engagement du programme 162

(en millions d'euros)

L'exécution des crédits de paiement
du programme 162

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les AE et les CP ont été très largement dépassés pour l'action 02, « Eau et agriculture en Bretagne » du fait d'un transfert de gestion de 5,3 millions d'euros en AE et en CP depuis le programme 149 dans le cadre du plan de lutte contre les algues vertes. Ce transfert récurrent nuit à la sincérité budgétaire : il est nécessaire que le Gouvernement revienne sur cette pratique lors du prochain projet de loi de finances.

De plus, le recours à des transferts plutôt qu'à une budgétisation sincère des crédits induit des difficultés importantes en gestion, alors que chaque année le transfert intervient tardivement (fin juillet) .

Pour la première fois, le plan gouvernemental en faveur du marais poitevin ne comptait pas d'AE en 2019 , les crédits votés pour cette action devant seulement permettre de couvrir les engagements antérieurs. La clôture de l'action est prévue fin 2020, le crédits de paiement prévus pour 2020 devant permettre de liquider les engagements pris avant 2019.

Concernant le plan chlordécone, les crédits ont été augmentés en cours d'année, afin de mettre en oeuvre la feuille de route interministérielle 2019-2020 82 ( * ) . Cette feuille de route doit notamment permettre d'atteindre l'objectif de « zéro chlordécone dans l'alimentation », alors que les indicateurs de performance montrent encore pour 2019 que les objectifs ne sont pas atteints en matière de conformité des denrées alimentaires aux standards sanitaires . Les actions de recherche et de prévention devront être renforcées.

Les crédits de paiement de la nouvelle action « Plan littoral 21 » ont été légèrement sous-exécutés, du fait d'un lancement moins rapide que prévu des études préalables. Ces études doivent permettre d'atteindre les trois principaux objectifs du plan : résilience écologique, développement économique et cohésion sociale.

MISSION « CONSEIL ET CONTRÔLE DE L'ÉTAT »

m. didier rambaud, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 277

1. Une consommation des crédits supérieure à la prévision 277

2. Une gestion régulière, soutenue par un abondement de crédits en loi de finances rectificative 278

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 280

A. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES » 280

1. Une poursuite du renforcement des moyens de la Cour nationale du droit d'asile qui commence à prouver ses effets en matière de réduction des délais de jugement 280

2. Une légère diminution des délais de jugement pour les autres juridictions administratives 281

3. Une opération immobilière différée, qui explique un report substantiel d'autorisations d'engagement sur 2020 282

B. LE PROGRAMME 126 « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL » 282

1. Une ouverture de crédits supplémentaires pour financer la tenue de la convention citoyenne sur le climat 282

2. Une consommation des attributions de produits au bénéfice des dépenses de personnel et de fonctionnement, malgré leur fléchage initial vers les dépenses d'investissement 283

C. LE PROGRAMME 164 « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES » 284

1. Une stabilité dans l'exécution des crédits et du plafond d'emplois 284

2. Une levée plus rapide de la mise en réserve, justifiée par la dérogation spécifique accordée aux institutions supérieures de contrôle 284

D. LE PROGRAMME 340 « HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES » 285

1. Un taux de consommation plus proche de la prévision 285

2. La pertinence du programme toujours en question 285

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

La prévision de crédits de paiements (CP) de la mission « Conseil et contrôle de l'État » inscrite dans la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 était fixée à 0,53 milliard d'euros pour 2019 , hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Le niveau de crédits demandés en loi de finances pour 2019 était supérieur à cette prévision et s'établissait à 0,542 milliard d'euros.

Les crédits exécutés en 2019 ont finalement respecté la prévision de la programmation triennale, en atteignant 0,517 milliard d'euros, hors contribution de la mission au CAS « Pensions », laquelle s'élève à 167,87 millions d'euros .

1. Une consommation des crédits supérieure à la prévision

Après n'avoir cessé de progresser ces trois dernières années, le taux de consommation des crédits de la mission dépasse le montant des crédits de paiement (CP) ouverts en 2019 .

Ce dépassement a été rendu possible par une ouverture de 4,2 millions d'euros pour le programme 126, après le vote de la loi de finances rectificative pour 2019 (voir infra ).

Le montant total des CP exécutés atteint ainsi 685,6 millions d'euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2018, alors que la loi de finances initiale prévoyait une progression de 2,4 % des crédits.

La consommation des crédits de paiement (CP) est inégale entre chaque programme : elle se situe très légèrement en deçà de l'autorisation budgétaire votée en loi de finances en ce qui concerne le programme 165, elle la dépasse pour le programme 126, elle sature le montant des crédits ouverts pour le programme 164 et elle est enfin très inférieure à la prévision pour le programme 340.

L'exécution des autorisations d'engagement (AE) de la mission en 2019 laisse apparaitre une sous - consommation plus forte qu'en 2018, avec près de 10 % d'écart à la prévision, contre 2,8 % en 2018.

Cet écart pèse essentiellement sur le programme 165, dont les AE avaient été significativement augmentées pour 2019 (+61,7 millions d'euros), en prévision d'une opération immobilière de grande ampleur, qui a finalement été reportée (voir infra ).

Évolution des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » en 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

2018

2019

Exécution / prévision 2019

Exécution

2019 / 2018

Prévision*

Exécution*

Prévision*

Exécution*

en volume

en %

en volume

en %

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

AE

420,6

406,1

- 3,4 %

483,8

407,3

- 76,5

- 15,8 %

+ 1,2

+ 0,3 %

CP

406,4

404,2

- 0,5 %

420,4

417,7

- 2,7

- 0,6 %

+ 13,5

+ 3,3 %

126 - Conseil économique, social et environnemental

AE

42,1

42,5

+ 0,7 %

42,2

46,8

+ 4,6

+ 10,8 %

+ 4,4

+ 10,3 %

CP

42,1

42,5

+ 0,7 %

42,2

46,8

+ 4,6

+ 10,8 %

+ 4,4

+ 10,3 %

164 - Cour des comptes et autres juridictions financières

AE

220,6

215,4

- 2,4 %

233,0

230,8

- 2,2

- 0,9 %

+ 15,4

+ 7,2 %

CP

219,1

218,0

- 0,5 %

220,7

220,7

+ 0,0

+ 0,0 %

+ 2,7

+ 1,2 %

340 - Haut Conseil des finances publiques

AE

0,5

0,3

- 26,1 %

0,4

0,3

- 0,1

- 21,3 %

- 0,0

- 2,4 %

CP

0,5

0,3

- 29,0 %

0,4

0,3

- 0,1

- 18,5 %

+ 0,0

+ 5,2 %

Total mission

AE

683,7

664,3

- 2,8 %

759,4

685,3

- 74,1

- 9,8 %

+ 21,0

+ 3,2 %

CP

668,2

665,0

- 0,5 %

683,7

685,6

+ 1,9

+ 0,3 %

+ 20,6

+ 3,1 %

*Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Une gestion régulière, soutenue par un abondement de crédits en loi de finances rectificative

De même que ces dernières années, la mission a bénéficié d'un solde positif de mouvements de crédits en gestion avec 27,28 millions d'euros de CP supplémentaires, principalement issus de reports de crédits de l'année 2018. Cet abondement, supérieur à celui de 2018, porte le montant total des crédits disponibles à 707,27 millions d'euros en CP, et leur taux de consommation à 97 % .

Le montant des reports de CP sur 2019 se maintient à un niveau élevé, à 19,84 millions , contre 22,32 millions d'euros en 2018. Ce niveau est notamment justifié par l'autorisation prévue de façon quasi-systématique en loi de finances 83 ( * ) permettant aux reports entrants sur les programmes 164 et 165 de déroger au seuil maximal de 3 % des crédits inscrits en loi de finances initiale.

Ces reports représentent près des trois quarts de la variation entre les crédits votés et les crédits in fine disponibles, le quart restant correspondant à une ouverture supplémentaire de 4,2 millions d'euros sur le programme 126 en LFR 2019 et à un abondement de 3,2 millions d'euros au titre des fonds de concours et des attributions de produits.

Exécution des crédits de la mission en 2019
par programme

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits ouverts en LFI 2019*

Crédits disponibles

Crédits consommés

Consommation des crédits ouverts

Exécution des crédits disponibles

Conseil d'État et autres juridictions administratives (165)

AE

483,59

509,19

407,30

84 %

80 %

CP

420,20

434,82

417,70

99 %

96 %

Conseil économique, social et environnemental (126)

AE

40,24

46,82

46,80

116 %

100 %

CP

40,24

46,82

46,80

116 %

100 %

Cour des comptes et autres juridictions financières (164)

AE

232,22

237,62

230,80

99 %

97 %

CP

219,92

225,20

220,70

100 %

98 %

Haut Conseil des finances publiques (340)

AE

0,43

0,43

0,30

70 %

70 %

CP

0,43

0,43

0,30

70 %

70 %

Total pour la mission

AE

756,48

794,06

685,20

91 %

86 %

CP

680,79

707,27

685,50

101 %

97 %

* Crédits votés en LFI 2019 hors fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Par ailleurs, les annulations de crédits réalisées par la loi de finances rectificative pour 2019 demeurent très limitées , de l'ordre de 1,08 million d'euros, contre 0,6 million d'euros en 2018. Elles correspondent en totalité à l'annulation des crédits gelés restant sur le programme 165.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

L'exécution des quatre programmes de la mission en 2019 tend à confirmer la sincérité de la budgétisation, aucun écart substantiel aux crédits votés n'étant à observer, hormis pour le programme 126.

A. LE PROGRAMME 165 « CONSEIL D'ÉTAT ET AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES »

1. Une poursuite du renforcement des moyens de la Cour nationale du droit d'asile qui commence à prouver ses effets en matière de réduction des délais de jugement

La prolongation constatée en 2018 des délais de jugement devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), ainsi que la hausse attendue du nombre d'affaires entrantes pour 2019 représentaient des motifs d'inquiétude pour le rapporteur spécial lors de l'examen du PLF pour 2019. En effet, ces deux mouvements compromettent à la fois la bonne réalisation des objectifs de performance 84 ( * ) du programme 165 et le respect du délai légal, fixé en 2015 à 5 mois pour les procédures ordinaires et à 5 semaines pour les procédures accélérées 85 ( * ) .

Ainsi, après avoir connu de fortes hausses du nombre de recours déposés en 2017 (+ 34 %) puis en 2018 (+ 9,5 %), la CNDA a enregistré 59 091 recours en 2019, soit une progression de 1 % par rapport à 2018, et de 48 % par rapport à 2016 .

Pour faire face à cet afflux de demandes, la loi de finances initiale pour 2019 avait autorisé la création de 122 emplois supplémentaires et de 5 nouvelles chambres, contre respectivement 102 et 4 en 2018.

Cependant, cette hausse importante de l'effectif de la CNDA doit être minorée par une moindre exécution du schéma d'emplois sur l'ensemble du programme 165 . Pour la CNDA, ce sont ainsi 29 recrutements de contractuels qui n'ont pas pu être réalisés, d'après la Cour des comptes 86 ( * ) . Par ailleurs, des fins de contrats intervenues trop tardivement n'ont pu donner lieu à un remplacement avant le 31 décembre 2019. Le plafond d'emplois exécuté en 2019, avec 600 ETPT, est ainsi inférieur à la prévision (648 ETPT), mais il demeure nettement supérieur à celui de 2018 (474 ETPT).

Ces ressources supplémentaires ont à la fois permis une augmentation du nombre de décisions rendues - lesquelles s'établissent au niveau record de 66 464 en 2019 - ainsi qu'un déstockage important des affaires pendantes , ramenées en dessous de 30 000 en 2019, contre 36 868 fin 2018.

Le délai moyen de jugement poursuit cependant sa hausse en 2019 pour les procédures ordinaires (+1 mois et 16 jours) . D'après le responsable de programme, le renforcement des moyens de la CNDA amorcé en 2018 commence néanmoins à prouver ses effets, puisque le délai prévisible moyen de jugement a nettement diminué fin 2019, à 5 mois et 9 jours, le rapprochant ainsi de l'objectif légal. Par ailleurs, le délai moyen constaté des procédures accélérées atteint 17 semaines en 2019, et diminue ainsi légèrement . Il reste néanmoins très supérieur à celui de 2017 (13 semaines) et à l'objectif prévu de 5 semaines.

2. Une légère diminution des délais de jugement pour les autres juridictions administratives

Les trois niveaux de juridiction (tribunaux administratifs, cours administratives d'appel, Conseil d'État) ont respecté leurs objectifs respectifs de délai moyen de jugement, principal indicateur de performance du programme 165. Avec 10 mois et 26 jours pour les cours administratives d'appel et 9 mois et 20 jours pour les tribunaux administratifs, le délai moyen constaté en 2019 est bien inférieur aux cibles respectives de 10 mois et 8 jours et 10 mois. Le délai moyen devant le Conseil d'État , à 7 mois et 20 jours est aussi très inférieur à la cible - 9 mois - mais cette dernière aurait pu être ramenée à 8 mois, comme c'était le cas avant le PLF 2017, puisqu'en pratique, le délai exécuté n'a dépassé qu'une fois les 9 mois au cours des cinq dernières années (en 2015).

Les délais de jugement ont également diminué entre 2018 et 2019 , de près d'un mois en première instance, de 10 jours en appel, et de 7 jours devant le Conseil d'État, alors que les affaires entrantes avaient progressé ces dernières années (+ 8 % en 2018 et + 8,6 % en 2019).

Il faut souligner que cette augmentation du contentieux s'était accompagnée de l'ouverture de 10 postes en 2019 pour l'ensemble des juridictions . Si ces créations d'emplois étaient bien moindres que les 122 prévues pour la CNDA, il semble qu'elles aient permis aux juridictions administratives d'atteindre une capacité de jugement suffisante pour maîtriser leurs délais de traitement de requêtes ainsi que le stock des affaires pendantes . L'indicateur relatif au stock d'affaires anciennes rend ainsi compte d'une diminution entre 2018 et 2019 de la part du nombre d'affaires de plus de deux ans, hormis pour les tribunaux administratifs, pour lesquels cette part demeure malgré tout proche du niveau constaté en 2018 (7,1 % contre 6,9 %) et inférieur à la cible (7,5 %).

3. Une opération immobilière différée, qui explique un report substantiel d'autorisations d'engagement sur 2020

L'éclatement des locaux de la CNDA sur quatre lieux différents, ainsi que la création d'une dizaine de nouvelles chambres ces deux dernières années, justifiaient un projet d'investissement immobilier destiné au relogement de cette juridiction . À ce projet devait être associé le tribunal administratif de Montreuil, puisque le site retenu pour une réhabilitation en vue de ce relogement, l'ancien immeuble de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), se trouve dans la même commune. Ainsi, une augmentation de 61,7 millions d'euros d'AE en titre 5 avait été votée en LFI 2019 pour couvrir l'engagement des opérations immobilières. Ce projet doit par ailleurs faire l'objet d'une évaluation socioéconomique préalable , en application de la loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

En raison d'une occupation illégale du site par des travailleurs sans-papiers, qui s'est prolongée jusqu'à fin octobre 2019, le projet de relogement de la CNDA et du tribunal administratif de Montreuil a dû être différé. Aussi 58,8 millions d'euros d'AE affectées non engagées ont-elles été reportées sur 2020.

B. LE PROGRAMME 126 « CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL »

1. Une ouverture de crédits supplémentaires pour financer la tenue de la convention citoyenne sur le climat

L'exécution des crédits du programme 126 a dépassé le montant ouvert en LFI 2019 , et partant celui de la programmation pluriannuelle, à la suite d'un abondement réalisé par la LFR 2019 de 4,2 millions d'euros . Ce dernier était destiné à couvrir la première édition d'une convention citoyenne sur le climat. Cette convention faisait suite à l'annonce du président de la République d'avril 2019, en réponse à la crise des « gilets jaunes », dans le but de réunir des citoyens chargés de formuler des mesures pour réduire d'au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre de la France d'ici à 2030. L'organisation de la première convention a suscité des dépenses supplémentaires liées à sa préparation, telles que la mise en place du tirage au sort et à l'accueil des 150 citoyens participants.

La Cour des comptes relève cependant que ce dépassement des crédits ouverts ne s'entend qu'au sens de la LOLF , dès lors que la totalité des crédits prévus par la LFI, puis ceux ouverts en LFR ont été virés sur le compte bancaire du CESE 87 ( * ) . « Ainsi, le CESE consomme budgétairement l'intégralité de sa dotation votée par le Parlement [...] Les éventuels reliquats sont conservés par le CESE et utilisables par ce dernier sur des exercices ultérieurs ». 88 ( * ) Pour 2019, le taux de consommation « réelle » des crédits disponibles s'élève ainsi à 92,1 %, puisque les 4,2 millions d'euros ouverts en LFR n'ont pas été « réellement » consommés en totalité. Le CESE explique ainsi que près de la moitié de cette dotation supplémentaire a été consommée en 2019, la moitié faisant l'objet d'une consommation ultérieure en 2020.

Il conviendra de suivre le niveau d'exécution des crédits mobilisés pour la deuxième convention sur le climat, toujours estimés à 4,2 millions d'euros par la LFI pour 2020, afin d'apprécier la sincérité du niveau de cette dotation .

2. Une consommation des attributions de produits au bénéfice des dépenses de personnel et de fonctionnement, malgré leur fléchage initial vers les dépenses d'investissement

Issues des recettes de valorisation du Palais d'Iéna, les attributions de produits réalisées en 2019 s'élèvent à 2,38 millions d'euros , soit un montant en baisse de 8 % par rapport à 2018.

Depuis 2018, ces attributions de produits sont fléchées prioritairement vers les dépenses d'investissement, notamment dans le but de financer les projets immobiliers. Les crédits de titre 5 ne font ainsi plus l'objet d'une dotation budgétaire en LFI.

En 2018, ces recettes issues de la valorisation du Palais d'Iéna avaient essentiellement abondé des dépenses de titre 2 et de titre 3. Pour 2019, plus de la moitié de ces recettes devaient financer les dépenses d'investissements (1,4 million d'euros estimé). Finalement , la consommation des attributions de produits en 2019 ne s'est faite qu'au bénéfice des dépenses de fonctionnement (2,14 millions d'euros) et des dépenses de personnel (0,24 million d'euros) . Cette absence d'utilisation des attributions de produits pour les dépenses de titre 5 peut être considérée comme regrettable, dans la mesure où certains projets, pourtant significatifs, tels que la mise en accessibilité du Palais, ont été reportés au-delà de 2020.

La Cour des comptes indique toutefois que le CESE a utilisé 0,4 million d'euros à partir de ses ressources propres pour financer des investissements informatiques et de maintenance immobilière 89 ( * ) .

C. LE PROGRAMME 164 « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES »

1. Une stabilité dans l'exécution des crédits et du plafond d'emplois

La LFI pour 2019 avait maintenu les crédits du programme 164 à un niveau proche de celui de 2018, à 220,7 millions d'euros en CP et 233 millions d'euros en AE . Les reports de crédits et les fonds de concours ont permis de porter à 225 millions d'euros les CP disponibles, mais la consommation s'est finalement élevée à 220,7 millions d'euros, soit un montant égal à celui des crédits ouverts.

Le programme 164 demeurent en effet soumis à une forte rigidité en exécution , puisque 88 % de ses crédits relèvent des dépenses de titre 2. Ces dernières étaient en légère hausse, notamment en prévision d'un schéma d'emplois positif de 15 ETP et un mouvement parallèle d'entrées de personnel de catégories A+ et A et de sorties pour les catégories B et C, conformément à la politique de requalification des emplois dans les juridictions financières.

Le schéma d'emplois réalisé s'élève finalement à + 17 ETP , répartis entre les catégories A+ et A, et participe au programme de recrutement de 30 emplois supplémentaires sur la période 2019 - 2022 pour accompagner l'extension des compétences de contrôle des juridictions financières.

Le plafond d'emplois demeure néanmoins sous-exécuté en 2019, à 1 772 ETPT, soit le même niveau qu'en 2018 . L'écart avec le plafond d'emplois autorisé est cependant plus faible en 2019, du fait de l'application de l'article 11 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 90 ( * ) , qui a ainsi diminué le plafond d'emplois à 1 796 ETPT en 2019 contre 1 840 ETPT en 2018.

2. Une levée plus rapide de la mise en réserve, justifiée par la dérogation spécifique accordée aux institutions supérieures de contrôle

Compte tenu de leurs fonctions particulières de contrôle des finances publiques, les juridictions financières bénéficient d'une autonomie de gestion vouée à assurer leur bon fonctionnement . Aussi les normes internationales relatives aux Institutions supérieures de contrôle (ISC), dont la Cour des comptes fait partie, impliquent-elles que « les pouvoirs exécutifs ne doivent pas contrôler ni encadrer l'accès à ces ressources. Les ISC gèrent leur propre budget et peuvent l'affecter de la manière qu'elles jugent appropriée. Le Parlement est chargé de veiller à ce que les ISC disposent des ressources nécessaires pour remplir leur mandat. » 91 ( * )

Ainsi, depuis l'entrée en vigueur de la LOLF en 2006, la Cour des comptes dérogeait à la mise en réserve de précaution d'une partie des crédits de chaque programme.

Or, depuis 2018, la portée de cette dérogation a été atténuée. Le programme 164 fait désormais l'objet d'un gel des crédits dans les mêmes conditions que les autres programmes, à l'exception près que le Gouvernement s'engage à opérer un dégel de ces crédits en début d'année . Cependant, le dégel des crédits s'est fait relativement tardivement, au mois de mars pour l'exercice 2018.

Il faut noter qu'en 2019, l'intégralité de la réserve de précaution (1,72 million d'euros en CP et 2,09 millions d'euros en AE) a été levée plus tôt dans l'année , dès le 18 février 2019.

D. LE PROGRAMME 340 « HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES »

1. Un taux de consommation plus proche de la prévision

Alors que l'exécution des crédits du programme 340 s'était relativement écartée de la prévision en 2018, avec une consommation de 71 % des crédits inscrits, l'exécution 2019 est plus proche de la budgétisation . Cette dernière avait été réduite en LFI 2019 à 0,42 million d'euros en AE et en CP, alors qu'elle atteignait 0,47 million d'euros en LFI 2018. Le taux de consommation atteint ainsi plus de 82 % en 2019 et dépasse celui de 2018 et de 2017.

2. La pertinence du programme toujours en question

Compte tenu du faible montant des crédits inscrits et de l'absence de réelle mesure de la performance - le programme ne comprenant qu'un seul indicateur, satisfait à 100 % chaque année - le rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence de l'existence de ce programme . Cette observation, réitérée depuis plusieurs années, est partagée par le Gouvernement et la Cour des comptes, mais toute modification portant sur l'existence du programme 340 ne pourra être réalisée qu'à travers une loi organique .

MISSION « CULTURE »

mm. vincent éblé et julien bargeton,
rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 289

1. Une exécution conforme à la budgétisation initiale 289

2. L'exécution 2019 du budget des opérateurs rattachés à la mission 292

3. Les dépenses fiscales rattachées à la mission 293

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 295

1. La part croissante des restes à payer 295

2. Une consommation des crédits en faveur du patrimoine appuyée par le Sénat 297

3. Un suivi des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris à renforcer 298

4. Un développement limité du Pass culture 299

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

La mission « Culture » du budget général concourt à la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du patrimoine, de la création artistique, de la démocratisation et de la transmission des savoirs. Le soutien aux industries culturelles comme la promotion de la recherche culturelle et de la recherche scientifique sont présentés au sein de deux autres missions : « Médias, livre et industries culturelles » et « Recherche et enseignement supérieur ». La mission « Culture » est composée de trois programmes :

- le programme 131 « Création », dédié au soutien de la diversité et du renouvellement de l'offre artistique ;

- le programme 175 « Patrimoines » consacré au financement de la politique de préservation et d'enrichissement du patrimoine culturel français ;

- le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », appelé à financer les politiques transversales : éducation artistique et culturelle, enseignement supérieur Culture et action culturelle internationale.

1. Une exécution conforme à la budgétisation initiale

Les dépenses de la mission « Culture » se sont élevées pour l'année 2019 à environ 3,12 milliards d'euros, en autorisations d'engagement (AE) et 2,95 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) . Le taux d'exécution des crédits de la mission s'établit à 100,8 % pour les AE et 100,6 % pour les CP . L'exécution des crédits de la mission a donc été conforme à la budgétisation votée en loi de finances initiale pour 2019.

Exécution des crédits de la mission « Culture » par programme en 2019

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés en 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits ouverts 2019

Crédits exécutés 2019

Évolution exécution 2019 / 2018

Écart exécution 2019 / LFI 2019

P. 131 Création

AE

850,3

782,5

802,3

790,7

-7,01 %

+1,05 %

CP

795,8

780,9

785,7

779,5

-2,05 %

-0,18 %

P. 175 Patrimoines

AE

896,7

1 046,3

1 198,1

1 063,1

+18,56 %

+1,60 %

CP

895,1

909,6

1 008,2

946,8

+5,77 %

+4,08%

P. 224 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

AE

1 225,4

1 268,1

1 280,3

1 266,9

+3,38 %

-0,09 %

CP

1 219,9

1 239,6

1 238,5

1 221,0

+0,17 %

-1,50 %

TOTAL

AE

2 975,5

3 096,8

3 280,7

3 120,6

+4,99 %

+0,77 %

CP

2 913,9

2 930,1

3 032,4

2 947,3

+1,29 %

+0,59%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La consommation des crédits de paiement de la mission « Culture » a, par ailleurs, respecté la trajectoire définie en loi de programmation pluriannuelle 92 ( * ) . Celle-ci prévoyait un montant de 2,74 milliards d'euros pour l'année 2019, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » (208,1 millions d'euros en 2019). L'exécution a été inférieure à ce montant de 1,1 million d'euros.

Exécution des crédits de la mission « Culture », hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » par rapport à la programmation pluriannuelle

(en milliards d'euros, en crédits de paiement)

LPFP

Exécution

2,74

2,74

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La structure des dépenses du programme 131 « Création » en large partie contraintes par des conventionnements passés avec des établissements culturels justifie un taux d'exécution proche de 100 %.

La surconsommation des crédits dédiés au programme 175 « Patrimoines » tient au fait que celui-ci a bénéficié de fonds de concours et d'attributions de produits conséquents en 2019 , atteignant 85,84 millions d'euros en AE et 87,06 millions d'euros en CP (cf infra ).

Même s'il est proche des 100 %, le taux d'exécution du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est le moins élevé . Dédié au financement des politiques transversales de la mission « Culture » et des fonctions support du ministère de la culture, dont les dépenses de personnel, ce programme offre le plus de marges de gestion.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2019

Décrets de transfert

Décrets de virement

Décret annulation

Arrêtés de report

Arrêtés de rattachement/répartition

Loi de finances rectificative

Total ouvertures et annulations

Crédits ouverts

Exécution 2019

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P131

AE

782,5

18,8

1,1

19,9

802,3

790,7

+1,05 %

CP

780,9

3,8

1,1

4,9

785,7

779,5

-0,18%

P175

AE

1 046,3

0,09

-0,06

-0,3

70,1

86,1

-4,2

151,8

1 198,1

1 063,1

+1,60 %

CP

909,6

0,09

-0,06

-0,3

15,7

87,3

-4,2

98,6

1 008,2

946,8

+4,08 %

P224

AE

1 268,1

-1,6

-0,4

2

23,7

-11,4

12,2

1 280,3

1 266,9

-0,09 %

CP

1 239,6

-1,6

-0,4

3,8

7,7

-10,5

-1,1

1 238,5

1 221,0

-1,50 %

Total mission

AE

3 096,8

-1,5

-0,4

-0,3

90,9

110,9

-15,6

203,8

3 280,7

3 120,6

+0,77 %

CP

2 930,1

-1,5

-0,4

-0,3

23,3

92,2

-14,7

102,4

3 032,4

2 947,3

+0,59 %

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses de personnel de la mission sont toutes rassemblées au sein du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Le montant exécuté en 2019 s'élève à 707,3 millions d'euros, soit une diminution de 0,23 % par rapport à l'exercice précédent. Cette baisse relative rompt avec la progression continue enregistrée depuis 2014 (+ 8,3 %). Un schéma d'emploi favorable aux départs (départs en retraite plus nombreux que prévus, entrées par voie de concours inférieures aux prévisions et recrutements tardifs d'enseignants et de contractuels) justifie pour partie cette tendance.

Il est logique, dans ces conditions, que le plafond d'emplois ait été une nouvelle fois respecté. Le plafond exécuté s'élève à 10 633 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit 181 ETPT de moins que ce que prévoyait le plafond d'emplois ministériel (loi de finances initiale et transferts en gestion en cours d'année).

Les rapporteurs spéciaux rappellent une nouvelle fois le défaut d'attractivité des emplois du ministère de la culture en raison d'un décalage indemnitaire avec les autres ministères. Celui-ci tend néanmoins à se résorber depuis 2018 et la mise en place d'un plan de rattrapage, destiné à compenser d'ici 2022, les écarts de rémunérations observés entre les agents du ministère de la culture et ceux des autres administrations centrales , ces différences pouvant atteindre 125 % selon les ministères.

2. L'exécution 2019 du budget des opérateurs rattachés à la mission

69 opérateurs sont directement rattachés à la mission « Culture » :

- 14 au titre du programme 131 « Création » ;

- 16 au titre du programme 175 « Patrimoines » ;

- 39 au titre du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

La mission « Culture » abonde également des opérateurs rattachés à d'autres missions (Centre national de la recherche scientifique, Universités, Centre national du cinéma et de l'image animée...).

Le montant de l'ensemble des subventions versées aux opérateurs s'établit en 2019 à 1,62 milliard d'euros en crédits de paiement , soit une augmentation de 59 millions d'euros par rapport à l'année 2018. Ce montant représente 36,7 % des crédits consommés par la mission en 2019.

Les rapporteurs spéciaux relèvent une surexécution des crédits de l'ordre de 21 % en AE et 20 % en CP. Les écarts constatés en 2019 entre la prévision en loi de finances initiale et l'exécution sont principalement imputables :

- au versement de subventions complémentaires en gestion à hauteur de 67,8 millions d'euros en AE et 34,4 millions d'euros en CP, principalement aux fins de travaux sur plusieurs sites (réhabilitation du château de Villers-Cotterêts, restauration de la Merveille de l'abbaye du Mont-Saint-Michel, étangs de Corot à Ville d'Avray...) ;

- au transfert de 22,6 millions d'euros (AE = CP) à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), au titre du financement du fonds national pour l'archéologie préventive. Ce transfert est renouvelé chaque année ;

- à l'intégration de l'Orchestre de Paris à la Philharmonie de Paris au 31 décembre 2018 et au transfert concomitant de la subvention pour charges de service public (7,9 millions d'euros AE = CP) ;

- à un transfert de 14,4 millions d'euros (AE=CP) à l'agence de services et de paiement (ASP)93 ( * ), en charge de la gestion du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) depuis le 1er octobre 201994 ( * ) ;

- à un transfert de 29,1 millions d'euros (AE=CP) au réseau des oeuvres universitaires et scolaires95 ( * ) aux fins de gestion des bourses sur critères sociaux des étudiants et de l'aide au mérite pour les étudiants boursiers ayant obtenu la mention « très bien » au baccalauréat 96 ( * ). Ce transfert est renouvelé chaque année.

Montant des subventions versées aux opérateurs rattachés à la mission « Culture »
en 2018 et en 2019

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Prévision LFI 2019

Exécution 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Création

341,5

326,6

281,7

281,7

308,0

303,2

Patrimoines

521,2

521,1

506,0

443,4

615,0

533,7

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

186,6

184,2

161,8

161,8

223,0

225,3

Total

1 049,3

1 032,0

949,5

886,9

1 146,0

1 062,2

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Les dépenses fiscales rattachées à la mission

Le soutien budgétaire aux politiques culturelles de la mission « Culture » est complété par un ensemble de dépenses fiscales qui sont rattachées à deux programmes de la mission : « Création » et « Patrimoines ». Ce dernier concentre 14 des 22 dispositifs fiscaux rattachés à la mission.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que la réduction d'impôt au titre des dons , qu'il s'agisse du mécénat d'entreprises (article 238 bis du code général des impôts) ou des dons des particuliers (article 200 du code général des impôts), contribue largement à soutenir le secteur culturel. Cette dépense est cependant rattachée à la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

Le montant exécuté de ces dépenses fiscales s'élève en 2019 à 316 millions d'euros . Ce montant est en diminution par rapport à l'année 2018 (338 millions d'euros). Il est cependant supérieur aux prévisions initiales de la loi de finances pour 2019 , qui estimait le montant total à 266 millions d'euros.

Les rapporteurs spéciaux estiment cependant que cette évaluation de la dépense fiscale n'est pas totalement fiable : 7 dispositifs ne font pas l'objet de chiffrage (dont 4 au titre du programme 175 « Patrimoines »).

Évolution du montant des dépenses fiscales rattachées aux programmes
de la mission « Culture »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La part croissante des restes à payer

Les restes à payer de la mission « Culture » correspondent au solde des engagements n'ayant pas donné lieu à consommation de crédits de paiement au 31 décembre. Les rapporteurs spéciaux avaient déjà mis en lumière l'augmentation de ceux-ci au cours des exercices 2017 et 2018, dans un contexte de reprise des grands chantiers culturels.

Après avoir atteint 808,43 millions d'euros en 2018 (soit une augmentation de 58,12 millions d'euros par rapport à 2017), le montant des restes à payer de la mission en 2019 s'élève à 981,2 millions d'euros, soit une progression de près de 21 %.

77 % de cette somme correspondent à des engagements portés par le programme « Patrimoines ». Les restes à payer du programme s'élèvent à 752,57 millions d'euros (+ 18 % en un an). 60 % du total consistent en des restes à payer sur crédits déconcentrés. Les restes à payer sur crédits centraux visent principalement les travaux menés par l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), la rénovation du Grand Palais, la restauration du château de Villers-Cotterêts et la construction du centre de conservation et de ressources du musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM).

Le programme « Création » voit également se poursuivre une montée en charge des restes à payer. Après avoir plus que doublé en 2018 (106,58 millions d'euros contre 52,09 millions d'euros l'année précédente), ils atteignent désormais 117,80 millions d'euros (+ 10,5 % en un an). Le Centre national des arts plastiques (CNAP) et le projet de Cité du théâtre constituent les deux principaux postes de dépenses concernés.

Les restes à payer du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » présentent, en 2019, la plus forte progression, pour s'établir à 110,83 millions d'euros, contre 66,34 millions d'euros au cours de l'exercice précédent (+ 67 % en un an). Plus de la moitié de ces restes à payer (66,05 millions d'euros) relèvent des travaux de réhabilitation ou à des projets immobiliers :

- travaux de construction de l'école d'architecture (ENSA) de Marseille (29,43 millions d'euros) ;

- travaux de construction-réhabilitation de l'ENSA de Toulouse (10,61 millions d'euros) ;

- travaux de réimplantation de l'école d'art de Cergy (10,51 millions d'euros) ;

- travaux au sein des ENSA de La Villette et de Paris-Malaquais ainsi que sur l'école nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris-Malaquais et l'école nationale supérieure de création industrielle (9 millions d'euros) ;

- projet Quartier de la connaissance et de la Créativité avec la Métropole Toulon Provence Méditerranée (3,19 millions d'euros) ;

- travaux de construction du pôle culturel de Micheville (3,31 millions d'euros).

Évolution du montant des restes à payer de la mission « Culture »,
par programme, de 2016 à 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Une telle progression des restes à payer peut susciter une certaine interrogation quant à la fiabilité de la programmation des grands travaux présentée chaque année au Parlement. Les rapporteurs spéciaux ne peuvent, dans ces conditions, que partager les observations de la Cour des comptes qui relève, dans sa note d'exécution budgétaire, la nécessité de procéder à une programmation pluriannuelle plus réaliste et plus exacte.

2. Une consommation des crédits en faveur du patrimoine appuyée par le Sénat

L'exécution budgétaire du programme « Patrimoines » en 2019 s'inscrit, en AE, dans la continuité de celle observée l'an dernier et traduit une tendance favorable à l'entretien et à la restauration des monuments historiques . La consommation est en revanche plus faible qu'en 2018, en ce qui concerne les crédits de paiement.

Comparaison des crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques entre 2017 et 2019 (hors grands projets)

(en millions d'euros et en %)

Prévisions LFI

Exécution

Taux d'exécution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2017

313,08

293,20

260,09

245,60

83,1 %

83,8 %

2018

326,24

292,85

284,91

274,77

87,3 %

93,8 %

2019

326,24

296,78

284,79

265,99

87,3 %

89,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux constatent ainsi un niveau important de reports de crédits de 2019 à 2020 s'agissant des monuments historiques (grands travaux compris) : 61,7 millions d'euros en CP.

Le Sénat a souhaité inciter à la consommation des crédits lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2019, en faisant adopter un amendement permettant de revenir sur l'annulation de 25,4 millions d'euros en AE et de 21,3 millions d'euros en CP au sein du programme 175 de crédits initialement prévue. Ces sommes étaient comprises dans la réserve de précaution. Le dégel de ces sommes a permis :

- le financement à hauteur de 4 millions d'euros des travaux de restauration du château de Villers-Cotterêts ;

- le versement de 3,3 millions d'euros au Centre des musées nationaux (CMN), au titre de la compensation des moindres recettes induites par la fermeture des tours de la cathédrale Notre-Dame de Paris (2,3 millions d'euros) et de la tour Saint-Nicolas de La Rochelle (1 million d'euros) ;

- le provisionnement de 14 millions d'euros au CMN afin de mener à bien les opérations de restauration des monuments retenus dans le cadre de la mission confiée à Stéphane Bern « Patrimoine en péril » 97 ( * ) . Cette somme correspond à la compensation des recettes fiscales engendrées par le Loto du Patrimoine. Les gains - 16,8 millions d'euros au 31 décembre 2019 - ont, de leur côté, abondé le fonds géré par la Fondation du patrimoine.

3. Un suivi des travaux de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris à renforcer

Le programme 175 « Patrimoines » a bénéficié de fonds de concours et d'attributions de produits conséquents en 2019 , atteignant 85,84 millions d'euros en AE et 87,06 millions d'euros en CP. Sur ces sommes, 74,92 millions d'euros (AE=CP) ont été ouverts par voie de fonds de concours au titre de la souscription nationale instituée pour la restauration et la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le fonds de concours pour les dons nationaux a atteint 52,14 millions d'euros et celui pour les dons internationaux 22,78 millions d'euros.

Ces sommes ont permis de couvrir les premiers travaux de sécurisation et de consolidation de l'édifice : frettage des deux piliers de la nef fragilisés, dépose des éléments les plus fragiles et mise en place de filets de protection. 50,41 millions d'euros en AE et 31,11 millions d'euros ont été exécutés en 2019 :

- 31,20 millions d'euros en AE et 31,11 millions d'euros en CP ont été versés à la DRAC Île-de-France durant la période pendant laquelle elle a exercé la maîtrise d'ouvrage ;

- 19,21 millions d'euros ont été versés en AE à l'établissement public chargé de la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, entré en fonctions le 1 er décembre dernier.

Les rapporteurs spéciaux regrettent que le rapport annuel de performances ne fasse pas un état des lieux précis des dons enregistrés par la souscription nationale au 31 décembre 2019, même s'ils ne constituent pas stricto sensu des crédits budgétaires. Il est également regrettable que le document ne propose pas une estimation du coût des travaux à mettre en oeuvre .

La Cour des comptes indique dans sa note d'exécution budgétaire que 176,9 millions d'euros auraient été collectés au 31 décembre 2019 par la fondation du patrimoine, la fondation de France, la fondation Notre-Dame, le Centre des monuments nationaux et le Trésor public. D'après le ministère de la culture, cité dans la même note, le montant total des dons enregistrés et promesses de dons s'élèverait à 910 millions d'euros, 107 millions étant effectivement collectés. Un tel écart interroge.

Les rapporteurs spéciaux rappellent que l'article 8 de la loi pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris du 29 juillet 2019 98 ( * ) prévoit que l'établissement public chargé de la gestion des fonds recueillis en rende compte à un comité réunissant le Premier président de la Cour des comptes et les présidents des commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances et de la culture ou leurs représentants.

Ce comité n'a pu se réunir que tardivement. Il a donc été impossible de dresser rapidement un état des lieux précis des dons effectivement enregistrés et de leur affectation au cours de la première année, dans un contexte par ailleurs troublé par l'arrêt des travaux.

4. Un développement limité du Pass culture

Expérimenté depuis juin 2019 dans 14 départements 99 ( * ) , le Pass Culture consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les possibilités culturelles et artistiques accessibles à proximité. L'année de ses 18 ans, jusqu'à la veille de ses 19 ans, chaque jeune résidant en France pourra demander l'octroi d'une enveloppe de 500 euros à dépenser sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques... 520 000 propositions sont présentées par 2 500 offreurs.

Au 31 décembre 2019, 44 000 comptes ont été ouverts (sur 150 000 personnes éligibles environ) , 28 000 d'entre eux ont effectué au moins une réservation. 149 000 réservations ont été faites au total, les choix les plus populaires étant le livre (54 %) et la musique (17 %). Le dispositif semble cependant avant tout profiter aux professionnels du numérique : le bouquet de chaînes OCS, Canal+, le site de musique en ligne Deezer et la plateforme de streaming FilmoTV figurent ainsi parmi les cinq prestations les plus demandées.

L'ambition affichée par le Gouvernement consiste en une généralisation du dispositif à l'horizon 2022. Il tablait à cet effet sur un objectif de 35 000 comptes ouverts à la fin de l'année 2019, le seuil de 50 000 devant être atteint pour poursuivre l'expérimentation. Cet objectif n'a pas été atteint.

S'agissant du dispositif en tant que tel, le projet a d'abord été porté par le ministère lui-même, par l'intermédiaire d'une start-up d'État. Une société par actions simplifiées (SAS) chargée du développement du Pass Culture a finalement pris le relais courant 2019, en vue notamment d'élargir son financement à des acteurs privés 100 ( * ) . La SAS reste pour l'heure détenue à 70 % par l'État et à 30 % par la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

La loi de finances pour 2019 prévoyait une dotation de 28,77 millions d'euros (AE=CP) pour le financement de ce dispositif. In fine , seuls 11,91 millions d'euros en CP ont été consommés, principalement en vue de financer des dépenses de fonctionnement :

- 5 millions d'euros au titre de prestations informatiques et d'ingénierie administrative et technique ;

- 4 millions d'euros aux fins du démarrage de l'activité de la SAS Pass Culture ;

- 1,20 million d'euros au titre de dépenses de personnels et autres dépenses de fonctionnement.

Dans ces conditions, les remboursements aux offreurs se limitent à 1,71 million d'euros.

L'exécution des crédits 2019 renforce les doutes exprimés par les rapporteurs spéciaux lors de l'examen des projets de loi de finances pour 2019 et 2020 sur la stratégie mise en oeuvre pour rendre accessible ce dispositif. Si celui-ci peut représenter un véritable outil d'émancipation culturelle - même si une étude des offres devra cependant être rapidement proposée pour en juger - il est, pour l'heure, mal connu. Son caractère expérimental fragilise le lancement d'une campagne de publicité nationale.

Le ministère de la culture a annoncé, fin 2019, des actions de communication à destination des jeunes dans les territoires concernés, en lien avec les DRAC et les rectorats pour qu'un plus grand nombre de jeunes activent effectivement leurs comptes et bénéficient du Pass. Il peut apparaître regrettable qu'elle n'ait pas été lancée au cours de l'exercice 2019, les crédits étant disponibles. Pour l'heure, au plan budgétaire, le Pass culture semble se limiter au financement d'une structure administrative et ne remplit pas son objectif initial de renforcer l'accès des jeunes à la culture. L'exercice en cours ne devrait pas permettre de corriger cette tendance. L'élargissement de la phase d'expérimentation, prévu le 20 avril dernier, a en effet été différé en raison de la crise sanitaire. La totalité des départements des régions Île-de-France et Grand Est devait initialement mettre en place le dispositif à cette date.

Les rapporteurs spéciaux rappellent leur crainte que le Pass Culture tende à résumer l'effort de l'État en faveur de l'éducation artistique et culturelle et que sa montée en charge budgétaire ne s'effectue au détriment des moyens qui lui sont traditionnellement dédiés. Il aurait pu paraître opportun que les 10 millions d'euros de crédits finalement reportés en 2020 soient plutôt réorientés.

Le rapport annuel de performances 2019 souligne en effet que les objectifs en matière d'éducation artistique et culturelle ne sont pas atteints. Il en va ainsi de la part des enfants et adolescents ayant bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle ou de l'effort de développement des crédits d'éducation artistique et culturelle dirigés vers les territoires prioritaires (indicateurs 2.1 et 2.2 de l'objectif n°2 assigné au programme 224).

Indicateurs Éducation artistique et culturelle - Prévision et réalisation 2019

Indicateur

Prévision PAP 2019

Réalisation

Part des enfants et adolescents ayant bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle (%)

88

75

Effort de développement des crédits d'éducation artistique et culturelle dirigés vers les territoires prioritaires (coefficient)

5,72

5,09

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

MISSION « DÉFENSE »

m. dominique de legge, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 305

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 310

1. Une sincérisation de la dotation Opex-Missint toujours perfectible, alors que l'application du principe de solidarité interministérielle n'est toujours pas effective 310

2. Un effort d'investissement nécessaire entrainant une augmentation des restes à payer, dont la soutenabilité suppose le respect de la trajectoire fixée par la LPM 313

3. Une résorption de la sous-exécution des dépenses de personnel, ne masquant pas les difficultés structurelles de recrutement et de fidélisation des armées 316

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

En 2019, contribution au CAS (compte d'affectation spéciale) « Pensions » comprise, les dépenses de la mission « Défense » se sont élevées à 51,38 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 44,87 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit un taux de consommation s'élevant à 93,14 % en AE et 99,99 % en CP. Il convient de relever que les dotations prévues en loi de finances initiale sont identiques à celles prévues par la loi de programmation des finances publiques.

Entre 2018 et 2019, les dépenses ont augmenté de 12,5 % en AE et de 3,6 % en CP . Les AE de la mission connaissant une progression très significative, de près de 16 % (+ 7,4 milliards d'euros). La forte augmentation des AE exécutées pour le programme 178 « Préparation et emploi des forces » (+55,8 %) s'explique notamment par le lancement de nouveaux marchés dans le cadre de la réforme du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques lancée en 2018.

Évolution des dépenses de la mission « Défense »
en autorisations d'engagement

(en euros)

Exécution 2018

Prévision 2019

Exécution 2019

Taux d'exécution

Évolution

144 - Environnement et prospective de la politique de défense

1 435 018 485

1 629 077 470

1 550 831 430

95,20%

8,07%

178 - Préparation et emploi des forces

8 728 665 886

15 318 907 249

13 600 330 813

88,78%

55,81%

212 - Soutien de la politique de défense

23 034 105 749

23 669 075 808

23 182 781 980

97,95%

0,65%

146 - Équipement des forces

12 483 221 589

14 541 205 657

13 042 270 363

89,69%

4,48%

Total

45 681 011 709

55 158 266 184

51 376 214 586

93,14%

12,47%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses de la mission « Défense »
en crédits de paiement

(en euros)

Exécution 2018

Prévision 2019

Exécution 2019

Taux d'exécution

Évolution

144 - Environnement et prospective de la politique de défense

1 394 974 330

1 476 379 721

1 459 066 096

98,83%

4,59%

178 - Préparation et emploi des forces

8 962 768 820

9 119 924 036

9 427 197 760

103,37%

5,18%

212 - Soutien de la politique de défense

22 919 129 385

23 464 805 891

23 152 784 369

98,67%

1,02%

146 - Équipement des forces

10 009 685 339

10 956 974 052

10 826 908 082

98,81%

8,16%

Total

43 286 557 874

45 018 083 700

44 865 956 307

99,66%

3,65%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'augmentation des AE entre 2018 et 2019 résulte pour l'essentiel d'une hausse des dépenses de titre 3 (fonctionnement), en augmentation de 36 % , et de titre 2 (personnel), en augmentation de près de 1 % .

Les crédits d'investissement (titre 5) présentent un niveau d'exécution particulièrement faible de 73,3 % en AE et 88,2 % en CP. Cette sous-exécution résulte de la sous-réalisation des investissements immobiliers du ministère et des retards pris dans certains grands programmes d'armement (- 370 millions d'euros sur l'OS Programmes à effet majeur).

Comme en 2018, la sous-exécution des crédits de la mission est principalement due à la sous-consommation des crédits de personnel.

En revanche, les crédits de fonctionnement présentent une sur-exécution , en partie due au financement de la dotation des surcoûts au titre des opérations extérieures et des missions intérieures (Opex-Missint) ainsi qu'à une sur-consommation des ressources allouées à la maintenance de l'armement terrestre.

Évolution des dépenses en autorisations d'engagement par titre

(en euros)

Exécution 2018

Prévision 2019

Exécution 2019

Taux d'exécution

Évolution

Titre 2

20 364 960 481

20 810 578 310

20 566 430 366

98,83%

0,99%

Titre 3

13 422 331 468

18 258 671 417

18 393 908 512

100,74%

37,04%

Titre 4

Titre 5

11 520 256 401

15 752 679 105

12 024 279 789

76,33%

4,38%

Titre 6

351 234 014

330 696 291

340 933 317

103,10%

-2,93%

Titre 7

22 229 337

5 641 061

50 662 601

898,10%

127,91%

Total

45 681 011 701

55 158 266 184

51 376 214 585

93,14%

12,47%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En CP, la hausse constatée est principalement imputable à une augmentation des dépenses de fonctionnement et d'investissement .

Évolution des dépenses en crédits de paiement par titre

(en euros)

Exécution 2018

Prévision 2019

Exécution 2019

Taux d'exécution

Évolution

Titre 2

20 364 960 481

20 810 578 310

20 566 430 366

98,83%

0,99%

Titre 3

13 577 770 295

12 735 313 501

14 098 309 075

110,70%

3,83%

Titre 4

Titre 5

8 962 717 090

11 105 429 101

9 797 913 998

88,23%

9,32%

Titre 6

332 523 033

332 926 453

332 164 192

99,77%

-0,11%

Titre 7

48 586 975

33 336 335

71 138 675

213,40%

46,42%

Total

43 286 557 874

45 017 583 700

44 865 956 306

99,66%

3,65%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En gestion, les crédits ont principalement été modifiés par la loi de finances rectificative pour 2019 101 ( * ) . Cette dernière a procédé à une ouverture de crédits de 214 millions d'euros intégralement gagée par des annulations d'un montant de 284 millions d'euros et portant sur les réserves des programmes 144, 146 et 212 hors titre 2, visant à assurer le financement du surcoût Opex-Missint.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2019

(en CP, en millions d'euro, CAS « Pensions » inclus)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une sincérisation de la dotation Opex-Missint encore perfectible, alors que l'application du principe de solidarité interministérielle n'est toujours pas effective

La loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 102 ( * ) devrait mettre progressivement un terme à la sous-budgétisation chronique du financement des Opex-Missint en prévoyant une revalorisation échelonnée du montant de la provision destinée au financement des surcoûts des Opex .

Celle-ci est ainsi passée de 450 millions d'euros en 2017 à 1,1 milliard d'euros à compter de 2020 , selon la chronique figurant dans le tableau ci-après.

Évolution de la provision destinée au financement du surcoût des Opex

(en millions d'euros)

2019

2020

2021

2022

2023

850

1 100

1 100

1 100

1 100

Source : article 4 de la LPM 2019-2025

Cet effort de « sincérisation » a été entamé dès 2018, la loi de finances pour 2018 ayant réévalué la provision Opex-Missint de 200 millions d'euros , son montant passant de 450 millions d'euros à 650 millions d'euros. Cet effort s'était toutefois révélé insuffisant.

Conformément aux dispositions de la LPM, la loi de finances pour 2019 avait inscrit un niveau de crédits au titre du surcoût des Opex s'élevant à 850 millions d'euros.

En 2019, les besoins de financements additionnels se sont élevés à 406 millions d'euros, soit le niveau le plus bas observé depuis 2012 alors que les surcoûts constatés sont au niveau le plus élevé depuis 2011 (à l'exclusion de l'année 2017).

Comme l'avait prévu le rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 103 ( * ) , compte tenu du niveau de consommation des années antérieures, cette provision totale de 850 millions d'euros a été significativement dépassée, la dépense au titre des Opex et des Missint s'élevant in fine à 1,39 milliard d'euros .

L'écart à la prévision reste significatif, même s'il est largement inférieur à celui constaté lors de l'exécution 2017 .

Évolution des surcoûts Opex et Missint

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données de la direction du budget

Comme en 2018, la couverture des besoins de financements a été intégralement assurée par la mission « Défense », au moyen d'un redéploiement interne à la mission à hauteur de 192 millions d'euros 104 ( * ) et une ouverture de crédits en loi de finances rectificative de 214 millions d'euros, intégralement gagée par des annulations d'un montant de 284 millions d'euros portant sur la réserve de précaution.

Par comparaison avec les exercices 2017 et 2018, le montant de ces annulations est resté contenu et n'a imposé aucune déprogrammation de dépenses, notamment en matière de programmes d'armement. Les 166,9 millions d'euros prélevés dans la réserve du programme 146 « Préparation et emploi des forces » ont été absorbés en gestion par des retenues d'acomptes et de pénalités et des reports de paiements consécutifs à l'engagement retardé d'actes contractuels en décembre 2019.

Le rapporteur spécial regrette toutefois que la solidarité interministérielle n'ait pas été mobilisée en 2019, la contribution de la mission « Défense » y étant même positive dans la mesure où le solde des ouvertures et annulations de la mission est négatif à hauteur de 70 millions d'euros. Il rappelle également que la compensation intégrale au sein de la mission « Défense », par des annulations et reploiements, des ouvertures de crédits nécessaires au financement du surcoût résultant des Opex et des Missint est contraire au principe de financement interministériel figurant à l'article 4 de la précédente loi de programmation militaire et repris dans la loi de programmation militaire 2019-2025, aux termes duquel « en gestion, les surcoûts nets [...] non couverts par cette provision font l'objet d'un financement interministériel. Hors circonstances exceptionnelles, la participation de la mission Défense à ce financement interministériel ne peut excéder la proportion qu'elle représente dans le budget général de l'État » 105 ( * ) .

Si le mécanisme de solidarité interministérielle devrait avoir moins à jouer à mesure que la dotation budgétaire Opex-Missint sera augmentée, son absence totale entre 2018 et 2019 constitue une contravention flagrante et regrettable de la nouvelle loi de programmation militaire pour sa première année d'application.

Le rapporteur spécial estime que la sincérité de l'évaluation du coût des Opex constitue en réalité la seule vraie solution à cette difficulté chronique . Il note, à cet égard, que la hausse progressive de la provision Opex et Missint prévue dans le projet de loi de programmation militaire, qui passe de 850 millions en 2019 à 1,1 milliard d'euros à compter de 2020, ce qui répond à une demande constante de la commission des finances, va dans le bon sens . Compte tenu des niveaux constatés au cours des dernières années, et sauf réduction significative des engagements français à l'étranger et sur le territoire national, cette hausse ne devrait cependant pas permettre de couvrir l'intégralité des surcoûts. La prévision reste, en effet, largement inférieure à la moyenne des dépenses constatées en la matière entre 2012 et 2018.

Provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures prévue par la loi de programmation militaire 2019-2025 106 ( * )

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Un effort d'investissement nécessaire entrainant une augmentation des restes à payer, dont la soutenabilité suppose le respect de la trajectoire fixée par la LPM

Le montant des restes à payer de la mission « Défense » au 31 décembre 2018, s'élevait, selon le compte général de l'État, à 59,93 milliards d'euros . Les restes à payer ont ainsi augmenté de 12 % entre 2018 et 2019, ce qui est la conséquence immédiate de l'écart croissant entre l'augmentation des AE et celle des CP en entrée de gestion 2019. Cette dynamique se poursuivra en 2020 au vu de la différence entre l'augmentation des CP (+4 %, CAS « Pensions » inclus) et celle des AE (+20 %) ouverts. En conséquence, le ratio de couverture des AE par des CP subit une baisse de 14 points entre 2018 et 2019.

Ratio de couverture des AE par des CP

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les restes à payer de la mission « Défense » constituent en 2019 plus de la moitié des restes à payer de l'État. Les nouveaux engagements pris en 2019 sont liés à la nouvelle commande d'un sous-marin nucléaire d'attaque de classe « Barracuda », à la commande de quatre bâtiments ravitailleurs de forces (BRF), aux travaux d'études et de développement des navires, à la commande de systèmes aériens équipés d'une capacité universelle de guerre électronique (CUGE), à la commande de six Patrouilleurs d'outre-mer (POM), à la commande d'un centre d'entrainement représentatif des espaces de bataille et de restitution des engagements (CERBERE) qui sera déployé au centre d'entrainement en zone urbaine (CENZUB) et à l'avancée de chantiers de maintien en condition opérationnelle (MCO) des forces aériennes, terrestres et navales 107 ( * ) . Par ailleurs, ce montant devrait mécaniquement croître du fait de l'augmentation des investissements prévue par la LPM.

Le rapporteur spécial ne peut que se féliciter du revirement opéré par le Gouvernement, qui a prévu dans la LPM 108 ( * ) que l'article 17 de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 109 ( * ) , qui plafonne le montant des restes à payer de l'État à son niveau de 2017, ne s'applique pas au ministère des armées . Il rappelle l'importance de conserver cette dérogation dans la future LPFP.

Le programme 146 « Préparation et emploi des forces », qui représente près de 70 % des restes à payer de la mission, s'est d'ailleurs fixé une trajectoire déclinée annuellement et exprimée en nombre d'années de ressources nécessaires pour solder les engagements.

Si la trajectoire des restes à payer croît sans discontinuer, le nombre nécessaire d'années de ressources futures reste stable autour de trois ans, ce qui est rendu possible grâce aux crédits supplémentaires prévus en LPM.

Trajectoire des restes à payer du programme 146 « Préparation et emploi des forces » et années de ressources futures nécessaires pour les couvrir

(en millions d'euros et en années)

Source : commission des finances, d'après les données de la Cour des comptes

Le rapporteur spécial relève que la stabilité de cet indicateur, qui garantit la soutenabilité de la mission « Défense » et de l'effort d'investissement qu'elle porte, dépend du respect de la LPM par les LFI futures.

La trajectoire inscrite dans la LPM ne couvre de manière « ferme » que la période 2019-2023 , renvoyant à une clause de rendez-vous le soin de déterminer la trajectoire financière, en matière d'investissements comme pour les autres dépenses, pour les annuités 2024 et 2025 110 ( * ) . Au total, seuls 67 % des besoins exprimés (295 milliards d'euros) sur la période 2019-2025 sont donc couverts de manière ferme par la LPM .

L'effort d'investissement nécessaire réalisé par la mission est donc bienvenu, même si le niveau élevé des restes à payer met en lumière la nécessité de poursuivre cette orientation dans la durée.

3. Une résorption de la sous-exécution des dépenses de personnel, ne masquant pas les difficultés structurelles de recrutement et de fidélisation des armées

En 2019, les crédits de personnel de la mission « Défense » consommés s'élèvent à 20,57 milliards d'euros en AE/CP, CAS « Pensions » inclus, soit un niveau d'exécution inférieur de 1,2 % à celui prévu par la loi de finances.

Cet excédent est principalement dû à une « surdotation structurelle » de 82 millions d'euros résultant des sous-réalisations des schémas d'emploi passés (et donc des moindres consommations de titre 2), comme celle constatée en 2018, ou la sous-consommation, s'élevait à plus de 211 millions d'euros.

Malgré cette sous-consommation, l'année 2019 est marquée par une sur-exécution du schéma d'emploi.

Le schéma d'emploi ministériel était fixé à +450 ETP par la LPM, puis majoré à +956,96 ETP en premier suivi de gestion afin de rattraper les retards passés 111 ( * ) . Le schéma d'emploi 2019 a finalement été réalisé à hauteur de +1 028,95 ETP, soit une sur-exécution de 71,99 ETP.

Cette exécution a permis au ministère de rattraper l'ensemble du retard accumulé depuis le premier schéma d'emploi positif, soit depuis 2016.

Cette évolution ne doit toutefois pas masquer les difficultés structurelles de fidélisation du ministère des armées. La décomposition par catégorie de personnel est en effet déséquilibrée, puisque l'ensemble de ce rattrapage est porté par le personnel civil, dont le schéma d'emploi a été saturé à hauteur de 285,99 ETP.

Schémas d'emplois de la mission « Défense » en 2019

(en ETP)

Source : commission des finances, d'après le ministère des armées

Le personnel militaire, en revanche, continue d'afficher un sous-effectif préoccupant de 214 ETP. Ainsi que l'a rappelé le rapporteur spécial dans son récent rapport d'information 112 ( * ) , la fidélisation des effectifs militaires incorporés, notamment celle des militaires du rang au cours des premières années suivant leur incorporation, constitue la principale difficulté de la mission « Défense » en matière de ressources humaines et détermine la capacité de l'institution à remplir ses objectifs opérationnels. Une attention particulière devra donc être portée, dans les années à venir, à la réalisation des schémas d'emploi des effectifs militaires.

MISSION « DIRECTION DE L'ACTION
DU GOUVERNEMENT »
ET BUDGET ANNEXE « PUBLICATIONS OFFICIELLES
ET INFORMATION ADMINISTRATIVE »

m. michel canévet, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. MISSION « DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT » 321

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 321

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 323

1. Des dépenses de fonctionnement des services du Premier ministre une nouvelle fois supérieures aux prévisions initiales 323

2. Une prise en charge financière des anciens présidents de la République stable 324

3. Une dégradation importante des délais de traitement des dossiers par certaines autorités de protection des droits et libertés 325

II. BUDGET ANNEXE « PUBLICATIONS OFFICIELLES ET INFORMATIONS ADMINISTRATIVES » 327

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE EN 2019 327

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 328

1. Une sous-estimation récurrente des recettes du budget annexe 328

2. Un rythme de réduction des effectifs plus soutenu que prévu 330

3. Un maintien discutable de l'existence du budget annexe 331

I. MISSION « DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

La mission « Direction de l'action du Gouvernement » regroupe diverses entités rattachées au Premier ministre : outre les services du Premier ministre à proprement parler (programme 129 - Coordination du travail gouvernemental), y figurent neuf autorités administratives indépendantes et assimilées (programme 308 - Protection des droits et libertés), ainsi que, jusque fin 2019, divers services interministériels déconcentrés (programme 333 - Moyens mutualisés des administrations déconcentrées 113 ( * ) ).

La loi de finances initiale pour 2019 prévoyait, hors fonds de concours et attributions de produits, 1,43 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1,33 milliard d'euros de crédits de paiement (CP) au titre de la mission.

La consommation des crédits de la mission s'est élevée à 1,29 milliard d'euros en AE et 1,24 milliard d'euros en CP , soit un taux d'exécution de 90 % en AE et 94 % en CP (contre respectivement 83 % et 94 % en 2018).

Exécution des crédits de la mission par programme en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits consommés en 2018

Crédits votés en LFI 2019

Crédits disponibles en 2019

Crédits consommés en 2019

Exécution 2019 / exécution 2018

Taux d'exécution 2019 par rapport à la prévision LFI

129 - Coordination du travail gouvernemental

AE

615,2

682,5

668,5

603,7

- 1,9 %

89 %

CP

635,4

690,3

683,6

612,2

- 3,8 %

89 %

308 - Protection des droits et libertés

AE

91,9

97,1

97,9

94,7

+ 3,1%

97 %

CP

92,8

98,3

98,3

94,4

+ 1,7 %

96 %

333 - Moyens mutualisés des administrations déconcentrées

AE

630,1

651,9

651,9

591,4

- 6,5 %

91 %

CP

658,2

537,5

543,1

536,4

- 22,7 %

99 %

Total de la mission

AE

1 337,2

1 431,5

1 418,3

1 289,8

- 3,7 %

90 %

CP

1 386,3

1 326,1

1 325,0

1 243,0

- 11,5 %

94 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En comparaison avec l'exercice 2018, la consommation de crédits diminue de 47,4 millions d'euros en AE (-3,7 %) et 143,3 millions d'euros en CP (-11,5 %). Cette diminution résulte principalement de la suppression des loyers budgétaires sur le programme 333 , laquelle représentait en 2018 une dépense de 135,1 millions d'euros.

À périmètre constant, la consommation des crédits sur la mission augmente en réalité de 114 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP par rapport à l'exercice 2018 . Cette augmentation résulte essentiellement :

- d'une part, de la hausse des dépenses de fonctionnement et d'investissement du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (11 millions d'euros), en particulier dans le cadre de la montée en puissance de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) ;

- d'autre part, de la hausse des dépenses de fonctionnement des directions départementales (14 millions d'euros), notamment en matière informatique.

Évolution des crédits de paiement de la mission
« Direction de l'action du Gouvernement » depuis 2014

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

La principale sous-exécution au sein de la mission concerne l'action 02 Coordination de la sécurité et de la défense du programme 129, qui regroupe principalement les crédits du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Cette action apparaît ainsi constamment sur-budgétisée, avec un taux d'exécution de seulement 75 % en CP et 77 % en AE (soit un écart de -99 millions d'euros entre la prévision en loi de finances initiale et les crédits effectivement consommés en 2019). Une part non-négligeable (75,5 millions d'euros en AE et en CP) de cette faible exécution est liée au financement de projets interministériels liés à la sécurité nationale, centralisé par le SGDSN et réalisé par des transferts de crédits sortants à destination d'autres ministères, en particulier le ministère de l'intérieur et celui des armées.

L'exécution budgétaire de la mission s'est en outre caractérisée par une mise en réserve (3 % hors titre 2) identique à 2018 et des dépenses de personnel également stables (222,2 millions d'euros) .

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des dépenses de fonctionnement des services du Premier ministre une nouvelle fois supérieures aux prévisions initiales

Comme avait pu le signaler le rapporteur spécial dans ses précédents rapports, la sincérité budgétaire du programme 129 Coordination du travail intergouvernemental est affectée par d'importants mouvements de crédits en cours de gestion qui, s'ils respectent la lettre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), n'en respectent pas tout à fait l'esprit, eu égard à leur caractère récurrent.

Il s'interroge ainsi sur l'utilisation, par les services du Premier ministre, de la fongibilité des crédits 114 ( * ) entre les actions du programme 129 au cours de l'exécution budgétaire. Si les actions 01 et 02 font l'objet d'une sous-exécution récurrente 115 ( * ) , il n'en va pas de même de l'action 10 Soutien , qui regroupe principalement les dépenses de fonctionnement des services du Premier ministre et laisse apparaître une nouvelle fois une importante sur-exécution (111 %), à hauteur de 10 millions d'euros.

Il s'étonne ainsi que l'écart récurrent constaté entre les prévisions en loi de finances initiale et l'exécution annuelle des crédits sur le programme 129 n'ait pas encore été corrigé, en particulier s'agissant des frais de déplacement du Premier ministre, estimés à 1,4 million d'euros et qui se sont finalement élevés à 4,3 millions d'euros.

À cet égard, le rapporteur spécial tient par ailleurs à souligner de nouveau le manque de précision des informations fournies par les documents budgétaires , en particulier en comparaison de celles fournies concernant les frais de déplacement de la présidence de la République. S'agissant du Premier ministre, les annexes budgétaires se contentent ainsi d'indiquer que les frais de déplacement « intègre[nt] notamment le coût des vols gouvernementaux, pour un montant de 1,8 million d'euros ». À l'inverse, les frais de déplacement de la présidence de la République sont détaillés de manière exhaustive au sein des annexes budgétaires de la mission Pouvoirs publics ,  mentionnant par exemple le nombre et la destination des vols effectués et distinguant les frais de transport de ceux d'hébergement.

2. Une prise en charge financière des anciens présidents de la République stable

Dans un souci de transparence, le rapporteur spécial a souhaité s'intéresser plus spécifiquement aux moyens alloués par l'État aux anciens présidents de la République et aux anciens Premiers ministres. Ceux-ci sont en effet gérés par les services du Premier ministre et sont, à ce titre, rattachés à la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Les moyens alloués aux anciens présidents de la République ont été redéfinis par le décret n°2016-1302 du 4 octobre 2016 , relatif au soutien matériel et en personnel apporté aux anciens Présidents de la République.

Ce décret prévoit :

- la mise à disposition de sept collaborateurs (dont un directeur de cabinet du niveau de la catégorie A supérieure et trois collaborateurs du niveau de la catégorie A) et de deux agents de service ; à l'issue d'un délai de cinq ans, le nombre de collaborateurs est réduit à trois plus un agent de service ;

- la mise à disposition de locaux meublés et équipés , dont le loyer, les charges et les frais généraux sont pris en charge par l'État ;

- la prise en charge des frais liés aux anciennes fonctions, notamment des frais de déplacement , pour eux-mêmes et pour un collaborateur.

Comme le détaille le tableau infra , cette prise en charge s'est élevée, tous présidents confondus, à un total de près de 2,5 millions d'euros en 2019, contre 2,6 millions d'euros en 2018.

Dépenses relatives aux anciens présidents de la République en 2018 et 2019

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre

Interrogée par le rapporteur spécial sur les dépenses relatives à la prise en charge des anciens Premiers ministres, l'administration n'a en revanche pas répondu dans les délais impartis, ce que le rapporteur ne peut que déplorer.

3. Une dégradation importante des délais de traitement des dossiers par certaines autorités de protection des droits et libertés

L'examen des indicateurs de performance relatifs aux délais moyens d'instruction des dossiers par la CNIL et la CADA 116 ( * ) vient confirmer les craintes exprimées par respectivement par leur présidente et président, que le rapporteur spécial avait auditionnés en 2019.

S'agissant de la CNIL , le délai moyen de première réponse aux saisines reçues par le service des plaintes est ainsi passé de 128 jours en 2018 à 144 jours en 2019 , soit bien au-delà des 80 jours prévus par le projet annuel de performances (PAP) pour 2019. Cette hausse importante s'explique notamment par l' augmentation rapide du nombre de plaintes adressées à la CNIL (14 000 en 2019 contre 11 000 en 2018), ainsi que par l'entrée en application du règlement général de protection des données (RGPD).

Il en va de même s'agissant de la CADA , qui a vu le délai moyen de traitement de ses dossiers quasiment doubler entre 2017 et 2019, passant de 94 à 179 jours.

Évolution du délai moyen d'instruction des dossiers par deux autorités administratives indépendantes au cours de l'année 2019

(en jours)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Cette hausse des délais de traitement intervient alors même que les moyens humains alloués à la CNIL avaient augmenté de 15 ETP en 2019, et doivent augmenter de 10 ETP en 2020, ainsi que de 1 ETP s'agissant de la CADA.

Le rapporteur spécial restera donc particulièrement attentif à l'adéquation des moyens mis à la disposition de la CNIL et de la CADA au regard des missions croissantes qui leur incombent.

II. BUDGET ANNEXE « PUBLICATIONS OFFICIELLES ET INFORMATIONS ADMINISTRATIVES »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE EN 2019

Le budget annexe « Publications officielles et information administrative » est géré par la direction de l'information légale et administrative (DILA), qui a pour principales missions la diffusion légale, l'édition publique et l'information administrative.

La loi de finances initiale pour 2019 prévoyait 176 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 166 millions d'euros en crédits de paiement (CP) .

La consommation des crédits du budget annexe pour l'année 2019 s'est élevée à 140 millions d'euros en AE comme en CP, ce qui correspond à des taux d'exécution (80 % en AE et 84 % en CP) similaires aux exercices précédents.

Dépenses globales
du budget annexe en 2019

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Prévision (loi de finances initiale pour 2019)

176,0

166,0

Exécution

140,1

139,7

Taux d'exécution (par rapport à la prévision LFI 2019)

80 %

84 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Comme les années passées, la moindre consommation des crédits du budget est notamment liée à une sous-exécution particulièrement importante des crédits du programme 623 Edition et diffusion (63 % en AE et 74 % en CP), qui regroupe l'ensemble des activités dites « métiers » de la DILA (imprimerie, documentation, action commerciale, maintenance des outils de production, etc.). Cette sous-exécution tient notamment aux moindres dépenses de l'action 02 Information administrative, édition publique et promotion , qui a mobilisé seulement 56 % (- 25 millions d'euros par rapport aux prévisions) des crédits prévus en LFI en AE et 73 % en CP (-12,6 millions d'euros).

Exécution des crédits du budget annexe par programme en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2018

Crédits votés en LFI 2019

Crédits exécutés en 2019

Taux d'exécution par rapport à la prévision LFI

623 - Edition et diffusion

AE

37,62

62,2

39,5

56 %

CP

35,60

52,5

39,0

73 %

624 - Pilotage et ressources humaines

AE

111,53

113,8

100,6

88 %

CP

110,96

113,5

100,6

88 %

Total du budget annexe

AE

149,15

176,0

140,1

80 %

CP

146,55

166,0

139,7

84 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

D'après les informations fournies dans les documents budgétaires, cette moindre consommation provient notamment :

- d'une part, de l'arrêt de certaines activités, telles que l'édition de la revue « Documentation photographique » ou l'adossement d'une partie du service de renseignement téléphonique (Allô service public 3939) au site service-public.fr ;

- d'autre part, d'économies ayant pu être réalisées sur l'entretien des bâtiments, grâce aux programmes de rénovation menés ces dernières années sur le site de Desaix.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une sous-estimation récurrente des recettes du budget annexe

Ainsi que l'avait déjà souligné le rapporteur spécial dans son rapport sur la précédente loi de règlement, faisant écho à la Cour des comptes, « la sous-exécution constatée chaque année du budget voté en LFI devrait conduire la DILA à revoir le socle sur lequel elle fonde ses prévisions budgétaires ». Ce constat est particulièrement vrai s'agissant des recettes du budget annexe.

Après des baisses successives de 2013 à 2017, les recettes du budget annexe se sont situées, pour la deuxième année consécutive, à un niveau bien plus élevé que celui anticipé par la loi de finances initiale : 198,1 millions d'euros , soit une hausse de 1,7 million d'euros par rapport à l'exercice 2018. Cette nouvelle hausse des recettes intervient alors qu'une baisse significative de 8 millions d'euros était attendue, en raison notamment de la gratuité de la publication au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) pour les créations par reprise d'entreprise instaurée par la loi Pacte, qui aurait dû entraîner une baisse de recettes de 6,2 millions d'euros.

Évolution (2013-2019) des recettes du budget annexe

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Le solde du budget annexe progresse ainsi de 8,6 millions d'euros par rapport à l'année 2018, pour constituer un excédent total de 58,5 millions d'euros , une nouvelle fois bien au-delà de la prévision réalisée dans le cadre de la loi de finances initiale.

Évolution (2013-2019) du solde du budget annexe

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Eu égard à l'écart croissant constaté entre les prévisions et les réalisations de recettes ces deux dernières années, le rapporteur spécial invite donc la DILA à revoir à la hausse ses prévisions de recettes en vue du prochain exercice budgétaire.

2. Un rythme de réduction des effectifs plus soutenu que prévu

Le programme 624 Pilotage des ressources humaines , qui regroupe la totalité des dépenses de personnel de la DILA ainsi que celles de la SACIJO (Société anonyme de composition et d'impression du Journal officiel), a vu seulement 88 % de ses crédits consommés, en AE comme en CP. Cet écart découle principalement d'un rythme de réduction des effectifs plus rapide qu'anticipé par la loi de finances initiale .

Dans la continuité de la politique de réduction des effectifs engagée par la DILA en 2015, les effectifs de la DILA ont diminué de 42 ETP en 2019 , tandis que le schéma prévisionnel prévoyait une diminution de 38 ETP seulement. Les dépenses de personnel du budget annexe s'élèvent ainsi à un total de 62,9 millions d'euros en 2019, soit une diminution de 3,3 millions d'euros par rapport à 2018.

Réduction des effectifs de la DILA depuis 2016

(en ETP)

Année

2016

2017

2018

2019

Baisse

-20

-68

-66

-42

Source : commission des finances du Sénat (à partir des documents budgétaires)

Le rapporteur spécial salue ainsi les efforts de gestion menés par la DILA et l'encourage à poursuivre la réduction de ses effectifs , dans un contexte de transformation numérique de la plupart de ses activités.

3. Un maintien discutable de l'existence du budget annexe

À l'instar de la Cour des comptes 117 ( * ) , le rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence du maintien des crédits du budget annexe Publications officielles et information administrative en dehors du budget général de l'État , dans un contexte de décorrélation croissante entre les recettes de la DILA et les activités financées par ces dernières.

En effet, conformément à la loi organique relative aux lois de finances, les budgets annexes retracent « les seules opérations des services de l'État (...) résultant de leur activité de production de biens ou de prestation de services donnant lieu au paiement de redevances, lorsqu'elles sont effectuées à titre principal par lesdits services ». Or, si elle tire bien près de 97 % de ses ressources des recettes d'annonces légales (BOAMP et BODACC 118 ( * ) ), la DILA n'en exerce pas moins, le plus souvent à titre gratuit, un nombre croissant d'activités (impression, édition, services numériques) sans lien avec le domaine des annonces légales.

À moyen terme, le budget annexe pourrait donc être supprimé et voir ses composantes intégrées au budget général, au sein de la mission Direction de l'action du Gouvernement , qui regroupe l'ensemble des entités rattachées au Premier ministre, dont dépend également la DILA.

MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT
ET MOBILITÉ DURABLES »,
CAS « AIDE À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES », « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE » ET « FACÉ »

m. jean-françois husson, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 335

1. Une augmentation des crédits de la mission par rapport à 2018 335

2. Une mission peu concernée par des mesures de régulation budgétaire en 2019 337

3. Un plafond d'emplois bien respecté 338

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 340

1. D'importants mouvements de crédits à destination du programme 174, pour faire face à la sous-budgétisation de la prime à la conversion 340

2. Un coût des dépenses fiscales qui représente le tiers des crédits de paiement de la mission en 2019 et s'élève à 4,7 milliards d'euros 341

3. Un poids important des dépenses extrabudgétaires pour le financement des politiques publiques portées par la mission 344

III. LES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE : LE PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE » ET LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE » 345

1. Un programme 345 « Service public de l'énergie » marqué en 2019 par la distribution d'un chèque énergie à 5,7 millions de ménages 346

2. Les crédits consommés du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » ont poursuivi leur progression en 2019 349

IV. DES AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES DONT LE MONTANT A PLUS QUE DOUBLÉ EN 2019 352

1. Le montant des aides à l'acquisition de véhicules propres a dépassé le milliard d'euros en 2019 354

2. Des recettes du malus en net retrait de - 19,2 % par rapport à 2018 356

3. Les bonus ont pour la première fois en 2019 excédé les prévisions, avec plus de 50 000 aides à l'acquisition de véhicules électriques distribuées 358

4. 376 831 primes à la conversion ont été distribuées en 2019, pour un coût budgétaire en hausse de 125,6 % par rapport à 2018 360

V. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE (FACÉ) » 363

1. Le compte d'affectation spéciale FACÉ permet le financement d'aides à l'électrification rurale 363

2. Une nette augmentation de la consommation des crédits de paiement en 2019 en raison d'une sensibilisation des AODE à la nécessité de demander des acomptes au fil de l'avancement des travaux 364

3. La sur-exécution des crédits du programme 193 témoigne d'une amélioration constante de la gestion du FACÉ 366

4. Le problème de la sous-exécution systématique des crédits du programme 794 n'a pas été résolu en 2019, même s'il s'est légèrement atténué grâce à la baisse des crédits prévus en loi de finances initiale 368

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

1. Une augmentation des crédits de la mission par rapport à 2018

En loi de finances initiale pour 2019, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » bénéficiait de 14,4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 14,3 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), soit respectivement 1,3 milliard d'euros d'autorisations d'engagement et 765 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires par rapport à 2018.

Exécution des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » par programme en 2019, y compris fonds de concours
et attributions de produits

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Exécution 2019 / exéc. 2018

(en %)

Exécution 2019 / LFI 2019

(en %)

203 «Infrastructures et services de transport »

AE

4 950,1

5 418,0

5 415,2

+ 9,4 %

- 0,1 %

CP

5 399,1

5 265,5

5 221,8

- 3,3 %

- 0,8 %

205 «Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture »

AE

160,4

170,5

167,4

+ 4,4 %

- 1,8 %

CP

162,8

164,8

157,3

- 3,4 %

- 4,5 %

113 «Paysages, eau et biodiversité»

AE

150,1

175,6

167,0

+ 11,2 %

- 4,9 %

CP

150,8

171,8

159,4

+ 5,7 %

- 7,2 %

159 «Information géographique et cartographique»

AE

512,2

513,2

507,3

- 0,9 %

- 1,1 %

CP

507,4

513,2

507,9

+ 0,1 %

- 1,0 %

181 «Prévention des risques»

AE

794,6

847,5

800,0

+ 0,7 %

- 5,6 %

CP

792,9

841,4

811,5

+ 2,4 %

- 3,5 %

174 «Énergie, climat et après-mines»

AE

442,8

996,2

1 174,5

+ 165,2 %

+ 17,9 %

CP

502,6

996,2

1 227,1

+ 144,2 %

+ 23,2 %

345 « Service public de l'énergie »

AE

3 096,1

3 297,5

3 815,0

+ 23,2 %

+ 15,7 %

CP

2 976,7

3 319,4

3 248,6

+ 9,1 %

- 2,1 %

217 «Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables»

AE

2 979,6

2 973,5

2 952,6

- 0,9 %

- 0,7 %

CP

3 025,2

3 011,0

2 991,2

- 1,1 %

- 0,7 %

Total

AE

13 086,0

14 392,0

14 999,0

+ 14,6 %

+ 4,2 %

CP

13 517,4

14 283,2

14 324,9

+ 6,0 %

+ 0,3 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette hausse traduisait en partie l'augmentation des moyens alloués aux politiques portées par la mission en 2019, notamment :

- la dynamique importante des dépenses portées par le programme 345 « Service public de l'énergie » , qu'il s'agisse des dispositifs liés à la péréquation tarifaire en faveur des zones non interconnectées, du soutien à la cogénération, de la budgétisation de dépenses liées à la fermeture de la centrale de Fessenheim ou de la montée en puissance du chèque énergie (5,7 millions de bénéficiaires en 2019 contre 3,6 millions en 2018 119 ( * ) ) ;

- l'augmentation des moyens alloués au programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » , en raison du financement du « plan biodiversité » ;

- l'intégration du dispositif de la prime à la conversion au programme 174 « Énergie, climat et après-mines », dispositif jusqu'alors financé par le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres ».

Les dépenses de la mission en 2019 s'élèvent, en exécution, à 15 milliards d'euros en AE et à 14,3 milliards d'euros en CP, ce qui représente des augmentations respectives de 14,6 % et de 6 % par rapport à l'exécution 2018 . Le taux de consommation des crédits s'élève donc à 104 % des AE et 100,3 % des CP votés.

Le programmes 174 « Énergie, climat et après-mines » présente une consommation d'AE et de CP supérieure aux crédits votés, en raison principalement d'une sous-budgétisation du dispositif de la prime à la conversion (cf. infra ).

Certains programmes enregistrent quant à eux une sous-exécution des crédits votés. S'agissant du programme 113, près de 160 millions d'euros ont été consommés en 2019, soit près de 6 % de plus qu'en 2018 - mais 7 % de moins que les prévisions inscrites en loi de finances initiales. 9 millions d'euros de CP ont en effet été annulés en loi de finances rectificative.

La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 fixe à 10,55 milliards d'euros le plafond des crédits de la mission pour 2019 (hors CAS Pensions). Les changements opérés en 2019 sur le périmètre de la mission ne permettent pas d'analyser le respect de l'annuité 2019 telle que prévue par la loi de programmation. Ce montant est nécessairement sur-exécuté, dès lors qu'il correspond à l'exécution 2018, hors CAS Pensions. Toutefois, les perspectives de dépenses pour les années à venir appellent à une grande vigilance car certains programmes, en particulier le programme 345, connaissent une dynamique haussière. S'agissant par exemple du programme 345, toutes les actions sont concernées par cette tendance à la hausse : les mesures en faveur des zones non interconnectées, le chèque énergie, le soutien à la cogénération.

2. Une mission peu concernée par des mesures de régulation budgétaire en 2019

Dans le sillage de l'exécution 2018, le taux de mise en réserve initiale des crédits de la mission est relativement faible : il a été maintenu à 3 % hors titre 2 et à 0,5 % pour le titre 2 - à l'exception du programme 174, dont les crédits ont fait l'objet d'une mise en réserve plus importante, de 5 %, ne concernant ni les crédits de prime à la conversion ni les crédits alloués au Grand Plan d'Investissement (GPI). Dès lors, les crédits votés présentent un taux de consommation plus important, renforcé par les moindres annulations de crédits en cours de gestion.

247 millions d'euros en CP hors titre 2 ont été gelés en début d'année, auxquels s'est ajouté le gel d'une partie des reports de crédits, à hauteur de 14 millions d'euros. 20 % ont été libérés en cours de gestion. En AE, hors titre 2, 44 % des 271 millions d'euros gelés ont été libérés. Ainsi, comme en 2018, les crédits réservés n'ont pas fait l'objet d'une annulation intégrale au cours de la gestion 2019.

En outre, la mission n'a fait l'objet d'aucun décret d'avance ou d'annulation : les crédits ont été annulés via la loi de finances rectificative , et au surplus, ont principalement porté sur les crédits mis en réserve. 78,4 millions d'euros d'AE hors titre 2 ont été annulés en 2019 et 80,5 millions d'euros de CP hors titre 2, ce qui représente moins de 1 % des crédits disponibles.

Le rapporteur spécial partage le constat de la Cour des comptes : « ce niveau d'annulation est sans commune mesure par rapport aux années antérieures à 2018 ou même 2018 » 120 ( * ) . Le faible niveau d'annulation permet un meilleur accomplissement des missions du ministère et des opérateurs autant qu'il renforce la sincérité de la budgétisation initiale.

Néanmoins, le calibrage insuffisant des besoins relatifs à la prime à la conversion, budgétée sur le programme 174 en 2019, a entraîné un dépassement des crédits initialement prévus sur le programme et des mouvements réglementaires de crédits : le décret n° 2019-845 du 19 août 2019 a ainsi viré 20 millions d'euros de crédits du programme 345 vers le programme 174 ; ce dernier programme a par ailleurs bénéficié, outre des ouvertures en loi de finances rectificative, d'une ouverture de 70 millions d'euros de crédits par le décret n° 2019-1165 du 12 novembre 2019 afin de permettre à l'Agence de services et de paiement d'assurer le paiement des primes à la conversion (cf. infra ).

3. Un plafond d'emplois bien respecté

Les dépenses de personnel ( titre 2 ), qui représentent 19,5 % des CP exécutés de la mission, sont réparties entre le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement durable et de la mer » et le programme 181 « Prévention des risques », auquel sont rattachées les dépenses de personnel de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). La quasi-totalité des crédits et des emplois sont imputés sur le programme 217 (2,76 milliards d'euros sur 2,8 milliards d'euros) .

Le plafond d'autorisations d'emplois (PAE) a quasiment été respecté. La loi de finances initiale prévoyait un PAE de 39 373. Or, en exécution, il s'est élevé à 39 287 ETPT , soit une sous-exécution de 86 ETPT (moins de 1 % des emplois exécutés), contre une sous-exécution de 78 ETPT en 2018.

Exécution du plafond d'emplois de la mission entre 2017 et 2019

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le plafond d'emplois de la mission a donc connu une diminution de 1 800 ETPT ces trois dernières années. La Cour des comptes rappelle que la diminution du plafond d'emplois s'élève même à près de 47 % depuis 2008, année où le plafond d'emplois atteignait 73 986 ETPT.

Le schéma d'emplois est donc respecté : l'exécution atteint ainsi - 811 équivalents temps plein (ETP) contre une prévision de - 806. La sur-exécution n'est donc que de 5 ETP.

Le rapporteur spécial partage cependant une nouvelle fois les inquiétudes formulées par la Cour des comptes 121 ( * ) s'agissant de la déqualification de la structure des emplois du ministère .

Depuis 2014, la sur-exécution des schémas d'emplois est allée de pair avec un moindre recrutement d'agents de catégories A et B que prévu et davantage de recrutements d'agents de catégorie C. Si ce procédé permet une moindre consommation de crédits de personnel, il participe d'un processus de « dépyramidage » dont les effets en matière de perte de compétences sont particulièrement dommageables en termes de gestion des ressources humaines. Néanmoins, la Cour note que cette tendance est moins marquée en 2019, le schéma des emplois de catégorie A ayant, pour la première fois, été sous-exécuté : depuis 2014, 492 emplois de catégorie A ont été détruits au-delà des cibles pour « créer » 898 emplois de catégorie C.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. D'importants mouvements de crédits à destination du programme 174, pour faire face à la sous-budgétisation de la prime à la conversion

Le programme 174 présente une surconsommation de plus de 23 % des crédits de paiement inscrits en loi de finances initiale pour 2019 122 ( * ) (1,23 milliard d'euros exécutés, contre 996,2 millions d'euros prévus).

En effet, en loi de finances initiale pour 2019, le programme 174 s'est vu doté des crédits consacrés à la prime à la conversion, auparavant budgétés sur le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres » à hauteur de 596 millions d'euros. Or, cette dotation s'est rapidement avérée largement inférieure aux besoins : 824 millions d'euros ont finalement été consommés au titre de la prime à la conversion en 2019. La prime à la conversion représente in fine près des deux tiers des crédits de paiement exécutés sur le programme 174.

228 millions d'euros supplémentaires ont ainsi dû être mobilisés en cours d'année, afin de répondre au succès du dispositif - le barème de la prime a d'ailleurs dû être révisé au 1 er août afin de ralentir les demandes de prime à la conversion. Ces crédits proviennent de redéploiements internes au programme 174 (pour environ 61 millions d'euros) et :

- d'un transfert en provenance du programme 345 « Service public de l'énergie » (20 millions d'euros) ;

- d'une ouverture de crédits en loi de finances rectificative pour 2019 (77 millions d'euros) ;

- de 70 millions d'euros en provenance de la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles.

Ces mouvements ont permis de couvrir l'impasse budgétaire liée aux demandes de primes à la conversion excédant les prévisions réalisées en loi de finances initiale et les crédits disponibles. Or, la loi de finances pour 2019 avait rattaché le financement de la prime à la conversion au programme 174 afin d'en améliorer la gestion : s'il a pu être difficile d'anticiper les demandes de primes à la conversion, le rapporteur spécial reste vigilant quant à la sincérité de la budgétisation de ce dispositif central de la transition énergétique.

2. Un coût des dépenses fiscales qui représente le tiers des crédits de paiement de la mission en 2019 et s'élève à 4,7 milliards d'euros

Les dépenses fiscales rattachées à titre principal à la mission s'élèvent à 4,7 milliards d'euros . Ce montant représente 33 % crédits de paiement votés de la mission .

Évolution des principales dépenses fiscales
rattachées à la mission depuis 2015

(en millions d'euros)

Dépenses fiscales

2015

2016

2017

2018

2019

Évolution 2019/2015

800403

Remboursement d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers

375

425

645

1 143

1 553

+1 178

800404

Remboursement d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par les exploitants de transport public routier en commun des voyageurs

51

84

109

168

219

+168

110222

CITE

874

1 678

1 682

1 948

1 135

+261

800203

Taux réduit de taxe intérieur de consommation pour les butanes et propanes utilisés comme carburant

102

102

102

75

75

-27

800210

Taux réduit de taxe intérieure de consommation au profit des installations intensives en énergie et soumises au régime des quotas d'émission de gaz à effet de serre

110

228

307

903

903

+793

Total des dépenses fiscales
rattachées à la mission

2 100

3 300

3 700

5 047

4 711

+2 611

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Grâce au recentrage opéré en loi de finances pour 2018 123 ( * ) , le coût du CITE enregistre une diminution en 2019 (-813 millions d'euros), mais moindre qu'attendue. De plus, la loi de finances pour 2019 a réintroduit dans le périmètre des dépenses éligibles au crédit d'impôt les fenêtres, qui avaient été exclues au 1 er juillet 2018, avec toutefois des conditions plus strictes.

La loi de finances pour 2020 124 ( * ) a engagé la réforme du CITE , qui n'est plus déterminé en fonction du prix des travaux mais en fonction des économies d'énergie et de la production de chaleur et de froid renouvelable. Un barème permet en effet de forfaitiser le crédit d'impôt en fonction de ces critères et selon le type d'équipement et de prestation. Par ailleurs, en 2020, le CITE est maintenu sous la forme d'un crédit d'impôt pour les ménages aux revenus « intermédiaires », tandis que pour les ménages bénéficiaires des aides de l'ANAH, cette aide est désormais versée sous forme de prime, offrant une « contemporanéité » de l'aide à la réalisation des travaux. Cette prime de rénovation énergétique est désormais budgétisée sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». Le coût du CITE devrait quant à lui progressivement diminuer.

L'augmentation du coût des dépenses fiscales découle par ailleurs des dépenses reposant sur les taxes intérieures de consommation de produits énergétiques (TICPE).

La montée en charge de la « contribution climat-énergie » (CCE ou « taxe carbone »), liée à l'évolution du prix de la tonne du CO 2 prévue par la loi de finances pour 2018, aurait dû entraîner un renchérissement du coût des remboursements et tarifs réduits de TICPE : le coût des dépenses fiscales augmente en effet à mesure que l'écart se creuse entre le taux de TICPE de droit commun et les mécanismes dérogatoires. La suppression de la hausse de la « taxe carbone » à compter du 1 er janvier 2019, mesure prise à l'initiative du Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 , devait entraîner mécaniquement une stabilisation du coût de ces dépenses fiscales à leur niveau de 2018, le niveau de prix de la tonne de carbone étant stabilisé en 2019 à son niveau de 2018. Or, les dépenses fiscales reposant sur la TICPE ont une nouvelle fois augmenté entre 2018 et 2019 (par exemple le remboursement d'une fraction de taxe intérieure de consommation sur le gazole utilisé par certains véhicules routiers, + 410 millions d'euros entre 2018 et 2019).

En tout état de cause, le pilotage de ces dépenses fiscales paraît insuffisant. Aucune dépense fiscale n'a fait l'objet d'une évaluation particulière en 2019. L'initiative de « revue » des dépenses fiscales lancée en 2018, s'est poursuivie en 2019 et a permis, d'après la Cour des comptes, de recenser les dispositifs fiscaux et de les classer par thématique (énergie, transports, pollutions, ...), permettant au ministère de disposer « d'une solide grille de lecture et d'analyse de ces dépenses » 125 ( * ) .

À ce stade, le Parlement ne dispose en effet que d'une information restreinte sur l'efficacité et l'évolution de certaines de ces dépenses, qu'il est amené à créer ou à prolonger, aux montants parfois importants. La création d'un « jaune budgétaire » annexé au projet de loi de finances pour 2020, intitulé « Financement de la transition écologique : les instruments économiques, fiscaux et budgétaires au service de l'environnement et du climat » ne propose à ce stade qu'une « vision consolidée des annexes budgétaires présentées lors des précédents exercices » (p. 7), n'apportant que peu d'informations supplémentaires aux documents budgétaires existant.

Le projet de loi de finances pour 2021 serait en revanche élaboré à partir d'une démarche de construction d'un « budget vert » , s'appuyant sur les travaux de la mission conjointe de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), qui a proposé une méthode en septembre 2019 126 ( * ) afin d'identifier et de classer les dépenses budgétaires et instruments fiscaux selon leurs impacts environnementaux, qu'ils soient positifs ou négatifs. Le rapporteur spécial y apportera une attention particulière.

En effet, comme rappelé par le rapporteur général dans son rapport sur l'efficience des dépenses fiscales en faveur du développement durable, « si certaines dépenses fiscales ont été explicitement créées dans un objectif de protection de l'environnement, à l'instar de celles visant à une amélioration de la performance énergétique des logements, d'autres dispositifs créés pour soutenir certaines activités économiques peuvent avoir des effets environnementaux défavorables parfois peu connus, ou mal évalués » 127 ( * ) .

Les exonérations sectorielles de taxes intérieures de consommation sont, d'après le CGDD, les principales subventions dommageables à l'environnement 128 ( * ) . Or, plus de 50 % des dépenses fiscales de la mission concernent la TICPE.

Le dispositif de remboursement de TICPE protège principalement le secteur des transports , en ciblant les entreprises qui utilisent beaucoup de carburants, comme le transport routier ou encore le transport routier en commun de voyageurs, afin de préserver la compétitivité des entreprises françaises de ces secteurs face à la concurrence internationale.

Toutefois, le rapporteur spécial partage le constat du Commissariat général au développement durable (CGDD), qui, dans une étude récente, affirmait : « apporter une aide à des secteurs peut s'avérer légitime, mais il serait plus efficace que cette aide transite par d'autres canaux (qu'une dépense fiscale) : ainsi, elle ne jouerait pas pour les entreprises de ces secteurs comme une désincitation à limiter leur consommation de carburant, en raison des exonérations qui s'appliquent » 129 ( * ) . Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), dans son rapport sur la fiscalité environnementale 130 ( * ) , porte le même constat et propose que les dépenses fiscales attachées à la TICPE soient réorientées vers des objectifs favorables à l'environnement.

3. Un poids important des dépenses extrabudgétaires pour le financement des politiques publiques portées par la mission

Les 37 opérateurs rattachés à la présente mission 131 ( * ) ont bénéficié en 2019 de 6,85 milliards d'euros de financement en 2019, soit 1,75 milliard d'euros en provenance de crédits budgétaires auxquels s'ajoutent 5,1 milliards d'euros de recettes affectées 132 ( * ) . Ce montant diminue de 4 % par rapport à 2018 (7,1 milliards d'euros de financement en 2018).

Les 13 opérateurs percevant des ressources en provenance du budget général ont bénéficié de 1,5 milliard d'euros de subventions pour charges de service public . Les impôts et taxes affectés aux opérateurs sont d'un montant égal à celui de 2018 (5,1 milliards d'euros).

L es dépenses des opérateurs rattachés à la mission s'élèveraient de façon estimative à 11 milliards d'euros en 2019 (sur la base des budgets prévisionnels des opérateurs de la mission, les montants exécutés ne sont pas connus). D'après les données de la Cour des comptes, les dépenses sur crédits budgétaires de la mission nettes des crédits alloués aux opérateurs et des versements de fonds de concours en provenance de l'AFITF s'élèveraient en 2019 de façon estimative à 10 milliards d'euros.

De ce fait, si l'on s'en tient, pour définir le périmètre de la mission, aux crédits budgétaires inscrits sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (hors crédits des comptes d'affectation spéciale), aux dépenses fiscales rattachées à la présente mission et aux dépenses des opérateurs relevant du même périmètre, les crédits budgétaires ne représentent que 39 % du financement alloué à cette mission .

Ainsi, 61 % des dépenses concourant à la politique publique portée par la mission relèvent désormais de dépenses extrabudgétaires.

Répartition des dépenses concourant
à la politique publique en 2019

(en %)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

III. LES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE : LE PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE » ET LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE »

Dans le cadre de la réforme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) , l'article 5 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a créé le programme 345 « Service public de l'énergie » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ainsi que le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » pour retracer l'ensemble des charges de service public de l'énergie qui contribuent à la transition énergétique de la France.

Le montant total de ces charges, évalué par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), a atteint près de 7 653 millions d'euros en 2019, contre 7 122 millions d'euros en 2019, soit une hausse importante de 531 millions d'euros ( + 7,5 % ).

Les dépenses de soutien aux énergies renouvelables électriques concentrent une partie importante des charges de service public.

Or, si leur montant a légèrement reculé de - 2,8 % en 2019 pour atteindre 4 ,7 milliards d'euros , ces dépenses devraient augmenter à l'avenir en raison d'engagements hérités du passé, ce qui nécessite un suivi particulièrement attentif .

Dans ce contexte, le rapporteur spécial, à l'instar de la Cour des comptes 133 ( * ) , considère qu'il est indispensable que le Gouvernement procède rapidement à une évaluation des coûts des différentes filières de production d'énergies renouvelables , de sorte que les dispositifs de soutien puissent être mieux adaptés et représentent une charge financière moins importante pour les comptes publics.

Comme il l'a déjà écrit les années précédentes, il lui paraît également nécessaire de prévoir que le Parlement puisse se prononcer en amont sur les montants engagés en faveur de ces dispositifs de soutien , au lieu d'être systématiquement placé devant le fait accompli.

1. Un programme 345 « Service public de l'énergie » marqué en 2019 par la distribution d'un chèque énergie à 5,7 millions de ménages

Le programme 345 « Service public de l'énergie » regroupe :

- les charges liées à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain ;

- les crédits du chèque énergie destiné à protéger les ménages en situation de précarité énergétique ;

- le soutien à la cogénération ;

- le budget du médiateur de l'énergie ;

- la compensation du déficit accumulé par l'ancien mécanisme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

3 248,6 millions d'euros ont été consommés au titre de ce programme en 2019, ce qui représente 22,7 % des crédits de paiement de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » .

Cette somme est en forte augmentation de + 9,1 % par rapport aux 2 976,7 millions d'euros consommés en 2018, soit 271,9 millions d'euros supplémentaires consommés.

Cette forte hausse s'explique principalement par l'extension du chèque énergie à 2,1 millions de ménages supplémentaires et par le dynamisme des dépenses de solidarité avec les ZNI .

Le taux d'exécution des crédits est de 97,9 % .

Exécution des crédits votés du programme 345
« Service public de l'énergie » en 2019 (CP)

(en euros)

2018
(exécuté)

2019
(LFI)

2019
(exécuté)

Exécution 2019 / exéc. 2018
(en %)

Exécution 2019 / LFI 2019
(en %)

01- Solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain

1 516 242 177

1 594 851 079

1 703 823 756

+  12,4 %

+  6,8 %

02- Protection des consommateurs en situation de précarité énergétique

669 467 680

840 024 476

751 456 076

+  12,2 %

-  10,5 %

03- Soutien à la cogénération

698 949 021

725 871 151

725 871 151

+ 3,9 %

-

05- Frais de support

87 220 196

62 613 832

62 613 832

-  28,2 %

-

06- Médiateur de l'énergie

4 796 000

5 000 000

4 850 000

+ 1,1  %

- 3,0 %

07- Fermeture de la centrale de Fessenheim

-

91 000 000

-

-

- 100 %

Total programme

2 976 675 074

3 319 360 538

3 248 614 814

+  9,1 %

-  2,1 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Confronté à l'automne 2018 au mouvement des gilets jaunes, le Gouvernement avait décidé de proposer au Parlement d'étendre le bénéfice du chèque énergie aux ménages appartenant aux deux premiers déciles de revenus , ce qui avait porté le nombre de bénéficiaires à 5,7 millions en 2019 contre 3,6 millions en 2018.

Pour financer cette extension, 115 millions d'euros en AE et 100 millions d'euros en CP de crédits supplémentaires avaient été prévus, portant le total des crédits de l'action 02 « Protection des consommateurs en situation de précarité énergétique » à 909,2 millions d'euros en AE et 840,0 millions d'euros en CP.

Pour mémoire, le chèque énergie, qui a été créé par l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte, est une aide sociale attribuée automatiquement sur la base d'un critère fiscal unique qui tient compte à la fois du niveau du revenu fiscal de référence (RFR) et de la composition des ménages (nombre d'unités de consommation, UC). Il remplace les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz .

Un an après sa généralisation à l'ensemble du territoire national (il avait été expérimenté les deux années précédentes dans quatre départements pilotes seulement), le chèque énergie a donc vu le nombre de ses bénéficiaires croître de 2,1 millions de foyers fiscaux .

Les crédits exécutés de l'action 02 ont représenté respectivement 910,8 millions d'euros en AE et 751,5 millions d'euros en CP. Sur cette somme, 849,9 millions d'euros en AE et 694,6 millions d'euros en CP correspondent au chèque énergie stricto sensu 134 ( * ) .

En autorisations d'engagement (AE), 839,7 millions d'euros de chèques énergie ont été émis à l'intention de 5,7 millions de foyers fiscaux au titre de l'année 2019 contre 539,7 millions d'euros de chèques envoyés à 3,6 millions de foyers fiscaux en 2018, ce qui représente une augmentation de 300 millions d'euros ( + 55,6 % ).

En outre, 10,2 millions d'euros de chèques énergie ont été émis au titre du financement de l'aide spécifique aux résidences sociales .

Les 694,6 millions d'euros de CP dépensés au titre du chèque énergie en 2019 ont permis de rembourser : 4 046 451 chèques énergie de la campagne 2019 ; 335 043 chèques de la campagne 2018 ; 289 chèques de la campagne 2017  et 23 chèques de la campagne 2016. Ils ont également permis d'accompagner 51 483 logements au titre de l'aide spécifique aux résidences sociales.

Le taux d'usage final du chèque énergie en 2019 , qui constitue le seul indicateur de performance du programme 345, ne sera définitivement connu qu'au mois de juillet 2020. La prévision actualisée est actuellement de 86 % d'utilisation , un chiffre nettement en retrait par rapport à la cible de 95 % de taux d'utilisation . Si cette prévision se réalise, elle marquerait néanmoins une progression significative de ce taux d'usage , puisqu'il n'était que de 78,4 % en 2018.

À noter qu'à compter de 2020 les crédits du chèque énergie ont été transférés au programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

Le poste majeur de dépenses du programme 345 demeure la solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain , qui permet d'offrir aux consommateurs qui vivent dans ces territoires des prix de l'électricité comparables à ceux de la France métropolitaine.

Les crédits consacrés à ce mécanisme de péréquation ont connu une forte hausse de 12,4 % entre 2018 et 2019, passant de 1 516,3 millions d'euros à 1 703,8 millions d'euros , soit 187,6 millions d'euros supplémentaires .

Le rapporteur spécial note également que ce poste de dépense a fait l'objet d'une surexécution de 108,9 millions d'euros ( + 6,8 % ) en 2019. Ce phénomène s'explique par le fait que les montants décaissés en 2019 correspondaient pour 323 millions d'euros au solde des charges pour 2018, auxquels s'ajoutaient 1 381 millions d'euros de charges pour 2019. 222 millions d'euros ont ensuite fait l'objet d'un dernier versement aux opérateurs en janvier 2020 et seront donc comptabilisés en 2020.

Les crédits destinés à la solidarité avec les ZNI devraient du reste poursuivre leur rapide augmentation en 2020 pour atteindre 1 760,7 millions d'euros .

S'il est difficile d'agir sur certains paramètres de ces dépenses très dynamiques (prix des combustibles, taux de recours aux installations thermiques, etc.), il était en revanche nécessaire de procéder à une baisse de la rémunération des capitaux investis dans les ZNI , laquelle avait été fixée à 11 % par un arrêté du 23 mars 2006, ce qui paraissait excessif dans le contexte actuel.

Un arrêté du 6 avril 2020 135 ( * ) a enfin remédié à cette situation : chaque projet bénéficiera désormais d 'un taux de rémunération nominal avant impôt spécifique fixé en fonction de quatre critères et après délibération de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Il paraît également indispensable de veiller au bon dimensionnement des installations construites dans les ZNI.

Les dépenses relatives au soutien à la cogénération ont de nouveau augmenté de 27 millions d'euros pour atteindre 725,8 millions d'euros , ce qui représente une hausse de + 3,9 % par rapport aux 698,9 millions d'euros de 2018.

Cette augmentation est toutefois moins rapide qu'attendue et ces dépenses devraient prochainement diminuer avec l'arrivée à échéance de contrats coûteux qui prévoyaient un tarif d'achat, alors qu'est désormais prévu un dispositif de complément de rémunération limité aux installations de moins de 1 mégawatt (MW).

2. Les crédits consommés du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » ont poursuivi leur progression en 2019

Le compte d'affectation spéciale, dont les dépenses relèvent exclusivement du titre 6 « Dépenses d'intervention », comporte deux programmes.

L e programme 764 « Soutien à la transition énergétique » , d'une part, finance :

- le soutien aux énergies renouvelables électriques , c'est-à-dire la compensation aux opérateurs du service public de l'électricité des charges imputables à leurs missions de service public, liées aux contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération conclus avec des installations de production électrique à partir d'une source renouvelable ;

- le soutien à l'effacement de consommation électrique , c'est-à-dire les primes d'effacement versées aux entreprises lauréates d'appels d'offres incitant au développement des effacements de consommation ;

- le soutien à l'injection de bio-méthane , soit la compensation des charges imputables aux obligations de service public assignées aux fournisseurs de gaz naturel au titre de l'obligation d'achat de biogaz.

Le programme 765 « Engagements financiers liés à la transition énergétique » , d'autre part, finance :

- le remboursement du déficit de compensation des charges de service public de l'électricité accumulé auprès d'EDF au 31 décembre 2015 ;

- les versements au profit de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) correspondant à des demandes de remboursement partiel au profit des entreprises qui bénéficiaient du plafonnement de l'« ancienne » CSPE 136 ( * ) au titre de leurs consommations pour les années 2013 à 2015.

Le compte d'affectation spéciale est principalement financé par une fraction de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) . La loi de finances initiale avait prévu d'affecter au CAS 7 279,4 millions d'euros de TICPE mais ce montant a été abaissé à 6 722,6 millions d'euros en loi de finances rectificative pour tenir compte d'une consommation de crédits inférieure aux prévisions, soit une baisse de 556,8 millions d'euros .

Comme prévu, le CAS a perçu 1 million d'euros au titre d'une fraction de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes, dite « taxe charbon ».

Il n'a en revanche perçu que 4,8 millions d'euros de revenus tirés de la mise aux enchères de garanties d'origine, contre une prévision de 32 millions d'euros .

Les dépenses du CAS ont représenté en 2019 quelque 6 704,0 millions d'euros , soit une hausse de 132,8 millions d'euros ( + 2,1 % ) par rapport aux 6 571,2 millions d'euros de dépenses de 2018.

S'il est en augmentation par rapport à l'année précédente, le montant des dépenses du CAS est toutefois inférieur de 575,4 millions d'euros aux 7 279,4 millions d'euros qui avaient été prévus en loi de finances initiale (soit -7,9 % ), ce qui correspond à un taux d'exécution de 92,1 %, analogue à ceux qui avaient été constatés pour les exercices 2018 et 2017.

Exécution des crédits votés du compte d'affectation spéciale
« Transition énergétique » par programme en 2019 (AE = CP)

(en euros)

2018

(exécuté)

2019

(LFI)

2019

(exécuté)

Exécution 2019 / exéc. 2018

(en %)

Exécution 2019 / LFI 2019

(en %)

Soutien aux énergies renouvelables électriques

4 844 757 258

5 261 909 997

4 708 020 547

- 2,8 %

- 10,5 %

Soutien à l'effacement de consommation électrique 137 ( * )

16 408 337

45 000 000

60 557 008

+ 269,5 %

+ 34,7 %

Soutien à l'injection de bio-méthane

82 038 729

132 000 003

94 033 857

+ 14,6 %

- 28,9 %

Total programme 764

4 943 204 324

5 440 400 000

4 862 611 412

- 1,5 %

- 10,6 %

Désendettement vis-à-vis des opérateurs supportant des charges de service public de l'électricité

1 622 000 000

1 839 000 000

1 839 000 000

+ 13,4 %

-

Remboursements d'anciens plafonnements de CSPE

5 992 004

0

2 402 432

- 59,9 %

+ 100 %

Total programme 765

1 627 992 004

1 839 000 000

1 841 402 432

+ 13,1 %

+0,1 %

TOTAL CAS

6 571 196 328

7 279 400 000

6 704 013 844

+ 2,1 %

-7,9 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette forte diminution par rapport à la prévision de la loi de finances initiale s'explique avant tout par une réévaluation à la baisse des charges de service public de l'électricité pour 2019 et pour 2018 par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération n° 2019-172 du 11 juillet 2019 (modifiée par la délibération n° 2019-235 du 30 octobre 2019).

Cette baisse est directement liée à la hausse des prix de marchés de gros de l'électricité . En outre, les coûts d'achat prévisionnels des filières photovoltaïque, biomasse et biogaz ont également été revus à la baisse .

En conséquence, 571,4 millions d'euros ont été annulés en loi de finances rectificative sur les crédits du programme 764, ce qui explique que son taux d'exécution ne soit que de 89,4 % .

Au total, on constate même une baisse des dépenses de soutien aux énergies renouvelables électriques , qui ont diminué pour la deuxième année consécutive en 2019 de - 2,8 % à 4,7 milliards d'euros .

Ces dépenses ont permis une augmentation de 4,8 % en 2019 de la puissance installée du parc de production d'électricité renouvelable , laquelle a atteint 53 608 mégawatts à la fin de l'année.

Elles n'ont en revanche pas permis d'éviter une baisse temporaire de la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité , laquelle est passée de 22,7 % en 2018 à 20,7 % en 2019.

Cette diminution s'explique par la baisse de plus de 12 % en 2019 de la production de la filière hydraulique provoquée par des conditions pluviométriques défavorables .

Cette baisse n'a pas pu être compensée par la hausse de la production des autres énergies renouvelables , et en particulier de la filière solaire , dont l'électricité produite a augmenté de 21,2 % , et celle de la filière éolienne , dont l'électricité produite a également augmenté de 21,2 % .

Pour mémoire, la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, complétée par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 40 % de la production d'électricité en 2030 : la marche reste donc haute.

Les crédits de soutien à l'injection de bio-méthane ont augmenté de 12 millions d'euros ( + 14,6 %) , passant de 82,0 millions d'euros en 2018 à 94,0 millions d'euros en 2019. Si les résultats obtenus sont légèrement inférieurs aux prévisions, le volume de bio-méthane injecté a néanmoins fortement crû de + 73 % en 2019 à 1,235 térawattheure .

Les crédits du programme 765, et en particulier les versements au titre du désendettement vis-à-vis d'EDF, ont été légèrement surexécutés, avec un taux de consommation de 100,1 % , en raison du traitement des dernières demandes de remboursements d'anciens plafonnements de CSPE.

IV. DES AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES DONT LE MONTANT A PLUS QUE DOUBLÉ EN 2019

Le dispositif incitatif du bonus-malus automobile , décidé en 2007 dans le cadre du Grenelle de l'environnement et renforcé par le Plan Automobile de 2012, se traduit par l'octroi d'aides à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO 2 bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO 2 (prime à la conversion) 138 ( * ) et par l'application d'une taxe additionnelle perçue sur le certificat d'immatriculation des véhicules les plus polluants malus »).

Jusqu'en 2018, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Aide à l'acquisition de véhicules propres » , également connu sous le nom de « CAS bonus-malus », retraçait en dépenses l'attribution des aides et en recettes le produit du « malus » .

Le CAS finançait deux types d'aides :

- les « bonus », portés par le programme 791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres » ;

- les primes à la conversion , retracées par le programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants » .

Mais la loi de finances pour 2019 a transféré au programme budgétaire 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » les crédits consacrés au financement de la prime à la conversion dans la mesure où le Gouvernement estimait que le succès de ce dispositif, dû notamment à l'élargissement de ses conditions d'accès, menaçait l'équilibre du compte d'affectation spéciale . En conséquence, le programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants » a été supprimé et une action 07 « Prime à la conversion » a été créée au sein du programme 174 susmentionné.

Dès lors, le compte d'affectation spéciale, auquel était toujours affecté le malus, a été chargé de retracer en 2019 uniquement les bonus à travers deux programmes :

- le programme 797 intitulé « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres au bénéfice des particuliers » ;

- le programme 798 intitulé « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres au bénéfice des personnes morales ».

Ces deux programmes sont venus remplacer le programme 791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres ».

À noter que la loi de finances pour 2020 a supprimé purement et simplement le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres » et transféré à son tour les bonus automobile au programme 174 « Énergie, climat et après mines ». En conséquence, les nouveaux programmes 797 et 798 ont été à leur tour supprimés.

En dépit de ces changements de maquette budgétaire, il demeure relativement aisé d'assurer un suivi pluriannuel des dépenses consacrées par l'État à l'aide à l'acquisition de véhicules propres par les particuliers et par les entreprises.

1. Le montant des aides à l'acquisition de véhicules propres a dépassé le milliard d'euros en 2019

L'exercice budgétaire 2018 avait été marqué par une exécution de 142,0 % des crédits du compte d'affectation spéciale , avec un total de 550,8 millions d'euros de crédits dépensés contre une prévision initiale de 388,0 millions d'euros .

Ce chiffre recouvrait toutefois deux réalités très différentes selon les programmes, puisque les crédits du programme 791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres » retraçant les bonus n'avaient été exécutés qu'à 69,8 %, soit un montant de 185,8 millions d'euros, alors que ceux du programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants » retraçant les primes à la conversion l'avaient été à 299,2 % , soit un montant de 365 millions d'euros qui témoignait du succès inattendu de ce dispositif.

En 2019, tous les dispositifs d'aides à l'acquisition de véhicules propres ont fait l'objet d'une exécution supérieure aux prévisions de la loi de finances initiale et en nette hausse par rapport à l'exécution 2018 puisque le montant total dépensé a atteint 1 149,6 millions d'euros contre une prévision en loi de finances initiale de 860,0 millions d'euros . Le surcroît de dépenses a atteint 289,6 millions d'euros , soit + 33,7 % par rapport à la prévision.

Par rapport à l'exécution de 2018, 598,8 millions d'euros de crédits supplémentaires ont été consacrés à l'aide à l'acquisition de véhicules propres en 2019, ce qui représente une hausse de 108,7 % .

Exécution des crédits du CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres »
par programme en 2019 (AE=CP)

(en euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Taux de consommation 2019 (en %)

797 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres au bénéfice des particuliers »

-

132 000 000

150 127 720

113,7 %

798 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres au bénéfice des personnes morales »

-

132 000 000

176 000 000

133,3 %

Total CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres » périmètre 2019 ( ex programme 791 « Contribution au financement de l'attribution d'aides à l'acquisition de véhicules propres » )

185 818 093

264 000 000

326 127 720

123,5 %

Action 07 « Prime à la conversion » du programme 174 « Énergie, climat et après mines » ( ex programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants » )

365 000 000

596 000 000

823 500 000

138,2 %

Total

550 818 093

860 000 000

1 149 627 720

133,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Alors que les crédits des bonus , retracés en 2019 dans les programmes 797 et 798, étaient systématiquement sous-exécutés les années précédentes, ils ont fait cette fois-ci l'objet d'une sur-exécution à 123,5 % .

Les crédits exécutés ont en effet atteint 326,1 millions d'euros contre 264,0 millions d'euros prévues en loi de finances initiale pour 2019, soit un montant supérieur de 62,1 millions d'euros (soit + 23,5 %) à la prévision.

La hausse est également très nette par rapport au montant exécuté en 2018, puisque 140,3 millions d'euros (soit + 75,5 %) de crédits supplémentaires ont été nécessaires pour financer les bonus.

Les crédits consacrés à la prime à la conversion, retracés en 2019 dans l'action 07 « Prime à la conversion » du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » ont connu un dynamisme encore plus spectaculaire puisqu'ils ont atteint 823,5 millions d'euros contre une prévision de 596,0 millions d'euros , ce qui représente un surcroît de dépenses de 227,5 millions d'euros (soit + 38,2 % ).

Par rapport aux crédits exécutés en 2018, soit 365 millions d'euros , l'augmentation représente 458,5 millions d'euros , soit + 125,6 % .

La hausse exponentielle des dépenses consacrées aux aides
à l'acquisition de véhicules propres entre 2017 et 2019

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Des recettes du malus en net retrait de - 19,2 % par rapport à 2018

En 2018, le dynamisme des recettes du malus, dont le produit avait atteint 558,9 millions d'euros , avait permis de compenser en partie le succès surprise de la prime à la conversion.

Les crédits relatifs à ce dispositif ayant été transférés au programme 174 « Énergie, climat et après-mines », le malus automobile n'a financé en 2019 que les bonus , qui ont été en 2019 les seules dépenses portées par le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres », à hauteur de 326,1 millions d'euros en exécution.

La loi de finances pour 2019 prévoyait que le produit du malus en 2019 atteindrait 610 millions d'euros .

Cette prévision se fondait notamment sur la baisse du seuil de déclenchement du malus à 117 g de CO 2 /km (contre 120 g de CO 2 /km en 2018) et sur un durcissement du barème au 1 er janvier 2019 139 ( * ) .

Or, ces recettes se sont révélées nettement inférieures aux prévisions initiales, puisque le produit du malus n'a finalement atteint que 493,1 millions d'euros en 2019, soit 116,9 millions d'euros de moins ( - 19,2 % ) que ce qui était attendu et 65,8 millions d'euros de moins ( - 11,8 % ) que le produit de 2018.

Pourtant, 755 000 véhicules neufs immatriculés ont fait l'objet d'un malus en 2019, sur un total de 2 240 302 voitures particulières immatriculées , soit 33,7 % des véhicules .

640 030 véhicules avaient été concernés par un malus en 2018 et 366 647 véhicules en 2017.

Les recettes du malus automobile de 2016 à 2019

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Dans la mesure où le malus ne finançait que les seuls bonus, l'excédent du compte d'affectation spéciale a atteint 167,0 millions d'euros en 2019, portant le solde cumulé du compte d'affectation spéciale depuis sa création à 213,1 millions d'euros .

Solde du CAS « Aide à l'acquisition de véhicules propres »

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Solde du CAS

- 4,9

+ 141

+ 75,7

+ 30,1

+ 57,0

+ 46,1

+ 167,0

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Compte tenu de la suppression du compte d'affectation spéciale « Aides à l'acquisition de véhicules propres » à compter du 1 er janvier 2020, les recettes du malus seront désormais versées au budget général.

Si le rapporteur spécial regrette la fin du lien entre cette taxe et les aides à l'acquisition de véhicules propres , il est clair que cette ressource ne permet plus de financer à elle seule les sommes en jeu , passées de 295 millions d'euros à 1 150 millions d'euros en deux ans seulement, ce qui représente un quasi-quadruplement .

3. Les bonus ont pour la première fois en 2019 excédé les prévisions, avec plus de 50 000 aides à l'acquisition de véhicules électriques distribuées

Ainsi qu'il a été relevé supra , les crédits consacrés aux aides à l'acquisition de véhicules propres portées par les programme 797 et 798 (les bonus), qui souffraient habituellement d'une sous-exécution chronique, ont atteint en 2019 326,1 millions d'euros en exécution contre 264,0 millions d'euros prévues en loi de finances initiale.

La hausse est également très nette par rapport au montant exécuté en 2018, puisque 140,3 millions d'euros (soit + 75,5 % ) de crédits supplémentaires ont été nécessaires pour financer les bonus.

Les caractéristiques de ces dispositifs n'avaient pourtant pas fait l'objet de modifications significatives par rapport à l'année précédente : en 2019, le bonus pour les véhicules électriques neufs (voitures ou camionnettes), correspondait toujours à une aide de 27 % du coût d'acquisition , dans la limite de 6 000 euros pour les véhicules électriques émettant moins de 20 grammes de CO 2 par kilomètre (véhicules à 100 % électriques).

Nombre de « bonus » automobile versés entre 2015 et 2019

Véhicules électriques

Véhicules hybrides rechargeables

Véhicules hybrides

Total

2015

18 286

3 326

37 461

59 073

2016

27 131

3 921

35 572

66 624

2017

24 595

3 648

0

28 234

2018

39 398

0

0

39 398

2019

51 057

0

0

51 057

Source : direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

Alors que les résultats obtenus étaient habituellement inférieurs aux attentes, le nombre de bonus distribués, qui était passé de 32 000 véhicules en 2017 à 39 398 véhicules en 2018 a atteint 51 057 véhicules en 2019, soit une forte augmentation de + 29,6 % , ce qui explique la hausse des crédits nécessaires pour assurer le financement du dispositif.

24 216 bonus ont été versés à des personnes physiques et 26 841 l'ont été à des personnes morales pour l'achat de voitures particulières et de véhicules utilitaires légers. Au total, 1,9 % des voitures et camionnettes immatriculées en France en 2019 ont perçues un bonus.

En ce qui concerne le bonus versé pour l'achat des deux ou trois roues et des quadricycles à moteur électrique d'une puissance supérieur ou égale à 3kW , le montant maximum de l'aide versée était de 900 euros en 2019. 12 000 aides ont été attribuées en 2019 contre un peu plus de 6 000 en 2018. 3,9 % des véhicules immatriculés ont bénéficié d'un bonus.

Si le bonus semble enfin parvenir à compenser en partie pour les ménages le coût d'achat des véhicules électriques , cela tient avant tout au fait que les constructeurs automobiles apparaissent désormais davantage en mesure de proposer des véhicules aux prix plus abordables pour les ménages .

À la suite de l'effondrement du marché automobile consécutif à la pandémie de Covid-19, le plan de relance de la filière annoncé par le Président de la République le 26 mai 2020 prévoit de renforcer considérablement les bonus pour l'achat de véhicules propres :

- en faisant passer de 6 000 euros à 7 000 euros la somme maximale du bonus pour l'achat d'un véhicule électrique par les particuliers ;

- en faisant passer de 3 000 euros à 5 000 euros la somme maximale du bonus pour l'achat d'un véhicule électrique par les entreprises (elle était passée de 6 000 euros à 3 000 euros au 1 er janvier 2019) ;

- en proposant un bonus d'un montant maximal de 2 000 euros pour l'achat d'un véhicule hybride rechargeable .

4. 376 831 primes à la conversion ont été distribuées en 2019, pour un coût budgétaire en hausse de 125,6 % par rapport à 2018

La prime à la conversion, désormais retracée par l'action 07 « Prime à la conversion » du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » à la suite de la suppression de l'ancien programme 792 « Contribution au financement de l'attribution d'aides au retrait de véhicules polluants », a été mise en place le 1 er avril 2015 pour accélérer le retrait des vieux véhicules les plus polluants .

Elle avait connu un démarrage très décevant , puisque il n'y avait eu que 3 230 primes versées en 2015, 9 652 en 2016 et 7 907 en 2017.

Le Gouvernement avait décidé de revoir en profondeur le dispositif à compter du 1 er janvier 2018, tout en l'inscrivant dans le cadre de l'initiative n° 3 « Accompagner le remplacement des véhicules polluants » du volet « Transports mobilités » du Grand Plan d'Investissement (GPI) .

Il avait tout d'abord considérablement élargi la liste des véhicules susceptibles d'être mis au rebut .

Alors que n'étaient auparavant éligibles que les véhicules qui fonctionnaient au diesel et avaient été immatriculés avant le 1 er janvier 2001 (avant le 1 er janvier 2006 pour les ménages non imposables) 140 ( * ) , les véhicules à essence immatriculés avant 1997 141 ( * ) avaient été rendus eux aussi éligibles à la prime à la conversion.

Dans le même temps, il avait significativement renforcé la prime pour l'achat d'un véhicule thermique peu polluant (Crit'Air 0, 1 ou 2, neuf ou d'occasion, essence ou diesel, émettant moins de 130 grammes d'émissions de CO 2 par kilomètre) ou d'un véhicule électrique d'occasion . Tous les ménages, sans conditions de ressources, ont pu bénéficier d'une prime de 1 000 euros à partir du 1 er janvier 2018, les ménages non imposables bénéficiant d'une surprime de 1 000 euros .

Enfin, le Gouvernement avait créé une prime de 100 euros sans conditions de ressources pour l'acquisition d'un 2-3 roues motorisé ou d'un quadricycle motorisé électrique , les ménages non imposables bénéficiant en outre d'une surprime de 1 000 euros .

Dans le projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement s'était fixé pour objectif la distribution de 100 000 primes à la conversion en 2018 et 500 000 primes distribuées sur la durée du quinquennat , ce qui paraissait ambitieux compte tenu des résultats constatés les années précédentes.

Or, l'assouplissement des critères d'attribution de la prime à la conversion et son caractère beaucoup plus attractif avaient entraîné une montée en charge extrêmement rapide de ce dispositif que le Gouvernement n'avait pas du tout anticipée.

En 2018, près de 300 000 demandes de primes à la conversion avaient finalement été enregistrées et plus de 255 000 primes avaient été distribuées , ce qui représentait une multiplication par 32 du nombre de primes attribuées .

Le Gouvernement, désireux d'offrir des contreparties aux automobilistes victimes des coûts élevés du carburant, avait en outre annoncé à l'automne 2018 qu'il allait encore renforcer la prime à la conversion avec un doublement de la prime pour les 20 % de ménages les moins favorisés ainsi que pour les ménages des 5 premiers déciles habitant à plus de 30 kilomètre de leur lieu de travail ou effectuant plus de 12 000 km par an dans le cadre de leur activité professionnelle .

Toujours dans le cadre du GPI, il s'était fixé un objectif d' un million de primes versées au cours du quinquennat.

596 millions d'euros de crédits avaient été prévus à cet effet en loi de finances initiale pour 2019, avec un objectif de distribution de 400 000 primes au cours de l'année.

Ainsi qu'il a été indiqué supra , les crédits exécutés ont connu un dynamisme encore plus important puisqu'ils ont atteint 823,5 millions d'euros , ce qui représente un surcroît de dépenses de 227,5 millions d'euros (soit + 38,2 % ).

Par rapport aux crédits exécutés en 2018, soit 365 millions d'euros , l'augmentation représente 458,5 millions d'euros , soit + 125,6 % .

Si ces chiffres sont spectaculaires, ils auraient pu l'être encore davantage si le Gouvernement n'avait pas durci les critères d'attribution de la prime à la conversion à compter du 1 er août 2019.

Des critères d'attribution de la prime à la conversion
rendus globalement moins favorables au 1 er août 2019

- Le plafond d'émissions de CO2 des véhicules a été abaissé de 122 à 116 g/km et les véhicules de plus de 60 000 euros ont été exclus ;

- Les véhicules Crit'Air 1 ne sont plus éligibles pour les ménages les plus aisés ;

- Les véhicules Crit'Air 2 ne sont plus éligibles, à l'exception de ceux immatriculés après le 1 er janvier 2019 ;

- Les critères de revenus des ménages ont été revus avec des primes plus élevées pour les 5 premiers déciles de revenu fiscal de référence et moins élevées pour les 5 autres déciles ;

- Le montant de la prime a été revalorisée à 2 500 euros pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables, quel que soit le niveau de revenu.

Source : commission des finances du Sénat

Le bilan annuel pour l'année 2019 transmis par l'Agence de services et de paiement (ASP), en charge de la gestion opérationnelle du dispositif, fait état de 376 831 primes à la conversion versées et de plus de 350 000 primes supplémentaires décidées.

L'explosion du nombre de primes à la conversion
distribuées en 2018 puis en 2019

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Avec 605 000 primes déjà versées au 31 décembre 2019 et 350 000 primes décidées à cette date, le million de primes prévu au GPI apparaît d'ores-et-déjà atteint, ce qui constitue une bonne nouvelle pour le verdissement du parc automobile français .

En outre, cet objectif devrait être largement dépassé compte tenu de la volonté du Gouvernement d'assouplir de nouveau les critères d'attribution de la prime à la conversion dans le cadre du plan de relance de la filière automobile annoncé par le Président de la République le 26 mai 2020.

V. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE (FACÉ) »

1. Le compte d'affectation spéciale FACÉ permet le financement d'aides à l'électrification rurale

Créé en 2011, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (FACÉ) retrace, en dépenses, les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AODÉ) , en l'occurrence les collectivités ou syndicats d'électrification ayant la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les réseaux de distribution.

Ces dépenses sont financées par une contribution versée par les gestionnaires des réseaux de distribution publique d'électricité , et assise sur le nombre de kilowattheures (kwh) distribués à partir d'ouvrages exploités en basse tension l'année précédente. Fixé par arrêté 142 ( * ) , le taux de cette contribution est plus élevé en zone urbaine - 0,1891616 centime d'euro par kilowattheure - qu'en zone rurale - 0,037832 centime d'euro par kilowattheure - permettant ainsi une péréquation dans le financement des aides .

Le CAS comprend deux programmes :

- le programme 793 « Électrification rurale », qui concentre 98 % des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) du CAS , vise à financer le renforcement, la sécurisation et l'extension des réseaux d'électrification rurale ;

- le programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries » finance des actions de production décentralisée d'électricité dans les zones non interconnectées (ZNI), en particulier dans les collectivités ultramarines, ainsi que dans les sites isolés.

Par définition, le FACÉ n'intervient que dans les zones rurales .

Or, la politique de regroupement des communes et la création de communes nouvelles a conduit certaines d'entre elles à dépasser les 5 000 habitants , seuil à partir duquel une commune n'est plus automatiquement éligible aux aides du FACÉ. Pourtant, beaucoup d'entre elles continuent à présenter les mêmes caractéristiques rurales que par le passé .

C'est pourquoi des modifications réglementaires prévues dans le cadre de la loi n° 2016-1500 du 8 novembre 2016 relative aux communes nouvelles devront rapidement établir une nouvelle définition de la ruralité . Il est notamment envisagé de donner davantage de latitude au préfet pour étendre le bénéfice des aides du FACÉ aux communes dont la population est comprise entre 5 000 et 10 000 habitants si leur densité est très faible.

2. Une nette augmentation de la consommation des crédits de paiement en 2019 en raison d'une sensibilisation des AODE à la nécessité de demander des acomptes au fil de l'avancement des travaux

La consommation des crédits du compte d'affectation spéciale a diminué de - 11,1 % en AE pour atteindre 344,4 millions d'euros mais a augmenté de 9,3 % en CP par rapport à la consommation des crédits observée en 2018, en atteignant 381,8 millions d'euros .

Si les crédits consommés en AE ont été inférieurs de - 4,3 % aux crédits votés en loi de finances pour 2019, le montant des crédits exécutés en CP a en revanche été supérieur de 6,0 % aux prévisions.

On observe ainsi une sous-consommation de - 3,3 % en AE mais une surconsommation de 7,0 % en CP par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale des crédits du programme 793.

La moindre consommation d'AE s'explique principalement par un montant plus faible de dossiers 2018 reportés en 2019 (18,8 millions d'euros) que de dossiers 2017 qui avaient été reportés en 2018 (49 millions d'euros).

Selon le rapport annuel de performance , la nette hausse du niveau de consommation des CP s'explique quant à elle par le fait que les AODE se sont montrées sensibles aux messages adressés de manière récurrente leur demandant de solliciter des acomptes au fil de l'avancement des travaux .

Le programme 794 demeure quant à lui gravement sous-exécuté , puisque l'écart entre les crédits votés et les crédits consommés atteint - 76,3 % en AE et - 67,6 % en CP .

Exécution des crédits du CAS par programme en 2019

(en euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Exécution 2019 / exéc. 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

(en %)

(en %)

793 « Électrification rurale »

AE

387 517 668

355 200 000

343 314 597

-11,4 %

-3,3 %

CP

348 443 455

355 200 000

380 196 945

+ 9,1 %

+ 7,0 %

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

AE

-200 758

4 800 000

1 134 374

+ 667,0 %

- 76,3 %

CP

999 939

4 800 000

1 555 968

+ 55,6 %

- 67,6%

Total

AE

387 316 910

360 000 000

344 448 971

-11,1 %

-4,3 %

CP

349 443 394

360 000 000

381 752 913

+ 9,3 %

+6,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2018)

Les recettes du compte d'affectation spéciale ont atteint en 2019 377,97 millions d'euros , soit 974 462 euros (+ 4,6%) de plus que les 377,00 millions d'euros que prévoyait la loi de finances initiale.

Si ce montant est supérieur aux 376,8 millions d'euros perçus en 2018, il n'en demeure pas moins légèrement inférieur aux 378,5 millions d'euros dont avait bénéficié le compte en 2017.

En dépit de ces recettes légèrement supérieures aux prévisions, la forte consommation des crédits de paiement du programme 793 ( 380 millions d'euros contre une prévision initiale de 355,2 millions d'euros ) a entraîné un déficit du compte d'affectation spéciale de 3 ,8 millions d'euros , alors que celui-ci avait enregistré des excédents de 27,4 millions d'euros en 2018 et de 35,3 millions d'euros en 2017.

Le solde cumulé du CAS a ainsi atteint 335,4 millions d'euros au 31 décembre 2019.

Ce montant demeure très insuffisant pour faire face à l'ensemble des engagements souscrits dans le cadre du CAS et non couverts par des paiements à la fin 2019, puisque ce montant s'élève à 663 millions d'euros .

Ce déficit de 323,0 millions d'euros constitue un héritage lié à la reprise en 2012 d'engagements pris avant cette date par EDF. Il serait nécessaire de vérifier si certains de ces engagements concernent des projets toujours valides , et, si c'est le cas, de prévoir des crédits nécessaires pour les honorer.

Équilibre du CAS « Financement des aides aux collectivités
pour l'électrification rurale » en 2019 (en crédits de paiement)

(en euros)

Programme

Recettes

Crédits exécutés

Solde

793 « Électrification rurale »

380 196 945

764 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

1 555 968

Total

377 974 462

381 752 913

-3 778 451

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2018)

3. La sur-exécution des crédits du programme 193 témoigne d'une amélioration constante de la gestion du FACÉ

Ainsi que le montre le tableau ci-dessous, les actions du programme 793 ont été exécutées à des taux relativement variables, correspondant en moyenne à une sur-exécution, puisque les crédits de paiement (CP) consommés ont représenté 107,0 % du montant initialement prévu en loi de finances et sont supérieurs de 9,1 % au montant consommé en 2018. Le taux de consommation des crédits était de 98,8 % en 2018.

S'agissant des autorisations d'engagement (AE), l'exécution 2019 représente 96,6 % des crédits ouverts en loi de finances initiale, un montant de 21,3 millions d'euros n'ayant pu être réalisé en fin de gestion et ayant été reporté à 2020.

Alors que ce programme avait longtemps fait l'objet d'une sous-exécution, ces chiffres viennent appuyer ce que le précédent rapporteur spécial, le sénateur Jacques Genest, relevait dans son rapport de contrôle sur la gestion et l'utilisation des aides aux collectivités pour l'électrification rurale : huit ans après sa création, « le FACÉ semble aujourd'hui avoir trouvé un certain rythme de croisière » dans l'instruction des dossiers et le paiement des aides 143 ( * ) .

Ce bon résultat s'explique indéniablement par une amélioration de la gestion du FACÉ dont témoigne notamment l'envoi durant l'été 2019 d'un courrier à toutes les AODE leur indiquant le niveau de leurs engagements ainsi que la consommation de leurs crédits de paiement et les incitant à faire preuve de vigilance.

Exécution du programme 793 par action en 2019

(en euros et en %)

Numéro et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

3 Renforcement des réseaux

164 200 000

166 123 953

101,2 %

164 200 000

166 368 272

101,3 %

4 Extension des réseaux

41 600 000

31 854 801

76,7 %

41 600 000

46 533 328

111,8 %

5 Enfouissement et pose en façade

42 500 000

39 549 184

93,2 %

42 500 000

52 258 418

123,1 %

6 Sécurisation des fils nus (hors faible section)

48 700 000

46 489 175

95,5 %

48 700 000

51 959 289

106,8 %

7 Sécurisation des fils nus de faible section

52 500 000

49 736 834

94,7 %

52 500 000

53 505 234

101,9 %

8 Fonctionnement

200 000

384 761

192, 0 %

200 000

357 779

178,9 %

9 Déclaration d'utilité publique (Très haute tension)

500 000

-

-

500 000

286 724

57,3 %

10 Intempéries

5 000 000

9 175 890

183,5 %

5 000 000

8 927 901

178,5 %

Total

355 200 000

343 314 597

96,7 %

355 200 000

380 196 945

107,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après le rapport annuel de performance pour 2019)

Les crédits de l'action 3 « Renforcement des réseaux » représentent à eux seuls 43,7 % des crédits du programme .

L'exécution en CP supérieure à l'enveloppe de crédits ouverts en loi de finances initiale s'explique par la consommation des reports de crédits 2018 issus des demandes de subventions non traitées en fin d'année 2018 et des demandes de paiement supérieures au prévisionnel , comportant des aléas liés à l'avancement des travaux de chacune des opérations.

Les autres actions ont également quasiment toutes bénéficié de reports de crédits , ce qui explique que plusieurs d'entre elles présentent des taux d'exécution en AE supérieurs à 100 %.

La sur-exécution des crédits liés au frais de fonctionnement du CAS portés par l'action 8 « Fonctionnement » s'explique par le développement du nouveau système de gestion informatisé des aides , qui a débuté en 2018.

L'action 10 « Intempéries » a fait l'objet d'une sur-exécution importante, puisque 9,2 millions d'euros en AE et 8,9 millions d'euros en CP ont été consommés en 2019, alors que la loi de finances n'avait prévu que 5,0 millions d'euros pour cette action.

Cet écart de 4,2 millions d'euros en AE et de 3,9 millions d'euros en CP s'explique par le financement de la seconde tranche du programme de reconstruction du réseau électrique de Saint-Martin et Saint-Barthélémy , touchés par l'ouragan Irma en septembre 2017.

4. Le problème de la sous-exécution systématique des crédits du programme 794 n'a pas été résolu en 2019, même s'il s'est légèrement atténué grâce à la baisse des crédits prévus en loi de finances initiale

Si la consommation des crédits du programme 793 est désormais très satisfaisante, il n'en est pas de même pour le programme 794 , qui est systématiquement marqué par une très forte sous-consommation de ses crédits depuis la création du CAS.

Si l'on pouvait convenir avec la Cour des comptes de la nécessité de mieux adapter les aides de ce programme aux collectivités concernées 144 ( * ) - Corse et outre-mer en particulier - le rapporteur spécial considérait que le maintien des crédits du programme 794 au même niveau depuis la création du FACÉ posait problème.

Le passage de 7,2 millions d'euros à 4,8 millions d'euros des crédits destinés à ce programme dans le cadre de la loi de finances pour 2019 devait limiter un peu ce phénomène de sous-consommation .

C'est bien ce qui s'est produit, puisque le taux d'exécution des crédits de paiement du CAS a atteint 32,4 % , soit un taux nettement supérieur aux 13,4 % de 2018.

La sous-utilisation chronique des aides du programme 794, qui s'explique par le faible nombre de demandes de subvention déposées par les AODÉ , dû aux difficultés que celles-ci rencontrent dans le montage des dossiers ainsi que pour les mener à bien dans les délais impartis 144 ( * ) , demeure toutefois un problème.

MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT
ET MOBILITÉ DURABLES »
PROGRAMMES TRANSPORTS TERRESTRES ET AFFAIRES MARITIMES ET CAS « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS »

mme christine lavarde, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 203 « INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORT » ET 205 « AFFAIRES MARITIMES » EN 2019 373

1. Comme les années précédentes, le programme 203 « Infrastructures et services de transport » a bénéficié en 2019 de l'apport de fonds de concours très significatifs 373

2. Le programme 205 « Affaires maritimes » a vu ses autorisations d'engagement augmenter en raison de l'acquisition d'un nouveau patrouilleur 374

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 376

1. La situation financière de l'AFITF demeure préoccupante, en raison de recettes insuffisantes pour couvrir les dépenses prévues par la loi d'orientation des mobilités (LOM) 376

2. Les crédits en faveur de l'entretien du réseau routier non concédé, qui constitue l'une des priorités de la loi d'orientation des mobilités, ont légèrement augmenté dans le cadre du Grand Plan d'Investissement (GPI) 381

3. La Société du Grand Paris, dotée de près de 100 millions d'euros de recettes nouvelles, a poursuivi sa montée en puissance en 2019 en investissant 2,4 milliards d'euros 382

4. Si les investissements réalisés par VNF en 2019 pour régénérer le réseau fluvial sont significatifs, ils demeurent en deçà des objectifs fixés par la loi d'orientation des mobilités (LOM) 385

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS » 386

1. Les trains d'équilibre du territoire ont été profondément réformés depuis 2015 386

2. Le CAS a bénéficié en 2019 d'une révision à la baisse des compensations dues à SNCF Mobilités pour l'exploitation des lignes TET 388

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 203 « INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE TRANSPORT » ET 205 « AFFAIRES MARITIMES » EN 2019

1. Comme les années précédentes, le programme 203 « Infrastructures et services de transport » a bénéficié en 2019 de l'apport de fonds de concours très significatifs

La loi de finances initiale pour 2019 prévoyait 3 365,6 millions d'euros d'autorisation d'engagement (AE) et 3 193,6 millions d'euros de crédits de paiement (CP) pour le programme 203 « Infrastructures et services de transport ».

Toutefois, ce programme présente la particularité de recevoir d'importants fonds de concours de la part de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et , dans une moindre mesure, des collectivités territoriales .

Si ces fonds de concours sont présentés de manière évaluative dans les documents annexés au projet de loi de finances et ne font donc pas partie des crédits adoptés par le Parlement, ils viennent s'imputer, en cours de gestion, sur le programme et sont compris dans les crédits ouverts et consommés.

Au total, en ajoutant ces fonds de concours ainsi que les attributions de produits, la loi de finances initiale prévoyait 5 418,0 millions d'euros en AE et 5 265,5 millions d'euros en CP pour le programme 203.

En exécution, la consommation des AE du programme 203 s'est élevée à 5 415,2 millions d'euros tandis que celle des CP atteignait 5 221,8 millions d'euros , soit des niveaux assez proches des prévisions de la loi de finances initiale .

Ces montants sont respectivement en hausse de 465,1 millions d'euros (soit + 9,4 %) en AE et en baisse de 177,3 millions d'euros (soit - 3,3 %) en CP par rapport aux 4 950,1 millions d'euros en AE et aux 5 399,1 millions d'euros en CP consommés en 2018.

Cette diminution des dépenses en CP s'explique par le caractère exceptionnel des 325 millions d'euros correspondant au remboursement en une seule fois de l'indemnité du contrat de l'écotaxe poids lourds intervenu en 2018.

Les crédits ouverts pour 2019 ayant représenté au final 6 197,6 millions d'euros en AE et 5 274,0 millions d'euros en CP, les taux d'exécution du programme s'élèvent à 87,3 % en AE et 99,0 % en CP, soit une exécution quasi-complète des crédits disponibles en CP , qui tend à témoigner d'une amélioration de la gestion du programme.

Au total, et même s'ils peuvent apparaître insuffisants au regard de l'ampleur des besoins suscités par des décennies de sous-investissements chroniques dans l'entretien et la rénovation des réseaux existants , les crédits de paiement consommés du programme 203 représentent à eux seuls 36,5 % des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », témoignant de la poursuite en 2019 du réel effort consenti par l'État en faveur des infrastructures et services de transports constaté en 2018.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Infrastructures et services de transport

LFI 2019

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

3 193,6

131,6

- 100,8

- 53,4

2 102,9

5 274,0

5 221,8

99,0 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2019, la réserve de précaution du programme 203 a représenté 96,5 millions d'euros en CP, soit environ 2,86 % de la dotation initiale du programme . Elle a été intégralement annulée par la loi de finances rectificative de fin d'année, ainsi que 4,2 millions d'euros de crédits devenus sans objet en raison d'une baisse de la compensation Fret versée à SNCF Réseau.

2. Le programme 205 « Affaires maritimes » a vu ses autorisations d'engagement augmenter en raison de l'acquisition d'un nouveau patrouilleur

Le programme 205 « Affaires maritimes » porte les crédits budgétaires qui financent l'action maritime de l'État dans ses différentes dimensions : sécurité maritime, protection de l'environnement, formation des gens de mer, soutien au pavillon français, etc .

En loi de finances initiale pour 2019 le programme 205 bénéficiait de 163,1 millions d'euros en AE et de 157,3 millions d'euros en CP, auxquels se sont ajoutés 8,1 millions d'euros de fonds de concours et d'attributions de produits.

Les 5,1 millions d'euros de fonds de concours correspondaient à des remboursements de projets cofinancés par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP) . Les 2,9 millions d'euros d'attributions de produits provenaient de la participation des collectivités ou des ports à l'entretien du balisage maritime effectué par les services des Phares et Balises.

Le total des crédits ouverts du programme s'élevait donc à 168,8 millions d'euros en AE et 161,6 millions d'euros en CP. Sur cette somme, 167,4 millions d'euros ont été consommés en AE (soit un taux d'exécution de 99,2 % ) et 157,3 millions d'euros en CP (soit un taux d'exécution de 97,3 % ).

Ces chiffres sont en hausse de 4,4 % en AE mais en baisse de - 3,4 % en CP par rapport à 2018, puisque 160,4 millions d'euros en AE et 162,8 millions d'euros en CP avaient été consommés cette année-là.

La hausse des AE s'explique par l'acquisition du patrouilleur Méditerranée , navire de nouvelle génération destiné à participer au dispositif de contrôle et de surveillance en mer, qui a mobilisé 13,1 millions d'euros en AE et 2,6 millions d'euros en CP au titre de l'année 2019.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Affaires maritimes

LFI 2019

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

157,3

0,8

-4,3

-0,3

8,1

161,6

157,3

97,3 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La réserve de précaution initiale représentait 4,3 millions d'euros , soit 3 % des crédits du programme , comme en 2018, contre 8 % dans les années précédentes. Elle a été intégralement annulée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2019.

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La situation financière de l'AFITF demeure préoccupante, en raison de recettes insuffisantes pour couvrir les dépenses prévues par la loi d'orientation des mobilités (LOM)
a) Des recettes qui n'ont pas atteint le niveau attendu en 2019 et qui devraient significativement diminuer en 2020 en raison de la pandémie de Covid 19

Comme il a été rappelé supra , le financement par l'État des infrastructures de transports repose largement sur les crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF ), qui bénéficie à cette fin de l'affectation du produit de plusieurs taxes.

L'article 2 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) prévoit que les dépenses de l'AFITF exprimées en crédits de paiement et en millions d'euros courants évoluent comme suit sur la période 2019-2023 :

2019

2020

2021

2022

2023

Dépenses totales

2 683

2 982

2 687

2 580

2 780

En 2018, l'AFITF n'avait perçu que 2 231,0 millions d'euros de recettes affectées, alors que son budget initial prévoyait 2 440,0 millions d'euros de recettes et qu'elle avait perçu 2 400,0 millions d'euros en 2017.

Ce recul très significatif de - 7,0 % des recettes de l'AFITF par rapport à 2017 s'expliquait par la division par deux des recettes attendues en provenance des amendes des radars automatiques , lesquelles n'avaient représenté que 248,2 millions d'euros alors que 457,5 millions d'euros étaient attendus. Cette situation, qui avait conduit à réviser le budget de l'AFITF en cours d'année, s'expliquait par des évolutions du comportement des automobilistes mais également par la dégradation d'un grand nombre de radars automatiques survenue au cours de l'automne 2018.

Après cette déconvenue, il paraissait particulièrement important que l'AFITF perçoive effectivement en 2019 le montant inscrit dans le texte de la LOM, à savoir 2 683 millions d'euros .

Or, en 2019, l'AFITF n'a perçu que 2 478,5 millions d'euros de recettes , soit un niveau inférieur de 204,5 millions d'euros ( - 7,6 % ) aux 2 683 millions d'euros pourtant promis par le Gouvernement et votés par le Parlement.

Si les recettes de l'AFITF auront augmenté de 247,5 millions d'euros ( + 11,1 % ) par rapport à 2018, la montée en puissance de l'Agence demeure donc pour l'heure insuffisante.

Comme en 2018, et pour les mêmes raisons, cette déception provient en premier lieu des recettes des amendes des radars automatiques , qui n'ont pas atteint les niveaux espérés.

Le rapporteur spécial note du reste que son prédécesseur Fabienne Keller l'avait justement prédit dans le rapport qu'elle avait consacré au budget des transports lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, puisqu'elle avait estimé que la prévision du Gouvernement sur ce point n'était « nullement réaliste » .

Alors que le Gouvernement tablait sur 500 millions d'euros de recettes en 2019, le montant final des recettes d'amendes radar n'a été que de 227,9 millions d'euros , soit un niveau encore inférieur à celui déjà très décevant de 2018. La perte de recettes pour l'AFITF par rapport aux annonces du Gouvernement a donc atteint 272,1 millions d'euros .

Le produit des autres taxes affectées à l'AFITF a été davantage conforme aux prévisions avec 1 205,8 millions d'euros de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), contre 1 028,2 millions d'euros en 2018, 356,7 millions d'euros au titre de la redevance domaniale (contre 347,5 millions d'euros en 2018) et 523,0 millions d'euros de taxe d'aménagement du territoire (contre 472,0 millions d'euros en 2017).

L'AFIFT a perçu en 2019 60 millions d'euros au titre de la contribution des sociétés concessionnaires d'autoroutes prévue dans le cadre du premier plan de relance autoroutier. Pour mémoire, le montant total de cette contribution est de 1,2 milliard d'euros , dont 100 millions d'euros par an entre 2016 et 2018, le solde étant étalé d'ici la fin des concessions, au moyen de 20 annuités de 60 millions d'euros .

L'AFITF a enfin perçu en 2019 35 millions d'euros de recettes exceptionnelles correspondant au reversement de trop perçus par SNCF Réseau et la région Normandie dans le cadre du financement du nouveau matériel roulant des lignes de train d'équilibre du territoire (TET) de cette région.

Le niveau de recettes de l'AFITF s'étant une nouvelle fois révélé décevant en 2019, la marche était particulièrement haute pour atteindre les 2 982 millions d'euros de recettes prévues pour le budget de l'AFITF en 2020.

À cette fin, deux ressources nouvelles avaient été affectées à l'AFITF dans le cadre de la loi de finances pour 2020, pour un montant estimé alors à 300 millions d'euros .

Il s'agissait tout d'abord du coup de rabot de 2 centimes d'euros par litre sur le tarif réduit de TICPE des transporteurs routiers prévu à l'article 19 du projet de loi de finances, mesure dont le rendement était supposé atteindre 70 millions d'euros en 2020 puis 140 millions d'euros par an à compter de 2021.

L'autre mesure nouvelle destinée à financer l'AFITF était l' « écocontribution » sur le transport aérien , conçue comme une majoration de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TS) et qui était supposée rapporter 230 millions d'euros à l'agence en 2020.

Alors que cette dernière ressource risque d'être totalement supprimée en 2020 compte tenu des mesures d'urgence adoptées pour venir en aide au secteur du transport aérien à la suite de la pandémie de Covid 19 et que les autres recettes de l'AFITF , toutes liées à un secteur routier dont l'activité a considérablement diminué pendant la période de confinement, seront-elles aussi sévèrement touchées, il paraît d'ores et déjà acquis que l'agence sera dans l'impossibilité de maintenir son budget à hauteur de 2 982 millions d'euros comme le prévoyait la LOM.

b) Des dépenses de l'AFITF en 2019 marquées par une très forte hausse des engagements liés au Canal Seine-Nord Europe mais une diminution des paiements qui a conduit à ne pas respecter la trajectoire de la loi d'orientation des mobilités (LOM)

Sur le plan des dépenses, l'AFITF a consommé en 2019 3 507,0 millions d'euros , un montant en très forte hausse de 1 030 millions d'euros ( + 41,6 % ) par rapport aux 2 477 millions d'euros exécutés en 2018.

Cette augmentation s'explique intégralement par l'engagement de 1 179 millions d'euros au titre du canal Seine-Nord-Europe.

En ce qui concerne les autres modes de transport, l'évolution des engagements de l'AFITF est plus contrastée.

Le transport ferroviaire a ainsi bénéficié en 2019 de 1 065,9 millions d'euros d'AE contre 1 291 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 225,1 millions d'euros (- 17,4 %).

Cette somme en diminution correspond notamment à l'engagement de :

- 696 millions d'euros destinés à l'achat de matériel roulant pour des lignes de trains d'équilibre du territoire (TET), soit un montant légèrement inférieur aux 736 millions d'euros de 2018 mais qui témoigne du maintien des efforts financiers consentis par l'État en faveur de ces lignes ;

- 180 millions d'euros pour les opérations du volet ferroviaire des CPER, contre 216 millions d'euros en 2018 ;

- 78 millions d'euros pour le projet de liaison Lyon-Turin et ses accès, une somme en nette diminution par rapport aux 270 millions d'euros engagés en 2018 ;

S'ajoutent à ces sommes 65 millions d'euros correspondant à des interventions sur le réseau existant et 47 millions d'euros pour des opérations orientées vers le fret.

À noter que les engagements en faveur des routes sont passés de 774 millions d'euros en 2018 à 836 millions d'euros en 2019, soit une augmentation de 62 millions d'euros ( + 8,0 % ). Sur cette enveloppe, 482 millions d'euros concernent les interventions de sécurité et de régénération sur le réseau existant ( 474 millions d'euros en 2018) et 298 millions d'euros les interventions inscrites aux CPER ( 275 millions d'euros en 2018).

Dépenses de l'AFITF par destination en 2019

(en millions d'euros)

Domaine

AE

%

CP

%

Ferroviaire

1065,9

30,4 %

1 080,9

43,9 %

Routes

835,9

23,8 %

945,7

38,4 %

Fluvial

1 179,1

33,6 %

102,6

4,2 %

Maritime

42,0

1,2 %

39,1

1,6 %

TCA

332,1

9,5 %

278,8

11,3 %

Mobilités actives

28,5

0,8 %

1 220,2

0,0 %

Divers et support

23,5

0,7 %

16,4

0,7 %

Totaux

3 507,0

100,0 %

2 464,9

100,0 %

Source : AFITF

En ce qui concerne les crédits de paiement, la montée en puissance de l'AFITF, très nette les années précédentes, s'est interrompue en 2019 puisque l'agence a dépensé 2 464,9 millions d'euros , soit 107,6 millions d'euros de moins ( - 4,4 % ) que les 2 572,5 millions d'euros qui avaient été exécutés en 2018.

Ce recul est d'autant plus problématique que la loi d'orientation des mobilités avait prévu que les crédits de paiement exécutés par l'AFITF en 2019 auraient dû atteindre 2 683 millions d'euros , soit 218 millions d'euros supplémentaires, qui correspondent pour l'essentiel aux pertes de recettes au titre des amendes radar (cf. supra ).

Les crédits de paiements consommés par l'AFITF
de 2014 à 2019 (en millions d'euros)

Source : AFITF

En dépit d'un budget de l'AFITF globalement en recul, les dépenses en faveur du mode ferroviaire ont augmenté de 178,9 millions d'euros ( + 19,8 % ) , passant de 902,0 millions d'euros en 2018 à 1 080,9 millions d'euros en 2019.

Sur cette somme, 397 millions d'euros ont été consacrés au renouvellement des trains d'équilibre du territoire-TET ( 233 millions d'euros en 2018), 311 millions d'euros (contre 255 millions d'euros en 2018) aux subventions d'investissements ou aux loyers immobiliers des lignes LGV (LGV Sud Europe Atlantique, LGV Bretagne Pays-de-la-Loire, contournement Nîmes-Montpellier), 156 millions d'euros ( 224 millions d'euros en 2018) aux CPER, 139 millions d'euros ( 116 millions d'euros en 2018) aux interventions de sécurité sur le réseau existant, 32 millions d'euros ( 63 millions d'euros en 2018) au projet de liaison Lyon-Turin et 46 millions d'euros au fret (contre 11 millions d'euros en 2018).

En matière routière, les crédits de paiement consommés ont atteint 946 millions d'euros , soit un niveau élevé quasiment identique à celui de 2018 ( 942 millions d'euros ).

Sur cette somme, 482 millions d'euros ( 485 millions d'euros en 2018) ont été consacrés aux interventions de sécurité et de régénération du réseau existant, 305 millions d'euros ( 303 millions d'euros en 2018) aux opérations inscrites aux CPER et 159 millions d'euros ( 154 millions d'euros en 2018) à des infrastructures nouvelles, en particulier la nouvelle route littorale à La Réunion, la L2 à Marseille et la route Centre-Europe-Atlantique non concédée.

On note enfin le niveau élevé des crédits destinés aux transports collectifs d'agglomération, qui ont atteint 279 millions d'euros en 2019 contre 246 millions d'euros en 2018.

En 2019, l'AFITF a réduit son endettement vis-à-vis de SNCF Réseau au titre du financement de la LGV Sud Europe Atlantique, puisque ses charges à payer sont passées de 220 millions d'euros à la fin de l'année 2018 à 125 millions d'euros à la fin de l'année 2019.

Fin 2019, les restes à payer de l'AFITF représentaient 12,9 milliards d'euros , en forte hausse de 946 millions d'euros par rapport à 2018. Ce montant représente entre cinq et six années de recettes , ce qui invite à faire preuve de vigilance quant à la soutenabilité de l'agence .

67,1 % de ces restes à payer sont concentrés sur le transport ferroviaire et sont pour l'essentiel liés aux contrats de partenariat public-privés conclus pour la construction des lignes à grande vitesse (LGV) Sud Europe Atlantique, Bretagne Pays-de-la-Loire et Nîmes-Montpellier. Alors que ces infrastructures sont entrées en service en 2017, elles continueront à peser longtemps sur les comptes publics.

2. Les crédits en faveur de l'entretien du réseau routier non concédé, qui constitue l'une des priorités de la loi d'orientation des mobilités, ont légèrement augmenté dans le cadre du Grand Plan d'Investissement (GPI)

Alors que le réseau routier non concédé subissait un vieillissement de plus en plus préoccupant , les pouvoirs publics ont pris progressivement conscience ces dernières années de la nécessité de faire de l'entretien et de la régénération des chaussées une véritable priorité . Des efforts financiers importants ont été consentis dans ce sens à partir de 2015, mais ceux-ci apparaissaient réversibles, puisqu'une regrettable diminution des dépenses avait été constatée en 2017.

Pour la période 2018-2022, le Gouvernement s'est engagé à consacrer au réseau routier national non concédé 700 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du Grand Plan d'Investissement (GPI).

Il avait également promis dans la programmation financière annexée à la LOM que le réseau routier national non concédé bénéficierait de 31 % de moyens supplémentaires sur la décennie 2018-2027 par rapport à la décennie précédente.

La promesse avait été tenue en 2018 puisque 1 358,1 millions d'euros en AE et 1 502,8 millions d'euros en CP avaient été consacrés à la route, soit 116,5 millions d'euros supplémentaires en AE et 203,6 millions d'euros en CP par rapport à 2017. Cet effort avait notamment été permis par un fonds de concours de 100 millions d'euros de crédits en provenance de l'AFITF dès 2018

Grâce à une contribution de l'AFITF de 150 millions d'euros , le montant des investissements a connu une hausse de 115 millions d'euros ( + 8,5 % ) en termes d'engagements avec 1 473,5 millions d'euros en AE.

Les paiements ont en revanche connu un important recul de 104,5 millions d'euros (- 7,0 %) à 1 398,3 millions d'euros . Toutefois cette baisse s'explique uniquement par le recul des crédits consacrés aux investissements de développement du réseau.

De fait, les dépenses en entretien routier et régénération ont connu en 2019 une très légère hausse , passant de 488,9 millions d'euros en AE en 2018 à 504,9 millions d'euros en 2019 (soit + 3,3 % ) et de 508,9 millions d'euros en CP en 2018 à 515,6 millions d'euros en 2019 (soit + 1,3 % ).

Il importera donc de poursuivre cet effort dans les années à venir, d'autant que l'indicateur relatif à l'amélioration des chaussées n'a connu jusqu'ici aucune amélioration significative .

3. La Société du Grand Paris, dotée de près de 100 millions d'euros de recettes nouvelles, a poursuivi sa montée en puissance en 2019 en investissant 2,4 milliards d'euros

Les dépenses de la Société du Grand Paris en crédits de paiement, qui étaient de 292 millions d'euros en 2014, de 563 millions d'euros en 2015, de 909 millions d'euros en 2016, de 1 782 millions d'euros en 2017, et de 2 657 millions d'euros en 2018, se sont élevées à 2 993 millions d'euros en 2019, soit une hausse d'environ + 13 % par rapport à l'année précédente.

Pour financer ses dépenses, la SGP a pu compter en 2019 sur une forte augmentation de ses recettes fiscales affectées grâce à différentes mesures votées par le Parlement dans le cadre de la loi de finances pour 2019. La SGP a en effet perçu à ce titre 662 millions d'euros , en croissance de 96 millions d'euros (soit + 17,0 % ) par rapport aux 566 millions d'euros dont elle avait bénéficié en 2018.

Ces recettes correspondent à une fraction de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement ( 470 millions d'euros contre 382 millions d'euros en 2018), à la taxe spéciale d'équipement ( 117 millions d'euros , comme en 2018), à une composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau ( 74 millions d'euros contre 67 millions d'euros en 2018) et pour 1,5 million d'euros à une taxe additionnelle à la taxe de séjour (le rendement de cette taxe nouvelle sera nettement supérieur en 2020 en raison de sa perception décalée majoritairement sur l'année suivante).

À ces recettes fiscales sont venues s'ajouter 39,8 millions d'euros d'autres recettes correspondant à la refacturation du matériel roulant à Île-de-France Mobilités.

Après avoir souscrit 2,4 milliards d'euros d'emprunts en 2018, dont 1,75 milliard d'euros au titre de sa première émission obligataire, la SGP a contracté 3,3 milliards d'euros de nouveaux emprunts en 2019 (dont 3 milliards d'euros levés dans le cadre de son programme « Green Euro Medium Term Note », comprenant 2 milliards d'euros à échéance de 15 ans et 1 milliard d'euros à échéance de 30 ans).

Les dépenses d'investissement de la SGP ont très fortement augmenté, de + 33,7 % en 2019, pour atteindre 2 359 millions d'euros , soit 594 millions d'euros de plus que les 1 765 millions d'euros de 2018.

Des investissements qui ont été multipliés par neuf depuis 2014
(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces dépenses d'investissement comprennent pour 982 millions d'euros les dépenses liées aux chantiers de génie civil de la ligne 15 sud , pour 528 millions d'euros ceux de la ligne 16 et pour 446 millions d'euros ceux du prolongement de la ligne 14 au sud.

Les dépenses de personnel de la SGP sont passées de 29 millions d'euros en 2018 à 39 millions d'euros en 2019, une hausse de + 34,5 % qui reflète l'indispensable augmentation des effectifs de l'établissement, passés de 229 ETP à 322 ETP en un an.

La réévaluation à l'automne 2017 des coûts à la charge de la SGP à 38,5 milliards d'euros en valeur 2012 a conduit le Gouvernement à annoncer le 22 février 2018 un décalage de la mise en service de certaines lignes ou portions de ligne entre 2024 et 2030. Il est dorénavant prévu que les dépenses de la SGP représentent 16 milliards d'euros sur la période 2018-2022 .

Le rapport remis par notre collègue député Gilles Carrez (Les Républicains, Val-de-Marne) au Gouvernement le 6 septembre 2018 avait mis en lumière le besoin d'affecter entre 200 et 250 millions d'euros de recettes nouvelles pour financer le projet , ce qui avait donné lieu à l'adoption des mesures fiscales qui ont permis à la SGP de recevoir 96 millions d'euros de recettes supplémentaires en 2019.

Cette somme étant jugée encore insuffisante, l'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du Sénat, plusieurs mesures fiscales supplémentaires dans le cadre de la loi de finances pour 2020, à savoir :

- un nouvel aménagement de la taxe locale sur les bureaux en Île de France, consistant à appliquer un tarif pour les locaux à usage de bureaux dans une zone dite « premium » 145 ( * ) de 23,19 euros pour le tarif normal et de 11,51 euros pour le tarif réduit, soit un surplus de 20 % par rapport aux tarifs applicables dans l'actuelle zone 1. Cette mesure, pénalisante pour les entreprises franciliennes , est censée rapporter 44 millions d'euros à la SGP en 2020 ;

- l'affectation à la SGP d'un prélèvement de 75 millions d'euros en 2020 sur les recettes tirées des droits de mutation à titre onéreux des départements franciliens.

Si cette seconde mesure, particulièrement contestée par le Sénat car elle venait fragiliser des collectivités dont la situation financière était déjà difficile, a été censurée par le Conseil constitutionnel , le problème du financement de la SGP et du Grand Paris Express reste un sujet de préoccupation important, tout comme la maîtrise de ses coûts .

C'est la raison pour laquelle la commission des finances du Sénat a mis en place un groupe de travail 146 ( * ) consacré aux coûts et au financement du Grand Paris Express , deux enjeux rendus encore plus prégnants par la pandémie de Covid 19, qui a fait prendre du retard aux chantiers et devrait également amoindrir les recettes de l'établissement.

4. Si les investissements réalisés par VNF en 2019 pour régénérer le réseau fluvial sont significatifs, ils demeurent en deçà des objectifs fixés par la loi d'orientation des mobilités (LOM)

Voies navigables de France (VNF) , établissement public placé sous la tutelle du ministère chargé des transports, a pour mission la gestion des voies navigables au nom de l'État . Il bénéficie à ce titre d'une subvention pour charges de service public portée par le programme 203.

Alors que la loi de finances initiale avait prévu que cette somme s'élèverait à 251,4 millions d'euros en 2019, elle s'est finalement élevée à 248,2 millions d'euros , soit un niveau quasiment identique à celui de 2018.

Sont venus s'ajouter à cette somme, également en provenance du programme 203, 0 ,7 million d'euros au titre du Fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines , cette somme servant à financer en partie les actions relatives à la transformation et à la modernisation de l'établissement, ainsi que 0,4 million d'euros au titre du Plan d'aide à la modernisation et à l'innovation (PAMI) , qui permet de favoriser l'adaptation de la flotte fluviale aux exigences environnementales et logistiques.

Les produits de cession au titre des ventes réalisées en 2018 et 2019, en provenance du programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État », ont représenté 4,3 millions d'euros .

Alors qu'un litige avec Électricité de France (EDF) avait conduit VNF à ne percevoir que 113 millions d'euros au titre de la taxe hydraulique en 2018, l'établissement a bien perçu en 2019 les 127,5 millions d'euros correspondant au plafond prévu en loi de finances. 2019 constituait la dernière année de perception de la taxe hydraulique, celle-ci ayant été remplacée par une redevance pour service rendu à compter du 1 er janvier 2020.

VNF a également perçu en 2019 31 millions d'euros de redevances domaniales (soit un montant identique à celui de 2018) ainsi que 15 millions d'euros de recettes de péages (14 millions d'euros en 2018).

Comme prévu par la loi de finances initiale, VNF a bénéficié en 2019 d'une hausse de sa subvention versée par l'AFITF au titre de la restauration et de la modernisation du réseau fluvial , laquelle est passée de 80 millions d'euros en 2018 à 96 millions d'euros en 2019, ce qui représente une hausse significative de + 20 % en un an.

Plusieurs autres recettes fléchées se sont révélées plus dynamiques qu'attendu. Les cofinancements européens pour les investissements, qui étaient estimés à 8,1 millions d'euros , ont été exécutés à 37,5 millions d'euros . Les autres cofinancements provenant essentiellement des collectivités territoriales, estimés à 10,4 millions d'euros en prévision, ont finalement atteint 28,9 millions d'euros en exécution.

Plusieurs épisodes de crues survenues ces dernières années ont mis en évidence les fragilités du vieillissant réseau de voies navigables géré par VNF, pénalisé par l'insuffisance des investissements dont il a trop longtemps pâti.

La programmation des investissements dans les transports annexée à la loi d'orientation des mobilités (LOM) prévoyait, à la suite d'un audit commandé par l'État, que VNF devrait consentir dans les années à venir un montant d'investissement total moyen de 190 millions d'euros par an et bénéficierait dans cette perspective de subventions annuelles de l'AFITF de 110 millions d'euros par an entre 2019 et 2022, soit 14 millions d'euros de plus que la subvention effectivement reçue en 2019..

Conséquence de cette subvention en retrait, le niveau d'investissements consenti en faveur des infrastructures n'a atteint que 173,8 millions d'euros en 2019, un montant il est vrai plus élevé que les 164 millions d'euros de 2018 et les 135,8 millions d'euros de 2017. Ces crédits sont venus financer la remise en état du réseau à grand gabarit , la modernisation des méthodes d'exploitation ainsi que la protection de l'environnement et la sécurité .

Au total, si les efforts consentis pour moderniser le réseau sont indéniables, un effort financier demeure nécessaire pour respecter la trajectoire fixée par la LOM.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « SERVICES NATIONAUX DE TRANSPORT CONVENTIONNÉS DE VOYAGEURS »

1. Les trains d'équilibre du territoire ont été profondément réformés depuis 2015

Depuis 2011, l'État est devenu l'autorité organisatrice des lignes de trains d'équilibre du territoire (TET) , qui jouent un rôle important en matière d'aménagement du territoire , et sont exploitées depuis le 1 er janvier 2012 sous la dénomination « Intercités ».

En tant qu'autorité organisatrice, l'État détermine le plan de transport que doit réaliser SNCF Mobilités (fréquence des trajets par lignes, nombres d'arrêts à réaliser par gares).

En contrepartie, il verse chaque année à l'opérateur ferroviaire des compensations pour financer une partie de son déficit résultant de l'exploitation des TET ainsi que le programme pluriannuel de maintenance et de régénération de leur matériel roulant .

Entre 2015 et 2018, ces trains Intercités, dont le déficit d'exploitation s'était dangereusement creusé dans la période précédente, ont fait l'objet d'une profonde réforme destinée à redynamiser l'offre proposée aux voyageurs . Cette réforme s'est notamment traduite pas la fermeture de lignes de nuit et par le transfert aux régions de nombreuses lignes de jour (voir encadré ci-dessous).

La réforme des lignes de Trains d'équilibre du territoire (TET)

Le secrétaire d'État chargé des transports, de la mer et de la pêche avait mis en place en novembre 2014 une commission « TET d'avenir » et lui avait confié la mission d' étudier les dysfonctionnements de l'offre TET afin de proposer des axes d'amélioration . Sur la base du diagnostic de cette commission, il avait établi le 7 juillet 2015 une feuille de route « pour un nouvel avenir des trains d'équilibre du territoire » visant à réformer profondément les lignes Intercités .

À la suite d'un important travail de concertation, le Gouvernement a décidé de cesser progressivement de financer six lignes de nuit entre le 1 er octobre 2016 et le 1 er octobre 2017 147 ( * ) , seules les lignes Paris-Briançon et Paris-Rodez-Latour-de-Carol restant en activité, à raison d' un aller-retour quotidien , en tant que lignes d'aménagement du territoire .

D'autre part, il a signé des accords de reprise de lignes Intercités avec de nombreuses régions . Ainsi, la région Normandie , par un accord signé le 25 avril 2016, a accepté de devenir l'autorité organisatrice des cinq lignes TET qui la desservent 148 ( * ) et d'en supporter les déficits , à compter du 1 er janvier 2020 au plus tard, en contrepartie d' un financement de l'État de 720 millions d'euros pour renouveler le matériel roulant , largement vétuste, des lignes Paris-Caen-Cherbourg et Paris-Rouen-Le Havre.

À la Normandie sont ensuite venues depuis s'ajouter les régions Grand Est, Nouvelle-Aquitaine, Hauts-de-France, Occitanie et Centre-Val de Loire. Au total, 18 lignes ont été transmises aux régions , selon des modalités spécifiques pour chacune d'entre elles, et l'État s'est engagé à investir plus de 1,4 milliard d'euros au total pour l'acquisition de matériels neufs.

En revanche, l'État est resté l'autorité organisatrice des lignes de longue distance structurantes au niveau national, à savoir les trois lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, Paris-Clermont-Ferrand et Bordeaux-Toulouse-Marseille . Il s'est engagé à acquérir d'ici 2025 des rames neuves adaptées aux besoins des voyageurs sur ces lignes, pour un montant d'environ 1,2 milliard d'euros .

Par ailleurs, ont également été maintenues sous l'autorité de l'État , au titre de l'aménagement du territoire les trois lignes Nantes-Bordeaux, Toulouse-Hendaye et Nantes-Lyon .

Source : commission des finances du Sénat

Les obligations respectives de l'opérateur ferroviaire et de l'État sont formalisées dans des conventions d'exploitation. La convention actuellement en vigueur, valable pour la période 2016-2020 , a été adoptée le 27 février 2017 . Elle traduit les profondes évolutions de l'offre TET survenues depuis quatre ans et la volonté de reconquête commerciale portée conjointement par l'État et SNCF Mobilités.

Les premiers résultats de cette réforme sont plutôt encourageants, puisque 9 % de voyageurs supplémentaires ont emprunté en 2019 les lignes Intercités malgré le mouvement social du mois de décembre. Les taux de remplissage des trains Intercités sont passés de 38 % en 2017 à 41 % en 2019 , grâce notamment à la politique de « petits prix » mise en place par l'opérateur ferroviaire. La fréquentation des lignes de nuit a augmenté de + 25 % par rapport à 2018.

La régularité des trains s'est légèrement améliorée en 2019 avec 85,6 % des trains à l'heure contre 83,4 % en 2018, mais ces chiffres sont clairement insuffisants. De nombreuses causes de retard (exploitant pour 32 % , gestionnaire d'infrastructure pour 31 % , externes pour 26 % et autres activités pour 11 % ) pénalisent toujours les voyageurs.

2. Le CAS a bénéficié en 2019 d'une révision à la baisse des compensations dues à SNCF Mobilités pour l'exploitation des lignes TET

Les compensations versées par l'État à SNCF Mobilités , mais également celles qui sont désormais prévues pour les régions dans le cadre du transfert de certaines lignes TET, sont portées par le compte d'affectation spéciale (CAS) « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs » , qui a été créé par l'article 65 de la loi de finances pour 2011.

Le CAS perçoit diverses taxes affectées (contribution de solidarité territoriale-CST, fraction de la taxe d'aménagement du territoire-TAT et taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires-TREF) qui lui permettent de reverser une dotation à SNCF Mobilités afin de financer le déficit qu'elle constate au titre de l'exploitation des lignes TET (programme 785 « Exploitation des services nationaux de transport conventionnés ») et de renouveler leur matériel roulant (programme 786 « Matériel roulant des services nationaux de transport conventionnés »).

En 2019, les ressources du CAS se sont élevées à 359,3 millions d'euros , dont 226 millions d'euros au titre de la TREF, 117,2 millions d'euros au titre de la TAT et 16,1 millions d'euros au titre de la CST. Ces montants sont quasiment conformes à ceux prévus en loi de finances initiale, le montant des deux taxes acquittées par la SNCF ayant été supérieur de seulement 112 538 euros aux prévisions.

Au titre de l'exercice 2019, il était prévu en loi de finances initiale que les dépenses du CAS s'élèveraient à 359,2 millions d'euros en AE et en CP.

Cette somme comprenait 286,2 millions d'euros (AE=CP) au titre de l'exploitation des trains d'équilibre du territoire (programme 785) et de 73,0 millions d'euros (AE=CP) pour la contribution de l'État aux investissements relatifs à la maintenance et à la régénération du matériel roulant (programme 786).

À l'issue de la gestion, le compte fait apparaître des dépenses totales de 335,3 millions d'euros en AE et 339,9 millions d'euros en CP, dont 262,3 millions d'euros en AE et 265,8 millions d'euros en CP pour l'exploitation des TET et 73 millions d'euros pour le matériel roulant (AE=CP).

La sous-exécution des crédits du programme 785 s'explique principalement par des économies de 28 millions d'euros sur la compensation d'exploitation versée par l'État à SNCF Mobilités au titre de titre de 2019, laquelle s'est élevée à 176,9 millions d'euros contre une prévision initiale de 197 millions d'euros .

Toujours sur le programme 785, les versements des contributions prévues au titre de la participation de l'État aux frais d'exploitation des lignes TET qui ont été transférées aux régions ont été conformes aux prévisions de la loi de finances initiale, avec un montant de 88,2 millions d'euros .

Sur cette somme, 49 millions d'euros ont été attribués au Centre-Val de Loire, 6,7 millions d'euros à la Nouvelle-Aquitaine, 4,5 millions d'euros à l'Occitanie, 15 millions d'euros aux Hauts-de-France (à la suite de la reprise de lignes TET au 1 er janvier 2019 et 13 millions d'euros à la région Grand Est.

MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT
ET MOBILITÉ DURABLES »
PROGRAMME « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE »
ET BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS »

m. vincent capo-canellas, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » EN 2019 393

1. Un trafic aérien en hausse de 4,0 % en 2019 malgré une fin d'année moins favorable 393

2. Comme en 2018, la croissance du trafic aérien a permis au BACEA de dégager en 2019 un important excédent d'exploitation 394

3. Les recettes des redevances de navigation aérienne ont été supérieures aux prévisions en raison du dynamisme du trafic 395

4. Des recettes de la taxe de l'aviation civile et de la taxe de solidarité sur les billets d'avion supérieures de 73 millions d'euros aux prévisions en 2019 396

5. Les recettes du BACEA devraient connaître un effondrement sans précédent en 2020 397

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 399

1. Le désendettement du budget annexe s'est accéléré en 2019, de sorte que la dette ne représentait plus que 30 % des produits d'exploitation au 31 décembre 2019 399

2. La masse salariale de la DGAC demeure en augmentation de 0,8 %, en dépit d'une sous-exécution des mesures catégorielles prévues au titre des protocoles sociaux 401

3. La baisse préoccupante des crédits d'investissements consacrés aux grands programmes de modernisation de la navigation aérienne fait craindre de nouveaux retards 403

4. Si la sécurité des vols s'accroît, les retards liés au contrôle aérien demeurent trop éloignés des objectifs fixés par la Commission européenne 405

III. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES » 407

1. Avec une subvention pour charges de service public quasiment identique à celle de 2018, Météo France a poursuivi en 2019 ses efforts pour acquérir un nouveau supercalculateur, augmenter ses ressources propres et réduire ses effectifs 408

2. L'IGN, un opérateur confronté au développement de l'open data 410

3. Le Céréma, fragilisé par l'attrition de ses moyens, met en place depuis l'automne 2018 son nouveau projet stratégique Cerem'avenir 411

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » EN 2019

La mission « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) retrace dans le cadre d'un budget annexe les activités de production de biens et de prestation de services de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) .

Elle est l'un deux seuls budgets annexes qui subsistent depuis la loi de finances pour 2007, avec le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Elle rassemble trois programmes : le programme 613 « Soutiens aux prestations de l'aviation civile » (consacré aux fonctions supports de la DGAC), le programme 612 « Navigation aérienne » et le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification ».

1. Un trafic aérien en hausse de 4,0 % en 2019 malgré une fin d'année moins favorable

En dépit d'une inflexion constatée à partir du mois de septembre, le trafic aérien a poursuivi en 2019 sa forte croissance constatée les années précédentes, ce qui a eu un impact tant sur l'activité de la DGAC (contrôle aérien, surveillance et certification, etc.) que sur ses recettes (redevances de la navigation aérienne, taxe de l'aviation civile, taxe de solidarité sur les billets d'avion).

En premier lieu, 201 millions de passagers ont voyagé sur des vols internationaux et intérieurs desservant les aéroports métropolitains, ce qui a représenté une hausse de 4,0 % du trafic passagers par rapport à 2018. L'impact des faillites des compagnies aériennes Aigle Azur, XL Airways et Thomas Cook Airlines s'est toutefois fait sentir à partir de l'automne .

Les survols du territoire ont augmenté de + 2,0 % et les vols internationaux au départ et à l'arrivée des aéroports français ont également augmenté de + 2,0 % . À noter toutefois que les incertitudes liées au Brexit ont provoqué une chute de - 2,0 % du trafic avec le Royaume-Uni.

Les vols intérieurs au territoire français sont quant à eux parvenus à se stabiliser après plusieurs années de baisse, malgré une diminution de - 4,0 % constatée pour les mois de novembre et de décembre .

Comme chaque année depuis 2015, de nouveaux records de trafic pour les services de la navigation aérienne ont été établis en 2019, avec plus de 3 273 964 vols contrôlés (soit une hausse de 1,5 % par rapport à 2018), ce qui correspondait à une moyenne très élevée de 8 970 vols contrôlés par jour.

La tendance à la saisonnalité des vols ainsi que les phénomènes de pointe s'étaient encore accentués, avec un nouveau record journalier de 11 311 vols pris en charge le 12 juillet 2019 , ce qui avait nécessité une forte mobilisation des équipes de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA).

À l'heure où il écrit ces lignes, le rapporteur spécial ne peut toutefois manquer de noter que les résultats qu'il vient de citer paraissent appartenir à une autre époque , le secteur du transport aérien étant probablement le plus touché par les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 .

Alors que le trafic aérien a connu un quasi arrêt en Europe de la mi-mars à la mi-mai 2020, et que des mesures de soutien exceptionnelles ont été nécessaires partout dans le monde pour sauver des compagnies aériennes menacées par la faillite , tout porte à croire que plusieurs années seront nécessaires avant que les chiffres de 2019 ne puissent être retrouvés.

2. Comme en 2018, la croissance du trafic aérien a permis au BACEA de dégager en 2019 un important excédent d'exploitation

Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) est présenté en équilibre . Ses dépenses sont financées principalement par des taxes et redevances , par le produit des recettes tirées de l'activité de ses services et, le cas échéant, par la variation de son endettement .

Le projet annuel de performances 2019 prévoyait pour le BACEA des dépenses de 2 122,0 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) . Compte tenu des reports de crédits, des fonds de concours et des attributions de produits, le total des crédits disponibles s'élevait à 2 218,6 millions d'euros en AE et à 2 181,9 millions d'euros en CP.

En exécution, ces dépenses se sont élevées à 2 173,1 millions d'euros en AE et 2 125,8 millions d'euros en CP, soit des taux d'exécution de respectivement 97,9 % et 97,3 % . Si la consommation en AE est restée quasiment identique à celle de 2018, elle a en revanche diminué de - 2,2 % en CP en raison d'une sous-exécution des dépenses d'investissement du programme 612 « Navigation aérienne ».

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

LFI 2019

Reports entrants

LFR

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

613- Soutien aux prestations de l'aviation civile

1 507,4

0,3

-3,8

1,3

1 505,2

1 498,9

99,6 %

612- Navigation aérienne

572,2

11,1

-

45,4

628,7

578,3

92,0 %

614 Transports aériens, surveillance et certification

42,4

0,8

-

7,8

51,0

48,6

95,3 %

Total BACEA

2 119,0

12,2

-3,8

54,5

2  181,9

2 125,8

97,3 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Toujours en exécution, le BACEA a enregistré 2 231,6 millions d'euros de recettes , alors que le montant attendu en loi de finances initiale était de 2 114,6 millions d'euros , soit un supplément de recettes très significatif de 117,0 millions d'euros .

Conséquence de la maîtrise de ses dépenses et du dynamisme de ses recettes, le BACEA a enregistré en 2019 un nouvel excédent d'exploitation de 406,2 millions d'euros , en baisse de 11,3 millions d'euros par rapport à celui de 2017 ( 417,5 millions d'euros ).

Le résultat obtenu est toutefois supérieur de 41,8 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale pour 2019 ( 364,4 millions d'euros ).

3. Les recettes des redevances de navigation aérienne ont été supérieures aux prévisions en raison du dynamisme du trafic

Ainsi qu'il a été indiqué supra , le BACEA a enregistré en 2019 2 231,6 millions d'euros de recettes , un montant supérieur de 117,0 millions d'euros à la prévision, ce qui représente un écart significatif de + 5,5 % .

Si le rendement des redevances de la navigation aérienne a été meilleur que prévu, c'est surtout le produit des taxes affectées au BACEA qui s'est révélé particulièrement dynamique en 2019 .

Les redevances de navigation aérienne constituent 74 % des ressources du BACEA. Elles comprennent la redevance de route, la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) métropole ainsi que les redevances de navigation aérienne outre-mer.

Le montant total de ces redevances a représenté en exécution 1 620,7 millions d'euros , soit un montant supérieur de 22 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale pour 2019. Cette évolution favorable s'explique par une hausse de + 1,6 % des unités de service en route (survols compris) plus forte que ce qui avait été anticipé.

Les recettes de la redevance de route ont atteint 1 327,0 millions d'euros , soit 11,0 millions d'euros de plus que prévu. Selon le rapport annuel de performance, cet écart s'explique par l'encaissement , en janvier et février 2019, des redevances facturées en novembre et décembre 2018 au taux de 2018 , lequel était supérieur à celui de 2019.

Les recettes perçues au titre de la RSTCA métropole ont atteint 215,0 millions d'euros , soit un montant légèrement supérieur à la prévision initiale de 211,0 millions d'euros . Les résultats des redevances de navigation aérienne outre-mer ont été supérieurs de 19,0 % aux attentes, avec 48,5 millions d'euros en exécution contre une prévision de 41 millions d'euros .

Les recettes des redevances de surveillance et certification ont pour leur part représenté 30,6 millions d'euros , soit 0,6 million d'euros de plus que la prévision, une hausse qui s'explique là encore par le dynamisme du trafic.

4. Des recettes de la taxe de l'aviation civile et de la taxe de solidarité sur les billets d'avion supérieures de 73 millions d'euros aux prévisions en 2019

Les recettes de la taxe d'aviation civile (TAC) , intégralement perçues par le BACEA depuis le 1 er janvier 2016, ont été beaucoup plus favorables qu'espéré , puisque son produit a atteint 482,4 millions d'euros , soit 45,7 millions d'euros de plus ( + 10,5 % ) que les 436,7 millions d'euros prévus par la loi de finances initiale : cet écart résulte de la croissance du trafic et de la hausse du nombre de passagers par rapport à l'assiette prévisionnelle.

La TAC, directement indexée sur le trafic passagers, représente une ressource particulièrement dynamique pour la DGAC, puisque son produit représentait 436,6 millions d'euros en 2017 et 464,3 millions d'euros en 2018. Le montant perçu en deux ans aura donc augmenté de 45,8 millions d'euros , soit une hausse de + 10,5 % .

Le rapporteur spécial note du reste que la prévision de recettes de la TAC inscrite en loi de finances initiale pour l'année 2019 correspondait au montant perçu par le BACEA en 2017, ce qui est surprenant compte tenu des prévisions de hausses du trafic pour 2018 et pour 2019 établies au moment de son élaboration.

En exécution, la taxe de Bâle-Mulhouse 149 ( * ) a atteint un niveau inférieur à la prévision initiale de 6 millions d'euros , avec 4,8 millions d'euros effectivement perçus. Mais il s'agit là d'un simple décalage calendaire, seuls trois trimestres de l'année 2019 ayant été versés au BACEA.

Le surplus de recettes perçues par la DGAC s'explique en réalité principalement par le produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion excédant le plafond de 210 millions d'euros , affecté pour la troisième année consécutive au BACEA 150 ( * ) , et pour lequel aucun montant n'avait été inscrit en loi de finances pour 2019.

Or, le produit de cet excédent a atteint le montant très significatif de 57,65 millions d'euros , alors qu'il avait représenté 31,6 millions d'euros en 2018 et 14,6 millions d'euros en 2017.

Lors de l'examen de la loi de finances pour 2019, les responsables de la DGAC avaient expliqué avoir construit leur budget en partant du principe que cette recette leur serait retirée , au titre des mesures de soutien à la compétitivité des compagnies françaises alors envisagées dans le cadre des Assises du transport aérien .

Or, lesdites Assises n'ont nullement modifié l'assiette , le taux ou l'affectation de la taxe de solidarité , ce qui explique que la DGAC ait finalement bénéficié à plein en 2019 de cette recette en forte croissance.

Au total, la DGAC a donc perçu près de 102 millions d'euros de recettes supplémentaires au titre des taxes qui lui sont affectées. Le rapporteur spécial constate ainsi année après année que ces recettes du BACEA font l'objet d'une sous-évaluation systématique en loi de finances initiale , puisque l'excédent de recettes était déjà de 73 millions d'euros en 2018.

Il serait donc souhaitable pour l'avenir que les responsables de la DGAC s'attachent à donner une image plus précise des recettes attendues , même si les exercices de prévision seront probablement plus difficiles dans les années à venir compte tenu des effets de la crise du transport aérien provoquée par la pandémie de Covid-19.

5. Les recettes du BACEA devraient connaître un effondrement sans précédent en 2020

Le secteur du transport aérien étant l'un des plus touchés par la crise du Covid-19, le BACEA, dont les recettes sont étroitement liées à l'activité des compagnies aériennes , est naturellement très fortement impacté .

À la chute spontanée des recettes provoquées par le quasi arrêt du trafic aérien de la mi-mars à la mi-mai (le programme de vol d'Air-France KLM ne représentait plus que 10 % de son programme de vol habituel), sont venues s'ajouter des mesures destinées à venir en aide aux compagnies aériennes françaises .

Un soutien rapide en trésorerie paraissait en effet indispensable, les compagnies aériennes ne disposant en moyenne que de deux mois de liquidités , et devant faire face à des charges fixes très lourdes (évaluées à un milliard d'euros par mois environ pour Air France par la banque UBS).

Aux mesures dont bénéficient toutes les entreprises, l'État a donc décidé le 1 er avril d'ajouter des aides spécifiques pour le transport aérien , sous la forme d'un report en fin d'année de taxes et redevances spécifiques aux compagnies aériennes titulaires d'une licence d'exploitation en France exigibles entre mars et décembre 2020 et d'un étalement de leur remboursement en 2021 et 2022.

Dans le détail, sont concernées :

- la taxe de l'aviation civile (TAC) ;

- les redevances pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) .

Par ailleurs, l'organisation Eurocontrol a décidé d'un moratoire de plusieurs mois de la redevance de route (RR) , laquelle constitue de loin la principale ressource du BACEA .

L'impact massif sur les recettes du BACEA de la chute brutale du trafic à compter de mars 2020 et des mesures destinés à soutenir les compagnies aériennes est décrit dans le tableau ci-dessous.

Principales recettes du BACEA en 2020

(en millions d'euros)

LFI 2020

LFR 2020 n° 1

LFR 2020 n° 2

Prévision actuelle 2020

Redevances de route

1293,0

- 312,7

- 549,4

430,9

Redevance océanique

13

- 3,1

- 6,1

3,8

RSTCA-M

214,0

- 51,8

- 116,0

46,2

RSTCA-OM

31

- 7,5

- 15,8

7,7

Redevances certification

30,4

- 7,4

- 9,4

13,6

Taxe de l'aviation civile

472,0

- 114,1

- 200, 1

157,8

Frais taxes pour compte tiers

6,5

- 1,6

- 2,8

2,1

Total

2 060

- 498

- 900

662

Des 2,06 milliards d'euros de recettes initialement prévues ne subsisteraient donc plus que 662 millions d'euros en 2020, ce qui correspond à une division par trois.

Cette situation va inévitablement conduire le BACEA à se rendetter massivement .

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le désendettement du budget annexe s'est accéléré en 2019, de sorte que la dette ne représentait plus que 30 % des produits d'exploitation au 31 décembre 2019

Alors que la dette du BACEA avait connu une augmentation très forte dans les années qui avaient suivi la crise du transport aérien de 2009 pour atteindre un pic à 1,28 milliard d'euros au 31 décembre 2014 , son encours a diminué de 137,7 millions d'euros en 2019, soit une baisse de - 17,1 %, supérieure de 66,7 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale, pour s'établir à 667,4 millions d'euros au 31 décembre 2019 contre 805,1 millions d'euros au 31 décembre 2018.

Le niveau suffisant de trésorerie et la bonne exécution des recettes ont en effet permis, pour la deuxième année consécutive, de ne pas procéder au tirage d'emprunt de 59,7 millions d'euros prévu dans le budget du BACEA pour 2018.

La dynamique de résorption de la dette du BACEA s'amplifie donc : l'encours a baissé de 47,9 % depuis 2015, ce qui a permis de complètement effacer les effets de la crise économique de 2008-2009 ainsi que le rachat d'installations d'Aéroports de Paris en 2005.

Évolution de l'endettement du budget annexe de 2008 à 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi, alors que le ratio de l'endettement sur les recettes d'exploitation du BACEA , qui constitue l'un des principaux indicateurs de performance de la mission, s'élevait encore à 44,9 % en 2017 et 36,8 % en 2018, il a significativement reculé en 2019 pour atteindre 30,0 % , un résultat nettement plus favorable que celui qui avait été initialement prévu par la DGAC, qui s'était fixé pour objectif un ratio de 41,0 %, un chiffre d'ailleurs surprenant dans la mesure où il était supérieur au résultat constaté en 2018.

Outre les efforts de réduction de l'encours de dette, ce bon résultat s'explique avant tout par le dynamisme des recettes de la DGAC , et en particulier celles de la taxe de l'aviation civile (TAC) et, plus encore en 2019, celles de la taxe de solidarité (TS).

Ces dernières années, le rapporteur spécial avait systématiquement soutenu la politique de désendettement du BACEA , laquelle lui apparaissait indispensable pour restaurer la soutenabilité de ce budget annexe mais également pour dégager des marges de manoeuvre si la croissance du transport aérien, très dynamique ces dernières années, venait à ralentir.

La crise économique d'une exceptionnelle gravité que connaît aujourd'hui le secteur en raison de la pandémie du Covid-19 est malheureusement venue démontrer à quel point ce désendettement était nécessaire puisque la BACEA va à présent devoir se rendetter dans des proportions sans précédent dans son histoire pour jouer un rôle d' « amortisseur de crise » .

À l'issue des deux premiers projets de loi de finances rectificatifs pour 2020, il est de fait déjà prévu que la DGAC pourra emprunter cette année 1 250 millions d'euros , ce qui pourrait porter sa dette à près de 2 milliards d'euros (contre un maximum historique de 1,3 milliard d'euros atteint en 2014).

Tout porte à croire que cette somme sera malgré tout insuffisante et que le BACEA devra emprunter encore davantage pour compenser la chute de ses recettes en 2020 et 2021 (voir supra ).

2. La masse salariale de la DGAC demeure en augmentation de 0,8 %, en dépit d'une sous-exécution des mesures catégorielles prévues au titre des protocoles sociaux

Les dépenses de personnel de la DGAC , qui représentent 56,2 % des dépenses du BACEA , se sont élevées à 1 195,4 millions d'euros en 2019, en hausse de 0,8 % par rapport aux 1 182,9 millions d'euros de 2018.

Ce montant est toutefois inférieur de 17 millions d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale, qui s'élevaient à 1 212,4 millions d'euros (soit un taux d'exécution des crédits de 98,6 % ).

Cette légère sous-exécution s'explique par des dépenses liées au protocole social plus faibles que prévues, notamment concernant les expérimentations du contrôle de la navigation aérienne, par le non-paiement de jours de grève (28 jours de grève en 2019, dont 8 spécifiques à la DGAC) ou bien encore par des mesures programmées en 2019 qui n'ont pas pu être exécutées dans les dates limites de fin de gestion.

À la suite de cette sous-exécution, 3,8 millions d'euros de crédits de titre 2 ont été annulés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2019 et 8,0 million d'euros ont été affectés au désendettement du BACEA au titre de la fongibilité asymétrique.

Hors CAS pensions, les dépenses de personnel de la DGAC sont passées de 914,2 millions d'euros en 2018 à 921,7 millions d'euros en 2019, soit une augmentation limitée à 0,8 % sur un an. Selon la Cour des comptes, le coût moyen par ETPT 151 ( * ) de la DGAC a connu une nouvelle hausse de 0,9 % en 2019, contre 2,0 % en 2018 et 2,6 % en 2017.

Ce résultat relativement satisfaisant s'explique en premier lieu par le respect du schéma d'emploi (0 ETP par an pour la période 2016-2019, contre - 100 ETP par an pour la période 2013-2105) qui a permis à la DGAC de réaliser des économies de 0,88 million d'euro par rapport à 2018.

Toutefois, la conformité du solde à la prévision - soit 0 ETP supplémentaire en 2019 - ne doit pas occulter l'existence d'écarts très importants entre les entrées et les sorties programmées et celles qui sont effectivement constatées. Ainsi, 409 sorties et 409 entrées se sont produites en 2019 , alors que seules 318 entrées et sorties avaient été prévus. Cet écart très significatif de 101 ETP montre qu'il est nécessaire d'améliorer rapidement la programmation du schéma d'emploi , l'existence de tels écarts se produisant chaque année (écart de 101 ETP en 2018, de 161 ETP en 2017, de 84 ETP en 2016, etc.).

Deuxième facteur ayant participé à la limitation de la hausse des dépenses, une exécution plus faible que prévue des mesures catégorielles prévues au titre des protocoles sociaux de la DGAC, puisque le coût de ces mesures a représenté en 2019 7 millions d'euros , pour une prévision en loi de finances initiale de 12,9 millions d'euros .

Pour mémoire, les dépenses supplémentaires liées aux protocoles sociaux s'étaient élevées à 15,9 millions d'euros en 2018 et 18,2 millions d'euros en 2017.

Cette sous-exécution de 5,9 millions d'euros en 2019 s'explique par les facteurs suivants :

- la révision à la baisse de l'enveloppe allouée aux expérimentations de 4,5 millions d'euros à 2,6 millions d'euros ;

- le décalage en 2020 de la mise en oeuvre de l'expérimentation au CRNA d'Aix-en-Provence, qui a permis de réaliser 2,6 millions d'euros d'économies .

- le report en paye en janvier 2020 du versement du complément de l'ISQ pour les ICNA, soit 0,9 millions d'euros de dépenses en moins au titre de 2019 ;

- le coût au titre du PPCR revu à la baisse de 0,5 million d'euros .

Même s'il convient de noter le caractère plus limité en 2019 des mesures catégorielles portées par le BACEA, le caractère particulièrement onéreux des protocoles sociaux de la DGAC mérite être rappelé.

La Cour des comptes a en effet calculé que les dépenses au titre des mesures prévues par les protocoles sociaux successifs s'élevaient à 73 millions d'euros depuis 2013 , à comparer avec les économies de 20 millions d'euros réalisées grâce au schéma d'emploi.

À lui seul, le coût pour les finances publiques du protocole social 2016-2019 signé le 19 juillet 2016 dans un contexte social tendu est évalué à 55 millions d'euros sur la période, comprenant environ 45 millions d'euros de mesures catégorielles et 10 millions d'euros correspondant à l'application du protocole interministériel « parcours professionnel, carrières et rémunérations » (PPCR).

Les mesures catégorielles susmentionnées impliquaient des contreparties demandées aux personnels de la DGAC , et en particulier aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), en matière de productivité et d'adaptation du temps de travail , qui devaient leur permettre de faire face à la hausse continue du trafic et à sa saisonnalité de plus en plus marquée ces dernières années.

Or, la DGAC n'a toujours pas produit à ce stade d'étude permettant de comparer les coûts du protocole avec les gains de productivité permis par les expérimentations des nouveaux cycles de travail de ses personnels . Il apparaît nécessaire qu'un tel document soit rapidement conçu et transmis au Parlement.

Alors que la négociation d'un nouveau protocole social pour la période 2020-2024 est actuellement en cours, le rapporteur spécial souhaite que les modalités d'évaluation de son coût et les gains de productivités attendus fassent l'objet de prévisions précises et quantifiées , et que celles-ci soient également communiquées au Parlement.

3. La baisse préoccupante des crédits d'investissements consacrés aux grands programmes de modernisation de la navigation aérienne fait craindre de nouveaux retards

Les dépenses d'investissement revêtent une grande importance pour la DGAC, car elles sont indispensables pour assurer le passage au « Ciel unique européen » , initiative de la Commission européenne qui vise à moderniser la gestion de l'espace aérien européen , en particulier grâce au coûteux programme technologique SESAR .

Or la DGAC a pris du retard dans son programme de modernisation du contrôle de la navigation aérienne , ainsi que le rapporteur spécial l'a mis en lumière dans son rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe » 152 ( * ) présenté devant la commission des finances du Sénat le 13 juin 2018.

Afin de tenter de combler ce retard, la DGAC n'avait cessé d'augmenter ses dépenses d'investissement depuis 2013, année où ces dépenses avaient atteint un point bas inquiétant à 138,3 millions d'euros .

Ce mouvement s'est interrompu en 2019 puisque les dépenses d'investissement sont passées de 230,8 millions d'euros en 2018 à 194,8 millions d'euros en 2019, soit une baisse de 36 millions d'euros (- 15,6 %).

La hausse des dépenses d'investissement s'est interrompue en 2019

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Sur cette somme, 180,5 millions d'euros , (soit 92,7 % du total), un montant en baisse de 34,3 millions d'euros (- 16 %) par rapport à 2018, ont été dévolus au programme 612 « Navigation aérienne », et notamment aux grands programmes de modernisation du contrôle de la navigation aérienne (4-Flight, Coflight, Sysat, etc.) qui devaient, avant la crise du transport aérien provoquée par la pandémie de Covid-19, permettre à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) de faire face dans les années à venir à la hausse du trafic dans de bonnes conditions de capacité, de sécurité et de respect des normes environnementales.

Selon la DSNA, le faible taux de consommation de ses crédits d'investissement ( 58,7 % contre 76,3 % en 2018) s'explique, pour 36,5 millions d'euros , par le décalage de certains projets , dont les marchés ont été engagées mais qui n'ont pas encore fait l'objet de paiements car la constatation des services faits n'a pas pu intervenir en 2019.

Les autres explications avancées sont un retard de facturation de certains fournisseurs et le rattachement tardif , au dernier trimestre 2019 seulement, de la grande majorité des fonds de concours et produits attribués au programme 612.

Cette sous-exécution des dépenses d'investissement de la DSNA laisse craindre que les grands programmes de modernisation de la navigation aérienne connaissent de nouveaux retards , alors que l'avenant signé en 2018 avec Thalès était censé sécuriser la mise en service de 4-Flight (futur outil de contrôle pour faire face à l'augmentation et à la complexité du trafic) dans les centres de contrôle en-route d'Aix-Marseille, Paris et Reims à l'horizon 2021-2022 153 ( * ) et qu'une nouvelle gouvernance avait été mise en place à la suite du rapport d'information sénatorial précité 154 ( * ) .

Si le rapporteur spécial a bien noté qu'une étape importante avait été franchie en 2019 avec le fonctionnement de 4-Flight sur trafic réel en mode dédoublé au centre de contrôle en route de Reims le 18 décembre 2019, il considère que les difficultés provoquées par la pandémie de Covid-19 ne sauraient justifier de nouveaux retards dans la mise en service de ce programme , lancé en 2011, et qui se fait attendre depuis trop longtemps .

Il tient également à rappeler que son coût pour les finances publiques , désormais évalué à 850 millions d'euros , contre 582,9 millions d'euros à son lancement (soit un renchérissement de 45,8 % ), doit désormais être pleinement maîtrisé .

4. Si la sécurité des vols s'accroît, les retards liés au contrôle aérien demeurent trop éloignés des objectifs fixés par la Commission européenne

À l'instar des exercices précédents, l'indicateur de performance relatif à la sécurité aérienne reste satisfaisant, avec 0,06 croisement hors norme pour 100 000 vols contrôlés , en légère amélioration par rapport au chiffre de 0,09 croisement hors norme réalisé en 2018.

Ce progrès , constaté en dépit de l'augmentation du trafic, s'explique en partie par le déploiement du programme Datalink (système de communication numérique sol-bord) qui permet de suppléer la communication radio entre pilotes et contrôleur pour transmettre de façon plus efficace des informations sur le cap, la vitesse et l'altitude des aéronefs.

Ce bon résultat montre que les nouveaux programmes de la DSNA , lorsqu'ils sont enfin mis en service, peuvent significativement améliorer le service fourni aux compagnies aériennes.

Autre indicateur de performance essentiel, celui des retards dus aux services de la navigation aérienne.

Alors qu'ils avaient beaucoup augmenté en 2018 pour atteindre près de 2 minutes par vol contrôlé , ils ont diminué en 2019 pour atteindre 1,33 minute par vol . Le nombre total de minutes de retard généré a ainsi atteint 4 370 551 minutes, soit environ un tiers de moins qu'en 2018.

Ce résultat, supérieur au 1,12 minute de retard moyen enregistré en 2017, demeure toutefois très insuffisant au regard des objectifs fixés à la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) par la Commission européenne dans le cadre de la régulation prévue par le Ciel unique européen, à savoir un retard de 0,5 minute par vol.

Les retards de la DSNA sont imputables pour 18 % au défaut de capacité , 36 % à l'organisation du service , 19 % à la météo (épisodes neigeux en février et mars, forte activité orageuse en mai-juin) et 18 % aux mouvements sociaux (en particulier les grèves nationales de décembre liées à la réforme des retraites).

Pour mémoire, la France demeure responsable de 33 % des retards dus au contrôle aérien en Europe , alors qu'elle ne contrôle que 20 % du trafic du continent.

Incontestablement, la baisse spectaculaire du trafic aérien constatée au premier semestre 2020 en raison de la pandémie de Covid-19, et dont les effets devraient se faire sentir jusqu'en 2023, va considérablement alléger la pression qui pesait sur la DSNA pour faire passer un trafic toujours plus dense et saisonnier . Il est par conséquent probable que les retards baisseront très nettement dans les années à venir .

Loin de se féliciter de cette amélioration en trompe l'oeil , il faudra mettre cette période exceptionnelle à profit pour poursuivre activement la modernisation des systèmes de la navigation aérienne mis à la disposition des contrôleurs aériens ainsi que l'adaptation de leurs tours de services , de sorte que la DSNA puisse enfin redevenir pleinement compétitive le jour où le trafic aérien retrouvera ses niveaux d'avant crise.

III. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES »

Depuis 2017, le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » regroupe les subventions pour charges de service public de Météo France, de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Céréma).

Depuis le projet de loi de finances 2018, le programme 159 porte également les moyens du commissariat général au développement durable (CGDD) 155 ( * ) ainsi que les crédits destinés aux actions en matière d'économie sociale et solidaire et d'innovation sociale (Haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire et à l'innovation sociale (HCESSIS) et dispositifs locaux d'accompagnement (DLA)) 156 ( * ) .

En conséquence, ce nouveau programme fourre-tout , désormais dépourvu de cohérence interne , a été rebaptisé « Expertise, économie sociale et solidaire, information géographique et météorologie ».

Comme le montre le tableau ci-dessous, la somme de ces différentes actions représentait 513,0 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) en loi de finances initiale pour 2019. Les crédits exécutés se sont finalement élevés à 507,3 millions d'euros en AE et 507,9 millions d'euros en CP , soit un taux d'exécution élevé de 98,9 % .

La mise en réserve initiale représentait 5,5 millions d'euros . Elle a été intégralement annulée par la loi de finances rectificative pour 2019, ainsi que 0,2 million d'euro en AE et 0,4 million d'euro en CP de surgels.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Expertise, information géographique et météorologie

LFI 2019

Reports entrants

LFR

Mouvements réglementaires

FDC / ADP

Total crédits ouverts

Total crédits consommés

Pourcentage d'exécution des crédits

Crédits de paiement

513,0

-

-5,9

-

0,2

508,2

507,9

98,9 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

1. Avec une subvention pour charges de service public quasiment identique à celle de 2018, Météo France a poursuivi en 2019 ses efforts pour acquérir un nouveau supercalculateur, augmenter ses ressources propres et réduire ses effectifs

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État à l'établissement public Météo France s'est élevée en 2019 à 187,0 millions d'euros , soit un montant quasiment identique au montant exécuté de 2018 ( 187,1 millions d'euros ), mais inférieur de 1,7 million d'euros à celui que prévoyait la loi de finances initiale.

Si cette somme est supérieure de 2,4 millions d'euros (+ 1,3 %) aux 184,7 millions d'euros consommés en 2017, elle demeure en revanche inférieure aux montants de crédits exécutés en 2016 ( 190,2 millions d'euros ) ainsi qu'en 2015 ( 195,6 millions d'euros ), témoignant de la poursuite des efforts de réduction des dépenses de l'établissement.

Sur les 187,0 millions d'euros de subvention perçus par l'opérateur, 20,0 millions d'euros ont été consacrés à la recherche dans le domaine météorologique , dont la qualité est attestée par la bonne tenue de l'indicateur de performance relatif au nombre de publications scientifiques réalisées par Météo France dans les domaines du changement climatique et de ses impacts ( 1,6 publication par chercheur, pour un objectif de 1,5).

Météo France a également perçu en 2019 une dotation spécifique de 4,9 millions d'euros dans le cadre d'un financement pluri-annuel des surcoûts liés au remplacement de son supercalculateur.

La notification du marché du nouveau supercalculateur, intervenue en 2019, engage l'établissement pour quatre ans à hauteur de 50 millions d'euros . Ce marché n'induira une forte augmentation de la consommation des crédits de paiement (redevances mensuelles payées au titulaire du marché, consommation électrique associée, etc.) qu'à partir de l'installation et de la mise en service de l'équipement, prévues en 2020.

Cependant, dès 2019, l'opérateur a mené diverses opérations visant à mettre à niveau les locaux destinés à héberger cet équipement, à adapter les réseaux à une augmentation des flux de données et à payer l'avance consentie au titulaire du marché pour la mise à disposition du supercalculateur.

Enfin, les 162,0 millions d'euros restant sont venus financer les missions de service public de Météo France en matière d'observation et de prévision météorologique.

Alors que 79 épisodes de vigilance orange ou rouge se sont produits en 2019 à l'échelle nationale, ce qui constitue un record, les indicateurs de performance relatifs à la qualité des prévisions météorologiques présentent des résultats positifs , grâce au modèle global Arpège et au modèle à maille fine Arome : 95 % pour le pourcentage d'évènements détectés avec une anticipation supérieure à 3 heures alors que l'objectif était de 86 % et 80,9 % pour la fiabilité de la prévision du modèle Arome, contre un objectif de 79,0 % .

Le rapporteur spécial suit avec une attention particulière l'indicateur relatif aux recettes commerciales de l'établissement sur le marché des prestations météorologiques dans la mesure où la diversification de ses ressources constitue une priorité.

Il se trouve que ces recettes ont connu une nouvelle embellie en 2019, après celle qui avait déjà été observée en 2018 et en 2017 : elles ont atteint 33,1 millions d'euros , soit 4,3 % de plus que l'année précédente, en dépit d'une relative contre-performance en termes de recettes publicitaires qui s'explique par des difficultés techniques survenues au cours de l'année sur les applications mobiles et le site Internet de l'établissement.

Cette progression tend à montrer que la stratégie commerciale de l'opérateur , dont le chiffre d'affaires lié à la vente aux professionnels a augmenté de 6 % en 2019, va dans le bon sens.

En 2019, l'opérateur Météo France a poursuivi la réduction de ses effectifs , lesquels ont diminué de - 83,5 ETP, contre - 71 ETP en 2018.

L'établissement comptait en conséquence 2 820 ETP sous plafond au 31 décembre 2019 et 52 ETP hors plafond .

Si la masse salariale a légèrement diminué de 0,7 million d'euros pour atteindre 245,7 millions d'euros , elle représente toujours 60,9 % des dépenses de l'opérateur (contre 60,5 % en 2016 et 63 % en 2017).

2. L'IGN, un opérateur confronté au développement de l'open data

Établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministres chargés de l'écologie et des forêts, le nouvel Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) est issu de la fusion entre l'Institut géographique national et l'Inventaire forestier national (IFN) intervenue le 1 er janvier 2012 157 ( * ) .

L'IGN a une triple vocation :

- assurer la connaissance continue de la surface du territoire national et de l'occupation de son sol , accessible depuis un site dédié (Geoportail) ;

- actualiser l'inventaire permanent des ressources forestières nationales qui était auparavant assuré par l'IFN ;

- concevoir et commercialiser des produits et services à partir des données recueillies dans le cadre de ses missions de service public.

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État à l'IGN s'est élevée en 2019 à 89,2 millions d'euros , soit un montant quasiment identique à ceux de 2017 et de 2018 et inférieur de 1,0 million d'euros (- 1,1 %) à la prévision de la loi de finances initiale.

Sur cette somme, 75,5 millions d'euros ont été consacrés aux missions de production d'information géographique et cartographique, et notamment à l'entretien et à la mise à jour des bases de données sur lesquelles s'appuient les politiques publiques liées aux territoires. Dans le même temps, 13,3 millions d'euros sont venus financer les activités de recherche et de développement menées au sein de l'Institut. Ces deux montants sont quasiment identiques à ceux qui avaient été constatés en 2018.

Le plafond d'emplois avait été fixé en loi de finances initiale à 1 472 ETPT . La réalisation 2019 est finalement de 1 461 ETPT .

Le schéma d'emploi , quant à lui, a été réalisé à hauteur de - 32 ETP .

La question du développement du principe des données publiques ouvertes et gratuites open data ») représente un enjeu très important pour l'IGN car les pertes de recettes pour l'opérateur en termes de redevances, licences ou ventes de données pourraient représenter à terme environ 10 millions d'euros par an , même s'il bénéficie des dispositions de la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public 158 ( * ) .

L'indicateur relatif au financement de l'établissement par des ressources propres montre l'ampleur des défis que celui-ci va devoir relever pour compenser cette réduction de ses recettes . Le pourcentage des ressources propres tirées de la vente de données a ainsi représenté 36,5 % des recettes de l'IGN en 2019, un résultat supérieur aux 34,2 % de 2018 mais inférieur aux 38,2 % de 2017.

Cette amélioration s'explique par la hausse des recettes liées aux grands projets . Pour rappel, l'année 2018 avait connu un retard dans la signature d'un nouveau grand contrat ainsi que la redéfinition de spécifications techniques conduisant à ralentir le rythme d'exécution du projet Géomaps.

3. Le Céréma, fragilisé par l'attrition de ses moyens, met en place depuis l'automne 2018 son nouveau projet stratégique Cerem'avenir

Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1 er janvier 2014 de onze services de l'État, avec un personnel composé majoritairement de fonctionnaires .

Il apporte à l'État et aux acteurs territoriaux un appui d'ingénierie et d'expertise sur les projets d'aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire. Il a vocation à les assister dans la gestion de leur patrimoine d'infrastructures de transport et leur patrimoine bâti, et à renforcer leur capacité à faire face aux risques.

En exécution, la subvention pour charges de service public versée par l'État au Cérema s'est élevée en 2019 à 199,5 millions d'euros , en retrait de 1,8 million d'euros par rapport à la somme prévue en loi de finances initiale, mais surtout de 4,8 millions d'euros par rapport aux 204,3 millions d'euros de crédits consommés en 2018, confirmant ainsi la poursuite de la baisse des moyens dévolus à cet opérateur.

99,0 % de cette somme est consacrée au financement des dépenses de personnel du Cérema .

Le nombre d'emplois sous plafonds du Céréma est passé de 2 776 ETP en 2018 à 2 687 ETP en 2019, soit une baisse de 89 ETP analogue à celle de 2018.

Depuis sa création, la baisse continuelle des moyens du Céréma associée à l'absence de réflexion stratégique de l'État pour l'établissement avait considérablement fragilisé un opérateur au sein duquel le malaise social était palpable, comme en témoignaient les démissions de son président et de son directeur général survenues à l'automne 2017.

Toutefois, le problème ne venait pas tant de la baisse des ressources du Céréma que de l'absence de vision stratégique de l'État pour un établissement qu'il convenait de réinventer en profondeur.

Son nouveau directeur général a mis en place depuis l'automne 2018 une démarche baptisée Cérem'avenir qui prévoit une transformation du modèle organisationnel de l'établissement, une simplification de ses procédures et une rationalisation de ses fonctions supports. Dans ce but, le Cérema met en oeuvre un dispositif d'accompagnement individuel et collectif co-financé par le fonds d'action interministériel pour les ressources humaines , et mobilise le fonds de transformation de l'action publique .

Un autre enjeu de taille pour l'avenir du Céréma concernera ses futures modalités de collaboration avec l'Agence Nationale de Cohésion des Territoires créée en 2019, lesquelles seront formalisées dans une convention actuellement en cours de rédaction.

MISSION « ÉCONOMIE »
ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS
OU À DES ORGANISMES PRIVÉS »

mme frédérique espagnac et m. bernard lalande, rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. MISSION « ÉCONOMIE » 415

A. EXÉCUTION DE LA MISSION EN 2019 415

B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 417

1. Les dépenses fiscales représentent près de seize fois les crédits budgétaires de la mission 417

2. Pour 2019, le plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques est respecté 419

3. Le programme 134, un programme dont les dépenses sont globalement maîtrisées, au détriment des dépenses d'intervention et de soutien à l'économie des territoires 420

4. La lisibilité budgétaire du programme 343 doit être profondément améliorée 427

5. Les crédits en faveur de l'Institut national de la statistique et des études économiques s'inscrivent désormais dans une logique pluriannuelle 430

6. Les crédits dédiés à la stratégie économique et fiscale de la France ont été fortement sous-consommés 432

II. COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS » 434

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 434

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 436

1. Le logement des agents de l'État : un poste de dépenses marginal 436

2. Le Fonds de développement économique et social (FDES) : un outil subsidiaire qui a cependant pu être à nouveau mobilisé 436

3. Le programme relatif à la ligne ferroviaire Paris-Roissy a été exécuté conformément aux prévisions 437

I. MISSION « ÉCONOMIE »

A. EXÉCUTION DE LA MISSION EN 2019

La mission « Économie » rassemble les crédits de politiques publiques visant à favoriser l'emploi, la croissance, la compétitivité des entreprises, le développement des exportations, la concurrence et la protection des consommateurs. Elle est composée de quatre programmes :

- le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » regroupe les instruments de soutien aux entreprises, notamment sous forme de dépenses d'intervention au profit des petites et moyennes entreprises (PME), de l'industrie, du commerce, de l'artisanat et - en partie - du tourisme . Il porte également les crédits des administrations en charge de ces politiques publiques, de deux autorités administratives indépendantes (AAI) et de trois opérateurs ;

- le programme 343 « Plan France très haut débit », créé en 2015, porte les financements de l'État en vue d'assurer la couverture intégrale du territoire par le réseau de fibre optique d'ici 2022 ;

- le programme 220 « Statistiques et études économiques » porte principalement les crédits de l'Institut national des statistiques et des études économiques (Insee) ;

- le programme 305 « Stratégie économique et fiscale » porte essentiellement les crédits de la direction générale du Trésor et de son réseau international, les crédits de la direction de la législation fiscale (DLF), ainsi que les crédits de plusieurs opérateurs et la subvention versée à la Banque de France au titre des prestations qu'elle effectue pour le compte de l'État.

Hors programme 343, le programme 134 représente environ la moitié des crédits de la mission « Économie » à périmètre constant , le reste étant partagé à peu près à égalité entre le programme 220 et le programme 305.

La mission « Économie » porte en outre une part importante des dépenses fiscales du budget de l'État, les 75 dépenses fiscales rattachées au programme représentant un coût total de 27,9 milliards d'euros, soit près de seize fois le montant des crédits budgétaires de la mission. Les droits ouverts avant 2019 au titre de crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE), représentent une part prépondérante de ces dépenses (68,8 %).

Évolution des crédits de la mission « Économie » en 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

2018

2019

Exécution / prévision 2019

Exécution

2019 / 2018

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

134 - Développement des entreprises et régulations

AE

1 030,6

981,2

- 4,8 %

906,2

872,7

- 33,5

- 3,7 %

- 108,5

- 11,1 %

CP

986,0

950,7

- 3,6 %

920,3

902,3

- 17,9

- 1,9 %

- 48,4

- 5,1 %

343 - Plan France Très haut débit

AE

208,0

158,5

- 23,8 %

5,0

0,0

- 5,0

- 100,0 %

- 158,5

- 100,0 %

CP

0,0

-10,9

0,0 %

163,4

30,0

- 133,4

- 81,6 %

+ 40,9

0,0 %

220 - Statistiques et études économiques

AE

468,9

457,0

- 2,5 %

449,8

444,3

- 5,5

- 1,2 %

- 12,7

- 2,8 %

CP

459,4

449,2

- 2,2 %

448,3

443,8

- 4,5

- 1,0 %

- 5,3

- 1,2 %

305 - Stratégie économique et fiscale

AE

431,1

425,3

- 1,3 %

428,5

415,8

- 12,7

- 3,0 %

- 9,5

- 2,2 %

CP

430,9

423,1

- 1,8 %

424,0

410,0

- 14,0

- 3,3 %

- 13,1

- 3,1 %

Total mission

AE

2 138,5

2 022,0

- 5,4 %

1 789,5

1 732,8

- 56,8

- 3,2 %

- 289,2

- 14,3 %

CP

1 876,4

1 812,1

- 3,4 %

1 955,9

1 786,1

- 169,8

- 8,7 %

- 26,0

- 1,4 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si la très forte diminution entre l'exécution 2017 et l'exécution 2018 était due à des évènements conjoncturels (recapitalisation du groupe Areva en 2017, évolutions de la compensation carbone des sites électro-intensifs), la baisse des autorisations d'engagement et des crédits de paiement observée en 2019 illustre bien la tendance à la réduction des moyens budgétaires affectés à la mission . La baisse de 14,3 % du montant des autorisations d'engagement entre 2018 et 2019 est particulièrement révélatrice de la réduction des ambitions portées par la mission.

Les dépenses d'intervention, déjà en forte baisse entre 2017 et 2018 (37 % en AE et 29,8 % en CP) poursuivent leur baisse en AE (- 39 %), malgré une stabilité du niveau des CP.

B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Les dépenses fiscales représentent près de seize fois les crédits budgétaires de la mission

Les dépenses fiscales de la mission « Économie »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi représente toujours la principale dépense fiscale de la mission

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) continue de représenter la principale dépense fiscale, à hauteur de 71,2 % du coût total des dépenses fiscales rattachées à la mission, soit un montant de onze fois supérieur aux crédits budgétaires de la mission.

Cependant, le coût du CICE doit se résorber progressivement, du fait de la transformation du dispositif en baisses de charges sociales à compter du 1 er janvier 2019 . L'année 2019 a en effet représenté une année « double » durant laquelle les entreprises ont bénéficié à la fois des droits acquis au titre du CICE pour les années antérieures et de l'allègement de cotisations sociales. De même, en 2020, les entreprises continueront à liquider leurs droits au titre du CICE, tout en bénéficiant de la baisse de leurs charges.

Cet effort particulièrement important pour les finances publiques a permis de conforter la trésorerie d'un grand nombre d'entreprises .

b) Les taux réduits de TVA en faveur de la restauration et de l'hôtellerie représentent un coût persistant pour les finances publiques, sans que leur efficacité n'en soit pour autant démontrée

Mis en place après la crise de 2008, le taux réduit de TVA à 5,5 % applicable à la restauration, à l'hôtellerie et aux campings classés s'est substitué à des aides directes de soutien à l'emploi dans le secteur de l'hôtellerie café restauration (HCR), dont le coût s'élevait à un peu plus de 500 millions d'euros par an. Ce taux a ensuite été réhaussé pour atteindre 10 %. En 2019, il a représenté une aide sectorielle de plus de quatre milliards d'euros .

La baisse de TVA, censée relancer l'emploi dans ce secteur, n'a cependant pas atteint ses objectifs.

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) 159 ( * ) a en effet estimé en 2015 que le coût du dispositif se situait entre 175 000 et 262 000 euros par emploi créé, soit entre 5 et 8 fois plus que les exonérations de cotisations patronales . Les effets sur les prix ont également été assez limités, une baisse des prix à court terme de 2,5% ayant été constatée (soit une répercussion de seulement 20 % de la baisse du taux de TVA). De 6 000 à 9 000 emplois auraient été créés par an, bien loin des 40 000 annoncés lors de la mise en place de la mesure. Les hausses de 2012 et de 2014 portant le taux réduit de TVA à 10 % ont quant à elles été répercutées sur les consommateurs.

Enfin, le CPO relève que « l'application d'un taux réduit de TVA au secteur de la restauration s'est substituée à un dispositif de soutien direct à l'emploi (prime forfaitaire à l'emploi dans le secteur de l'hôtellerie café restauration, en vigueur entre 2004 et 2009) qui aurait conduit à la création de 7 000 emplois supplémentaires par an, pour un coût total de la mesure de 522 millions d'euros par an, soit un niveau de subvention publique par emploi crée (86 000 euros) près de deux fois inférieur à celui estimé à la suite de la mise en oeuvre du taux réduit de TVA. »

La crise que traverse actuellement le secteur HCR appelle évidemment à maintenir, pour le moment, ce taux réduit de TVA. Cependant, ces différents éléments tendent à démontrer qu'accentuer ce taux réduit n'est sans doute pas l'outil le plus efficient pour favoriser la relance de ce secteur.

2. Pour 2019, le plafond fixé par la loi de programmation des finances publiques est respecté

Le plafond des crédits votés dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 pour 2019 s'élevait à 1 792 millions d'euros en crédits de paiement (à périmètre constant, hors contribution au CAS Pensions), l'exécution s'est élevée à 1 786 millions d'euros. Ainsi, le plafond fixé en LPFP est respecté.

Plafond des crédits de paiement inscrits dans la LPFP 2018-2022
et exécution 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

À l'inverse de la trajectoire générale des dépenses publiques en 2019, en forte augmentation (+ 6 milliards d'euros entre 2018 et 2019), la mission « Économie » continue donc de contribuer à la maîtrise de la dépense publique , avec des crédits en baisse tant en prévision qu'en exécution.

Cependant, pour 2020 et indépendamment des conséquences sur la mission de la crise de covid-19, les crédits de paiement de la mission repartiront à la hausse, du fait du déblocage des crédits de paiement du plan France très haut débit et du renforcement du dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs exposés à la concurrence internationale (+ 173 millions d'euros, soit une hausse de 160 %).

3. Le programme 134, un programme dont les dépenses sont globalement maîtrisées, au détriment des dépenses d'intervention et de soutien à l'économie des territoires

Le programme 134 a fait l'objet d'une annulation de crédits à hauteur de 16,8 millions d'euros en AE et de 2,9 millions d'euros en CP à l'occasion de la loi de finances rectificative pour 2019 160 ( * ) et de 24 millions d'euros en AE et de 2 millions d'euros en CP dans le cadre du présent projet de loi de règlement.

Exécution du programme 134 en 2019 en autorisations d'engagement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Ainsi, les autorisations d'engagement consommées en 2019 s'élèvent à 872,7 millions d'euros, soit une baisse en exécution de 108,5 millions d'euros par rapport à 2018.

Cette baisse résulte de différents facteurs qui tiennent, d'une part, à des efforts de maîtrise de la dépense et, d'autre part, à des mesures spécifiques d'économies, dont principalement :

- le placement en gestion extinctive du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC - qui représentait encore 13,3 millions d'euros en AE en 2018) ;

- la baisse de la compensation versée à la Poste au titre de l'aide au transport de presse (passée de 111,5 millions d'euros en 2018 à 103,8 millions d'euros en 2019, du fait de l'application du protocole d'accord État-Presse-Poste signé le 16 janvier 2018) ;

- le non-assujettissement à la TVA de Bpifrance Assurance Export (BPI-AE) qui, d'après le chiffrage de la Cour des comptes, aurait conduit à une moindre dépense de 7,5 millions d'euros ;

- la baisse de 2,5 millions d'euros de la subvention à l'association française de normalisation (AFNOR).

Enfin, la consommation des crédits du dispositif de « compensation carbone » est inférieure de 4,6 millions d'euros à la prévision inscrite en loi de finances initiale pour 2019. Les 2,4 millions d'euros de dommages et intérêts à la société SOPODIS, issus de la condamnation de l'État du 9 novembre 2018 161 ( * ) , ont ainsi pu être financés.

a) Les mutations de la direction générale des entreprises se poursuivent dans le respect des autorisations budgétaires

En 2019, la DGE a notamment été chargée, via le service à compétence nationale Guichet entreprise, de poursuivre la mise en oeuvre du guichet unique électronique, prévu par les directives 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur et 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 décembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Ce guichet unique a vocation à simplifier les démarches administratives des entreprises et des professions libérales, notamment celles liées à la création ou à la cessation d'activités, aux modifications de situation ainsi qu'à la reconnaissance, pour l'exercice d'une profession réglementée, de la qualification professionnelle acquise dans un autre État membre de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen .

Les sites internet à destination des entreprises sont accessibles aux adresses www.guichet-entreprises.fr et www.guichet-qualifications.fr.

Surtout, l'organisation de la direction générale des entreprises (DGE) est en profonde mutation . Les axes fixés pour cette transformation sont « plus de stratégie, plus de réactivité et plus d'impact pour les entreprises et pour l'emploi » 162 ( * ) .

Les réseaux de la DGE en région sont les premiers concernés par cette évolution, avec la volonté de recentrer les missions de développement économique exercées par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) autour de trois priorités stratégiques : l'accompagnement des entreprises en difficulté, le développement des filières stratégiques et le soutien à l'innovation .

Les services économiques de l'État en région (SEER) sont désormais placés auprès du préfet, 359 équivalents temps plein (ETP) du programme 134 devant y être affectés. Au total, 430 ETP devraient être supprimés à long terme au sein des Direccte.

En 2019, le schéma d'emploi du programme 134 a été assez fortement sur-exécuté (- 226 ETP contre - 167 ETP dans les schémas d'emploi), principalement du fait de l'évolution des emplois au sein de la DGE, avec une suppression de 47 ETP supplémentaires par rapport au schéma d'emploi . Des mesures indemnitaires ont été prises pour accompagner les agents concernés par la restructuration des services, à hauteur de 940 000 euros, dont 880 000 euros en provenance du Fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH) .

Cette logique de réduction des capacités d'intervention économique de l'État en région devra se trouver en partie remise en cause par le contexte de crise actuelle .

Les Direccte ont en effet été en première ligne lors de la mise en place du chômage partiel et ont joué un rôle essentiel dans l'instruction des dossiers des entreprises de moins de 400 salariés pour les demandes d'avances remboursables ou de prêts au titre du fonds de développement économique et social.

Les rapporteurs spéciaux considèrent que le réseau territorial de la DGE doit être préservé à court terme, afin de garantir l'efficacité des réponses apportées à la crise dans chacun des territoires .

b) Les dépenses d'intervention de la mission continuent de se réduire, suivant une logique de rabot budgétaire

D'une manière générale, l'effort fourni par le programme 134 relève d'une réduction des moyens alloués à chacun des dispositifs d'intervention et ne dénote pas d'une volonté réelle de rationalisation des dispositifs d'aide, qui ont chacun des objectifs différents et des modalités d'intervention variées (subventions directes et indirectes, prêts, actions de communication, etc.). Les autorisations d'engagement consommées par les différents dispositifs d'intervention du programme en 2019 sont en baisse de 14,6 % par rapport à 2018 .

Les rapporteurs spéciaux déplorent ainsi que le programme 134 soit le cadre d'une sédimentation de dispositifs mal coordonnés, aux objectifs mal évalués. L'absence de vision globale conduit à ce que le pilotage du programme se résume à une simple logique de rabot budgétaire et de réduction des moyens et des ambitions de ces dispositifs.

Les dispositifs d'intervention du programme 134

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette absence de vision est également la conséquence du caractère composite de la mission. Les crédits du programme 134 se répartissent ainsi entre neuf budgets opérationnels de programmes (BOP) et 95 unités opérationnelles (UO). Le pilotage, réparti entre six structures différentes (directions centrales et autorités indépendantes) est sans doute trop complexe pour les gestionnaires, qui se contentent de satisfaire à des exigences de diminution des budgets .

c) Le recours bienvenu au FISAC pour soutenir les commerçants affectés par l'organisation du G7 à Biarritz

En dépit d'une réforme en profondeur du fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce (FISAC) en 2014, qui était censée relancer le dispositif en le faisant passer d'une logique de guichet à une logique d'appel à projets, les montants engagés pour le FISAC n'ont cessé de diminuer ces dernières années, passant d'une consommation en AE de 85,7 millions d'euros en 2010 à 13,3 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 84,5 % .

En 2019, le FISAC a été placé en gestion extinctive, de sorte que plus aucune autorisation d'engagement n'a été prévue en loi de finances initiale, les crédits de paiement devant seulement servir à couvrir les engagements antérieurs à 2019 .

Cependant, afin de soutenir les commerces fortement affectés par l'organisation du G7 à Biarritz , le Gouvernement a fait le choix bienvenu de mobiliser à nouveau le FISAC, en y effectuant un transfert d'1,2 million d'euros (AE=CP) depuis le programme 347 « Présidence française du G7 » . Ces crédits ont apporté un soutien indispensable aux commerces de la ville.

Le recours au FISAC dans le cadre du G7 démontre l'utilité de ce dispositif pour faire face à des situations de paralysie de l'activité des commerces et de fermetures administratives. Pour faire face à la crise actuelle et apporter des réponses ciblées sur les commerces et les artisans les plus en difficulté, le FISAC devra incontestablement être mobilisé .

d) La débudgétisation des crédits dédiés au financement des garanties Bpifrance n'a pas encore été remise en cause

Les rapporteurs spéciaux l'ont souligné à de nombreuses reprises, l'absence de budgétisation des crédits dédiés au financement des garanties aux entreprises par Bpifrance nuit à la lisibilité budgétaire et au suivi par le Parlement de l'emploi de ces crédits .

Financement de l'activité de garantie de Bpifrance

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les chiffres de la Cour des comptes dans la note d'exécution budgétaire sur la mission

La forte baisse des moyens affectés aux garanties en 2019 est en partie compensée par l'évolution de la politique de tarification des commissions facturées aux banques par Bpifrance.

En tout état de cause, la forte variation d'une année sur l'autre de la couverture des besoins de financement et les évolutions constatées dans les politiques de garantie nuisent considérablement à la lisibilité budgétaire de cette action et limite la capacité du Parlement à se prononcer sur le sujet .

S'il est évidemment légitime que les garanties soient en partie financées par les produits financiers du fonds de garantie lui-même, le besoin de financement public doit être clairement présenté au Parlement et faire l'objet d'une budgétisation. C'est ce que les rapporteurs spéciaux ont également rappelé en présentant, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, un amendement de crédit à la mission.

Par ailleurs, à l'occasion de la crise actuelle, le Gouvernement a souhaité mettre en place un dispositif de prêts garantis par l'État 163 ( * ) - PGE, article 6 de la loi de finances rectificative du 23 mars 2020. Dans ce cadre ; l'État accorde directement sa garantie aux prêts de trésorerie consentis par des établissements de crédit aux entreprises immatriculées en France faisant l'objet de difficultés de financement et Bpifrance Financement est seulement chargé de la gestion opérationnelle de ces prêts.

La sinistralité de ce type de prêt étant pour l'instant largement inconnue, l'information du Parlement sur l'évolution du coût réel des PGE pour les finances publiques devra également être assurée .

e) Les dépenses des opérateurs du programme 134 sont globalement maîtrisées

Évolution des subventions aux opérateurs du programme 134

(en CP, en millions d'euros)

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution 2019 / Exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

LFI

2019

ANFr - Agence nationale des fréquences

31,6

39,3

38,8

22,78 %

- 1,27 %

Business France (fusion AFII et Ubifrance)

93,8

92,8

91,8

- 2,13 %

- 1,08 %

EPARECA - Établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux

5,8

6

5,4

- 6,90 %

- 10,00 %

Total SCSP :

131,2

138,1

136

3,66 %

- 1,52 %

Seules sont mentionnées les subventions pour charges de service public (SCSP) du programme 134.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les dépenses des opérateurs sont globalement maîtrisées. La hausse des dépenses de l'ANFr entre 2019 et 2018 résulte, pour 5 millions d'euros, de l'extension de ses missions à la gestion du signal horaire, conformément à la loi ELAN 164 ( * ) , et de la suppression de la taxe additionnelle à l'imposition forfaitaire pour les entreprises de réseau (TA-IFER) qui a entraîné une compensation en faveur de l'opérateur à hauteur de 2,5 millions d'euros.

Concernant Business France, la convention d'objectifs et de moyens (COM 2018-2022) signée le 27 décembre 2018 fixe cinq objectifs à Business France pour améliorer son soutien à l'export :

- renforcer la présence territoriale en France du projet « Team France Export » et étendre son réseau à l'étranger en passant de 65 pays en 2019 à 85 pays en 2022 ;

- mettre en place des outils numériques, via le déploiement d'un outil de gestion de relation clients (CRM) commun entre Business France et les CCI, et des plateformes régionales de solution ;

- renforcer l'accompagnement à l'export des PME et ETI françaises ;

- renforcer l'internationalisation de l'économie française ;

- participer à l'effort de rationalisation de la dépense publique.

4. La lisibilité budgétaire du programme 343 doit être profondément améliorée
a) Une forte sous-exécution des crédits du programme mais des déploiements qui se poursuivent

Le programme 343 porte une partie de la participation de l'État au financement du plan « France très haut débit » (FTHD) , qui s'élève au total à 3,3 milliards d'euros d'ici 2022, soit la moitié du financement public engagé.

Le plan « France très haut débit »

Annoncé par le Premier ministre le 28 février 2013 dans le cadre de la feuille de route numérique du Gouvernement, le plan « France très haut débit » vise à déployer un réseau de fibre optique à très haut débit sur l'intégralité du territoire d'ici 2022, avec un objectif intermédiaire de 50 % des foyers couverts en 2017 . Sont considérés comme des réseaux « très haut débit » les réseaux offrant un débit supérieur à 30 Mbits/seconde, y compris avec des technologies « cuivre » ou « câble coaxial » traditionnelles. Seuls les réseaux entièrement en fibre optique ( Fiber to the Home - FttH ) offrent un débit supérieur à 100 mégaoctets. Le plan représente plus de 20 milliards d'euros d'investissements sur la période 2014-2022, ainsi répartis :

- 6 à 7 milliards d'euros dans les « zones d'initiative privée » , financés par les opérateurs. Ces zones dites « conventionnées » couvrent environ 10 % du territoire mais 57 % de la population dans les 3 600 communes les plus denses, et donc les plus rentables. Les opérateurs s'engagent à y déployer sur fonds propres des réseaux privés mutualisés entre tous les opérateurs ;

- 13 à 14 milliards d'euros dans les « zones d'initiative publique » . Ces zones moyennement ou peu denses, dites « non conventionnées », couvrent 43 % de la population. Y seront déployés des réseaux publics ouverts à tous les opérateurs, en FttH ou avec des technologies intermédiaires. Les réseaux d'initiative publique (RIP) seront financés à moitié par les opérateurs eux-mêmes (dans le cadre de co-financements), et à moitié par des subventions publiques (État, collectivités territoriales, Union européenne).

Sur le plan budgétaire , la participation de l'État au plan FTHD a d'abord été portée, à hauteur de 900 millions d'euros, par le fonds national pour la société numérique (FSN), géré par la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir (PIA). Depuis 2014, les crédits restants, soit un total de 2,5 milliards d'euros, sont inscrits sur le programme et interviennent en complément des crédits du FSN .

Si seulement 30 millions d'euros, sur les 163,4 millions d'euros prévus en LFI (18,4 %), ont été consommés, cela résulte principalement du fait que les CP de l'enveloppe PIA au sein du FSN ont été consommés en priorité, à hauteur de 235 millions d'euros.

Ainsi, une fois prise en compte la consommation des crédits de paiement du FSN, la consommation des crédits pour le plan FTHD représente un taux proche de 65 % des crédits prévus pour 2019. Sur les 643 millions d'euros dédiés au RIP sur le PIA depuis le début du plan, 626 millions d'euros ont été consommés au 31 décembre 2019, soit 97,4 % des crédits.

Malgré les retards, l'année 2019 a ainsi été marquée par d'importants déploiements, avec un passage de 20 millions de locaux couverts en très haut débit et 13,6 millions de locaux couverts en FttH au quatrième trimestre 2018 à 23,5 millions de locaux couverts en très haut débit (+ 17,5 %) et 18,3 millions de locaux couverts en FttH (+35 %) au quatrième trimestre 2019. À l'échelle nationale, il y a donc eu une forte accélération du nombre de locaux couverts.

État de la consommation des crédits PIA du FSN

(en millions d'euros)

Enveloppe dédiée

État de la consommation
à fin 2019

Enveloppe PIA totale du FSN -infrastructures fixe et mobile THD

900

Dépenses exécutées ou imputées sur les crédits PIA (hors RIP)

Guichet cohésion numérique des territoires (CNT)

99,20

0,01

Guichet Continuité territoriale numérique (CTN)

53,00

3,90

Transfert vers DGOM sur projets spécifiques Outre-Mer

19,89

19,89

Fonctionnement

30,85

24,23

Programmes Couverture Mobile

55,28

8,62

Écoles connectées

0,10

0,10

Sous total

258,32

56,75

Dépenses exécutées ou imputées aux RIP

Cumulé au 31/12/2019

641,68

626,18

Source : direction générale des entreprises.

Les rapporteurs spéciaux relèvent l'absence quasi-totale d'exécution du guichet « Cohésion numérique », alors que ce dispositif avait été présenté comme le moyen d'assurer une couverture intégrale du territoire.

Pour rappel, le guichet permet aux usagers d'obtenir une subvention d'un montant de 150 euros pour l'achat d'un équipement de réception satellite ou 4G fixe 165 ( * ) . En parallèle, les opérateurs mobiles se sont engagés à proposer une offre « 4G fixe » adaptée, et Orange et SFR déploieraient 500 nouveaux sites d'émission 4G fixe dans les zones identifiées par le Gouvernement 166 ( * ) .

L'absence de consommation de ces crédits témoigne que ce moyen n'est pas efficace, d'autant plus qu'il s'agit seulement d'un palliatif à l'absence de déploiement. Les rapporteurs rappellent encore une fois la nécessité d'une couverture intégrale du territoire en filaire à horizon 2025.

Par ailleurs, l'association Infranum a publié le 15 juin une étude d'impact de la crise de covid-19 sur les déploiements du plan FTHD. Le chiffre d'affaires durant le confinement aurait baissé en moyenne de 36% pour les acteurs de la filière (avec une activité de 40 à 50% de l'activité nominale sur les déploiements en période de confinement). L'étude souligne en revanche une reprise rapide avec un objectif de 90 % d'activité attendu en septembre. La santé économique de la filière aurait été relativement moins affectée que d'autres secteurs .

Afin d'appuyer le secteur, un mécanisme exceptionnel d'avance de versement de subventions du PFTHD pour 2020 a été mis en place à la demande des porteurs de projet et au profit des opérateurs délégataires.

b) Afin d'atteindre les objectifs de couverture initiaux et dans une perspective de relance de l'activité face à la crise, des nouveaux moyens doivent être consacrés au plan FTHD

Le niveau de sous-consommation des crédits reste cependant important et pourrait se traduire par des retards encore plus accentués sur les chantiers de raccordement. Alors que la crise actuelle consacre plus que jamais la nécessité d'offrir à l'ensemble de nos concitoyens une connexion à internet d'une bonne qualité, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'il est urgent d'assurer le déploiement effectif du réseau et de renforcer le pilotage du plan FTHD dans les réseaux d'initiative publique (RIP).

De plus, ils considèrent qu'il existe un risque réel de remise en cause des objectifs du plan à horizon 2022 (80 % des locaux éligibles). A l'instar de la Cour des comptes, ils estiment que les retards résultent en partie « des contraintes opérationnelles inhérentes au déploiement de réseaux fixes. Si, de par leur nature, il est difficile de prévoir le rythme de décaissements de ces opérations, un travail de fiabilisation des prévisions est cependant nécessaire et devrait être mené en 2020 . » 167 ( * )

Dans le cadre de la crise actuelle, les rapporteurs spéciaux considèrent que le plan FTHD doit constituer un maillon essentiel de la relance de l'activité pour faire face à la crise économique . En ce sens, la réouverture du guichet RIP dans 25 départements, à la suite de l'annonce du ministre Julien Denormandie le 18 septembre 2019, a été un signal positif. Ce déblocage de 140 millions d'euros, issus du reliquat des AE du plan FTHD reporté à 2020, devrait permettre de cofinancer près de 500 millions d'euros de projets afin d'offrir un accès à la fibre optique à plus de 2,5 millions de locaux supplémentaires. Un arrêté du 7 février 2020 168 ( * ) a ainsi approuvé le cahier des charges de la version 2020 du RIP.

Cependant, le montant annoncé par le Gouvernement semble en partie insuffisant pour répondre à la demande des collectivités territoriales porteuses de projet . L'association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), estime qu'il serait nécessaire de rouvrir à hauteur de 600 millions d'euros le guichet RIP, afin de répondre à l'ensemble des collectivités porteuses de projets, selon un calendrier qui devrait s'adapter à l'état d'avancement des collectivités.

Les rapporteurs spéciaux estiment donc que le renforcement du guichet RIP pourrait s'inscrire au coeur du plan de relance de l'activité mis en place pour répondre aux effets de la crise liée au covid-19, avec une augmentation des autorisations d'engagement progressive, en fonction de l'état d'avancement des projets portés par les collectivités .

Ils demandent en ce sens une plus grande transparence de la part du Gouvernement sur les besoins de financement et une plus grande clarté de l'information à destination des parlementaires.

5. Les crédits en faveur de l'Institut national de la statistique et des études économiques s'inscrivent désormais dans une logique pluriannuelle
a) Une exécution globalement conforme à la loi de finances initiale, malgré une légère sur-exécution qui demeure inexpliquée

L'exécution du programme 220 en 2019 a été très légèrement supérieure aux crédits votés en loi de finances initiale . En effet, le programme a bénéficié de reports de crédits à hauteur de 7,3 millions d'euros et de fonds de concours de 10 millions d'euros. Les crédits mis en réserve ont donc pu être annulés par la loi de finances rectificative pour 2019.

Exécution du programme 134 en 2019
en crédits de paiement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'essentiel de la surconsommation des crédits se concentre sur l'action n° 05 « Pilotage et soutien », pour laquelle les crédits de paiement prévus en LFI s'élevaient à 129 millions d'euros, contre une consommation constatée en 2019 de 135 millions d'euros . Le rapport annuel de performance n'apporte pas d'explication précise sur les causes de ce dépassement.

b) Les crédits de l'INSEE s'inscrivent désormais dans un cadre pluriannuel, qui garantit une meilleur maîtrise des dépenses de l'institut

Le 6 février 2019, un contrat pour la période 2020-2022 a été signé entre l'Insee, le secrétariat général des ministères économiques et financiers (MEF) et la direction du budget . Il s'agit du premier contrat de ce type signé avec une administration appartenant aux MEF.

Évolution des crédits de l'INSEE à horizon 2022

(en milliers d'euros)

LFI

2018

LFI

2019

2020

2021

2022

AE (hors T2)

88 929

71 458

61 751

70 483

63 945

CP (hors T2)

79 486

69 933

64 264

65 880

66 815

T2 (hors CAS)

271 640

269 470

268 453

269 364

268 123

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

D'ici 2022, les crédits contractualisés connaîtront une nette diminution , avec une baisse de 28 % des autorisations d'engagement sur la période 2018-2022. Cette réduction des crédits est associée à un schéma d'emploi prévoyant une réduction de 67 ETP par an, ce qui équivaut à une stabilisation des crédits du T2.

Pour parvenir à ces objectifs, l'INSEE devra renforcer la dématérialisation des enquêtes, à l'image de ce qui a déjà été fait en matière de recensement 169 ( * ) .

De plus, comme le rappelle la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, d'importants efforts de maitrise de la dépense ont été effectués en matière immobilière. En effet, malgré les chantiers liés à la réorganisation territoriale de l'INSEE, les loyers demeurent stables, ce qui doit permettre, dans un délai proche, de réaliser des économies de fonctionnement.

6. Les crédits dédiés à la stratégie économique et fiscale de la France ont été fortement sous-consommés

Le programme 305, « Stratégie économique et fiscale » porte principalement les crédits dédiés à la direction générale du Trésor (DG Trésor) et la direction de la législation fiscale (DLF).

a) Le réseau international de la direction générale du Trésor est en profonde mutation

La loi de finances pour 2019 170 ( * ) a été marquée par une importante mesure de transfert du programme 305 vers le programme 105, géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères . Ces transferts se sont élevés à 2,2 millions d'euros en dépenses de personnel (79 ETP) et 6,4 millions d'euros en dépenses de fonctionnement et d'investissement, au titre de la mutualisation des fonctions support des implantations du réseau du Trésor à l'étranger.

La DG Trésor joue en effet un rôle indispensable, tant au niveau européen, au sein du Conseil, qu'au niveau international, au sein des principales instances et via son réseau de services économiques régionaux et d'antennes locales.

Le réseau de la DG Trésor se compose de 128 implantations, réparties dans 105 pays, dont :

- 31 services économiques régionaux ;

- 70 services économiques ;

- 5 délégations / représentations permanentes de la France au sein d'instances multilatérales ;

- 22 délégués ou correspondants de chefs de services économiques.

Entre 2009 et 2018, l'effectif des services économiques à l'étranger est ainsi passé de 1 339 à 622 agents 171 ( * ) , soit une baisse de 54 %. Cette réduction résulte à la fois d'évolutions dans le périmètre des interventions de la DG Trésor et d'une nouvelle répartition des compétences en matière de commerce extérieur, ainsi que d'une rationalisation du réseau.

La réduction de la masse salariale de la DG Trésor attendue sur la période 2018-2022 devrait atteindre 3,6 millions d'euros, soit un taux d'effort de 5,9 %. Cette économie se traduirait par la suppression d'une vingtaine de postes par an (quinze à partir de 2021), par la fermeture d'implantations ainsi que par la requalification de certains postes, par exemple le remplacement de cadres de catégorie A + par des cadres de catégorie A ou le recours accru à des volontariats internationaux en administration (VIA) ou à des agents de droit local (ADL).

D'après les informations transmises par le Gouvernement, les évolutions dans la répartition des implantations tiennent compte de l'évolution du poids et de la contribution relative, en termes de croissance mondiale, de chaque zone et sous zone géographique 172 ( * ) .

La dévolution progressive des missions commerciales aux bureaux de Business France (anciennement Ubifrance), participe également de cette réduction des besoins en termes d'effectif.

Pour 2019, les crédits affectés à la direction générale du Trésor ont été légèrement sous-consommés, les économies réalisées étant légèrement supérieures aux économies attendues.

b) La réduction des crédits affectés à la Banque de France pourrait atteindre ses limites

La subvention à la Banque de France pour les prestations réalisées pour le compte de l'État, notamment au titre du secrétariat des commissions de surendettement 173 ( * ) , poursuit sa baisse en 2019. Par rapport à 2011, la subvention versée à la Banque de France s'est réduite de 22,3 %.

Évolution de la subvention versée à la Banque de France

(en millions d'euros, en AE = CP)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

316,64

316,73

304,62

290

279,5

251,56

259,84

249,16

245,89

Source : documents budgétaires et questionnaire budgétaire

Cette nouvelle baisse montre que des gains de productivité ont été réalisés sur les missions confiées par l'État à la Banque de France. Celle-ci doit poursuivre ses efforts de dématérialisation des procédures et de raccourcissement des délais de traitement des dossiers les moins complexes, permis par la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.

Si la Banque de France doit poursuivre ses efforts de dématérialisation, la crise actuelle pourrait remettre en cause la logique de réduction de la subvention versée à la Banque de France .

Les missions financées par la subvention sont en effet particulièrement importantes dans le contexte de crise que traverse notre pays. Les missions liées au secrétariat des commissions pour le traitement du surendettement, à la tenue du compte du Trésor ou encore à la gestion des accords de consolidation des dettes des États n'étant pas de nature à constituer, dans le contexte actuel, de nouvelles pistes d'économies .

II. COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

L'article 24 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) dispose que « les comptes de concours financiers retracent les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. (...) Le montant de l'amortissement en capital des prêts et avances est pris en recettes au compte intéressé ».

Au titre de l'année 2019, le compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » est composé des quatre programmes suivants :

- le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État », qui permet de faciliter la prise de poste à l'étranger pour certains agents de l'État ;

- le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » qui vise à octroyer des prêts aux entreprises afin de faciliter leur restructuration financière et commerciale ;

- le programme 868 « Prêts et avances pour le développement du commerce avec l'Iran » créé pour amorcer la mise en place d'un outil garantissant le financement des échange avec l'Iran ;

- le programme 869 « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle » pour faciliter le financement de la construction de la ligne.

Le compte de concours financiers affiche en 2019 un solde fortement négatif de 318 millions d'euros, du fait du déblocage des crédits du prêt à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle .

La forte variabilité du solde d'une année sur l'autre s'explique par l'horizon pluriannuel du compte, qui a, par construction, vocation à retracer des prêts dont le remboursement est étalé sur plusieurs années. Le solde négatif du compte s'explique en effet principalement par deux prêts réalisés l'un en 2010 (création d'Oséo) et l'autre en 2014 (à destination de la Caisse des dépôts et consignation et de Bpifrance dans le cadre du PIA 2 174 ( * ) ) pour un montant de près d'un milliard d'euros chacun. La situation du compte continue néanmoins de se dégrader, avec un solde cumulé qui atteint les - 2,85 milliards d'euros.

Pas plus qu'en 2018, le programme 868 relatif aux prêts à Bpifrance pour le développement du crédit-export vers l'Iran n'a pu être mis en oeuvre en 2019 . En effet, l'annonce de nouvelles sanctions par les États-Unis à l'encontre l'Iran a interrompu l'amorçage de ce nouvel outil de financement souverain des échanges commerciaux avec l'Iran .

Pour tenir compte des sanctions américaines, la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni ont mis en place le mécanisme INSTEX ( Instrument in Support of Trade Exchanges ), une structure dédiée pour faciliter certaines transactions commerciales avec l'Iran.

Le mécanisme doit permettre des transactions portant sur des produits médicaux et agro-alimentaires. Le mécanisme est désormais opérationnel et a permis, le 31 mars 2020, une première transaction sur du matériel médical 175 ( * ) , dans le cadre de la crise de covid-19.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Le logement des agents de l'État : un poste de dépenses marginal

Le programme 861 « Prêts et avances pour le logement des agents de l'État » permet d'octroyer des prêts à un taux de 1 % aux agents de l'État servant à l'étranger, afin de faciliter leurs démarches relatives à la location d'un logement dans les environs de leur poste d'affectation . Les crédits demandés en loi de finances initiale pour 2019 étaient de 50 000 euros, un montant en forte baisse (- 80 %) par rapport à 2018. En pratique , ce dispositif d'avance n'a donné lieu qu'à un seul prêt en 2018, pour un montant total de 47 691 euros .

Cette dépense, soumise à une forte variabilité, dépend des marchés locaux, du rythme de départ des agents à l'étranger, ainsi que du choix des agents de recourir ou non à ce type d'avances.

Les rapporteurs spéciaux estiment une nouvelle fois que le choix de recourir à un programme sur un compte de concours financier apparait surdimensionné au regard de la faiblesse des montants en jeu.

2. Le Fonds de développement économique et social (FDES) : un outil subsidiaire qui a cependant pu être à nouveau mobilisé

Le programme 862 « Prêts pour le développement économique et social » permet à l'État d'octroyer des prêts ponctuels aux entreprises en restructuration et rencontrant des difficultés à accéder au marché du crédit, via le fonds pour le développement économique et social (FDES) . Créé en 1955, il avait été « réactivé » en loi de finances pour 2014 dans le cadre du « plan de résistance économique » annoncé par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, le 12 novembre 2013.

La doctrine d'emploi a été précisée par la circulaire du 9 janvier 2015 relative aux modalités d'accueil et de traitement des dossiers des entreprises confrontées à des problèmes de financement, qui précise que le recours à ces prêts est « exceptionnel, subsidiaire et suppose un effet de levier sur d'autres sources de financement », l'objectif cible de cet effet de levier étant la mobilisation de cinq euros privés pour un euro public investi. En outre, le taux des prêts ne peut pas être inférieur au taux de référence publié par la Commission européenne , qui correspond au taux de marché.

En pratique, l'exécution 2019 s'est élevée à 41 millions d'euros en AE et à 61 millions d'euros en CP, soit une consommation très inférieure au niveau de 2018 (- 50 % en AE).

Le FDES a en effet été mobilisé à deux reprises en 2019, pour soutenir le groupe ARC (16 millions d'euros) et le groupe British Steel Saint-Saulve (25 millions d'euros), afin d'accompagner la reprise par ce dernier des actifs de l'aciérie d'Ascoval .

La crise provoquée par l'épidémie de covid-19 a été l'occasion de réactiver cet outil, le Gouvernement ayant fait le choix de le mobiliser en complément des prêts garantis par l'État, dispositif mis en oeuvre par Bpifrance . Le FDES doit ainsi permettre d'assurer aux entreprises de plus de 250 salariés ne parvenant pas à se financer auprès du réseau bancaire un accès à des prêts directs par l'État.

De plus, un nouveau programme « avances remboursables et prêts bonifiés aux entreprises touchées par la crise du covid-19 » a été créé en 2020 au sein du compte de concours financier . À la différence du FDES, piloté par la DG Trésor via le comité interministériel à la restructuration industrielle (CIRI), le nouveau programme est géré par la direction générale des entreprises et vise les entreprises de moins de 250 salariés.

3. Le programme relatif à la ligne ferroviaire Paris-Roissy a été exécuté conformément aux prévisions

Le programme 869 permet d'octroyer des prêts à la société concessionnaire de la ligne « Charles de Gaulle Express ». La mise en service a été retardée à la fin de l'année 2025, soit deux années de plus que la prévision initiale. Le contrat de prêt a été signé le 20 décembre 2018, pour une durée de 40 ans à partir du 11 février 2019, à un taux fixe de 3,2 % suivant des échéances semestrielles, à partir de 2024 .

Ce contrat a consommé l'intégralité des autorisations d'engagement dédiées au programme ( 1,7 milliard d'euros ), les premiers crédits de paiement ayant été consommés en 2019, à hauteur de 251 millions d'euros.

Ce programme représentera désormais une part prépondérante du compte de concours financiers et devra donc faire l'objet d'un suivi approfondi, notamment au regard des objectifs de mise en service de la ligne express Paris-Roissy.

En particulier, la loi de finances rectificative pour 2019 avait prévu une augmentation des AE de 100 millions d'euros afin de couvrir la signature de l'avenant tenant compte des surcoûts associés à la décision du Gouvernement de reporter la mise en service de l'infrastructure au 1 er décembre 2025. Cet avenant n'a pas encore été signé à ce jour.

MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »
ET DIVERS COMPTES SPÉCIAUX

mme nathalie goulet, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DES COMPTES SPÉCIAUX EN 2019 441

A. LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » CONNAIT EN 2019, POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, UNE LÉGÈRE SOUS-EXÉCUTION DE SES CRÉDITS 441

1. Un seul programme concentre la quasi-totalité des crédits de la mission 441

2. Au contraire des années précédentes, les crédits de la mission ont été sous-exécutés en 2019 442

B. LES VERSEMENTS DU COMPTE SPÉCIAL « PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE » ONT REPRIS EN 2019 445

C. CETTE ANNÉE ENCORE, LES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » ONT ÉTÉ FORTEMENT SOUS-CONSOMMÉS 447

D. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX » N'EST PAS DOTÉ EN CRÉDITS 449

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 450

A. LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » : UNE SOUS-EXÉCUTION GLOBALE, DES POINTS DE VIGILANCE 450

1. Si la mission « Engagements financiers de l'État » représente toujours la troisième mission du budget général, du fait de la charge de la dette, cette dernière poursuit sa baisse, grâce à un contexte de taux favorable 450

2. Cette année encore, les dépenses fiscales rattachées au programme 145 « Épargne » ne sont pas correctement évaluées et leur coût ne cesse d'augmenter 452

3. Pour la deuxième année consécutive, des crédits ont dû être ouverts sur le programme qui porte la dotation française au Mécanisme européen de stabilité 454

B. L'ANNÉE 2019 EST MARQUÉE PAR LA REPRISE DES VERSEMENTS EN FAVEUR DE LA GRÈCE DEPUIS LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE DÉDIÉ À LA PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE 454

C. LES RÉSULTATS DE CERTAINS INDICATEURS DE PERFORMANCE NÉCESSITENT DE FAIRE PREUVE DE VIGILANCE CES PROCHAINES ANNÉES 455

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DES COMPTES SPÉCIAUX EN 2019

A. LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » CONNAIT EN 2019, POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, UNE LÉGÈRE SOUS-EXÉCUTION DE SES CRÉDITS

1. Un seul programme concentre la quasi-totalité des crédits de la mission

La mission « Engagements financiers de l'État » porte l'ensemble des crédits destinés à permettre à l'État de respecter ses engagements et d'assurer sa continuité financière . Du fait de l'extinction en 2019 du programme 168 « Majoration de rentes » 176 ( * ) , la mission ne se compose plus que de six programmes , de poids budgétaires inégaux .

Répartition des crédits de paiement de la mission « Engagements financiers de l'État » par programme en 2019

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Deux programmes portent des crédits évaluatifs, et non limitatifs : cette dérogation au principe de l'autorisation parlementaire provient de l'exigence pour l'État d'être toujours en mesure de pouvoir honorer ses obligations financières.

Le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » (crédits évaluatifs) doit répondre au besoin de financement de l'État et lui permettre de gérer sa dette et sa trésorerie en conciliant sécurité et intérêt des contribuables. Représentant plus de 99 % des crédits de la mission , le programme joue un rôle prépondérant dans sa bonne exécution. À noter que, conformément à l'article 22 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) 177 ( * ) , les crédits ne sont pas directement versés aux acteurs financiers mais transitent par le compte de commerce 903 « Gestion de la dette et de la trésorerie de l'État ».

Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » (crédits évaluatifs) porte les crédits destinés à couvrir la mise en jeu des garanties octroyées par l'État, notamment pour les dettes émises par des tiers.

Le programme 145 « Épargne » répond à deux grands objectifs : (i) le pilotage des dispositifs de financement du logement, à la fois pour les organismes de logement social et pour les particuliers et (ii) le pilotage des systèmes de l'épargne réglementée.

Le programme 344 « Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque » porte les aides financières destinées aux collectivités territoriales et à leurs établissements ayant contracté des emprunts dits « toxiques ».

Deux programmes n'ont pas été abondés en loi de finances initiale pour 2019 : le programme 336 « Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité (MES) », qui correspond à la contribution française au MES et le programme 338 « Augmentation de capital de la Banque européenne d'investissement (BEI) », qui n'a été abondé qu'une seule fois, en 2013, pour porter la contribution française à l'augmentation en capital de la BEI.

2. Au contraire des années précédentes, les crédits de la mission ont été sous-exécutés en 2019

À l'échelle de la mission , l'exécution des crédits de paiement est, au contraire des années précédentes, bien inférieure à la prévision inscrite en loi de finances initiale (- 4,47 % contre + 0,82 % et + 0,55 % en 2018 et 2017). Des sous-exécutions d'une ampleur similaire avaient été observées avant l'exercice 2017, par exemple en 2015 (- 5,54 %) et en 2016 (- 7,19 %).

Le programme 114 « Appels en garantie de l'État » se distingue toutefois par la très forte augmentation de la consommation de ses crédits entre 2018 et 2019. Cette hausse pourrait se poursuivre l'année prochaine, l'État ayant renforcé le dispositif de garanties aux entreprises exerçant une activité à l'international , dans le cadre des réponses apportées à la lutte contre les effets économiques de la crise du covid-19.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2019

( en millions d'euros )

Programme

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2018 / exécution 2019

Exécution 2019 / LFI 2019

[ 117 ] Charge de la dette et trésorerie de l'État (crédits évaluatifs)

AE = CP

41 541,28

42 061,00

40 255,89

- 3,09 %

- 4,29 %

[ 114 ] Appels en garantie de l'État (crédits évaluatifs)

AE = CP

44,63

125,3

76,74

71,95 %

- 38,76 %

[ 145 ] Épargne

AE

101

101,88

73,39

- 27,33 %

- 27,96 %

CP

101

101,88

72,84

- 27,88 %

- 28,50 %

[ 168 ] Majoration de rentes 1

AE

142,48

CP

142,48

[ 336 ] Dotation en capital du mécanisme européen de stabilité

AE = CP

100

0

2,5

- 97,50 %

[ 338 ] Augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement 2

AE = CP

0

0

0

[ 344 ] Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers structurés à risque

AE

- 249,98

11,5

0

- 100,00 %

CP

189,9

194,76

177,51

- 6,52 %

- 8,86 %

TOTAL MISSION

AE

41 679,41

42 299,68

40 408,52

- 3,05 %

- 4,47 %

CP

42 119,29

42 482,94

40 585,48

- 3,64 %

- 4,47 %

1 Ce programme a été supprimé en 2019.

2 Ce programme n'a connu aucun abondement ni mouvement de crédits en 2019.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cet écart entre la prévision et l'exécution des crédits s'explique, à l'échelle de la mission, par la sous-consommation des crédits dédiés à la charge de la dette et de la trésorerie de l'État (programme 117). L'ensemble des programmes de la mission dotés en crédits dès la loi de finances initiale pour 2019 a toutefois connu une importante sous-exécution, pour une consommation (en CP) au total inférieure de 1,89 milliard d'euros à la prévision :

- le programme 117 a connu la sous-exécution la plus importante, avec une annulation d'1,64 milliard d'euros en loi de finances rectificative pour 2019 178 ( * ) ;

- le programme 114 présente lui-aussi une sous-exécution significative (77 millions d'euros de crédits de paiement consommés, contre 125 millions d'euros ouverts). Les crédits de paiement sont évaluatifs et leur niveau est difficile à estimer : chaque ministère doit quantifier les besoins en provision visant à couvrir les risques d'appels en garantie, risques dont la réalisation est par définition soumise à une grande incertitude ;

- à l'instar des années précédentes, les crédits alloués au programme 145 n'ont pas tous été consommés. Cette sous-consommation s'explique par le comportement des épargnants qui, au vu des taux d'intérêt toujours attractifs des plans d'épargne logement, par rapport aux autres produits d'épargne, préfèrent conserver ces taux de rémunération et ne pas les clôturer. La prévision inscrite en loi de finances initiale avait toutefois eu pour mérite de tenir compte de la forte sous-exécution observée en 2018, en ramenant la prévision pour 2019 à la réalisation 2018 ;

- le programme 344 poursuit le versement des aides aux collectivités territoriales : il n'y a plus d'autorisations d'engagement, seul le calendrier des paiements se poursuit, ceux-ci devant s'éteindre en 2028. 579 collectivités ont bénéficié de ce fonds.

Ainsi, le plafond (hors programme 117) inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 179 ( * ) (LPFP 2018-2022) pour la mission « Engagements financiers de l'État » a été largement respecté en 2019 (329,6 millions d'euros contre 430 millions d'euros), contrairement à l'année 2018, où il lui avait été tout juste inférieur (578,01 millions, contre 580 millions d'euros).

Mouvements de crédits intervenus en gestion au cours de l'exercice 2019

( CP, en millions d'euros )

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LES VERSEMENTS DU COMPTE SPÉCIAL « PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE » ONT REPRIS EN 2019

Le CAS 180 ( * ) « Participation de la France au désendettement de la Grèce » reprend une initiative destinée à aider à la réduction de la dette grecque et au rétablissement de sa soutenabilité . Elle se compose de deux programmes « miroirs » :

- le programme 795 « Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs » comprend, sur deux actions, les versements des revenus perçus par la Banque de France sur les titres grecs détenus en compte propre (ANFA) et au titre du programme pour les marchés de titre (PMT) ;

- le programme 796 « Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France » permet de rembourser la Banque de France si la Grèce ne respecte pas ses engagements. La Grèce doit en effet satisfaire aux conditions inscrites dans le programme d'assistance financière du Fonds européen de stabilité financière pour pouvoir bénéficier du versement des revenus tirés du PMT.

Les versements du CAS ont repris en 2019, ce qui rend peu significative toute comparaison avec l'exécution budgétaire en 2018.

Exécution des crédits du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » en 2019

(en millions d'euros)

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

[795] Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs

AE

0,00

118,00

231,21

CP

0,00

125,70

211,91

[796] Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France

AE

0,00

0,00

0,00

CP

0,00

0,00

0,00

Total des dépenses

AE

0,00

118,00

231,21

CP

0,00

125,70

211,91

Recettes

148

118,00

116,92

Solde annuel

CP

148

- 7,70

- 94,99

Solde cumulé

CP

1177,8

1170,10

1082,81

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La diminution du solde du CAS est mécanique : les restitutions ont vocation à s'éteindre . Toutefois, du fait de la suspension des versements durant deux ans, le solde du compte pourrait être positif à l'extinction du CAS et aucune décision n'a encore été annoncée sur le traitement qui sera réservé à ce solde .

C. CETTE ANNÉE ENCORE, LES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À DIVERS SERVICES DE L'ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS » ONT ÉTÉ FORTEMENT SOUS-CONSOMMÉS

La directrice générale du Trésor est responsable du compte de concours financiers (CCF) « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », l'Agence France Trésor en assurant la gestion. Les deux sont chargés d'examiner les demandes d'avances, le CCF retraçant en effet, par le biais de quatre programmes, les avances octroyées à quatre types d'organismes :

- l'Agence de services et de paiement (ASP) au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune (programme 821) . Avec cette avance, l'ASP couvre une partie de ses besoins en trésorerie au titre des aides agricoles versées le quatrième trimestre et dans l'attente de leur versement par l'Union européenne, qui intervient seulement au début de l'année suivante ;

- les organismes distincts de l'État gérant des services publics : établissements publics nationaux, services concédés, sociétés d'économie mixte, organismes divers de caractère social (programme 823 ). Ces organismes peuvent bénéficier des crédits du programme pour couvrir leurs besoins de financement lorsqu'ils ne peuvent recourir au marché bancaire ;

- d'autres services de l'État : budgets annexes, services autonomes (programme 824) . Aujourd'hui, ce programme ne profite qu'au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) ;

- l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex (programme 825) . Ce programme, destiné à verser une éventuelle avance aux victimes du « médiator » n'a fait l'objet d'aucune dépense en 2019.

Exécution des dépenses et des recettes du CCF « Avances à divers services de l'État
ou organismes gérant des services publics » en 2019

( en millions d'euros )

Programme

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2018 / exécution 2019

Exécution 2019 / LFI 2019

[ 821 ] Avances à l'Agence de services et de paiement, au titre du préfinancement des aides communautaires de la politique agricole commune

AE

14 012,82

11 000,00

6 940,36

- 50,47 %

- 36,91 %

CP

14 859,09

11 000,00

8 081,27

- 45,61 %

- 26,53 %

[ 823 ] Avances à des organismes distincts de l'État et gérant des services publics

AE

143,38

268,80

- 29,31

- 120,44 %

- 110,90 %

CP

137,10

268,80

64,89

- 52,67 %

- 75,86 %

[ 824 ] Avances à des services de l'État

AE=CP

- 6,00

59,71

0,00

- 100,00 %

- 100,00 %

[ 825 ] Avances à l'ONIAM au titre de l'indemnisation des victimes du Benfluorex

AE=CP

0,00

0,00

0,00

TOTAL MISSION

AE

14 150,19

11 328,51

6 911,05

- 51,16 %

- 38,99 %

CP

14 990,19

11 328,51

8 146,16

- 45,66 %

- 28,09 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Après plusieurs années de hausse, les dépenses du programme 821, le plus important du CCF, ont connu une très forte baisse en 2019 , les crédits exécutés étant inférieurs de moitié à ceux exécutés en 2018, une année déjà marquée par une diminution des crédits. Les sous-exécutions régulièrement constatées sur le programme 821 s'expliquent par la volonté du Gouvernement de conserver une marge de manoeuvre suffisante pour couvrir le versement des aides agricoles . Si cette justification s'entend, le rapporteur spécial constate que la prévision pourrait être ajustée afin de continuer à réduire cet écart, tout en maintenant une marge de sécurité satisfaisante.

Solde du CCF « Avances à divers services de l'État
ou organismes gérant des services publics »

(en euros)

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Dépenses

8 146 159 417

11 343 512 861

8 146 159 417

Recettes

8 242 062 039

11 416 008 496

8 242 062 039

Solde annuel

95 902 622

72 495 635

95 902 622

Solde cumulé

- 1 896 470 573

- 1 823 974 938

- 1 800 567 952

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si le solde cumulé du CCF demeure largement négatif, le solde annuel est, conformément à la prévision inscrite en loi de finances pour 2019, positif. Cela résulte principalement du non-versement d'une avance pour le BACEA et d'une importante sous-exécution du programme 823. Toutefois, les recettes ont elles aussi été inférieures à la prévision (- 7,8 %), plusieurs remboursements ayant été reportés.

D. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « ACCORDS MONÉTAIRES INTERNATIONAUX » N'EST PAS DOTÉ EN CRÉDITS

À l'instar des précédentes années, le compte de concours financiers « Accords monétaires internationaux » n'est pas doté de crédits budgétaires . Ce compte est en effet le pendant budgétaire des accords de coopération monétaire passés avec les banques centrales d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale, ainsi qu'avec la banque centrale des Comores. Il est destiné à garantir, en tant que de besoin, l'ancrage de la parité du taux de change du franc CFA sur l'euro, ainsi que la garantie de convertibilité illimitée. Eu égard au niveau important des réserves détenues par les banques centrales de la Zone franc, et la très faible probabilité d'appel en garantie de l'État qui en résulte, cette mission n'est pas dotée en crédits. Le rapporteur spécial rappelle qu' une réforme de l'accord de coopération monétaire conclu avec les pays de l'Union monétaire et économique d'Afrique de l'Ouest est actuellement en cours et qu'elle conduit par ailleurs un contrôle sur la Zone franc et sa réforme.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LA MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT » : UNE SOUS-EXÉCUTION GLOBALE, DES POINTS DE VIGILANCE

1. Si la mission « Engagements financiers de l'État » représente toujours la troisième mission du budget général, du fait de la charge de la dette, cette dernière poursuit sa baisse, grâce à un contexte de taux favorable

Après avoir longtemps occupé la seconde place, la mission « Engagements financiers de l'État » est, depuis deux ans, la troisième mission du budget général de l'État (40,7 milliards d'euros en crédits de paiement), derrière les missions « Enseignement scolaire » (72,7 milliards d'euros) et « Défense » (44,9 milliards d'euros), mais loin devant la mission « Recherche et enseignement supérieur » (28 milliards d'euros). Ce maintien s'explique notamment par un contexte de taux favorable, l'État empruntant à des taux toujours très bas, malgré un encours de dette négociable de près de 1 822,8 milliards d'euros . La durée de vie moyenne de l'ensemble de la dette négociable s'est significativement accrue entre 2018 et 2019, passant de sept ans et 336 jours à huit ans et 63 jours.

Ainsi, malgré la hausse du déficit de l'État (92,7 milliards d'euros, soit 16,7 milliards d'euros de plus qu'en 2018), de son besoin de financement (attendu à 236,6 milliards d'euros en 2019, il s'est établi à 220,5 milliards d'euros, après 191,9 milliards d'euros en 2018) et de l'encours de dette négociable (+ 65,1 milliards d'euros en 2019, après + 65,5 milliards d'euros en 2018), la charge de la dette diminue . Contrairement aux années 2017 et 2018, des crédits ont même dû être annulés en loi de finances rectificative pour 2019 sur le programme 117 , à hauteur de 1,64 milliard d'euros. S'agissant des taux d'intérêt, ils se sont élevés en moyenne à 0,11 % pour les émissions de moyen et long terme (0,53 % en 2018) et à - 0,58 % pour les émissions de court terme (- 0,60 % en 2018), soit bien en-dessous des hypothèses conservatrices posées dans les documents budgétaires lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2019. Ceux-ci prévoyaient, à la fin de l'année 2019, un taux à l'émission moyen des BTF à trois mois de 0 % et des OAT à 10 ans d'1,8 % 181 ( * ) . Si elles ont été surestimées, ces hypothèses prudentes permettent surtout à l'État de disposer des crédits suffisants pour honorer ses engagements financiers , une ouverture de crédits d'ampleur pouvant envoyer un signal négatif aux marchés.

L'année 2019 a par ailleurs été particulièrement marquée par la réception en trésorerie d'un volume très important de primes à l'émission (21,2 milliards d'euros, après 11,3 milliards d'euros en 2018) et par la hausse des dépôts des correspondants (+ 11,5 milliards d'euros par rapport à 2018), tous deux de nature à réduire le volume des emprunts de l'État à court-terme . L'encours des bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF) a ainsi diminué de six milliards d'euros, alors même qu'une variation nette positive de 15 milliards d'euros était initialement envisagée.

Selon les données publiées par l'AFT, la part de la dette publique française détenue par des non-résidents s'est légèrement accrue, passant de 52,6 % au quatrième trimestre 2018 à 53,6 % au quatrième trimestre 2019 . Parmi les détenteurs résidents, 18,5 % sont des compagnies d'assurances françaises, 6,3 % des établissements de crédit, 1,5 % des organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et 20 % sont classés dans la catégorie « autres ». Les règles de confidentialité, ainsi que le volume des échanges de titres ayant lieu chaque jour (environ 15 milliards d'euros) rendent difficile de donner un encours de dette détaillée par résident.

Si le rapporteur spécial admet que l'on ne peut que se réjouir des conditions d'emprunt de la France (taux, couverture des adjudications 182 ( * ) ), elle rappelle à nouveau que le Gouvernement ne peut se contenter de s'appuyer sur des facteurs exogènes pour maîtriser la charge de la dette publique , d'autant que celle-ci devrait fortement augmenter avec les mesures prises pour pallier les effets de la crise sanitaire (la dette pourrait atteindre 120,9 % du PIB). Le risque d'une remontée des taux, qui conduirait à accroître la charge de la dette de plusieurs dizaines de milliards d'euros d'ici dix ans, ne s'est pas encore matérialisé et les agences de notation demeurent plutôt clémentes à l'égard de la France. Toutefois, ces agences seront extrêmement attentives, une fois la crise passée, au retour à une trajectoire d'assainissement de nos finances publiques, alors même que les efforts conduits ces dernières années ont été insuffisants .

Enfin, comme le rapporteur spécial le souligne régulièrement lors de l'examen des projets de loi de finances initiale, il convient également d'être vigilant sur les engagements hors bilan de l'État , c'est-à-dire ceux qui ne se matérialiseront qu'en cas de réalisation d'un événement pour lequel l'État a apporté sa garantie. Or, la crise liée au covid-19 a renforcé le rôle de l'État en matière de garantie, ce qui augmentera à due concurrence ses engagements hors bilan. Ces engagements s'élèvent, au 31 décembre 2019, à 4 438,5 milliards d'euros . Toutefois, comme le relève la Cour des comptes, dont la troisième réserve sur la certification des comptes de l'État en 2019 183 ( * ) porte sur les anomalies relatives aux immobilisations financières, ce montant est sujet à caution . Ainsi, si le montant des engagements pris par l'État pour Bpifrance et la SNCF avait été pris en compte, ce chiffre aurait dû être rehaussé de 59 milliards d'euros.

2. Cette année encore, les dépenses fiscales rattachées au programme 145 « Épargne » ne sont pas correctement évaluées et leur coût ne cesse d'augmenter

La Cour des comptes a choisi, dans son rapport sur le budget de l'État en 2019 184 ( * ) , de mettre l'accent sur l'importance prise par les moyens autres que ceux du budget général pour soutenir les politiques publiques. Il s'agit notamment des dépenses fiscales, des taxes affectées ou encore des comptes spéciaux. Le programme 145 en est un parfait exemple : le coût total des dépenses fiscales qui y sont attachées est quarante fois supérieur aux crédits budgétaires effectivement alloués à ce programme . Depuis plusieurs années déjà, le rapporteur spécial insiste sur l' absence de pilotage rigoureux des 31 dépenses fiscales rattachées au programme .

Sans les remettre nécessairement en cause sur le fond, certaines d'entre elles visant à soutenir l'épargne salariale ou à exonérer de prélèvements les livrets d'épargne règlementés, le rapporteur spécial estime qu'on ne peut pas se satisfaire de constater que plus deux tiers d'entre elles ne sont pas évaluées . L'absence d'une évaluation fiable de leur coût et du nombre de bénéficiaires pour une grande partie d'entre elles ne permet pas de conduire une analyse coût-bénéfice approfondie.

Ces défauts conduisent en outre régulièrement à une sous-estimation de leur coût réel , comme en témoigne la réactualisation du chiffrage pour l'année 2018, par rapport à celui transmis dans le rapport annuel de performance pour l'année 2018.

Évolution du coût total* des dépenses fiscales rattachées au programme 145 « Épargne » depuis 2009

( en millions d'euros )

* Le coût total correspond au chiffrage actualisé des trente dépenses fiscales principales sur impôts d'État disponible dans le rapport annuel de performance. Il exclut les trois dépenses fiscales inférieures à 0,5 millions d'euros.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le chiffrage pour 2019 doit donc être pris avec beaucoup de précaution : cette apparente baisse pourrait être revue à la hausse dans les prochains documents budgétaires , d'autant que la dépense fiscale « exonération des sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable » n'est pas chiffrée pour 2019, alors même que son coût définitif en 2018 a atteint 650 millions d'euros. L'écart provient également d'une modification du mode de calcul du coût de certains dispositifs d'exonérations d'impôt applicables à l'assurance vie, l'épargne salariale ou les livrets d'épargne règlementés, puisque ce coût est apprécié en appliquant aux montants versés chaque année un taux marginal moyen d'imposition. Ce dernier est, depuis 2019, fixé à 12,8 % pour tenir compte de la mise en oeuvre du prélèvement forfaitaire unique, un taux plus faible que celui qui était auparavant appliqué.

On ne peut que regretter l'absence de progrès réalisés sur le chiffrage et l'évaluation des dépenses fiscales : sept ne sont toujours pas chiffrées, 14 le sont avec un « ordre de grandeur », neuf seulement avec une évaluation jugée « bonne », une « très bonne ». Une certaine inertie frappe ces dépenses fiscales , la moitié n'ayant pas été modifiée depuis le début des années 2000. À nouveau, le rapporteur spécial appelle à passer en revue l'ensemble de ces dépenses fiscales, à commencer par celles dont le coût est inférieur à 0,5 million d'euros .

3. Pour la deuxième année consécutive, des crédits ont dû être ouverts sur le programme qui porte la dotation française au Mécanisme européen de stabilité

L'année dernière, le rapporteur spécial, ainsi que les rapporteurs spéciaux de la mission « Crédits non répartis » avaient regretté qu'un décret ait dû être pris le 26 décembre 2018 pour ouvrir des crédits, à hauteur de 100 millions d'euros, sur la dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité (MES), en recourant au programme « dépenses accidentelles et non prévisibles » de la mission « Crédits non répartis ». Or, comme ils l'avaient souligné, ces dépenses sont loin d'être imprévisibles : elles sont liées à un engagement de la France de rétrocéder au MES les intérêts perçus par la Banque de France sur les dépôts du MES placés auprès d'elle, le taux d'intérêt de la facilité de dépôt étant aujourd'hui négatif. Cet engagement est conditionné à un engagement réciproque de l'Allemagne. D'autres pays sont également entrés en négociation avec le MES pour devenir dépositaires, comme l'Italie et les Pays-Bas.

Cette année encore, le programme 336 a dû être abondé en loi de finances rectificative pour 2019, afin de finir de compléter le versement initial de 100 millions d'euros pour assurer la compensation intégrale des rétrocessions dues au titre de l'année 2018 . Le montant est certes bien moins important (2,5 millions d'euros) mais la logique reste la même : il serait plus lisible et sincère d'inscrire ces rétrocessions dès l'examen de la loi de finances initiale . Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas choisi cette option : dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative, actuellement examiné par le Parlement, 98 millions d'euros ont (encore) dû être ouverts sur le programme 336 pour l'année 2020 pour couvrir les rétrocessions dues au titre de l'année 2019 .

Si ces versements sont en effet liés à un engagement réciproque de nos partenaires européens, et si cette réciprocité venait à ne pas être assurée, les crédits pourraient toujours être annulés.

B. L'ANNÉE 2019 EST MARQUÉE PAR LA REPRISE DES VERSEMENTS EN FAVEUR DE LA GRÈCE DEPUIS LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE DÉDIÉ À LA PARTICIPATION DE LA FRANCE AU DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

Après deux ans d'interruption, les restitutions de la France à la Grèce des revenus des titres grecs détenus par la Banque de France ont repris en 2019 , après la signature des deux nouvelles lettres d'instruction par le ministre de l'économie et des finances et par le directeur général du Mécanisme européen de stabilité. Le compte d'affectation spéciale a également été prolongé, en loi de finances pour 2020 185 ( * ) , jusqu'en 2022.

La reprise de ces restitutions fait suite à l'accord donné à l'Eurogroupe le 22 juin 2018, après la quatrième évaluation de la mise en oeuvre du programme d'assistance financière par la Grèce et l'approbation de ces transferts de revenus le 26 avril 2019. Ces versements avaient en effet été suspendus dans le cadre de la fin du deuxième programme d'assistance financière de la Grèce en 2015, à la suite de son refus de conduire certaines réformes proposées par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international. Le nouvel échéancier prévoit la restitution de 333,77 millions d'euros entre 2019 et 2021 .

C. LES RÉSULTATS DE CERTAINS INDICATEURS DE PERFORMANCE NÉCESSITENT DE FAIRE PREUVE DE VIGILANCE CES PROCHAINES ANNÉES

Sur le compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État et organismes gérant des services publics », s'il y a peu d'éléments à relever en gestion 2019, la Cour des comptes a réitéré ses critiques quant au respect, par le compte, des principes de la LOLF 186 ( * ) . Elle considère en effet que certaines avances ont davantage l'aspect de prêts . Le rapporteur spécial avait déjà l'an passé regretté que ces règles n'aient toujours pas été clarifiées : alors que les normes comptables de l'État limitent à deux ans, renouvelable une fois, les avances, certaines d'entre elles ont été octroyées pour des durées supérieures à dix ans (12 ans pour le BACEA, 15 ans pour la chambre de commerce et d'industrie de Guyane...). Elles devraient donc être considérées comme des prêts, auxquels l'article 24 de la loi organique relative aux lois de finances confère une durée déterminée. En renouvelant des avances, la durée est, de fait, indéterminée. Ce manque de clarté est d'autant plus dommageable que la mission utilise, pour sa démarche de performance, des indicateurs mesurant la conformité juridique du CCF. C'est d'autant plus important que le programme 824 apporte un complément de financement au budget annexe du contrôle et exploitation aériens, qui devrait particulièrement souffrir en 2020 , faute de recettes en provenance des compagnies aériennes, du fait de leur chute brutale d'activité avec la crise du covid-19.

Au sein de la mission « Engagements financiers de l'État », plusieurs indicateurs ne donnent pas aujourd'hui au Parlement une vision claire des objectifs donnés aux responsables de programme , ce qui nuit à l'évaluation de leur action. Par exemple, si le nombre d'incidents d'exécution des opérations de dette et de trésorerie (programme 117) a été multiplié par deux entre 2018 et 2019, en passant de 30 à 64, il est difficile pour le rapporteur spécial d'apprécier la portée de ces incidents et leur teneur exacte.

Enfin, le rapporteur spécial souhaite attirer l'attention sur les indicateurs du programme 114, et notamment ceux relatifs à l'action n°02 « Développement international de l'économie française » , la deuxième plus importante en termes de dépenses. En effet, la part des moins bons risques parmi les entreprises bénéficiaires de garanties du risque exportateur augmente sensiblement entre 2018 et 2019, après une augmentation similaire entre 2017 et 2018. Pour la soutenabilité du programme, il convient de conserver un équilibre entre bons et moins bons risques, d'autant que les dispositifs de garantie pourraient être davantage sollicités ces prochaines années, du fait de la crise économique .

MISSION « ENSEIGNEMENT SCOLAIRE »

m. gérard longuet, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 459

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 463

1. L'exécution 2019 confirme que, s'agissant de la mission « Enseignement scolaire », les prescriptions du budget triennal n'ont pas été respectées 463

2. Le ralentissement de la croissance des dépenses de personnel doit se poursuivre 464

3. Le montant de revalorisation des indemnités de sujétion en REP + s'élève à 63 millions d'euros en 2019 471

4. Les effets budgétaires des réformes les plus récentes ne sont pas encore pleinement appréciés 472

5. Les opérateurs 473

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

En 2019, contribution au CAS (compte d'affectation spéciale) « Pensions » comprise, les dépenses de la mission interministérielle « Enseignement scolaire » se sont élevées à 72,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 72,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).

Évolution des dépenses de la mission « Enseignement scolaire »
en autorisation d'engagement par programme

(en millions d'euros)

Exercice 2018

Exercice 2019

2018 - 2019

Prévision en LFI (y.c FDC et ADP)

Exécution

Écart en valeur

Taux de consom-mation

Prévision en LFI (y.c FDC et ADP)

Exécution

Écart en valeur

Taux de consom-mation

Variation des montants exécutés

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

22 036

22 001

- 35 332

100,16%

22 543

22 550

7

99,97%

+ 2,49%

141 - Enseignement scolaire public du second degré

32 757

32 916

165

99,52%

33 195

33 204

11

99,97%

+ 0,87%

230 - Vie de l'élève

5 414

5 418

6

99,92%

5 683

5 638

- 42 846

100,80%

+ 4,05%

139 - Enseignement privé du premier et du second degrés

7 553

7 564

11

99,85%

7 601

7 627

26

99,66%

+ 0,83%

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

2 435

2 327

- 100 003

104,63%

2 324

2 319

13

100,19%

- 0,34%

143 - Enseignement technique agricole

1 448

1 430

- 18 170

101,27%

1 467

1 433

- 33 552

102,34%

+ 0,22%

Mission

71 644

71 658

29

99,98%

72 812

72 771

- 19 393

100,06%

+ 1,55%

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses de la mission « Enseignement scolaire »
en crédits de paiement par programme

(en millions d'euros)

Exercice 2018

Exercice 2019

2018 - 2019

Prévision en LFI (y.c FDC et ADP)

Exécution

Écart en valeur

Taux de consom-mation

Prévision en LFI

Exécution

Écart en valeur

Taux de consom-mation

Variation des montants exécutés

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

22 036

22 001

- 35 444

100,16%

22 543

22 549

7

99,97%

+ 2,49%

141 - Enseignement scolaire public du second degré

32 757

32 917

165

99,52%

33 195

33 204

11

99,97%

+ 0,87%

230 - Vie de l'élève

5 414

5 418

6

99,93%

5 683

5 639

- 41 741

100,78%

+ 4,08%

139 - Enseignement privé du premier et du second degrés

7 553

7 565

12

99,85%

7 601

7 627

26

99,66%

+ 0,82%

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

2 365

2 331

- 25 692

101,44%

2 293

2 264

- 11 993

101,29%

- 2,88%

143 - Enseignement technique agricole

1 448

1 430

- 18 667

101,31%

1 467

1 433

- 34 187

102,39%

+ 0,21%

Mission

71 574

71 661

103

99,88%

72 782

72 716

- 44 158

100,09%

+ 1,47%

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'exécution est conforme aux prévisions inscrites en loi de finances initiale, les taux de consommation s'élevant, respectivement, à 100,1 % en AE comme en CP.

Enfin, on observe que le niveau des autorisations ouvertes par la loi de finances initiale a été moins fortement modifié au cours de l'exécution 2019 (+ 144 millions d'euros) que durant l'exercice 2018 (+ 316 millions d'euros).

Pour mémoire, le montant des crédits ouverts en cours d'exercice
en 2017 s'établissait à + 621 millions d'euros.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros, en CP)

Crédits ouverts en LFI

y.c ADP et FDC

Virements ou transferts de crédits

Décret d'avance

Crédits ouverts/
annulés en LFR

Total des crédits ouverts

Écart entre la LFI et les crédits ouverts (en valeur)

Crédits consom-més

Taux de consom-mation par rapport à la LFI

Taux de consom-mation par rapport au total de crédits ouverts

140

22 543

22 543

10

0

15

22 569

26

22 549

100,0%

99,9%

141

33 193

33 195

- 14

0

45

33 243

50

33 204

100,0%

99,9%

230

5 681

5 683

12

0

- 32

5 669

- 12

5 639

99,3%

99,5%

139

7 601

7 601

11

0

21

7 633

33

7 627

100,3%

99,9%

214

2 276

2 293

- 2

0

- 47

2 342

66

2 264

99,5%

96,7%

143

1 467

1 467

- 3

0

- 16

1 449

- 18

1 433

97,7%

98,9%

Mission

72 760

72 782

13

0

- 14

72 904

144

72 716

99,9%

99,7%

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Entre 2018 et 2019, les dépenses ont augmenté, en AE comme en CP, de 1,1 milliard d'euros, soit une hausse de l'ordre de + 1,5 % . Cette évolution amplifie le ralentissement de la progression en valeur et en volume des dépenses de la mission constatée depuis 2018 par rapport aux années antérieures .

Évolution des dépenses en autorisations d'engagement par titre
(y.c CAS « Pensions »)

(en millions d'euros)

AE

ouvertes

en 2018

AE

consommées

en 2018

Taux de

consommation

AE

ouvertes

en 2019

AE

consommées

en 2019

Taux de

consommation

Variation
des AE consommées

2018-2019

Titre 2 - Dépenses de personnel

66 446

66 535

100,13%

67 649

67 639

99,99%

1,66%

Titre 3 - Dépenses de fonctionnement

843

742

88,02%

722

707

97,87%

-4,73%

Titre 5 - Dépenses d'investissement

130

95

73,08%

109

127

116,58%

33,80%

Titre 6 - Dépenses d'intervention

4 253

4 284

100,73%

4 310

4 295

99,67%

0,27%

Titre 7 - Dépenses d'opérations financières

0

2

NS

0,2

1

465,10%

-60,47%

Mission

71 671

71 658

99,98%

72 790

72 770

99,97%

1,55%

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Évolution des dépenses en crédits de paiement par titre

(en millions d'euros)

CP ouverts

en 2018

CP consommés

en 2018

Taux de

consommation

CP ouverts

en 2019

CP consommés

en 2019

Taux de

consommation

Variation
des CP consommés

2018-2019

Titre 2 - Dépenses de personnel

66 446

66 535

100,13%

67 649

67 639

99,99%

1,66%

Titre 3 - Dépenses de fonctionnement

804

748

93,03%

730

690

94,6%

-7,69%

Titre 5 - Dépenses d'investissement

98

85

86,73%

78

105

134,0%

23,45%

Titre 6 - Dépenses d'intervention

4 253

4 292

100,92%

4 302

4 280

99,5%

-0,28%

Titre 7 - Dépenses d'opérations financières

0

2

0,00%

0,2

1

582,7%

NS

Mission

71 601

71 661

100,08%

72 760

72 716

99,9%

1,47%

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Comme en 2018, la croissance des dépenses de la mission est essentiellement portée par la dynamique des crédits de titre 2 (+ 1,7 %) qui représente 92,6 % de l'ensemble des crédits de la mission .

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. L'exécution 2019 confirme que, s'agissant de la mission
« Enseignement scolaire », les prescriptions du budget triennal n'ont pas été respectées

Ainsi que le rapporteur spécial l'a fait observer dans son rapport relatif à l'examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire »
pour 2020, l'exécution de cette dernière se caractérise par un écart chronique aux prescriptions de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022.

Évolution des crédits de paiement programmés, constatés
et autorisés de la mission « Enseignement scolaire »

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En effet, le montant des crédits autorisés ou exécutés a systématiquement excédé la trajectoire prévue en loi de programmation et cela dès le premier exercice couvert par celle-ci.

Ainsi, en 2019 le montant des crédits exécutés hors contribution au CAS « pensions » s'élève à 52,3 milliards d'euros soit un écart
de 240 millions d'euros à la programmation pluriannuelle.

A l'instar de la Cour des comptes le rapporteur spécial estime que l'importance des dépenses de personnel dans l'ensemble des crédits de la mission peut expliquer la difficulté à satisfaire aux exigences de la programmation pluriannuelle.

Il reste, toutefois, que cet exercice doit permettre d'assurer une prévisibilité dans l'évolution des dépenses publiques .

Dans ce contexte, il serait souhaitable que le Gouvernement s'efforce à l'occasion de la prochaine loi de programmation des finances publiques de définir une trajectoire crédible d'évolution des dépenses de la mission et s'astreigne, par la suite, à la respecter .

2. Le ralentissement de la croissance des dépenses de personnel doit se poursuivre
a) Compte tenu des caractéristiques de la mission, la maitrise des dépenses de personnel se révèle cruciale pour dégager des marges de manoeuvre

Le rapporteur spécial constate que l'augmentation des dépenses de personnel (titre 2) contributions au CAS « pensions » comprises est limitée à + 1,7 % en 2019 alors qu'elle était de + 2,1 % en 2018 . Ces résultats sont encourageants et témoignent d' un effort de modération .

Toutefois, il convient de rappeler que compte tenu de l'importance tant des crédits de la mission que de celle des dépenses de personnel au sein de cette dernière, cette variation représente une hausse des dépenses
de 1,1 milliard d'euros.

Le rapporteur spécial a régulièrement rappelé son attachement à une plus grande maitrise de l'évolution des dépenses de personnels de la mission. Cet objectif était crucial pour permettre à la mission de participer effectivement à une réduction globale des dépenses publiques .

Il conserve toute sa pertinence alors que l'État est appelé à se mobiliser fortement en faveur, par exemple, du secteur de la santé ou, encore, de la protection du tissu économique.

Il convient, dans ce contexte, de renforcer l'efficacité des
dépenses
- notamment de personnel - de la mission de sorte à garantir à l'État les marges de manoeuvre budgétaires nécessaires pour répondre aux conséquences de la crise sanitaire et économique actuelle.

Il y a donc lieu, à cette fin, d'assurer une modération des dépenses de personnel en agissant, en particulier, sur les facteurs de son dynamisme.

À ce titre, le rapporteur spécial observe que l'exercice 2019 se caractérise par le maintien d'un niveau conséquent de mesures catégorielles (+ 227 millions d'euros) à peine plus faible que celui constaté en 2018 (+ 232 millions d'euros).

Facteurs d'évolution des dépenses de personnel
hors CAS « Pensions »

Source : commissions des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

La poursuite du parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) explique plus de 62 % de ces mesures catégorielles pour un coût total en 2019 estimé à 145 millions d'euros.

À l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, il a également fait observer que le coût prévu du PPCR s'établissait
à 305 millions d'euros.

Ainsi, depuis 2017 le coût de ce dispositif aura dépassé
le milliard d'euros.

Coût annuel du PPCR depuis 2017

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Une dépense de cette ampleur apparait injustifiée aux yeux du rapporteur spécial qui a toutefois rappelé lors de l'examen des crédits de la mission pour 2020 que « servir l'école doit redevenir un choix attractif » .

La singularité du système éducatif français repose sur la plus faible rémunération dont bénéficient les enseignants dans leur première partie de carrière par rapport à la situation constatée dans les autres
pays développés.

Ainsi, la rémunération d'un enseignant français ayant 15 ans d'expérience dans l'enseignement élémentaire est deux fois moins importante que celle d'un enseignant allemand.

Salaires statutaires annuels des enseignants de 25 à 64 ans
ayant 15 ans d'expérience et une qualification typique
par niveau d'enseignement en 2018

Source : OCDE, Regards sur l'éducation 2019

Dans un tel contexte, les mesures catégorielles ne sauraient être justifiées que par l'impératif de renforcer l'attractivité du métier d'enseignant dans les premières années de carrières .

Or, le PPCR constitue une mesure non-ciblée qui bénéficie majoritairement aux enseignants en fin de carrière.

Alors que l'année 2021 doit constituer la dernière étape de ce protocole avec une nouvelle revalorisation de la grille des rémunérations, il y a lieu pour le rapporteur spécial d'appeler à geler ce dispositif.

Les moyens prévus pour assurer son financement en 2021 - lesquels ne sont pas précisés par les documents budgétaires - lui apparaitraient plus utilement déployés pour renforcer la condition matérielle des enseignants en début de carrière ou d'autres postes de dépense jugés prioritaires dans le cadre de la réponse aux conséquences de la crise sanitaire et économique.

Enfin, le rapporteur spécial constate que le coût du glissement vieillesse technicité s'établit à + 314 millions d'euros en 2019 ce qui excède largement la prévision initiale (+ 280 millions d'euros). Pourtant les documents budgétaires ne fournissent pas d'éléments permettant de justifier un tel écart ce qui n'est pas acceptable.

b) Les plafonds d'emploi sont davantage respectés en 2019 mais des efforts supplémentaires peuvent encore être fournis

Comme en 2018 , l'exercice budgétaire se caractérise par un meilleur respect des plafonds d'emploi fixés à la mission « Enseignement scolaire ».

En effet, avec un total de 1 027 882 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) consommés par rapport à une prévision initiale
de 1 039 422, la sous-consommation des plafonds d'emplois s'élève
à 1,1 % en 2019 après avoir atteint 1,3 % en 2018.

Évolution de la consommation des emplois par rapport
aux plafonds fixés en loi de finances initiales et rectificatives

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Toutefois, le rapporteur spécial estime que des efforts supplémentaires doivent encore être fournis.

Ainsi, il serait utile que le Gouvernement parvienne à réduire la sous-consommation des emplois qui caractérise chroniquement le programme 214 - Soutien à la politique de l'éducation nationale dont le taux de sous-consommation a augmenté de 4 points de pourcentage depuis l'année précédente.

Les documents budgétaires expliquent ce résultat par l'arrêt du dispositif de recrutement des personnels en apprentissage et par des frictions dans le rythme de recrutement des contractuels.

Ces éléments d'explication ne sont pas satisfaisants. D'une part, ce phénomène apparait trop récurrent pour n'être imputable qu'à des facteurs conjoncturels. D'autre part, la loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019 aurait dû être l'occasion pour le Gouvernement d'ajuster les plafonds d'emploi comme il l'avait, d'ailleurs, fait au mois de décembre 2018 s'agissant de l'exercice de cette même année.

Variation des taux de sous-consommation des programmes
de la mission « Enseignement scolaire »

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

c) La réduction des effectifs est notable et doit se poursuivre dans le contexte d'une diminution continue du nombre d'élèves

En 2018 , le schéma d'emploi réalisé se caractérise par une baisse de 3 058 emplois équivalent temps plein (ETP) principalement portée par le programme 141 - Enseignement public du second degré.

Ce résultat s'inscrit dans le contexte d'un effort de rééquilibrage des moyens financiers et humains entre le premier et le second degré initié par le ministère depuis la rentrée 2017.

Schéma d'emploi de la mission « Enseignement scolaire » en 2019

Catégorie d'emplois

Sorties

dont départ en retraites

Entrées

dont primo recrutem-ents

Schéma d'emplois (prévision)

Schéma d'emplois (réalisation)

Écart

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

Enseignants du 1er degré

9745

5734

11703

0

2850

1958

-892

Enseignants stagiaires

12125

0

10728

0

-1050

-1397

-347

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

174

141

196

0

0

22

22

Personnels d'encadrement

101

96

114

0

0

13

13

Total du programme

22 145

5 971

22 741

0

1 800

596

-1 204

141 - Enseignement scolaire public du second degré

Enseignants du 1er degré

287

267

257

0

0

-30

-30

Enseignants du 2nd degré

11354

6355

8861

0

-2250

-2493

-243

Enseignants stagiaires

9014

0

8084

8084

-400

-930

-530

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

195

123

189

0

0

-6

-6

Personnels d'encadrement

747

659

831

0

0

84

84

Personnels administratifs, technique et de service

1891

1259

1486

0

0

405

405

Total du programme

23 488

8 663

19 708

8 084

-2 650

-2 970

-320

230 - Vie de l'élève

Enseignants stagiaires

308

0

287

287

0

-21

-21

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

728

478

680

0

0

-48

-48

Personnels administratifs, technique et de service

22

17

20

0

0

-2

-2

Total du programme

1 058

495

987

287

0

-71

-71

139 - Enseignement privé du premier et second degrés

Enseignants du 1er degré

1621

744

1413

0

-189

-208

-19

Enseignants du 2nd degré

3686

1833

3367

0

-361

-319

42

Enseignants stagiaires

2111

0

2334

2334

0

223

223

Total du programme

7 418

2 577

7 114

2 334

-550

-304

246

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

31

31

35

0

0

4

4

Personnels d'encadrement

44

20

34

0

0

-10

-10

Personnels administratifs, technique et de service

611

505

361

0

-400

-250

150

Total du programme

686

556

430

0

-400

-256

144

143 - Enseignement technique agricole

A administratifs

33

6

18

3

-2

-15

-13

A techniques

24

12

12

2

-2

-12

-10

B et C administratifs

182

31

129

108

-7

-53

-46

B et C techniques

20

3

13

11

-1

-7

-6

Enseignants

850

146

884

799

-38

34

72

Total du programme

1 109

198

1 056

923

-50

-53

-3

Total de la mission

55 904

18 460

52 036

11 628

-1 850

-3 058

-1 208

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le rapporteur spécial observe que l'ampleur de cette contraction des emplois est supérieure à ce qui avait été prévu en loi de
finances initiale.

Il se félicite que le Gouvernement ait pris la pleine mesure de l'urgence à réduire le nombre des effectifs de la mission pour en assurer la soutenabilité au plan budgétaire, tout en renforçant les moyens alloués au premier degré.

Ainsi, en supposant que le Gouvernement respecte le schéma d'emploi établi en loi de finances initiale pour 2020, la mission connaitrait une diminution de 2 317 emplois en ETP depuis 2018.

Alors que le nombre d'emplois créés pour la seule année 2017 sous l'ancien quinquennat s'élevait à + 9 795 emplois ETP, il est essentiel de persister dans cet effort de modération.

Évolution du solde de création de postes depuis 2018

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

À cet égard, le rapporteur spécial tient à rappeler qu'il ne partage pas l'objectif affiché par le ministre de l'Éducation de tirer profit de la diminution du nombre d'élèves pour assouplir les efforts en matière de réduction des effectifs.

En effet, le nombre d'élèves tend à se réduire de sorte à ce
qu'entre 2017 et 2023 il pourrait avoir diminué de 3,3 %.
En maintenant constant le nombre des enseignants, cette évolution tend à renforcer le taux d'encadrement des élèves qui mesure le nombre d'enseignant par élèves.

Évolution du nombre d'élèves depuis 2009

(en millions)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Ainsi, comme le relève la Cour des comptes dans sa note consacrée à l'exécution des crédits de la mission en 2019, le nombre d'enseignants
pour 100 élèves est passé de 5,36 en 2016 à 5,69 en 2020
.

La poursuite d'une telle logique ne pourra aboutir qu'à empêcher toute diminution pérenne du nombre des emplois de la mission alors que le renforcement du taux d'encadrement ne peut se justifier qu'au cas par cas.

Dans ces conditions, le rapporteur spécial appelle à ne pas affaiblir les efforts de maitrise des effectifs et des dépenses de personnel mais plutôt à les ajuster à l'évolution de la démographie scolaire.

3. Le montant de revalorisation des indemnités de sujétion en
REP + s'élève à 63 millions d'euros en 2019

Depuis la rentrée 2018, le Gouvernement a mis en place une revalorisation de l'indemnité de sujétion des personnels exerçant dans les écoles et établissements des réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP +).

Celle-ci devrait correspondre à un gain net de 3 000 euros annuel pour chaque agent concerné et il a été prévu de la mettre en oeuvre progressivement entre les rentrées 2018 et 2020.

Le coût de cette mesure pour 2019 s'élève à 63 millions d'euros tandis qu'elle concerne 48 100 agents publics , ce qui représente un complément de revenu de 1 310 euros par an.

Pour rappel, le coût de ce dispositif en 2018 s'établissait à 19,5 millions d'euros tandis que 58,6 millions d'euros ont été autorisés à ce titre en loi de finances initiale pour 2020.

Ainsi, les montants engagés entre les rentrées 2018 et 2020 s'établiraient à 140,1 millions d'euros, représentant une prime de 2 933,7 euros par agent bénéficiaire.

Le rapporteur spécial a déjà eu l'occasion d'indiquer qu'il considérait cette dépense comme pertinente dès lors qu'elle favorise le maintien des personnels dans les établissements les moins attractifs.

4. Les effets budgétaires des réformes les plus récentes ne sont pas encore pleinement appréciés

Plusieurs réformes importantes sont entrées en application à la rentrée 2019.

Il en va ainsi, par exemple, de la mise en oeuvre d'une obligation de scolarisation des élèves dès l'âge de 3 ans prévue par la loi n° 2019-791 du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance ou de l'institution des pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL).

Comme le rapporteur spécial l'a relevé lors de l'examen des crédits de la mission pour 2020, l'obligation de scolarisation dès 3 ans ne concerne qu'un nombre restreint d'élèves puisque la grande majorité de cette classe d'âge était déjà scolarisée (98,9 % d'après la Cour des comptes).

Toutefois, les documents budgétaires ne permettent pas d'apprécier précisément le coût pour les finances publiques de cette nouvelle obligation , ce qui est regrettable.

En effet, il ressort de ces documents que l'action « Enseignement préélémentaire » du programme 140 - Enseignement public du premier degré se caractérise en 2019 par une augmentation de 63,8 millions d'euros des crédits exécutés (+ 1,2 %). Pour autant, il n'est pas indiqué la part de cette dynamique qui revient à la mise en oeuvre de l'obligation de scolarisation à partir de 3 ans. De telles précisions seraient utiles à l'avenir.

De la même manière, le rapporteur spécial regrette que de premiers éléments sur les crédits mobilisés pour le fonctionnement des PIAL ayant commencé d'opérer à la rentrée 2019 ne figurent pas dans les documents budgétaires .

En plus de poursuivre un objectif d'amélioration de l'accompagnement des familles d'élèves, notamment, en situation de handicap, les PIAL sont supposés participer à une meilleure gestion de la dépense publique.

Aussi, le rapporteur spécial invite le Gouvernement à présenter, dans la perspective du projet de loi de finances pour 2021, les éléments permettant d'apprécier la pertinence budgétaire de ce dispositif.

5. Les opérateurs

Pour mémoire, cinq opérateurs participent à l'exécution des crédits de la mission « Enseignement scolaire » :

- Le Centre d'Étude et de Recherches sur les Qualifications (CEREQ) est un établissement public administratif placé sous la double tutelle du ministère de l'éducation nationale et du ministère du travail. Il anime un réseau régional de chercheurs étudiant la relation entre formation et emploi.

- Le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) est un établissement public administratif appelé à être rebaptisé France Éducation international (FEI). Il élabore des diplômes et certifications en Français langue étrangère (FLE), labélise des centres d'apprentissage en langue française, participe à des projets de formation au profit de systèmes éducatifs étrangers et organise des colloques et séminaires à l'international.

- Le Centre national d'enseignement à distance (CNED) est un établissement public administratif placé sous la double tutelle du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur. Il dispense et promeut l'enseignement à distance.

- L' Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) est un établissement public administratif placé sous la double tutelle du ministère de l'éducation nationale et du ministère de l'enseignement supérieur. Disposant d'implantations au niveau régional, il participe à l'information en matière d'orientation et met à disposition des usagers les documentations afférentes.

- Le réseau Canopé est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l'éducation nationale. Il exerce une mission d'édition, de production, de développement et de mise à disposition des ressources pédagogiques à destination des communautés éducatives. En outre, il participe à la mise en oeuvre du service public du numérique éducatif.

En 2019, le montant total des crédits consommés par les opérateurs de la mission s'élève à 166 millions d'euros en hausse de 4,5 millions d'euros par rapport à 2018.

Dépense des opérateurs de la mission
« Enseignement scolaire » en 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le rapporteur spécial relève une surconsommation des crédits alloués au CNED à hauteur de 3 millions d'euros . Celle-ci résulte principalement des dépenses ayant dû être engagées pour adapter l'offre de l'opérateur dans le contexte de la réforme du lycée.

Un dépassement est également constaté s'agissant du Réseau Canopé. Il s'expliquerait par le financement en cours d'année de projets numériques qui n'avait pas été envisagés lors de la prévision initiale.

Le rapporteur spécial observe, en outre, que le phénomène de sous-consommation des plafonds d'emploi persiste en 2019 comme
en 2018.
Ainsi, ce sont 245 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) qui n'ont pas été consommés par rapport au plafond initial de 3 276 emplois.

À l'instar de la Cour des comptes, il estime que le ministère devrait s'interroger sur l'opportunité de réduire les plafonds d'emplois à l'avenir.

MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES », MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS », MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES » ET CAS « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT »

mm. thierry carcenac et claude nougein,
rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES » 477

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019, PROCHE DE LA PRÉVISION INSCRITE EN LOI DE FINANCES INITIALE, EST MARQUÉE PAR UNE SOUS-CONSOMMATION DES CRÉDITS DE LA DOUANE 477

1. Les deux administrations à réseaux des ministères économiques et financiers représentent une part prépondérante des crédits de la mission 477

2. Une exécution globalement proche de la prévision, avec une sous-consommation plus marquée des crédits de la Douane 479

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 481

1. Après deux années de baisse, le montant des crédits retrouve un niveau inférieur à celui constaté en 2016 481

2. La gestion des ressources humaines, enjeu essentiel pour la bonne exécution des crédits de la mission, s'est traduite par une sur-exécution du schéma d'emplois 483

3. Au regard des fonctions assurées par les directions de la mission, un pilotage rigoureux des projets informatiques est crucial 486

4. Les grandes transformations que doivent entreprendre la DGFiP et la DGDDI ne se retrouvent pas immédiatement dans l'exécution des crédits en 2019 488

5. Les réformes entreprises par les opérateurs de la mission se traduisent par une baisse de leurs dépenses 490

6. Le travail de rationalisation sur les indicateurs de performance se poursuit 491

II. MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS » 493

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 493

1. Une dotation maintenue sur les deux programmes 493

2. Trois mesures réglementaires de répartition intervenues en gestion 2019 494

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 495

1. Une consommation quasi-intégrale des crédits de paiement du programme 551 495

2. Une utilisation du programme 552 conforme au critère de dernier recours, mais ayant couvert une sous-budgétisation 496

III. MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES » 499

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019, DORÉNAVANT COMPOSÉE DE QUATRE PROGRAMMES, SE DISTINGUE PAR UNE TRÈS FORTE SOUS-CONSOMMATION DE CES CRÉDITS. 499

1. Deux nouveaux programmes ont été créés en 2019 499

2. Une exécution largement inférieure à la prévision 500

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 502

1. La sous-exécution des crédits de la mission en 2019 s'explique par des retards accumulés dans la mise en oeuvre des premiers projets sélectionnés 502

2. Comme le craignaient les rapporteurs spéciaux lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2019, la montée en charge de l'ensemble des programmes s'est révélée décevante 504

3. Cette exécution décevante, pour la seconde année consécutive, nourrit les doutes quant à l'efficacité de ces programmes pour encourager à la transformation de l'action publique 505

4. Les indicateurs de performance ne permettent toujours pas d'évaluer correctement l'efficacité des projets sélectionnés, ni les progrès réalisés dans leur mise en oeuvre 506

IV. COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT » 507

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU CAS EN 2019 EST MARQUÉE PAR DES PRODUITS DE CESSION EXCEPTIONNELS 507

1. Instrument de la politique immobilière de l'État, le compte d'affectation spéciale ne porte qu'une partie minoritaire des crédits dédiés à l'immobilier de l'État 507

2. Les cessions exceptionnelles en 2019 effacent les déficits des années précédentes 508

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 510

1. Une place toujours plus importante dédiée aux dépenses d'entretien lourd 510

2. Un contournement des règles de gestion du compte d'affectation spéciale et la faiblesse des incitations adressées aux ministères occupants 512

3. Les recettes exceptionnelles en 2019 ne doivent pas masquer le fait qu'il est urgent de définir un nouveau modèle économique pour soutenir la politique immobilière de l'État 512

4. Les indicateurs de performance illustrent eux-aussi les limites des incitations adressées aux ministères occupants 514

I. MISSION « GESTION DES FINANCES PUBLIQUES ET DES RESSOURCES HUMAINES »

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019, PROCHE DE LA PRÉVISION INSCRITE EN LOI DE FINANCES INITIALE, EST MARQUÉE PAR UNE SOUS-CONSOMMATION DES CRÉDITS DE LA DOUANE

1. Les deux administrations à réseaux des ministères économiques et financiers représentent une part prépondérante des crédits de la mission

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » porte les politiques publiques relevant du ministère de l'action et des comptes publics , ainsi que l'essentiel des effectifs des ministères économiques et financiers . Elle se compose de quatre programmes .

Répartition par programme des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines » en 2019

(en % et en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les programmes 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » et 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » sont mis en oeuvre par les deux grandes directions à réseaux du ministère de l'action et des comptes publics : la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Ils représentent 89,3 % des crédits de la mission .

Les programmes 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » et 148 « Fonction publique » correspondent à des politiques de coordination et de pilotage à dimension interministérielle :

- le programme 218, placé sous la responsabilité de la secrétaire générale des ministères économiques et financiers, porte les crédits et les effectifs des cabinets des ministres et secrétariats d'États, des directions et services en charge de missions transversales (le budget, l'administration et la fonction publique, les achats de l'État...), de l'inspection générale des finances, du secrétariat général du ministère et de toutes les directions et entités exerçant des missions nécessaires au pilotage des politiques publiques ministérielles transversales ou interministérielles (expertise, conseil, contrôle). La direction interministérielle de la transformation publique (DITP) a par ailleurs été rattachée au programme en 2019 ;

- le programme 148 porte les crédits alloués à la formation et à l'apprentissage dans la fonction publique d'État , les subventions pour charge de service public aux opérateurs en charge de cette formation (École nationale d'administration, instituts régionaux d'administration), ainsi que les crédits alloués à l'action sociale interministérielle . Il est placé sous la responsabilité du directeur général de l'administration et de la fonction publique (DGAFP).

2. Une exécution globalement proche de la prévision, avec une sous-consommation plus marquée des crédits de la Douane

Exécution par programme des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines » en 2019

(en % et en millions d'euros)

Programme

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

[ 156] Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

AE

8 103,6

8 000,0

7753,0

- 4,33 %

- 3,09 %

CP

8 020,1

7 756,3

7678,5

- 4,26 %

- 1,00 %

[ 218 ] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

AE

931,3

904,6

905,9

- 2,73 %

0,14 %

CP

1 009,4

918,3

905,7

- 10,27 %

- 1,37 %

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

AE

1 535,9

1 617,8

1569,5

2,19 %

- 2,98 %

CP

1 530,8

1 593,9

1541,7

0,72 %

- 3,27 %

[148] Fonction publique

AE

203,0

208,6

203,9

0,43 %

- 2,26 %

CP

201,6

208,6

198,8

-1,39 %

- 4,69 %

TOTAL MISSION

AE

10 773,8

10 731,0

10 432,2

- 3,17 %

- 2,78 %

CP

10 761,9

10 477,1

10 324,7

- 4,06 %

- 1,45 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'écart constaté entre l'exécution des crédits de la mission en 2019 et les prévisions inscrites en loi de finances initiale est plutôt satisfaisant : il s'est élevé à - 2,78 % en autorisations de paiement (AE) et - 1,45 % en crédits de paiement (CP). Ces écarts sont néanmoins supérieurs à ceux constatés en 2018 (respectivement - 1,4 % et - 1,2 %) et s'expliquent par une sous-consommation plus forte que l'an passé sur le programme 156 et une augmentation moindre des dépenses du programme 302 . L'écart sur les AE, habituellement plus faible du fait de la prépondérance des dépenses de personnel dans la mission, provient du report de plusieurs opérations d'investissement, informatiques comme immobilières.

Exécution par titre des crédits de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines » en 2019

(en % et en millions d'euros)

Titre

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

Titre 2 - Personnel

AE

8 627,2

8 633,5

8 559,9

- 0,78 %

- 0,85 %

CP

8 627,2

8 633,5

8 559,9

- 0,78 %

- 0,85 %

Titre 3 - Fonctionnement

AE

1 930,0

1 813,8

1 663,4

- 13,81 %

- 8,29 %

CP

1 914,5

1 554,8

1 565,0

- 18,26 %

0,66 %

Titre 5 - Investissement

AE

123,0

152,5

114,1

- 7,23 %

- 25,17 %

CP

126,4

157,7

104,9

- 17,01 %

- 33,48 %

Titre 6 - Intervention

AE

93,2

130,9

94,4

1,37 %

- 27,84 %

CP

93,4

130,8

94,6

1,30 %

- 27,67 %

Titre 7 - Opérations financières

AE

0,4

0,3

0,4

- 4,17 %

14,61 %

CP

0,4

0,3

0,4

- 4,17 %

14,60 %

TOTAL MISSION

AE

10 773,8

10 731,0

10 432,2

- 3,17 %

- 2,78 %

CP

10 761,9

10 477,1

10 324,7

- 4,06 %

- 1,45 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses de personnel (titre 2) représentent une part toujours plus conséquente des crédits de la mission. Si leur montant a diminué de 0,78 % entre 2018 et 2019, leur part a progressé, de 80,2 % à 82,9 % , confirmant par-là leur rôle déterminant pour apprécier la bonne exécution de la mission (cf. infra ). Les rapporteurs spéciaux relèvent également que, pour la deuxième année consécutive, les dépenses d'investissement ont été fortement sous-exécutées (- 34,44 % en 2018 et - 33,48 % en CP en 2019), ce qui suscite quelques inquiétudes sur la mise en oeuvre des grands chantiers de transformation des administrations du ministère de l'action et des comptes publics, notamment en matière informatique. Quant aux dépenses de fonctionnement , leur baisse, de 300 millions d'euros, est uniquement due à une mesure de périmètre, celle de la suppression des loyers budgétaires.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
au cours de l'exercice 2019

(CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les mouvements de crédits ont représenté 2,23 % du total des crédits votés en loi de finances initiale pour 2019 (1,25 % hors loi de finances rectificative), contre 1,63 % en 2018 . La différence entre les prévisions de la loi de finances initiale et l'exécution n'est toutefois que de 0,14%, ce qui témoigne d'un pilotage rigoureux. À l'image des autres missions, le taux de mise en réserve s'est élevé à 3 % , ce qui s'est traduit par de plus grandes marges de manoeuvres pour les responsables de programmes. Les annulations de crédits intervenues en loi de finances rectificative pour 2019 ont porté sur cette réserve de précaution.

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Après deux années de baisse, le montant des crédits retrouve un niveau inférieur à celui constaté en 2016

Après un point haut en 2017 (10,90 milliards d'euros), et deux baisses consécutives en 2018 et 2019 , les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ont retrouvé un niveau inférieur à celui constaté en 2016 (10,72 milliards d'euros). 83 % de la diminution des crédits anticipée entre 2018 et 2019 provient toutefois d'une mesure de périmètre, celle de la suppression des loyers budgétaires. La diminution des crédits en 2019 a en outre été plus forte qu'initialement prévue (- 4,06 % contre - 2,38 %), et ce pour trois raisons :

- la sur-exécution du schéma d'emplois de la mission , avec des suppressions plus importantes que prévues : les dépenses de personnel ont été de 73,7 millions d'euros inférieures à la prévision ;

- la sous-exécution des dépenses portée par la nouvelle action 08 du programme 302, dédiée au soutien au réseau des débitants de tabac : les moindres dépenses au titre des aides de compensation à la perte d'activité n'ont été que partiellement compensées par le dynamisme de la prime de sécurisation. Les crédits de chacun de ces dispositifs devront être ajustés, afin de donner une image plus correcte des dépenses engagées au titre du soutien aux débitants de tabac ;

- la sous-exécution des dépenses d'investissement, à hauteur de 33,5 % à l'échelle de la mission (52,8 millions d'euros) : cette moindre dépense doit toutefois être lue en miroir de la légère sur-exécution constatée sur les dépenses de fonctionnement. Certaines dépenses informatiques ont en effet été comptabilisées en « fonctionnement » et non en « investissement », la distinction entre ces deux types de dépenses pouvant être difficile à apprécier, notamment en matière informatique.

Après retraitement de la réforme des loyers budgétaires, le montant des crédits de paiement (hors compte d'affectation spéciale « Pensions ») est donc tout juste inférieur au plafond inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 187 ( * ) (LPFP 2018-2022).

Plafond des crédits de paiement inscrits
dans la LPFP 2018-2022 et exécution 2019

(en milliards d'euros)

* Après retraitement de la réforme des loyers budgétaires

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

À l'inverse de la trajectoire générale des dépenses publiques en 2019, en forte augmentation (+ 6 milliards d'euros entre 2018 et 2019 à champ constant), la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » continue donc de contribuer à la maîtrise de la dépense publique , avec des crédits en baisse tant en prévision qu'en exécution.

2. La gestion des ressources humaines, enjeu essentiel pour la bonne exécution des crédits de la mission, s'est traduite par une sur-exécution du schéma d'emplois

Là-encore, la mission s'inscrit à rebours de la dynamique générale du budget de l'État en 2019. En effet, si les dépenses de personnel ont globalement augmenté de 1,6 % à champ constant, celles de la mission ont baissé de 0,78 % (67,4 millions d'euros). Cette baisse peut toutefois sembler limitée par rapport au nombre d'emplois supprimés (2 082 équivalents temps plein [ETP]), cet effet volume ayant en effet été partiellement compensé par le versement des indemnités de compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée et par l'achèvement de la mise en oeuvre du protocole parcours professionnels carrières et rémunérations (PPCR), dont une partie des mesures avait été gelée en 2018.

Les administrations de la mission, et plus particulièrement la DGFiP continuent donc de contribuer à la maîtrise de la masse salariale de l'État, le schéma d'emploi, initialement attendu à -1 947 ETP, ayant été sur-exécuté à hauteur de 7 %, soit 135 ETP supprimés en plus (- 2 082 ETP au total), un chiffre élevé mais moindre que celui constaté en 2018 (sur-exécution à hauteur de - 452 ETP).

Schéma d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en ETP)

Prévision

Sorties

dont départs

Entrées

Exécution

Écart exécution 2019 / LFI 2019

LFI 2019

en retraite

2019

[156] Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local

- 2 130

6 326

4 170

4 123

- 2 203

3,43 %

[302] Facilitation et sécurisation des échanges

250

731

548

951

220

- 12,00 %

[218] Conduite et pilotage des politiques économiques et financières

- 67

919

205

820

- 99

47,76 %

Total
pour la mission

- 1 947

7 684

4687

6 236

- 2 082

6,93 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les programmes de la mission n'ont toutefois pas tous contribué de la même façon à la réalisation du schéma d'emplois inscrit en loi de finances. La baisse des dépenses de personnel a ainsi été la plus forte sur le programme 156 (DGFiP) , à hauteur de 85,2 millions d'euros, soit - 1,3 % entre 2018 et 2019. Près de 15 % de cette baisse s'explique par des retenues sur salaire pour grève. En revanche, la DGDDI, pour la cinquième année consécutive, a connu une création nette de postes , à hauteur de 220 ETP cette année, contre respectivement 70, 285, 250 et 200 ETP de 2015 à 2018. La sanctuarisation des effectifs de la Douane s'explique par la mise en oeuvre des plans de lutte contre le terrorisme, ainsi que par la préparation de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Les rapporteurs relèvent toutefois que la Douane n'a recruté que 220 ETP, soit 30 de moins que ce qui était initialement prévu, du fait de difficultés de recrutement, notamment pour des emplois spécialisés comme les informaticiens ou les gestionnaires de données . Les responsables du programme 218 ont fait état d'une préoccupation similaire et ont souligné, pour expliquer la diminution plus importante que prévue du nombre d'ETP sur leur programme, leur difficulté à recruter des compétences spécialisées . À la recherche de ces compétences nouvelles et rares, ils ont davantage recouru à des agents contractuels, aux rémunérations supérieures , ce qui explique l'apparent paradoxe du programme 218, marqué par une baisse de ses ETP mais une augmentation de ses dépenses de personnel.

Comme l'an passé, les rapporteurs spéciaux regrettent que, dans la budgétisation initiale, il n'ait pas été mieux tenu compte des impacts de la hausse du nombre d'ETP à la Douane sur ses dépenses de fonctionnement. Celles-ci sont supérieures de 14,8 % (soit 25,6 millions d'euros) à la prévision inscrite en loi de finances initiale. Une sur-exécution similaire, quoique de moindre ampleur (+ 7,1 %) a affecté le programme 218. Une partie de ce résultat s'explique par la labellisation, en tant que dépenses de fonctionnement, de dépenses d'investissement, notamment en matière informatique.

L'écart structurel qui existe depuis 2014 entre les plafonds d'emplois prévus et exécutés (en équivalents temps plein travaillé [ETPT]) pour le ministère de l'action et des comptes publics s'est maintenu en 2019 , le taux de vacance sous plafond se stabilisant à 1,6 % , soit 2 002 ETPT. Ce net progrès a conduit la Cour des comptes, dans son analyse de l'exécution budgétaire de la mission, à ne pas reconduire sa recommandation portant sur la réduction de cet écart. Les rapporteurs spéciaux souhaitent que cet effort soit poursuivi, afin de donner une image plus correcte des emplois portés par la mission.

Plafonds d'emplois de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

(en ETPT)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Plafond d'emplois de la mission prévu en LFI

134 746

131 862

129 296

128 023

126 536

123 501

Plafond d'emplois de la mission exécuté

131 575

128 875

126 699

125 370

123 484

121 499

Écart

- 2,35 %

- 2,27 %

- 2,01 %

- 2,07 %

- 2,41 %

- 1,62 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

3. Au regard des fonctions assurées par les directions de la mission, un pilotage rigoureux des projets informatiques est crucial

Si les dépenses de personnel sont celles qui sont les plus significatives en volume, les dépenses informatiques et d'investissement sont tout aussi essentielles pour les administrations de la mission, engagées dans un long processus de transformation . À cet égard, la mise en oeuvre du prélèvement à la source représente, d'un point de vue opérationnel, une réussite.

Les rapporteurs spéciaux insistent régulièrement sur l'importance d'une gestion rigoureuse des projets informatiques portés par la mission, qui soutiennent des fonctions vitales pour l'État , à l'image du recouvrement de l'impôt, de la gestion des traitements et pensions des agents de la fonction publique ou encore des achats de l'État. En particulier, le programme 218 porte des applications à forte composante interministérielle (ressources humaines, achats, gestion financière et comptable avec Chorus).

Le budget informatique de la mission a connu une forte progression en 2019, où il s'est élevé à 411,9 millions d'euros, un montant record . Le programme 156 a bénéficié d'un peu moins de la moitié de ce budget (198,9 millions d'euros), ses dépenses informatiques retrouvant un niveau légèrement inférieur à celui constaté lors du point haut de 2014 (208 millions d'euros).

Budget informatique des programmes de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines » en 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

S'ajoutent à ces crédits informatiques ceux auxquels sont éligibles les administrations de la mission au titre du « Fonds pour la transformation de l'action publique », porté par la mission « Action et transformation publique » (cf. infra ). La DGFiP a ainsi pu bénéficier, au cours de ces deux dernières années, de 70 millions d'euros de crédits supplémentaires pour développer certains de ses projets informatiques , tels que le recours au datamining et à l'intelligence artificielle pour optimiser le ciblage des contrôles fiscaux, la mise en place d'un système sécurisé de partage des données (le « lac » de données) ou encore l'exploitation des prises de vues aériennes pour fiabiliser les bases de fiscalité directe locale et prévenir la fraude.

Toutefois les rapporteurs spéciaux relèvent que, cette année encore, les dépenses d'investissement, dont une partie est consacrée aux projets informatiques de la mission, sont bien inférieures à la prévision (- 33,5 %) et en baisse par rapport à l'année 2018 (- 17 %) . Une partie seulement de cette sous-exécution s'explique par la labellisation de certaines de ces dépenses en dépenses de fonctionnement.

Les rapporteurs spéciaux ont à plusieurs reprises regretté que, du fait du très grand nombre d'applications informatiques gérées par les administrations de la mission, et en particulier la DGFiP (plus de 700), et de leur obsolescence, la majorité du budget informatique est alloué à de la maintenance plus qu'à des investissements . À cela s'ajoutent les difficultés de recrutement de la DGFiP et de la DGDDI dans le domaine informatique. Ils notent cependant avec satisfaction que la mise en oeuvre du projet « ETNA » (Environnement de travail numérique de l'agent) se poursuit de manière dynamique , avec un taux d'équipement en matériels nomades de plus en plus élevé, les ministères économiques et financiers connaissant un certain retard dans ce domaine par rapport à d'autres ministères.

4. Les grandes transformations que doivent entreprendre la DGFiP et la DGDDI ne se retrouvent pas immédiatement dans l'exécution des crédits en 2019

Comme les rapporteurs spéciaux l'avaient souligné lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2019 188 ( * ) , les grandes administrations à réseaux de la mission ont amorcé de profondes transformations : dématérialisation des procédures, mise en oeuvre du prélèvement à la source, engagement dans les maisons France Services, modification des outils du contrôle fiscal, réorganisation des implantations territoriales, « démétropolisation » de certains services, transfert du recouvrement de certaines taxes de la Douane à la DGFiP. Toutefois, ces transformations ne trouvent pas leur traduction immédiate dans l'évolution des crédits et des emplois de la mission.

À titre d'exemple, les rapporteurs spéciaux relèvent que, dans les éléments d'explication qui accompagnent la fixation du schéma d'emplois de la DGFiP et de la DGDDI, aucun ne parvient à précisément documenter l'impact de ces transformations sur son évolution . S'il semble effectivement difficile d'isoler l'effet d'une seule réforme (par exemple la suppression de la taxe d'habitation ou la mise en oeuvre du nouveau réseau de proximité), davantage d'informations pourraient à tout le moins être transmises sur leur effet escompté en matière d'emplois. Il n'y a, pour le moment, aucune estimation de l'impact de la mise en oeuvre du prélèvement à la source sur le schéma d'emploi de la DGFiP, entre la simplification d'anciennes tâches (relance, encaissement des acomptes, gestion de la mensualisation) et l'apparition de nouvelles (contrôle des obligations déclaratives des collecteurs, assistance des contribuables, remboursement du solde des crédits d'impôt). De même, la définition du schéma d'emploi de la Douane ne précise pas quels sont les effets de la progression de la dématérialisation des procédures douanières.

Il est également inquiétant de constater le retard que semble prendre la Douane sur l'accomplissement de certains de ses projets informatiques et immobiliers, ses dépenses d'investissement ayant été fortement sous-exécutées (- 41,5 %), alors même qu'elles avaient déjà été minorées en loi de finances initiale, pour tenir compte d'une sous-consommation similaire en 2018.

Par ailleurs, depuis plusieurs années, la DGFiP et la DGDDI tentent d'accroître leurs efforts de coordination , par exemple par le biais de projets visant à accroître le partage d'informations entre ces deux administrations et l'efficacité de leurs missions. À cet égard, d'importantes marges de progrès subsistent, par exemple sur le partage des bases fiscales assurant le suivi des créances dues par les redevables . Ce suivi permet notamment d'identifier les contribuables insolvables, et de déprécier en conséquence les créances fiscales que l'État détient à leur encontre. L'une des réserves émises par la Cour des comptes dans l'exercice 2019 de la certification des comptes de l'État 189 ( * ) concerne en effet l'évaluation des charges et produits régaliens.

Si l'exécution budgétaire en 2019 ne reflète qu'assez peu les grandes transformations amorcées par les deux grandes directions à réseaux que sont la DGFiP et la DGDDI, il devrait en être différemment de l'année 2020 , qui devrait être marquée par les premiers transferts du recouvrement de taxes de la Douane vers la DGFiP, par la mise en oeuvre, dans les premiers départements signataires, du nouveau réseau de proximité, par la « démétropolisation » de certains services d'Ile-de-France vers des villes moyennes 190 ( * ) ... . Les rapporteurs spéciaux seront particulièrement vigilants sur la mise en oeuvre de ces transformations, enjeux de ces prochaines années, et sur l'impact de la crise liée au covid-19 sur les progrès réalisés.

En 2019, dernière année de la mise en oeuvre du plan « adaptation des structures du réseau » de la DGFiP, 134 services infra-départementaux ont été fermés, à la suite de fusions . Ce niveau est bien inférieur à celui constaté lors des trois premières années du processus de réorganisation territoriale enclenché en 2016 (198, 179 et 188 en 2016, 2017 et 2018) et s'explique par le changement d'approche amorcé par le ministre de l'action et des comptes publics, autour du nouveau réseau de proximité 191 ( * ) . Cette réorientation de la stratégie de réorganisation territoriale s'explique par les critiques récurrentes adressées à l'ancien processus, qui manquait d'un pilotage pluriannuel fiable et de concertations avec les collectivités territoriales.

Ces transformations ne doivent pas se faire au détriment des contribuables et doivent s'accompagner d'une capacité équivalente à répondre à leurs sollicitations . L'indicateur « Qualité de service Marianne » est cependant en retrait cette année, du fait d'un allongement du délai de traitements des courriels, courriers et appels téléphoniques. Or, 2020 est la première année de mise en oeuvre intégrale du prélèvement à la source et pourrait susciter davantage de sollicitations de la part des contribuables dans un contexte qui plus est particulier, de nombreuses services d'impôt aux particuliers ayant réduit leur capacité d'accueil du public du fait de la crise sanitaire. La capacité de la DGFiP à absorber ce flux de sollicitations devra être évaluée l'an prochain, au regard de cette première dégradation observée en 2019.

5. Les réformes entreprises par les opérateurs de la mission se traduisent par une baisse de leurs dépenses

La mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » compte deux opérateurs, dont les subventions pour charge de service public sont portées par le programme 148 « Fonction publique » : les cinq instituts régionaux d'administration (IRA) et l'École nationale d'administration (ENA). Le total des crédits alloués à ces opérateurs par l'État 192 ( * ) est en légère hausse mais il devrait connaître une diminution plus marquée en 2020, quand les réformes entreprises en matière de durée de la scolarité prendront leur plein effet 193 ( * ) .

Exécution des crédits alloués par le programme 148 aux opérateurs de la mission
« Gestion des finances publiques et des ressources humaines » en 2019

(en millions d'euros)

Opérateurs

Exécution
2018

LFI 2019

Exécution
2019

Exécution 2019/ 2019/
exécution 2018

Exécution 2019/ 2019/
LFI 2019

ENA

AE = CP

31,07

30,17

30,58

- 1,57 %

1,35 %

IRA

AE = CP

44,88

44,01

44,85

- 0,06 %

1,90 %

Total

AE = CP

75,95

74,19

75,43

- 0,68 %

1,68 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le compte financier de l'ENA pour l'année 2019 laisse apparaître un fort excédent (2,1 millions d'euros), après une réduction du déficit en 2018 (339 000 euros, contre 2,842 millions d'euros en 2017). L'école se retrouve ainsi en situation d'excédent pour la première fois depuis huit ans. Les ressources propres ont toutefois légèrement augmenté (+ 171 000 euros), tandis que les dépenses de personnel et de fonctionnement ont diminué.

De manière générale, le coût de formation par élève a nettement diminué en 2019 pour l'ENA (82 494 euros contre 84 104 euros en 2018), même si ce coût demeure légèrement supérieur à celui constaté en 2017 (81 571 euros). L'augmentation du coût de formation par élève pour les IRA (62 921 euros en 2019 contre 59 920 euros en 2018) est temporaire et s'explique par le fait que l'année 2019 soit une année de transition. La pleine mise en oeuvre des réformes de la scolarité devrait permettre de poursuivre la réduction des coûts de formation.

6. Le travail de rationalisation sur les indicateurs de performance se poursuit

Il est satisfaisant de voir que, sur la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », les indicateurs de performance évoluent avec les priorités et les grands chantiers des administrations concernées, à l'image par exemple du prélèvement à la source ou de la mise en oeuvre de la loi pour un État au service d'une société de confiance 194 ( * ) . D'autres pourraient s'y ajouter pour apprécier l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale, par exemple l'apport du service d'enquêtes judiciaires des finances, placé sous la cotutelle de la DGFiP et de la DGDDI. Il est toutefois encore trop tôt pour tirer un premier bilan du fonctionnement de ce service, créé le 1 er juillet 2019.

Depuis 2015, la Cour des comptes recommande d'harmoniser les trois indicateurs portant sur la fiscalité des entreprises des programmes 156 (DGFiP) et 302 (DGDDI), ainsi que sur le contrôle des fraudes fiscales graves , un objectif encouragé par les rapporteurs spéciaux , ce rapprochement pouvant faciliter les comparaisons dans la manière dont ces administrations accomplissent leurs missions. Ces indicateurs sont d'autant plus pertinents que, depuis l'instauration de la mission « France recouvrement » de M. Alexandre Gardette, une réflexion a été engagée sur le rôle et les missions de la Douane . Les deux administrations ont indiqué que cette harmonisation pourrait être étendue à de nouveaux indicateurs, comme celui relatif au taux de réponse dans les délais règlementaires aux rescrits.

Enfin, les rapporteurs spéciaux relèvent que, sur près de 25 % des indicateurs de performance de la mission, aucune amélioration n'a été constatée cette année. En particulier, ils réitèrent leurs inquiétudes sur le taux de paiement des amendes, en chute libre (59,26 %, contre 71,65 % en 2018 et 76,03 % en 2017), une tendance dont ils s'étaient déjà alarmés 195 ( * ) . De même, les indicateurs relatifs au contrôle fiscal stagnent , à l'image du taux net de recouvrement en droits et en pénalités, autour de 68 %. Le taux d'abandon contentieux des rappels suite à un contrôle fiscal externe continue quant à lui d'être supérieur aux objectifs, puisqu'il s'établit à 29-30 % depuis deux ans, contre un objectif de 14 %.

Alors que la réalisation des projets d'investissement (informatique, immobilier, équipement) devrait être bouleversée en 2020, du fait de la crise sanitaire et de ses conséquences sur le fonctionnement des administrations de la mission, les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'insister sur la nécessité pour ces administrations de poursuivre leur transformation et leur modernisation . Lors de son audition devant la commission des finances 196 ( * ) , Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques, avait reconnu que l'obsolescence de certaines applications informatiques avait empêché certaines activités de se poursuivre à distance lors des mesures de confinement visant à répondre à la crise sanitaire.

II. MISSION « CRÉDITS NON RÉPARTIS »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

1. Une dotation maintenue sur les deux programmes

Pour la première fois depuis 2016, le programme 551 « Provision relative aux rémunérations publiques » a fait l'objet d'une dotation pour 2019. Il faut néanmoins rappeler qu'une partie de cette dotation avait déjà été répartie avant la promulgation de loi de finances pour 2019, réduisant le montant des crédits ouverts à 52,75 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et en autorisations d'engagement (AE) .

Le programme 552 « Dépenses accidentelles et imprévisibles » avait été doté d'un montant identique à celui de 2018 , 124 millions d'euros en CP et 424 millions d'euros en AE, portant ainsi le montant total des « Crédits non répartis » à 476,5 millions d'euros en AE et à 176,5 millions d'euros en CP pour 2019 .

S'élevant à 76 %, le taux d'exécution des crédits de la mission est plus faible qu'en 2018 (92 %), du fait d'un moindre recours à la dotation du programme 552 en 2019.

Consommation des crédits pendant l'exercice 2019

(en % et en millions d'euros)

Programmes

Crédits exécutés en 2018

Crédits ouverts en LFI 2019

Crédits répartis en gestion 2019

Crédits annulés en 2019

Taux d'exécution en 2019 / LFI 2019

[ 551 ] Provision relative aux rémunérations publiques

AE

0

52,75

26,03

24,72

96,21 %

CP

0

52,75

26,03

24,72

96,21 %

[ 552 ] Dépenses accidentelles et imprévisibles

AE

113,35

424

83,64

0

19,73 %

CP

113,35

124

83,64

0

67,45 %

Total

AE

113,35

476,75

109,67

24,72

28,19 %

CP

113,35

176,75

109,67

24,72

76,03 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Trois mesures réglementaires de répartition intervenues en gestion 2019

Trois actes réglementaires ont procédé à une répartition partielle des crédits des deux programmes en fin d'année 2019 .

Deux décrets ont ainsi réparti les deux tiers du programme 552 « Dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ».

Mouvements réglementaires de répartition des crédits en 2019

(en millions d'euros et en AE=CP)

Référence de la mesure réglementaire

Programme de destination

Annulation de crédits sur le programme 552

Ouverture de crédits

Décret du 2 septembre 2019, non publié

Programme 129 - « Coordination du travail gouvernemental »

- 13,64

+ 13,64

Décret n° 2019-1165 du 12 novembre 2019

Programme 174 - « Énergie, climat et après-mines »

- 70

+ 70

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le décret du 2 septembre 2019 ayant ouvert des crédits sur le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » n'a pas été publié en raison de la destination de ces crédits, fléchés vers les « fonds spéciaux ».

Si cette absence de publication demeure contraire à l'article 56 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), elle est justifiée, comme les autres années, en raison de la sensibilité et la confidentialité des opérations financées par ces mouvements en gestion .

Le décret n° 2019-1165 du 12 novembre 2019 a en revanche bien été publié au Journal officiel . Il est par ailleurs satisfaisant que le projet de ce décret de répartition ait été transmis cinq jours avant sa publication au Président de la commission des finances du Sénat . Une telle démarche assure un respect minimal de l'information préalable du Parlement.

De même que le rapporteur général 197 ( * ) , les rapporteurs spéciaux souhaitent qu'elle soit poursuivie en 2020 alors que plusieurs décrets de répartition des crédits du programme 552 « Dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles » sont attendus , la deuxième LFR pour 2020 ayant abondé cette dotation de 1,62 milliard d'euros, ce qui constitue un montant de crédits très substantiel dont la destination ne peut échapper à la vigilance du Parlement.

Un arrêté publié le 6 novembre 2019 a par ailleurs réparti les crédits destinés à la revalorisation du barème de monétisation des jours épargnés sur un CET, imputés sur le programme 551, pour un montant total de 26,03 millions d'euros . Près de trois quart de ces crédits ont été affectés aux missions « Sécurités » (10,9 millions d'euros), « Justice » (4,2 millions d'euros) et « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » (3,8 millions d'euros).

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une consommation quasi-intégrale des crédits de paiement du programme 551

Sur les 52,75 millions d'euros inscrits sur programme 551, 43,75 millions d'euros étaient destinés à financer la revalorisation du barème de monétisation des jours épargnés sur un CET pour la fonction publique et la magistrature. Les 9 millions d'euros restant correspondaient à une mesure de transfert couvrant l'introduction du forfait de mobilité durable dans la fonction publique.

Le maintien de cette provision, d'un total de 52,75 millions d'euros , avait suscité l'étonnement des rapporteurs spéciaux, puisqu'en principe, l'ouverture de crédits sur le programme 551 anticipe les mesures décidées à l'occasion de négociations salariales de la fonction publique de fin d'année, comme c'était le cas pour la LFI 2018. Or ces mesures avaient été adoptées lors de négociations achevées deux mois et demi avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2019.

L'arrêté de répartition des crédits pour le financement revalorisation du barème de monétisation des jours épargnés sur un CET a finalement été pris le 29 octobre 2019 . Cette publication tardive s'explique par le fait que la répartition a été calculée « sur la base des versements effectifs constatés de janvier à septembre, et des prévisions d'exécutions des mois d'octobre à décembre 2019 » d'après la Cour des comptes 198 ( * ) .

Le montant total de cette répartition était inférieur de 40 % à la prévision. La LFR pour 2019 a ainsi procédé une annulation de 24,72 millions d'euros, annulation qui inclut par ailleurs les 9 millions d'euros pour le forfait de mobilité durable . Prévue à l'article 26 du projet de loi d'orientation des mobilités, cette mesure a été différée, la loi ayant été finalement promulguée le 26 décembre 2019.

Comme l'ont relevé les rapporteurs spéciaux lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 , une nouvelle ouverture de crédits sur programme 551 a ainsi été réalisée pour tenir compte du report de cette dernière mesure , mais, cette fois-ci, avec un montant proche de 20 millions d'euros 199 ( * ) .

2. Une utilisation du programme 552 conforme au critère de dernier recours, mais ayant couvert une sous-budgétisation
a) Un abondement récurrent des « fonds spéciaux »

Comme chaque année depuis 2008, une partie de la dotation inscrite sur le programme 552 a permis de majorer les crédits disponibles de la sous-action « Fonds spéciaux » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Un décret pris début septembre a ainsi abondé de 13,64 millions d'euros les fonds spéciaux, soit un montant proche de celui de la moyenne des dernières exécutions.

Si ce recours fréquent aux crédits non répartis se justifie compte tenu de l'imprévisibilité inhérente aux opérations financées par les fonds spéciaux , il a suscité par le passé la circonspection des rapporteurs spéciaux, compte tenu de l'absence d'emploi préalable des mesures de gestion de droit commun (dégel, transfert etc.). La dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles doit en effet faire l'objet d' « un dernier recours quand tous les autres dispositifs permettant de faire face à des dépenses accidentelles ou imprévisibles ont été mobilisés », conformément au principe d'auto-assurance .

Cette année, la Cour des comptes relève que ce critère de dernier recours a bien été respecté , le décret de répartition du 2 septembre 2019 ayant été pris après un décret n° 2019-844 du 19 août 2019 pour le transfert de 4,8 millions d'euros à partir du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » 200 ( * ) .

b) Une contribution au financement de la prime à la conversion, qui compense une sous-budgétisation

Un décret n° 2019-1165 du 12 novembre a réparti 70 millions d'euros en AE et CP de la dotation « Dépenses accidentelles et imprévisibles » au bénéfice du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », afin de contribuer au financement de la prime à la conversion en 2019.

Le rapport relatif au décret n° 2019-1165 précité précise que la « prévision d'exécution annuelle excédait désormais les crédits ouverts en loi de finances puis en gestion en cours d'année » , du fait d'un succès inattendu de ce dispositif, « avec plus de 250 000 dossiers éligibles déposés la première année, contre un objectif initial de 100 000 primes par an ». À cela s'est ajoutée une augmentation du nombre de demandes « à la suite de l'annonce d'une évolution des critères d'attribution de la prime » .

Le recours au programme 552 s'est effectué après mise en oeuvre des techniques de gestion possibles et a dû se faire avant l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2019, afin de satisfaire les demandes de primes validées.

Mouvements de gestion relatifs à l'enveloppe affectée
à la prime de conversion

(en millions d'euros)

Crédits votés en LFI 2019

596

Report de crédits de 2018 vers 2019

8,9

Dégel

19,5

Redéploiements internes au programme 174

32

Transfert à partir du programme 345

19,9

Recours au programme 552

70

Ouverture de crédits en LFR 2019

77,2

Crédits exécutés

823,5

Source : commission des finances (d'après la Cour des comptes, note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission « Écologie, mobilités et développement durables » en 2019)

Si le respect du critère de dernier recours doit là encore être salué, les rapporteurs spéciaux observent à l'instar de la Cour des comptes que ce recours n'en a pas moins permis de couvrir une sous-budgétisation manifeste du programme 174 . En effet, le montant initial des crédits ouverts, s'élevant à 596 millions d'euros, était très inférieur aux besoins estimés par la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), à 739 millions d'euros . Le respect de cette prévision, ajouté aux mouvements de régulation qui ont financé à hauteur de 80,3 millions d'euros le surcoût constaté, aurait donc permis d'éviter une utilisation des crédits non répartis.

Dès lors, les rapporteurs spéciaux considèrent qu'une telle utilisation est contraire à l'objet de la dotation du programme 552, qui, par définition, ne doit en aucun cas financer des dépenses prévisibles et partant, permettre de combler les insuffisances de la programmation budgétaire initiale.

Il faut rappeler qu'un détournement des règles d'utilisation du programme 552 a déjà été observé en gestion 2018 , la dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles ayant compensé la sous-budgétisation des missions « Action extérieure de l'État » et « Engagements financiers de l'État » d'un montant respectif de 4,5 millions d'euros et de 100 millions d'euros.

Une telle pratique est insatisfaisante du point de vue du respect de l'autorisation parlementaire , puisque, contrairement aux mesures prises dans le cadre d'un décret d'avance ou d'une LFR, la prise d'un décret pour dépenses accidentelles et imprévisibles n'est pas soumise à l'approbation préalable du Parlement.

Aussi est-il regrettable que, pour la seconde année consécutive, le programme 552 tende à devenir le pis-aller de l'engagement du Gouvernement de ne plus avoir recours aux décrets d'avance et le raccourcissement du délai d'examen du PLFR de fin de gestion.

III. MISSION « ACTION ET TRANSFORMATION PUBLIQUES »

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019, DORÉNAVANT COMPOSÉE DE QUATRE PROGRAMMES, SE DISTINGUE PAR UNE TRÈS FORTE SOUS-CONSOMMATION DE CES CRÉDITS.

1. Deux nouveaux programmes ont été créés en 2019

La mission « Action et transformation publiques », créée par la loi de finances pour 2018, constitue le bras financier du comité Action publique 2022 . La totalité de ses crédits contribue au grand plan d'investissement (GPI), à travers deux de ses objectifs : accélérer la transition écologique et construire l'État de l'âge numérique.

La mission se compose de quatre programmes au contenu et objectifs variés , fonctionnant tous sur le principe d'appels à projets . Les deux premiers sont contraints par une enveloppe pluriannuelle, les deux derniers ont été ajoutés en loi de finances pour 2019 :

- le programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » finance des opérations de restructuration immobilières, d'acquisition ou de construction de bâtiments nouveaux et des travaux lourds. Doté d'un milliard d'euros sur cinq ans, il doit répondre à trois objectifs : améliorer la performance énergétique de ce parc immobilier ; améliorer l'accueil des usagers et notamment l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ; améliorer les conditions de travail des agents. La direction de l'immobilier de l'État (DIE) est responsable de ce programme. 39 projets, sur 52 candidatures, ont été retenus et sont éligibles aux crédits de ce programme ;

- l e programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » (FTAP) doit financer des projets de transformation de l'État et de ses opérateurs. Doté de 700 millions d'euros sur cinq ans, il répond également à trois objectifs : réaliser des économies (un euro investi devra conduire à un euro d'économie pérenne au bout de trois ans) ; améliorer la qualité du service public ; améliorer les conditions de travail des agents. La direction du budget est responsable de ce programme. En 2019, 32 projets portés par des administrations centrales et déconcentrées ont été sélectionnés, ils s'ajoutent aux 30 lauréats de 2018 ;

- le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel Ressources humaines » cofinance la mise en oeuvre de réformes structurelles ayant un fort impact sur les agents publics (par exemple le recours à des mobilités géographique et fonctionnelle). Ce programme, géré par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), a cofinancé six projets de transformation en 2019, au niveau central comme déconcentré ;

- le programme 352 « Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État » soutient les start-up d'État, en leur apportant à la fois un soutien financier et humain, mais également des services de soutien et de support. 32 produits ont été lancés avec le support du fonds en 2019, huit ont été abandonnés. La direction interministérielle du numérique (Dinum), responsable du programme, a lancé en parallèle deux appels à projets portant sur l'accélération des services publics numériques.

2. Une exécution largement inférieure à la prévision

Pour son second exercice, comme pour son premier, la mission « Action et transformation publiques » présente une exécution bien en-deçà des prévisions de la loi de finances initiale . La très forte augmentation, en valeur relative, des crédits consommés entre 2018 et 2019 masque donc la persistance d'une sous-consommation inquiétante, à hauteur de 86,18 % pour les autorisations d'engagement (contre - 88,29 % en 2018) et de 82,23 % pour les crédits de paiement (contre - 90,78 % en 2018).

Exécution par programme des crédits de la mission
« Action et transformation publiques » en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

[ 348] Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants

AE

5,62

900,00

93,46

1562,72 %

- 89,62 %

CP

1,84

100,00

11,89

544,85 %

- 88,11 %

[ 349 ] Fonds pour la transformation de l'action publique

AE

20,15

245,00

65,33

224,29 %

- 73,33 %

CP

0,00

160,00

37,60

- 76,50 %

[ 351 ] Fonds d'accompagnement interministériel Ressources humaines

AE

50,00

0,00

- 100,00 %

CP

50,00

0,00

- 100,00 %

[ 352 ] Fonds pour l'accélération du financement des start-up d'État

AE

7,20

7,36

2,17 %

CP

2,10

5,97

184,35 %

TOTAL MISSION

AE

25,77

1202,20

166,15

544,81 %

- 86,18 %

CP

1,84

312,10

55,46

2906,95 %

- 82,23 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Un seul programme se distingue, le programme 352, dédié à l'accompagnement des start-up d'État. L'important dépassement des crédits de paiement par ce fonds, masqué par une sous-consommation d'ensemble, aurait pu être corrigé, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel ayant émis un avis défavorable sur la soutenabilité du programme .

Exécution par titre de dépenses des crédits de la mission
« Action et transformation publiques » en 2019

(en millions d'euros)

Titre

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / exécution 2018

Exécution 2019/LFI 2019

Titre 2 - Dépenses de personnel

AE

0,00

45,00

0,00

- 100,00 %

CP

0,00

45,00

0,00

- 100,00 %

Titre 3 - Dépenses de fonctionnement

AE

2,88

119,90

44,78

1453,45 %

- 62,65 %

CP

1,08

42,30

20,83

1829,07 %

- 50,75 %

Titre 5 - Dépenses d'investissement

AE

2,88

969,30

83,20

2784,36 %

- 91,42 %

CP

0,76

171,80

8,05

952,71 %

- 95,32 %

Titre 6 - Dépenses d'intervention

AE

20,00

68,00

24,12

20,58 %

- 64,54 %

CP

0,00

53,00

21,46

- 59,52 %

Titre 7 - Dépenses d'opérations financières

AE

0,00

0,00

14,06

CP

0,00

0,00

5,13

TOTAL MISSION

AE

25,77

1202,20

166,15

544,81 %

- 86,18 %

CP

1,84

312,10

55,46

2906,95 %

- 82,23 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Du fait de la particularité du fonctionnement du fonds porté par le programme 351 (cf. infra ), ainsi que des larges sous-exécutions constatées cette année, il y a eu d'importants mouvements de crédits au cours de l'exercice 2019 . Ainsi, plus de deux tiers des crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale ont dû être annulés et seuls 17,8 % ont effectivement été consommés (13,8 % pour les autorisations d'engagement).

Mouvements de crédits intervenus en gestion
au cours de l'exercice 2019

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La sous-exécution des crédits de la mission en 2019 s'explique par des retards accumulés dans la mise en oeuvre des premiers projets sélectionnés

Pour son second exercice, la mission « Action et transformation publiques » présente, à nouveau, une exécution bien en-deçà des prévisions inscrites en loi de finances initiale. En 2018, cette sous-exécution, d'ampleur similaire, pouvait se justifier : elle traduisait la démarche essentiellement programmatique de la mission pour sa première année de mise en oeuvre (définition des procédures de sélection des projets, travaux d'audits et d'évaluation pour les cités administratives...). En 2019, c'est plutôt l'optimisme du Gouvernement, qui l'a conduit à surestimer la rapidité de mise en oeuvre des projets sélectionnés, qui doit être mis en cause . Cette ambition ne pouvait qu'être déçue, en particulier pour le fonds dédié à l'accompagnement des ressources humaines, seulement mis en place en octobre 2018. Ces surbudgétisations, ajoutées au décalage entre les besoins anticipés et réels des porteurs de projet, expliquent cette sous-exécution.

La signature des « contrats de transformation » avec les lauréats, contrats qui doivent s'accorder sur les modalités des projets et le besoin de financement du projet, sur les économies attendues et sur sa mise en oeuvre, est plus longue qu'anticipée, certains projets nécessitant de nombreuses itérations entre les lauréats et l'administration 201 ( * ) .

Certes, les crédits alloués à la mission « Action et transformation publiques » ont été multipliés par 15 entre 2018 et 2019 : cette forte progression, qui visait à traduire la volonté du Gouvernement d'une montée en charge rapide sur cette mission, s'est traduite par une exécution extrêmement décevante, qui explique que la consommation des crédits soit bien inférieure au plafond inscrit dans la LPFP 2018-2022 202 ( * ) .

Plafond des crédits de paiement inscrits dans la LPFP 2018-2022
et exécution 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

2. Comme le craignaient les rapporteurs spéciaux lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2019, la montée en charge de l'ensemble des programmes s'est révélée décevante

La mission « Action et transformation publique » présente la plus forte sous-exécution des dépenses d'investissement de l'ensemble des missions du budget général (- 95 %, contre - 50 % pour la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ou - 33 % pour la mission « Justice »).

À l'instar de la Cour des comptes, qui a consacré à l'exécution des crédits de la mission un développement particulier dans le cadre de son rapport sur la certification des comptes de l'État en 2019, les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la concrétisation de la montée en charge tant attendue des crédits de la mission . Celle-ci demeure très incertaine et le manque de progrès observables dans la mise en oeuvre de ces programmes, alors que la mission a atteint la moitié de sa « durée de vie » anticipée, a conduit les rapporteurs spéciaux à vouloir tirer, par le biais d'un contrôle budgétaire, un premier bilan de cette mission.

La mise en oeuvre, bien plus lente qu'anticipée, des programmes de la mission suscite en effet deux interrogations :

1. L'extinction de la mission en 2022 est-elle toujours un objectif réaliste ? Ne peut-on pas s'attendre, au regard de ses conditions d'exécution, à une prolongation de la mission et de ses programmes ? La Cour des comptes estime que le retard accumulé sur la rénovation des cités administratives et sur le financement des projets sélectionnés par le Fonds pour la transformation de l'action publique devra conduire à allouer une partie des crédits de paiement en 2023 et les années suivantes 203 ( * ) . Certains retards auraient pu être mieux anticipés, par exemple sur la sélection des cités administratives éligibles au programme 348 : ce sont des projets complexes, qui ont nécessité la réalisation d'études et d'audits et une vérification stricte des critères d'éligibilité. En 2019, seul un quart des projets lauréats, soit 10 sur 39, ont été définitivement validés. Or, la validation est une étape cruciale : elle intervient après accord sur les performances attendues de la réalisation du projet et sur son coût ;

2. Quel sera l'impact de ce retard sur la mise en oeuvre des économies attendues dans le cadre du plan de transformation de l'action publique ? La mission « Action et transformation publiques » avait pour premier objectif de conduire à la réalisation d'économies pérennes sur la dépense publique : les retards accumulés dans la mise en oeuvre de ces projets ne peuvent que conduire à repousser l'horizon de ces économies, seule justification à la création de cette mission, destinée à afficher les crédits consacrés par le Gouvernement à la transformation publique et aux réformes structurelles de l'État et de ses administrations. En outre, comme les rapporteurs spéciaux avaient déjà pu s'en inquiéter, le seuil des économies attendues a été abaissé : si le projet ne permet pas de réaliser un euro d'économie pérenne trois ans après l'investissement d'un euro, cela ne conduit plus automatiquement à disqualifier le projet de l'éligibilité au fonds pour la transformation de l'action publique (FATP).

3. Cette exécution décevante, pour la seconde année consécutive, nourrit les doutes quant à l'efficacité de ces programmes pour encourager à la transformation de l'action publique

Lors de l'examen des lois de finances initiales pour 2019 et 2020 204 ( * ) , les rapporteurs spéciaux s'étaient montrés plutôt réservés quant à l'apport réel des deux nouveaux fonds de la mission pour la transformation de l'action publique . Leur fonctionnement interroge :

- l'exercice du programme 351, dédié au fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines, est fortement contraint par les principes de la gestion publique . En effet, 80 % de ses crédits relèvent du titre 2 « dépenses de personnel », alors même que le programme ne porte aucun emploi. Pour cofinancer les projets sélectionnés, il doit donc procéder par décret de virement, à destination du programme porteur du projet, mais dans la limite d'un plafond maximal correspondant à 2 % des crédits ouverts sur le titre 2 sur le programme récipiendaire du transfert. La DGFiP (programme 156) a rapidement dépassé ce plafond et la direction du budget a dû se livrer à une contorsion budgétaire surprenante : lever une partie de la réserve de précaution du programme 156 à hauteur du montant alloué par le programme 351 aux projets de la DGFiP et annuler à due proportion les crédits du programme 351, en loi de finances rectificative pour 2019. Les rapporteurs spéciaux estiment qu' il aurait sans doute été plus simple, et plus lisible, d'octroyer les crédits du programme 351 directement au programme 148 « Fonction publique », à vocation interministérielle , et géré par la direction générale de l'administration et de la fonction publique, également responsable du fonds d'accompagnement des ressources humaines ;

- le programme 352, créé à l'initiative de l'Assemblée nationale, ne regroupe en réalité qu' une très petite partie des crédits budgétaires alloués au soutien des start-up d'État et du développement des services numériques au niveau ministériel et déconcentré . Le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » porte en effet l'essentiel des crédits visant à soutenir la modernisation de l'État et, partant, ses services numériques. À l'image de la mission « Action et transformation publique » et de l'ensemble de ces programmes, l'imputation de ces crédits sur un programme spécifique répond davantage à une volonté d'affichage qu'à un réel besoin de gestion .

L'appréciation de l'efficacité de ces fonds doit également tenir compte de la diversité des projets retenus , en particulier pour les trois fonds de la mission. Si davantage de projets relevant des administrations déconcentrées ont été sélectionnés en 2019, une majorité des projets retenus provient du ministère de l'action et des comptes publics . Par exemple, sur les 63 premiers lauréats du FATP (programme 349) en 2018 et 2019, près de la moitié sont portés par les ministères de l'action et des comptes publics (16) et de l'intérieur (12). Certains ministères sont peu représentés (armées, affaires étrangères, travail), le sport n'étant pas du tout présent.

4. Les indicateurs de performance ne permettent toujours pas d'évaluer correctement l'efficacité des projets sélectionnés, ni les progrès réalisés dans leur mise en oeuvre

Les rapporteurs spéciaux regrettent à nouveau que les indicateurs de la mission ne leur donnent pas de réelles informations sur l'état d'avancement des projets et qu'ils ne soient pas adaptés au caractère temporaire de la mission . Les indicateurs choisis sont pour la plupart des indicateurs de résultats ou portent sur la sélectivité des fonds. Aucun d'entre eux ne permet d'assurer un suivi dans le temps. En effet, la sélectivité peut diminuer au fur et à mesure des appels à projets, sans pour autant que cela ne s'explique par une moindre qualité des projets ou une moindre attractivité du fonds (par exemple, les projets peuvent être mieux préparés en amont, les candidats ayant pu observer le déroulement des premiers appels à projets).

L'évaluation des économies d'énergie attendues du fait de la rénovation des cités administratives ne sera pertinente qu'en fin de mission , pour évaluer la performance de ces bâtiments et l'exactitude des informations transmises lors de l'appel à projet. Cette économie est en outre appréciée à travers un indicateur synthétique, qui pourrait masquer de profondes divergences entre les cités administratives . Les données sous-jacentes devront donc être transmises à l'expiration du programme, afin de pouvoir porter une attention plus fine aux résultats obtenus. Il en va de même pour le retour sur investissement attendu des projets financés par le FTAP. La direction du budget indique d'elle-même que la cible anticipée sur la base des contrats signés en 2019, positive (1,3) ne pourra être réellement appréciée qu'une fois ces projets mis en place : les chiffres renseignés ne sont aujourd'hui que des indicateurs, basés sur les données transmises par les porteurs de projet.

IV. COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT »

A. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU CAS EN 2019 EST MARQUÉE PAR DES PRODUITS DE CESSION EXCEPTIONNELS

1. Instrument de la politique immobilière de l'État, le compte d'affectation spéciale ne porte qu'une partie minoritaire des crédits dédiés à l'immobilier de l'État

Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » finance les opérations immobilières dites structurantes : acquisition, restructuration, construction, entretien lourd des bâtiments. Il vise à mutualiser les recettes issues des produits de cession et des redevances domaniales afin de financer ces opérations, au profit de l'ensemble des ministères.

Son périmètre et sa structure ont été régulièrement modifiés , en 2016, avec l'ajout en recettes des redevances domaniales, mais aussi en 2018, avec la fusion des programmes 723 et 724. Le CAS, sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), se compose ainsi de deux programmes :

- le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » regroupe les anciens programmes 723 et 724, qui portaient respectivement les opérations immobilières des administrations centrales et des administrations déconcentrées ;

- le programme 721 « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » n'est pas doté en crédits en 2019. S'il ne semble plus avoir vocation à être abondé, il devrait être maintenu, l'existence d'un CAS étant conditionnée selon la LOLF 205 ( * ) à l'existence d'au moins deux programmes.

Le CAS concerne avant tout l'immobilier de bureaux de l'État . Le parc immobilier de l'État se compose en effet de trois catégories de biens : le parc immobilier à usage d'habitation et de bureaux, les autres bâtiments et le parc immobilier historique et culturel. Les bureaux représentent 71 % de la valeur vénale du parc immobilier à usage d'habitation et de bureaux.

Toutefois, les rapporteurs spéciaux relèvent, à nouveau, que le CAS ne joue qu'un rôle modeste dans la politique immobilière de l'État . Cette dernière est portée par plus de 70 programmes et les crédits alloués au CAS ne représentent qu'une petite partie des dépenses de l'État propriétaire. Or, déroger aux principes d'unité et d'universalité, ainsi qu'aux règles de présentation et de fonctionnement ordinaires des missions du budget général ne peut se justifier que pour assurer une meilleure lisibilité des politiques menées par l'État ou pour mettre en place des mécanismes d'engagement de la dépense incitatifs. Le fait que le CAS ne soit pas le vecteur majoritaire de la politique immobilière de l'État nuit à cette lisibilité et à ces incitations . La direction de l'immobilier de l'État, qui gère le compte d'affectation spéciale, a en outre perdu, avec la suppression des loyers budgétaires, l'un de ses instruments visant à inciter les ministères occupants à rationaliser leurs emprises (cf. infra ).

2. Les cessions exceptionnelles en 2019 effacent les déficits des années précédentes

Contrairement aux années 2017 et 2018, marquées par une baisse significative des recettes, l'année 2019 se distingue par des produits de cession exceptionnels, dont le montant a largement dépassé les prévisions, pourtant ambitieuses, inscrites en loi de finances initiale pour 2019 . Les recettes tirées des cessions ont plus que doublé entre 2018 et 2019, passant ainsi de 281,3 millions d'euros à 622 millions d'euros. La légère hausse constatée sur les redevances domaniales s'explique par le fait que, depuis le 1 er janvier 2019, les redevances et loyers du domaine géré par le ministère des armées doivent être reversés au CAS, alors que le ministère en était jusqu'alors dispensé.

Les dépenses, les recettes et le solde du compte d'affectation spéciale
« Gestion du patrimoine immobilier de l'État » en 2019

(en millions d'euros)

Exécution 2017

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2018 / exécution 2019

Exécution 2019 / LFI 2019

Recettes

Produit des cessions immobilières

347,49

281,3

320,0

622,0

121,08 %

94,37 %

Produit de redevances domaniales

86,26

89,2

90,0

107,1

20,10 %

18,97 %

Dépenses

AE

623,5

362,6

391,3

598,3

65,03 %

52,91%

CP

517,7

480,6

483,0

385,8

- 19,73 %

- 20,12 %

Équilibre

Solde annuel

-83,9

-110,1

-73,0

343,2

Solde cumulé

786,2

702,3

629,3

1045,5

48,87 %

66,15 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Du fait des règles budgétaires encadrant la gestion du compte d'affectation spéciale 206 ( * ) , l'exécution des autorisations d'engagement (AE) a été supérieure à la prévision, les AE dépendant en effet des recettes réalisées . La sur-exécution des AE s'explique notamment par une consommation importante du ministère des armées (139,8 millions d'euros), conformément aux objectifs fixés par la loi de programmation militaire pour les années 2019-2025 207 ( * ) , et du ministère de l'intérieur, en vue de l'acquisition de deux terrains à Saint-Ouen pour construire le futur site de la direction générale de la sécurité intérieure (113,7 millions d'euros). Ces engagements se traduiront par une consommation en crédits de paiement en 2020.

Toutefois, les crédits de paiement ont diminué entre 2018 et 2019. Cet effet ciseau entre les recettes/les AE et les CP s'explique par les règles de gestion du CAS, la charte de gestion voulant que le lancement de toute nouvelle opération immobilière soit conditionnée à l'encaissement de recettes de cession équivalentes . Les recettes issues des redevances domaniales sont quant à elles allouées aux dépenses d'entretien et visent à maintenir en bon état le parc immobilier.

Les recettes exceptionnelles enregistrées en 2019 ont permis au CAS de retrouver un solde cumulé largement excédentaire et inédit . Alors que des inquiétudes pouvaient légitimement être émises sur la soutenabilité du compte l'année dernière, après deux années d'importants déficits, ces préoccupations sont (temporairement) apaisées.

Le solde annuel et le solde cumulé du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » depuis 2008

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Une place toujours plus importante dédiée aux dépenses d'entretien lourd

Conformément à l'objectif fixé par la direction de l'immobilier de l'État (DIE), les dépenses d'entretien ont quasiment atteint la cible des 30 % en autorisations d'engagement. Ces dépenses, essentielles à la valorisation du patrimoine immobilier de l'État, ont représenté 44,26 % des crédits de compte d'affectation spéciale en 2019 . Cette évolution confirme l'observation des rapporteurs spéciaux lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2019 : les dépenses d'entretien prennent une place de plus en plus importante .

En particulier, les dépenses dites d'« entretien lourd » du propriétaire sont essentielles à la valorisation du parc immobilier de l'État . Elles recouvrent quatre actions : la mise en conformité des bâtiments, la remise en état des composants essentiels d'un bâtiment, le remplacement d'équipements obsolètes et la réalisation d'adaptations fonctionnelles.

Nature des dépenses immobilières en 2019

(en millions d'euros et en %)

Nature des dépenses immobilières

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

Part de la dépense dans le total des dépenses

Opérations structurantes et de cession

AE

213,32

229,29

419,56

96,68 %

82,98 %

70,12 %

CP

319,90

322,00

215,04

- 32,78 %

- 33,22 %

55,74 %

Entretien à la charge du propriétaire

Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

AE

80,39

95,00

107,82

34,13 %

13,49 %

18,02 %

CP

95,75

95,00

99,17

3,56 %

4,39 %

25,70 %

Maintenance à la charge du propriétaire

AE

46,95

44,00

47,92

2,07 %

8,90 %

8,01 %

CP

43,00

44,00

48,91

13,73 %

11,15 %

12,68 %

Contrôles règlementaires, audits, expertises et diagnostics

AE

21,89

23,00

23,02

5,12 %

0,07 %

3,85 %

CP

21,98

22,00

22,70

3,29 %

3,18 %

5,88 %

Total pour les dépenses d'entretien

AE

149,23

162,00

178,75

19,79 %

10,34 %

29,88 %

CP

160,73

161,00

170,77

6,25 %

6,07 %

44,26 %

Total

AE

362,55

391,29

598,31

65,03 %

52,91 %

100,00 %

CP

480,63

483,00

385,81

- 19,73 %

- 20,12 %

100,00 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En 2019, 33,5 % des crédits du CAS devaient contribuer au grand plan d'investissement (GPI), dans son objectif « accélérer la transition énergétique ». La contribution au GPI ne se traduit pas par l'ouverture de crédits supplémentaires mais plutôt par un étiquetage de crédits existants jugé plutôt opportuniste par les rapporteurs spéciaux, d'autant que le montant des crédits labellisés « GPI » s'appuie sur une enquête réalisée auprès des responsables de budget opérationnel de programme. Ces derniers sont en effet encouragés à tenir compte, dans leurs projets, de l'objectif « transition écologique » du GPI. Le résultat est toutefois en deçà de la prévision (25,3 %), illustrant bien la difficulté à tenir compte de cette dimension dans les objectifs de la politique immobilière de l'État .

2. Un contournement des règles de gestion du compte d'affectation spéciale et la faiblesse des incitations adressées aux ministères occupants

Les règles de bonne gestion du compte d'affectation spéciale veulent que l'engagement d'une opération structurante soit conditionné à l'encaissement de produits de cession à due concurrence . Toutefois, comme les rapporteurs spéciaux s'en sont déjà étonnés, la direction de l'immobilier de l'État n'hésite pas à y déroger . Ainsi, la règle de la mutualisation ne s'applique pas au plateau de Saclay et des avances ont été accordées au ministère des affaires étrangères et à la mission « Pouvoirs publics », pour les dépenses immobilières de l'Élysée.

En plus de ces contournements, la DIE a perdu, avec la suppression des loyers budgétaires, un dispositif lui permettant d'inciter les ministères occupants à rationaliser leurs emprises . Si le dispositif des loyers budgétaires était certainement trop rigide et possédait des inconvénients, il n'a pas, à ce jour, été remplacé par un dispositif plus convaincant et plus incitatif. Seule une procédure de labellisation des projets les plus onéreux a été mise en place, pour les opérations au-delà d'un certain seuil (cinq millions d'euros ou huit millions d'euros en Ile-de-France). Pour autant, la DIE a indiqué aux rapporteurs spéciaux être encore en train de travailler à la mise en place d'un dispositif plus incitatif pour les ministères occupants, pour les encourager à rentabiliser les surfaces occupées, les coûts des bâtiments et leur performance énergétique. Au terme de cette procédure, les projets immobiliers des ministères seraient priorisés. Il n'est pas encore certain que cette nouvelle procédure soit prête pour l'année 2021, alors que les loyers budgétaires auront déjà été supprimés depuis deux ans.

3. Les recettes exceptionnelles en 2019 ne doivent pas masquer le fait qu'il est urgent de définir un nouveau modèle économique pour soutenir la politique immobilière de l'État

Certes, les rapporteurs spéciaux le reconnaissent après s'en être inquiétés lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2019, les produits de cession ont très largement supérieurs aux prévisions, pourtant ambitieuses . La part des recettes domaniales, qui avait eu tendance à augmenter ces dernières années, pour pallier l'attrition des produits de cession, est ainsi, mécaniquement, en net reflux.

Évolution des produits de cessions immobilières et de redevances domaniales depuis 2014

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Toutefois, ce satisfecit doit être nuancé :

- ces produits de cessions, d'un niveau inégalé depuis 2015, s'expliquent par trois cessions exceptionnelles : celle d'une partie de l'îlot Saint-Germain (Paris, 7 e arrondissement) pour 368,1 millions d'euros, celle de l'hôtel de Seignelay (idem) pour 61 millions d'euros et celle du site de l'école normale supérieure Paris-Saclay pour 31,8 millions d'euros ;

- sans ces ventes, les produits de cession du CAS se seraient élevés à 167,4 millions d'euros , soit un niveau bien inférieur à la prévision inscrite en loi de finances initiale et au niveau constaté en 2018, ce qui aurait d'autant plus alarmé les rapporteurs spéciaux sur la soutenabilité du modèle du compte et de la gestion de la politique immobilière de l'État ;

- les biens en stock sont aujourd'hui les plus difficiles à céder , la DIE considère ainsi que près des trois quarts des biens remis au Domaine à la fin de l'année sont difficiles à céder. L'indicateur portant sur la surface de bureaux remis au Domaine et inoccupées depuis 36 mois ou plus est bien supérieur à la prévision (34,87 % contre 22,5 %) et au résultat atteint en 2018 (23 %). Cela indique qu'une part importante des biens est difficilement cessible ou réemployable .

Ainsi , cette « bonne surprise » en 2019 ne doit pas ralentir les efforts entrepris pour moderniser la politique immobilière de l'État, pour diversifier les ressources du compte et pour parvenir à valoriser autrement le patrimoine immobilier de l'État . Cela fait maintenant plusieurs années que la commission des finances, et en particulier les rapporteurs spéciaux 208 ( * ) , alertent sur la nécessité de moderniser au plus vite la gestion de ce parc.

Déjà, à la suite du deuxième comité interministériel de la transformation publique, il était indiqué que la politique immobilière de l'État était à la fois à bout de souffle et insoutenable 209 ( * ) . Une mission sur la valorisation des biens non utilisés de l'État a été confiée à M. Jean-Marc Delion en 2019 et prolongée en 2020 . L'objectif est d'assurer au CAS des recettes pérennes, avec une vraie vision pluriannuelle, pour ne pas contraindre les projets des ministères et se projeter vers une diversification des modes de valorisation des biens. Toutefois, peu de progrès ont été effectués, d'autant que les incitations à destination des ministères occupants se sont réduites depuis la suppression des loyers budgétaires.

4. Les indicateurs de performance illustrent eux-aussi les limites des incitations adressées aux ministères occupants

Les résultats des indicateurs de performance du CAS ne sont pas les plus satisfaisants, aucune amélioration n'ayant été constatée sur la moitié d'entre eux entre 2018 et 2019. Pour les rapporteurs spéciaux, cela illustre également les limites de l'action de la DIE face aux ministères occupants .

L'un des exemples les plus significatifs est celui du rendement d'occupation des surfaces de bureaux, qui stagne depuis plusieurs années et dont la diminution est toujours sensiblement plus lente que celle anticipée par le responsable du programme (14,4 m² en 2019, contre 14,63 m² en 2018 et 14,86 m² en 2017). Le Conseil de l'immobilier de l'État (CIE) regrette régulièrement, dans ses avis sur les schémas directeurs immobiliers des ministères, qu'une plus grande attention ne soit pas portée à la réduction de la surface utile nette par poste lors des projets de rationalisation ou de déménagement des administrations. Le seuil des 14 m² semble, pour le moment, infranchissable, d'autant que les rapporteurs spéciaux rappellent que cet indicateur n'est pas entièrement fiable. La cible de 13,4 m² en 2022 semble, dans ces conditions, difficilement atteignable .

Enfin, les rapporteurs spéciaux regrettent à nouveau qu' aucun indicateur de performance ne permette de bien apprécier les efforts de l'État propriétaire en faveur de l'entretien des biens de son parc immobilier , alors même que c'est un trait structurant des dépenses du CAS depuis plusieurs années. Seul un ratio entre les dépenses d'entretien lourd et la surface utile brute du parc est présenté dans le document de politique transversale, sans qu'aucun élément de contexte ne permette d'en apprécier la valeur (par exemple en le comparant à des indicateurs similaires dans le parc immobilier privé).

MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION »

m. sébastien meurant, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 519

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 524

1. Une poursuite de la sur-exécution chronique des dépenses d'asile, résultant d'une demande délibérément sous-évaluée par le Gouvernement en loi de finances initiale 524

2. Une augmentation du délai d'examen des demandes à l'Ofpra préjudiciable à la soutenabilité de la mission 527

3. Un dépassement inéluctable de la programmation triennale 529

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

La mission « Immigration, asile et intégration » n'a pas vu, en 2019, son architecture connaître de modification. Elle reste ainsi composée de deux programmes :

- le programme 303 « Immigration et asile » , qui regroupe essentiellement les dépenses liées à la garantie du droit d'asile et à la lutte contre l'immigration irrégulière. Il s'agit principalement de dépenses contraintes dont la dynamique est, du fait du niveau historiquement élevé de la demande d'asile, en forte hausse ;

- le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » , qui rassemble les crédits en faveur de l'intégration des étrangers en situation régulière, à travers la subvention de l'État à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) ou les dotations aux associations.

Le rapporteur spécial rappelle que les crédits de la mission ne regroupent qu'une part très minoritaire du budget de l'État relatif à l'immigration. Les dépenses de l'État induites par l'immigration ne se limitent pas à la mission « Immigration, asile et intégration ». Le coût estimé de la politique française de l'immigration et de l'intégration est de 5,8 milliards d'euros en 2018, de 6,2 milliards d'euros en 2019 et de 6,7 milliards d'euros en 2020.

Part des crédits de paiement de la mission « Immigration, asile et intégration » par rapport à l'ensemble des crédits de la « Politique française de l'immigration et de l'intégration »

(en %)

Source : commission des finances, d'après le document de politique transversale « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé au présent projet de loi de finances

Cette dépense est retracée dans le document de politique transversale (DPT) « Politique française de l'immigration et de l'intégration » annexé chaque année au projet de loi de finances, auquel contribuent 9 ministères, en plus du ministère de l'intérieur. Il ne prend en réalité en compte que les dépenses directes et orientées à titre principal vers les étrangers. Le rapporteur spécial regrette, à cet égard, que le ministère de l'intérieur, pourtant chef de file de cette politique publique, ne soit pas en mesure d'apporter de réponse à ses questions relatives aux coûts de l'immigration supportés par les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.

Exécution des crédits de la mission
par programme en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés
2018

LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Exécution 2019 / exécution 2018

Exécution 2019 /
LFI 2019

303

AE

1 221,00

1 493,34

1 617,78

32,50%

108,33%

CP

1 251,90

1 330,79

1 453,17

16,08%

109,20%

104

AE

303

442,5

386,9

27,69%

87,44%

CP

303,5

442,56

386,33

27,29%

87,29%

Mission

AE

1 524,00

1 935,84

2 004,68

31,54%

103,56%

CP

1 555,40

1 773,35

1 839,50

18,27%

103,73%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Comme en 2018, l'exercice budgétaire 2019 est marqué par une sur-exécution des crédits votés en loi de finances, aussi bien en AE qu'en CP . Le programme 303 « Immigration et asile » est en sur-exécution, de près de 110 % en AE et en CP, en raison principalement de la sous-évaluation de dépenses de guichet (allocation pour demandeur d'asile et hébergement de demandeurs d'asile), tandis que le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française », qui avait pourtant fait l'objet d'une priorité importante du Gouvernement, est en sous-exécution.

Exécution des crédits de la mission
en 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

L'exercice 2019 est en outre marqué par l'importance des mesures prises en cours de gestion. La mission « Immigration, asile et intégration » a ainsi bénéficié d'importants mouvements de crédits au cours de l'exécution 2019. Afin de financer la sur-exécution des dépenses d'allocation pour demandeur d'asile (ADA), un décret de virement du 25 novembre 2019 a abondé les crédits de la mission de 28,8 millions d'euros en AE et 25,6 millions d'euros en CP afin de couvrir une partie des dépassements l'allocation pour demandeur d'asile 210 ( * ) .

La loi de finances rectificative pour 2019 211 ( * ) a également ouvert 129,32 millions d'euros en AE et 126,23 millions d'euros en CP afin de financer les dépenses du programme 303 « Immigration et asile ».

Mouvements de crédits en cours de gestion sur l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Programme 303

Programme 104

Total mission

AE

CP

AE

CP

AE

CP

LFI

1 442,30

1 279,74

408,61

408,66

1 850,91

1 688,41

LFR

129,32

126,23

-46,78

-46,92

82,54

79,31

Autres mouvements de crédits

44,53

49,42

12,4

12,72

56,93

62,14

Reports

16,14

24,29

20,57

20,89

36,71

45,18

Décrets de virement

28,85

25,59

-8,17

-8,17

20,68

17,42

Annulations

0,46

0,46

0,46

0,46

Fonds de concours et ADP

33,32

33,32

12,83

12,83

46,15

46,15

Total des crédits ouverts

1 649,47

1 488,71

387,06

387,29

2 036,53

1 876,01

Gel initial

42,03

37,16

10,4

10,41

52,43

47,57

Surgels

15,89

12,64

11,67

11,66

27,56

24,3

Dégels en gestion

57,92

49,8

57,92

49,8

Annulation de crédits gelés

22,07

22,07

22,07

22,07

Crédits disponibles

1 649,47

1 488,71

387,06

387,29

2 036,53

1 876,01

Crédits consommés

1 617,68

1 453,07

386,91

386,33

2 004,59

1 839,40

Solde

31,79

35,64

0,15

0,96

31,94

36,61

Source : commission des finances du Sénat (d'après la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une poursuite de la sur-exécution chronique des dépenses d'asile, résultant d'une demande délibérément sous-évaluée par le Gouvernement en loi de finances initiale

Les dépenses de l'action n°02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » concentrent à elles seules plus de 87 % des crédits de paiement de la mission. Cette action, qui finance les dépenses relatives à l'asile, fait l'objet d'une sur-exécution chronique, particulièrement importante depuis le début de la crise migratoire, en 2015.

Elle a ainsi connu en 2019 une sur-exécution de 171 millions d'euros en AE et 174,58 millions en CP (hors FDC) résultant des dépenses d'ADA, à hauteur de 161,7 millions d'euros en AE et en CP. L'exécution de cette action s'élève en 2019 à 1 441,7 millions d'euros en AE et à 1 113,1 millions d'euros en CP, les crédits prévus s'élevant à 1 299,9 millions d'euros en AE et à 1 299,9 millions d'euros en CP.

Les dépenses relatives à l'ADA, qui a remplacé, à compter du 1 er novembre 2015 l'allocation temporaire d'attente, connaissent ainsi pour la quatrième année consécutive une sur-exécution massive.

Montants prévus et exécutés des dépenses afférentes à l'allocation temporaire d'attente (ATA) et à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA)

(en CP, en millions d'euros)

ATA

ADA

LFI

Exécution

LFI

Exécution

2009

30

68,4

2010

53

105

2011

54

157,8

2012

89,7

149,8

2013

140

149,2

2014

129,8

169,5

2015

93,3

81

2016

0

30

148,8

316,1

2017

0

177,3

220

348,8

2018

0

9,9

317,7

424,23

2019

0

5,01

335,83

492,5

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

La sur-exécution des dépenses d'ADA s'élève cette année à plus de 46 %.

Montants prévus et exécutés des dépenses afférentes à l'allocation
pour demandeur d'asile en 2019

(en AE/CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Outre la sur-exécution de l'ADA en elle-même, cette sous-estimation de la demande d'asile a aussi mécaniquement entrainé une hausse des dépenses relatives à l'hébergement d'urgence (+ 20,97 millions d'euros en CP, soit une hausse de 5,3%), notamment des nuitées hôtelières.

Cette sur-exécution s'explique principalement par la hausse de la demande d'asile plus élevée que celle retenue dans la prévision du projet de loi de finances : avec plus de 132 800 demandes de protection à l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) en 2019, la progression représente 7 % alors que le projet de loi de finances envisageait une stabilisation de la demande d'asile. De même, le nombre des demandes sous procédure Dublin enregistrées en guichet unique a augmenté de 5 %, portant le total des demandes sous procédure Dublin à 46 400, mineurs inclus, alors que le projet de loi de finances reposait sur l'hypothèse d'une baisse de 10 %.

Hypothèses de demande d'asile retenue pour l'élaboration
des projets de loi de finances

2015

2016

2017

2018

2019

Hypothèse de hausse des flux de demandes d'asile retenue en PLF

7,50%

10%

10%

10%

0%

Hausse des flux constatés

23,50%

7,50%

17,50%

22%

7,2 %

Flux Dublin constaté sur l'année en guichet unique pour demandeur d'asile

35 967

40 190

46 400

Source : commission des finances, d'après le ministère de l'intérieur

Comme l'a relevé le rapporteur spécial à l'occasion de l'examen de projets de loi de finances initiale pour 2018 212 ( * ) et 2019 213 ( * ) , les hypothèses de demande d'asile retenues pour l'élaboration du projet de loi de finances sont systématiquement sous-évaluées. Ces sous-évaluations chroniques s'assimilent davantage à une volonté délibérée, de la part des gouvernements successifs, de masquer le niveau réel des dépenses afférentes à la prise en charge sociale des demandeurs d'asile .

2. Une augmentation du délai d'examen des demandes à l'Ofpra préjudiciable à la soutenabilité de la mission

Comme le rapporteur spécial l'avait anticipé lors de l'examen de la loi de finances pour 2019 214 ( * ) , les délais d'instruction de l'Ofpra, fixés à 60 jours, se sont révélés également beaucoup trop optimistes . Il s'agit pourtant d'un facteur important puisqu'il permet de limiter le coût budgétaire de l'ADA en limitant sa durée de perception. La réduction des délais d'instruction des demandes constitue un important levier de réduction du coût de la mission, puisque le coût budgétaire mensuel de la demande d'asile est estimé à plus de 104,3 millions d'euros en 2020, rendant d'autant plus nécessaire la poursuite des efforts en ce sens.

En 2019, le délai moyen de traitement d'un dossier par l'Ofpra était de 161 jours, en augmentation par rapport à 2018 (150 jours).

Hypothèses de demande d'asile retenues pour l'élaboration
des projets de loi de finances

(en jours)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le flux des demandes entrantes, supérieur chaque mois de l'année 2019 aux décisions rendues par l'établissement, a entraîné une reconstitution du stock des demandes de plus de deux mois, à hauteur de 44 545, contre 26 492 au 31 décembre 2018. L'âge moyen du stock s'élève au 31 décembre 2019 à 174 jours. En 2019, le stock a progressé de 41 %.

Pour faire face à cet afflux, l'Ofpra a bénéficié d'une augmentation de 10 ETPT en loi de finances initiale par rapport à 2018 et de 75 recrutements supplémentaires 215 ( * ) . Ces recrutements concernent toutefois des agents en formation, et n'ont donc pas eu d'effet sur les délais de traitement des demandes en 2019.

Ces plans de recrutements, justifiés, se sont révélés trop lents dans leur mise en oeuvre pour montrer leurs effets dès 2019. Si le besoin a été exprimé dès l'été 2018 par la direction générale des étrangers en France, le délai d'arbitrage, en premier lieu, puis des temps incompressibles de recrutement et de formation de ces personnels ont empêché ces renforts d'avoir un effet sur les délais de recrutement avant l'exercice 2020.

Plafond d'emploi de l'Ofpra

(en ETPT)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

3. Un dépassement inéluctable de la programmation triennale

Sur le triennal 2018-2020 216 ( * ) , les crédits diminuent de 1,4 % en valeur, contre une augmentation de 3 % en moyenne pour les missions du budget général. Le rapporteur spécial avait relevé, dès 2018, que cette programmation était irréaliste, eu égard à l'augmentation prévisible des flux sur les trois prochaines années (demandeurs d'asile nationaux et sous procédure Dublin). Il estimait en outre que cette programmation prenait le risque de ne pas donner de marge de manoeuvre budgétaire suffisante pour renforcer certains aspects fondamentaux de la mission, comme la lutte contre l'immigration irrégulière, ou le parcours d'intégration des étrangers primo-arrivants 217 ( * ) . La loi de finances pour 2019 prévoyait un dépassement de la loi de programmation des finances publiques de plus de 15,7 %.

La loi de finances initiale étant elle-même dépassée, la sur-exécution par rapport à la programmation pluriannuelle est cette année particulièrement élevée et excède les 24 %.

Comparaison de l'exécution 2019 avec les prévisions
du budget triennal 2018-2022

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

MISSION « INVESTISSEMENTS D'AVENIR »

m. jean bizet, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 533

1. Les autorisations d'engagement votées en 2017 sont quasiment intégralement consommées fin 2019 533

2. L'exécution des crédits de paiement en 2019 respecte globalement la prévision ainsi que la trajectoire prévue par le budget triennal 538

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 542

1. La quasi-totalité des autorisations d'engagement ont été consommées et l'ensemble des conventions avec les opérateurs ont été signées : le PIA 3 est pleinement lancé 542

2. L'essentiel des crédits de paiement votés en 2019 concernent la politique de l'enseignement supérieur et de la recherche 543

3. La fin de gestion a été marquée par d'importants mouvements de crédits, symptômes d'une instrumentalisation opportuniste du PIA par le Gouvernement 543

4. L'important travail d'évaluation du premier volet du PIA a été conduit fin 2019 est source de nombreux enseignements dans la perspective d'un futur PIA 4 546

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

Le troisième programme d'investissement d'avenir (PIA 3) repose sur une mission budgétaire propre , la mission « Investissements d'avenir », créée par la loi de finances initiale pour 2017. Cette mission est composée de trois programmes distincts , dont le Secrétariat général pour l'Investissement (SGPI) est responsable :

- le programme 412 « Soutien des progrès de l'enseignement et de la recherche » ;

- le programme 422 « Valorisation de la recherche » ;

- le programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises ».

La mise en oeuvre des actions du PIA3, et en conséquence, la gestion des crédits, n'est pas confiée aux ministères mais à des opérateurs , au nombre de quatre : l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), l'Agence nationale de la recherche (ANR), Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Les relations entre l'État et chaque opérateur sont formalisées par voie conventionnelle , tant pour les modalités de gestion que d'utilisation des fonds.

La mission avait pour particularité en 2017 de bénéficier uniquement de 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, sans aucun crédit de paiement, le précédent Gouvernement n'ayant pas assumé le coût budgétaire du programme qu'il lançait alors.

Le nouveau Gouvernement a néanmoins confirmé en septembre 2017 le maintien du PIA 3, tout en l'intégrant dans son « Grand plan d'investissement » (GPI) : parmi les 57 milliards d'euros identifiés pour ce plan sur la durée du quinquennat, 10 milliards d'euros restent ainsi alloués au PIA 3. La mission « Investissements d'avenir » demeure identique à la structure qui prévalait en 2017 s'agissant des programmes et actions qui la composent.

Les crédits de la mission « Investissements d'avenir » ne sont pas soumis à régulation budgétaire et ne peuvent donc faire l'objet de mise en réserve .

1. Les autorisations d'engagement votées en 2017 sont quasiment intégralement consommées fin 2019

Les 10 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) votées en loi de finances initiale pour 2017 n'avaient été consommées que pour moitié en fin d'année 2017 (50,8 %). 4,92 milliards d'euros d'AE avaient donc fait l'objet d'un report anticipé 218 ( * ) . Cette situation résultait principalement du ralentissement des engagements entre juin et septembre 2017, période durant laquelle le nouveau Gouvernement s'interrogeait sur la pérennité de la mission. 4 milliards d'euros d'AE ont ensuite été consommés en 2018, avant que 950 millions d'euros ne fassent l'objet d'un nouveau report sur 2019 219 ( * ) . 902 millions d'euros d'AE ont finalement été ouverts à l'issue des mouvements de fin de gestion 2019 220 ( * ) .

Comme l'illustre le tableau infra , 470 millions d'euros d'AE ont ainsi été effectivement consommés en 2019, soit 52 % des AE ouvertes pour cet exercice .

La sous-consommation des AE ouvertes en 2019 s'explique par deux facteurs principaux.

Premièrement, les 250 millions d'euros d'AE du programme 421 au titre de l'action 07 « Territoires d'innovation pédagogique » qui avaient été reportés sur l'exercice 2019 ont fait l'objet d'une annulation à hauteur de 18 millions d'euros dans le cadre des redéploiements intervenus en fin de gestion (cf. infra ) ainsi que d'un nouveau report à hauteur de 232 millions d'euros sur l'exercice 2020. Le rapport annuel de performances justifie ce report par la conclusion en 2020 d'un avenant à la convention conclue avec la Caisse des dépôts et consignations, chargée de la mise en oeuvre de cette action. Cet avenant a effectivement été signé et ratifié par un arrêté du 7 février 2020.

En second lieu, l'article 4 du présent projet de loi de règlement prévoit un retrait d'AE à hauteur de 200 millions d'euros sur l'action 02 du programme 423, qui intervient en miroir d'une ouverture de crédits à hauteur de 200 millions d'euros en AE et CP votée en loi de finances initiale pour 2020 sur le nouveau programme « Prêts octroyés dans le cadre des programmes d'investissements d'avenir » au sein du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » (CCF-PAPOP). Ils seront dédiés au financement d'un prêt au profit de l'entreprise SOITEC dans le cadre du Plan « Nano 2022 ».

Exécution des autorisations d'engagement
de la mission « Investissements d'avenir » en 2019

(en millions d'euros)

LFI 2017

AE consommées au 31 décembre 2018

AE ouvertes en 2019

AE consommées en 2019

Taux de consommation des AE votées en 2017

PROGRAMME 421

SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

action 01 «Nouveaux cursus à l'université»

250,0

250

0,0

0,0

100,0 %

action 02 « Programmes prioritaires de recherche »

400,0

400

0,0

0,0

100,0 %

action 03 «Équipements structurants de recherche »

350,0

350,0

-10,0

-10,0

97,1 %

action 04 «Soutien des grandes universités de recherche»

700,0

700,0

0,0

0,0

100,0 %

action 05 «Constitution d'écoles universitaires de recherche»

300,0

300,0

0,0

0,0

100,0 %

action 06 «Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques»

400,0

400,0

0,0

0,0

100,0 %

action 07 «Territoires d'innovation pédagogique»

500,0

250,0

232,0

0,0

50,0 %

Sous-total

2 900,0

2 650,0

222,0

-10,0

91,0 %

LFI 2017

AE consommées au 31 décembre 2018

AE ouvertes en 2019

AE consommées en 2019

Taux de consommation des AE votées en 2017

PROGRAMME 422

VALORISATION DE LA RECHERCHE

action 01 « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs »

150,0

150,0

0,0

0,0

100,0 %

action 02 « Fonds national post-maturation « Frontier venture » »

500,0

500,0

0,0

0,0

100,0 %

action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition »

1 500,0

1500,0

135,3

135,3

109,0 %

action 04 « Nouveaux écosystèmes d'innovation »

230,0

125,0

0,0

0,0

54,3 %

action 05 « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants »

620,0

975,0

-15,0

-15,0

154,8 %

Sous-total

3 000,0

3250,0

120,3

120,3

112,3 %

LFI 2017

AE consommées au 31 décembre 2018

AE ouvertes en 2019

AE consommées en 2019

Taux de consommation des AE votées en 2017

PROGRAMME 423

ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES

01 « Soutien à l'innovation collaborative »

550,0

600,0

0,0

0,0

109,1 %

02 « Accompagnement et transformation des filières »

1 000,0

900,0

183,8

-16,2

88,4 %

03 « Industrie du futur »

350,0

150,0

-150,0

-150,0

0,0 %

04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre »

100,0

100,0

-348,6

-348,6

-248,6 %

05 « Concours d'innovation »

300,0

333,5

174,5

174,5

169,3 %

06 « Fonds national d'amorçage 2 »

500,0

500,0

0,0

0,0

100,0 %

07 « Fonds à l'internationalisation des PME »

200,0

200,0

0,0

0,0

100,0 %

08 « Fonds de fonds Multicap Croissance 2 »

400,0

400,0

200,0

200,0

150,0 %

09 « Grands défis »

700,0

0,0

500,0

500,0

71,4 %

Sous-total

4 100,0

3 183,5

559,7

359,7

86,4 %

TOTAL

10 000,0

9 083,5

902,0

470,0

95,5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. L'exécution des crédits de paiement en 2019 respecte globalement la prévision ainsi que la trajectoire prévue par le budget triennal

Aucun crédit de paiement (CP) n'avait été demandé en 2017 lors de la création de la mission, de sorte que l'exécution 2019 ne peut être comparée qu'à l'exercice précédent. Les CP consommés en 2019 se montent à 1 019,5 millions d'euros , soit un niveau conforme à la prévision (97,1 % des crédits votés en LFI 2019) et en légère diminution par rapport à l'exécution 2018 (- 8,4 %) .

Les écarts à la prévision constatés sur les programmes 422 (+ 31,2 %) et 423 (- 40,9 %) s'expliquent essentiellement par les importants mouvements intervenus en fin de gestion (cf. infra ).

Les CP alloués à la politique de la recherche et de l'enseignement supérieur (programmes 422 et 423) représentent une part prépondérante des CP exécutés en 2019 (76,6 %) .

Ces crédits ont directement été versés aux quatre opérateurs du PIA 3, pour un décaissement en faveur des bénéficiaires finaux sous quatre formes : subventions, avances remboursables, dotations décennales 221 ( * ) ou prises de participations. Dans ce dernier cas, les crédits transitent par le CAS 731 « Participations financières de l'État » et n'ont par ailleurs pas d'impact sur le déficit public au sens du traité de Maastricht.

Les crédits « maastrichtiens » exécutés en 2019 s'élèvent à 699,5 millions d'euros, soit un niveau nettement supérieur à celui de 2018 (363 millions d'euros). Leur impact effectif sur le déficit public n'intervient toutefois qu'au fil de leur décaissement par les opérateurs.

Le plafond prévu par le budget triennal 222 ( * ) (1,05 milliard d'euros) est également respecté .

Exécution des crédits de paiement
de la mission « Investissements d'avenir » en 2019

(en millions d'euros)

AE votées en 2017

CP exécutés en 2018

CP votés en LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / LFI 2019

Exécution totale des CP à fin 2019 /AE votées en 2017

Après redéploiements

PROGRAMME 421

SOUTIEN DES PROGRÈS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

action 01 « Nouveaux cursus à l'université »

250,0

12,5

12,5

29,5

236,0 %

16,8 %

action 02 « Programmes prioritaires de recherche »

400,0

20,0

35,0

28,0

80,0 %

12,0 %

action 03 « Équipements structurants de recherche »

350,0

0,0

40,0

30,0

75,0 %

8,6 %

action 04 « Soutien des grandes universités de recherche »

700,0

10,0

35,0

35,0

100,0 %

6,4 %

action 05 « Constitution d'écoles universitaires de recherche »

300,0

20,0

20,0

20,0

100,0 %

13,3 %

action 06 « Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques »

400,0

50,0

50,0

50,0

100,0 %

25,0 %

action 07 « Territoires d'innovation pédagogique »

500,0

30,0

20,0

20,0

100,0 %

10,0 %

Sous-total

2 900,0

142,5

212,5

212,5

100,0 %

12,2 %

AE votées en 2017

CP exécutés en 2018

CP votés en LFI 2019

Exécution

2019

Exécution 2019 / LFI 2019

Exécution totale des CP à fin 2019 /AE votées en 2017

Après redéploiements

PROGRAMME 422

VALORISATION DE LA RECHERCHE

action 01 « Intégration des SATT, incubateurs et accélérateurs »

150,0

10,0

10,0

7,0

70,0 %

11,3 %

action 02 « Fonds national post-maturation « Frontier venture » »

500,0

100,0

0,0

0,0

-

20,0 %

action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition »

1 500,0

70,0

330,0

461,3

139,8 %

35,4 %

action 04 « Nouveaux écosystèmes d'innovation »

230,0

6,0

15,0

18,0

120,0 %

10,4 %

action 05 « Accélération du développement des écosystèmes d'innovation performants »

620,0

41,0

78,0

82,0

105,1 %

19,8 %

Sous-total

3 000,0

227,0

433,0

568,3

131,2 %

26,5 %

AE votées en 2017

CP exécutés en 2018

CP votés en LFI 2019

Exécution

2019

Exécution 2019 / LFI 2019

Exécution totale des CP à fin 2019 /AE votées en 2017

Après redéploiements

PROGRAMME 423

ACCÉLÉRATION DE LA MODERNISATION DES ENTREPRISES

01 « Soutien à l'innovation collaborative »

550,0

60,0

84,0

64,0

76,2 %

22,5 %

02 « Accompagnement et transformation des filières »

1 000,0

25,0

240,0

210,0

87,5 %

23,5 %

03 « Industrie du futur »

350,0

0,0

0,0

0,0

-

0,0 %

04 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre »

100,0

25,0

25,0

-3 10,3

-1241,2 %

-285,3 %

05 « Concours d'innovation »

300,0

83,5

55,0

75,0

136,4 %

52,8 %

06 « Fonds national d'amorçage 2 »

500,0

250,0

0,0

0,0

-

50,0 %

07 « Fonds à l'internationalisation des PME »

200,0

100,0

0,0

0,0

-

50,0 %

08 « Fonds de fonds Multicap Croissance 2 »

400,0

200,0

0,0

200,0

-

100,0 %

09 « Grands défis »

700,0

0,0

0,0

0,0

-

0,0 %

Sous-total

4 100,0

743,5

404,0

238,7

59,1 %

24,0 %

TOTAL

10 000

1 113,0

1 049,5

1 019,5

97,1 %

21,3 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La quasi-totalité des autorisations d'engagement ont été consommées et l'ensemble des conventions avec les opérateurs ont été signées : le PIA 3 est pleinement lancé

Au total, près de 9,6 milliards d'euros des 10 milliards d'euros d'AE votées en 2017 ont été consommés lors de l'exercice 2019, soit un taux de consommation de 96 %.

La dernière convention a par ailleurs été signée par l'État et la Caisse des dépôts le 26 décembre 2019 au titre de l'action « Grands défis » du programme 423. Conformément aux recommandations de Philippe Tibi dans son rapport sur le financement des entreprises technologiques 223 ( * ) , les dotations en fonds propres prévues par cette action seront mobilisées à deux titres :

- 500 millions d'euros seront consacrés à des interventions dans le projet de levée de fonds « Global Tech », dédié au financement d'entreprises technologiques cotées. Ce projet se fixe pour objectif de mobiliser 10 milliards d'euros à horizon de trois ans et à de faire à terme de Paris le siège d'un « NASDAQ européen » 224 ( * ) ;

- 200 millions d'euros abonderont le « Fonds Multicap croissance n° 2 » déjà doté de 400 millions d'euros au titre du PIA 3, qui a démontré son efficacité pour pallier une défaillance de marché constatée s'agissant du financement des entreprises en hyper croissance.

Le total des CP consommés sur les exercices 2018 et 2019 s'établit quant à lui à 2,1 milliards d'euros , soit un montant égal à 21 % des AE votées en 2017.

Toutefois, en raison de la mécanique du financement par appels à projets, seuls 311 millions d'euros ont effectivement été décaissés en faveur des bénéficiaires finaux à la fin de l'année 2019 selon la Cour des comptes 225 ( * ) . Le recul manque ainsi pour évaluer l'ensemble des actions lancées dans ce cadre.

Ce décalage dans le temps a un impact sur les engagements hors bilan de l'État qui représentent 7,6 milliards d'euros pour l'ensemble des trois PIA 226 ( * ) .

2. L'essentiel des crédits de paiement votés en 2019 concernent la politique de l'enseignement supérieur et de la recherche

Les CP alloués à la politique de la recherche et de l'enseignement supérieur (programmes 422 et 423) représentent une part prépondérante des AE de la mission (59 %) et des CP exécutés en 2019 (76,6 %) .

L'action « Programmes prioritaires de recherche » du programme 421, pour laquelle 28 millions d'euros de CP ont été exécutés en 2019, est particulièrement emblématique. C'est dans le cadre de cette action que l'appel à projet « Make Our Planet Great Again » annoncé par le président de la République a été mise en oeuvre. Celui-ci s'adresse à des chercheurs qui ne résident pas sur le territoire national mais qui souhaitent développer en France et au sein de laboratoires français des projets de recherche de haut niveau pour faire face au changement climatique. L'action a ainsi permis de « rapatrier » 43 projets de recherche. Le rapporteur considère qu'une telle initiative, certes louable et utile, relève toutefois davantage d'une stratégie de communication que d'une réponse au problème structurel d'attractivité de la recherche française, principalement due aux conditions de rémunérations des chercheurs, largement insuffisante. La prochaine loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR) doit constituer l'occasion de traiter plus profondément cette question.

La même action a permis le lancement de quatre « Instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle » (3IA) auxquels doivent être alloués 75 millions d'euros sur quatre ans. Ces derniers constituent un volet important de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle lancée en 2018 et devant mobiliser près de 1,5 milliards d'euros sur cinq ans. Le rapporteur se félicite de la contribution du PIA à cette stratégie qui revêt une importance cruciale pour la France dans un contexte où les pays européens se fait chaque jour distancer davantage par les États-Unis et la Chine dans ce domaine.

3. La fin de gestion a été marquée par d'importants mouvements de crédits, symptômes d'une instrumentalisation opportuniste du PIA par le Gouvernement

Les mouvements de crédits significatifs intervenus en loi de finances rectificative appellent plusieurs séries de remarques.

Le montant global redéployé est de 1 085,1 millions d'euros en AE et 643,3 millions d'euros en CP (soit un volume correspondant à près de deux tiers des CP votés en 2019).

Il est à noter que ces redéploiements impliquent des crédits issus des trois PIA. Les crédits extrabudgétaires des PIA 1 et 2 concernés ont alors été rétablis sur des actions du PIA 3, avant d'être ré-imputés sur les actions bénéficiaires, pouvant le cas échéant appartenir à d'autres missions. 48 millions d'euros en AE et en CP issus de l'action « Espace » des PIA 1 et 2 ont ainsi été redéployés vers l'action « Espace et satellites » du programme 193 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Redéploiements en LFR 2019 au titre des trois PIA

(en millions d'euros)

Ouvertures

Annulations

Total

Mission

Programme

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Investissements d'avenir

421 - Soutien des progrès de l'enseignement supérieur et de la recherche

0,0

0,0

28,0

0,0

- 28,0

0,0

Investissements d'avenir

422 - Valorisation de la recherche

432,6

305,3

213,3

170,0

120,3

135,3

Investissements d'avenir

423 - Accélération de la modernisation des entreprises

484,5

170,0

624,8

335,3

- 140,3

-165,3

Recherche et enseignement supérieur

193 - Recherche spatiale

48,0

48,0

0,0

0,0

48,0

48,0

Compte d'affectation spéciale (CAS)

731 - Participations financières de l'État

120,0

120,0

120,0

120,0

0,0

0,0

Total des redéploiements

1085,1

643,3

1085,1

625,3

0

18

Source : Cour des comptes

Ces redéploiements visent notamment à apporter des financements :

- au plan « Nano 2022 » , pour un montant de 88,3 millions d'euros , portant à 368 millions d'euros l'abondement total du PIA au financement de ce plan, également financé par le programme 192 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et par le Fonds pour l'innovation et l'industrie ;

- au « plan batteries » annoncé en cours d'année 2019 par le président de la République à hauteur de 295 millions d'euros ;

- au projet de réacteur « Jules Horowitz » (RJH) pour un montant de 300 millions d'euros , doublant ainsi la contribution contribuer au titre du programme 422.

Le rapporteur spécial souscrit ainsi pleinement à l'analyse du rapporteur général de la commission des finances du Sénat qui notait dans son rapport sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019 que « sans porter de jugement sur la pertinence du soutien public à apporter à tel ou tel projet, l'utilisation du PIA relève ainsi d'une pratique de débudgétisation d'autant plus contestable que les politiques soutenues varient d'une année à l'autre alors que l'autorisation parlementaire n'a réellement porté que sur les autorisations d'engagement accordées lors du lancement du projet dans le cadre de la loi de finances pour 2017 » 227 ( * ) . Ces redéploiements massifs témoignent d'une instrumentalisation du PIA pour financer sur des enveloppes déjà votées des annonces gouvernementales qui, bien qu'ayant leur légitimité, auraient dû relever d'autres missions du budget général.

Les dérogations au droit commun budgétaire dont bénéficient les PIA ne sont en effet acceptable que si ceux-ci traduisent, conformément à la philosophie du rapport « Juppé-Rocard » 228 ( * ) dont ils sont issus, une véritable « additionnalité » par rapport aux politiques publiques portées par les missions budgétaires « classiques ».

De même, un certain nombre de détournements du PIA au regard de ses buts fondateurs, soit l'augmentation du potentiel de croissance économique de la France, peuvent être regrettés . Le rapporteur spécial relève ainsi que la Cour des comptes 229 ( * ) partage la critique qu'il a formulée dans son rapport lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 quant à l'inscription de thématiques sans lien avec les objectifs du PIA relatives à la recherche en matière de sport de haut niveau ou aux Jeux olympiques de 2024 dans les appels à projets des actions « Programmes prioritaires de recherche » et « Concours d'innovation » 230 ( * ) . Le choix, « largement entériné » selon la Cour des comptes, de financer la rénovation du Grand palais à hauteur de 160 millions en CP sur les crédits déjà votés en AE du programme 421 est également constitutif d'une forme de « bourrage d'enveloppe » que le rapporteur spécial ne peut que déplorer.

Ces redéploiements massifs, intervenus tantôt entre actions des PIA et actions du budget général, tantôt entre actions des PIA 1 et 2 et actions du PIA 3, tantôt entre actions du PIA 3, tantôt au sein d'une même action du PIA 3 (pour rééquilibrages entre différents modes de financement), témoignent certes d'une certaine « agilité » des PIA . Ils complexifient toutefois considérablement le suivi de l'exécution des actions et la lecture des documents budgétaires transmis au Parlement.

À titre d'exemple, la consommation de - 310,3 millions d'euros constatée en CP sur l'action 04 du programme 423 « Adaptation et qualification de la main d'oeuvre » (pourtant dotée de 100 millions d'euros d'AE en LFI 2017) résulte non pas d'une renonciation à cette action au profit d'une autre mais du rétablissement sur cette action de 300 millions d'euros (entre autres) de crédits extrabudgétaires issus de l'action « Aéronautique » du PIA 1, redéployés ensuite pour l'essentiel au profit de l'action 03 « Démonstrateurs et territoires d'innovation de grande ambition » du programme 422 afin de financer le projet RJH.

4. L'important travail d'évaluation du premier volet du PIA a été conduit fin 2019 est source de nombreux enseignements dans la perspective d'un futur PIA 4

Fin novembre 2019, le Comité de surveillance des investissements d'avenir 231 ( * ) , au sein duquel siègent huit députés et huit sénateurs , a remis au Premier ministre un rapport d'évaluation du PIA 1 (lancé en 2010 et doté de 35 milliards d'euros). De nombreuses observations restent pertinentes pour les PIA 2 et 3.

Les principaux constats de ce rapport sont les suivants :

- le PIA 1 a contribué à limiter la dégradation de l'investissement suite à la crise de 2008, qui a diminué en France de 1,9 point de PIB contre 3,2 points en moyenne au sein de l'UE entre 2009 et 2014 ;

- l'impact du PIA 1 sur la croissance française peut être évalué entre 1,1 % et 1,7 % du PIB sur la période 2009-2019 (soit 22 à 35 milliards d'euros). L'impact sur l'emploi pourrait se chiffrer à 578 000 emplois créés ou maintenus en 2019, et près d'1 million d'emplois à horizon 2030. Cette mesure est cependant fragile ;

- le retour financier du PIA 1 pour les finances publiques pourrait s'élever à terme à 7 milliards d'euros.

Le Comité souligne néanmoins qu'au printemps 2019, moins de 30 % des actions avaient fait l'objet d'une évaluation. Au demeurant, les approches retenues sont hétérogènes et celles-ci portent insuffisamment sur leurs impacts socio-économiques.

Le Comité formule également, dans la perspective d'une prochaine génération d'investissements d'avenir d'un montant qui pourrait s'élever à une dizaine de milliards d'euros, de nombreuses recommandations parmi lesquelles :

- renforcer l'évaluation, notamment socio-économique mais également territoriale de l'impact des actions conduites. En effet, visant en premier lieu l'excellence, le PIA n'a pas eu comme objectif premier de réduire les inégalités territoriales . Seules 5 des 49 actions du PIA  se fondaient sur une logique d'aménagement du territoire (exemple : « Plan très haut débit »), mais ils se sont caractérisés par une moindre efficacité en matière d'innovation. Ainsi, les régions Île-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes ont concentré 60 % des investissements. La concentration en Île-de-France est particulièrement nette s'agissant des investissements en faveur de l'excellence scientifique (55 % des montants du PIA consacrés à cette thématique) ;

- allouer 20 % des crédits à des enveloppes régionalisées permettant aux Conseils régionaux de cofinancer les projets ;

- conduire un effort investissement dans quatre nouveaux champs : l'enseignement primaire et secondaire, l'agriculture, la préservation de la biodiversité et enfin la prévention et l'accompagnement du vieillissement ;

- favoriser les synergies avec les autres vecteurs de soutien à l'innovation, en particulier le secteur de la défense.

Le rapporteur souscrit à ces propositions, qui sont de nature à améliorer l'équilibre territorial des effets du PIA. Il accordera une vigilance toute particulière au renforcement de l'évaluation de l'efficacité des actions menées, qui constituent le corollaire indispensable de la pérennité d'un cadre budgétaire dérogatoire dont bénéficie le PIA .

Le Comité de surveillance des investissements d'avenir

Le Comité de surveillance des investissements d'avenir est composé de 17 membres : 8 personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre, 4 députés désignés par le président de l'Assemblée nationale, 4 sénateurs désignés par le président du Sénat et un président de Région désigné par Régions de France.

Il établit un rapport annuel faisant apparaître l'exécution des programmes d'investissements et les résultats de leur évaluation. Le Comité de surveillance peut consulter, sur un thème déterminé, des représentants des collectivités territoriales et des organisations d'employeurs et de salariés ainsi que toute personne dont il juge utile de recueillir l'avis.

Présidente du Comité de surveillance : Madame Patricia BARBIZET

Personnalités qualifiées : Madame Florence ALLOUCHE-GHRENASSIA, présidente de SparingVision ; Monsieur Henrik ENDERLEIN, professeur d'économie, directeur de l'Institut Jacques Delors ; Madame Sandra LAGUMINA, directrice générale Gestion d'actifs du fonds d'investissement Meridian ; Monsieur Jean-Marc RAPP, président du jury des Initiatives d'excellence ; Monsieur Guillaume RICHARD, président-fondateur du groupe Oui Care ; Madame Marie-Noëlle SEMERIA, directrice recherche et développement groupe de Total ; Monsieur Ronan STEPHAN, directeur scientifique du groupe Plastic Omnium.

Députés désignés par le Président de l'Assemblée Nationale : Madame Isabelle FLORENNES, députée de la 4 e circonscription des Hauts-de-Seine ; Madame Olivia GREGOIRE, députée de la 12 e circonscription de Paris ; Monsieur Martial SADDIER, député de la 3 e circonscription de Haute-Savoie ; Monsieur Laurent SAINT-MARTIN, député de la 3 e circonscription du Val-de-Marne

Sénateurs désignés par le Président du Sénat : Monsieur Alain CHATILLON, sénateur de Haute-Garonne ; Madame Sonia de LA PROVOTE, sénatrice du Calvados ; Monsieur Bernard LALANDE, Questeur, sénateur de la Charente-Maritime ; Monsieur Claude NOUGEIN, sénateur de la Corrèze.

Président de Région désigné par Régions de France : Monsieur Alain ROUSSET, président de la Région Nouvelle-Aquitaine

Source : site internet du secrétariat général pour l'investissement

MISSION « JUSTICE »

m. antoine lefèvre, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 551

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 554

1. Une hausse des frais de justice en dépit d'un effort de budgétisation en loi de finances initiale pour 2019 554

2. Une moindre hausse des effectifs pour la justice judiciaire 555

3. Une lente mise en oeuvre du programme immobilier de l'administration pénitentiaire 557

4. En dépit des réformes initiées dans le cadre du protocole de sortie de crise dans l'administration pénitentiaire, le schéma d'emplois reste sous-exécuté 559

5. L'aide juridictionnelle : une augmentation de plus de 5 % des dépenses en 2019 561

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

S'agissant de la mission « Justice », la loi de finances pour 2019 a ouvert 9,06 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 8,92 milliards d'euros de crédits de paiement (CP). Le taux d'exécution des crédits votés est en progression et s'élève à 100 % en AE, contre 94 % en 2018 et 84 % en 2017 ; s'agissant des CP, il atteint 98,4 %, soit légèrement moins qu'en 2018 (99 %).

Exécution des crédits de la mission par programme en 2019

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / Exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Justice judiciaire

3 354,0

3 432,5

3 893,5

3 495,5

3 530,6

3 466,6

5,3%

1,0%

- 9,3%

- 0,8%

Administration pénitentiaire

3 405,3

3 497,6

3 325,8

3 750,8

3 670,4

3 693,9

7,8%

5,6%

10,4%

- 1,5%

Protection judiciaire de la jeunesse

835,9

824,9

903,8

875,5

869,5

848,9

4,0%

2,9%

- 3,8%

- 3,0%

Accès au droit et à la justice

430,1

430,1

466,8

466,8

452,8

452,9

5,3%

5,3%

- 3,0%

- 3,0%

Conduite et pilotage de la politique de la justice

424,0

416,7

454,1

473,3

536,0

458,5

26,4%

10,0%

18,0%

- 3,1%

Conseil supérieur de la magistrature

4,0

4,1

4,9

4,8

4,2

4,0

5,0%

-2,4%

- 14,3%

- 16,7%

Mission Justice

8 453,3

8 605,9

9 048,0

9 066,7

9 063,5

8 924,9

7,2%

3,7%

0,2%

- 1,6%

Source : commission des finances du Sénat

Par rapport à 2018, les moyens consacrés à la justice ont augmenté de 3,7 % en crédits de paiement et de 7,2 % en autorisations d'engagement .

Exécution des crédits de la mission par programme en 2019,
hors dépenses de personnel

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / Exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Justice judiciaire

1 034,7

1 113,2

1 536,8

1 138,8

1 172,3

1 108,3

13,3%

- 0,4%

- 24%

- 2,7%

Administration pénitentiaire

975,4

1 067,7

791,3

1 216,3

1 142,8

1 166,3

17,2%

9,2%

44%

- 4,1%

Protection judiciaire de la jeunesse

328,3

317,3

375,3

347

353,1

332,5

7,6%

4,8%

- 6%

- 4,2%

Accès au droit et à la justice

430,1

430,1

466,8

466,8

452,8

452,9

5,3%

5,3%

- 3%

- 3,0%

Conduite et pilotage de la politique de la justice

258,5

251,2

276,9

296,1

363,8

286,3

40,7%

14,0%

31%

- 3,3%

Conseil supérieur de la magistrature

1,6

1,7

2,20

2,1

1,8

1,6

12,5%

- 5,9%

- 18%

- 23,8%

Mission Justice

3 028,6

3 181,2

3 449,3

3 467,1

3 486,6

3 347,9

15,1%

5,2%

1%

-3,4%

Source : commission des finances du Sénat

À périmètre courant, si les dépenses de personnel ont augmenté de 2,8 %, les dépenses hors dépenses de personnel ont augmenté de 15,1 % en autorisations d'engagement et de 5,2 % en crédits de paiement .

La mission « Justice » a en effet bénéficié en loi de finances initiale pour 2019 d'une augmentation des crédits de plus de 5 % par rapport à 2018 traduisant le caractère prioritaire de cette mission.

En effet, l'exécution 2019 marque la poursuite de la mise en oeuvre des réformes de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Comme le rappelle le rapport annuel de performance, cette année a également enregistré le transfert du contentieux de la sécurité sociale « à des tribunaux de grande instance (devenus tribunaux judiciaires), et à des cours d'appel spécialement désignées, lesquels pourront s'organiser en pôles spécialisés (« pôles sociaux ») », prévu par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

Comme en 2018, il n'y a pas eu de décret d'avance au cours de l'exercice 2019, mais la loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative a annulé 115 millions d'euros d'AE et 119 millions d'euros de CP, soit un montant deux fois plus élevé en CP qu'en 2018 comme le relève la Cour des comptes 232 ( * ) , mais imputé pour l'essentiel sur la réserve de précaution.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2019,
uniquement dépenses de personnel

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2018

(AE = CP)

LFI 2019

(AE = CP)

Exécution 2019

(AE = CP)

Exécution 2019 / Exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

Justice judiciaire

2 319,3

2 356,7

2 358,3

1,7%

0,1%

Administration pénitentiaire

2 429,9

2 534,5

2 527,6

4,0%

- 0,3%

Protection judiciaire de la jeunesse

507,6

528,5

516,4

1,7%

- 2,3%

Accès au droit et à la justice

Conduite et pilotage de la politique de la justice

165,5

177,2

172,2

4,0%

- 2,8%

Conseil supérieur de la magistrature

2,4

2,7

2,4

0,0%

- 11,1%

Mission Justice

5 424,7

5 599,6

5 576,9

2,8%

- 0,4%

Source : commission des finances du Sénat

L'exécution de la mission en 2019 est marginalement supérieure à l'enveloppe prévue par la loi de programmation pour les années 2018 à 2022 233 ( * ) (40 millions d'euros de dépassement par rapport au plafond fixé, soit un montant très faible au regard des crédits portés par la mission).

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une hausse des frais de justice en dépit d'un effort de budgétisation en loi de finances initiale pour 2019

Les frais de justice constituent l'un des enjeux budgétaires de la mission « Justice », du fait des difficultés à les piloter, de leur montant (un demi-milliard d'euros) et d'une sous-budgétisation récurrente.

Ainsi, une fois encore, la dotation initiale pour 2019 était inférieure à l'exécution constatée en 2018. Néanmoins, elle était largement supérieure à la prévision faite en 2018, ce qui traduisait un effort important de budgétisation, visant à initier une réduction de la dette sur ce poste.

En 2019, les frais de justice ont représenté 531,81 millions d'euros en crédits de paiement, en augmentation de 3 millions d'euros par rapport à 2018.

Évolution des frais de justice depuis 2011

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En outre, le montant exécuté est supérieur de près de 26 millions d'euros aux prévisions faites en loi de finances initiale pour 2019 (5 %), soit une sur-exécution moindre que celle de l'an dernier (50 millions d'euros). Ce dépassement démontre néanmoins le caractère toujours très dynamique de la dépense.

L'infléchissement à la baisse des frais de justice, constaté en 2017, ne s'est donc pas confirmé, et l'exécution 2019 confirme donc une nouvelle orientation à la hausse des frais de justice.

S'ils ne retrouvent pas leur niveau de 2016 (550 millions d'euros), il s'agit toutefois du montant le plus important depuis 2011.

Après avoir diminué entre 2017 et 2018 de 13 %, les frais de justice civile et commerciale augmentent à nouveau en 2019 , de près de 52 millions d'euros (+ 5,8 %). Le rapport annuel de performance justifie cette hausse pour les frais de justice commerciale essentiellement par les « taxes, redevances ou émoluments des greffiers de commerce », et explique ce constat notamment par une reprise de l'activité commerciale sur certaines cours, après plusieurs années de baisse. S'agissant des frais de justice civile (+ 2,5 %), leur augmentation découle d'une hausse des frais d'interprétariat et de traduction , en lien avec la crise migratoire vers l'Europe (procédures administratives de vérification de droit de séjour notamment) et des honoraires des médecins (examens psychiatriques ou psychologiques) en progression de 22 % par rapport à 2017.

La dépense afférente aux frais de justice pénale est stable, mais demeure très importante (480 millions d'euros). Le rapport annuel de performance met en exergue plusieurs facteurs de hausse, notamment les frais d'interprétariat et de traduction (+ 2,6 millions d'euros) ; les analyses génétiques (+ 1,2 million d'euros) et toxicologiques (+ 1,8 million d'euros), ainsi que les examens et expertises médicales (+ 2,6 millions d'euros). Ces éléments contribuent ainsi à l'augmentation de la dépense et « absorbent les économies générées par la mise en oeuvre de la plateforme nationale des interceptions judiciaires ( PNIJ) » 234 ( * ) , qui permet pourtant de supprimer les frais de location de matériel d'interception et de bénéficier d'un tarif 33 % inférieur auprès des opérateurs de communication électronique par rapport à l'utilisation d'un autre outil de réquisition.

Ainsi, le rapporteur partage le constat de la Cour des comptes, qui indique dans la note d'exécution budgétaire relative à la présente mission que « la persistance de la sous-budgétisation des frais de justice pose la question de la sincérité budgétaire » (p.32).

2. Une moindre hausse des effectifs pour la justice judiciaire

Les dépenses de personnel du programme « Justice judiciaire » ont augmenté de 1,7 % , atteignant 2,36 milliards d'euros (+ 39 millions d'euros).

Le projet annuel de performance prévoyait la création nette de 192 emplois. Au total, 163 postes nets ont été créés , contre 126 en 2018 et 568 en 2017. Cette sous-exécution de 29 ETP découle d'après le rapport annuel de performance « des aléas de gestion, tant en entrées qu'en sorties » : ainsi, les entrées de magistrats ont été supérieures aux prévisions (+ 146 ETP au lieu des 100 prévus), tout comme les entrées de greffiers (+ 205 ETP au lieu de + 182 ETP, soit un dépassement de 23 emplois) ; les recrutements ont en revanche été moins importants que prévu sur les emplois des catégories C administratifs et techniques (- 125 ETP). Par ailleurs, 100 greffiers ont été recrutés en novembre 2019 « en anticipation du schéma d`emplois 2020, sans impact sur la masse salariale en 2019 » 235 ( * ) .

Le plafond d'emplois (33 542 ETPT) a quant à lui été respecté.

Évolution comparée du plafond d'emplois et de la réalisation
sur le programme 166 « Justice judiciaire »

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Le taux d'exécution des dépenses de personnel atteint près de 100 %.

En 2019, les suppressions de postes concernent uniquement les personnels de catégorie C, tandis que les créations de postes permettent un renforcement des effectifs de magistrats et de personnels de catégorie B et principalement de personnels des greffes. Comme le rapporteur l'avait souligné lors de l'examen de la budgétisation initiale, cette tendance conduit un repyramidage des effectifs, avec des conséquences importantes à terme sur la masse salariale, en raison des écarts de rémunération entre ces différentes catégories de personnels .

Évolution de la prévision et de la consommation des dépenses de personnel
du programme 166 « Justice judiciaire »

(en millions d'euros) (en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

3. Une lente mise en oeuvre du programme immobilier de l'administration pénitentiaire

La loi de finances initiale pour 2019 prévoyait une augmentation de 14 % des crédits de paiement hors titre 2 pour le programme 107 « Administration pénitentiaire ». Plus spécifiquement, pour les crédits d'investissement (titre 5), l'augmentation de 62 % des CP entre l'exécution 2018 et la prévision en LFI 2019 résultait pour une large part d'une augmentation des investissements immobiliers, à destination du plan de construction de 15 000 places de prison.

Exécution des crédits du titre 5 du programme 107 en 2019

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / Exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Administration pénitentiaire

377,1

190,1

116,5

308,2

497,6

260,3

31,95%

36,93%

327%

-15,54%

Source : commission des finances du Sénat

Le programme 107 a par ailleurs bénéficié d'importants reports de crédits d'engagement provenant de l'exercice 2018 , pour un montant atteignant 1,6 milliard d'euros , répartis comme suit : 169 millions d'euros d'AE affectées en 2018 mais non engagées, et un reliquat d'AE non consommées, pour 1,455 milliard d'euros. Comme l'indique le rapport annuel de performance, « ce reliquat, très important en autorisations d'engagement, permet de couvrir l'engagement des premières opérations immobilières prévues dans le cadre du programme 15 000 ». Ces reports expliquent d'ailleurs l'écart important entre les crédits d'engagements votés en loi de finances initiale pour 2019 et l'exécution 2019 s'agissant des crédits hors titre 2 (+ 44 % pour les crédits hors titre 2 du programme).

Or, ces crédits n'ont pas été intégralement consommés. En dépit d'une forte augmentation des AE allouées en 2019 , la mise en oeuvre du plan de construction des 15 000 places de prison supplémentaires (7 000 places à construire d'ici 2022, 8 000 autres initiées d'ici 2022 et construites à horizon 2027) tarde à se concrétiser. Près de 48 millions d'euros de CP n'ont en outre pas été consommés en 2019.

Prévision et exécution des crédits d'investissement (titre 5)
du programme 107 en 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Ainsi, comme l'indique le rapport annuel de performances annexé à la présente mission (p.104), à la fin de l'année de 2019, s'agissant des 7 000 places de détention devant être livrées en 2022, l'acquisition des terrains n'est réalisée que pour 73 % des places pour une cible de 84 % en 2019 et les travaux ont été lancés pour 22 % des places contre une cible initiale de 27 % en 2019.

Comme le relève la Cour des comptes, cette sous-consommation des CP a d'ailleurs entraîné une annulation de 17 millions d'euros en fin d'exercice au-delà de la réserve de précaution, en raison des retards d'investissements immobiliers.

4. En dépit des réformes initiées dans le cadre du protocole de sortie de crise dans l'administration pénitentiaire, le schéma d'emplois reste sous-exécuté

Les dépenses de personnel sont en hausse de 4 % sur le programme « Administration pénitentiaire » et atteignent 2,53 milliards d'euros . Leur taux d'exécution par rapport à la loi de finances s'élève à 99,7 %.

Évolution de la prévision et de la consommation des dépenses de personnel
du programme 107 « Administration pénitentiaire »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Un protocole entre les représentants des personnels pénitentiaires et l'administration pénitentiaire a été signé le 29 janvier 2018, après un conflit social ayant paralysé plusieurs établissements pénitentiaires. Ce protocole comprend, outre un objectif d'amélioration des conditions de travail des personnels dans les établissements pénitentiaires, un objectif d'accélération des recrutements et de fidélisation des personnels, par le renforcement des dispositifs indemnitaires 236 ( * ) .

La prime de fidélisation a quant à elle été mise en place en 2019, repoussée d'un an principalement en raison des contraintes budgétaires. Ainsi, d'après le rapport annuel de performance, dans les établissements les moins attractifs, « les agents qui choisiront de se positionner pour au moins six ans sur ces établissements pourront bénéficier d'une prime de 8 000 euros grâce à un concours spécifique, à affectation locale. 3 936 agents ont bénéficié de la prime de fidélisation en 2019 ».

Alors que la loi de finances initiale pour 2019 prévoyait la création de 959 emplois, la réalisation globale du schéma d'emplois du programme est de 757 ETP. Le schéma d'emplois est donc sous-exécuté de 202 ETP par rapport à la cible (qui s'ajoute à la sous-exécution de 81 ETP l'année dernière).

La sous-exécution porte principalement sur les surveillants pénitentiaires (- 171 ETP). D'après le rapport annuel de performance, « 1 504 élèves surveillants sont entrés à l'École nationale d'administration pénitentiaire en 2019 alors que 1 789 recrutements avaient été autorisés, soit un écart de 185 ETP. Cette situation illustre les difficultés de recrutement que rencontre l'administration pénitentiaire ». Face à la difficulté à pourvoir les postes de surveillants, l'administration pénitentiaire a engagé une réforme de leur formation mise en place en 2019 et l'année 2020 marquera le déploiement d'un concours national à affectation locale. Combinées à la mise en place de la prime de fidélisation, ces réformes devraient, d'après le rapport annuel de performance, « maximiser la capacité de l'administration pénitentiaire à recruter et à réduire les départs prématurés de personnel ».

Le moindre recrutement concerne également le corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation : une sous-exécution de 32 ETP est ainsi constatée.

Réalisation du schéma d'emploi des surveillants pénitentiaires

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

5. L'aide juridictionnelle : une augmentation de plus de 5 % des dépenses en 2019

L'aide juridictionnelle est financée principalement par des crédits budgétaires mais également par des ressources extrabudgétaires : la taxe spéciale sur les contrats de protection juridique (45 millions d'euros en 2019) et le produit de certaines amendes pénales (38 millions d'euros en 2019).

Le rapporteur soulignait dans son rapport relatif à la présente mission dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2019 237 ( * ) , le caractère dynamique des dépenses d'aide juridictionnelle . Les prévisions de dépenses s'élevaient à 507 millions d'euros pour 2019, soit une augmentation de 41 % (148 millions d'euros) par rapport à 2015, année où elles s'élevaient à 359 millions d'euros. La dynamique de cette dépense résulte principalement de l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, à la suite du relèvement du plafond de revenu, passé au 1 er janvier 2016 de 941 euros à 1 000 euros pour une personne seule.

En 2019, les crédits budgétaires ont fait l'objet d'une sous-consommation de près de 15 millions d'euros : alors qu'un effort de budgétisation avait porté les crédits alloués à 427 millions d'euros (+ 7 % par rapport à la prévision de 2018), 409 millions d'euros ont été consommés en 2019. Comme l'indique la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, la plupart des crédits non consommés (13 millions d'euros) ont fait l'objet d'une demande de report sur l'exercice 2020.

Évolution des crédits budgétaires consacrés à l'aide juridictionnelle

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Toutefois, les dépenses d'aide juridictionnelle ont augmenté une nouvelle fois en 2019, mais de façon moins importante que prévu en loi de finances initiale : ainsi, elles s'élèvent à 490 millions d'euros, contre 465 millions d'euros en 2018, soit une augmentation de plus de 5 %. Les ressources extrabudgétaires restent donc indispensables pour financer les dépenses d'aide juridictionnelle. Ces ressources ont d'ailleurs été rebudgétisées par la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

Le rapporteur regrette enfin que la réforme de l'aide juridictionnelle, traduite par l'article 243 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, n'ait fait l'objet d'aucune étude d'impact : en effet, cette réforme, pourtant annoncée de longue date, a été introduite par le biais d'un amendement au projet de loi de finances par nos collègues députés Naïma Moutchou et Philippe Gosselin, sans que ses effets sur les conditions d'éligibilité à l'aide et partant, sur le coût budgétaire de l'aide juridictionnelle, n'aient été portés à la connaissance du Parlement.

MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

m. roger karoutchi, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 565

A. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » 565

1. Une exécution conforme à la budgétisation initiale 565

2. Les opérateurs rattachés à la mission 567

3. L'absence d'information complète concernant les dépenses fiscales rattachées à la mission 569

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC » 570

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 572

1. Des aides à la presse écrites inefficaces ? 572

2. Une relance de l'Agence France Presse difficilement évaluable 573

3. Une maîtrise insuffisante des coûts par France télévisions 574

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

A. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

1. Une exécution conforme à la budgétisation initiale

La mission « Médias, Livre et industries culturelles » du budget général participe à la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du développement et du pluralisme des médias, du secteur du livre et de la lecture, de l'industrie musicale et de la protection des oeuvres sur internet.

Elle est composée de deux programmes :

- le programme 180 « Presse et médias » vise à renforcer la vitalité, le pluralisme et le développement de la presse et des médias, notamment au niveau local (hors audiovisuel public). Le programme 180 représente 48 % des crédits de la mission ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » est dédié à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et à l'élargissement de la diffusion des oeuvres. 52 % des crédits de la mission sont affectés au programme 334.

L'exécution des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » a été conforme à la budgétisation votée en loi de finances initiale pour 2019, confirmant ainsi la tendance observée lors de l'exercice précédent . Les dépenses de la mission s'élèvent à 553,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 576,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP), le taux d'exécution s'établissant respectivement à 97,8 % et 99,5 %.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2019

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés en 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits ouverts 2019

Crédits exécutés 2019

Évolution exécution 2019 / 2018

Taux exécution 2019 / LFI 2019

P. 180 - Presse et médias

AE

263,92

284,05

285,40

277,64

+5,2%

97,7%

CP

279,60

280,05

286,03

281,58

+0,7 %

100,5 %

P. 334 - Livres et industries culturelles

AE

251,51

282,01

278,94

275,86

+9,7%

97,8%

CP

267,80

299,40

296,41

295,04

+10,2 %

98,5 %

TOTAL

AE

515,43

566,05

564,34

553,50

+7,4%

97,8%

CP

547,40

579,45

582,44

576,62

+5,3 %

99,5 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La consommation des crédits de paiement de la mission « Médias, livre et industries culturelles » n'a, cependant, pas respecté la trajectoire définie en loi de programmation pluriannuelle 238 ( * ) . Celle-ci prévoyait un montant de 0,54 milliard d'euros pour l'année 2019. L'exécution a été supérieure à ce montant de 36,6 millions d'euros en CP.

Exécution des crédits de la mission « Culture », hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions » par rapport à la programmation pluriannuelle

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

LPFP

Exécution

540

576,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La budgétisation en 2019 des ressources du Centre national du livre pour 23,7 millions d'euros et le versement d'une aide complémentaire à l'Agence France Presse aux fins de mise en oeuvre du plan stratégique 2018-2022 ( cf infra ) expliquent pour partie cet écart.

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2019

Décrets de virement

Arrêtés de report

Loi de finances rectificative

Total ouvertures et annulations

Crédits ouverts

Exécution 2019

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P180

AE

284,05

2,63

-1,27

1,36

285,40

277,64

-2,26 %

CP

280,05

7,25

-1,27

5,98

286,03

281,58

+0,55%

P334

AE

282,01

0,48

1,39

-4,94

-3,07

278,94

275,86

-2,18 %

CP

299,40

0,48

1,54

-5,01

-2,99

296,41

295,04

-1,46 %

Total mission

AE

566,05

0,48

4,02

-6,21

-1,71

564,34

553,50

-2,22 %

CP

579,45

0,48

8,79

-6,28

+2,99

582,44

576,62

-0,49 %

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La mission ne comporte pas de dépenses de personnel de titre 2 puisque toutes les dépenses de personnel du ministère de la culture sont inscrites dans le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » rattaché à la mission « Culture ».

2. Les opérateurs rattachés à la mission

Quatre opérateurs sont rattachés au programme 334 « Livre et industries culturelles ».

La Bibliothèque nationale de France (BNF), opérateur rattaché à la mission « Médias, livre et industries culturelles » gère directement ses emplois. Les crédits correspondants sont donc inscrits dans la subvention pour charges de service public versée à l'opérateur et correspondent à des crédits de titre 3 du programme 334. Les dépenses de personnel de la BNF s'élèvent à 140,9 millions d'euros en 2019 et représentent ainsi à elles seules 47,8 % des crédits de paiement du programme.

S'agissant de la BNF, le rapporteur spécial relève que, comme l'an dernier, l'intégralité des dépenses d'investissement de la mission (17 millions d'euros en CP) a été consommée au bénéfice du projet de réhabilitation du site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France, le quadrilatère Richelieu. Le coût total du projet est évalué à 240,9 millions d'euros . Le programme « Livre et industries culturelles » prévoit une prise en charge à hauteur de 163 millions d'euros.

Crédits du programme « Livre et industries culturelles » consacrés au financement de la rénovation et de l'aménagement du Quadrilatère Richelieu

(en millions d'euros)

AE

CP

Avant 2019

156,1

119,5

Exécution 2018

0

17

Après 2018

6,9

26,4

Total

163

163

Source : rapport annuel de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles »

La Bibliothèque publique d'information (Bpi) et le Centre national du livre (CNL) sont les deux autres opérateurs financés sur les crédits de la mission. Le CNL était jusqu'à la fin de l'exercice 2018 financé par des taxes affectées. L'érosion du produit de celles-ci et l'imprévisibilité du financement du CNL ont conduit à la budgétisation de ces ressources. La loi de finances pour 2019 prévoyait, à cet effet, une subvention pour charges de service public de 24,52 millions d'euros (AE=CP). Celle-ci n'a été consommée qu'à hauteur de 23,67 millions d'euros. Le CNL a, par ailleurs, respecté le plafond d'emplois notifié par le ministère de la Culture.

Rattaché au programme « Livre et industries culturelles », le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) n'est pas financé sur des crédits budgétaires et bénéficie de l'affectation du produits de taxes, non soumises à un plafond d'affectation :

- la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévisions (TST-D), assise sur les revenus publicitaires ;

- la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ;

- la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA - 21,7 % des recettes attendues par le CNC en 2020).

Le CNC a ainsi perçu 739,21 millions d'euros de taxes affectées en 2019.

Montant des subventions versées aux opérateurs rattachés
au programme 334 « Livres et industries culturelles » en 2018 et en 2019

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Prévision LFI 2019

Exécution 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Bibliothèque nationale de France (BNF)

179,23

179,23

183,97

183,97

182,39

182,39

Bibliothèque publique d'information (Bpi)

6,61

6,61

6,89

6,89

6,61

6,61

Centre national du livre (CNL)

-

-

24,52

24,52

23,67

23,67

Total

185,84

185,84

215,38

215,38

212,67

212,67

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Aucun opérateur n'est rattaché au programme 180 « Presse et médias ».

3. L'absence d'information complète concernant les dépenses fiscales rattachées à la mission

Le rapporteur spécial relève que le rapport annuel de performances 2019 ne précise pas les montants de plusieurs dépenses fiscales rattachées au programme 334 : crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques, crédit d'impôt pour la production phonographique, crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles et crédit d'impôt pour dépenses de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles engagées par des entreprises de production exécutive. En 2018, le montant cumulé de ces quatre crédits d'impôt a atteint 323 millions d'euros, soit 63,4 % du montant total des dépenses fiscales rattachées à la mission.

Cette absence d'information rend difficile toute appréciation de la dynamique de ces dépenses, qui permettent de quasiment doubler l'effort de l'État en faveur des industries culturelles. Le montant cumulé en 2018 - 509 millions d'euros - était, en effet, proche de celui des crédits consommés pour l'ensemble de la mission (547 millions d'euros). Elle rend, en outre, impossible la mission de contrôle de l'exécution des dépenses dévolue au législateur.

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » comprend l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public . Il retrace donc :

- en recettes , le produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et le montant des dégrèvements de CAP pris en charge sur le budget général de l'État. Les frais d'assiette et de recouvrement et le montant des intérêts sur les avances sont déduits ;

- en dépenses , le montant des avances accordées aux organismes de l'audiovisuel public.

Six programmes, correspondant aux différentes sociétés de l'audiovisuel public (France Télévisions, Arte France, Radio France, France Médias Monde, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et TV5 Monde), composent les dépenses du compte de concours financiers.

S'agissant des recettes, l'exercice 2019 a été marqué par une activation du mécanisme de garantie des ressources de l'audiovisuel public . Ce dispositif permet, si l'encaissement de la CAP s'avère inférieur aux prévisions, de compenser cet écart par des crédits budgétaires à due concurrence 239 ( * ) . Le rendement prévu en loi de finances pour 2019 était établi à 3 307,6 millions d'euros, le montant de dégrèvements pris en charge par l'État étant fixé à 552 millions d'euros. Le rendement effectif s'est traduit par un écart de 71,3 millions d'euros avec la cible retenue , l'encaissement de la CAP atteignant 3 236,4 millions d'euros. Le montant des dégrèvements pris en charge par le budget général a, dans ces conditions, été porté à 623,3 millions d'euros.

La loi de finances pour 2019 avait fixé le montant total des dépenses des six programmes du compte de concours financiers à 3,86 milliards d'euros, en diminution de 35 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent.

Évolution du montant des crédits des programmes du compte de concours financiers
« Avances à l'audiovisuel public » de 2015 à 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Pour chacun des programmes, l'exécution est conforme à la prévision de dépenses adoptée en loi de finances initiale.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des aides à la presse écrites inefficaces ?

L'indicateur 3.2 « Part de l'aide publique globale accordée à la presse d'information politique et générale (IPG) » révèle qu'en 2019 l'intervention de l'État s'est concentrée, en matière d'aides à la presse, à 99 % sur la presse IPG, contre 95,2 % initialement prévus, donnant l'impression d'un secteur sous assistance respiratoire.

Le rapporteur spécial s'interroge sur l'efficacité de cette intervention au regard des résultats de l'indicateur (2.1.1) visant la diffusion de la presse écrite IPG (quotidiens et hebdomadaires payants et gratuits, nationaux et locaux), censé concourir à la réalisation de l'objectif 2 « Veiller au maintien du pluralisme de la presse ». Cet indicateur est mesuré en indice et sur une base 100 en 2007, soit à la veille de la crise de 2008, pour apporter une parfaite lisibilité des évolutions de la presse IPG. Le projet annuel de performances 2019 tablait sur un indice établi à 77,8. Celui-ci n'a finalement atteint que 70, reflétant la baisse de la diffusion (-3 % pour la presse payante au cours des deux dernières années).

Il semble pertinent de mettre en perspective ce résultat décevant avec deux autres indicateurs : celui (2.1.2) du nombre total de visites des sites d'actualité /information généraliste (18,25 milliards de visites en 2019 contre 18 milliards initialement prévues et 17,62 milliards en 2018) et celui (3.1) visant l'effet de levier de l'aide à l'investissement du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) qui dépasse les perspectives initiales (le ratio entre le montant total des projets soutenus et le montant des aides attribuées pour soutenir ces projets atteint 4,4 % en 2019 contre 3,6 % initialement prévus et 2,7 % en 2018).

Ces deux indicateurs tendent à traduire la mutation du paysage de l'information en France. Or le soutien à la modernisation ne représente que 11,6 % des crédits consommés en 2019. Le fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP) doté de 5 millions d'euros en LFI n'a consommé que 2,46 millions d'euros en CP. Le FDSP a pour sa part financé 115 projets en 2019, consommant 9,25 millions d'euros en CP. Il convient cependant de relever que 9 millions d'euros initialement dédiés au FDSP en LFI ont été affectés au financement de Presstalis, sans pour autant qu'une solution pérenne n'ait pu être trouvée pour l'avenir de cette coopérative. 5,38 millions d'euros non consommés au titre du FSDP ont été redéployés au profit de l'Agence France Presse.

Au regard de ces éléments, le rapporteur spécial ne peut que regretter que les subventions accordées ne favorisent pas davantage l'appui à la transformation du secteur afin de mieux prendre en compte de nouvelles habitudes de lecture . Ces aides perpétuent un soutien traditionnel au secteur, sans réflexion à moyen terme et laissant peu de marge de manoeuvres à une nécessaire modernisation. Elles ne peuvent que susciter une certaine réserve quant à l'efficacité de la dépense publique et prêter le flanc aux critiques des nouveaux acteurs des médias qui dénoncent un maintien sous assistance respiratoire d'entreprises traditionnelles de presse dépassées par les nouveaux enjeux.

Les enjeux financiers pour l'État dépassent d'ailleurs le programme 180. Le rapporteur spécial rappelle en effet que le montant des aides à la presse écrite inscrit dans le programme 180 ne reflète qu'imparfaitement le soutien de l'État au secteur. Ainsi, les crédits consacrés aux aides à la presse n'intègrent pas l'aide au transport postal rattachée au programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ». Cette aide a atteint 103,8 millions d'euros en 2019, soit un montant supérieur aux aides directes inscrites au programme 180 (100,8 millions d'euros en 2019). L'aide au transport postal ne saurait occulter, par ailleurs, le déficit résiduel du compte presse de La Poste, établi à environ 170 millions d'euros. Les dispositifs fiscaux et sociaux dédiés à la presse - 304 millions d'euros en 2019 240 ( * ) - viennent compléter ces crédits budgétaires.

2. Une relance de l'Agence France Presse difficilement évaluable

Le soutien à l'Agence France Presse (AFP) constitue le premier poste de dépenses du programme 180. 2019 a constitué la première année pleine d'application du plan stratégique 2018-2022 présenté le 12 juillet 2018. Ce plan vise à répondre au déséquilibre structurel de l'Agence, fragilisée par une baisse de ses recettes commerciales de 3,8 % sur la période 2014-2017 alors même que ses dépenses de personnel (76 % des charges de l'AFP), ont progressé de 3,7 % sur la même période.

Ce plan repose sur deux axes principaux au plan commercial : développement massif de la vidéo (progression attendue du chiffre d'affaires de 23 millions d'euros d'ici 2023) et mise en avant d'une activité de vérification de l'information (augmentation attendue du chiffre d'affaires de 4,5 millions d'euros). Cette ambition commerciale est accompagnée d'une réduction des charges importante , visant particulièrement la masse salariale : 14 millions d'euros d'économies sont attendues d'ici à 2023, avec la suppression nette de 95 postes (23 journalistes et 72 personnels techniques et administratifs).

La dotation globale prévue en loi de finances pour 2019 était initialement établie à 133,48 millions d'euros en CP 241 ( * ) . Afin d'accompagner la mise en place du plan stratégique, 11 millions d'euros supplémentaires ont été versés à l'Agence en 2019 (reliquats de fin de gestion de 2018 et dégel de crédits fin 2019) .

Ce soutien semble porter ses fruits. Une partie de la stratégie commerciale développée par l'Agence a répondu aux attentes en 2019 , une croissance de la vente de contenus vidéo de 9,1 % par rapport à 2018 étant enregistrée, le chiffre d'affaires atteignant 19,4 millions d'euros. L'ambition de faire de l'AFP, au plan mondial, une véritable alternative à Reuters ou Associated press (AP) reste quant à elle plus limitée. La croissance du chiffre d'affaires dans les régions hors Europe est ainsi moins élevée en 2019 qu'en 2018 : 1,2 % contre 4,9 %.

Le rapporteur spécial regrette cependant qu'aucun élément n'ait été transmis au Parlement s'agissant de l'activité de vérification de l'information. Le rapport annuel de performances ne fait pas non plus état des résultats obtenus en matière de réduction des charges.

3. Une maîtrise insuffisante des coûts par France télévisions

Comme en 2018, l'exercice 2019 a constitué une année de transition, dans la mesure où les grandes lignes de la réforme du secteur présentées en septembre dernier par le ministre de la culture n'ont toujours pas eu de traduction législative. La réforme annoncée semble aujourd'hui remise à une date ultérieure en raison de la crise sanitaire.

Le projet présenté ne constituait pas pour autant une révolution pour le financement de l'audiovisuel public, son périmètre et l'utilisation les moyens qui lui sont alloués. L'ambition en la matière semble se résumer au respect de la trajectoire pluriannuelle adoptée juillet 2018 et devant conduire à 190 millions d'euros d'économies à l'horizon 2022, dont 160 millions d'euros pour France télévisions et à la baisse symbolique de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) d'un euro adoptée à l'occasion de l'examen de la loi de finances pour 2020.

Le rapporteur spécial rappelle, à ce titre, que si la baisse de la CAP doit constituer un objectif, elle doit être précédée d'une véritable réflexion sur le périmètre de l'audiovisuel public et ses missions et être corrélée à un travail de fond sur son assiette, dans un contexte marqué par la suppression de la taxe d'habitation, sur laquelle elle est assise, à l'horizon 2022.

France Télévisions a enregistré une diminution du concours de l'État de 26 millions d'euros en 2019. La trajectoire d'économies demandée par le Gouvernement devait conduire, en 2020, à la transformation de France 4 et France Ô en chaînes non linéaires. Celle-ci apparait remise en cause s'agissant de la première, compte tenu du succès des programmes mis en place depuis mars 2020 afin de compléter l'offre éducative en ligne pendant la période de confinement. La source d'économie apparaissait cependant relative.

La non-suppression de France 4 en raison de sa réussite amène cependant une nouvelle fois à s'interroger sur le périmètre du service public. Celui-ci est loué pour sa capacité à produire des émissions dédiées à la connaissance et non pour son aptitude à répondre à la concurrence, via un programme d'acquisition de films ou de jeux. L'achat par France Télévisions de séries ou films américains a ainsi représenté 57,8 millions d'euros en 2018. Cette course à l'audience rend impossible toute maîtrise des coûts de production comme en témoigne l'incapacité pour France télévisions de réduire le coût de sa grille. Le budget 2019 du groupe prévoyait une somme y afférent de 2,094 milliards d'euros, soit 15 millions d'euros de moins qu'en 2018 (2,109 milliards d'euros). L'exécution 2019 fait apparaître un écart de 8,4 millions d'euros avec la prévision initiale, le coût de la grille atteignant 2,103 milliards d'euros.

Le rapporteur spécial rappelle que seul le recentrage de France Télévisions sur la promotion de la culture et l'accès à la connaissance devrait permettre de générer davantage d'économies concernant le coût de la grille. Un tel recentrage pourrait également avoir pour conséquence une meilleure maîtrise des coûts de personnel. Les charges en la matière ne sauraient absorber à elles seules la trajectoire de réduction des dépenses voulue par le Gouvernement. Elles constituent cependant un poste évident d'économie. Force est de constater que là encore la diminution annoncée n'est pas au rendez-vous. Le budget 2019 du groupe tablait sur une masse salariale établie à 889 millions d'euros (hors indemnités, coûts liés aux litiges et suppléments de cachets). Elle s'élève in fine à 902,4 millions d'euros, soit un écart de 13,4 millions d'euros (+ 1,5 %) avec la cible retenue, enregistrant même une progression de 2,9 millions d'euros par rapport à 2018. Cette progression suscite d'autant plus d'interrogations que l'effectif moyen atteint 9 455,8 ETP à fin décembre pour un effectif annuel moyen prévu de 9 470,4 ETP, soit une économie de 14,6 ETP. Les effectifs ont en outre diminué de 162,4 ETP par rapport à 2018.

MISSION « OUTRE-MER »

mm. nuihau laurey et georges patient,
rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 579

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 583

1. La promesse gouvernementale d'une transformation de dépenses fiscales en dépenses budgétaires en 2019 n'a pas été tenue 583

2. Pour la deuxième année consécutive, une sous-exécution des dépenses relatives au logement, malgré des besoins toujours prégnants 586

3. Une première année de mise en oeuvre de la réforme des exonérations de charges sociales marquée par une importante sous-consommation, traduisant la nécessité de fiabiliser les prévisions de dépenses et de stabiliser ce dispositif 587

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

La mission « Outre-mer » regroupe une partie des moyens budgétaires alloués aux territoires ultramarins :

- le programme 138 « Emploi outre-mer » porte les crédits relatifs au soutien aux économies ultramarines, à travers notamment des exonérations spécifiques de charges sociales et des actions en faveur de l'insertion et de la qualification professionnelle des jeunes ultramarins ;

- le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » porte principalement les crédits en faveur du logement social et du soutien aux collectivités dans leur politique d'investissements structurants.

Elle ne permet toutefois pas d'appréhender globalement la politique de l'État en faveur des outre-mer.

Selon le document de politique transversale outre-mer 242 ( * ) , le montant des autorisations d'engagement (AE), qui mesure l'effort budgétaire et financier total (dépenses de personnel, de fonctionnement, d'investissement et d'intervention) consacré par l'État (toutes missions confondues) aux territoires d'outre-mer, s'élève à 17 milliards d'euros en 2019. La mission « Outre-mer » concentre 11 % de l'effort budgétaire de l'État en faveur de ces territoires.

Par rapport à l'année précédente, les crédits consommés augmentent de 12,1 % en AE et de 13,9 % en CP, alors que la loi de finances pour 2019 prévoyait une augmentation des crédits de 26,5 % en AE et de 24,6 % en CP.

Les crédits font ainsi l'objet d'une sous-consommation, qui s'élève à 192,5 millions d'euros en AE et à 185,6 millions d'euros en CP, soit une consommation inférieure de 7,2 % à la prévision en AE comme en CP.

La sous-exécution des crédits 2019 reste cependant inférieure à celle, massive, de 2018.

Évolution des crédits de la mission « Outre-mer » en 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

2018

2019

Exécution / prévision 2019

Exécution

2019 / 2018

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

138 - Emploi outre-mer

AE

1 323,0

1 433,3

+ 8,3 %

1 797,2

1 703,6

- 93,6

- 5,2 %

+ 270,2

+ 18,9 %

CP

1 349,7

1 430,0

+ 6,0 %

1 800,5

1 699,6

- 100,8

- 5,6 %

+ 269,6

+ 18,9 %

123 - Conditions de vie outre-mer

AE

796,8

784,2

- 1,6 %

880,8

782,0

- 98,9

- 11,2 %

- 2,2

- 0,3 %

CP

733,6

683,5

- 6,8 %

791,9

707,1

- 84,8

- 10,7 %

+ 23,6

+ 3,4 %

Total mission

AE

2 119,7

2 217,5

+ 4,6 %

2 678,0

2 485,5

- 192,5

- 7,2 %

+ 268,0

+ 12,1 %

CP

2 083,2

2 113,5

+ 1,5 %

2 592,3

2 406,7

- 185,6

- 7,2 %

+ 293,2

+ 13,9 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est marqué par une forte sous-exécution , à hauteur de 11,2 % en AE et 10,7 % en CP . Le programme 138 « Emploi outre-mer », constitué principalement de dépenses non-manoeuvrables, est également en sous-exécution de plus de 5 % en AE et en CP.

Évolution des crédits de la mission « Outre-mer » en 2019 par programme

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La sous-exécution, principalement due aux dépenses liées à la compensation aux organismes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales spécifiques aux outre-mer, a été anticipée et a conduit à un surgel et une annulation de crédits en loi de finances rectificative de plus de 176 millions d'euros en CP.

Mouvements intervenus en cours de gestion sur l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Programme 123

Programme 138

Total mission

AE

CP

AE

CP

AE

CP

PLF

888,11

799,16

1 688,26

1 691,54

2 576,37

2 490,70

LFI

880,58

791,63

1 780,78

1 784,06

2 661,37

2 575,70

LFR

-51,48

-73,78

-99,67

-102,29

-151,15

-176,07

Autres mouvements de crédits

49,94

64,52

24,13

29,4

74,07

93,92

Reports

60,31

74,09

24,13

29,4

84,44

103,48

Virements

Transferts

-10,37

-9,57

-10,37

-9,57

Fonds de concours et attributions de produits

0,24

0,24

21,75

21,75

21,35

21,35

Total des crédits ouverts

879,28

782,61

1 726,99

1 732,92

2 606,27

2 515,53

Réserve en fin de gestion = réserve - utilisation

0

60

0

60

Crédits disponibles

879,28

722,61

1 726,35

1 732,28

2 605,63

2 454,89

Crédits consommés

781,96

707,08

1 703,56

1 699,62

2 485,52

2 406,70

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. La promesse gouvernementale d'une transformation de dépenses fiscales en dépenses budgétaires en 2019 n'a pas été tenue

L'exercice 2019 est marqué par la promesse du Gouvernement, qui s'était engagé à « convertir » deux dépenses fiscales, la TVA non perçue récupérable (NPR) et une partie de la réduction d'impôt dont bénéficient les contribuables domiciliés dans les départements d'outre-mer, en dépenses budgétaires, considérées comme plus « pilotables ».

Les deux dépenses fiscales supprimée ou modifiées
par la loi de finances pour 2019

La TVA non perçue récupérable (TVA NPR), qui représentait une dépense fiscale annuelle de 100 millions d'euros, a été supprimée 243 ( * ) . Les rapporteurs spéciaux, qui avaient relevé que cette dernière était jugée opaque, non ciblée, difficile à contrôler et à chiffrer sans qu'aucun impact réel sur les prix ou sur l'économie ultramarine ne puisse être établi, ne s'étaient pas opposés à cette suppression ;

La réduction d'impôt sur le revenu applicable aux contribuables domiciliés dans les départements d'outre-mer, a vu ses plafonds abaissés 244 ( * ) . Les rapporteurs spéciaux avaient à cet égard estimé que l'efficacité de cette dépense fiscale était sujette à caution, et que ses effets étaient concentrés sur les hauts revenus, en contradiction avec la finalité de l'impôt sur le revenu et ne s'étaient donc pas opposés à son recentrage 245 ( * ) .

Source : commission des finances

Aussi, en contrepartie de la suppression du mécanisme de la TVA NPR, le Gouvernement avait prévu de mobiliser l'équivalent de cette dépense fiscale en dépense budgétaire, soit 100 millions d'euros, afin de favoriser le développement économique des territoires rassemblés principalement dans la nouvelle action 04 « Financement de l'économie » du programme 138 « Emploi outre-mer ».

Cette promesse est tenue en apparence puisque les crédits de cette nouvelle action, dont l'exécution s'est élevée à 42 millions d'euros en AE, présentent une sur-exécution de plus de 78 %.

Exécution de l'action n°04 « Financement de l'économie » en 2019

(en millions d'euros, en AE)


Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette conclusion est toutefois trompeuse, puisque cette surconsommation s'explique par le fait que la sous-exécution des dépenses d'exonérations de charges sociales (cf. infra ) a permis au directeur général des outre-mer (DGOM) de modifier la répartition entre lignes budgétaires et d'assurer le versement en anticipation du volet 2020 du prêt de développement outre-mer (PTDOM). Les taux d'exécution de cette action s'élevaient à 0 % en AE et 2 % en CP au 30 avril 2019 246 ( * ) , démontrant qu'une sous-exécution aurait pu se produire en l'absence de redéploiement interne lié à la sous-exécution structurelle de la mission et de versement anticipé du PTDOM .

De même, le gain budgétaire dégagé par l'abaissement de la réduction d'impôt sur le revenu, de l'ordre de 70 millions d'euros, devait être dédié à l'abondement supplémentaire du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), dont les crédits devaient être maintenus à 65 millions d'euros 247 ( * ) en CP et 110 millions d'euros en AE sur la durée du quinquennat.

Les rapporteurs spéciaux avaient indiqué que si cette volonté de rationalisation des dépenses fiscales était bienvenue, elle devait être accueillie avec une extrême prudence 248 ( * ) . Si le caractère pilotable des dépenses budgétaires permet un meilleur ciblage que la dépense fiscale, il n'offre aucune garantie quant à leur pérennité. Cette question se posait, par ailleurs, avec une prégnance particulière pour le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), qui avait déjà fait l'objet, par le passé, de promesses d'abondement qui n'ont pas été honorées, ou de sous-exécutions importantes, comme en 2018 249 ( * ) .

Malgré l'engagement du Gouvernement, l'année 2019 ne fait pas exception à cette règle. Le FEI fait l'objet d'une sous-consommation élevée, puisque les montants exécutés sont inférieurs de 26,8 % en AE et de 27,2% en CP à ceux prévus.

Évolution des crédits du fonds exceptionnel d'investissement

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au total, les rapporteurs spéciaux regrettent que les craintes qu'ils avaient exprimées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 se soient révélées pleinement fondées. Ils constatent que la suppression de la TVA NPR et l'abaissement de l'exonération d'impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables des DOM ne se sont pas pleinement transformées en dépenses budgétaires de niveau équivalent, entrainant une perte financière nette pour les outre-mer.

2. Pour la deuxième année consécutive, une sous-exécution des dépenses relatives au logement, malgré des besoins toujours prégnants

Le taux de consommation de la ligne budgétaire unique, qui concentre l'ensemble des crédits de la mission destinés au logement est, comme l'année dernière, particulièrement faible, puisque les crédits consommés sont inférieurs aux crédits prévus de 33,5 % en AE et de 21,8 % en CP . Cette sous-exécution se produit alors même que les crédits prévus pour le logement par la loi de finances pour 2019 étaient en diminution par rapport à ceux prévus pour 2018.

Évolution des crédits de l'action n°01 « Logement » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le Gouvernement indique que cette sous-exécution résulte de la faiblesse des engagements en Guadeloupe et à la Réunion.

Ainsi, les dépenses engagées en faveur du logement n'ont jamais été aussi basses en AE (148 millions d'euros en 2019). Cette évolution est regrettable, alors même que les besoins restent particulièrement importants . Les rapporteurs spéciaux rappellent ainsi que le nombre de demandeurs de logements sociaux s'élève à 62 699, et les besoins s'élèvent à 21 500 logements neufs par an (dont plus de la moitié en logements sociaux et en accession). Cette problématique est particulièrement prégnante pour certains territoires ultramarins, comme la Guyane ou encore Mayotte, qui fait face à d'importants flux migratoires, et dont l'insalubrité des logements est de plus en plus alarmante.

Cette baisse des crédits consommés est d'autant plus préoccupante qu'elle se conjugue avec les dispositions fiscales entrées en vigueur en 2019 et restreignant à nouveau les dispositifs fiscaux en faveur du logement outre-mer 250 ( * ) . La suppression de la réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements dans le logement locatif social dans les départements d'outre-mer 251 ( * ) à compter de 2019 devrait en effet entrainer une baisse de la construction de logements sociaux. Cette suppression ne devrait pas être pleinement compensée par la montée en puissance des crédits d'impôt faute, notamment, de mécanismes de préfinancement suffisamment efficaces.

3. Une première année de mise en oeuvre de la réforme des exonérations de charges sociales marquée par une importante sous-consommation, traduisant la nécessité de fiabiliser les prévisions de dépenses et de stabiliser ce dispositif

La compensation par l'État des exonérations de charges sociales dont bénéficient les départements d'outre-mer aux organismes de sécurité sociale constitue le poste de dépenses le plus important de la mission (et plus de 80 % des AE et CP du programme 138 « Emploi outre-mer ») et représente à ce titre un enjeu majeur.

Cette politique publique fait l'objet, depuis sept ans, d'une démarche de rationalisation visant à la rendre plus efficiente. La loi de finances pour 2014 et la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 ont ainsi abaissé les niveaux de salaires concernés par les exonérations de charges patronales afin de recentrer l'application de celles-ci sur les bas et moyens salaires , compte tenu de l'importance plus grande que joue, à ce niveau, le facteur du coût du travail sur l'emploi.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 a poursuivi ces recentrages, cette fois, sur le dispositif d'exonérations applicables aux cotisations dont les travailleurs indépendants sont redevables, ce qui devait entraîner une économie nette de 30 millions d'euros par an .

En 2019, le dispositif d'allègements et d'exonération de charges patronales de sécurité sociale spécifiques aux outre-mer a été modifié afin de répondre entièrement aux dispositions de l'article 86 de la loi de finances initiale pour 2018 252 ( * ) qui acte la suppression du CICE au 1 er janvier 2019 et sa compensation par un renforcement des exonérations de charges patronales.

Cette réforme avait entrainé une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations de charges. En exécution, elles connaissent une sous-consommation de 115 millions d'euros en AE et en CP, soit 7,6 % en deçà de la prévision.

Évolution des crédits du fonds exceptionnel d'investissement

(en millions d'euros, en AE/CP)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Selon le Gouvernement, cette sous-exécution est liée à une prévision plus faible qu'anticipée, de la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations patronales. À cet égard, la Cour des comptes indique que « si les données produites par l'Acoss mettent plus en valeur que par le passé les sous-jacents des prévisions réalisées, permettant ainsi un dialogue plus apaisé autour des montants des compensations, l'absence de communication des données brutes au RPROG et à la direction du budget prive ces derniers de tout moyen de contre-expertise ». Les rapporteurs spéciaux souhaitent que l'ensemble des données permettant de fiabiliser les prévisions de dépenses d'exonérations de charges sociales, qui constituent le principal levier de sincérisation de l'ensemble de la mission, soient transmises à l'État. Par ailleurs, ils relèvent que l'instabilité dont ce dispositif fait l'objet depuis plus de sept ans nuit à la prévisibilité des dépenses et souhaitent donc qu'il soit stabilisé.

CAS « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT »

m. victorin lurel, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 591

1. Une comparaison de l'exécution à la prévision impossible 591

2. Des recettes en légère hausse en 2019, dont les deux tiers proviennent de la privatisation de la Française des jeux 592

3. Des dividendes qui poursuivent leur baisse en 2019, avant une très forte diminution attendue en 2020 592

4. Des dépenses réduites à un montant très faible en 2019 593

5. Un solde du compte fortement excédentaire en 2019 en raison d'un décalage de trésorerie 594

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 596

1. Une performance dégradée du portefeuille coté de l'État actionnaire en 2019, à rebours des sommets atteints par les marchés actions 596

2. La privatisation de la Française des jeux : un succès populaire à nuancer, mais une « poule aux oeufs d'or » pour les commissionnaires de l'État actionnaire 597

3. Le fonds pour l'innovation et l'industrie : le maquillage effacé, la réalité d'un mécanisme inutile se dévoile 598

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

1. Une comparaison de l'exécution à la prévision impossible

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » constitue le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire , via l'Agence des participations de l'État (APE).

Ses caractéristiques sont les suivantes :

- en recettes, il retrace à titre principal les produits des cessions de participations conduites par l'État actionnaire ;

- en dépenses, il a pour objet de financer de nouvelles prises de participation 253 ( * ) et de contribuer au désendettement de l'État 254 ( * ) .

Pour des raisons de confidentialité et d'opportunité parfaitement compréhensibles, le Gouvernement refuse toutefois de s'engager sur un montant de cessions pour l'année à venir. Comme chaque année, le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019 indiquait ainsi que « pour des raisons de confidentialité, inhérentes notamment à la réalisation de cessions de titres de sociétés cotées, il n'est pas possible au stade de l'élaboration du projet de loi de finances de détailler la nature des cessions envisagées. La stratégie de cession dépend en effet très largement de la situation des marchés, très difficile à anticiper, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement. Dans ce contexte, le responsable du programme évalue les opportunités, en ligne avec les lignes directrices de l'État actionnaire, et peut proposer au ministre de réaliser une opération ».

De ce fait, le compte spécial présente une particularité : de façon traditionnelle, la prévision de la loi de finances initiale est définie à l'équilibre, avec un montant équivalent de recettes et de dépenses, fixé conventionnellement à cinq milliards d'euros.

À cet égard, la loi de finances pour 2019 a dérogé à la convention : si le compte était bien proposé à l'équilibre, les montants inscrits ont été portés à 10 milliards d'euros en recettes comme en dépenses. Ce doublement procède d'une démarche conventionnelle 255 ( * ) pour tenir compte des privatisations envisagées et de l'utilisation des recettes afin de compléter la dotation en numéraire du fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).

De fait, cette spécificité rend peu pertinente la comparaison de l'exécution à la prévision.

2. Des recettes en légère hausse en 2019, dont les deux tiers proviennent de la privatisation de la Française des jeux

Pour l'exercice 2019, le total des recettes s'élève à 2,8 milliards d'euros, un montant légèrement supérieur à celui enregistré en 2018 , comme le détaille le tableau ci-après.

Parmi ces recettes, plus des deux tiers résultent de la cession au secteur privé de 50 % du capital de la Française des jeux , pour un montant de 1,89 milliard d'euros .

Par rapport au choix du Gouvernement de doubler les montants inscrits en prévision, la stabilité relative des recettes constatées s'explique par la suspension du projet de privatisation d'Aéroports de Paris dans le cadre du dépôt, en application de l'article 11 de la Constitution, de la proposition de loi présentée le 10 avril 2019 et cosignée par 248 députés afin d'affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aéroports de Paris.

Évolution des recettes du compte spécial entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

2018

2019

Cessions

1 433,8

1 989,6

Reversement de produits

21,0

37,4

Reversement de dotations en capital

84,3

395,8

Remboursement de créances rattachées à des participations financières

220,0

0

Autres remboursements de créances

91,8

29,5

Versements du budget de l'État

760,8

362,8

Total

2 611,7

2 815,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

3. Des dividendes qui poursuivent leur baisse en 2019, avant une très forte diminution attendue en 2020

Le montant des dividendes versés s'établit à 2,3 milliards d'euros en 2019, un montant légèrement inférieur aux 2,4 milliards d'euros perçus en 2018.

Ce montant confirme le caractère structurel de la forte diminution du montant des dividendes perçus par l'État observée depuis une décennie. Comme le détaille le tableau ci-après, un recul de près de 70 % est enregistré depuis 2008.

Évolution des dividendes versés depuis 2008

(en milliards d'euros)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Dividendes en numéraire

5,6

3,3

4,3

4,4

3,2

4,2

4,1

3

1,8

1,5

1,8

1,7

Dividendes en actions

-

2,2

0,1

-

1,4

0,2

-

0,9

1,7

1,3

0,6

0,6

Total

5,6

5,5

4,4

4,4

4,6

4,4

4,1

3,9

3,5

2,8

2,4

2,3

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ce montant devrait être quasi-nul en 2020 à la suite de la décision du Gouvernement de demander aux sociétés dont il est actionnaire de ne pas verser de dividendes au cours de cette année.

4. Des dépenses réduites à un montant très faible en 2019

Le montant des dépenses s'élève à 1,12 milliard d'euros au titre de l'année 2019 , soit 20 % des dépenses moyennes constatées au cours des trois dernières années.

Aucune opération d'envergure n'a été financée par le compte en 2019, comme le détaille la liste des dépenses figurant dans le tableau ci-après.

Parmi ces dépenses, l'achat de titres EDF auprès de l'EPIC Bpifrance doit être noté : les 120,7 millions d'euros décaissés depuis le compte correspondent à l'acquisition auprès du fonds pour l'innovation et l'industrie des dividendes en titres perçus au titre des actions EDF que l'État lui a confiés et ainsi lui permettre de disposer des ressources prévues.

Ainsi que le relève la Cour des comptes 256 ( * ) , cette opération a conduit l'État à acquitter près de 190 000 euros de taxe sur les transactions financières pour préserver l'effectivité d'un mécanisme de débudgétisation , sans plus-value par rapport à un dispositif budgétaire (cf. infra ).

Dépenses du compte spécial en 2019

(en millions d'euros)

Dépenses

Augmentations de capital

704,7

dont...

Périmètre APE

Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies

116,1

Imprimerie nationale

114,0

Société pour le logement intermédiaire (SLI)

91,1

Radio France

27,5

Hors APE

Banques multilatérales de développement

175,7

PIA3

150

Achats ou souscriptions de titres

192,5

dont...

EDF (auprès de l'EPIC Bpifrance)

120,7

Air France (obligations à option de conversion et/ou d'échange en actions nouvelles ou existantes - OCEANE)

71,5

Autres

210,0

Prestations de services

15

Désendettement de l'État

0

Total

1 122,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

5. Un solde du compte fortement excédentaire en 2019 en raison d'un décalage de trésorerie

Au total, la différence entre les dépenses et les recettes fait apparaître un solde fortement excédentaire (1 693 million d'euros), contrairement au fort déficit constaté en 2018 (- 1 380 million d'euros).

Solde des exercices 2018 et 2019

(en millions d'euros)

2018

2019

Recettes

2 611,7

2 815,1

Dépenses

3 992,0

1 122,1

Solde de l'exercice

- 1 380,2

1 693

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Compte tenu des excédents précédemment enregistrés, le solde cumulé du compte spécial faisant l'objet d'un report en fin d'exercice s'élève à plus de 3,2 milliards d'euros.

Évolution du solde cumulé du compte depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Comme l'illustre le graphique ci-avant, ce montant correspond davantage à la trésorerie traditionnelle du compte depuis 2013 , indispensable pour préserver les marges de manoeuvre du compte et permettre à l'État actionnaire de faire face à d'éventuels imprévus, comme l'illustre malheureusement la situation actuelle.

Toutefois, ce retour à un niveau prudentiel résulte davantage d'une contingence comptable que d'une réelle stratégie de la part du Gouvernement. Les recettes de la privatisation de la Française des jeux ayant été encaissées tardivement à la fin de l'année 2019, le versement au fonds pour l'innovation et l'industrie n'a pas pu intervenir au cours de l'exercice.

C'est ce que rappelle la Cour des comptes, en soulignant que « le solde 2018 comprenait le produit de la cession de 2,35 % du capital de Safran intervenue en octobre 2018 (1,24 milliard d'euros) et qui était elle aussi destinée à alimenter le fonds pour l'innovation et l'industrie » 257 ( * ) . Ces retards confirment la complexité du mécanisme mis en oeuvre et de sa dotation hybride, le Gouvernement privilégiant de limiter les étapes de versement en numéraire.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une performance dégradée du portefeuille coté de l'État actionnaire en 2019, à rebours des sommets atteints par les marchés actions

L'année 2019 a été marquée par une progression de grande ampleur des marchés actions , l'indice parisien CAC 40 s'étant apprécié de 27 % en un an.

Pour l'État actionnaire, la performance de son portefeuille coté a cependant connu une dynamique inverse , expliquée en particulier par les contre-performances d'EDF et de Renault. C'est ce qui explique l'écart important constaté entre le taux de rendement du portefeuille coté de l'État actionnaire, de - 0,9 %, et le rendement brut du CAC 40 en 2019 258 ( * ) , de 31,7 %.

C'est donc dans une situation moins favorable que le portefeuille de l'État actionnaire a abordé la crise sanitaire du Covid-19 et les conséquences économiques qui en résultent. Comme le rapporteur spécial l'a souligné dans la note de suivi du compte spécial publiée le 14 avril dernier, les secousses boursières liées au Covid-19 se sont traduites par un décrochage plus marqué du portefeuille coté de l'État actionnaire de 15 points environ par rapport aux indices parisiens CAC 40 et SBF 120 259 ( * ) .

Pour faire face à cette situation, le Gouvernement a obtenu du Parlement une ouverture de 20 milliards d'euros de crédits supplémentaires sur le compte à l'occasion de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 260 ( * ) , portant la trésorerie du compte à plus de 23 milliards d'euros . Une première utilisation de ces crédits a été effectuée début mai pour consentir un prêt d'actionnaire à Air France pour un montant de 3 milliards d'euros 261 ( * ) .

2. La privatisation de la Française des jeux : un succès populaire à nuancer, mais une « poule aux oeufs d'or » pour les commissionnaires de l'État actionnaire

Entre le 22 novembre et le 19 décembre 2019, l'État a cédé plus de la moitié du capital de la Française des jeux , pour une recette brute totale de 1,89 milliard d'euros .

À cette occasion, le Gouvernement s'est félicité du succès populaire de l'opération , dans le cadre de l'objectif plus global qu'il porte de réorienter l'épargne des Français.

Certes, la souscription a rencontré un succès indéniable , particulièrement marqué pour les investisseurs institutionnels, mais également notable pour les particuliers, dont la demande s'est élevée à 1,6 milliard d'euros. Pour y répondre, le Gouvernement a privilégié de servir l'intégralité des ordres dans la limite de 2 000 euros.

Cependant, comme le suggère la Cour des comptes 262 ( * ) , l'ampleur de ce succès doit sans nul doute être nuancée à deux égards :

- pour le nombre de particuliers impliqués d'une part, puisque ce sont 500 000 personnes physiques qui ont demandé à devenir actionnaires de la Française des jeux, ce qui « situe l'opération Française des jeux dans la fourchette basse des opérations de privatisation conduites auparavant, jusque dans les années 2000 [...], les particuliers investisseurs étaient dix fois plus nombreux lors de la privatisation partielle d'EDF en octobre-novembre 2005 » 263 ( * ) , a fortiori étant donné que ce chiffre inclue les revendeurs détaillants du réseau et les salariés du groupe ;

- pour l'arrivée de nouveaux investisseurs en bourse d'autre part, dans la mesure où le Gouvernement ne précise pas la part des petits porteurs ayant effectué leur premier investissement sur les marchés à cette occasion.

Parallèlement, le montant perçu par l'État au titre de cette privatisation doit être amputé de près de 15 millions d'euros de frais de commissions versées aux conseils de l'Agence des participations de l'État dans la conduite de cette opération. Le taux de commissionnement de l'opération atteint ainsi 0,78 % , soit un niveau inédit et largement supérieur aux commissions versées au titre des opérations précédentes, comme le détaille le graphique ci-après.

Cette forte hausse des commissions versées par l'État à ses conseils renforce la conviction du rapporteur spécial sur le manque d'informations de la représentation nationale sur les conditions de mise en oeuvre des opérations de cession. Certes, l'opération se distingue des précédentes par son ampleur, sans qu'un comparable récent ne puisse être identifié, ce qui reflète la portée relative de la maquette de performances . Il est donc indispensable que le Gouvernement détaille les conditions financières du recours à des conseils tiers à l'occasion de la privatisation de la Française des jeux.

De surcroît, d'autres coûts doivent être pris en compte pour apprécier l'intérêt patrimonial de la cession.

La Cour des comptes déplore ainsi que « l'imputation depuis 2018 des divers frais (hors commissions financières) liés aux opérations patrimoniales (conseils, communication auprès du grand public...) au titre des « marchés de prestations intellectuelles de l'APE » sur l'action 1 du programme 305 « Stratégie économique et fiscale » de la mission « Économie » ne permet pas de retracer l'ensemble des coûts mobilisés par les équipes de l'Agence des participations de l'État pour mener à son terme l'opération Française des jeux » 264 ( * ) .

Évolution du taux des commissions versées
par l'État à ses conseils depuis 2016

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires et de la Cour des comptes.

3. Le fonds pour l'innovation et l'industrie : le maquillage effacé, la réalité d'un mécanisme inutile se dévoile

Depuis 2017, le Gouvernement s'est engagé dans une politique active de cessions du portefeuille de l'État actionnaire. Cette démarche répondait à l'objectif de réorienter les capitaux disponibles au service du financement de l'innovation dite « de rupture ». À cet effet, le fonds pour l'innovation et l'industrie , créé par voie réglementaire, devait recevoir une dotation de 10 milliards d'euros à partir du produit tiré des cessions, dont le produit annuel devait servir à financer le soutien à l'innovation.

Dans l'attente de la réalisation des cessions, le fonds a reçu une dotation transitoire et hybride, composée de 1,8 milliard d'euros en numéraire et de titres EDF et Thalès confiés par l'État.

Le rapporteur spécial a déjà eu l'occasion de détailler et de justifier son opposition à ce projet, pour lequel la communication moderniste du Gouvernement ne suffit guère à occulter l'inutile complexité et la débudgétisation du mécanisme.

Plus de deux années après la création du fonds, force est de constater que les évènements confirment le bien-fondé des analyses du rapporteur spécial .

Après un lent démarrage, le soutien effectif apporté par le fonds pour l'innovation et l'industrie correspond quasi intégralement aux actions précédemment financées par le budget général et le programme d'investissements d'avenir (PIA) 265 ( * ) . La Cour des comptes fait ainsi état de « paiements effectifs encore très loin de la cible des 250 millions d'euros annuels, dont ils ne représentent que 20 % en moyenne sur deux ans » et souligne que « l'objectif recherché de sanctuarisation des crédits disponibles ne semble pas mieux atteint qu'à travers une inscription au budget général » 266 ( * ) . Ainsi, les nouvelles actions spécifiques du fonds ne représentent que 7,6 millions d'euros d'engagements et 0,6 million des décaissements effectifs, soit 1 % du total.

Surtout, la situation actuelle bouleverse la concrétisation du projet, à court comme à moyen terme . En effet, sa dotation en numéraire pourrait être rapatriée sur le compte spécial pour renforcer les marges de manoeuvre de l'État actionnaire en soutien d'entreprises en difficulté, tandis que les titres EDF et Thalès confiés par l'État ne devraient pas donner lieu à versement de dividende en 2020. Plus globalement, la suspension par le Gouvernement de la privatisation d'ADP, dont le cours de bourse a été divisé par plus de deux depuis le début de la crise, rend impossible tout renforcement de sa dotation à brève échéance.

Il semble donc acquis que le fonds pour l'innovation et l'industrie ne pourra remplir la tâche que le Gouvernement lui a assignée. C'est pourquoi le projet doit être abandonné.

Le rapporteur spécial veillera à ce que le Gouvernement honore ses ambitions pour l'innovation de rupture en renforçant les crédits budgétaires.

MISSION « POUVOIRS PUBLICS »

m. jérôme bascher, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE 604

II. LES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES 605

III. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE 606

En application de l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances 267 ( * ) , « une mission spécifique regroupe les crédits des pouvoirs publics ». Il s'agit des crédits relevant du 1° du I de l'article 5 de la même loi, dits crédits de titre 1, actuellement destinés au financement de la Présidence de la République, de l'Assemblée nationale et du Sénat - ainsi que des chaînes parlementaires -, du Conseil constitutionnel, de même que de la Cour de justice de la République. La spécificité de ces crédits se justifie au regard des principes de séparation des pouvoirs et d'autonomie des pouvoirs publics constitutionnels. À cet égard, dans sa décision du 25 juillet 2001, le juge constitutionnel avait souligné que ce dispositif devait assurer « la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs » 268 ( * ) .

Récapitulation des crédits par dotation

(en euros)

Numéro et intitulé de la dotation
(prévision/consommation) (AE=CP)

2017

2018

2019

Variation
2019/2018
(en %)

Variation
2019/2017
(en %)

501- Présidence de la république

Pr.

100 000 000

103 000 000

103 000 000

0,0 %

3,0 %

Cons.

100 000 000

103 000 000

103 000 000

0,0 %

3,0 %

511- Assemblée nationale

Pr.

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0,0 %

0,0 %

Cons.

517 890 000

517 890 000

517 890 000

0,0 %

0,0 %

521- Sénat

Pr.

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0,0 %

0,0 %

Cons.

323 584 600

323 584 600

323 584 600

0,0 %

0,0 %

541- La Chaîne parlementaire

Pr.

34 887 162

34 687 162

34 289 162

- 1,1 %

- 1,7 %

Cons.

34 887 162

34 687 162

34 289 162

- 1,1 %

- 1,7 %

531- Conseil constitutionnel

Pr.

13 696 974

11 719 229

11 719 229

0,0 %

- 14,4 %

Cons.

13 696 974

11 719 229

11 719 229

0,0 %

- 14,4 %

533- Cour de justice de la
République

Pr.

861 500

861 500

861 500

0,0 %

0,0 %

Cons.

861 500

861 500

861 500

0,0 %

0,0 %

TOTAL

Pr.

990 920 236

991 742 491

991 344 491

0,0 %

0,0 %

Cons.

990 920 236

991 742 491

991 344 491

0,0 %

0,0 %

Source : annexe « Pouvoirs publics » au projet de loi de règlement pour 2019, calculs de la commission des finances du Sénat

Les dépenses des pouvoirs publics s'illustrent à nouveau en 2019 par une grande stabilité, puisqu'elles s'établissent à 991,3 millions d'euros, contre 991,7 millions d'euros en 2018. Le montant alloué en 2019 à la présidence de la République, aux assemblées parlementaires, au Conseil constitutionnel ainsi qu'à la Cour de justice de la République, est identique à celui de 2018. Les crédits des chaînes parlementaires diminuent de 1,1 % par rapport à l'exercice précédent. Aucune dotation n'augmente en 2019. L'exécution budgétaire 2019 respecte la programmation triennale adoptée dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 269 ( * ) qui fixe le plafond des crédits alloués à la mission en 2019 à 0,99 million d'euros.

I. LA PRÉSIDENCE DE LA RÉPUBLIQUE

La dotation à la présidence de la République s'établit en 2019 comme en 2018 à 103 millions d'euros, soit une légère augmentation par rapport à son niveau de 2017 (100 millions d'euros).

Cette dotation a été intégralement consommée, les charges totales de la présidence s'élevant à 106,1 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 105,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de respectivement 2 % et 4,5 % par rapport au niveau constaté en 2018.

La différence entre le montant total des dépenses et celui de la dotation de l'État a été financée par des ressources propres pour 2,53 millions d'euros. Le solde budgétaire de l'exercice s'étant avéré légèrement positif (0,1 million d'euros), le prélèvement sur trésorerie de 2,5 millions d'euros prévu en loi de finances initiale n'a pas été nécessaire. Ce résultat tient notamment à la maîtrise des dépenses de personnel, qui n'augmentent que de 2 % en 2019 après une hausse de 7,1 % en 2018 et à la baisse des dépenses liées aux déplacements (14,17 millions d'euros en AE et 13,86 millions d'euros en CP) par rapport à l'exercice précédent (17,75 millions d'euros en AE et 20,01 millions d'euros en CP).

L'exercice 2019 a enfin été marqué par une réorganisation des services de la présidence de la République en quatre directions :

- la direction de la sécurité de la présidence de la République (DSPR), qui regroupe l'ensemble des services oeuvrant à la sécurité de la présidence, avec la mise en commun des effectifs du commandement militaire et du groupe de sécurité de la présidence de la république (GSPR), et assure tant la sécurité et la sûreté des personnes et des infrastructures que la protection rapprochée du président de la République ;

- la direction des opérations (DIROP), qui a en charge la préparation et la mise en oeuvre de l'ensemble des évènements liés à l'agenda du président de la République tels que les réceptions, les cérémonies ou les déplacements ;

- la direction de la communication (DIRCOM) ;

- la direction des ressources et de la modernisation (DRM) qui rassemble l'ensemble des fonctions support.

Cette réorganisation a conduit à une modification le 29 mars 2019 du règlement budgétaire du 29 novembre 2016, reprenant les normes applicables à la gestion publique et notamment les dispositions du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP).

II. LES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES

Les dotations aux assemblées parlementaires ont été stabilisées en valeur depuis 2012, ce qui n'a été possible, compte tenu de l'augmentation des charges auxquelles font face ces institutions, que grâce aux importants efforts d'économies menés au cours de cette période.

La dotation de l'Assemblée nationale s'élevait en 2019 à 517,9 millions d'euros et a été intégralement consommée.

La dotation du Sénat s'élevait en 2019 à 323,6 millions d'euros et a été intégralement consommée. Le budget du Sénat se décompose en trois actions : l'action « Sénat », qui regroupe les moyens nécessaires à l'accomplissement des missions institutionnelles (312,2 millions d'euros de dotation en 2019), l'action « Jardin du Luxembourg » (11,4 millions d'euros de dotation en 2019) et l'action « Musée du Luxembourg » qui n'est pas financée sur dotation du budget de l'État mais via la redevance versée par la Réunion des musées nationaux (RMN) dans le cadre d'une délégation de service public. Pour chacune de ces actions l'exécution des crédits a été identique à la prévision.

Comme chaque année depuis 2013, les comptes de l'Assemblée nationale et du Sénat au titre de l'exercice 2019 ont été certifiés par la Cour des comptes.

La dotation de La Chaîne Parlementaire s'est élevée à 34,3 millions d'euros en 2019 (dont 16,6 millions d'euros pour La Chaîne Parlementaire - Assemblée nationale et 17,7 millions d'euros pour Public Sénat). Elle a été intégralement consommée et exécutée conformément à la prévision.

III. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL ET LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE

La dotation du Conseil constitutionnel s'est élevée à 11,7 millions d'euros en 2019, soit au même niveau qu'en 2018, et a été intégralement consommée.

L'exercice a été marqué par la procédure de « référendum d'initiative partagée » relative à la privatisation d'Aéroports de Paris lancée cette même année, au titre de laquelle le Conseil constitutionnel a perçu en loi de finances initiale pour 2020 une dotation spéciale de 785 000 euros dont 500 000 euros au titre de l'année 2019 et le solde au titre de l'année 2020.

La dotation n'a pas permis de couvrir l'intégralité des dépenses du Conseil constitutionnel, qui se sont établies en 2019 à 12,8 millions d'euros, d'où un déficit de 1,1 million d'euros. Si l'annexe au présent projet de loi de règlement relatif à la mission « Pouvoirs publics » ne précise pas les modalités de financement de ce déficit, celui-ci a en toute hypothèse été couvert par le fonds de roulement de l'institution. Ce surcroît de dépenses s'explique principalement par des travaux sur les bâtiments historiques : les dépenses d'investissements en 2019 (2,9 millions d'euros) ont ainsi doublé par rapport à la prévision (1,4 millions d'euros). Comme en 2018 budget consacré aux membres a été de 2,3 millions d'euros.

La Cour de Justice de la République a reçu en 2019 une dotation de 861 500 euros, soit au même niveau qu'en 2018. Elle a dépensé 705 917 euros. Elle a donc reversé au budget de l'État 155 583 euros, soit 18 % de la dotation globale. Un seul procès s'est tenu en 2019, pour lequel la somme de 19 050 euros a été utilisée.

MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR »

mm. philippe adnot et jean-françois rapin,
rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 609

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (M. PHILIPPE ADNOT, RAPPORTEUR SPÉCIAL) 611

1. L'effort budgétaire en faveur de l'enseignement supérieur se poursuit 611

2. L'enseignement privé : un taux de mise en réserve dérogatoire compensé, en partie, par des redéploiements internes qui ne saurait masquer la situation financière difficile des établissements 613

3. La mise en oeuvre de la loi orientation et réussite des étudiants : des moyens nouveaux dont le suivi doit être amélioré 614

4. Les dépenses de personnel, un enjeu majeur pour le programme 150 616

5. Des efforts dans la budgétisation des crédits consacrés aux aides directes à poursuivre 617

6. La CVEC, récente taxe affectée, dont le rehaussement du plafond est bienvenu et le suivi nécessaire 621

7. La poursuite de l'expérimentation du dialogue stratégique et de gestion qui doit s'orienter vers une prise en compte plus importante de la performance des universités dans leur mode de financement 622

III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (M. JEAN-FRANÇOIS RAPIN, RAPPORTEUR SPÉCIAL) 625

1. L'année 2019 s'inscrit dans une trajectoire de renforcement du budget de la recherche, qui devrait se poursuivre 625

2. La sincérisation du budget amorcée l'an passé se poursuit en 2019 627

3. Une gestion budgétaire rigoureuse, malgré un nouveau recours critiquable à une « marge de gestion » en 2019 630

4. Le crédit d'impôt recherche : une dépense fiscale dynamique dont l'efficacité doit être davantage évaluée et le chiffrage fiabilisé 632

5. Un renforcement de la cohérence externe de la MIRES paraît préférable à une dispersion de ses programmes « Recherche » 634

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 201 9

La consommation des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est conforme à la prévision initiale , respectant l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement. Le taux d'exécution est de 99,0 % en autorisations d'engagement (AE) et de 98,9 % en crédits de paiement (CP). En effet, les crédits consommés, au titre de l'exercice 2019, s'élèvent à 27,77 milliards d'euros en AE et à 27,96 milliards d'euros en CP.

Le plafond des crédits de paiements de la mission « Recherche et enseignement supérieur » inscrit dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 270 ( * ) était fixé à 27,87 milliards d'euros 271 ( * ) , hors contribution au CAS « Pensions ». Les crédits exécutés en 2019, sont ainsi, contrairement à 2018, supérieurs à ce plafond , atteignant 28,147 milliards d'euros hors contribution de la mission au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Par ailleurs, l'effort budgétaire en faveur de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'est poursuivi en 2019 : les dépenses constatées sur la mission sont en hausse de de 1,09 % en AE et 1,38 % en CP par rapport à 2018.

Évolution des crédits votés et exécutés entre 2018 et 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

En sus des crédits budgétaires de la mission, il est à noter que la politique publique de la recherche et de l'enseignement supérieur bénéficie en 2019 de financements au titre du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3), portés par les programmes 421 et 422 de la mission « Investissements d'avenir » à hauteur de 645,5 millions d'euros en CP.

Par ailleurs, quinze dépenses fiscales sont rattachées à la mission à titre principal, dont le coût est estimé à 7,8 milliards d'euros pour 2019, dont 6,5 milliards d'euros au titre du crédit d'impôt recherche (CIR).

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (M. PHILIPPE ADNOT, RAPPORTEUR SPÉCIAL)

Le périmètre « enseignement supérieur » de la mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) regroupe les programmes 150 (« Formations supérieures et recherche universitaire ») et 231 (« Vie étudiante »).

1. L'effort budgétaire en faveur de l'enseignement supérieur se poursuit

La loi de finances pour 2019 a doté les programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante » de crédits en progression de 0,40 % en autorisations d'engagement (AE) et de 0,93 % en crédits de paiement (CP) par rapport à 2018, pour atteindre 16,23 milliards d'euros en AE et 16,32 milliards d'euros en CP .

Cette hausse est toutefois plus faible que celle constatée entre 2017 et 2018 (avec une augmentation d'1,02 % en AE et d'1,29 % en CP). Elle correspond essentiellement à une progression des crédits du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » , qui ont augmenté de 64,2 millions d'euros en AE (+ 0,48 %) et 155 millions d'euros en CP (+ 1,15 %) entre 2018 et 2019. Elle s'explique principalement par la hausse de la subvention pour charges de service public (SCSP) des établissements d'enseignement supérieur et de recherche, pour la poursuite du financement des mesures nationales relatives à la masse salariale à hauteur de 41,7 millions d'euros et la mise en oeuvre du Plan « étudiants » à hauteur de 98,1 millions d'euros.

S'agissant du programme 231 «  Vie étudiante », il n'a bénéficié que d'une très légère hausse de l'ordre de 0,6 million d'euros en AE (+ 0,02 %) et subit une diminution de ses CP de l'ordre de 5 millions d'euros (- 0,2 %) entre 2018 et 2019. Des moyens nouveaux ont été déployés à hauteur de 25,1 millions d'euros (revalorisation de la subvention du réseau des oeuvres et augmentation des bourses sur critères sociaux), compensés, en partie, par la suppression de l'allocation de retour au premier emploi qui a généré 22 millions d'euros d'économies.

Ces tendances se trouvent confirmées en exécution . Les crédits consommés en 2019 par le programme 150 progressent de 0,45 % en AE et 0,85 % en CP par rapport à l'exécution 2018, contre 2,08 % en AE et 2,06 % en CP entre 2017 et 2018.

Exécution des crédits des programmes relatifs à l'enseignement supérieur en 2019

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Écart exécution 2019 / exécution 2018

Écart exécution 2019 / LFI 2019

150

Formation supérieure

AE

13 420,74

13 532,01

13 480,51

0,45 %

- 0,38 %

CP

13 404,38

13 614,54

13 517,71

0,85 %

- 0,71 %

231

Vie étudiante

AE

2 643,75

2 700,10

2 645,61

0,07 %

- 2,02 %

CP

2 650,57

2 701,48

2 665,75

0,57 %

- 1,33 %

Total « Enseignement supérieur »

AE

16 064,49

16 232,11

16 126,12

0,38 %

- 0,65 %

CP

16 054,95

16 316,02

16 183,46

0,80 %

- 0,81 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Ces résultats témoignent de l'absence de tout dérapage budgétaire et révèlent une amélioration de l'exécution des crédits du programme 231, de l'ordre de 1,33 % contre 2,1 % en 2018. La principale raison de cette sous-exécution concerne la sous-consommation des aides spécifiques (cf. infra ).

S'agissant de la gestion budgétaire, si le total des annulations de crédits, opérées en loi de finances rectificative 272 ( * ) (- 108,8 millions d'euros), s'est révélé plus élevé qu'en 2018 (- 81,90 millions d'euros), la réalité des programmes 150 et 231 est différente . En effet, les crédits du programme 150 ont été annulés à hauteur de 73,3 millions d'euros (contre 25,2 millions d'euros en 2018). A contrario , les annulations en loi de finances rectificative ont diminué pour le programme 231 (34,9 millions d'euros en 209 contre 56,4 millions d'euros en 2018).

Le rapporteur spécial regrette ainsi, qu'en raison de ces annulations de crédits, certaines dépenses prévues pour l'exercice 2019 du programme 150 aient été reportées , comme des actions portant sur la masse salariale telles que l'ajustement des emplois de professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) et des emplois de personnel de santé dans les universités.

Mouvements de crédits opérés au sein des programmes 150 et 231 en 2019

(en millions d'euros)

LFI 2019

Reports entrants

Fonds de concours et attribution de produits

Mouvements de fin de gestion (LFR)

Transfert

Crédits consommés

Écart crédits consommés / LFI 2019

Taux d'exécution crédits consommés / crédits prévus en LFI

150

13 614,54

32,16

+ 1,49

- 73,26

- 0,14

13 517,71

- 0,71 %

99,29 %

231

2 701,48

9,53

+ 0,04

- 34,92

0

2 665,75

- 1,33 %

98,68 %

Total

16 316,02

41,69

+1,53

- 108,18

- 0,14

16 183,46

- 0,81 %

99,19 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, le rapporteur observe que les modalités de droit commun de la réserve n'ont pas été appliquées au programme 150, comme les années précédentes . En effet, les subventions pour charges de service public (SCSP) des opérateurs du programme se voient appliquer non pas un taux de réserve, mais une mise en réserve forfaitaire. En 2019, cette réserve s'est élevée à 30 millions d'euros , un montant équivalent à celui de 2018, qui est en baisse par rapport à 2016 et 2017, où cette réserve s'élevait à 70 millions d'euros.

En 2018, ce différentiel de 40 millions d'euros avait été redéployé pour couvrir une partie du glissement vieillesse technicité (GVT) des établissements n'ayant pas accédé aux responsabilités et compétences élargies (RCE). Mais cela n'a pas été le cas sur l'exercice 2019 , puisque le GVT n'a pas fait l'objet d'une compensation par le ministère, et a dû être financé par les établissements (cf. infra ).

2. L'enseignement privé : un taux de mise en réserve dérogatoire compensé, en partie, par des redéploiements internes qui ne saurait masquer la situation financière difficile des établissements

Tandis que le taux de réserve appliqué au programme 150 lui est favorablement dérogatoire, le rapporteur relève que les crédits alloués aux établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG), portés par l'action 04 du programme, se voient appliquer un taux de réserve de 7 % .

L'application de ce taux de 7 % compense le taux extrêmement faible appliqué sur les dotations aux établissements publics.

Toutefois, des redéploiements internes intervenus en fin de gestion ont permis de compenser ce taux de mise en réserve dérogatoire . Ainsi, les crédits consommés en 2019 s'élèvent à 81,7 millions d'euros en AE et en CP, sur les 81,9 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale, pour le financement de quatre associations de formation initiale des enseignants de l'enseignement scolaire privé et de 60 EESPIG sous contrat.

Ces redéploiements internes ont ainsi permis aux établissements d'enseignement privé de bénéficier de marges de manoeuvre budgétaires bienvenues, mais ils ne suffisent pas à satisfaire le rapporteur spécial, pour deux raisons :

- d'abord car ces redéploiements interviennent en fin d'année et ne permettent pas une visibilité budgétaire nécessaire au bon pilotage des crédits de ces établissements ;

- ensuite, car la situation financière de ces établissements est fragile , comme le rapporteur a pu le noter à l'occasion du projet de loi de finances pour 2020. Ainsi, sur la période allant de 2009 à 2019, les effectifs étudiants en formation initiale reconnue par l'État, ont été multipliés par deux , passant de 56 500 étudiants en 2009 à 115 368 étudiants en 2018-2019, tandis que dans le même temps, l'effort budgétaire consenti en faveur des EESPIG n'a progressé que de 11 % .

Ce constat récurent a conduit le rapporteur, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, à présenter, comme les années précédentes, un amendement tendant à augmenter la dotation allouée à ces établissements. Cet amendement de crédits de 3,5 millions d'euros en autorisation d'engagements et en crédits de paiement n'a toutefois pas été conservé par l'Assemblée nationale.

Il le regrette et ne peut que réitérer son souhait de voir appliquer à ces établissements le taux de réserve normé de 3 %, dans le prochain projet de loi de finances pour 2021.

3. La mise en oeuvre de la loi orientation et réussite des étudiants : des moyens nouveaux dont le suivi doit être amélioré

Traduction législative du « Plan étudiants » visant à répondre à l'afflux d'étudiants dans l'enseignement supérieur et à l'échec massif en licence, la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et la réussite des étudiants 273 ( * ) , dite loi ORE, a conduit à une augmentation des moyens budgétaires dévolus aux universités .

Principales mesures de la loi orientation
et réussite des étudiants (ORE) du 8 mars 2018

- Nouvelles modalités d'accès au 1 er cycle (Parcoursup) ;

- Extension de l'accès prioritaire des meilleurs bacheliers ;

- Création d'un observatoire de l'insertion professionnelle dans chaque université ;

- Suppression du régime de sécurité sociale au profit d'un régime d'ayants-droits autonomes au régime de protection de leurs parents ;

- Instauration de la contribution vie étudiante et de campus (CVEC) ;

- Année de césure ;

- Organisation de la première année d'accès aux études de santé (PACES).

Source : commission des finances du Sénat

Ce sont ainsi 45 millions d'euros qui ont été accordés aux opérateurs, au titre de la mise en oeuvre de la loi ORE en 2018 . Aux 15,5 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale pour 2018, 20 millions d'euros ont dû être ouverts par redéploiement de crédits en cours de gestion et 9,1 millions d'euros dégagés par le schéma de fin de gestion.

En 2019, les opérateurs ont bénéficié de 98,1 millions d'euros dont 64,7 millions d'euros de mesures nouvelles accordées en 2019. Ces crédits ont ainsi permis d'indemniser les personnels requis pour la mise en oeuvre du « Plan étudiants » (et notamment Parcoursup), et de financer des places supplémentaires dans les filières en tension et des dispositifs d'aide à la réussite .

Pour 2020, une enveloppe de 47 millions d'euros devrait être consacrée à la poursuite de la mise en oeuvre de la loi ORE.

Le rapporteur salue ces moyens nouveaux, mais s'inquiète du suivi de ces enveloppes financières . La Cour des comptes, dans une communication à l'Assemblée nationale sur un premier bilan de cette réforme, souligne le fait que les moyens accordés à la loi ORE sont « importants » mais « mal suivis » et qu'ils engagent « les finances publiques à long terme ». Ainsi la Cour a noté qu'« en dehors des investissements, les autres moyens attribués au titre de la loi ORE ont évolué au gré des demandes et des exercices budgétaires » et note que « malgré les outils que le MESRI indique avoir déployé, celui-ci ne dispose pas de données sur les emplois effectivement créés dans les universités au titre de la loi ORE ». 274 ( * )

Le rapporteur spécial considère ainsi comme essentiel le suivi de ces moyens par le MESRI qui doit veiller à leur bonne utilisation par les établissements.

4. Les dépenses de personnel, un enjeu majeur pour le programme 150

Le suivi de la masse salariale des opérateurs financés par le programme 150 demeure un des principaux enjeux de la mission « Enseignement supérieur ».

En effet, la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs a représenté, en 2019, 10,97 milliards d'euros, sur les 11,11 milliards d'euros de crédits exécutés au titre du programme 150 . Cette subvention finance à plus de 90 % des dépenses de personnel.

Le suivi des emplois et de la masse salariale est donc essentiel et appelle plusieurs observations de la part du rapporteur.

En premier lieu, l'évolution tendancielle de la dépense demeure très dynamique, en raison des mesures nationales appliquées au service public d'une part, et aux besoins spécifiques de la filière d'autre part .

En second lieu, malgré les moyens nouveaux accordés aux opérateurs (127 millions d'euros), le rapporteur s'inquiète de la non prise en compte par le ministère d'une série de dépenses décidées par l'État et liées notamment au statut de la fonction publique qui s'imposent aux établissements (cf. tableau infra ).

Moyens nouveaux attribués aux opérateurs
pour les mesures « fonction publique » en 2019

(en millions d'euros)

Mesure concernée

Financement État

Poursuite de la mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR)

38,9

Couverture du glissement vieillesse technicité GVT au titre des établissements n'ayant pas accédé au RCE (pour les besoins nouveaux de l'exercice 2019)

-

Politique de résorption de l'emploi précaire (application de la loi du 12 mars 2012 dite « loi Sauvadet »)

2,8

Impact 2019 de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique de 0,6 %

-

Total « mesures fonction publique »

41,7

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Par ailleurs, le pilotage de la masse salariale des établissements n'ayant pas accédé aux responsabilités et compétences élargies (RCE) est complexe . En effet, le ministère ne dispose d'aucun levier de régulation autre que la détermination du plafond d'emplois pour ces établissements, ce qui complexifie la budgétisation et les prévisions d'exécution de leur masse salariale.

Enfin, à l'instar des constats dressés les années précédentes, les plafonds d'emplois fixés par la loi de finances initiale n'ont pas été atteints, mais l'écart tend à se réduire . En effet, l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques 2018-2022 275 ( * ) , introduit à l'initiative du Sénat, prévoit qu' « à compter de l'exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en loi de finances initiale, spécialisé par ministère, (...) ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus ». Cette mesure s'est traduite par une baisse du plafond d'emplois de 662 ETPT pour le programme 150.

La réalisation totale des emplois sous plafond État s'élève à 160 271 ETPT en 2019 , soit une sous-consommation de 11 037 ETPT , contre 12 141 ETPT en exécution 2018. Concernant les emplois rémunérés par les opérateurs, cette sous-consommation s'explique principalement, de façon structurelle, par un taux de vacance frictionnel des emplois .

Concernant le plafond des emplois ministériels rémunérés sur le titre 2, la sous-consommation provient de la méthode retenue pour piloter les effectifs, qui se fonde sur le schéma d'emplois (c'est-à-dire le plafond en personnes physiques) tandis que le plafond d'emplois s'applique à des équivalents temps plein travaillé ( ETPT) .

5. Des efforts dans la budgétisation des crédits consacrés aux aides directes à poursuivre

Les aides directes aux étudiants , dont les crédits sont regroupés au sein de l'action 01 « Aides directes » du programme 231 « Vie étudiante » , représentent près de 84 % des crédits du programme .

Or, pour la troisième année consécutive, les dépenses d'intervention versées au titre de cette action se révèlent inférieures à la budgétisation initiale . L'écart constaté entre les crédits alloués et les crédits consommés atteint ainsi 18,6 millions d'euros contre 44,8 millions d'euros en 2018.

Évolution des dépenses d'intervention de l'action 01 « Aides directes »

(en millions d'euros)

Intitulé

Montants prévus (AE=CP)

Écart

Montants prévus

(AE=CP)

Écart

Crédits prévus en LFI 2018

Crédits consommés en 2018

Crédits prévus en LFI 2019

Crédits consommés en 2019

Bourses sur critères sociaux

2 070

2 043,6

- 26,4

2 077,5

2078,5

- 1

Aides au mérite

44,2

44,8

+ 0,6

39,2

41,0

+ 1,8

Aides à la mobilité internationale

25,7

24,9

- 0,8

25,7

24,9

- 0,77

Aides spécifiques (et aide à la mobilité parcoursup)

48,8

47,3

- 1,5

69,8

47,3

- 22,5

Aide à la recherche du premier emploi (ARPE)

43,0

21,0

- 22,0

-

1

+ 1

Aide à la mobilité en Master

2,0

7,0

+ 5

6,1

7,0

+ 0,9

Grande école du numérique

2,0

2,4

+ 0,4

3,0

4,0

+ 1,0

Financement du fonds de garantie par BPI France

2,0

1,9

- 0,1

2,0

1,9

- 0,1

Total

2 237,7

2192,9

- 44,8

2222,3

2204,6

- 18,6

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le rapporteur se félicite d'abord de la suppression, par la loi de finances pour 2019, de l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE) , créée par la loi du 8 août 2016 276 ( * ) . Il n'était pas convaincu de l'utilité de ce dispositif, craignant un "effet d'aubaine" et estimant que ces crédits pouvaient plus utilement financer des dispositifs d'insertion professionnelle dans les établissements. Cette aide faisait, par ailleurs, l'objet d'une sur-budgétisation récurrente. Sa suppression a permis de réaliser une économie de près de 22 millions d'euros, avec le maintien d'un million d'euros, en fin de gestion, pour solder la campagne 2018.

Par ailleurs le rapporteur relève, qu'à l'instar de l'année précédente, l'écart entre la prévision et l'exécution s'explique principalement par une sous-consommation :

- des crédits dédiés aux bourses sur critères sociaux , en raison d'un effectif réel de boursiers inférieur aux prévisions ;

- des aides spécifiques qui s'explique notamment par le faible nombre de demandes d'aides à la mobilité Parcoursup éligibles pour cette mesure nouvelle, avec une sous-consommation de l'aide à la mobilité Parcoursup à hauteur de 15,5 millions d'euros et des autres aides spécifiques à hauteur de 4,9 millions d'euros.

En tout état de cause, les écarts constatés entre la prévision et l'exécution de ces crédits révèlent des difficultés persistantes à correctement évaluer et anticiper le montant de ces dépenses de guichet. Ces difficultés sont d'autant plus problématiques que l'enseignement supérieur sera confronté, dans les années à venir, à un afflux très important d'élèves, complexifiant vraisemblablement les prévisions.

Dans ce contexte, le rapporteur encourage l'administration à poursuivre l'amélioration du chiffrage des aides directes, dans un souci de bonne gestion et de transparence.

Par ailleurs, il tient à saluer les mesures mises en oeuvre pour aider les étudiants modestes , à la suite du drame survenu au CROUS de Lyon en novembre 2019 :

- un numéro d'appel au profit aux étudiants rencontrant de graves difficultés financières a été ouvert depuis le 10 janvier 2020 pour les orienter vers les services sociaux et améliorer le taux de recours aux aides spécifiques. Une enveloppe de 180 000 euros d'autorisations d'engagement a été ouverte à ce titre sur l'exercice 2019, avec consommation des crédits de paiement correspondants en 2020 ;

- un gel du montant des loyers de l'année 2020 pour la totalité du parc des résidences gérées par les CROUS. Le coût de cette mesure, en cours d'évaluation fine, représenterait un montant de l'ordre de 6 à 7 millions d'euros, selon la Cour des comptes dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission.

Focus sur les mesures d'urgences
prises dans le cadre de la crise sanitaire

Le rapporteur spécial souhaitait faire un point sur les mesures à caractère financier qui ont été prises pour soutenir les étudiants, dans le cadre de la crise sanitaire et économique actuelle.

Comme l'a identifié le groupe de travail animé par Stéphane Piednoir (LR - Maine-et-Loire), rapporteur pour avis de la commission de la culture pour les crédits de l'enseignement supérieur, quatre leviers ont été activés pour venir en aide aux étudiants, qu'ils aient ou non été confinés en résidences étudiantes :

-les aides spécifiques d'urgence des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) ont été abondées de 10 millions d'euros supplémentaires par le ministère. Les dossiers de demande ont été simplifiés et le montant maximum des aides augmenté, passant de 200 à 500 euros ;

- dans les universités, les ressources issues de la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC) ont été mobilisées à hauteur de 80 millions d'euros pour soutenir les étudiants en difficulté, boursiers ou non, par le biais de nombreuses actions comme des épiceries solidaires, des chèques alimentaires ou des bons d'achat de matériel informatique pour le suivi des cours à distance ;

- s'agissant des bourses, la présidente du Cnous a indiqué au groupe de travail qu'elles avaient été versées dans les temps aux mois de mars et d'avril grâce à la continuité du service assuré par les personnels placés en télétravail.

- l'octroi d'une aide exceptionnelle aux jeunes de moins de 25 ans modestes . Cette aide de 200 euros, qui sera versée en juin, concernera 800 000 jeunes, dont 400 000 étudiants boursiers ou non. Cette dépense sera financée par le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Une enveloppe de 75 millions d'euros a ainsi été ouverte, dans le cadre du troisième projet de loi de finances rectificative du 10 juin 2020. Les CROUS devront être chargés d'instruire les demandes d'aide.

Malgré ces mesures prises et les moyens nouveaux, le rapporteur spécial craint que ces dispositifs ne soient pas suffisants, au vu de l'ampleur de la crise et des besoins des étudiants. Comme ses collègues du groupe de travail, il se demande si l'enveloppe de 10 millions d'euros pour les aides spécifiques sera suffisante, et s'inquiète des conséquences de la crise sur la situation financière des CROUS. Il salue, néanmoins, les ouvertures de crédits prévues dans le troisième projet de loi de finances rectificative précité , à hauteur de 45 millions d'euros pour compenser la perte de loyers des CROUS liée aux mesures prises par le Gouvernement pour faciliter le départ des étudiants de leur logement pendant la crise, et de 30 millions d'euros au titre du prolongement en juillet du versement de bourses sur critères sociaux pour certains étudiants amenés à passer des concours ou examens au-delà du 30 juin.

Par ailleurs, le rapporteur spécial souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur la problématique des stages rémunérés dont beaucoup d'étudiants ont été privés avec la crise. Certains départements, dont celui de l'Aube, ont ainsi pris l'initiative de compenser financièrement cette perte , permettant ainsi aux entreprises et aux étudiants de contribuer à la relance économique.

6. La CVEC, récente taxe affectée, dont le rehaussement du plafond est bienvenu et le suivi nécessaire

La loi relative à l'orientation et à la réussite des étudiants a instauré, à compter de la rentrée 2018, une contribution vie étudiante et de campus (CVEC). D'un montant de 91 euros par an pour l'année universitaire 2019-2020 (contre 90 euros pour l'année universitaire 2018-2019), cette taxe se substitue en partie à la cotisation sociale étudiante , qui a été supprimée et dont le montant s'élevait à 217 euros lors de l'année universitaire 2017-2018.

Destinée à financer des actions de vie de campus, notamment dans le domaine de la prévention et de la santé des étudiants, la CVEC doit être payée par chaque étudiant non boursier auprès du CROUS. Son produit est affecté aux opérateurs d'enseignement supérieur et de recherche et aux CROUS .

Dans la mesure où elle constitue une taxe affectée, la CVEC avait fait l'objet d'un plafonnement à hauteur de 95 millions d'euros en loi de finances pour 2019 sur la base d'un taux de recouvrement de 70 % - le différentiel entre le montant collecté et le plafond étant versé au budget général de l'État. Ce plafond a néanmoins été relevé en loi de finances rectificative à hauteur de 140 millions d'euros au regard du niveau de collecte plus élevé qu'anticipé, à hauteur de 131 millions d'euros.

Le rapporteur spécial ne peut que se féliciter de ce rehaussement de plafond, d'autant qu'il avait regretté, à l'instauration de cette taxe, que les sommes collectées ne soient pas intégralement affectées à la vie étudiante.

Par ailleurs, il prend note des efforts réalisés par le ministère pour garantir un meilleur suivi de l'affectation de cette ressource. En effet, le décret du 19 mars 2019 277 ( * ) relatif aux modalités de programmation et de suivi des actions financées par la CVEC prévoit que les établissements affectataires de cette taxe devront établir, chaque année, une programmation et un bilan des actions financées . De surcroît, la circulaire du 21 mars 2019 précise et encadre le champ des actions éligibles à un financement par la CVEC.

Dans la mesure où la création d'une taxe affectée déroge au principe d'universalité budgétaire et de ce fait, échappe au contrôle de la représentation parlementaire, il sera particulièrement attentif à la publication annuelle du bilan des actions financées qui devrait intervenir au second semestre 2020.

7. La poursuite de l'expérimentation du dialogue stratégique et de gestion qui doit s'orienter vers une prise en compte plus importante de la performance des universités dans leur mode de financement

En 2018, le MESRI a initié, de manière expérimentale, un dialogue stratégique et de gestion avec 10 établissements d'enseignement supérieur volontaires.

Comme le rapporteur spécial l'avait constaté dans son rapport sur le financement à la performance des universités publié en décembre 2019 278 ( * ) , ce dialogue - qui sera généralisé en 2019-2020 à toutes les universités - n'a cependant concerné qu'une part modeste de leurs financements, soit quelque 4,28 millions d'euros, bien que le ministère indique qu'il ait permis de mobiliser près du double de financement auprès de partenaires extérieurs. Ce montant a ainsi permis de financer 40 projets, pour des montants par site compris entre 300 000 euros et 600 000 euros avec plusieurs projets par site de nature très diverse : data center, smart campus, mobilité, pilotage, ambassadeurs de la réussite, intelligence artificielle et management de processus administratifs.

Dans son rapport de contrôle précité, le rapporteur estimait que la généralisation du dialogue stratégique et de gestion, avec des contrats de site revus allait dans le bon sens. L'engagement des universités sur une trajectoire pluriannuelle - financière et salariale - et un certain nombre d'indicateurs resserrés, en termes notamment de réussite étudiante est, effectivement, une bonne chose.

Mais il conviendrait, à moyen terme, d'aller au bout de la logique en unifiant le processus contractuel et le modèle d'allocation des moyens , et tenant compte plus largement de la performance dans le financement des universités.

Au vu des exemples étrangers (Irlande, Suisse, Pays-Bas) que le rapporteur a analysés dans le cadre de son travail de contrôle, et afin de considérer ce financement à la performance comme une récompense et non une pénalité , il considère que ce financement à la performance devrait se faire sur une enveloppe additionnelle.

« L'objectif serait d'avoir un contrat pluriannuel,
comme base de l'allocation des moyens
»

Le contrat pourrait prévoir une dotation pluriannuelle pour chacune des années, mais l'attribution des moyens resterait annuelle. Cette dotation reposerait sur :

- une dotation « socle » basée sur l'activité de l'université, intégrant la masse salariale. Cette dotation pourrait être déterminée à partir du nombre d'étudiants, avec par exemple un financement de 7 500 euros par étudiant, avec éventuellement la prise en compte de décisions nationales. Cette somme constituerait la majeure partie du financement du contrat ;

- une dotation basée sur la performance. Il s'agirait d'une part moins importante du contrat sous forme de financement additionnel. À terme, cette enveloppe pourrait représenter 5 % du financement total. Ce financement reposerait sur les critères suivants :

- l'insertion professionnelle, le taux de réussite des étudiants et l'évaluation des enseignants ;

- des objectifs choisis par les universités, parmi les politiques prioritaires définies par le ministère afin de respecter l'autonomie des universités et promouvoir une « différenciation intelligente » des universités, sur le modèle des Pays-Bas.

Source : extrait du rapport d'information n° 130 (2019-2020) du 19 novembre 2019 par M. Philippe Adnot, fait au nom de la commission des finances, « le financement à la performance : une condition de l'attractivité des universités françaises » : http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-130-notice.html

Par ailleurs, le rapporteur estime que cet investissement minimum de la part de l'État doit être assez conséquent et évoluer au fil des années. L'enveloppe de 50 millions d'euros budgétée pour 2020 devra être renforcée pour les années suivantes, d'autant que le rapporteur a démontré dans son rapport budgétaire pour le PLF pour 2020, que seuls 15 millions d'euros allaient véritablement être consacrés à ce dialogue stratégique et de gestion.

Selon les informations communiquées au rapporteur, le dialogue stratégique et de gestion représentait - pour les universités qui ont fait partie de l'expérimentation en 2018 - 0,29 % du total de leurs financements.

Cette part est largement insuffisante . Pour le rapporteur spécial, le montant de ce financement à la performance devrait atteindre à moyen terme 5 % du montant global des financements alloués aux universités .

C'est ambitieux, mais cette enveloppe pourra également regrouper tous les financements aujourd'hui épars existants sur la base d'appels à projet (comme le « plan campus », le « plan étudiants », les « crédits ORE » etc.). Elle servira ainsi d'effet de levier permettant aux universités d'aller chercher d'autres financements . La prise en compte de la performance dans le mode de financement des universités est, pour le rapporteur, une condition de l'attractivité des établissements français, dans un contexte de concurrence mondiale accrue.

Extrait des recommandations du rapport « « le financement à la performance : une condition de l'attractivité des universités françaises »

Axe n° 1 - S'acheminer vers un contrat pluriannuel comme cadre unique
d'allocation des moyens, comprenant une part significative allouée à la performance

Recommandation n° 1 : la qualité des enseignements et l'insertion professionnelle des étudiants doivent constituer les indicateurs principaux de mesure de la performance pour l'enseignement supérieur. La performance de la recherche doit être jugée, quant à elle, principalement à l'aune des critères suivants : réputation à l'international, capacité à lever des fonds extérieurs et à valoriser l'innovation.

Recommandation n° 2 : une enveloppe conséquente, sous forme de financement additionnel, attribuée selon des critères de performance doit être prévue : elle doit représenter, à moyen terme, 5 % du montant global des financements alloués aux universités.

Recommandation n° 3 : le dialogue stratégique doit être renforcé, comme déclinaison annuelle du contrat pluriannuel en valorisant le pilotage territorial sans faire disparaitre le rôle essentiel du ministère.

Recommandation n° 4 : l'autoévaluation des universités doit être encouragée, comme projet partagé par l'équipe universitaire.

Source : rapport d'information n° 130 (2019-2020) du 19 novembre 2019 par M. Philippe Adnot, fait au nom de la commission des finances, « le financement à la performance : une condition de l'attractivité des universités françaises » : http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-130-notice.html

III. PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (M. JEAN-FRANÇOIS RAPIN, RAPPORTEUR SPÉCIAL)

1. L'année 2019 s'inscrit dans une trajectoire de renforcement du budget de la recherche, qui devrait se poursuivre

En 2019, les programmes « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » poursuivent leur trajectoire haussière, avec une augmentation des crédits en loi de finances initiale pour la troisième année consécutive.

Le budget des programmes « Recherche » s'élève ainsi en 2019 à 11,8 milliards d'euros en AE et 11,9 milliards d'euros en CP , soit une hausse de respectivement 2,8 % et 3,2 % par rapport aux crédits votés en loi de finances pour 2018.

Les programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale » sont les principaux bénéficiaires de cette augmentation.

Les crédits du programme 172 enregistrent la plus forte progression en valeur absolue , avec une augmentation de 120,5 millions d'euros en AE (+ 1,8 %) et de 174,4 millions d'euros en CP (+ 2,6 %) pour atteindre 6,8 milliards d'euros en AE et 6,9 milliards d'euros en CP. Cette hausse notable s'explique notamment par la poursuite de l'augmentation des crédits d'interventions de l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui progressent de 32,7 millions d'euros en AE et de 133,9 millions d'euros en CP.

En 2019, les crédits du programme 193 ont également connu une progression très substantielle de 201,9 millions d'euros en AE et en CP (soit une hausse de 12,5 %), pour atteindre 1 820 millions d'euros , avec notamment une hausse de 210 millions d'euros de la contribution de la France à l'Agence spatiale européenne. Plus généralement, la Cour des comptes note à cet égard que « la tendance depuis 2016 ans est celle d'un rattrapage des crédits destinés aux organisations scientifiques internationales (OSI) et d'une inversion de tendance par rapport à la période antérieure » 279 ( * )

A contrario , l'érosion des crédits alloués à certains dispositifs, comme la dotation budgétaire versée à l'opérateur Universcience, portée par le programme 186, ou la dotation d'intervention au Fonds de compétitivité des entreprises (FCE) du programme 192, se poursuit.

Exécution des crédits des programmes « Recherche » en 2019
(y compris fonds de concours)

(en millions d'euros et en %)

Intitulé du programme

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Écart exécution 2019 / exécution 2018

Écart exécution 2019 / LFI 2019

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

6 649,81

6 842,2

6 753,00

+ 1,6 %

- 1,3 %

CP

6 696,86

6 942,1

6 851,90

+ 2,3 %

- 1,3 %

193

Recherche spatiale

AE

1 597,66

1 820,0

1 810,90

+ 13,3 %

- 0,5 %

CP

1 597,66

1 820,0

1 810,90

+ 13,3 %

- 0,5 %

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable

AE

1 743,90

1 763,3

1 746,60

+ 0,2 %

- 0,9 %

CP

1 717,52

1 722,9

1 708,00

- 0,6 %

- 0,9 %

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

793,54

760,5

759,90

- 4,2 %

- 0,1 %

CP

886,21

815,8

836,80

- 5,6 %

+ 2,6 %

191

Recherche duale

AE

174,68

179,5

121,50

- 30,4 %

- 32,3 %

CP

174,68

179,5

121,5

- 30,4 %

- 32,3 %

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

110,88

112,2

109,5

- 1,2 %

- 2,4 %

CP

110,89

111,4

109,2

- 1,5 %

- 2,0 %

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

339,17

352,0

341,5

+ 0,7 %

- 3,0 %

CP

339,85

352,8

342,3

+ 0,7 %

- 3,0 %

Total « Recherche »

AE

11 409,64

11 829,70

11 642,90

+ 2,0 %

- 1,6 %

CP

11 523,67

11 944,50

11 780,60

+ 2,2 %

- 1,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette tendance se confirme en exécution, quoique dans une moindre mesure, avec une hausse de 2,2 % en AE et 2 % en CP des crédits consommés par les programmes « Recherche » . L'écart de 186,6 millions d'euros entre les crédits votés et les crédits consommés s'explique pour l'essentiel par l'annulation, en loi de finances rectificative, de la quasi-totalité des crédits mis en réserve .

Le rapporteur spécial appelait de ses voeux depuis plusieurs années l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle pour la recherche (LPPR) afin d'identifier précisément les besoins de financements et d'assurer aux acteurs une plus grande visibilité. Son examen devait intervenir début 2020, avant d'être reporté en raison de la crise sanitaire, qui a dans le même temps illustré l'impérieuse nécessité de renforcer les moyens de la recherche médicale.

Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a néanmoins publié un document détaillant une possible trajectoire budgétaire permettant à concrétiser la promesse du président de la République d'augmenter le budget de la recherche de 5 milliards d'euros à l'horizon 2030 280 ( * ) . La participation du Parlement à l'élaboration de cette trajectoire budgétaire et à la définition des priorités qu'elle doit poursuivre n'en reste pas moins essentielle. Le rapporteur spécial appelle ainsi le Gouvernement à déposer dès que possible le projet de LPPR.

2. La sincérisation du budget amorcée l'an passé se poursuit en 2019

En 2019, le taux d'exécution des crédits alloués aux programmes « Recherche » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » est proche de 100 % .

Taux d'exécution des crédits alloués
aux programmes « Recherche » en en 2019

(en %)

Intitulé du programme

Taux d'exécution par rapport aux crédits votés en LFI 2019

Taux d'exécution par rapport aux crédits ouverts en 2019

172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

AE

98,7%

100,0%

CP

98,7%

100,0%

193

Recherche spatiale

AE

99,5%

100,0%

CP

99,5%

100,0%

190

Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable

AE

99,1%

99,9%

CP

99,1%

100,0%

192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

AE

99,9%

91,4%

CP

102,6%

96,3%

191

Recherche duale

AE

67,7%

100,0%

CP

67,7%

100,0%

186

Recherche culturelle et culture scientifique

AE

97,6%

97,4%

CP

98,0%

97,8%

142

Enseignement supérieur et recherche agricole

AE

97,0%

78,6%

CP

97,0%

98,8%

Total « Recherche »

AE

98,4%

98,5%

CP

98,6%

99,7%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'exécution 2019 s'inscrit ainsi dans la continuité de l'exercice précédent qui avait donné lieu à un important rebasage de la mission visant à ne pas reproduire l'importante sous-budgétisation (+ 3,5 %) constatée en 2017 . Ce constat s'applique tout particulièrement au programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui porte le plus important volume de crédits.

Variation du taux d'exécution des crédits de paiements des programmes « Recherche » par rapport à la loi de finances initiale depuis 2017

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La sur-exécution récurrente du programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle » reste observable en 2019, quoiqu'à un niveau nettement plus modéré (+ 2,6 %) qu'en 2018 (+ 10 %). Elle est notamment imputable au dispositif de compensation par l'État des exonérations de cotisations sociales accordées aux « Jeunes entreprises innovantes » (JEI) , pour lequel l'enveloppe initiale de 196,4 millions d'euros a été dépassée de 14,2 millions d'euros, au détriment du financement des aides à l'innovation de Bpifrance portée par ce programme. Un dispositif de plafonnement des crédits votés en loi de finances initiale a ainsi été mis en place à compter de 2020, de sorte que les dépassements éventuels seront désormais supportés par la sécurité sociale. Si ce dispositif doit permettre un meilleur respect de l'autorisation parlementaire quant à l'allocation des crédits du programme, il ne doit pas se traduire par détérioration de l'information dont dispose la représentation nationale sur l'impact global du dispositif sur les finances publiques . Il doit donc s'accompagner d'une documentation précise de ce dernier dans les documents budgétaires.

La forte sous-exécution du programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » relève quant à elle d'un effet de périmètre . Les crédits alloués au Centre national d'études spatiales (CNES) ont en effet fait l'objet d'une annulation de près de 80 millions d'euros en loi de finances rectificative, dont 30 millions d'euros du programme 193 et près de 50 millions du programme 190. Le CNES a reçu en compensation une dotation de 80 millions d'euros financés sur le budget du ministère des armées (programme 146). Ce montage s'inscrivait dans le cadre d'arbitrages interministériels liés à l'abaissement de la norme de dépenses de l'État de 1 milliard d'euros pour faire face aux mesures économiques et sociales d'urgence décidées en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». Si cette subvention exceptionnelle n'a probablement pas vocation à être reconduite, la Cour des comptes alerte sur le fait que « faute d'informations complémentaires, cette situation ne permet pas, du point de vue de la MIRES, de donner à la représentation nationale une information fiable sur les risques éventuels pesant à long terme sur les actions conduites par le CNES 281 ( * ) » .

La maquette de performance pourrait néanmoins être améliorée dans le sens d'une ambition renforcée, en particulier s'agissant des programmes 172 et 193 pour lesquels une part importante des cibles fixées sont déjà atteintes depuis plusieurs années.

3. Une gestion budgétaire rigoureuse, malgré un nouveau recours critiquable à une « marge de gestion » en 2019

La gestion des programmes « Recherche » a été rigoureuse, avec l'application stricte des taux de mise en réserve de 3 % (crédits hors titre 2) et de 0,5 % (crédits du titre 2) sur l'ensemble des programmes, mis à part les crédits du Grand plan d'investissement portés par le programme 172, exemptés de mise en réserve. En cours de gestion, seul le programme 190 a fait l'objet d'un léger surgel, et aucun dégel n'a été réalisé. La réserve de précaution avant la mise en place du schéma de fin de gestion a été 194,6 millions d'euros en AE et 201,8 millions d'euros en CP .

Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation a reconduit en 2019 l'initiative prise l'année précédente d'appliquer sur le programme 172 une « marge de gestion » d'un montant égal à la différence entre l'application du précédent taux de mise en réserve (8 %) et les taux actuels de 3 % et 0,5 %, soit 65,6 millions d'euros en CP réalloués à la discrétion du ministère entre les différentes actions du programme. En 2020, ces crédits ont à nouveau servi à renforcer de 25 millions d'euros les moyens alloués aux laboratoires. Cependant, ce prélèvement a été majoritairement supporté par les crédits d'intervention de l'ANR (41,5 millions d'euros), absorbant ainsi près de 30 % de la hausse de ces crédits votée en loi de finances initiale .

Dans ce contexte, le choix de constituer une marge de gestion au détriment des capacités d'intervention de l'ANR paraît pour le moins paradoxal et, en tout état de cause, incompatible avec l'objectif affiché par le Gouvernement d'améliorer le taux de sélection des appels à projets génériques. Les données fournies par la Cour des comptes montrent à cet égard que si le taux de sélection progresse légèrement, le montant moyen des engagements par projet financé diminue.

Évolution des taux de sélection et des engagements de l'ANR
par projet financé

(en milliers d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Cour des comptes et du MESRI

Par ailleurs, si la constitution d'une marge de gestion peut être considérée comme une mesure prudente destinée à prévenir tout dérapage budgétaire, force est de constater que l'utilisation réelle des crédits ne correspond donc plus, in fine , à la présentation qui en a été faite dans les documents budgétaires , et sur laquelle les parlementaires ont été amenés à se prononcer. Dès lors, le rapporteur émet quelques réserves quant à cette initiative, limitant le contrôle exercé par le Parlement sur l'emploi des crédits votés . L'utilisation détaillée des crédits constituant la marge de gestion et la justification par le Gouvernement des écarts par rapport aux prévisions données au titre des différentes actions devraient figurer de manière claire et lisible dans le rapport annuel de performance, ce qui n'est le cas ni en 2018 ni en 2019 282 ( * ) .

La fin de gestion a quant à elle été marquée par un important surgel sur les crédits du CNES à hauteur de 80 millions d'euros (cf. supra ) et un total de 48,9 millions d'euros degelés sur les programmes 172 et 193 afin d'honorer les contributions de la France aux OSI . Comme l'an passé, le rapporteur spécial regrette que le ministère continue à appliquer une réserve sur ces crédits, créant une difficulté de gestion préjudiciable et tout à fait évitable . Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission, la Cour des comptes a également reconduit sa recommandation d'inscrire les dépenses de contributions aux OSI au niveau adéquat et exclure les crédits correspondants de l'assiette de la réserve de précaution (recommandation n° 2). Les annulations de crédits en loi de finances rectificative pour 2019 ont été de 201,2 millions d'euros , soit un niveau comparable à celui de 2018 (122,5 millions d'euros) déduction faite des annulations portant sur les crédits du CNES.

Mouvements de crédits de paiement intervenus en gestion
pendant l'exercice 2019

(en euros et en %)

Programme budgétaire

LFI 2019

Reports entrants

Fonds de concours et attributions de produits

Mouvements en cours de gestion

Mouvements de fin de gestion (LFR 2019)

Virements et transferts

Total crédits ouverts

Écart crédits ouverts / LFI 2019

172

6 942,1

0,4

3,1

0,0

- 93,5

0,2

6 852,3

- 1,3 %

193

1 820,0

0,0

0,0

0,0

- 9,2

0,0

1 810,9

- 0,5 %

190

1 722,9

2,5

0,0

0,0

- 16,6

0,0

1 708,8

- 0,8 %

192

815,8

1,8

25,0

0,0

- 18,8

45,0

868,8

+ 6,5 %

191

179,5

0,0

0,0

0,0

- 55,0

- 3,0

121,5

- 32,3 %

186

111,4

1,9

0,2

0,0

- 1,9

0,0

111,6

+ 0,2 %

142

352,8

0,0

0,0

0,0

- 6,3

0,0

346,5

- 1,8 %

Total "Recherche"

11 944,6

6,6

28,26

0,00

-201,2

42,2

11 820,4

- 1,0 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

4. Le crédit d'impôt recherche : une dépense fiscale dynamique dont l'efficacité doit être davantage évaluée et le chiffrage fiabilisé

Rattaché au programme 172, le crédit d'impôt recherche (CIR) représente à lui seul un peu plus de la moitié des dépenses fiscales de la MIRES et autour de 6 % de la totalité des dépenses fiscales , un chiffre stable depuis 2014.

Évalué à 6,5 milliards d'euros en exécution 2019 , le coût du CIR se caractérise par une progression très dynamique , de l'ordre de 111,7 % entre 2011 et 2019 .

Évolution de la dépense fiscale associée au CIR
entre 2011 et 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Cette hausse continue n'est problématique que dans la mesure où l'efficacité du CIR au regard de son objectif principal, à savoir l'augmentation de la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises (DIRDE), est longtemps demeurée sujette à caution.

À cet égard, le rapporteur a pris connaissance avec la plus grande attention du rapport de la commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI), publié le 7 mars 2019, selon lequel la réforme du CIR de 2008 aurait atteint sa première cible , permettant aux dépenses de recherche et de développement de croître dans une période pourtant marquée par la crise économique et la poursuite du mouvement de désindustrialisation de l'économie française .

Le CNEPI avance par ailleurs que les effets indirects du CIR demeurent relativement mal appréhendés, dans la mesure où les différentes études récentes se sont focalisées sur la mesure des effets directs sur les bénéficiaires du CIR. Une seconde phase d'évaluation du CIR a par ailleurs été lancée début 2019.

Enfin, le rapporteur ne peut que déplorer la sous-évaluation systématique de la dépense fiscale associée au CIR depuis 2017 comme en atteste le graphique supra . Ainsi, le chiffrage initial du montant du CIR pour 2019 s'avère inférieur de 300 millions euros en exécution (+ 4,8 %).

Il est par ailleurs à noter que la loi de finances pour 2019 a abrogé deux dépenses fiscales : l'exonération des plus-values de cessions d'actions ou de parts de sociétés agréées pour la recherche scientifique et technique et des plus-values de cessions de titres de sociétés financières d'innovation conventionnées 283 ( * ) et la taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets 284 ( * ) .

5. Un renforcement de la cohérence externe de la MIRES paraît préférable à une dispersion de ses programmes « Recherche »

La mission d'information de l'Assemblée nationale relative à la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances ( MILOLF ) de septembre 2019 a fait la proposition de recentrer le périmètre de la MIRES sur les quatre programmes relevant du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (soit les programmes 150, 231, 172 et 193) , qui représentent environ 90 % de ses crédits, et de « redistribuer les autres programmes 285 ( * ) (programmes 190, 192, 191, 186 et 142) dans le champ de compétence ministériel auquel ils appartiennent » au motif que « le caractère interministériel de cette mission est source de confusion et ne permet pas de dégager un pilotage efficace de la politique publique menée puisqu'elle rassemble des ministères qui ne sont concernés qu'à titre accessoire » .

Dans sa note d'analyse sur l'exécution budgétaire en 2019, la Cour des comptes juge la cohérence interne de la mission satisfaisante, tout en notant que le pilotage interministériel pourrait effectivement être amélioré. C'est au contraire un renforcement de la cohérence externe du budget de la recherche que la Cour appelle de ses voeux . De nombreux financements extérieurs à la MIRES contribuent en effet actuellement à la politique publique de la recherche, et en particulier des financements extrabudgétaires tels que de nombreuses actions Programmes d'investissements d'avenir (PIA) 1 et 2 ainsi que les programmes 421 et 422 de la mission « Investissements d'avenir » retraçant les crédits du PIA 3 (780 millions d'euros en exécution 2019) ou encore le Fonds pour l'innovation et l'industrie (FII) (190 millions d'euros en 2019). La Cour relève en outre que près de 1,7 milliard d'euros correspondent à des actions issus de missions budgétaires distinctes relevant de l'enseignement supérieur ou de la recherche. Le cas du plan « Nano 2022 » est à cet égard significatif, financé à la fois par le FII, le PIA 3 et le programme 192.

Le recours au PIA pose de surcroît la problématique, soulevée par le rapporteur dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 286 ( * ) , de la pérennité des actions financées dans ce cadre. Le risque budgétaire est à ce titre particulièrement élevé pour certains opérateurs tels que le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), confronté à un surcoût de plusieurs centaines de millions d'euros dans le cadre de la construction du réacteur Jules Horowitz.

En tout état de cause, le rapporteur souscrit davantage à l'analyse de la Cour des comptes, plus fidèle à l'esprit de l'article 7 de la LOLF 287 ( * ) visant à regrouper au sein d'une même mission un « ensemble de programme concourant à une politique publique définie » .

RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE
ET CAS « PENSIONS »

mme sylvie vermeillet, rapporteure spéciale

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » EN 2019 640

A. DES DÉPENSES EN RETRAIT 643

1. Des dépenses globales inférieures aux crédits programmés, un solde aux emplois différenciés 644

2. Moins de dépenses qu'en prévision malgré une opération contestable liée à la grève dans les transports contre le projet de réforme des retraites 646

B. RETOUR EN 2019 À LA TRAJECTOIRE DESCENDANTE DES CHARGES DE LA MISSION MAIS QUEL AVENIR ? 655

1. Après une exécution 2018 excédant le plafond de la nouvelle loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, la consommation des crédits est en 2019 sous le plafond prévu 658

2. Après l'augmentation transitoire des charges en 2018, retour à une réduction des dépenses de la mission en 2019 663

C. UN TAUX ÉLEVÉ DE SUBVENTIONNEMENT DES RÉGIMES SUR LES CRÉDITS DE LA MISSION À L'AVENIR TRÈS INCERTAIN 671

1. Les taux de subventionnement des régimes spéciaux par la mission sont très élevés... 671

2. ... mais les charges de la mission devraient baisser... 676

3. ... au prix d'une (probable) réduction des revenus de remplacement sur le cycle de vie et d'un décrochage (certain) du taux de remplacement assuré par les régimes spéciaux 682

D. LA SUPERPOSITION DES RÉGIMES SPÉCIAUX CRÉE DES SURCOÛTS DE GESTION DONT LA JUSTIFICATION N'APPARAÎT PAS CLAIREMENT 683

II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS », UNE EXÉCUTION 2019 QUI ILLUSTRE UN RÉGIME FINANCIER PLUS STRUCTUREL DE RÉDUCTION DE L'EMPREINTE DES RÉGIMES DE FONCTIONNAIRES SUR LE SYSTÈME DE RETRAITES 686

A. UNE EXÉCUTION PRESQUE « NOMINALE » DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE EN 2019 688

B. DES MASSES FINANCIÈRES DONT LA LÉGÈRE AUGMENTATION NE REMET PAS EN CAUSE LES INFLEXIONS PROFONDES DUES NOTAMMENT AUX RÉFORMES APPLIQUÉES AUX RÉGIMES DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES 692

1. Les recettes, freinées par la politique des ressources humaines de l'État, ont été peu dynamiques malgré l'alourdissement des cotisations salariales qui a pesé sur les salaires nets des fonctionnaires 692

2. Une progression mesurée des dépenses 699

C. UN SOLDE MOINS EXCÉDENTAIRE EN 2019 MAIS UN EXCÉDENT APPAREMMENT DURABLE 708

1. Un excédent réduit mais qui contribue à accroître le « fonds de roulement » du compte 709

2. Un excédent structurel ? 710

D. UNE EXÉCUTION 2019 QUI ILLUSTRE CERTAINES PARTICULARITÉS DU PILOTAGE DES RÉGIMES DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES DE L'ÉTAT 717

1. Les régimes de retraite de la fonction publique d'État ont mobilisé les leviers disponibles pour assurer les besoins de financement liés au vieillissement de la population 717

2. L'impact des instruments d'équilibrage des régimes de retraite sur les régimes de la fonction publique, quelques observations 724

La mission « Régimes sociaux et de retraite » est le support budgétaire par lequel le budget de l'État, c'est-à-dire la traduction de choix collectifs financés par des prélèvements obligatoires (et par la dette publique), apporte son soutien à certains des régimes spéciaux qui se révèle nécessaire jusqu'à l'adoption d'un régime universel de retraite (et probablement au-delà, compte tenu de la nature des choses et des dérogations prévues par les projets de texte associés à cette initiative) pour des raisons diverses en leur nature.

Les principales sont démographiques, mais il faut évidemment compter avec la spécificité des règles de détermination des droits des affiliés à ces régimes.

Dans l'ensemble, les régimes spéciaux ont été de plus en plus « banalisés », certains se trouvant de plus en voie de lente extinction.

Ces processus, qui n'ont pas atteint leur plein aboutissement, et qui, en l'état du droit social, ne sont pas appelés à produire une complète banalisation des régimes spéciaux, ont commencé à marquer les équilibres de ces régimes à travers une série d'effets.

Les départs en retraite sont plus tardifs et les pensions sont liquidées à des niveaux inférieurs à ce qu'ils auraient été sans les réformes, et même parfois à des niveaux inférieurs à ce qu'elles atteignaient dans un passé proche.

En fonction des perspectives économiques et démographiques, ces évolutions ont pour aboutissement arithmétique une réduction du besoin de financement de ces régimes, actuellement couverts par le budget de la Nation, ce qui devrait à l'avenir réduire les charges correspondantes.

D'un autre point de vue, celui de la dimension redistributive des réformes, leurs impacts sont asymétriques pour les salariés des entreprises concernées.

Les points de discrimination sont ici liés aux différences dans les profils de carrière et dans la capacité concrète de chacun à modifier ses comportements de départ en retraite, élément qui dépend à son tour des rémunérations mais aussi de la pénibilité des missions assurées par les salariés.

La perspective de la fermeture des régimes spéciaux ouverte par les projets du Gouvernement et de leur fusion dans un régime universel de retraite, qui, à ce jour, n'est pas stabilisée, pourrait atténuer l'hétérogénéité des impacts des règles de liquidation des pensions sur les salariés concernés, tout en ouvrant à une réduction du niveau des pensions, mais en même temps, en pouvant négliger la dimension plus comportementale du problème, susciter des tensions collectives et individuelles, qu'il convient de ne pas « dénier » et qu'il faut accompagner par des mesures, nécessairement fines.

Dans ce contexte, l'exécution 2019 porte la marque des dynamiques enclenchées par les réformes avec des régimes spéciaux caractérisés par de nouveaux équilibres : une légère augmentation des ressources propres, un freinage de l'accroissement du nombre des pensionnés et, avec une réindexation, il est vrai très partielle, des pensions, un épuisement de l'effet de noria qui par un rapprochement de plus en plus net des pensions nouvellement liquidées de la valeur moyenne du stock, traduit une flexion à la baisse des droits acquis au cours des carrières, et annonce une réduction du taux de remplacement des retraites à liquidation.

Ces caractéristiques sont encore plus nettes pour le compte d'affectation « Pensions » dans la mesure où les dynamiques salariales dans la fonction publique d'État sont très faibles pour la partie des rémunérations prises en compte pour déterminer les droits à retraite.

Compte tenu de l'importance des réformes sur les dynamiques des dépenses de la mission, la rapporteure spéciale insiste pour que les documents budgétaires (projets annuels de performances et rapports annuels de performances) comportent systématiquement une information détaillée sur les impacts de ces réformes sur la programmation et l'exécution budgétaire.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » EN 2019

La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe les subventions versées par l'État à certains régimes spéciaux en déséquilibre démographique et dont les règles de retraite comportent des particularités. Les dépenses de la mission ne financent pas la totalité des prestations servies par les régimes spéciaux mais seulement les déséquilibres financiers, assez différenciés selon les cas, entre les prestations qu'ils servent et leurs ressources propres.

Ces régimes correspondent à des entreprises (SNCF, RATP, SEITA...) ou à des professions (marins, mineurs, ...) considérées comme dotées de caractéristiques particulières du fait d'une diversité de facteurs propres à leur histoire, leurs équilibres, la nature des professions exercées justifiant l'existence de règles particulières de constitution et de valorisation des droits à retraite des affiliés.

Certains sont « ouverts » c'est-à-dire qu'ils renouvellent leur population quand d'autres, « fermés », n'accueillent plus de nouveaux cotisants et sont appelés à s'éteindre plus ou moins rapidement.

Les dépenses budgétaires en provenance de la mission, qui ne couvre que certains des régimes spéciaux de la galaxie du système de retraite, s'élèvent en 2019 à 6,186 milliards d'euros contre 6,447 milliards d'euros en 2018.

À titre d'illustration, cette somme représente 10,3 % des dépenses de pensions portées par le compte d'affectation spéciale « Pensions » ou encore 2,6 % des dépenses d'assurance vieillesse de base (hors donc dépenses des régimes complémentaires intégrés dans les régimes sous revue telles qu'elles ont été prévues pour 2019).

Au niveau de la mission, qui comporte trois programmes d'importance inégale, alors que, l'an dernier, les dépenses avaient été sensiblement supérieures aux crédits initialement programmés (à hauteur de + 2,6 %), l'année 2019 est marquée, au contraire par une réduction des charges d'équilibre par rapport à la prévision.

Les dépenses ont été inférieures d'environ 98 millions d'euros par rapport aux ouvertures de crédits.

Cette évolution a conforté la baisse des dotations accessibles par rapport aux crédits prévus en 2018 (- 48 millions d'euros) .

Au total, compte tenu des dépenses complémentaires de l'année 2018, les dépenses ont reculé de 261,7 millions d'euros en 2019 , soit davantage que la réduction programmée (163 millions d'euros).

Retour sur les excès de dépenses constatés en 2018

Au cours de l'exercice 2018, les crédits programmés n'avaient pas suffi à couvrir les dépenses de la mission. Ces dernières avaient excédé de 116 millions d'euros, les crédits votés en loi de finances initiale.

Une fois encore, les besoins de financement du déficit du régime de la SNCF, fréquemment sous-estimés en loi de finances initiale avaient pesé. Il en était allé de même pour le régime de la RATP. Mais, par ailleurs, il avait fallu tenir compte de la nécessité d'assumer (enfin) un événement exceptionnel : le règlement d'un contentieux entre la SNCF et l'État.

Les dépenses de l'État au bénéfice des caisses de retraite couvertes par le programme 198 avaient excédé de 127 millions d'euros les prévisions. La sous-consommation des crédits de la loi de finances initiale constatée sur le programme 195 (- 11 millions d'euros), qui concerne très majoritairement le régime minier ne compensant pas les besoins complémentaires des régimes des entreprises et professions des transports terrestres.

Le dépassement des crédits initialement ouverts avait pu être attribué à la combinaison d'un événement exceptionnel aux conséquences mal anticipées lors de la programmation des besoins de financement de la caisse de retraites des personnels de la SNCF (CPRP-SNCF) complété par un besoin de financement de certains régimes plus élevé que prévu.

L'exercice 2018 a enregistré une nouvelle surcharge de 125 millions d'euros par rapport aux besoins estimés en loi de finances initiale au titre du régime ferroviaire, soit un surcroît de dépenses de 3,8 % par rapport au prévisionnel, portant à 275,3 millions d'euros les excédents de charges budgétaires par rapport aux prévisions au cours de la période 2015-2018.

La surcharge constatée par rapport à la prévision a été tributaire du règlement d'une dette de l'État envers la CPRP-SNCF résultant du dénouement d'un contentieux portant sur la fixation du taux de cotisation employeur T1, qui a suscité une dépense de 104,6 millions d'euros.

Le contentieux entre l'État et la SNCF
sur les taux des cotisations employeurs « T1 »

Le taux de cotisation des établissements constituant le Groupe public ferroviaire (GPF) est égal à la somme d'un taux T1 représentant les cotisations qui seraient versées si les salariés relevaient des dispositions de droit commun et d'un taux T2 destiné à financer les droits spécifiques du régime spécial.

À plusieurs reprises, la SNCF a demandé l'annulation de l'arrêté de la direction du budget fixant le taux T1, remettant en cause l'assiette de calcul de ce taux au motif que la répartition des effectifs (entre cadres et non cadres) n'était pas conforme à la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres, la détermination des cadres par l'arrêté de fixation du taux de cotisation ayant excédé le périmètre légal.

Le Conseil d'État a annulé, par décision du 20 mai 2016 et du 11 juillet 2016, les arrêtés ministériels du 16 juillet 2014 et du 27 juillet 2015 fixant les composantes T1 définitives pour 2013, 2014 et provisoire pour 2015.

À la suite des annulations prononcées par le Conseil d'État en 2016, il a fallu attendre un arrêté du 2 mai 2017 pour que le taux T1 des années 2013 à 2015 soit revu à la baisse dans les conditions suivantes précisées par l'arrêté susmentionné.

Au-delà du délai d'ajustement du taux T1 il convient de prendre en compte un nouveau délai, celui s'étant écoulé entre l'arrêté de mai 2017 et le règlement financier du litige, le cumul de ces deux délais ayant aggravé la charge budgétaire du contentieux.

À la suite de l'annulation prononcée par le Conseil d'État, les taux d'appel des cotisations employeur T1 ont été minorés. En conséquence, une régularisation de cotisations de la CPRP-SNCF en faveur du groupe public ferroviaire a été effectuée en juin 2017 pour 99,3 millions d'euros. La CPRP-SNCF a alors compensé cette baisse de ressources par une provision de 99,3 millions d'euros sur l'exercice 2017. Cette dette à laquelle s'est ajouté un besoin de régularisation des comptes de 5,3 millions d'euros laissait l'État débiteur de 104,6 millions d'euros au début de l'exercice précédent.

La plus grande partie de cette dette a été acquittée en 2018, conduisant à une surconsommation des crédits alors ouverts, ne laissant plus comme solde de charges à payer en 2019 que 3,3 millions d'euros.

La surconsommation des crédits avait contraint les gestionnaires à lever la réserve de précaution mais elle avait également modifié la structure d'exécution de la mission en 2018.

En outre, les charges non provisionnées avaient été couvertes par des mouvements divers en gestion principalement marqués par l'ouverture de 115,5 millions d'euros de crédits en loi de finances rectificative.

Les besoins de financement supplémentaires du programme 198 (127,5 millions d'euros au total pour les deux régimes de la SNCF et de la RATP) ont été couverts par une série d'ajustements.

Une partie des crédits du programme 198 correspondant à l'action 05 du programme a été sollicitée dans le cadre d'une opération de fongibilité interne à ce programme. Mais sa contribution a été minime de sorte qu'un décret de transfert (n° 2018-1023 du 22 novembre 2018) du programme 195 de la mission « Régimes de retraite, des mines, de la SEITA et divers » est intervenu pour un montant de 11,5 millions d'euros, complété par la loi de finances rectificative n° 2018-1104 du 10 décembre 2018, qui a ouvert 115,5 millions d'euros au programme 198.

A. DES DÉPENSES EN RETRAIT

Pour lisser les évolutions de dépenses tenant à des facteurs non récurrents de 2018, il convient de comparer l'exécution 2019 avec des situations diversifiées, dont celle observée en 2017.

Les économies dégagées en 2019 ressortent alors naturellement comme moins élevées.

Néanmoins, la comparaison entre les dépenses de 2019 et les prévisions du projet de loi de finances confirme que l'exercice a été relativement « économe ».

Données d'exécution des crédits de la mission entre 2017 et 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du rapport annuel de performances de la mission « Régimes sociaux et de retraite » annexé au projet de loi de règlement pour 2018 et 2019

1. Des dépenses globales inférieures aux crédits programmés, un solde aux emplois différenciés

L'écart entre la prévision de dépenses et l'exécution est traditionnellement assez faible, sauf événement exceptionnel. L'année 2019 ne déroge pas à ce constat : les dépenses ont été inférieures aux crédits ouverts de 98 millions d'euros (1,6 % de moins que prévu).

a) Une sous exécution inhabituelle des dotations du programme 198

Ces dernières années, les besoins apparus sur le programme 198 qui équilibre les régimes de la SCNF et de la RATP avaient conduit à des dépenses en excédent par rapport aux dotations initiales.

L'exercice 2019 contraste avec cette habitude puisque les dépenses du programme ont été inférieures de 108 millions d'euros par rapport aux crédits de la loi de finances initiale.

Comparaison entre les crédits autorisés et les dépenses
par programme et action en 2019

(en millions d'euros)

Source : Cour des comptes

La sous consommation des dotations a atteint 2,6 % des crédits initiaux sur ce programme, la sous- exécution relative étant plus forte pour le régime de la RATP (7,6 %) que pour la SCNF (1,6 %).

Les besoins de financement des caisses de retraite correspondantes ont été surestimés en prévision (voir infra ).

En revanche, en ce qui concerne le programme 197 (régime des marins) les dépenses ont été supérieures aux prévisions (+ 9,9 millions d'euros, soit + 1,2 %), le programme 195, qui regroupe essentiellement des régimes de retraite fermés, ayant exécuté ses dotations intégralement.

b) Une réserve de précaution qui, au contraire des années précédentes, n'a pas été intégralement levée

La mise en réserve des crédits de la mission est habituellement intégralement levée. L'exercice 2019 déroge à cette habitude.

Gestion de la réserve de précaution en 2019

Source : Cour des comptes

Compte tenu de son volume budgétaire, c'est le programme 198 qui avait, en montant, connu la mise en réserve la plus significative (125,2 millions d'euros) quoiqu'à un taux plus bas que dans la précédente loi de programmation, de 3 % contre 8 %.

La diminution du taux de mise en réserve paraît particulièrement heureuse pour la mission. Les dépenses de la mission ne sont pas « pilotables », sauf réforme structurelle. L'application de la réserve à la mission peut ainsi donner une impression excessive sur le niveau de l'assurance budgétaire. Au demeurant, selon la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes de 2017, la décision de maintien de la réserve sur les dotations de la mission, bien que prise à l'initiative du ministère de l'économie et des finances, avait conduit son organe de contrôle, le contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM) à émettre un avis favorable, mais avec réserve sur les documents prévisionnels de gestion.

Cependant, on peut comprendre que l'État ne souhaite pas que l'absence de toute réserve de précaution puisse être considérée comme encourageant les responsables des caisses de retraite à négliger la prudence.

La gestion de la réserve de précaution en 2019 semble conférer à cette dernière une certaine légitimité. La réserve a concerné 188,7 millions d'euros de crédits.

Si la totalité des réserves constituées sur les programmes 195 et 197 ont été levées pour faire face aux dépenses, il n'en a pas été de même pour le programme 198. Le taux de levée de la réserve de précaution a été minoritaire (40%), laissant une réserve résiduelle de 76,3 millions d'euros.

2. Moins de dépenses qu'en prévision malgré une opération contestable liée à la grève dans les transports contre le projet de réforme des retraites
a) Un besoin de financement de la CPRP-SNCF inférieur à la prévision...

En ce qui concerne la SNCF, lors des trois exercices précédents, des abondements en gestion avaient dû intervenir.

En 2019, la subvention nécessaire à l'équilibre du régime a été moins élevée qu'anticipée, le compte de résultat de la CPRP-SNCF étant moins dégradé que prévu (- 82,8 millions d'euros).

Les recettes propres de la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP-SNCF) ont été supérieures aux prévisions tandis que les dépenses ont été moins lourdes qu'escompté.

Compte de résultat de la CPRP-SNCF en 2019
Comparaison entre la prévision et la réalisation

(en millions d'euros)

Source : rapport annuel de performances 2019

En ce qui concerne les recettes, les cotisations sociales ont rapporté davantage que prévu (+ 41,6 millions d'euros) du fait d'une assiette un peu plus élevée que prévu et du dynamisme des taux de cotisation. Le produit du taux T1 a profité de la hausse de ce taux et des régularisations effectuées sur l'exercice précédent (+ 34,8 millions d'euros et + 27,2 millions d'euros respectivement). Le produit du taux T2 a été supérieur de 6,2 millions d'euros.

Évolution du taux des cotisations au régime vieillesse de la SNCF

Source : commission des finances du Sénat

Pour les dépenses, la prévision reposait sur un flux de nouveaux départs en retraite de 4 500 alors que les départs effectifs ont été limités à 4 150 unités (7,8 % de moins que prévu).

Les dépenses de pension ont été inférieures à la prévision de 28,6 millions d'euros (soit 0,5 %).

L'on en infère que, si les flux de départ en retraite moins nombreux ont joué à la baisse sur les charges de la caisse par rapport à la prévision, les autres facteurs ont exercé un effet inverse.

Il n'est pas possible d'identifier ces facteurs dans l'état de l'information budgétaire et la CPRP-SNCF à la date de réalisation de la présente analyse n'a pas publié ses comptes pour l'année 2019.

Sur la base des comptes 2018, la flexion des entrées en pension par rapport à la prévision peut avoir permis d'économiser de l'ordre de 9,7 millions d'euros (soit un tiers du déficit de dépenses). Il est ainsi possible que le niveau des sorties de pensions ait été plus élevé que prévu, ce qui trancherait avec les évolutions récentes, mais aussi que le niveau moyen des pensions ait été inférieur à la prévision.

Quant aux produits retirés de la compensation, ils ont été supérieurs de 13 millions d'euros par rapport à la prévision, soit trois fois les ressources attendues, la créance de compensation du régime étant difficile à anticiper puisqu'elle dépend des évolutions constatées dans les différents régimes de retraite engagés dans le mécanisme.

b) ...moins de dépenses que prévu au bénéfice de la CPRP-SNCF mais une opération budgétairement contestable

La réduction du besoin de financement de la CPRP-SNCF a permis de réduire le besoin de subventionnement par la mission par rapport à la prévision de 82,8 millions d'euros.

Cependant, la sous consommation des crédits ouverts a été moins forte, la différence de 30 millions d'euros s'expliquant par une compensation anticipée des pertes de cotisations sociales liées aux mouvements sociaux contre la réforme des retraites.

Une subvention particulière de 30 millions d'euros a été versée à ce titre à la CPRP-SNCF, que la Cour des comptes juge contraire au principe d'annualité budgétaire dans la mesure où la perte de cotisations sociales correspondante n'impactera les comptes qu'en 2020.

De fait, l'État porte désormais une créance du montant indiqué qui viendra réduire ses décaissements au cours de 2020.

Les motifs de ce paiement anticipé (et peu régulier) 288 ( * ) n'apparaissent pas clairement sauf à considérer les problèmes de trésorerie rencontrés traditionnellement en début d'année par la CPRP-SNCF.

Évolution de la trésorerie de la CPRP-SNCF par mois en 2018

Source : rapport de l'agent comptable de la CPRP-SNCF pour 2018

On observera cependant que les produits financiers de la CPRP-SNCF excèdent globalement les charges financières qu'elle supporte, de l'ordre de 500 millions d'euros. Une surcharge du besoin de trésorerie aurait sans doute pesé assez peu sur les résultats de la caisse.

La rapporteure spéciale admet cependant que l'écart de taux entre les obligations d'État et le coût moyen de la dette de trésorerie de la CPRP-SNCF peut être considéré comme justifiant une opération qui aboutit à surcharger les dépenses de la mission en 2019 de 30 millions d'euros, appelés à être récupérés en 2020.

c) Pour la RATP, une sous consommation très significative aux motifs qui n'apparaissent pas évidents et aux aboutissants énigmatiques

Comme pour le CPRP-SNCF, la subvention versée à la caisse des retraites des personnels de la RATP (CRP-RATP) a été inférieure à la prévision. Les dépenses ont atteint 679,9 millions d'euros contre une provision de 736,2 millions d'euros (soit une économie de 56,3 millions d'euros).

L'information livrée par le rapport annuel de performances suscite une certaine perplexité dans la mesure où elle est particulièrement sommaire.

Après retraitement, l'on comprend que les produits des cotisations et autres contributions ont été un peu supérieurs à ceux attendus, dans un contexte marqué par une modification des taux de cotisation salariale et patronale obtenue pour cette dernière composante après une série de contentieux symptomatiques d'un problème récurrent de réglage des obligations sociales des employeurs (voir infra). La plus-value de recettes par rapport à la prévision est cependant restée modeste (+1 ,6 million d'euros).

L'on comprend également que les charges de pensions ont été un peu inférieures à la prévision du fait d'une surestimation des départs en retraite (1 650) par rapport à la réalisation (1 027). La surestimation est considérable (60 %), mais elle ne se traduit pas à due proportion, loin de là, dans les économies de charges qui ne dépassent pas 400 000 euros par rapport à la prévision.

Cette situation est, il faut le reconnaître, intrigante. Elle suggère d'autres erreurs d'anticipation, notamment sur les niveaux individuels de pension et sur les sorties que pourrait avoir connu le stock de pensions.

La rapporteure spéciale souhaite que les composantes de la prévision et de la réalisation des équilibres des caisses de retraite soient exposées avec plus de rigueur dans la documentation budgétaire. Elle renouvelle cette recommandation chaque année, en pure perte.

Or, comme il a été indiqué à plusieurs reprises, les discordances entre prévisions et réalisations appellent d'autant plus une clarification que l'écart entre le nombre des départs en retraite anticipés et les départs constatés paraît se renforcer à mesure que les modifications apportées aux bornes d'âge des régimes spéciaux et les systèmes de proratisation qui en découlent exercent une contrainte renforcée.

Il est essentiel de pouvoir apprécier dans quelle mesure les comportements des affiliés s'ajustent face au resserrement progressif des conditions de liquidation de leurs retraites à taux plein.

Observation que partage du reste la Cour des comptes qui en fait sa troisième recommandation à l'occasion de sa note d'exécution budgétaire pour 2019.

En ce qui concerne les dépenses de la CRP-RATP, il semble que les charges de compensation aient encore permis de dégager une économie de 2 millions d'euros (30 millions d'euros de dépenses contre 32 millions d'euros prévus).

En toute hypothèse, la révision du besoin de financement (- 4,1 millions d'euros si l'on se fie au RAP), a été bien moins forte que la baisse de la subvention d'équilibre par rapport à la dotation ouverte (- 56,3 millions d'euros).

La prévision de la loi de finances avait été construite sur la base d'un scénario où la CRP-RATP aurait dégagé un excédent de 33,5 millions d'euros. L'exécution se solde par une perte de 18,8 millions d'euros. L'écart entre la stratégie financière de départ et celle finalement constatée est donc très conséquent (52,3 millions d'euros) et imputable à la décision de réduire sensiblement la subvention versée à la CPR-RATP par rapport à la programmation.

Cette décision mérite davantage d'autres explications que celles fournis dans le RAP.

Il semble que l'écart soit dû à des décalages d'imputation comptable et de trésorerie qui auraient pu susciter une décision de réduction de la trésorerie de la caisse. Tout cela mériterait d'être explicité dans le RAP. On remarque incidemment que la mission n'a versé aucune compensation pour les pertes de cotisations sociales liées aux mouvements sociaux de 2019, à l'inverse de ce qui a été exposé plus haut en ce qui concerne la SNCF.

d) Pour les autres régimes une exécution généralement plus en phase avec la prévision ; une exception : le régime des marins

L'écart entre la prévision et l'exécution des crédits a été plus modéré pour les autres régimes (11,6 millions d'euros).

Les autres régimes portés par le programme 198 ont dépensé un peu plus qu'anticipé (+1,1 million d'euros) du fait de charges supérieures à la prévision pour les régimes des conducteurs routiers (+ 2 millions d'euros) compensées par des dépenses moins fortes pour les autres régimes concernés (parmi lesquels le régime applicable aux anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer qui verse encore 25,5 millions d'euros de prestations).

Le régime des conducteurs routiers paraît difficile à piloter compte tenu de ses particularités et des à-coups conjoncturels du secteur. En 2019, le nombre de nouvelles entrées dans le dispositif a été de 2 193, un chiffre à comparer avec celui de la SNCF (4 150 pensions de droit direct) et de la RATP (1 027). Les flux sont importants mais le niveau de soutien de l'État permet d'en limiter l'impact budgétaire.

Pour le régime des marins, la subvention prévue a été nettement dépassée (825,6 millions d'euros de dépenses contre 815,7 millions d'euros en prévision).

Le RAP ne fournit aucune explication des écarts entre la programmation et la réalisation, ce qu'il convient de corriger.

Selon la Cour des comptes, la révision en hausse de la subvention accordée à l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) n'a pas été due à des erreurs de prévision sur les composantes du compte de résultat tendant à alourdir le besoin d'équilibrage. Au contraire, les pensions auraient été surestimées de 12 millions d'euros. Toutefois, la comparaison entre cotisations attendues et effectives n'est pas accessible alors qu'il arrive fréquemment que des déconvenues soient enregistrées sur ce point. La Cour des comptes évoque plutôt un besoin de reconstitution du fonds de roulement de l'ENIM dont la rapporteure spéciale avait pu souligner l'épuisement.

L'adoption de l'article 34 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 avait privé l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM) de 15 millions d'euros de recettes correspondant aux droits sur les tabacs (dont la moitié versée au régime de retraite) mais n'avait pas été anticipé par la loi de finances. Dans ces conditions, la trésorerie de l'établissement avait dû être sollicitée (6 millions d'euros) pour couvrir le surcroît de besoin de financement associé à cette mesure.

Ce palliatif ne faisait que prolonger une tendance par laquelle à la dépense budgétaire s'est substituée la mobilisation du fonds de roulement de l'établissement. Celui-ci qui atteignait 98 millions d'euros à fin 2015 n'était plus que de 30,7 millions d'euros au terme de l'exercice 2017 (soit une économie budgétaire de 67,3 millions d'euros en deux ans). En 2018, la trésorerie de l'ENIM avait encore diminué.

Évolution de la trésorerie de l'assurance vieillesse des marins (ENIM)

(en millions d'euros)

Note : Avant 2015, la trésorerie inclut celle relative à la branche maladie (56,7 millions d'euros en 2015).

Source : Cour des comptes

En tout cas, un virement en provenance du programme 198 a pu dégager 9,9 millions d'euros au bénéfice de l'ENIM, dont l'impact sur la trésorerie de l'établissement a contribué au début de rétablissement observé en 2019.

Quant aux régimes couverts par le programme 195, les crédits prévus ont été intégralement consommés, ce qui constitue une situation inhabituelle, ce programme étant régulièrement ponctionné pour alimenter les besoins supplémentaires du programme 198.

Ces régimes sont en général fermés de sorte que la prévision est moins compliquée que pour des régimes ouverts. Elle peut cependant être prise en défaut. Mais, l'essentiel est que les subventions accordées à ces régimes sont plus « pilotables » que pour les autres régimes spéciaux de la mission. L'information budgétaire est en tout cas trop lacunaire pour que les dynamiques en cause puissent être captées.

Il est possible que la gestion des subventions joue sur des évolutions pluriannuelles des fonds de roulement des régimes, en particulier de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines.

Ainsi, l'an dernier la subvention d'équilibre prévue au projet du programme 195 pour couvrir le besoin de financement du régime minier avait été ponctionnée à hauteur de 11,5 millions d'euros sur la base d'opérations comptables réalisées par la CANSSM qui avaient permis de réduire son besoin de financement de 7,3 millions d'euros.

e) La dernière apparition du RCO, un régime au destin inquiétant

L'année 2019 constitue la dernière année de cristallisation d'une charge de 55 millions d'euros au titre du subventionnement du régime complémentaire de vieillesse des exploitants agricoles, cette subvention étant remplacée à compter de la loi de finances pour 2020 par des affectations de taxes au bénéfice de la mutualité sociale agricole.

En 2019, les crédits provisionnés (55 millions d'euros) ont été complètement consommés.

L'exercice 2017 avait été marqué par l'ouverture de 55 millions d'euros pour couvrir les besoins financiers du régime complémentaire des exploitants agricoles (RCO) consécutive à un amendement du Gouvernement présenté en deuxième lecture du projet de loi de finances rectificative pour 2017.

Cette mesure alors présentée comme provisoire car devant combler un déficit de trésorerie ponctuel, en lien avec le processus de revalorisation des retraites agricoles, et devant être remplacée par l'inscription de ressources supplémentaires au titre des taxes affectées, a finalement été prolongée par la loi de finances pour 2018 et par celle pour 2019.

Il vaut d'être relevé, dans le contexte actuel d'élaboration d'une réforme du régime des retraites supposée consacrer l'adoption d'un régime en points plutôt qu'en annuités afin d'assurer une plus étroite relation entre les revenus d'activité et les droits acquis pour la retraite, dans la perspective de renforcer la dimension contributive du régime des retraites, que le régime complémentaire des exploitants agricoles est précisément un régime en points.

Le choix de revaloriser les pensions de retraite des exploitants agricoles à partir de leur régime complémentaire plutôt qu'en sollicitant les équilibres du régime de base a conduit à faire peser sur ce régime des charges non finançables autrement que par la sollicitation de la solidarité nationale, sauf à imposer aux exploitants en activité des surcharges considérables.

Dans ce contexte, l'alternative entre une augmentation des taxes affectées, qui, avec le produit de la taxe sur les farines et celui de la taxe sur les huiles, représentait la majeure partie des recettes non contributives du régime, et un financement sur crédits budgétaires a été récusée au profit d'une combinaison de ces produits.

Ce choix a été totalement remanié dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, dans un contexte par ailleurs marqué par la suppression des « petites taxes », qualifiées ainsi à tort compte tenu de leur rendement. En réalité, il s'est agi de substituer la fiscalité générale à une fiscalité sectorielle considérée comme pesant sur les capacités de production des activités concernées (minoterie, huiles...).

En toute hypothèse, les 55 millions d'euros de crédits budgétaires consommés en 2019 pour le régime complémentaire des exploitants agricoles montrent que le principe contributif sur lequel entend reposer la promotion d'un régime en points n'est pas exclusif de la prise en compte d'un certain niveau de solidarité.

À cet égard, la rapporteure spéciale relève que le besoin de mise à niveau des pensions agricoles identifié par le Sénat aurait conduit à consacrer davantage de moyens au RCO que programmé par le Gouvernement en 2019, une surconsommation qui n'aurait été que justice.

Quant au choix entre un financement par fiscalité affectée et un financement sur crédits budgétaires, il engage des considérations opposées. Du point de vue du pilotage de la solidarité nationale, un financement sur crédits paraît plus satisfaisant ; ce type de financement est plus respectueux des principes budgétaires et de l'intégrité de l'autorisation parlementaire. À ces considérations, s'oppose une vision qui fait valoir que la responsabilité financière des régimes serait plus effective si le financement de la solidarité nationale reposait sur une certaine automaticité, dépendant de la dynamique des recettes affectées. Cet argument, qui est quelque peu en porte-à-faux avec les critiques qu'inspirent en général les affectations de recettes, cède devant une réalité qui n'empêche nullement les régimes massivement affectataires de taxes de bénéficier au surplus de subventions d'équilibres en provenance de diverses entités (État ou autres régimes de retraites).

Que la mission « Régimes sociaux et de retraite » prenne en charge une part croissante des subventions d'équilibre des régimes, que ce soit pour compenser des déséquilibres économiques et démographiques ou pour financer des droits non contributifs n'a rien d'extravagant aux yeux de la rapporteure spéciale.

Cette option est susceptible d'apporter des clarifications par rapport à un mécanisme de transferts plus opaque, mais aussi plus aveugle, reposant sur des taxes affectées.

Il n'y a, en effet, aucune raison pour que les dynamiques des besoins de financement des régimes de retraite soient parallèles à celle des rendements des taxes et il paraît absolument illusoire d'imaginer que cette dernière puisse résoudre des équations financières complexes et singulières.

Au demeurant, les comptes prévisionnels du RCO pour 2020 confortent les inquiétudes de la rapporteure spéciale.

Compte de résultat technique du RCO (2017-2020)

(en millions d'euros)

Note : Prestations et recettes nettes, hors provisions et reprises. En conséquence le solde n'est pas la différence des deux lignes prestations et recettes.

Source : Cour des comptes

B. RETOUR EN 2019 À LA TRAJECTOIRE DESCENDANTE DES CHARGES DE LA MISSION MAIS QUEL AVENIR ?

Les dépenses de la mission s'inscrivent sur une trajectoire régulièrement baissière dont la pente devrait s'accentuer à mesure de l'entrée en vigueur de l'ensemble des réformes apportées aux régimes spéciaux de retraite, dont le calendrier a été conçu pour ces derniers comme devant être progressif et subir un décalage par rapport à son application aux autres régimes de retraite, notamment à celui de la fonction publique de l'État.

Évidemment, la mise en oeuvre d'un régime universel de retraite tel que dessiné dans le projet de réforme des retraites, au parcours dès toujours sinueux, désormais au comble de l'incertitude aurait été de nature à réduire encore plus rapidement les besoins d'équilibre des régimes spéciaux par la contribution publique.

Quoi qu'il en soit, l'exercice 2019 n'a pas contrarié la tendance prévisible à législation constante d'une baisse des besoins de subventionnement des régimes spéciaux couverts par la mission.

Évolution des dépenses de la mission
(2015-2019)

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes

Le ressaut exceptionnel des dépenses observé en 2018 une fois absorbé, les dépenses de la mission en 2019 rejoignent une tendance descendante, processus auquel contribuent également des évolutions propres à l`année 2019, dont le maintien au-delà, pour n'être pas assuré, devrait s'installer au moins quelques années.

En 2019, les dépenses de la mission sont inférieures à la moyenne 2015-2018 de près de 200 millions d'euros (3,1 % de moins), ce malgré une dépense supplémentaire mise à la charge de la mission (les 55 millions d'euros du RCO).

Par rapport à 2018, une fois neutralisée la dépense correspondant à la dette de l'État envers la SNCF, la réduction de la dépense s'élève à 163 millions d'euros (- 2,6 %).

Les limites de la mission « Régimes sociaux et de retraite » (RSR)

L'an dernier, la rapporteure spéciale avait fait valoir les limites d'un raisonnement à périmètre constant. Il s'agissait de prévenir contre une assimilation hâtive entre l'image et la réalité.

Dans la droite ligne de ses observations, elle tient à mettre en évidence les limites de la mission RSR.

Cette dernière ne donne pas une image fidèle des transferts existant entre l'État et les régimes spéciaux de retraite.

Un grand nombre de régimes spéciaux ne sont pas inclus dans le périmètre de la mission pour des raisons qui pour être partiellement légitimes conduisent à jeter un voile d'opacité sur les transferts de l'État aux régimes spéciaux, produisant au surplus un « effet - lampadaire » qui conduit à polariser l'attention sur les régimes subventionnés sur crédits publics.

En réalité, les transferts de l'État en direction des régimes spéciaux empruntent de plus en plus la voie des affectations de taxes, en plus des compensations attribuées à partir des crédits de tel ou tel ministère.

L'année 2019 en a fourni une illustration typique avec l'affaire de la compensation des allégements de cotisations sociales pour les travailleurs occasionnels de la branche agricole qui a conduit à réduire les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » de plusieurs centaines de millions d'euros.

La rapporteure spéciale prend acte de l'existence d'une annexe aux projets de loi de financement de la sécurité sociale consacrée au financement des régimes sociaux.

Cependant, cette annexe qui n'est pas produite, par définition, dans le cadre des opérations de règlement budgétaire, n'a à l'évidence pas le même statut qu'une mission budgétaire.

À tout le moins, la mission RSR devrait regrouper l'ensemble des crédits consacrés aux régimes de retraite tandis qu'un document de politique transversale devrait être produit afin de mesurer le niveau et l'impact des solidarités, quelles qu'en soient les circuits, dont les différents régimes de retraite bénéficient.

À plus long terme, les charges d'équilibrage des régimes spéciaux de retraite devraient décliner. Toutefois, comme indiqué l'année dernière, le profil temporel de ce repli sera modifié du fait de la réforme ferroviaire qui conduit à en décaler la survenue dans le temps, tout en renforçant l'ampleur, mais à long terme.

Il faut évidemment ajouter le poids des incertitudes liées à l'instauration d'un régime universel de retraite supposé mettre fin aux régimes spéciaux de retraite et, selon des modalités plus ou moins identifiables, conduire à l'extinction d'un volume de « droits de solidarité » relativement massif.

1. Après une exécution 2018 excédant le plafond de la nouvelle loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, la consommation des crédits est en 2019 sous le plafond prévu

Le bilan de la programmation pluriannuelle annoncé dans le rapport annuel de performances de la mission n'est pas exposé, ce qu'il faut regretter.

Toutefois, force est d'observer que les dépenses constatées en 2019 ont été inférieures au plafond de dépenses fixé par la nouvelle loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

a) Ces dernières années, la modération de l'inflation a été une manne pour la mission...

Ces dernières années, la mission peut être considérée comme ayant participé à la maîtrise des dépenses publiques programmée à moyen terme, au-delà de l'objectif d'économie fixé dans le cadre de la programmation pluriannuelle des finances publiques.

Excepté pour le régime de la RATP, les dépenses financées par la mission ont été à peu près stables en valeur courante entre 2012 et 2018, les dernières années de cette période permettant même de dégager des économies.

Exécution en nominal des crédits de la mission entre 2012 et 2018

(base 100 en 2012)

Champ : périmètre constant 2018.

Source : Cour des comptes à partir de CHORUS

Les évolutions les plus récentes ont tranché avec la tendance observée jusqu'en 2014 à l'augmentation des besoins de financement des régimes spéciaux couverts par la mission.

Ce processus a repris en 2019. Par rapport au pic de 2014, malgré une surcharge budgétaire de 55 millions d'euros, la dépense de 2019 est en retrait de 314 millions d'euros.

Évolution des dépenses de la mission depuis 2006

Champ : Évolution à périmètre courant, hors subvention versée au CAS « Pensions » jusqu'en 2012 inclus.

Source : Cour des comptes

Ce résultat n'a pas été causé par le ralentissement de l'inflation mais ce dernier l'a favorisé.

On rappelle qu' 1 point d'inflation équivaut à 89 millions d'euros de dépenses de pension supplémentaires pour les principaux régimes spéciaux de la mission, soit à supposer que les salaires cotisés demeurent inchangés, un besoin de subventionnement budgétaire du même ordre.

Évolution de l'inflation
(2000-2019)

Source : INSEE

Le nouveau régime d'inflation postérieur à la crise financière de 2007-2008 a exercé un effet favorable en limitant l'indexation des pensions en stock.

Une partie des sous consommations observées sur le triennal 2015-2017 a été le résultat d'une surestimation de l'inflation en prévision.

Dépassement et respect des dernières lois de programmation

(en millions d'euros de crédits de paiement)

2015

2016

2017

Triennal 2015-2017 (au format 2015)

6 414

6 396

6 396

Exécution

6 452

6 320,3

6 330

LFI

6 414

6 320,3

6 307

* Programmation initiale, à périmètre courant.

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des rapports annuels de performances de la mission et de la loi de programmation pour 2014-2019)

Les économies correspondantes sont susceptibles de se cumuler au cours d'une période pluriannuelle finissant par dégager des montants substantiels (ou, à l'inverse, en cas d'inflation supérieure à la prévision, des surcoûts importants) au terme de la période.

La chronique des modifications apportées avant le PLFSS 2018
à l'indexation des pensions

Aux termes de la loi du 21 août 2003 , le coefficient de revalorisation des pensions était égal à l'évolution prévisionnelle des prix hors tabac pour l'année N, corrigé, le cas échéant, de la révision de la prévision d'inflation de l'année N-1 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances de l'année N.

Entre 2009 et 2013 , la revalorisation de l'ensemble des pensions est intervenue au 1 er avril de chaque année et non plus au 1 er janvier. La revalorisation pour l'année N était égale à la prévision d'inflation établie par la Commission économique de la Nation, ajustée sur la base de l'inflation définitive constatée pour N-1 (connue en avril N de manière définitive).

En application de la loi du 20 janvier 2014 « garantissant l'avenir et la justice du système de retraites », la revalorisation de l'ensemble des pensions (hors minimum vieillesse et majoration pour tierce personne) doit désormais intervenir au 1 er octobre de chaque année 289 ( * ) .

Dans ces conditions, aucune revalorisation n'était intervenue en 2014 compte tenu de l'application du correctif destiné à compenser les effets d'une surestimation du rythme de l'inflation en 2012 (0,7 % effectif contre une prévision de 1,2 %) dans un contexte où cet écart s'était révélé juste égal à l'inflation prévue dans le rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année (0,5 %).

Compte tenu des prévisions d'inflation, les pensions de retraite ont été revalorisées de 0,1 % au 1 er octobre 2015, soit la prévision d'inflation pour 2015 telle que figurant dans le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2016, car le gel initialement prévu lors de l'élaboration de la loi de financement rectificative pour la sécurité sociale de juillet 2014 a conduit à ne pas appliquer le correctif entre l'inflation prévisionnelle de 2014 et l'inflation définitive constatée.

Compte tenu du nouveau calendrier d'application des revalorisations des pensions, l'effet en année pleine de la revalorisation des pensions en 2015 peut être estimé à un équivalent-revalorisation entre 0,015 % et 0,025 %.

Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2016 ont apporté de nouvelles évolutions. Elles prévoient d'harmoniser et de simplifier les règles de revalorisation de l'ensemble des prestations sociales, y compris des pensions de retraite. Ainsi, les pensions de retraite sont revalorisées au 1 er octobre de chaque année mais cette revalorisation se fonde désormais sur l'évolution des prix hors tabac constatée en moyenne annuelle sur les douze derniers mois disponibles . En cas d'évolution négative des prix, une règle de « bouclier » garantit le maintien des prestations à leur niveau antérieur.

Source : commission des finances du Sénat

b) ... que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, opérant une rupture du pacte social sur les retraites, a amplifiée, involution qui n'a été que partiellement corrigée en 2019...

Si les modifications apportées aux conditions de revalorisations des pensions exposées ci-dessus n'avaient, pour l'essentiel, que consolidé la réforme de 1993, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a franchi une étape supplémentaire dans la mobilisation des conditions d'indexation des retraites pour réaliser des économies budgétaires.

En reportant la revalorisation des pensions de l'exercice d'octobre 2018 à janvier 2019, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a opéré une rupture avec un principe d'indexation des prestations de retraite sans lequel ces dernières sont vouées à perdre sourdement de leur pouvoir d'achat.

Cette véritable régression n'a été que partiellement corrigée en 2019, une indexation de 0,3 % étant appliquée au 1 er janvier de l'année.

Toutes choses égales par ailleurs, cette indexation, dont l'impact n'est pas présenté dans le RAP, a sans doute élevé les dépenses de pensions de l'ordre de 27 millions d'euros et les charges de la mission à due proportion.

Par rapport à une indexation sur les prix telle qu'appliquée jusqu'en 2018 et telle que prévue dans le projet de loi sur le régime universel de retraite, l'économie procurée par la sous-indexation par rapport à l'inflation observée en 2019 (1,3 %) s'élève à 90 millions d'euros.

c) ... contribuant au respect du plafond d'une loi de programmation pluriannuelle des finances publiques...

Le plafond de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques 2018-2022 bornait les dépenses de la mission à 6,27 milliards d'euros en 2019.

L'exécution a été inférieure à ce plafond de 84 millions d'euros.

Compte tenu des opérations exceptionnelles rattachées à l'exercice, la sous consommation du plafond de la loi de programmation peut être considérée comme ayant dépassé 110 millions d'euros.

Ce résultat revêt toutefois un caractère partiellement contingent dans la mesure où la norme de dépenses de la loi de programmation est construite sur des prévisions, au demeurant non explicitées, qui peuvent correspondre plus ou moins aux besoins.

À cet égard, la rapporteure spéciale relève que la loi de programmation n'a pu être respectée en 2019 que moyennant une suite de sous-indexations des pensions.

d) ... d'ores et déjà périmée

L'adoption du pacte ferroviaire en 2018 devrait conduire à la fermeture du régime de la SNCF à partir de 2020.

Le régime n'accueille plus de nouveaux salariés sous statut depuis le 1 er janvier de sorte que, même si les conditions sociales appliquées aux nouveaux entrants demeurent incertaines, en l'absence de conclusion d'une nouvelle convention collective, et dans l'incertitude des impacts du projet de réforme des retraites, ceux-ci ne cotiseront plus au régime spécial, devant être affiliés, dans des conditions à définir, au régime général de sécurité sociale.

Cette évolution, qui est appelée à modifier les conditions financières du régime de la SNCF avec des effets massifs pour la mission (voir infra ) conduit à prévoir que le plafond des dépenses de la mission fixé en 2020 à 6,30 milliards d'euros devrait être difficile à respecter.

À cet égard, les annonces du Président de la République consécutives au « grand débat » devraient encore compliquer l'équation prévue, même si leur traduction dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a été pour le moins mesurée. En effet, le retour à une indexation des pensions sur les prix n'a été que partiel, sélectif selon le niveau des pensions.

On relève enfin que la majorité sénatoriale n'a pas avalisé l'indexation sélective alors adoptée, défendant une position plus égalitaire.

2. Après l'augmentation transitoire des charges en 2018, retour à une réduction des dépenses de la mission en 2019

Les dépenses de la mission ont été réduites de 261,6 millions d'euros. Après neutralisation d'opérations qu'on peut considérer comme exceptionnelles, la réduction de la dépense atteint, selon le périmètre de neutralisation retenu, entre 158 millions d'euros et 197 millions d'euros (une fois comptées les subventions du fonds de roulement de l'ENIM et l'avance sur transfert à la CPRP-SNCF).

La baisse de la dépense qui est survenue dans un contexte de (faible) indexation des pensions, traduit l'impact de facteurs différenciés qui ont joué pour réduire la charge budgétaire.

Le RAP ne les expose pas avec suffisamment de précision. On en est donc trop souvent réduit à la formulation d'hypothèses, ce qu'une information budgétaire normale devrait épargner.

a) La faible indexation des pensions de retraite en 2019, un facteur modéré de hausse des charges de la mission

Compte tenu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, aucune revalorisation n'avait été mise en oeuvre au cours de l'année 2018.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 a décidé d'appliquer une indexation de 0,3 % au 1 er janvier 2019.

Avec des dépenses de pension de l'ordre de 10 milliards d'euros, cette indexation pourrait avoir suscité une hausse des charges de la mission de l'ordre de 30 millions d'euros.

Les dépenses de pension des caisses couvertes par la mission sont concentrées sur la CPRP-SNCF pour laquelle une estimation de l'excédent de pensions dû à l'indexation de 16 millions d'euros peut être avancée, les autres régimes se partageant le reliquat (voir le tableau infra).

Une indexation des pensions sur l'inflation constatée aurait entraîné un surcroît de charges de 130 millions d'euros, si bien que la sous indexation des pensions a permis d'économiser une centaine de millions d'euros.

Compte tenu de l'inflation cumulée sur 2018 et 2019, la perte de pouvoir d'achat individuel s'élève à 2,8 %.

b) Les autres composantes de l'équilibre des charges de la mission ont plus qu'atténué le supplément de charges résultant de l'indexation

Pour les quatre caisses principales couvertes par la mission, le tableau ci-dessous expose une estimation portant sur la différence entre les besoins nés de l'indexation des pensions de janvier 2019 et la variation des subventions d'équilibre versées à ces caisses à partir de la mission.

Différences entre le supplément de charges résultant de l'indexation
des pensions et la variation des subventions d'équilibre
(hors règlement de la dette SNCF)

(en millions d'euros)

Indexation

Variation de la subvention d'équilibre

Différence

SNCF

16

- 59

75

RATP

3,6

- 32,4

36

ENIM

3,1

+ 1,7

1,4

CANSSM

3,7

- 66,4

70,1

Total

26,4

- 156,1

182,5

Source : commission des finances du Sénat

L'atténuation de charges attribuable au régime minier (- 5,7 %) provient d'un effet de ciseaux entre les cotisations sociales du régime qui baissent et un nombre de pensionnés qui baisse encore plus vite et se déforme dans le sens d'une forte réduction des pensions de droit direct, plus coûteuses.

En ce qui concerne la SNCF, les recettes ont augmenté de façon assez soutenue (+85 millions d'euros, dont 27,2 millions d'euros de régularisation de l'exercice 2018) sous l'effet de la fixation de taux de cotisation en hausse.

À cet égard, il est heureux de constater que l'issue des contentieux entre la SNCF et l'État n'est pas toujours défavorable à l'État. Ainsi la réestimation du taux T2 revu à la hausse à compter du 1 er mai 2017 de 11,81 % à 13,85 % (décret n° 2017-691 du 2 mai 2017), pour un total de 90 millions d'euros en année pleine ayant suscité une requête en annulation du Groupe public ferroviaire (GPF) auprès du Conseil d'État, ce dernier a estimé en juillet 2018 que le GPF n'était pas fondé à demander l'annulation du décret. Cette décision a entraîné l'augmentation attendue des produits de cotisation tandis que les ressources de compensation ont été supérieures de 4 millions d'euros par rapport à 2018.

Malgré l'indexation des pensions et une croissance du nombre des retraités, les dépenses de pension ont diminué en valeur absolue, de 19 millions d'euros, la totalité des charges de la CPRP-SNCF reculant de 20,8 millions d'euros.

Hors indexation, les pensions auraient diminué de 35 millions d'euros malgré un nombre plus élevé de pensionnés.

Sous réserve d'informations complémentaires, le niveau de la pension moyenne ressort en baisse, ce qui signifie que les pensions nouvellement liquidées le sont à un quantum inférieur à celui de la pension en stock.

Cette constatation ressort d'autant plus « apparente » que les pensions du stock n'ont connu que de très faible revalorisation ces deux dernières années du fait de leur sous-indexation.

En toute hypothèse, ces enchaînements viendraient prolonger une évolution enclenchée à partir de 2018.

Évolution de la valeur liquidative des nouvelles pensions par année (SNCF)

(en euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale ; projet de loi de finances pour 2020

Selon toute apparence, le durcissement des règles de liquidation des pensions commence à produire des effets significatifs (voir infra ), l'effet de noria jouant de moins en moins.

Pour la RATP, le dynamisme des cotisations sociales est également patent (+ 31,3 millions d'euros, soit + 6,7 %). L'an dernier, un différend sur la fixation du taux de cotisation patronale de la RATP avait limité les versements réalisés à ce titre par l'entreprise.

Un décret n° 2019-230 a modifié le mécanisme de calcul des cotisations sociales vieillesse de la RATP avec pour effet une augmentation du taux provisionnel de cotisation patronale et un basculement de la hausse des taux de cotisation vers les cotisations salariales pour un effet de 5,4 millions d'euros.

À quelques détails près, la réorganisation des taux de cotisation a entraîné une hausse, plus soutenue pour les cotisations sociales salariales, des produits en 2019.

Évolution des recettes de la caisse de retraite de la RATP

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Quant aux dépenses, elles ont augmenté mais beaucoup moins rapidement (+ 1,2 % ; 1,4 % pour les seules dépenses de pension). Cette augmentation laisse environ 1,1 % de croissance à la responsabilité des facteurs autres que l'indexation.

Hélas, l'information budgétaire ne permet pas de disposer des éléments nécessaires pour en décomposer les effets.

Apparemment, malgré un nombre de départ inférieur à la prévision, le « stock » de retraités aurait augmenté davantage que le taux mentionné ci-dessus de sorte que, pour la RATP également, une baisse de la valeur moyenne de la pension nouvellement liquidée serait intervenue.

Elle prolongerait aussi l'inflexion observée à partir de 2018 pour les pensions de droit direct.

Évolution de la valeur liquidative des nouvelles pensions par année (RATP)

(en euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale ; projet de loi de finances pour 2020

L'analyse des équilibres des régimes spéciaux, nécessairement complexe du fait de la diversité des paramètres en jeu, doit être resituée dans le cadre de l'application des réformes des retraites passées à ces régimes.

Les réformes des régimes de retraite inaugurés en 2003 ont touché les régimes spéciaux moyennant un calendrier d'application décalé (de quatre ans) par rapport à leur application aux fonctionnaires de l'État.

Par ailleurs, des régimes ont été exemptés de ces réformes : les régimes fermés et le régime des marins.

Principales composantes de la réforme des régimes spéciaux de 2008

La durée de cotisation

La durée de cotisation nécessaire pour atteindre un taux plein de liquidation a été augmentée si bien que le rendement des cotisations a, toutes choses égales par ailleurs, été réduit. Cette mesure est appelée à entrer en vigueur progressivement.

- Avant réforme : 37 ans et demi

- Après réforme : augmentation progressive de la durée de cotisation pour une pension à taux plein (75 % du salaire de référence) depuis le 1 er juillet 2008 pour passer de 150 trimestres (37,5 années) à 166 trimestres (41,5 années) en 2018 (suppression des bonifications). Le nombre de trimestres varie selon la date de naissance et la nature de l'emploi, sédentaire ou agent de conduite. La bonification de 5 ans d'annuités maximum est supprimée pour les agents d'exploitation et de maintenance recrutés après le 1 er janvier 2009.

Le choix de l'âge de départ en retraite

- Avant réforme : à l'initiative de l'agent ou de l'entreprise.

- Après réforme : à l'initiative de l'agent seulement (la clause « couperet » autorisant l'employeur à recourir à la mise à la retraite d'office a été supprimée).

L'instauration d'une décote et d'une surcote

- Avant réforme : ni décote si surcote.

- Après réforme : décote à partir du 1 er juillet 2010 et surcote à partir du 1 er juillet 2008 ; les assurés qui cotiseront au-delà de la durée nécessaire pour obtenir le taux plein de 75 % verront leur pension majorée et, à l'inverse, ceux qui cesseront leurs fonctions avant de remplir ces conditions verront leur pension minorée.

L'indexation des pensions

- Avant réforme : les pensions évoluent comme les salaires.

- Après réforme : les pensions évoluent comme l'indice des prix à la consommation hors tabac à compter du 1 er janvier 2009, moyennant des ajustements éventuels en loi de financement de la sécurité sociale

L'année 2018 a été la deuxième étape du relèvement progressif des seuils d'âge prévu par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 (plus deux ans en respectant les différences existantes entre les catégories sédentaires et les catégories actives, à raison de quatre mois par génération).

Par ailleurs, elle a prolongé un certain nombre de dispositions déjà entrées en vigueur : relèvement des taux de cotisation salariales et employeurs, décote, décalage de l'échéance de l'indexation des pensions..., tandis que les mesures de carrière négociées dans le cadre des réformes, (comme la création d'échelons supplémentaires de fin de carrière) exercent des effets sur les comportements de départ en retraite.

Ces mesures modifient le système dans le sens d'une hausse des recettes des régimes qu'elles touchent (par le biais de la hausse des taux de cotisations) et d'une modération de la progression des dépenses (du fait du relèvement de l'âge légal de départ en retraite et des dispositions relatives à la décote).

À contexte donné 290 ( * ) , elles tendent à réduire structurellement les besoins de financement des régimes.

Néanmoins, ces enchaînements sont tributaires de changements de comportement, qui peuvent les contrarier temporairement, en particulier dans les périodes de transition.

Compte tenu de l'influence attendue des réformes successives sur les équilibres des régimes spéciaux, qui conditionnent le niveau des subventions budgétaires versées à ces régimes, il est souhaitable que les projets de loi de finances comportent systématiquement une présentation de leur impact.

C'est au demeurant de façon beaucoup plus générale que l'information donnée sur la cohérence entre l'exécution budgétaire et les besoins d'équilibre des différents régimes devrait progresser.

À tout le moins, des éléments saillants devraient être plus systématiquement explicités. C'est tout particulièrement le cas en ce qui concerne les comportements de départ en retraite, qui, ces dernières années, s'agissant des régimes de la SNCF et de la RATP notamment, paraissent déjouer assez systématiquement les prévisions.

En ce qui concerne le régime des marins (ENIM), l'information budgétaire reste peu satisfaisante dans la mesure où les différentes branches de protection et d'action sociale gérées par l'établissement de la marine ne sont pas rigoureusement distinguées. Cette situation paraît tenir aux délais nécessaires pour produire des comptes qui ne sont publiés qu'à mi-juin.

Dans ce contexte, on doit se contenter de relever que la hausse des dépenses du programme (+ 1,3 million d'euros) n'est pas venue de la subvention pour charges de service public versée à l'établissement (avec 10,7 millions d'euros, elle s'est inscrite en légère baisse par rapport aux 11,1 millions d'euros de 2018), non plus que de la dynamique des dépenses de pension.

Les charges de pensions supportées par l'ENIM ont baissé de 17 millions d'euros (- 1,6 %).

Au total, le nombre des pensionnés recule de près de 1,2 % et il en va de même du niveau moyen des pensions servies (11 308 euros pour les pensions de droit direct, soit une baisse de 67 euros par an - une réduction relative nominale de 0,6 %; 6 077 euros pour les pensions de droit dérivé en recul de 29 euros - moins 0,5 % en nominal).

On peut en outre déduire du rapport annuel de performances que joue un effet de composition, qui voit le renforcement de la part relative des pensions de droit dérivé, moins onéreuses, produire une économie structurelle qui avait été estimé l'an dernier à environ 0,6 % des charges de pension.

Étant précisé que le résultat de la branche vieillesse qui avait été négatif l'an dernier (3 millions d'euros) s'est redressé en 2019 pour aboutir à un excédent de 17,4 millions d'euros (soit un redressement de 20,4 millions d'euros), il faut relever que les ressources « propres » de la branche ont diminué de 6,6 millions d'euros.

Cette évolution n'est pas reconstituable à partir de l'information budgétaire telle qu'elle est fournie.

En effet, si l'on se réfère aux données explicitées dans les rapports annuels de performances pour 2018 et pour 2019, toutes les ressources de la branche sont, soit en hausse (légère), soit stabilisées.

Dans ce contexte, la légère augmentation du poste « cotisations sociales et compensation d'exonérations de cotisations sociales » ne vient pas des cotisations sociales. Le nombre des cotisants a, à nouveau, baissé en 2019 (- 0,3 %) et le taux de recouvrement instantané des cotisations sociales a légèrement diminué. En revanche, les compensations d'exonérations sociales versées par le programme 205 ont légèrement augmenté.

Finalement, on est conduit à attribuer à un poste « recettes diverses » la baisse des ressources « propres « de la branche. Il serait utile d'en présenter la teneur.

Au total, la subvention versée par la mission aura permis de remonter légèrement le fonds de roulement de l'ENIM.

Résultat et trésorerie de l'ENIM
(2012-2019)

(en millions d'euros)

Note : Avant 2015, la trésorerie inclut celle relative à la branche maladie (56,7 millions d'euros en 205).

Source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2019

C. UN TAUX ÉLEVÉ DE SUBVENTIONNEMENT DES RÉGIMES SUR LES CRÉDITS DE LA MISSION À L'AVENIR TRÈS INCERTAIN

La réduction des dépenses de la mission entraîne une baisse des taux de subventionnement des régimes spéciaux. Mais, ces derniers restent très élevés.

Néanmoins, l'exécution des crédits en 2019 peut être considérée comme une étape supplémentaire vers une réduction des dépenses destinées à équilibrer les régimes spéciaux.

Celle-ci reste toutefois entourée d'incertitudes. Par ailleurs, elle s'accompagne du maintien d'une perspective d'appel aux contributions publiques pour couvrir un besoin de financement persistant, même à un horizon très long marqué par l'amplification des effets de rééquilibrage attendus de l'effet de ciseaux entre les ressources des caisses et une pratique d'indexation des pensions qui compense en partie la dégradation du rapport démographique de ces régimes

1. Les taux de subventionnement des régimes spéciaux par la mission sont très élevés...

Les taux de subventionnement des régimes baissent légèrement en 2019.

Taux de subventionnement des plus importants régimes spéciaux par la mission

SNCF 291 ( * )

RATP

Marins 292 ( * )

Mines

Total

Subvention de la mission
(A)

(en millions d'euros)

3 250

680

826

1 101

5 857

Pensions
(B)

(en millions d'euros)

5 308

1 169

1 018

1 299

8 794

A/B

61,2 %

58,2 %

81,1 %

84,8 %

66,6 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les données du rapport annuel de performances de la mission

La contribution des crédits de la mission au financement des pensions servies par les régimes spéciaux de retraite est variable selon le régime considéré, mais elle dépasse généralement 60 % pour les plus grands de ces régimes. En 2019, le taux de subventionnement de la RATP passe sous ce seuil, mais pour des raisons non reproductibles (voir supra ).

Si l'on considère que la plupart des régimes spéciaux correspondent à des entreprises opérant sur des champs plus ou moins concurrentiels, on pourrait juger que cette situation revient à subventionner par appel aux contribuables une partie des coûts sociaux de l'exploitation, conduisant à des perturbations de concurrence.

Cette conclusion serait probablement hâtive dans la mesure où la subvention accordée par l'État résulte en réalité de deux facteurs agissant dans des proportions variables selon le régime considéré.

En effet, la contribution versée par l'État vient, d'une part, pallier les effets de l'isolement de régimes aux ratios démographiques défavorables, et, d'autre part, compenser les avantages de retraites supposés constituer une contrepartie à la pénibilité particulière de certains métiers. C'est le volet « solidarité » de la subvention qui est alors en cause.

Parmi ces derniers figurent les facultés de départs à la retraite plus précoces que dans les régimes de droit commun, qui même si elles sont en cours de durcissement, et ne sont déjà plus entièrement exploitées du fait de l'allongement de la durée de cotisation nécessaires à une liquidation au taux plein, voient les salariés de ces entreprises liquider leurs droits à retraite beaucoup plus tôt que dans le cas général.

Les principales règles dérogatoires applicables
aux régimes spéciaux de retraite

Les trois principaux régimes de retraite « ouverts » subventionnés par la mission, à savoir les régimes des retraites des personnels de la SNCF, de la RATP et des marins se caractérisent par des règles plus avantageuses que celles du régime général en matière d'âge de départ à la retraite et de liquidation.

Parmi les règles dérogatoires applicables au régime des marins , on peut citer :

- l'âge légal d'ouverture des droits à la retraite fixé à 55 ans (contre 62 ans pour le régime général) ;

- la liquidation de la pension de retraite sur la base des 3 dernières années (en fonction du salaire forfaitaire) ;

- l' absence de mécanisme de décote et de surcote .

Les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP se distinguent, quant à eux, du régime général par :

- un âge légal d'ouverture des droits de 50 ans progressivement porté à 52 ans pour le personnel roulant des deux entreprises. L'âge légal d'ouverture des droits est de 55 ans pour les autres catégories de personnels de la SNCF, devant être porté progressivement à 57 ans et de 55 ans ou 60 ans respectivement (progressivement porté à 57 ans ou 62 ans) pour les personnels de la RATP appartenant à la catégorie A active ou aux autres catégories ;

- un mécanisme de bonifications (validations gratuites de trimestres) pour les personnels recrutés avant la réforme de 2008 ;

- une liquidation de la pension sur la base des six derniers mois de salaires .

Par conséquent, l'âge effectif de départ à la retraite des assurés des régimes spéciaux est sensiblement inférieur à celui observé dans le régime général .

L'estimation de l'impact des règles particulières aux régimes spéciaux de retraite sur leurs charges et sur le besoin de recourir à la solidarité nationale est complexe.

On mentionne ici les résultats mis en avant par la Cour des comptes.

Sur la base d'une méthode consistant à décomposer les charges des régimes de la SNCF et de la RATP en trois composantes (les dépenses qui seraient supportées si les régimes étaient conduits dans les termes juridiques et démographiques du régime général, les charges spécifiquement attribuables à la situation démographique dégradée de ces régimes, le coût des départs précoces et les suppléments de pensions accessibles dans ces régimes), la Cour des comptes est conduite à chiffrer à 900 millions d'euros le coût des départs précoces (300 millions d'euros pour la RATP, 600 millions d'euros pour la SNCF) et à 2,3 milliards d'euros l'impact du rapport démographique (principalement pour la SNCF).

Les suppléments de pensions représenteraient une somme plus modeste.

À la RATP, l'absence de surcotisation conduit à laisser l'État prendre en charge les coûts démographiques du régime mais surtout les départs précoces.

Pour la SNCF, si les cotisations T2 prennent en charge une part des spécificités du régime dues aux départs précoces (260 millions d'euros), l'État en financerait la majeure partie (340 millions d'euros). En outre, il financerait l'impasse de financement par le T2 des surcroîts de pension à hauteur de 230 millions d'euros, soit un total de 570 millions d'euros représentant 18 % de la subvention prévue en 2020.

Dans ce contexte, les départs en retraite auraient été effectués un peu plus tardivement en 2019 qu'en 2018, ce qui paraît indiquer une sensibilité certaine des comportements de départ au montant de la pension accessible (dont on a indiqué plus haut qu'elle est en baisse).

Les âges de départ en retraite constatés à la SNCF et à la RATP

SNCF

En 2018, l'âge de départ en retraite des agents de conduite est en hausse sur la période observée. Ainsi, l'âge moyen de départ en retraite de cette population augmente de 3 ans et 4 mois depuis 2008 pour passer de 50 ans et 3 mois en 2008 à 53 ans et 7 mois en 2018.

L'âge de départ à la retraite des « autres agents » augmente également. En effet, l'âge moyen de départ augmente de 3 ans sur la période observée pour passer de 55 ans et 2 mois en 2008 à 58 ans et 2 mois en 2018.

RATP

Au sein du régime RATP, toutes catégories confondues, l'âge moyen de départ à la retraite constaté en 2017 se situe à 55 ans et 9 mois.

Il est plus précoce qu'à la SNCF, pour des raisons qui paraissent tenir à la composition des effectifs, mais pourraient être également liées à un système de bonification plus favorable.

Selon le rapport d'activité 2017 de la caisse, l'âge diffère selon le sexe et la catégorie professionnelle.

Source : Caisse de retraite de la RATP

Il est évident que la configuration choisie par le Gouvernement pour son projet de réforme des retraites est de nature à accentuer très nettement les enchaînements observés en 2019.

La charge budgétaire de la mission RSR, à supposer qu'elle soit maintenue, s'en trouverait plus amplement et plus rapidement allégée.

Cette perspective ne fait l'objet d'aucune précision dans l'étude d'impact annexée au projet de loi visant à instituer un régime universel de retraite.

Cette lacune prolonge l'état déficient de l'information budgétaire, qui, actuellement, ne présente pas de justification fine des subventions versées aux différents régimes spéciaux couverts par la mission, ni une quelconque analyse de leurs impacts économiques et sociaux.

2. ... mais les charges de la mission devraient baisser...

Le compte général de l'État présente une projection à long terme (horizon 2050 et 2119) des besoins de financement cumulés, et actualisés, des principaux régimes spéciaux de retraite qui fait ressortir les montants d'engagements implicites de la mission correspondant à différentes hypothèses de taux d'intérêt.

La fourchette va de 129,7 milliards d'euros à 188,3 milliards d'euros en 2050 et de 207,2 milliards d'euros à 475,5 milliards d'euros en 2119.

La structure des engagements de long terme de l'État au titre des retraites des régimes spéciaux n'est pas le simple miroir des dépenses actuelles de la mission.

Ces dernières sont encore fortement impactées par les dépenses nécessaires à l'équilibre des régimes fermés, en particulier celui des mines. Ces dépenses sont vouées à se contracter progressivement à mesure que les pensionnés de ces régimes décèderont.

Pour le régime des mines qui, en 2019, absorbe 17,7 % des dépenses de la mission, dès l'horizon 2050 les engagements cumulés de l'État au titre de ce régime ne pèsent plus que 12 % des besoins totaux. À l'horizon 2119, ils n'en représenteraient que 8,2 % du fait d'un épuisement du nombre des pensionnés.

Dans ces conditions, l'essentiel des engagements provient du régime de la SNCF qui en représente plus de la moitié. La RATP suit (23,1 %), le régime des marins continuant à représenter un montant élevé d'engagements (17,5 %) à l'horizon 2118.

Néanmoins, en relation avec la fermeture du régime spécial de la SNCF à partir de janvier 2020, le poids relatif des engagements de l'État au titre de ce régime serait en réduction progressive.

Les résultats en projection ressortent comme très sensibles au choix du taux d'actualisation 293 ( * ) , ce qui reflète la sensibilité de l'équilibre financier des régimes de retraite aux conditions de la croissance économique.

Mais ils sont également sensibles aux conventions employées.

La fermeture du régime de la SNCF est traitée à législation courante dans le compte général de l'État pour 2019.

Cette dernière (article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020) prévoit que des transferts seront réalisés entre les régimes d'accueil des nouveaux salariés de l'entreprise (embauchés hors statut) et le régime spécial afin de régler un problème aigu de transition.

Ce dernier vient d'un conflit entre une logique formelle de répartition qui conduirait à rattacher les cotisations des entrants dans le régime général au financement de ce seul régime et une logique « profonde » de la répartition qui conduit à faire somme de toutes les dépenses de pension pour déterminer les cotisations nécessaires.

Ce conflit apparaît d'autant moins évident à résoudre que les régimes impliqués ne fonctionnent pas strictement sur les bases de la répartition (ils sont alimentés par des ressources extérieures aux cotisations des affiliés, comme l'illustre la subvention d'équilibre versée par l'État à la CPRP-SNCF).

La fermeture du régime spécial des agents de la SNCF peut s'analyser au stade actuel de la structure du système de retraite (où les régimes spéciaux demeurent) comme la constitution d'un régime bifide de retraite des agents de l'entreprise, les uns (les actuels et futurs pensionnés du régime spécial) étant régis pas ces règles historiques (en voie de modification du fait des réformes des retraites passées), les autres (les nouveaux salariés) étant soumis à des règles de détermination de leurs droits décalquées de celles du régime général. On pourrait également raisonner à partir d'une représentation où, dans le régime général, s'incorporerait une population disposant de droits de retraite singuliers dont la charge doit être couverte par les cotisations appropriées.

Dans une telle configuration, il est normal que les besoins de financement des retraités de l'entreprise sur toutes les périodes à venir soient couverts par la somme des cotisations des affiliés « tous régimes ».

Néanmoins, il faut également tenir compte d'autres contraintes et effets : les affiliés SNCF aux régimes de droit commun sont censés contribuer au financement des pensions de ces régimes (cotisations salariales et cotisations employeurs) et par ailleurs les termes de la compensation démographique sortent modifiés de l'opération, le régime spécial de la SNCF étant appelé à davantage bénéficier de la compensation démographique.

Le parti a été pris d'encadrer la compensation qui devra être négociée entre les régimes concernés et l'État sur la base de l'impact démographique de la fermeture du régime spécial, pour ce dernier et pour les régimes de droit commun, l'État prenant à sa charge la différence entre les produits du taux de cotisation T2 et le produit du taux de cotisation des régimes de droit commun.

La rapporteure spéciale relève que ces principes d'évaluation de la compensation devraient aboutir, toutes choses égales par ailleurs, à élever la subvention d'équilibre de l'État au régime spécial de la SNCF, cette dernière bénéficiant d'un allégement de ces cotisations employeurs. Dans ce contexte, le régime général ne capterait pas la totalité des nouveaux produits mais son « rétro transfert » n'est pas à ce jour estimable. Il dépendra de la base de calcul qui, si elle devait passer par l'application des règles ordinaires de la compensation économique et démographique, lui garantirait de conserver une part significative des nouveaux produits.

Dans ces conditions, le tableau ci-dessous figurant dans l'étude d'impact annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020 illustre ces équilibres mais moyennant une certaine approximation.

Impact pour la SNCF de la fermeture du régime spécial

(en millions d'euros)

Note : Économie ou recette supplémentaire (signe +). Coût ou moindre recette (signe -).

Source : PLFSS 2020

En toute hypothèse, le compte général de l'État pour 2019 ne préjuge pas de l'issue d'une négociation complexe et, de ce fait, il aboutit à alourdi les engagements de l'État correspondant aux besoins de financement de ce régime spécial.

La comparaison des valorisations des engagements de l'État au titre de la SNCF entre 2017 et 2019 indique l'impact que peuvent avoir des réformes des entreprises ou professions concernées.

Projection à moyen terme des besoins de financement cumulé actualisé
des grands régimes spéciaux de retraite financés par la mission

(en millions d'euros de 2019)

Source : compte général de l'État en 2019

Projection à moyen terme des besoins de financement cumulé actualisé
des grands régimes spéciaux de retraite financés par la mission

(en millions d'euros de 2017)

Source : compte général de l'État en 2017

On relève qu'en l'état, les engagements de l'État au titre de la couverture des besoins de financement du régime de retraite de la SNCF ont été fortement alourdis par la réforme de l'entreprise ferroviaire. À l'horizon de 2050, sur la base d'une hypothèse de taux d'actualisation de 0 %, le besoin de financement passe de 78 milliards d'euros à 96,1 milliards d'euros (+ 18,1 milliards d'euros, soit un alourdissement de 23 %). En 2019, les engagements cumulés sont de 174,9 milliards d'euros contre 139,3 milliards d'euros (+ 35,6 milliards d'euros, soit + 25,6 %), la baisse des engagements marginaux n'infléchissant que progressivement la courbe des engagements de l'État envers le régime.

Les résultats des projections des engagements de l'État au titre des régimes spéciaux de retraite sont de nature à impressionner mais il convient de garder à l'esprit qu'ils expriment des besoins de financement cumulés à long, voire très long, terme 294 ( * ) , le haut de la fourchette étant au surplus fondé sur une hypothèse de forte contraction des conditions économiques.

Même dans cette dernière hypothèse, le graphique ci-dessous illustre la réduction à terme des besoins de financement des régimes spéciaux, la réforme de la SNCF suscitant toutefois une forte déformation du profil temporel suivi par cette évolution.

Dans la situation antérieure à la réforme, la décrue du besoin de financement des régimes spéciaux était, en début de période, plus rapidement franche.

Le besoin de financement des régimes spéciaux se réduisait très fortement en début de période pour connaître une relative stagnation après 2065 autour d'un besoin de financement de 1,5 milliard d'euros constants.

La réforme de l'entreprise ferroviaire bouleverse ce séquencement. La baisse des cotisations, qui s'accentue en début de période, pèse sur l'équilibre du régime, le besoin de financement étant supérieur de près de 1 milliard d'euros en 2040 par rapport à la situation antérieure. Cependant, à terme la réduction du besoin de financement s'accentue à mesure que le régime de la SNCF poursuit son extinction.

Dans ces conditions, si s'offre la perspective de très long terme d'une plus forte réduction des charges de la mission 295 ( * ) , la réforme ferroviaire lui imposerait un supplément de dépenses significatif à un horizon de moyen-long terme sauf à ce que des transferts inter-régimes interviennent comme il est prévu.

Financement des retraites des régimes spéciaux subventionnés
(hors SEITA)

Source : compte général de l'État pour 2019

Financement des retraites des régimes spéciaux subventionnés
(hors SEITA)

Source : compte général de l'État pour 2017

3. ... au prix d'une (probable) réduction des revenus de remplacement sur le cycle de vie et d'un décrochage (certain) du taux de remplacement assuré par les régimes spéciaux

Dans ces évolutions, l'application des réformes des retraites aux régimes spéciaux joue un rôle important malgré l'hypothèse d'un maintien des limites d'âge dérogatoires ménagées au profit de certaines catégories des entreprises de transport, maintien dont la portée est toutefois suspendue au durcissement des conditions de durée de cotisation dans les régimes. Ce dernier implique que soit progressivement repoussé l'âge « utile » de départ en retraite (dit aussi « âge pivot »), mais cependant pas aussi loin que pour le régime général et ceux des fonctionnaires de l'État.

Une nouvelle modification des bornes d'âge de ces catégories accentuerait la baisse du besoin de financement des régimes.

Même si elle supposerait sans doute des évolutions de toutes sortes, comme l'expérience a pu le montrer dans un passé récent, il est assez peu probable qu'elle n'intervienne pas au cours de la très longue période considérée ici.

Au demeurant, le projet de réforme des retraites comporte des dispositions allant dans ce sens.

La réduction du besoin de financement des régimes serait alors plus forte que ne le montrent les projections. À cet égard, il est regrettable qu'aucune simulation réellement pertinente ne figure dans l'étude d'impact du projet de réforme.

Sous les conditions de celles-ci, à législation constante, c'est la combinaison de l'impact du différentiel entre l'indexation des pensions et la dynamique économique et des effets du recul de l'âge de liquidation à taux plein qui joue principalement sur les résultats de la projection ainsi que l'illustrent les écarts entre les résultats de long terme selon l'hypothèse de croissance.

Tout comme pour le régime de la fonction publique d'État pris en charge par le compte d'affectation spéciale « Pensions » (voir ci-dessous), on peut s'interroger sur la soutenabilité d'un modèle d'équilibre des régimes de retraite basé sur un décrochage des revenus procurés par les pensions par rapport aux rémunérations d'activité.

Une dernière observation conduit à mettre en relief les disparités de rendements des régimes spéciaux de retraite entre les générations, mais moyennant des mécanismes jouant dans des sens opposés. En effet, pour la partie qui correspond au différentiel d'indexation des pensions et des assiettes contributives, la réduction du besoin de financement peut être lue comme recelant la perspective d'un allègement structurel des contributions des générations futures aux pensions des retraités. Cependant, les cotisations versées actuellement sont appelées à offrir des rendements plus faibles que celles des générations antérieures de sorte que la situation des différentes générations au regard des rendements contributifs, qui mériterait d'être éclaircie, dépendra finalement de la trajectoire prise dans le temps par la réduction du taux de rendement des cotisations équilibrant les pensions du moment.

D. LA SUPERPOSITION DES RÉGIMES SPÉCIAUX CRÉE DES SURCOÛTS DE GESTION DONT LA JUSTIFICATION N'APPARAÎT PAS CLAIREMENT

Si le dispositif de performance de la mission est indigent du point de vue des composantes socio-économiques susceptibles de justifier l'intervention de l'État, le suivi de la performance de la mission apporte un suivi de la gestion des caisses, à partir d'indicateurs dont la responsabilité échappe assez largement aux responsables de programmes.

Certes, les conventions d'objectifs et de gestion (COG) conclues avec les différents organismes chargés de la gestion des régimes, auxquelles les responsables de programme peuvent être associés, comportent des cibles visant à optimiser les coûts d'administration des régimes spéciaux subventionnés par l'État.

Il n'empêche que ce sont les organismes gestionnaires qui disposent d'une maîtrise, au demeurant relative, des conditions de gestion des prestations qu'ils servent.

C'est dans ce contexte et sous ces réserves que la rapporteure spéciale prend acte des commentaires, plutôt satisfaits, qui accompagnent ce volant du suivi de la performance.

Certaines observations, récurrentes, ne s'en imposent pas moins.

En premier lieu, force est de constater que les données fournies manquent d'homogénéité et d'exhaustivité. À titre d'exemple, le déficit d'homogénéité peut être illustré par le recensement des coûts de gestion des régimes administrés par la Caisse des dépôts et consignations qui ne sont pas présentés, seule étant exposée la rémunération versée par l'État à la Caisse des dépôts et consignations en contrepartie de sa gestion de la caisse des mines, la correspondance entre les coûts supportés par la Caisse des dépôts et la rémunération versée à cette dernière par la CANSSM n'étant pas documentée.

En deuxième lieu, les performances extériorisées par les indicateurs apparaissent très disparates.

Éléments de comparaison des coûts de gestion
de quelques régimes spéciaux de retraite

Coût de gestion

(en millions d'euros)

Coût de gestion rapporté au volume des prestations (centimes d'euros/1 000 euros de prestations)

SNCF

24,7

4,7

RATP

4,9

4,2

Marins

9,6

9,4

Mines

12,7

9,8

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du rapport annuel de performances 2019de la mission

Selon les données fournies par le rapport annuel de performances de la mission, les coûts de gestion des différents régimes vont du simple au double entre le régime de la SNCF et celui des marins, le régime des mines ressortant comme le plus coûteux, situation paradoxale puisqu'il est en voie d'extinction.

De même, l'écart entre les coûts de gestion unitaire des régimes des transports terrestres (SNCF et RATP) atteint près de 10 %, les coûts de gestion de la caisse de SNCF représentant près de cinq fois ceux de la caisse de la RATP.

Ces différences sont difficilement explicables. Les pensions déjà liquidées suscitent normalement de plus faibles coûts de gestion si bien que la valeur de l'indicateur suivi devrait être sensible aux flux de liquidation. Or, cette corrélation est loin d'être systématique, suggérant une forme d'inertie des coûts de gestion des caisses dans un environnement de réduction des volumes d'activité. Par ailleurs, l'écart entre le coût d'une primo liquidation par la caisse de retraite de la SNCF et la même donnée pour la caisse de la RATP (en faveur de la première) témoigne de l'existence d'un différentiel de performances qui mériterait une évaluation. Quant au coût d'une primo liquidation de pension dans le régime des marins (767 euros en 2019), il se compare avec un coût de 368 euros à la RATP.

Il existe incontestablement des facteurs d'inertie dans la gestion des caisses et il faut prendre en compte la situation des coûts fixes. Cependant, on pourrait s'attendre à ce que ces derniers soient mieux amortis pour les régimes en extinction.

La question importante de la récupération des indus appellerait une étude à part entière. À la RATP, le montant des indus récupérés ressort comme nettement plus faible qu'à la SNCF (72 633 euros contre 6 960 000 euros pour cette dernière). Il existe une disproportion entre les inférences statistiques qu'on peut extraire de la comparaison des populations concernées. Il est toutefois difficile d'attribuer une signification précise à ce qui apparaît de prime abord comme une aberration.

Enfin, il convient de s'interroger sur la rationalité d'une gestion séparée, entité par entité, des régimes sociaux. Il est peu douteux que cette organisation puisse conduire à des duplications de coûts qui, pour ne représenter qu'un enjeu relativement mineur au regard de la masse des prestations servies, et même des subventions accordées par l'État, s'élèvent pour les quatre régimes mentionnés dans le tableau ci-dessus à plus de cinquante millions d'euros.

Une appréciation plus systématique de la justification de ces éventuels, mais probables, surcoûts s'impose dans la perspective d'une meilleure utilisation des ressources.

À ce stade, il n'est pas possible d'associer avec précision à la (prochaine ?) réforme du système de retraite, orientée vers l'institutionnalisation d'un régime universel de retraite (et non d'un régime unique) une rationalisation des coûts de gestion des prestations versées par les régimes spéciaux.

Cependant, le projet de loi déposé par le Gouvernement prévoit la constitution d'une caisse nationale de retraite universelle appelée à intégrer les caisses existant actuellement et à constituer un réseau territoriale unifié.

Cette perspective suppose vraisemblablement, à terme, des économies de gestion. Néanmoins, pour qu'elles se concrétisent, il faudra passer par une série d'étapes juridiquement et socialement complexes.

Parmi les facteurs de complexité, figure la question du sort des patrimoines détenus par les caisses.

À cet égard, le Conseil d'État dans son avis sur les projets de texte déposés par le Gouvernement a rappelé la jurisprudence du Conseil constitutionnel (DC n°2013- 682) par laquelle ce dernier a considéré que les transferts patrimoniaux pouvant intervenir dans ce type d'opérations fassent l'objet d'une indemnisation du préjudice subi par l'organisme concerné.

II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS », UNE EXÉCUTION 2019 QUI ILLUSTRE UN RÉGIME FINANCIER PLUS STRUCTUREL DE RÉDUCTION DE L'EMPREINTE DES RÉGIMES DE FONCTIONNAIRES SUR LE SYSTÈME DE RETRAITES

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions civiles et militaires de retraite et d'invalidité des agents de l'État.

Doté en loi de finances initiale de 59 milliards d'euros 296 ( * ) en 2019, il est structuré en trois programmes, représentant chacun une section du compte spécial :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » est consacré aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État, gérés par le service des retraites de l'État (SRE), créé en 2009. Il a mobilisé en 2018 93,9 % des crédits initiaux du CAS (55,4 milliards d'euros) ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » retrace les opérations du fonds spécial des pensions des établissements industriels de l'État (FSPOEIE) et du fonds gérant les rentes d'accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM), tous deux gérés par la Caisse des dépôts et consignations. Les dotations de loi de finances initiale correspondantes (1,9 milliard d'euros) représentaient 3,2 % des crédits du CAS ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » regroupe les pensions dues au titre du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) ainsi que des pensions financées par l'État au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Programme-miroir reflétant les crédits correspondants ouverts dans le programme 169 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sa part dans les crédits initiaux du CAS « Pensions » tend à diminuer (2,9 % en 2019, soit 1,7 milliard d'euros).

Les deux derniers programmes cités voient leurs crédits reculer tendanciellement. Quant au premier programme (qui présente les enjeux les plus massifs), ses dépenses augmentent, mais sur un rythme qui ralentit très nettement pour des raisons dont les unes tiennent à la structuration des régimes de retraite concernés et les autres à la politique des ressources humaines (emploi et rémunérations) de l'État.

Conformément à la vocation du compte d'affectation spéciale, les crédits sont ouverts moyennant des prévisions de recettes concourant au financement des charges particulières portées au compte.

Généralement, ces recettes doivent avoir un lien « naturel » avec les charges qu'elles financent si bien qu'un plafond de 10 % des crédits initiaux est imposé aux versements que le budget général peut effectuer au profit des comptes d'affectation spéciale.

Toutefois, le compte « Pensions » bénéficie d'une dérogation à cette règle qui s'explique par la structure de financement du CAS. Celle-ci comporte en effet des cotisations salariales et des contributions des employeurs qui se trouvent inévitablement versées à partir du budget général, ces recettes étant incontestablement, par leur nature, en lien avec les charges à financer, comme pour n'importe quel régime de retraite suivant les principes de la répartition et appliquant en outre des mécanismes de solidarité économique, sociale et démographique.

Par ailleurs, les dépenses effectuées à partir des crédits du compte doivent être couvertes par des ressources suffisantes, ce qui ne signifie pas que les recettes d'une année doivent couvrir les dépenses de la période mais que l'addition de ces recettes et des ressources disponibles en trésorerie ne soit pas inférieure aux dépenses.

Autrement dit, le CAS « Pensions » peut présenter un déficit prévisionnel 297 ( * ) sous la condition que sa trésorerie, issue des opérations effectuées lors des exercices précédents couvre ses dépenses.

Ces dernières années, cette faculté n'a pas été utilisée dans la gestion globale du CAS, bien au contraire, même si certains programmes composant le compte ont pu être votés en situation de déficit prévisionnel.

L'exercice 2019 n'a pas dérogé à cette tendance.

Il a été marqué par la poursuite d'une gestion du CAS caractérisée par la constitution d'excédents, les recettes continuant à excéder les dépenses. Cet équilibre qui prévaut depuis déjà plusieurs années, traduit un choix de gestion consistant à maintenir la pression d'une contrainte de financement des retraites sur les ministères et autres employeurs publics obéissant à des principes de prudence mais poursuivant également des finalités pouvant apparaître, pour certaines, un peu « périphériques » par rapport à la problématique du financement des pensions en elle-même.

L'exercice déroge toutefois, comme le précédent, à la tendance observée les années antérieures, à un rythme de progression des recettes supérieur à celui des dépenses du compte.

Ce différentiel tendanciel a pu être attribué principalement aux réformes des retraites publiques adoptées depuis 2003, qui accroissent les prélèvements obligatoires appliqués aux rémunérations des agents publics et modèrent la dynamique des dépenses, en modifiant les comportements de départ des agents, qui ont reculé l'âge de liquidation de leurs droits. Il n'est pas certain que cette dernière dynamique conserve l'ampleur qu'elle a revêtue dans le passé, même si le recul de l'âge de départ en retraite est inscrit dans les projections de comportement des fonctionnaires, catégorie de la population qui a connu une baisse nominale des pensions servies aux affiliés de leurs régimes.

Dans ces conditions, dans un contexte de poursuite de la dégradation du rapport démographique 298 ( * ) des régimes des fonctionnaires de l'État, le bouclage financier du compte pourrait devoir être encore plus sensible aux différentiels concernant les dynamiques respectives des bases de cotisation, d'un côté, et de constitution et de valorisation des droits à retraite des affiliés de l'autre.

Cette sensibilité ne semble pas particulièrement redoutable même s'il faut tenir compte du fait que, si l'équilibre global du compte d'affectation spéciale est mieux que respecté à court et plus encore à long terme, une période plus incertaine pourrait être traversée à moyen terme sous l'effet d'une dégradation transitoire du rapport démographique.

En outre, force est d'observer que l'excédent des régimes de pensions des fonctionnaires civils et militaires de l'État, pour paraître structurel au vu des projections réalisées sur ce point (voir infra ), dépend évidemment d'un grand nombre d'hypothèses plus ou moins robustes, mais surtout plus ou moins soutenables.

Cette problématique de soutenabilité ouvre sur des questions plus larges.

Les régimes de retraite n'ont pas qu'une dimension macro-financière ; ce sont également des « véhicules d'informations », reflets de préférences collectives plus ou moins explicitées, susceptibles d'orienter les choix individuels, et passibles, sous cet angle, d'évaluation en termes d'efficacité et d'équité .

A. UNE EXÉCUTION PRESQUE « NOMINALE » DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE EN 2019

Les dépenses du compte (59,021 milliards d'euros) ont été à peu près (0,001 % de plus) équivalentes aux crédits ouverts en loi de finances initiale (59,015 milliards d'euros), le dépassement s'élevant à 6,1 millions d'euros.

Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2019 ont été abondés par des reports de crédits d'un montant de 1 281,9 millions d'euros complétant les ouvertures de début d'année principalement pour le programme 741 (1,1 milliard d'euros).

Cependant, après ces reports, les dotations finalement disponibles n'ont pas été toutes consommées, un surplus de l'ordre de 1,3 milliard d'euros (analogue à celui de l'an dernier) soit environ une semaine de dépense de pension, ayant été laissé disponible,

Les reports de crédits intervenus en début d'année (arrêté du 7 mars 2019) n'auront finalement été que partiellement utiles permettant pour l'essentiel d'envisager de nouveaux reports sur l'exercice 2019, selon un schéma habituel.

La sur-exécution des crédits ouverts en loi de finances initiale, qui a atteint 6 millions d'euros s'est une fois n'est pas coutume polarisée sur le programme 743 (33 millions d'euros) du fait d'une sous-estimation des dotations nécessaires pour honorer les allocations de reconnaissance en faveur des rapatriés (ces allocations ne représentent qu'une partie seconde des dépenses du programme correspondant, mais connaissent une certaine dynamique du fait des revalorisations régulières dont elles ont fait l'objet ces dernières années), dont la revalorisation acquise en loi de finances pour 2019 avait été insuffisamment provisionnée.

Dans ce contexte, il convient de remarquer que les dépenses de pension assumées par les programmes 741 et 742 du CAS ne sont pas responsables de la surconsommation des crédits ouverts en début d'année. Elles ont été globalement en ligne avec la prévision.

En ce qui concerne les charges du programme 741, une légère surestimation des dépenses de pension par la loi de finances initiale peut même être constatée, de l'ordre de 3 millions d'euros (solde d'une sous-consommation des pensions civiles- - 27 millions d'euros- et d'une surconsommation des pensions militaires - + 22 millions d'euros). Pour le programme 742, les consommations ont été inférieures aux prévisions de 11 millions d'euros.

En ce qui concerne les dépenses de compensation démographique supportées par le programme 741 (217 millions d'euros), elles ont été inférieures aux prévisions à hauteur de 67 millions d'euros et marquent un net repli par rapport aux opérations provisoirement soldées en loi de règlement pour 2018 (une centaine de millions d'euros) qui avaient été surestimées de 45 millions d'euros.

En ce qui concerne les transferts au profit de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) en revanche un excédent de dépenses de 38 millions d'euros par rapport à la prévision a dû être constaté pour un total de charges de 408 millions d'euros contre 361 millions d'euros l'an dernier (+ 47 millions d'euros).

En outre, s'agissant des militaires, l'affiliation rétroactive aux régimes général et de l'IRCANTEC des personnels ayant quitté la fonction publique prématurément 299 ( * ) , avec un total de dépenses de 184 millions d'euros contre 225 millions d'euros en 2018 (- 41 millions d'euros) a suscité des dépenses moindres de 47 millions d'euros par rapport à la prévision.

Équilibre en recettes et en dépenses du CAS « Pensions » en 2019

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Recettes

Dépenses

Écart dépenses 2019 par rapport à

Solde

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2018

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2018

LFI 2019

Prévision LFI 2018

Exécution 2018

Programme 741
« Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité »

56 935

56 687

54 743

55 360

55 347

+ 1,1 %

NS

+ 1 574 ,4

+ 1 339,1

Programme 742
« Ouvriers des établissements industriels de l'État »

1 941

1 908

1 918

1 935

1 921

+ 0,1 %

- 0,7 %

+ 5,9

+ 70,2

Programme 743
« Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions »

1 720

1 725

1 844

1 720

1 752

- 5,0 %

- 2,0 %

0

+ 7,9

Total mission

60 596

60 320

60 319

59 015

59 021

-2,2 %

NS

+ 1580,3

+ 1 298,5

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du rapport annuel de performances du compte d'affectation spéciale « Pensions » annexé au projet de loi de règlement pour 2019)

Pour les recettes , les prévisions pour 2019 se montaient à 60,596 milliards d'euros. Les recettes finalement encaissées ont été légèrement inférieures à cette prévision , faisant apparaître, avec 60,320 milliards d'euros, un déficit de réalisation de 276 millions d'euros.

La moins-value de recettes, pour n'être pas négligeable, demeure modeste : elle atteint ainsi moins de 0,5% de la prévision.

Il est vrai que la prévision avait été établie sur des bases très prudentes puisqu'elle avait tablé sur une progression des recettes de 0,14 % par rapport à la programmation de 2018.

L'essentiel des moins-values de recettes a été constaté sur le premier programme du compte (- 248 millions d'euros), ce qui n'a rien que de normal compte tenu de son importance relative.

Les assiettes de contribution ont été encore moins dynamiques que prévu dans la fonction publique d'État civile.

Dans ces conditions, l'équation de la réalisation des opérations du compte a permis de constater un excédent, mais en baisse par rapport à l'exercice précédent et moins élevé qu'escompté.

La programmation budgétaire extériorisait un excédent prévisionnel du compte de 1 580,3 millions d'euros (contre 1 457,9 millions d'euros exécuté en 2018 mais un peu plus de 2 milliards en prévision).

Avec 1 298,5 millions d'euros , il s'est avéré inférieur de 281,8 millions d'euros au solde prévisionnel (un niveau inférieur de 17,8 % par rapport à la prévision).

Cette relative déconvenue a joué un rôle non négligeable dans le débat ouvert à l'automne et qui a conduit le Premier ministre à convoquer une « conférence de financement » afin de dégager les moyens d'un retour à l'équilibre de l'ensemble du système de pensions au terme alors prévu de la mise en oeuvre du « régime universel » de retraite.

La décrue de l'excédent du CAS « Pensions », qui, ces dernières années, avait contribué de plus en plus, à l'équilibrage de l'ensemble agrégé des régimes de retraite , a moins joué, laissant apparaître un déficit prévisionnel de l'ensemble du système plus important que prévu.

La question intéressante qui se cache derrière l'évolution ponctuellement observée en 2019 est d'identifier si elle annonce une tendance ou si elle peut être vue comme seulement provisoire. Elle se double bien entendu de l'identification des ressorts structurels des équilibres financiers du CAS « Pensions ». De ce point de vue, en supposant les cotisations salariales équivalentes entre les régimes des fonctionnaires et ceux des salariés, elle renvoie à la détermination et au sens de la contribution employeur au CAS.

B. DES MASSES FINANCIÈRES DONT LA LÉGÈRE AUGMENTATION NE REMET PAS EN CAUSE LES INFLEXIONS PROFONDES DUES NOTAMMENT AUX RÉFORMES APPLIQUÉES AUX RÉGIMES DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES

Les masses financières retracées dans le CAS connaissent une modeste accélération, l'augmentation des dépenses totales s'élevant à 0,9 %, soit moins que la croissance économique en 2019 (+ 1,5 %).

Cette évolution prolonge une inflexion du rythme de croissance des dépenses de pensions des fonctionnaires qui résulte des réformes paramétriques successivement adoptées.

Mais, elle est également le résultat d'une double contrainte pesant sur les rémunérations d'activité des fonctionnaires et sur l'indexation des pensions de retraite.

L'ensemble aboutit à un circuit d'équilibre qui, tout en situant la pension moyenne sur une trajectoire descendante (en valeur nominale et, plus encore, en valeur réelle), doit au moins transitoirement, conduire le CAS « Pensions » à réduire ses excédents, puis à connaître, sous l'hypothèse d'une réindexation des retraites, un déficit, suivi d'un retour à l'excédent.

1. Les recettes, freinées par la politique des ressources humaines de l'État, ont été peu dynamiques malgré l'alourdissement des cotisations salariales qui a pesé sur les salaires nets des fonctionnaires

En 2018, en ce qui concerne les recettes, la déception enregistrée par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale (548 millions d'euros de moins-values), s'était soldée par une croissance très modérée des ressources du CAS, de 0,5 % (+ 316 millions d'euros).

En 2019, le supplément de recettes par rapport à 2018 conserve un ordre de grandeur comparable (+ 356 millions d'euros, soit une croissance de 0,5 %).

Il se trouve polarisé par le programme 741 (+ 549 millions d'euros et + 1 %), tandis que les deux autres programmes enregistrent une réduction de leurs recettes.

Ainsi du programme 742 (- 63 millions d'euros), pour lequel les recettes présentent une forte singularité 300 ( * ) .

Comme pour ce dernier programme, les recettes du programme 743 sont d'une nature tout à fait particulière puisqu'elles sont déconnectées de tout lien avec une quelconque base contributive, ne reflétant que la charge budgétée dans le cadre de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » au titre des différentes allocations de reconnaissance financées par cette mission budgétaire (- 128 millions d'euros cette année pour des raisons exposées dans la contribution de notre collègue Marc Laménie relative à ladite mission).

Évolution des recettes du compte entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Exécution 2019

Écart (en %)

Écart (en valeur)

Programme 741

56 138

56 687

1

549

Programme 742

1 971

1 908

- 3,2

- 63

Programme 743

1 853

1 725

- 7

- 128

Total

59 963

60 320

+ 0,5

357

Source : commission des finances du Sénat à partir des données des rapports annuels de performances pour 2018 et 2019

Les recettes les plus significatives sont celles du programme 741 (environ 94 % du total).

Elles sont relativement composites puisqu'elles agrègent des ressources diverses par nature, cette diversité correspondant à la nature des risques couverts, aux mécanismes de solidarité entre régimes (la compensation démographique) et, surtout, aux évolutions du périmètre de l'État (relations financières avec la CNRACL et avec deux entités devenues indépendantes : Orange et La Poste).

Les dynamiques respectives des ressources du programme sont elles-mêmes différenciées tandis que la prévision de recettes apparaît plus ou moins fiable comme le montre le tableau infra .

Lors de l'exercice, les recettes constatées ont été globalement inférieures aux recettes attendues (la moins-value atteignant 248 millions d'euros). L'écart d'exécution a été particulièrement net en niveau pour les contributions employeurs (353 millions d'euros, soit 0,7 % de la prévision) tandis que, pour les cotisations salariales, la moins-value a été limitée à 47 millions d'euros. En proportion, cette dernière moins-value est équivalente à celle observée sur les contributions employeurs et paraît respecter le poids relatif de ces ressources.

Cependant, il n'en est pas allé tout à fait ainsi. L'écart négatif entre les contributions employeurs d'Orange et La Poste prévues et réalisées a été considérable (15,5 %) tandis que si les cotisations salariales civiles ont été inférieures à la prévision, cette approximation a été compensée par des cotisations salariales militaires supérieures. La moins-value de recettes dues aux contributions employeurs d'Orange et La Poste est attribuable, dans un contexte où les rémunérations en assiette baissent tendanciellement, mais de façon « difficilement prévisible », aux particularités du régime appliquées à ces contributions.

Elles sont censées aboutir à la fixation d'un « taux d'équité concurrentielle » qui assure l'égalité de concurrence entre les entreprises du secteur.

Les ressources du programme 741 en 2018 et 2019

Source : Cour des comptes

Force est de constater que ce mécanisme qui joue en février de chaque année (soit après l'adoption de la loi de finances) a conduit à une réduction significative des taux des contributions employeurs d'Orange et La Poste.

Évolution des taux de contributions employeurs d'Orange et la Poste

Source : Cour des comptes

Les éléments permettant de justifier cette évolution, qui conduit à des taux de contribution employeurs très inférieurs à ceux supportés par l'État au titre des fonctionnaires sous son contrôle direct, mériteraient d'être exposés dans le rapport annuel de performances.

Selon celui-ci, elle a conduit à minorer les recettes encaissées par le compte d'affectation spéciale de 331 millions d'euros (une estimation naïve fondée sur la stabilité des assiettes conduit plutôt à une perte de recettes de 150 millions d'euros) par rapport à une stabilisation des taux, ce qui, sans être absolument décisif, constitue un élément parmi d'autres de la détérioration des comptes de l'assurance vieillesse ayant suscité l'initiative d'une conférence de financement à l'automne 2019.

Le rapport annuel de performances de la mission ne présente pas davantage les facteurs d'évolution des recettes de façon exhaustive, mais il met en exergue certains points saillants.

Principales contributions à l'augmentation des recettes du CAS
entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

Relèvement du taux de cotisation salariale (0,27 point en 2019)

132

Augmentation des assiettes de contributions des employeurs

663

dont :

civils

498

militaires

165

Diminution du taux employeur Orange et La Poste

Diminution des « recettes » du programme « Ouvriers et établissements industriels de l'État »

-331

- 63

Diminution des subventions versées par la mission Anciens combattants au programme 743

- 128

Source : commission des finances du Sénat d'après les données des annexes budgétaires (2019)

On relève une fois encore, mais en creux, l'importance du rôle joué par la politique de ressources humaines de l'État, dans ses composantes numérique et rémunératoire, pour la dynamique des recettes du compte, variable-clef à laquelle il faut ajouter toutefois la considération de données plus structurelles.

En 2019, la dynamique des recettes du programme 741 (+ 547 millions d'euros ; soit + 1 %, contre + 0,4 % l'an dernier) résulte pour 24 % de la croissance des cotisations salariales et, pour 60,5 % des contributions employeurs, le reliquat (15,5 %, soit 84 millions d'euros), est essentiellement attribuable à l'augmentation des récupérations d'indus.

La contribution des cotisations salariales a été deux fois plus forte que leur poids dans les ressources du compte tandis que celle des contributions employeurs a été inférieure de 27 points à leur contribution théorique (une fois soustraites les parts d'Orange et La Poste, la contribution de l'État employeur ressort comme moins éloignée de sa contribution théorique, mais elle reste en retrait).

Au total, les cotisations sociales des fonctionnaires ont augmenté de l'ordre de 2 % (2,2 % pour les civils ; 4,6 % pour les militaires, les autres agents publics connaissant une évolution beaucoup plus limitée) tandis que pour les contributions employeurs civils au CAS, de l'État, des collectivités territoriales et des budgets annexes, elles n'ont cru que de 1,3 %.

En ce qui concerne les militaires, à la forte croissance des cotisations des personnels n'a pas fait écho celle des contributions employeurs (+ 1,7 %).

Ces évolutions sont tributaires de facteurs différents.

Compte tenu de la stabilité du taux de contribution de l'État aux régimes de retraite, seule l'évolution des assiettes de cotisation agit sur les contributions employeurs tandis que pour les cotisations retenues sur les salaires des agents, il faut également tenir compte de l'alourdissement des cotisations sociales vieillesse.

En ce qui concerne les assiettes de cotisations , l'absence de revalorisation indiciaire en 2019 couplée avec la réduction de l'emploi public affilié au régime de la fonction publique, qui résulte notamment de la progression de la part des emplois contractuels dans les effectifs de la fonction publique, devait laisser à des facteurs un peu seconds la responsabilité d'assurer le dynamisme des cotisations.

L'évolution des contributions employeurs civiles (+ 1,3 %) soit un peu moins que la croissance du PIB traduit l'effet du seul GVT-solde et des mesures catégorielles susceptibles d'exercer un impact sur la composante indiciaire de la rémunération des fonctionnaires, seule « cotisée ».

Le rapport de performances ne décompose pas ces facteurs, ce qu'il faut regretter. Il pourrait être utile, en outre, de disposer d'une information suivie en continu de l'impact du recul de l'âge de liquidation des pensions, qui se poursuit dans la fonction publique, sur la dynamique des recettes.

On rappelle que l'effet du « GVT solde » avait pu être estimé l'an dernier comme étant de l'ordre de 300 millions d'euros, tandis que pour l'accord PPCR, une estimation globale des recettes (couvrant les trois volets de la fonction publique) laissait prévoir un supplément de recettes de 483 millions d'euros (mais à partir d'une séquence qui a été modifiée du fait de la suspension de l'accord en 2018).

Sur des bases un peu approximatives, on peut donc estimer qu'hors GVT-solde et PPCR, les assiettes de cotisation auraient subi une érosion, malgré un nouveau recul de l'âge de départ en retraite.

En bref, l'année 2019 a illustré, du côté des recettes, les effets de la combinaison d'une faible dynamique des salaires et d'une baisse du nombre des cotisants, les départs plus tardifs en retraite, qui soutiennent ce dernier, étant plus que compensés par des schémas d'emplois ministériels négatifs.

De ce dernier point de vue, la dynamique relative des cotisations militaires traduit les effets d'un schéma d'emplois positif.

Il a fallu ainsi compter sur le relèvement du taux de cotisation sur les rémunérations d'activité des fonctionnaires (+ 2,6 %) programmé dans le cadre du rattrapage désormais presque total 301 ( * ) du taux de cotisation salariale des fonctionnaires avec celui des salariés du secteur privé pour éviter une baisse des recettes des régimes récapitulés dans le programme 741.

Évolution des taux de cotisation salariale dans la fonction publique d'État
et dans les régimes des salariés du secteur privé

Source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2019

Les évolutions des recettes du programme 741 détaillées ci-dessous illustrent le dynamisme différencié des deux principales catégories de recettes finançant les pensions civiles et militaires en 2019.

Évolution des différentes catégories de recettes du programme 741
entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Exécution 2019

Variation entre 2018 et 2019 (en %)

Variation entre 2018 et 2019
(en valeur)

Cotisations salariales

6 747

6 879

2

132

Contributions des employeurs

48 493

48 824

0,7

331

Autres

899

983

9,3

84

Total

56 139

56 686

1

547

Source : commission des finances du Sénat

La croissance des cotisations correspondant à des retenues sur les traitements des fonctionnaires a suivi un rythme près de trois fois plus soutenu que les contributions des employeurs.

2. Une progression mesurée des dépenses

La dynamique des dépenses de pensions peut être décomposée en différents éléments, les uns pilotables à court terme (l'indexation, les conditions d'âge de liquidation), les autres relevant davantage de leviers agissant de façon plus ou moins déterminante sur un plan structurel (tous les paramètres susceptibles d'exercer un effet sur les comportements de départ en retraite et sur les niveaux des pensions à la liquidation).

Le trait saillant des exécutions budgétaires de ces dernières années, que vient confirmer l'exécution des dépenses du CAS « Pensions » en 2019, est que, par rapport aux évolutions retracées dans le graphique ci-dessous, toutes les courbes sont en voie d'aplatissement (excepté pour l`inflation).

Évolution à long terme des facteurs de variation des dépenses de retraite

Source : RAP 2019

La progression des dépenses a été globalement en ligne avec celle des recettes (autour de 0,9 %, soit un supplément de dépenses de 516 millions d'euros par rapport à 2018).

Elle a été un peu plus rapide (+ 1,1 %) pour les seules dépenses du programme 741 (+ 606 millions d'euros contre 863 millions d'euros l'an dernier), qui concentre près de 94 % des dépenses du CAS, et est responsable de la quasi-totalité de l'alourdissement des dépenses du compte.

Les deux autres sections du compte enregistrent, de leur côté, une réduction structurelle de leurs charges, contrariée cette année pour le programme 742 (+ 3,2 millions d'euros).

Dans ce cadre général, l'augmentation des seules dépenses de pensions du programme 741 a atteint 781 millions d'euros contre 968 millions d'euros 302 ( * ) en 2018, en progression de 1,5 % (1,6 % pour les pensions civiles ; 0,7 % pour les pensions militaires).

Dépenses du programme 741 en 2018

Source : RAP 2018

Dépenses du programme 741 en 2019

Source : RAP 2019

Les dépenses de pensions civiles ont été légèrement inférieures à la prévision (- 27 millions d'euros) tandis que les pensions militaires ont coûté un peu plus que prévu (+ 22 millions d'euros).

Cependant, la prise en compte de différents paramètres aboutit à un léger dépassement des dépenses liées aux pensions, en particulier du fait de compensations de CSG payées en 2019 sur la quote-part 2018 (72 millions d'euros au total, dont 54 millions d'euros pour les retraités civils).

Dans l'ensemble les charges correspondant aux pensions ont été très correctement anticipées 303 ( * ) . Pour certains postes de dépenses, de moindre importance, les écarts entre la prévision et la réalisation ont pu être plus significatifs.

Il en est allé ainsi pour les dépenses de compensation démographique (83 millions d'euros pour le régime de retraite de la fonction publique d'État civile ; 134 millions d'euros pour le régime de retraite de la fonction publique militaire) qui ont été inférieures de 67 millions d'euros par rapport à la prévision (dont 58 millions d'euros pour le seul régime civil). La dégradation du rapport démographique du régime tend à réduire sa dette de compensation davantage qu'escompté.

De le même manière, les dépenses supportées au titre des affiliations rétroactives aux régimes d'accueil des fonctionnaires quittant la fonction publique avant avoir réuni les conditions de l'ouverture de droits dans ces régimes (13 millions d'euros pour la fonction publique d'État civile, 184 millions d'euros pour la fonction publique militaire) ont été inférieures à la prévision (- 49 millions d'euros).

En revanche, les dépenses de transfert entre l'État et la CNRACL ont excédé la prévision de 38 millions d'euros. Elles ont atteint 408 millions d'euros, si bien que compte tenu de recettes en provenance de la CNRACL de 540 millions d'euros (pour le programme 741) cela laisse un solde positif pour l'État de 132 millions d'euros, excédent placé sur une trajectoire régulièrement descendante.

La dynamique des charges observée en 2019 prolonge la tendance au repli de la part des pensions des fonctionnaires dans le PIB sous l'effet des mesures paramétrique et structurelles (les deux catégories ne s'excluent pas systématiquement) mises en oeuvre au fil du temps.

La très légère augmentation des pensions en 2019 peut être attribuée à l'indexation des pensions en stock et, principalement, aux effets produits par les entrées en pension nettes des sorties au cours de l'année.

a) Après l'année blanche de 2018, les charges de pension ont été tirées à la hausse par une réindexation très partielle, qui en creux, a procuré des économies

Sur le premier point, l'année 2018 avait été une année blanche pour la revalorisation des pensions. Toutefois, il avait fallu compter avec la revalorisation de 0,8 % appliquée au 1 er octobre 2017. En 2017, cette dernière avait entraîné une dépense supplémentaire de l'ordre de 84 millions d'euros pour les seules pensions civiles de l'État 304 ( * ) du programme 741, pour un supplément total de charges de l'ordre de 104 millions d'euros. En 2018, son application en année pleine pourrait avoir occasionné 320 millions de dépenses supplémentaires.

La revalorisation des pensions de 0,3 % au 1 er janvier 2019 aurait produit une augmentation de la dépense du programme 741 de 153 millions d'euros en 2019 , dont 126 millions d'euros pour les pensions civiles et 27 millions d'euros pour les pensions militaires.

Elle serait donc responsable d'un cinquième de la hausse des pensions civiles en 2019 (environ 50 % pour les pensions militaires).

Cependant, cette évolution doit être appréciée à partir d'un contrefactuel qu'on peut estimer à partir de plusieurs référents possibles. Sur la base d'une revalorisation alignée sur l'inflation constatée en 2019 (1,1 %), l'économie procurée par la sous indexation de 2019 s'élève à 408 millions d'euros.

Sur la base de l'application des dispositions législatives généralement (une revalorisation au 1 er octobre 2018, de 1,3 %), la dépense du programme 741 aurait été encore supérieure.

Au total, la sous indexation des pensions a pesé sur la valeur moyenne des pensions, qui a perdu 0,8 point de pouvoir d'achat, soit une perte de gains de l'ordre de 210 euros sur un an.

Ces éléments permettent d'approcher l'impact d'une indexation des pensions sur les prix, les économies acquises du fait de la désindexation mise en oeuvre en 2017, 2018 et 2019, mais également de mesurer l'incidence d'une résurgence éventuelle de l'inflation sur les charges de pensions civiles et militaires de l'État.

En l'état, 1 % d'inflation équivaut potentiellement à une surcharge de 510 millions d'euros.

Il convient enfin de souligner que les charges du programme 743, qui correspondent aux prestations versées aux anciens combattants, sont tributaires d'un autre mécanisme d'indexation que pour les pensions civiles et militaires. Leur indexation est liée à « l'indice de traitement brut-grille indiciaire de la fonction publique » dans le cadre du mécanisme dit du « rapport constant ». Cette formule, comparativement favorable lorsque l'évolution de l'inflation conduit à geler les pensions civiles et militaires, peut, en revanche peser sur la dynamique des pensions d'anciens combattants quand la politique salariale aboutit à un gel de l'indice.

En 2019, les allocations correspondantes ont pu bénéficier d'une indexation un peu supérieure à celle des pensions de la fonction publique.

b) L'effet de noria a alourdi les charges de pension

Les autres facteurs d'évolution des charges de pension ont exercé un effet à la hausse sur ces dernières de l'ordre de 1,2 % (1,3 % pour les pensions civiles et 0,4 % pour les pensions militaires).

L'information budgétaire ne permet pas de décomposer finement cette composante de la dynamique des dépenses. Elle doit donc progresser.

Si la prévision de dépenses a été globalement judicieuse, elle a été déjouée sur un point important : les flux de variation des pensions en stock qui ont été assez sensiblement surestimés, du moins pour la fonction publique civile.

Flux de pensions- écarts entre la prévision et la réalisation

Source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2019

Pour cette dernière, les liquidations ont été moindres de 5,5 % (6,4 % pour les pensions de droit direct). Quant aux sorties de pension, elles ont été supérieures à la prévision de 3,9 % (4,3 % pour les seules pensions de droit direct).

Ces erreurs de prévision appellent une attention soutenue dans la mesure où elles peuvent signifier une mauvaise anticipation des comportements de départ en retraite qui conduit à en surestimer le volume (ainsi à sous-estimer la flexion des comportements de recul de l'âge de départ) et une mauvaise perception des réalités démographiques (il est vraisemblable que la mortalité soit sous calibrée).

Au total, l'erreur de prévision est massive puisque les flux nets ont été surestimés de près de 5 %.

Dans sa note d'exécution budgétaire, la Cour des comptes, ayant observé que le déficit de départ en retraite se serait concentré sur les ministères de l'éducation nationale et de l'intérieur, suggère pour le premier un impact de la reprise du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), dont le retour au calendrier normal d'application aurait suscité un report des départs pour optimiser la base de liquidation des pensions. Aucune explication n'est proposée pour le ministère de l'intérieur, mais les particularités de la structure d'emplois de ce ministère (marquée par une proportion élevée de personnels des catégories actives) mais aussi des rémunérations versées (avec une part élevée de primes non intégrées à la base de liquidation) ont, en plus du volume important des emplois concernés, sans doute joué un rôle dans les décalages des âges de liquidation.

L'essentiel est bien que la forte hétérogénéité des conditions de rémunération et de statuts de retraite dans la fonction publique (qui influence la structuration des droits à retraite, elle-même hétérogène à un âge donné), conduit à des « réponses » comportementales inégalement sensibles aux conditions générales de valorisation des droits à retraite.

De telles observations s'appliquent à la fonction publique militaire, qui présente de très fortes hétérogénéités internes.

En ce qui concerne les militaires, inversement, les liquidations ont été sous-estimées de plus de 21 % pour les pensions de droit direct tandis que les pensions de droit dérivé ont connu moins de liquidation qu'escompté (- 10,3 %). En revanche, pour les militaires également, les sorties de pensions ont été supérieures à la prévision (+ 1,6 %) ce qui suggère un problème de sur estimation de l'espérance de vie.

Cette question est évidemment tout à fait cruciale, notamment dans la perspective de l'équilibre à court-moyen terme des régimes de retraite.

Il convient de lui accorder tout l'effort d'analyse qu'elle mérite (il est hélas à craindre que les données pour 2020 ne perturbent significativement les séries de données).

Entre 2018 et 2019, selon les données disponibles, les entrées en pensions civiles auraient assez nettement décliné (- 2 200 par rapport à 2018) tandis que les sorties de pensions auraient augmenté de 1 300 unités. Le « stock » de pensionnés aurait augmenté de 16 900 personnes. Le nombre de nouveaux pensionnés de droit direct s'est établi à 16 800.

Pour les militaires, les flux nets de pensions auraient atteint 1 800 unités, dont 3 700 au titre des pensions de droit direct, les pensions dérivées diminuant de 900 unités.

Évolution des liquidations de pensions de droit direct
des personnels civils de l'État

Source : Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2019

Au total, le rythme d'accroissement des pensions en stock aurait été de 0,6 % pour les pensions civiles (contre 1,1 % l'an dernier) et de 0,3 % pour les pensions militaires (contre 0,5 % l'an dernier).

Le ralentissement du rythme d'accroissement des pensions, significatif par rapport à 2018, l'est encore plus par rapport aux évolutions de longue période, la croissance moyenne du nombre des pensionnés ayant été de 1,6 % par an entre 1990 et 2018.

L'information budgétaire gagnerait à présenter plus systématiquement le détail d'évolutions complexes d'autant qu'elles se situent dans un contexte marqué par les modifications des règles des régimes de retraite des fonctionnaires selon un processus qui voit les conditions de liquidation des pensions progressivement resserrées.

L'année 2019 porte la marque d'un nouveau décalage de l'âge de liquidation de leurs droits par les fonctionnaires dont les effets sur les dépenses du CAS mériteraient d'être explicités.

Par ailleurs, l'effet noria mérite d'être suivi dans le temps dans la mesure où les conditions qui en déterminent l'ampleur ont nettement évolué depuis que la politique salariale de l'État s'applique à contenir la dynamique indiciaire.

À cet égard, la rapporteure spéciale se félicite de l'insertion au RAP pour 2019 d'une décomposition des facteurs de variation des dépenses d'une année sur l'autre (avec mise en regard des prévisions de la loi de finances initiale), exposé qu'il convient de pérenniser.

En 2019, le coût budgétaire moyen de chaque nouveau pensionné s'établit à 10 046 euros. Cette donnée, qui dépend de la durée moyenne de service des pensions en cours d'année, n'est pas représentative d'un effet en année pleine (sur ce point, l'information budgétaire devrait être améliorée).

Quoi qu'il en soit, si l'effet noria se maintient, il est en voie de très forte réduction.

L'écart entre les pensions nouvellement liquidées et les pensions en stock se réduit très significativement depuis la mise en oeuvre des différentes réformes des retraites de la fonction publique.

Évolution du montant des nouvelles pensions pour certaines catégories
des fonctions publiques civiles et militaires

(pensions brutes en euros par mois)

Source : direction générale des finances publiques

Après avoir reculé en 2018, le montant moyen des pensions civiles nouvelles a légèrement augmenté en 2019, celui des pensions militaires nouvelles ayant rétrogradé significativement. Au total, le niveau moyen des pensions nouvelles liquidées en 2019 n'est supérieur que de 2 euros par rapport à celui obtenu en 2018.

Ceci représente une perte de pouvoir d'achat de 24,6 euros par mois (295 euros par an).

Par ailleurs, l'effet de revalorisation des pensions nouvelles s'épuise : les pensions nouvellement liquidées ne sont plus supérieures aux pensions en stock que de 0,3 %.

Deux observations complémentaires s'imposent pour faire valoir, d'une part, que pour certaines catégories d'affiliés aux régimes de la fonction publique, le décrochage est plus franc que ce que révèle la moyenne (il en va ainsi pour les catégories sédentaires), les données présentées devant toutefois être affinées pour saisir les variations à un niveau plus pertinent, d'autre part que la croissance économique ni le recul sensible de l'âge de liquidation des droits n'ont permis de défendre la valeur liquidative des droits à retraite dans la fonction publique.

C. UN SOLDE MOINS EXCÉDENTAIRE EN 2019 MAIS UN EXCÉDENT APPAREMMENT DURABLE

Sur longue période, tant les recettes que les charges du CAS ont connu une progression continue et forte.

Mais, comme l'illustre le graphique ci-dessous, une inflexion s'est produite après la mise en oeuvre des réformes des régimes de retraite dans les fonctions publique, les masses financières impliquées par les régimes de retraite des fonctionnaires progressant sur un rythme nettement modéré.

Évolution des recettes et des dépenses du CAS
(2010-2019)

Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019

En outre, depuis 2016, les recettes affectées au financement des pensions avaient augmenté régulièrement plus vite que celles-ci.

De 2013 à 2017, les recettes du CAS ont progressé de 6,8 % tandis que les dépenses se sont alourdies de 3,8 % aboutissant à la constitution d'un excédent à partir de 2013 dont l'ampleur n'avait depuis cessé de croître.

L'exercice 2018 a marqué une inversion de ce processus.

L'année 2019 reproduit ce différentiel.

Toutefois, ce phénomène n'est attribuable en réalité qu'au programme 743 relatif aux allocations des anciens combattants.

Une fois ce dernier neutralisé (neutralisation recommandable compte tenu des spécificités des logiques de ces allocations), les cotisations sociales et les pensions servies par le CAS suivent des trajectoires parallèles, mais à partir de bases marquées par l'excédent des recettes sur les dépenses.

En dépit de la stabilité du taux de contribution employeur observée depuis 2014, et qui se poursuit en 2019, et malgré une nouvelle hausse du taux de cotisation salariale de 2,7 %, les recettes du compte ont subi un essoufflement.

Malgré une progression modérée des dépenses du compte « Pensions » (+ 1,0 % pour les dépenses du programme 741), le différentiel entre les recettes et les dépenses a entraîné une réduction du résultat, demeuré positif, de l'exercice

Malgré des perspectives plus incertaines à moyen terme, le régime de retraite de la fonction publique d'État ressort en projection de long terme comme sur-financé, dans les conditions particulières actuelles de son financement.

1. Un excédent réduit mais qui contribue à accroître le « fonds de roulement » du compte

Les dynamiques effectives des recettes et des dépenses du compte en 2019 ont conduit à un solde d'exécution inférieur au niveau envisagé par la loi de finances initiale mais aussi au résultat de l'exercice précédent.

L'excédent a atteint 1 298,5 millions d'euros (contre 1 580,3 millions en prévision) en repli de l'ordre de 200 millions d'euros par rapport au solde de l'exercice 2018.

Cependant, le niveau du solde de 2019 reste près de quinze fois plus élevé que celui de 2010 (soit avant la réforme de 2010) et permet d'atteindre un niveau d'excédents cumulés de 7,9 milliards d'euros contre 6,6 milliards d'euros en 2018, soit six fois le niveau du solde du compte en 2010.

Solde cumulé du CAS « Pensions » en fin d'année

(en milliards d'euros)

Source : rapport annuel de performances 2019

Depuis 2010, le compte a accumulé des excédents de 6,6 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle de 733 millions d'euros, le résultat pour 2019 excédant cette moyenne de près de 570 millions d'euros.

Il atteint en 2019 l'équivalent de plus d'une année de cotisations salariales, mais de moins de 17 % des contributions employeurs au CAS, qui sont prélevées à des taux singulièrement élevés (74,28 % pour les contributions civiles depuis 2014 ; 126,07 % pour les contributions militaires depuis cette même année), supérieurs à ceux du régime général de sécurité sociale.

Ce niveau, techniquement excessif par rapport aux normes usuelles, doit donc être apprécié en fonction de considérations plus structurelles.

Parmi celles-ci doit d'abord être mentionné le processus de convergence des cotisations salariales de retraite des fonctionnaires avec celles en vigueur dans le régime général qui aboutit à une élévation du taux de contribution des fonctionnaires au financement du régime, même à contribution inchangée des employeurs.

Compte tenu de l'objectif de parité des systèmes de prélèvement entre public et privé, la réduction du taux de contribution des employeurs apparaît comme la seule variable d'ajustement mobilisable pour limiter la progression du solde du compte.

Or, deux éléments au moins rendent cette variable peu maniable :

- la nature de la « contribution employeur » affectée au compte ne correspond pas strictement à une cotisation sociale vieillesse employeur, mais, destinée à équilibrer les dépenses du compte, elle intègre partiellement la contrainte de financement correspondant à des « avantages » non contributifs. Dans ces conditions, une baisse de cette contribution ne saurait être entreprise sans qu'une clarification des déterminants divers de son taux n'intervienne ;

- et, probablement surtout, l'atténuation de la contrainte budgétaire appliquée aux ministères dans la gestion de leurs personnels qu'induirait une baisse de la contribution des employeurs.

2. Un excédent structurel ?

Le régime de retraite de la fonction publique de l'État (civile et militaire), qui représente l'essentiel des engagements du compte d'affectation spéciale, doté d'un excès de financement en 2019 semble également doté, du moins aux conditions actuelles de financement, d'un excédent structurel à moyen et, surtout, à long terme.

Ce résultat permet (aux réserves près développées dans la section suivante) de tempérer l'impression exercée par le niveau élevé des engagements de retraite portés par l'État publiés dans le hors-bilan du compte général de l'État .

a) Des engagements de retraites élevés correspondant à un patrimoine important pour les ménages...

Ces engagements 305 ( * ) , qui totalisent l'ensemble des prestations que l'État devrait servir aux retraités actuels et, en fonction des droits acquis au moment où ils sont évalués, aux personnes en activité, étaient estimés à 2 080,4 milliards d'euros à la fin de l'année 2018, en retenant la pire hypothèse de taux actuariel (un taux négatif de 0,3 %) . Avec un taux de 0 %, les engagements étaient chiffrés à la fin de 2018 à 1 938,2 milliards d'euros.

Le compte général de l'État pour les chiffres entre 2 383 milliards d'euros et 1 393 milliards d'euros, selon le taux d'actualisation choisi.

Engagements de retraites de l'État

Source : compte général de l'État pour 2019

La fourchette d'estimation est large.

Le passage entre l'estimation de 2018 et l'évaluation de 2019 met en évidence la sensibilité des estimations au taux d'actualisation de référence. Du taux de - 0,3 % utilisé l'an dernier à un taux de - 0,72 %, qui représente une dégradation de 42 points de base du nouveau compte général de l'État, l'estimation des engagements de retraite augmente de 222 millions d'euros. 1 point de rendement supplémentaire allège les contraintes liées aux engagement de pension de l'État d'un niveau de l'ordre de 370 millions d'euros.

Passage de l'évaluation des engagements de retraite de l'État
de 2018 à celle de 2019

Source : compte général de l'État pour 2019

En sens inverse des effets de la baisse du taux d'actualisation retenu, on relève que la séquence des droits éteints en 2019 (49,8 milliards d'euros) excède celle des droits acquis en cours d'année (32,8 milliards d'euros, malgré une légère augmentation de ces acquis par rapport à l'exercice précédent (28,4 milliards d'euros), cette dernière évolution étant attibuable à la réactivation du protocole PPCR, qui a élevé les bases de liquidation projetées.

Comme la rapporteure spéciale a l'habitude de l'indiquer l'indicateur des engagements de pension du hors-bilan de l'État permet d'apprécier l'équivalent patrimonial des droits à la retraite des fonctionnaires couverts par le régime, information utile à toute analyse de la richesse patrimoniale des ménages et de leurs comportements d'épargne.

De même, comme elle a pu l'indiquer lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, dans sa communication sur le projet de réforme des retraites, on voit mal comment dans un processus de transition vers un nouveau régime de constitution des droits de retraite des fonctionnaires, il serait possible de faire l'impasse, comme il avait été proposé dans le rapport de M. Jean-Paul Delevoye, sur les conditions de valorisation des droits de retraite acquis par les fonctionnaires telles qu'elles sont employées pour calculer les engagements de l'État dans le compte général de l'État.

La méthode des droits projetés qui est mise en oeuvre diffère de la proposition qui aurait consisté à calculer les droits acquis sur la base des paramètres liquidatifs réunis au moment de la transition vers le nouveau régime.

La rapporteure spéciale tend à voir dans la réserve formulée par le Conseil d'État dans son avis sur les projets de texte présentés dans le cadre de la réforme des retraites, une consécration de son point de vue.

Le Conseil d'État a, en effet, été conduit à rappeler que le législateur ne saurait sans motif d'intérêt général suffisant, ni porter atteinte aux situations légalement acquises ni remettre en cause les effets qui peuvent être légitimement attendus de telles situations, ce qui serait contraire à la garantie des droits proclamée par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

Malgré son incontestable intérêt informatif (et sans doute juridique), l'évaluation des engagements de l'État au titre des retraites de ses agents, doit être complétée dès lors qu'on souhaite estimer la soutenabilité des régimes de retraite corrrespondants.

Celle-ci est nettement mieux appréciable à partir d'un raisonnement sur le besoin de financement des régimes de retraite.

b) ... mais une capacité de financement durable du système de pensions de la fonction publique d'État

Dans les évaluations publiées jusqu'à présent, le besoin de financement 306 ( * ) actualisé à l'horizon de 2050 était plus ou moins négatif en fonction des perspectives de croissance économique, mais il était toujours négatif, ce qui signifie que le régime dégage une capacité de financement.

L'estimation des besoins de financement actualisés pour 2050 présentée dans le compte général de l'État pour 2018 était venu nuancer, mais légèrement, ce panorama.

Dans l'hypothèse d'un taux d'actualisation négatif (- 0,33 %), les nouvelles estimations des besoins de financement actualisés à l'horizon 2050 extériorisaient un besoin de financement net très modéré au vu des masses financières en jeu, de 1 milliard d'euros.

En 2019, compte tenu d'hypothèses conventionnelles différentes 307 ( * ) , le besoin de financement actualisé redevient systématiquement négatif.

Projection du besoin de financement à l'horizon 2050

Source : compte général de l'État pour 2019

Cependant, il vaut d'être relevé que :

- par rapport à l'estimation produite l'an dernier, une dégradation du besoin de financement se produirait à l'horizon 2050 au taux d'actualisation de 0,3 % employé l'an dernier ; la dégradation est spectaculaire puisqu'elle approche 19 milliards d'euros en cumulé. Elle provient d'une actualisation des prévisions d'assiette des cotisations, la valeur de la masse indiciaire étant revue à la baisse pour la période 2020-2022 par rapport au compte général de l'État de l'an dernier ;

- les projections sont réalisées à taux de contribution employeurs inchangés, ce taux étant très supérieur à celui relevé dans le régime des salariés, pour des raisons diverses, explicitées dans le rapport de la rapporteure spéciale sur le projet de loi de finances pour 2020. Or, ce taux devrait considérablement baisser, du moins en apparence, dans le cadre du projet d'instauration d'un régime universel de retraite, puisque ce projet table sur une harmonisation des cotisations sociales salariales et employeurs dues par la grande majorité des affiliés (l'alignement des taux nominaux n'est toutefois pas équivalent à celle des taux effectifs dans la mesure où pour les fonctionnaires il s'accompagnerait d'un élargissement de l'assiette aux éléments indemnitaires -les primes -actuellement non cotisées).

Les perspectives à 2070 sont l'aboutissement d'une séquence de soldes financiers des régimes que présente le graphique ci-dessous.

Projection des soldes financiers des régimes de retraite
de la fonction publique d'État (2019-2050)

Source : compte général de l'État pour 2019

Le solde cumulé des régimes de fonctionnaires augmenterait jusqu'à atteindre un pic en 2027, soit un peu plus tôt que prévu jusqu'à présent. Au-delà une longue période de déficits modérés viendrait entamer les « réserves » accumulées au point que le solde actualisé cumulé du régime passerait quelques années dans le rouge avant de se redresser en fin de période. Entre 2063 et 2070, sous l'effet de l'extinction des pensions des classes nombreuses de fonctionnaires retraités (la fin du « papy boom » consécutif au baby boom de l'après-guerre) le solde positif du compte ne cesserait de s'accroître.

Ainsi, malgré la résurgence de déficit après 2031, les charges de pensions pourraient être acquittées sans nouvelle augmentation des taux de prélèvements obligatoires jusqu'en 2050.

Après une période intercalaire délicate, à plus long terme, le système de pensions de l'État serait plus que financé.

La rapporteure spéciale souhaiterait que, pour la visibilité des choses, les informations publiées jusqu'au compte général de l'État pour 2015 308 ( * ) soient reprises.

On les rappelle à titre de simple illustration.

La courbe verte du graphique ci-dessous cumule les barres en bleu foncé à l'horizon de la projection (2111), l'excédent cumulé atteignait 437 milliards d'euros .

Les résultats de la projection publiée en 2015, qui reposait sur la législation en vigueur, montraient qu'en l'état actuel des financements et des projections portant sur les dépenses de pensions civiles et militaires correspondant aux engagements de retraite les régimes concernés étaient équilibrés structurellement.

Besoin de financement actualisé des retraites du régime
des fonctionnaires civils et militaires de l'État

Source : compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes pour 2015

On doit cependant insister sur les incertitudes que comportent les projections à long terme d'équilibre du régime des pensions civiles et militaires de l'État, le solde projeté étant sensible à des erreurs portant à la fois sur les recettes et les charges projetées.

Les projections publiées par le COR, dans son rapport de novembre 2017 consacré aux pensions de la fonction publique, mises en regard de la projection présentée ci-dessus, illustrent les écarts pouvant apparaître en fonction des hypothèses posées sur les différents paramètres gouvernant l'équilibre des régimes de retraite de la fonction publique.

Dans les projections du COR, le solde de ces régimes est moins bien orienté en début de période et s'il se redresse par la suite, cette amélioration est plus ou moins forte selon le scenario envisagé.

Projection du solde technique du régime de retraite
des fonctionnaires de l'État à l'horizon 2070

(en milliards d'euros)

Source : rapport du COR, novembre 2017

D. UNE EXÉCUTION 2019 QUI ILLUSTRE CERTAINES PARTICULARITÉS DU PILOTAGE DES RÉGIMES DE RETRAITE DES FONCTIONNAIRES DE L'ÉTAT

Dans la présentation qu'en propose le COR, le pilotage financier du régime global de retraite repose, à législation inchangée, sur trois leviers essentiels : la variation de la valeur de la pension moyenne relative au revenu moyen d'activité, la hausse du taux de prélèvement obligatoire, le relèvement de l'âge de départ en retraite.

Si l'application de ces leviers aux régimes des fonctionnaires présente des particularités, elle pose également des problèmes de même nature que pour les autres régimes.

1. Les régimes de retraite de la fonction publique d'État ont mobilisé les leviers disponibles pour assurer les besoins de financement liés au vieillissement de la population

Dans son dernier rapport annuel (juin 2019), le COR présente les contributions respectives de ces trois leviers dans le cadre de trois scenarios de croissance différents.

Projections des besoins de financement liés au vieillissement et des contributions à leur résorption dans trois scenarios de croissance économique

Les deux principaux leviers agissant à législation inchangé seraient le décrochage de la pension moyenne par rapport au revenu d'activité et la hausse de l'âge de départ en retraite.

Quant au décrochage de la valeur relative de la pension moyenne par rapport aux revenus d'activité , il jouerait d'autant plus, en général, que le taux de croissance économique serait fort ce qui suppose de raisonner à partage de la valeur ajoutée entre les salaires et les profits inchangé. Il s'agit d'une hypothèse implicite, dont la cohérence peut être discutée 309 ( * ) .

Le décrochage de la pension moyenne par rapport au revenu d'activité exerce un effet d'équilibrage des comptes de retraite en augmentant le différentiel entre la dynamique des recettes et celle des charges de pension.

En ce qui concerne les régimes de fonctionnaires, l'impact sur les recettes paraît devoir être assez limité, voire peu désiré (voir infra ). Une certaine rigidité des recettes à la croissance semble se constater ces dernières années, rigidité illustrée par l'exécution 2019. Ni l'emploi public, ni la politique salariale de l'État ne paraissent « répondre » au taux de croissance économique.

En revanche, pour les régimes de retraite de la fonction publique, l'impact du décrochage entre les revenus d'activité et les pensions en termes de dynamique des dépenses est fort et paraît être désormais structurel, aux évolutions de la composition catégorielle des personnels publics près.

Ce dernier facteur, qui a été exposé plus haut, peut être illustré par l'évolution dans le temps des indices servant à la liquidation des pensions, mais tient surtout à la stabilité des contre valeurs correspondantes dans un contexte de gel de la valeur indiciaire.

Ainsi pour les fonctionnaires de l'État, l'indice moyen de liquidation est passé de 498 en 1992 à 612 en 2010. Il est de 649 en 2017.

Une inflexion de la dynamique en volume de la base indiciaire s'est produite au fil du temps, amplifiée par la modération des revalorisations appliquées au point d'indice.

Dans ces conditions, si la valeur des pensions aujourd'hui liquidées est structurellement supérieure à celle des pensions en stock c'est à des facteurs déjà anciens qu'on le doit globalement, l'inertie produite par ces facteurs étant appelée à s'atténuer au fil du temps.

D'ores et déjà, les pensions nouvellement liquidées dans de nombreux compartiments de la fonction publique semblent avoir décroché depuis 2000 par rapport à l'inflation mais également en valeur absolue.

Croissance de la pension moyenne nouvellement liquidée par rapport
à l'inflation dans les différents compartiments de la fonction publique

Source : rapport sur les pensions de retraite de la fonction publique 2020

Ces évolutions ouvrent une perspective de réduction continue du poids des retraites des fonctionnaires dans le PIB, plus ou moins forte selon le scenario de croissance économique, malgré la perspective d'un repyramidage des emplois publics.

Ce processus prolongerait des tendances à l'oeuvre depuis quelques années, qui, de surcroît, ont vu le poids des dépenses de pension dans le budget de l'État s'infléchir.

Part des pensions des fonctionnaires et des ouvriers d'État
dans le budget général de l'État

Source : Jaune budgétaire « Pensions » 2020

Évolution du poids des pensions de droit direct du régime
de la fonction publique d'État

(en % du PIB)

Source : service des retraites de l'État

Évolution du poids des pensions de droit dérivé du régime
de la fonction publique d'État

(en % du PIB)

Source : service des retraites de l'État

Ce résultat, obtenu moyennant une indexation des pensions sur l'inflation, repose sur la poursuite d'un décrochage des pensions de retraite de la fonction publique nouvellement liquidées par rapport au salaire moyen.

Il est également tributaire d'une stabilisation du rapport démographique des régimes de fonctionnaires.

Dans cette perspective, le second levier d'équilibrage financier des dépenses de retraites, le relèvement de l'âge de départ en retraite a joué un rôle important ces dernières années.

Entre 2010 et 2017, l'âge conjoncturel de départ à la retraite des fonctionnaires de l'État progresse tous les ans, en lien avec le relèvement de l'âge légal de départ à la retraite.

En 2017, il s'élevait à 61 ans et 5 mois avec une augmentation annuelle moyenne de plus de 3 mois depuis 2010.

La hausse de l'âge conjoncturel entre 2010 et 2017 a été plus importante chez les actifs que chez les sédentaires : pour les actifs elle a été de 2 ans et 1 mois (pour atteindre 58 ans et 9 mois en 2017), contre 1 an et 8 mois chez les sédentaires (pour atteindre 62 ans et 5 mois en 2017, soit davantage que l'âge légal d'ouverture des droits).

Relèvement de l'âge effectif de départ à la retraite depuis 2010

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Déjouant les attentes fondées sur la perspective d'un épuisement des effets des mesures d'âge, ce report des âges de liquidation s'est prolongé en 2018, puis en 2019 310 ( * ) .

Âges moyens de radiation des cadres et de liquidation en 2017 et en 2018

Source : jaune budgétaire « Pensions » 2020

2. L'impact des instruments d'équilibrage des régimes de retraite sur les régimes de la fonction publique, quelques observations
a) Le décrochage de la pension moyenne par rapport aux revenus d'activité, un paradoxe propre aux régimes de fonctionnaires et une interrogation plus générale

Si du point de vue financier l'équilibre des régimes de retraite est d'autant mieux assuré que les recettes croissent davantage que les dépenses, condition à laquelle le décrochage de la pension moyenne par rapport au revenu moyen d'activité contribue par hypothèse, l'inélasticité des évolutions salariales dans la fonction publique au rythme de la croissance économique conduit à terme à limiter l'impact du décrochage de la pension par rapport aux salaires d'activité.

Ce constat n'est pas prolongé dans les projections réalisées par le COR, qui ouvrent sur une sensibilité des recettes du CAS « Pensions » à la croissance économique.

Entre un scenario de croissance à 1 % et un scenario de croissance à 1,8 %, l'écart spontané de recettes atteint environ 35 milliards d'euros en 2050.

Recettes du CAS
selon les scenarios de croissance

Source : service des retraites de l'État, calculs du COR

Cette partie des projections du COR semble reposer sur une évolution de l'élasticité des recettes du CAS à la croissance économique par rapport aux observations les plus récentes. On ne peut ainsi la considérer comme tendancielle 311 ( * ) . Du reste, les révisions opérées dans le compte général de l'État portant sur les perspectives de la masse salariale de la fonction publique l'attestent.

En ce qui concerne la fonction publique, la contrainte financière, même contrariée par des dynamiques spontanées des rémunérations publiques, est un déterminant spécifique qui incline à limiter la dynamique des recettes des régimes de fonctionnaires, puisque l'État contribue fortement à ces dernières.

L'augmentation de la contribution employeur suscite autant de dépenses supplémentaires pour le budget général. Cet enchaînement n'équivaut pas à une augmentation des dépenses publiques puisqu'aussi bien cette dernière dépend exclusivement de l'évolution des dépenses de pension à la charge du compte. Seule cette dernière importe en réalité.

Or, sous cet angle, les projections dessinent une tendance baissière qui, loin d'impliquer une augmentation des contributions au compte, ouvre la perspective d'une réduction des dépenses publiques et, logiquement, d'une baisse de la contribution du budget général aux ressources du compte spécial « Pensions ».

Le projet de réforme des retraites repose sur une accentuation de ces évolutions puisque la contribution employeur serait réduite au niveau des régimes de salariés tandis que les facteurs spécifiques d'alourdissement des charges de pension des régimes de la fonction publique seraient lissés.

Il est vrai que les équilibres actuels sont tributaires d'un décrochage soutenu des pensions par rapport aux revenus d'activité qui, tout comme dans les autres compartiments du régime de retraite, pose des problèmes très significatifs, d'autant que ces processus ne sont pas symétriques et créent des inégalités (voir ci-après).

Le taux de remplacement assuré par les pensions devrait se replier considérablement à l'avenir.

Étant entendu que les projections réalisées sur ce point dépendent d'une série d'hypothèses, le durcissement des conditions de durée de cotisations combiné avec le mécanisme de la décote-surcote entraîneraient une baisse très nette du taux de remplacement des régimes du salariat privé, processus qui serait moins fort dans la fonction publique lato sensu .

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un non-cadre du secteur privé

Lecture : pour le cas type né en 1940, la pension moyenne perçue sur l'ensemble de la durée de retraite représente 74,3 % du salaire moyen sur l'ensemble de la carrière.

Source : rapport annuel du COR, 2019

Cependant, pour un agent de la fonction publique de catégorie B 312 ( * ) , la dynamique, un peu moins nette si l'on se fie à l'impact stabilisateur du mécanisme de la décote-surcote, aboutirait à une situation analogue compte tenu d'un taux de remplacement net de départ inférieur.

Taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie
pour un fonctionnaire de catégorie B non sédentaire
(part de primes inchangée) non-cadre du secteur privé

Source : rapport annuel du COR, 2019

À terme, le taux de remplacement net moyen sur le cycle de vie assuré par les régimes de retraite de la fonction est appelé à atteindre un faible niveau et impliquerait une baisse du niveau de vie relatif des retraités d'autant plus prononcé que l'écart entre la croissance économique et l'indexation des pensions serait fort. Dans un tel modèle d'équilibre des comptes de la retraite, l'attractivité des régimes obligatoires de retraite tend à se détériorer par rapport à des alternatives où les créances constituées par les épargnants se trouvent implicitement indexées sur le PIB.

La baisse du taux de couverture du risque viager par les régimes de retraite créera un besoin de revenus complémentaires dont les conditions de réunion n'ont aucune raison d'être équivalentes à celles dont dépendent les pensions versées par les régimes.

La perspective d'une baisse des taux de rendement offerts par ceux-ci au niveau desquels la subvention de la collectivité publique contribue aujourd'hui fortement, posera la question de la distribution entre les différents niveaux de revenu des transferts publics alternatifs qui peuvent bénéficier à certaines formes d'épargne de précaution.

b) Le relèvement de l'âge de liquidation des droits, quelle faisabilité ?
(1) Les mécanismes de contention des pensions des fonctionnaires ont exercé un effet très significatif ces dernières années, avec des impacts fortement asymétriques.

La liquidation des pensions dans la fonction publique d'État s'effectue suivant la formule ci-dessous :

Deux termes importent donc : la base de liquidation qui dépend de la situation indiciaire 313 ( * ) et le couple coefficient de proratisation (qui dépend de la durée de cotisation) et mécanisme de la décote-surcote (qui dépend d'une référence particulière combinant âge de départ et durée de cotisation).

À l'issue du durcissement des règles de durée de cotisation, l'application des règles de proratisation et de décote-surcote s'est traduite non seulement par un relèvement des âges effectifs de liquidation mais encore par une érosion de la valeur des pensions liquidées.

Le coefficient de proratisation est égal à 100 % quand la durée liquidable (trimestres de cotisations plus trimestres validés) est égale à la durée de référence ; le coefficient de décote-surcote vaut 1 en l'absence de décote ou de surcote. Il vaut 1,0625 avec une surcote de 6,25 % qui correspond à cinq trimestres au-delà de la durée de référence. Il vaut 0,95 pour quatre trimestres manquants.

Évolution des indices de liquidation, des coefficients de proratisation et des coefficients de décote-surcote entre 2010 et 2018

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

On observe que si le jeu de la base liquidative se serait traduit par une légère augmentation de la valeur de liquidation des pensions entre 2010 et 2018 (mais inférieure à la hausse des prix), en revanche, le durcissement des conditions de durée a suscité une réduction de la valeur des pensions nouvellement liquidées.

Le taux de proratisation s'est significativement dégradé en lien avec l'allongement de la durée d'assurance exigée pour liquider une retraite à taux plein. De son côté le mécanisme de la décote-surcote après avoir exercé un impact de plus en plus compensateur en début de période s'est atténué après 2015.

Au total, le durcissement des conditions de durée a plus qu'effacé l'impact de l'amélioration, déjà modeste, des conditions indiciaires de liquidation.

Entre 2010 et 2018, la valeur des pensions nouvellement liquidées a décru (  0,7 %), la baisse appréciée à partir du niveau de 2012 atteignant même près de 6 %.

Il faut ici rappeler qu'au cours de la période considérée (2010-2018), l'inflation a été de 9,1 % si bien que la valeur réelle moyenne d'une pension liquidée au titre de la fonction publique civile d'État sédentaire s'est dégradée de plus de 10 % ces dernières années.

Encore faut-il observer que les pertes de valeur des pensions résultant du durcissement des conditions d'âge ont été fortement dispersées selon les catégories salariales de la fonction publique, se trouvant beaucoup plus accusées pour les indices de liquidation les plus bas.

Évolution des indices de liquidation, des coefficients de proratisation et des coefficients de décote-surcote entre 2010 et 2018
selon l'indice de liquidation des pensions

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Pour les fonctionnaires liquidant en deçà de 500 points d'indice, l'aggravation du coefficient de proratisation a entraîné un déficit de plus en plus fort des taux de liquidation (passés de 69,6 % en 2010 à 59,6 % en 2018). Cette dégradation n'a pas été compensée par une amélioration des taux de surcote, qui, au contraire, ont baissé après 2015 passant de 5 trimestres à environ 2,3 trimestres.

Dans ces conditions, la valeur de liquidation des nouvelles pensions a baissé considérablement pour ces fonctionnaires, de l'ordre de 150 euros entre 2010 et 2018 (- 11 % en valeur nominale et - 20 % en valeur réelle).

Les fonctionnaires liquidant leur pension sur des bases indiciaires plus élevées comprises entre 500 et 900 points d'indice (en pratique, en moyenne, autour de 670-690 points d'indice) ont également subi une baisse de la valeur liquidative de leurs pensions (- 63 euros entre 2010 et 2018, soit - 2,8 % en valeur nominale et - 12 % en valeur réelle) mais plus modéré du fait d'une moindre dégradation du coefficient de proratisation.

Enfin, pour les fonctionnaires liquidant leur pension sur une base indiciaire supérieure à 900 points d'indice (en moyenne entre 1 039 et 1 074 points au cours de la période), la valeur liquidative de la pension a augmenté en euros courants de 77 euros, soit + 2 %. Cette augmentation a été inférieure à l'inflation de sorte que la perte de valeur réelle de la pension nouvellement liquidée a été de l'ordre de 7 % entre 2010 et 2018. Pour ces fonctionnaires, le coefficient de proratisation s'est dégradé mais deux évolutions ont compensé cette dynamique :

- la base indiciaire de liquidation a progressé, ce qui constitue une singularité puisque pour les autres catégories de fonctionnaires, malgré le recul de l'âge de liquidation des retraites intervenu au cours de la période, l'indice de liquidation a baissé ;

- le jeu du mécanisme de la décote-surcote leur a été plus favorable qu'aux autres fonctionnaires, ce qui semble traduire une plus forte capacité des fonctionnaires les mieux rémunérés à conserver leur emploi au-delà des âges auxquels joue ce mécanisme. Néanmoins, comme pour les autres catégories de fonctionnaires, le durcissement du régime de la décote-surcote semble se traduire par un essoufflement de sa capacité à apporter un soutien à la valeur des pensions nouvellement liquidées, l'effet déprimant d'une proratisation de plus en plus « mordante » semblant appelé à s'intensifier.

Ces évolutions doivent être gardées à l'esprit alors qu'un nouveau relèvement des bornes d'âge est prévu dans le cadre du projet de réforme des retraites, qui s'inspire très étroitement, combiné avec le paramétrage envisagé du régime, d'un mécanisme de proratisation-décote-surcote.

(2) Le relèvement de l'âge légal, quelles perspectives ?

Parmi les mesures d'âge, le levier du report du départ de l'âge légal présente des particularités.

D'ores et déjà, les fonctionnaires partent généralement à la retraite après l'âge légal qui leur est applicable, l'âge effectif de liquidation des pensions ayant significativement augmenté. Un relèvement de l'âge légal poserait moins de problèmes dans la fonction publique que dans les régimes de salariés, ces derniers connaissant une très forte sous-activité aux âges envisagés.

Il se traduirait cependant par une modification des impacts de la décote-surcote, qui produirait quelques économies sauf à ce que les bases moyennes de liquidation des pensions augmentent.

En revanche, il se heurte à des difficultés particulières dans la fonction publique. Les premières sont liées à l'importance des catégories actives et super-actives dans la fonction publique, catégories de personnels qui sont en diminution après les reclassements opérés dans le passé, mais qui représentent une proportion importante d'effectifs pour lesquels la prolongation de la vie active peut poser de réels problèmes fonctionnels. Les secondes sont relatives à la gestion des ressources humaines relevant de la fonction publique. L'objectif d'augmenter la productivité dans le secteur public semble passer par une réduction du format des effectifs. Dans ce contexte, l'allongement de l'activité des fonctionnaires en place réduit les possibles et se traduit par une rigidification au moins transitoire des emplois publics et des rémunérations, sauf à ce que les recrutements de jeunes fonctionnaires s'ajustent à la baisse.

MISSION « RELATIONS AVEC LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES »
ET COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« AVANCES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES »

mm. charles guené et claude raynal, rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2019 735

1. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » 735

2. Le compte de concours financiers « avances aux collectivités territoriales » 739

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX : DES DOTATIONS DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT LOCAL QUI DOIVENT FAIRE L'OBJET D'UNE GRANDE ATTENTION 743

1. Des ouvertures de crédits en légère diminution mais une exécution qui s'améliore 743

2. Un remplacement de la dotation générale d'équipement (DGE) des départements par une dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) qui augmente la part de financement sur appels à projets 744

3. Une évaluation de la performance des dotations d'investissement local à améliorer 746

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2019

1. La mission « Relations avec les collectivités territoriales »

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » retrace, pour plus de 90 % des crédits de paiement consommés en 2019, les dotations versées aux collectivités territoriales en compensation de transferts de compétences ou pour soutenir l'investissement local. Toutefois, les principaux transferts de l'État au profit des collectivités territoriales, notamment la dotation globale de fonctionnement, constituent des prélèvements sur recettes et ne sont pas retracés par la présente mission .

Place de la mission au sein des transferts financiers
de l'État aux collectivités territoriales

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Au titre de l'exercice 2019, les crédits exécutés sur la mission se sont élevés à 3,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 3,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) .

Au niveau de l'ensemble de la mission, l'exercice est marqué par une légère sur-consommation (+ 0,02 %) en CP qui contraste avec une sous-consommation de l'ordre de 1,25 % par rapport à la prévision initiale en AE. Au-delà de ce constat d'ensemble, il convient d'observer que le programme 112 - Concours spécifiques et administration - fait l'objet d'une sous-consommation très importante puisqu'elle s'établit à 14,4 % en CP et à 17,3 % en AE.

Tout comme en 2018, l'évolution des montants consommés sur la mission est négative en CP (- 3,7 %) et positive en AE (+ 4,3 %) . Plus précisément, on constate une diminution des crédits engagés pour le financement du programme 119 - Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements qui porte les subventions et l'essentiel des crédits de la mission.

Ce recul était néanmoins attendu puisqu'il ressortait déjà de la prévision initiale. A l'inverse, il y a lieu d'observer que les crédits de paiement engagés au titre du programme 122 - Concours spécifiques et administrations ont fortement diminué (- 12,4 %) alors même que la prévision initiale (273 millions d'euros) était supérieure non seulement au montant ouvert à l'occasion de la loi de finances pour 2018 (249 millions d'euros) mais également exécuté sur ce même exercice (267 millions d'euros).

Évolution et exécution des crédits de la mission en 2019

(en millions d'euros)

Exercice 2018

Exercice 2019

Ouverture en LFI ( y.c ADP et FDC)

Exécution

Écart en valeur

Taux de consom-mation

Évolution des crédits consommés

Ouverture en LFI ( y.c ADP et FDC)

Exécution

Écart en valeur

Taux de consom-mation

Évolution des crédits consommés

119 - Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements

CP

3 412

3 305

- 108

96,8 %

+ 12,8 %

3 166

3 206

40

101,3 %

- 3,0 %

AE

3 608

3 496

- 112

96,9 %

- 11,2 %

3 657

3 649

- 8

99,8 %

+ 4,4 %

122 - Concours spécifiques et administration

CP

249

267

18

107,0 %

- 41,8 %

273

234

- 39

85,7 %

- 12,4 %

AE

185

191

6

103,3 %

- 56,4 %

238

197

- 41

82,8 %

+ 3,3 %

Total de la mission

CP

3 662

3 572

- 90

97,5 %

+ 5,4 %

3 439

3 440

1

100,0 %

- 3,7 %

AE

3 793

3 687

- 106

97,2 %

- 15,7 %

3 895

3 846

- 49

98,7 %

+ 4,3 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Si elle se trouve compensée pour moitié par une hausse des crédits de paiement engagés au titre de l'action 01 - Soutien aux projets des communes et groupements de communes (+ 87 millions d'euros), la diminution des crédits consommés pour le financement des projets des départements et des régions (- 190 millions d'euros) explique l'essentiel de la réduction des dépenses du programme 119.

Toutefois, cette contraction des crédits du programme était prévue dans le contexte de l'extinction du fonds exceptionnel de soutien aux régions , au département de Mayotte et aux collectivités territoriales de Corse, de Martinique et de Guyane institué en loi de finances initiale
pour 2017 doté de 450 millions euros, d'une part, et de la réforme de la dotation générale d'équipement des départements (DGE) , d'autre part.

Contribution des actions du programme 119 à la baisse du volume
de crédits consommés (CP)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

À l'inverse, et comme indiqué supra , la diminution des crédits engagés au titre du programme 122 et - par définition - leur sous-consommation n'étaient pas prévues en loi de finances initiale .

Au sein de ce programme, les actions 01 - Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales et 04 - Dotations Outre-Mer connaissent des taux de consommation très dégradés puisqu'ils s'établissent, s'agissant des crédits de paiement, respectivement à 37,5 % et 50,2 %.

Par ailleurs, la variation des crédits consommés au titre de cette première action (- 36 millions d'euros) par rapport à 2018 explique la totalité de la diminution des montants engagés pour le programme (- 33 millions d'euros).

Contribution des actions du programme 122 à la baisse
du volume de crédits consommés (CP)

(en millions d'euros - taux de consommation
entre parenthèses)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

D'après les documents budgétaires, la forte sous-consommation de l'action 01 - Aides exceptionnelles aux collectivités territoriales s'expliquerait par le redimensionnement du versement effectué au profit de la collectivité de Saint-Martin pour soutenir les travaux de reconstruction.

Enfin, en 2019, le montant total des crédits finalement ouverts au profit de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'établit
à 4 milliards d'euros en AE et 3,5 milliards d'euros en CP.

En comparaison de la prévision initiale ces ouvertures constituent une augmentation de crédits de + 3,1 % en AE et de +3,2 % en CP.

Il y a donc lieu de constater que si le taux de variation des AE est inférieur à celui de l'ensemble du budget de l'État (+ 4,1 %) celui des CP est deux fois supérieur puisque les crédits de paiements ouverts au profit du budget de l'État ont augmenté de + 1,6% en cours de gestion.

Mouvements des crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Crédits ouverts en LFI ( y.c ADP et FDC)

Reports entrants

Virements ou transferts de crédits

Décret d'avance

Crédits ouverts/annulés en LFR

Reports sortants

Total des crédits ouverts

119 - Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements

AE

3 657

123

0,4

-

-

1

3 780

CP

3 166

124

0,4

-

-

1

3 290

122 - Concours spécifiques et administration

AE

238

90

0

-

- 92

23

236

CP

273

30

0

-

- 44

20

259

Total de la mission

AE

3 895

212

0,4

-

- 92

24

4 016

CP

3 439

154

0,4

-

- 44

21

3 549

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

2. Le compte de concours financiers « avances aux collectivités territoriales »

Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » retrace, principalement, les versements aux collectivités et à leurs groupements du produit des impôts locaux perçus pour leur compte ou à leur profit par l'État . De plus, il assure le suivi des avances consenties aux collectivités et établissements publics, ainsi qu'à la Nouvelle-Calédonie , lorsqu'ils « connaissent des difficultés momentanées de trésorerie ».

Enfin, depuis 2014 et dans le cadre du pacte de confiance et de responsabilité, il retrace le versement des avances sur frais de gestion des divers impôts locaux transférés aux départements et aux régions .

En 2019, la consommation de crédits s'élève à 106,8 milliards d'euros , soit une augmentation de + 2,7 % par rapport à 2018 .

La totalité de la consommation des crédits est portée par le programme 833 . En effet, si la loi de finances initiale avait prévu 6 millions d'euros de crédits au titre du programme 832, aucun n'a été consommé.

Exécution du compte de concours financiers
« Avances aux collectivités territoriales » en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Action

Crédits consommés en 2018

Crédits ouverts en LFI 2019 ( y.c ADP et FDC)

Crédits consommés en 2019

Évolution 2018-2019

Taux d'exécution 2019

Avances aux collectivités et établissements publics, et à la Nouvelle-Calédonie

01 - Avances de l'article 70 de la loi du 31 mars 1932 et de l'article L. 2336-1 du code général des collectivités territoriales

0

6

0

-

0

02 - Avances de l'article 14 de la loi n° 46-2921 du 23 décembre 1946 et de l'article L. 2237-2 du code général des collectivités territoriales

0

0

0

-

-

03 - Avances de l'article 34 de la loi n° 53-1336 du 31 décembre 1953 (avances spéciales sur recettes budgétaires)

0

0

0

-

-

04 - Avances à la Nouvelle-Calédonie, au titre de la fiscalité du nickel

0

0

0

-

-

Total du programme

0

6

0

-

0,0 %

Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

01 - Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes

96 092

102 728

98 934

+ 3, %

96,3 %

02 - Avances aux départements sur le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers

5 911

5 903

5 843

- 1,1 %

99,0 %

03 - Avances aux départements sur les frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties

958

970

994

+ 3,8 %

102,5 %

04 - Avances aux régions sur les frais de gestion de la contribution foncière des entreprises (CFE), de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d'habitation (TH) et sur le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

969

1 004

982

+ 1,3 %

97,7 %

Total du programme

103 930

110 605

106 753

+ 2,7 %

96,5 %

Total du compte de concours financiers

103 930

110 611

106 753

+ 2,7 %

96,5 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En 2019, le solde du compte est excédentaire de 821 millions d'euros , soit un montant supérieur au solde moyen de 555 millions d'euros constaté entre 2011 et 2018.

Ce montant est en progression de 241 millions d'euros par rapport à l'année précédente et il est supérieur de 835 millions d'euros à la prévision initiale, laquelle anticipait, en effet, un solde équivalent à - 14 millions d'euros.

Évolution du solde du compte de concours
financiers entre 2006 et 2019

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Les recettes du compte, en 2019, concernent uniquement le programme 833 . Elles sont constituées des recouvrements de fiscalité et des compensations versées par le budget général au titre des dégrèvements accordés aux contribuables et des rôles non recouvrés . Les dépenses du compte sont, elles aussi, exclusivement portées par le programme 833 .

La crise sanitaire et économique liée au Covid-19 aura des conséquences notables sur l'évolution des recettes de fiscalité locale
en 2020 et 2021. Le rapport annuel de performance pour l'année 2020 et le projet annuel de performance pour l'année 2021 du compte de concours financiers permettront d'évaluer l'impact de ces variations.

Prévision et exécution des recettes et des dépenses du programme « Avances sur le montant des impositions revenant aux régions, départements, communes, établissements et divers organismes » du compte de concours financiers en 2019

(en milliards d'euros, en CP)

Recettes

Dépenses

Solde

Action

Composante

Sous-composante

Prévision LFI 2019

Exécution 2019

Écart à la prévision

Prévision LFI 2019

Exécution 2019

Écart à la prévision

Action 1: fiscalité directe locale

99,8

100,0

0,2

99,7

98,9

-0,8

1,0

TH

24,3

24,3

0,0

24,4

24,0

-0,4

0,3

TF

TFPB

43,3

43,4

0,0

42,2

43,5

-0,1

-0,1

TFNB

1,4

Taxes pylônes et balayage

0,4

0,5

0,1

0,4

0,3

-0,1

0,2

CVAE

19,6

19,8

0,3

19,1

19,2

0,1

0,6

CFE/IFER

CFE

11,4

11,2

-0,2

9,9

11,1

-0,4

0,0

IFER

1,7

TASCOM

0,8

0,8

0,0

0,8

0,8

0,0

0,0

Action 2 : TICPE

5,8

5,6

-0,2

5,9

5,8

-0,1

-0,2

Action 3 : Produit net des frais de gestion de la TFPB

1,0

1,0

0,0

1,0

1,0

0,0

0,0

Action 4: Produit net des frais de gestion de la CFE, CVAE, TH et TICPE

1,0

1,0

0,0

1,0

1,0

0,0

0,0

Sous-total hors marge prudentielle

107,6

107,6

0,0

107,6

106,8

-0,9

0,8

Marge prudentielle

3,0

3,0

-

TOTAL

110,6

107,6

3,0

110,6

106,8

-3,9

0,8

Source : commission des finances à partir de la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX : DES DOTATIONS DE SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT LOCAL QUI DOIVENT FAIRE L'OBJET D'UNE GRANDE ATTENTION

1. Des ouvertures de crédits en légère diminution mais une exécution qui s'améliore

Le montant d'autorisations d'engagement (AE) ouvertes en loi de finances initiale concernant les dotations de soutien à l'investissement local (dotation d'équipement des territoires ruraux, dotation politique de la ville et dotation de soutien à l'investissement local) a légèrement diminué en 2019 (1,77 milliard d'euros) , après une augmentation en 2018 (1,72 milliard d'euros en 2016 et 2017 et 1,81 milliard d'euros en 2018). Les rapporteurs spéciaux soulignent en particulier la diminution du montant d'AE ouvert en LFI pour 2019 au titre de la DSIL (570 millions d'euros contre 615 millions d'euros en 2018). Lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2018, ils avaient montré que la révision du périmètre de cette dotation augmentait artificiellement le montant des engagements afférents et qu'à périmètre constant, cette dotation diminuait. Cette observation est d'autant plus valable en 2019 que les crédits ouverts diminuent.

Les AE engagées ont suivi la même tendance (1,75 milliard d'euros en 2019, 1,78 milliard d'euros en 2018, 1,67 milliard d'euros en 2017 et 1,70 milliard d'euros en 2016).

En revanche, les crédits de paiement (CP) exécutés ont poursuivi leur croissance en 2019 (1,4 milliard d'euros en 2019 contre 1,3 milliard d'euros en 2018, 0,9 milliard d'euros en 2017 et 0,7 milliard d'euros en 2016). Ces concours représentent désormais près de la moitié des crédits de la mission. Leur croissance, conjuguée à la stabilisation des autorisations d'engagement, permet en 2019 un léger rattrapage de la consommation des crédits de paiement de ces dotations.

Évolution des taux d'exécution des crédits de paiement (CP) des principales dotations d'investissement

Source : commission des finances du Sénat à partir des données budgétaires

2. Un remplacement de la dotation générale d'équipement (DGE) des départements par une dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) qui augmente la part de financement sur appels à projets

En LFI pour 2019, 295,9 millions d'euros ont été ouverts en AE et 149,2 millions d'euros en CP au titre de la nouvelle dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) . Un montant de 84 millions d'euros d'AE et de CP a été provisionné en LFI pour 2019 afin de payer les restes à charge de 2018 de la DGE 314 ( * ) .

L'article 259 de la LFI pour 2019 a en effet prévu une transformation de la dotation générale d'équipement (DGE) des départements en DSID, qui est composée de deux parts :

- une fraction « projets » (77 % du montant ouvert en LFI) dont les modalités de gestion sont celles d'une dotation pluriannuelle sur appel à projets gérée par les préfectures de région, à l'instar de la DSIL. Les crédits, notifiés par le préfet de région, doivent financer des opérations d'investissement « dans un objectif de cohésion des territoires » (article L. 3334-10 du code général des collectivités territoriales) ;

- une fraction « péréquation » (23 % du montant ouvert en LFI) qui est calculée et attribuée sur la base du potentiel fiscal des départements et déléguée en « AE = CP ».

Ce remplacement de la DGE par la DSID augmente fortement la part des dotations mobilisées sur appels à projets : alors que les crédits de la DGE des départements étaient gérés comme ceux de la dotation générale de décentralisation (DGD), avec des crédits de paiement mobilisés en même temps que les autorisations d'engagement et pour le même montant, les crédits de paiement de la DSID sont mandatés, pour 77 % d'entre eux, au fur et à mesure de l'avancée des projets sur le terrain. Cette évolution entraîne par conséquent une augmentation des engagements non couverts par des paiements (+ 46,4 millions d'euros), déjà importants les années précédentes (496,4 millions d'euros en 2018 et 542,8 millions d'euros en 2019). Les rapporteurs spéciaux soulignent donc la nécessité, pour les administrations gestionnaires, de suivre très attentivement le rythme de consommation des crédits de paiement. Cette vigilance sera d'autant plus nécessaire en 2020 que ces dotations font partie des principaux dispositifs de soutien de l'investissement local, dans un contexte de crise économique qui nécessitera que les collectivités investissent.

Évolution des engagements non couverts par des crédits de paiement entre 2018 et 2019 pour les dotations versées sur appels à projets

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données budgétaires

3. Une évaluation de la performance des dotations d'investissement local à améliorer

L'objectif de performance, évalué par trois indicateurs, est de promouvoir l'investissement local en évitant le saupoudrage des crédits pour que l'effet levier soit réel. Le seul indicateur mesurant réellement cet effet levier ne concerne toutefois que la DETR . Il évalue en effet le pourcentage de projets dont le taux de subvention au titre de cette dotation se situe entre 25 % et 35 %.

Comme la Cour des comptes l'avait déjà préconisé dans sa note d'exécution budgétaire 2018, et comme elle le rappelle en 2019, l'évaluation de l'efficacité des dotations d'investissement local nécessite d'élargir le périmètre de l'analyse à l'ensemble des dotations d'investissement

Si cette recommandation de la Cour a été en partie mise en oeuvre dans le programme annuel de performance de 2020 puisque deux indicateurs ont été mis en place pour mesurer l'effet de levier de la DSIL et de la DPV, les indicateurs utilisés ne permettent pas de vérifier que les financements accordés ne sont pas trop concentrés ou, au contraire, trop éclatés. Comme l'indique la Cour des comptes, les rapporteurs spéciaux estiment qu'il serait utile, comme cela a été fait pour la DETR, de suivre le pourcentage de projets financés dont le taux de subvention est compris dans une fourchette moyenne (par exemple entre 25 % et 35 %).

Ils ajoutent, compte tenu de l'évolution de l'indicateur portant sur la DETR, qui est en baisse depuis 2015 (51,3 % en 2015, 50,2 % en 2016, 49,9 % en 2017, 44,9 % en 2018 et 37,7 % en 2019), qu'il pourrait être utile de le compléter en fournissant le pourcentage de projets financés dont le taux de subvention est compris entre 0 % et 25 % d'une part, entre 25 % et 35 % d'autre part et enfin entre 35 % et 50 %. L'établissement de tranches permettrait d'objectiver la supposition selon laquelle la diminution de la part de projets subventionnés dans une fourchette de 25 % à 35 % témoignerait de la volonté des préfets de département de concentrer leur soutien sur un nombre plus réduit de projets tout en subventionnant des projets de moins grande ampleur que ceux qui font l'objet du soutien de la DSIL attribuée par les préfets de région. Cette évolution est d'autant plus importante qu'il y a eu un débat vigoureux, lors de l'examen du projet de loi de finances 2020, sur la gouvernance de la DETR.

MISSION « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS »

m. pascal savoldelli, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 751

A. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔT D'ÉTAT SONT ENCORE UNE FOIS EN HAUSSE 751

B. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX AUGMENTENT A NOUVEAU FORTEMENT EN 2019 754

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 756

A. LA HAUSSE CONTINUE DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔT D'ÉTAT DOIT TROUVER UN TERME 756

1. Après la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, la question du maintien du crédit impôt recherche doit être posée 756

2. Le rapporteur spécial déplore à nouveau les limites de l'information au Parlement concernant la fraude à la TVA 757

B. L'AUGMENTATION DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔT LOCAUX RÉSULTE D'UNE RÉFORME CRITIQUABLE DE LA TAXE D'HABITATION SUR LES RÉSIDENCES PRINCIPALES 758

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

Exécution des crédits de la mission

(en millions d'euros - en pourcentage)

Exécution 2018

Crédits ouverts 2019

Exécution 2019

Taux de consommation 2019

Exécution 2019/2018

200 - Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

AE

110 022

116 025

121 182

+ 4,4 %

+ 10,1 %

CP

110 022

116 025

121 177

+ 4,4 %

+ 10,1 %

201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux

AE

15 705

19 858

18 887

- 4,9 %

+ 20,3 %

CP

15 706

19 858

18 887

- 4,9 %

+ 20,3 %

Mission

AE

125 727

135 883

140 069

+ 3,1 %

+ 11,4 %

CP

125 727

135 883

140 064

+ 3,1 %

+ 11,4 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

En 2019, la mission « Remboursements et dégrèvements » se caractérise par une forte augmentation des crédits consommés (+ 11,4 %) par rapport à l'année précédente et par un niveau de surconsommation des crédits important (+ 3,1 %) mais plus mesuré que l'année précédente (+ 4,8 %).

A. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔT D'ÉTAT SONT ENCORE UNE FOIS EN HAUSSE

Le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » retrace les dépenses en atténuation de recettes relatives aux impôts d'État . La première action du programme (n°11) retrace les remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt. L'action permet ainsi de mettre en évidence les mouvements de crédits relatifs à l'impôt sur les sociétés et à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

La deuxième action (n°12) concerne les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques spécifiques tandis que la troisième action (n°13) concerne la gestion des produits de l'État, principalement les dégrèvements et restitutions de sommes indûment perçues, les remboursements des créances et des intérêts liés aux impôts.

Exécution par action du programme 200

(en millions d'euros)

Programme 200

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Exécution 2019/ exéc. 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

(en %)

(en %)

Action 11 - Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt

AE

70 211

70 292

74 674

+ 6,36 %

+ 3,62 %

CP

70 211

70 292

74 674

+ 6,36 %

+ 3,62 %

Action 12- Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

AE

21 897

33 373

32 651

+ 49,11 %

+ 3,62 %

CP

21 897

33 373

32 651

+ 49,11 %

+ 3,62 %

13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits d'État

AE

17 915

12 358

13 856

- 22,66 %

+ 12,92 %

CP

17 914

12 358

13 850

- 22,69 %

+ 12,91 %

Total programme

AE

110 022

116 024

121 181

+ 10,14 %

+ 5,03 %

CP

110 022

116 024

121 175

+ 10,14 %

+ 5,03 %

Source : commission des finances, d'après les données fournies dans le rapport annuel de performance

Le montant global des crédits consommés en 2019 s'est élevé à 121,18 milliards d'euros, en hausse de 11,16 milliards d'euros par rapport à 2018 et supérieur de 5,3 milliards aux crédits votés en loi de finances initiale . Si l'article 10 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) précise bien que les crédits de la mission sont seulement évaluatifs, il y a lieu de relever la récurrence de dépassements très importants en exercice.

Les crédits du programme ont en conséquence dû être relevés, la LFR 2019 procédant à une ouverture de crédits de 7,74 milliards d'euros . En fin d'année, la différence entre les crédits ouverts et les crédits consommés était positive, à hauteur de 2,9 milliards d'euros non consommés.

Les principaux facteurs de hausse entre l'exécution 2018 et l'exécution 2019 sont d'une part la sur-exécution des remboursements de TVA (sous-action n°11-02) et d'autre part les remboursements et dégrèvements liés à l'impôt sur le revenu (principalement au sein de l'action n°12) .

En effet, la mise en oeuvre du prélèvement à la source a été accompagnée du crédit d'impôt de modernisation du recouvrement (CIMR), qui a occasionné une hausse de 4,44 milliards d'euros de la sous-action n°12-02 ainsi que des acomptes sur les réductions et crédits d'impôts, versés en début d'année et qui ont représenté une hausse de 5,5 milliards d'euros (sous-action n° 12-08).

Au total, la Cour des comptes estime que « le changement de périmètre sur l'impôt sur le revenu brut d'une part et sur les remboursements et dégrèvements d'autre part introduit par le prélèvement à la source peut être évalué à environ 13 milliards d'euros . » 315 ( * ) . Le PAS permet donc d'expliquer une part non négligeable de la dynamique des remboursements et dégrèvements en 2019 .

Les restitutions d'impôt sur les sociétés (REIS) représentent 17,3 milliards d'euros tandis que les opérations relatives à la TVA (principalement des restitutions) s'élèvent à 57,1 milliards d'euros . Ces deux postes représentent les deux tiers des crédits du programme 200 .

La troisième sous-action concerne le plafonnement des impositions directes (bouclier fiscal), qui continue à produire ses effets, à hauteur de 6,3 millions d'euros en 2019. On constate en exécution une légère hausse, alors que cette sous-action ne représentait plus que 2,1 millions d'euros en 2017 316 ( * ) . Cette hausse n'est pas explicitée par les documents budgétaires.

En 2019, l'impact du CICE se décompose d'une part en restitutions d'excédents d'acomptes versés, à hauteur de 4,7 milliards d'euros (sous action 11-01) et d'autre part en restitutions de créances, à hauteur de 10,6 milliards d'euros (sous-action 12-03).

Concernant l'action 13, celle-ci a été particulièrement sous-exécutée, à la différence de 2018. Cette sous-exécution tient en partie au coût des remboursements de la taxe sur les dividendes, invalidée par le Conseil constitutionnel en octobre 2017 317 ( * ) , avec des montants résiduels en 2019, à 31 millions d'euros contre 4,94 milliards d'euros en 2018 .

De plus les documents budgétaires indiquent qu'un dossier contentieux important de restitution d'impôt sur les sociétés indûment perçu aurait devait être traité fin 2019 mais aura finalement un impact en 2020 (action 13-02).

B. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX AUGMENTENT A NOUVEAU FORTEMENT EN 2019

L'exécution des crédits du programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » en 2019 est caractérisée, comme l'année précédente, par la forte augmentation du montant des dégrèvements de taxe d'habitation (+ 57,4 %).

En effet, l'année 2019 correspond à la seconde étape de mise en oeuvre du dégrèvement général de taxe d'habitation sur les résidences principales institué aux termes des dispositions de l'article 5 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

À ce titre, le taux de dégrèvement des contribuables concernés par la mesure a été porté de 30 % à 65 % ce qui s'est traduit par une hausse du coût de la mesure de + 4,1 milliards d'euros par rapport à 2018.

À l'inverse, le montant des dépenses engagées au titre des remboursements et dégrèvements d'impôts économiques diminue de plus de 9 %, confirmant la tendance amorcée en 2018 (- 2,4 %).

Pour cette dernière action, la prévision inscrite en loi de finances initiale était en baisse par rapport à l'année précédente en raison, notamment, de l'extinction progressive du coût du contentieux lié au régime de la « CVAE de groupe » et de la réforme des modalités de consolidation du chiffre d'affaires retenu pour l'établissement
de l'impôt.

Le montant des admissions en non-valeur d'impôts diminue également de près de 10 % par rapport à l'année 2018. En loi de finances initiale, il avait été prévu que ce montant demeure stable. Dès lors, ce résultat aurait dû s'accompagner d'éléments d'explication retracés dans les documents budgétaires, ce qui n'est pas le cas.

Exécution des crédits du programme « remboursements et
dégrèvements d'impôts locaux » en 2019

(en millions d'euros)

Exécution
2018

Crédits ouverts 2019

Exécution 2019

Taux de consommation 2019

Exécution 2019/2018

01 - Taxe professionnelle et contribution économique territoriale et autres impôts économiques créés ou modifiés dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle

AE

6 799

6 297

6 174

- 2,0 %

- 9,2 %

CP

6 800

6 297

6 175

- 1,9 %

- 9,2 %

02 - Taxes foncières

AE

1 660

1 594

1 668

+ 4,6 %

+ 0,5 %

CP

1 660

1 594

1 668

+ 4,6 %

+ 0,5 %

03 - Taxe d'habitation

AE

6 708

11 454

10 560

- 7,8 %

+ 57,4 %

CP

6 708

11 454

10 560

- 7,8 %

+ 57,4 %

04 - Admission en non-valeur d'impôts locaux

AE

538

513

484

- 5,6 %

- 9,9 %

CP

538

513

484

- 5,6 %

- 9,9 %

Total du programme

AE

15 705

19 858

18 887

- 4,9 %

+ 20,3 %

CP

15 706

19 858

18 887

- 4,9 %

+ 20,3 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En 2019, le montant des crédits finalement exécuté est inférieur à celui évalué en loi de finances initiale de 4,9 %. Les taux de consommation de chacune des actions du programme varient fortement comme en témoigne l'écart entre celui de l'action 01 - Taxe d'habitation qui enregistre une baisse (- 7,8 %) et celui de l'action 02 - Taxes foncières qui, au contraire, affiche une hausse (+ 4,6 %).

II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LA HAUSSE CONTINUE DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT DOIT TROUVER UN TERME

La hausse de 11,16 milliards d'euros des remboursements et dégrèvements d'impôts entre 2018 et 2019 poursuit une hausse engagée depuis de nombreuses années, de sorte que les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État en 2019 atteignent 163 % de leur niveau de 2013.

Chaque année, le rapporteur spécial s'inquiète de ces hausses successives, qui, si elles résultent de la mécanique de l'impôt ou de choix de politiques publiques, démontrent avant toute chose une complexité croissante de l'impôt et rendent toujours plus obscure aux citoyens la répartition des charges publiques .

1. Après la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, la question du maintien du crédit impôt recherche doit être posée

Malgré la suppression du dispositif, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a continué à peser sur la mission. Il a représenté 15,3 milliards d'euros de remboursements et de restitutions d'impôt, alors que les entreprises visées bénéficiaient déjà de la baisse de charge applicable dès 2019.

L'année passée aura donc été une année « double » pour les entreprises, bénéficiant à la fois de restitutions d'impôt et d'une baisse de charges sur les salaires particulièrement importante. Le cadeau fiscal du Gouvernement est à bien des égards inexplicable, l'urgence sociale et l'urgence climatique étant encore une fois mise de côté .

La suppression du CICE présente toutefois le mérite de clarifier les règles de répartition de l'imposition. Cette situation appelle à une réflexion en profondeur sur d'autres outils d'incitation fiscale, en particulier le crédit impôt recherche (CIR). L'utilité de ce crédit d'impôt mériterait d'être davantage interrogée compte tenu du niveau important de son coût, à 5,6 milliards d'euros de restitutions et remboursements en 2019.

Le rapporteur spécial considère que les effets du CIR sur le niveau de dépenses en recherche et développement sont très incertains et il serait assurément préférable de conditionner ce crédit d'impôt à des objectifs déterminés contractuellement avec les entreprises .

La révision de ces deux crédits d'impôt permettra de maîtriser davantage la croissance des crédits du programme 200 et de simplifier l'impôt sur les sociétés, alors que nombre de nos concitoyens attendent de l'ensemble des entreprises qu'elles participent à un niveau raisonnable au financement des services publics .

2. Le rapporteur spécial déplore à nouveau les limites de l'information au Parlement concernant la fraude à la TVA

Les documents budgétaires fournis par le Gouvernement sur le programme 200 ne permettent pas d'apprécier les efforts de l'administration dans la lutte contre la fraude à la TVA . Le coût annuel de ce type de fraude a pourtant été estimé par la Commission européenne à 20,9 milliards d'euros en France 318 ( * ) .

Le rapporteur spécial estime que la présentation des restitutions de crédits de TVA (RCTVA) au sein d'une sous-action du programme 200 devrait constituer l'occasion pour le Gouvernement d'assurer l'information du Parlement sur les moyens et les résultats de la lutte contre la fraude à la TVA .

Ainsi, les indicateurs de performance du programme ne devraient pas se limiter à mesurer les délais de remboursement de la TVA mais bien prendre en compte les efforts fournis dans la lutte contre la fraude .

Le rapport remis au Parlement en application de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 319 ( * ) sur les écarts de TVA conteste l'évaluation de la Commission européenne sans offrir d'estimation plus précise du niveau des différents types de fraude .

Le rapporteur spécial déplore l'insuffisance des informations fournies dans ce rapport. En effet, les informations chiffrées y sont trop limitées, le Gouvernement se limitant pour l'essentiel à présenter l'état du droit et des considérations méthodologiques.

Dans son rapport de novembre 2019 , la Cour des comptes 320 ( * ) estimait que le chiffrage de la fraude et des irrégularités à la TVA se situait dans un ordre de grandeur proche d'une quinzaine de milliards d'euros tout en soulignant que ce chiffrage restait fragile .

Ainsi le rapporteur spécial rappelle l'importance de parvenir à un chiffrage précis du niveau de la fraude. Il se félicite par ailleurs de la mise en place de la « Task force TVA », dont les premiers éléments de bilan semblent positif. En effet, « en 2018, 29 nouveaux procédés de fraude à la TVA ont été signalés (contre 13 en 2016 et 18 en 2017) et ont permis ainsi d'identifier plus de 3 000 entreprises nouvelles présentant un risque (contre 387 en 2016 et 679 en 2017). Ces alertes ont permis de bloquer ou rejeter un nombre croissant de remboursements de TVA demandés indûment et représentant un montant de 2,4 millions d'euros (contre 442 000 euros en 2016 et 129 000 euros en 2017). À la suite, plus de 2 000 contrôles fiscaux approfondis ont été réalisés engendrant plus de 20 millions d'euros de droits en matière de TVA (contre 4,2 millions d'euros en 2016 et 12 millions d'euros en 2017). Enfin, 26 plaintes pour escroquerie ont été déposées, contre 17 en 2016 » 321 ( * ) .

Le rapporteur encourage le Gouvernement à continuer dans cette voie et à proportionner les moyens de la lutte contre la fraude à la TVA aux enjeux financiers une fois ceux-ci estimés avec davantage de précision.

Il est nécessaire de décloisonner l'information et d'aller vers une véritable coordination des travaux de l'ensemble des services de l'État. Une stratégie efficace de lutte contre la fraude permettrait de limiter « l'hémorragie fiscale » qui touche les recettes de TVA.

B. L'AUGMENTATION DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX RÉSULTE D'UNE RÉFORME CRITIQUABLE DE LA TAXE D'HABITATION SUR LES RÉSIDENCES PRINCIPALES

Considérant qu'elle contribue majoritairement à la dynamique budgétaire du programme, le rapporteur spécial estime utile de rappeler que la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales est critiquable.

La forte augmentation du coût de cette mesure (+ 4,1 milliards d'euros) en 2019 est appelée à se reproduire en 2020, 2021 et 2022 puisque la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a institué un allégement total de taxe d'habitation sur les résidences principales au profit de l'ensemble des contribuables.

Pourtant, cette mesure bénéficiera davantage aux 20 % des ménages les plus aisés qui percevront 45 % du gain résultant de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales.

Répartition des gains pour le contribuable résultant de la
suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales

Source : rapport sur les crédits demandés au projet de loi de finances pour 2020 au titre de la mission « Remboursements et dégrèvements »

Par ailleurs, le rapporteur spécial rappelle que la crise sanitaire et économique a entrainé une contraction des recettes des collectivités territoriales.

Dans ce contexte, il y a lieu de regarder avec prudence le schéma de compensation de la réforme de la taxe d'habitation institué en loi de finances initiale pour 2020 .

Celui-ci implique, notamment, de substituer une fraction de TVA aux recettes de taxe foncière des départements et de taxe d'habitation des établissements publics de coopération intercommunale.

Il s'agit donc d'un modèle susceptible de fragiliser les collectivités territoriales dont les recettes - malgré l'existence d'un mécanisme de garantie sur lesquels la commission des finances du Sénat a émis plusieurs critiques - se trouveront de plus en plus soumises aux aléas de la conjoncture .

Enfin, il convient de rappeler que la TVA n'est pas un impôt équitable en ce qu'il pèse également sur l'ensemble des contribuables quel que soit le niveau de leurs revenus.

MISSION « SANTÉ »

m. alain joyandet, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 763

1. Une sous-exécution des crédits de près de 5 % 763

2. Un taux d'exécution qui diffère selon les programmes 765

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 767

1. Des annulations conséquentes au sein du programme 204 liées aux retards pris dans l'indemnisation des victimes de la Dépakine 767

2. La progression non maîtrisée des dépenses de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna 767

3. Les indicateurs, révélateurs d'une absence d'efficacité de la politique de prévention ? 769

4. L'aide médicale d'État (AME) : une exécution quasi conforme à la prévision budgétaire qui ne saurait occulter une dynamique non-maîtrisée de la dépense 770

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

1. Une sous-exécution des crédits de près de 5 %

La mission « Santé » du budget général concourt à la mise en oeuvre de la politique globale de santé. Celle-ci est axée autour de trois objectifs : la prévention, la sécurité sanitaire et l'organisation d'une offre de soins de qualité.

Le périmètre de la mission est régulièrement réduit depuis 2014. Le financement des agences sanitaires qu'elle intégrait est en effet progressivement transféré au budget de la sécurité sociale. 2019 constitue ainsi le dernier exercice au cours duquel l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et l'Agence nationale de santé publique (ANSP - Santé publique France) sont financées sur le budget de l'État.

La mission est composée de deux programmes, coordonnés par le ministère des solidarités et de la santé :

- le programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins , a pour ambition première le financement des plans et de programmes de santé pilotés au niveau national par la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Il vise ainsi à garantir la protection de la population face à des évènements sanitaires graves tout en prévenant le développement de pathologies graves. Le programme regroupe les subventions pour charge de service public accordées aux agences sanitaires, appelées à concourir à la réalisation de ces objectifs ;

- le programme 183, dédié à la protection maladie, finance principalement l'aide médicale de l'État (AME) , destinée aux personnes étrangères en situation irrégulière en France depuis plus de trois mois et dont les ressources sont insuffisantes pour une prise en charge au titre de la couverture maladie complémentaire universelle. L'AME participe d'un objectif de prévention, en permettant de détecter et de soigner les affections contagieuses, et d'éviter leur diffusion dans le reste de la population. De manière plus marginale, le programme 183 contribue, depuis 2015, au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

Les dépenses de la mission relèvent exclusivement du titre 3 « Dépenses de fonctionnement » (25 %) et du titre 6 « Dépenses d'intervention » (75 %). Les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre de la mission sont regroupés au sein du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

En 2019, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Santé » s'élèvent à 1 354,8 millions d'euros, soit 4,7 % de moins que la prévision faite en loi de finances initiale. Leur niveau reste relativement stable par rapport à l'exécution 2018 : + 1,25 %.

Les dépenses de la mission restent cependant à un niveau inférieur au plafond défini dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 (1 380 millions d'euros).

Exécution des crédits de la mission « Santé »
par programme en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits ouverts 2019

Crédits exécutés 2019

Évolution exécution 2019 / 2018

Écart exécution 2019 / LFI 2019

P. 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

AE

424,7

477,8

433

405,3

-4,57 %

-15,16 %

CP

426,7

479,1

435,5

407,6

-4,48 %

-14,92 %

P. 183 Protection maladie

AE

911,1

942,4

947,2

947,2

+ 3,97 %

+ 0,51 %

CP

911,1

942,4

947,2

947,2

+ 3,97 %

+ 0,51 %

TOTAL

AE

1 335,8

1 420,2

1 380,2

1 352,5

+ 1,25 %

-4,76 %

CP

1 337,8

1 421,5

1 382,8

1 354,8

+ 1,25 %

-4,69 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Un taux d'exécution qui diffère selon les programmes

Les taux d'exécution divergent d'un programme à l'autre. Le taux de consommation des crédits de paiement du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » atteint ainsi 85,1 %, dans la lignée de celui constaté en 2018 (87,8 %). Le taux d'exécution du programme 183 « Protection maladie » est, quant à lui, relativement conforme aux prévisions (100,5%).

Évolution du taux d'exécution des crédits de la mission « Santé »
par programme

(en %)

Note de lecture : le taux d'exécution est calculé par référence aux crédits ouverts en loi de finances initiale, y compris fonds de concours et attributions de produits, et non aux crédits disponibles (qui incluent également les reports de crédits et les mouvements réglementaires intervenus en cours d'exercice).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2019

Décrets de transfert

Décrets de virement

Arrêté de report

Fonds de concours

Loi de finances rectificative

Total ouvertures et annulations

Crédits ouverts

Exécution 2019

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P204

AE

477,8

-

-4,8

34

0,2

-74

-44,8

433

405,3

-15,16 %

CP

479,1

-0,2

-4,8

35,1

0,2

-74

-43,5

435,5

407,6

-14,92 %

P183

AE

942,4

4,8

0,004

-

4,8

947,2

947,2

+ 0,51 %

CP

942,4

4,8

0,004

-

4,8

947,2

947,2

+ 0,51 %

Total mission

AE

1 420,2

0

34

0,2

-74

-40

1 380,2

1 352,5

-4,76 %

CP

1 421,5

-0,2

0

35,1

0,2

-74

-38,7

1 382,8

1 354,8

-4,69 %

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des annulations conséquentes au sein du programme 204 liées aux retards pris dans l'indemnisation des victimes de la Dépakine

L'exécution du programme 204 a été marquée par l'annulation en loi de finances rectificative de 74 millions d'euros de crédits.

La réserve de précaution établie en début d'exercice à 10,1 millions d'euros en AE et 10,2 millions d'euros en CP puis abondée par le report de crédits 2018 dédiés au financement de l'indemnisation des victimes de la valproate de sodium et ses dérivés (Dépakine), pour un montant de 24,7 millions d'euros (AE=CP) a ainsi été supprimée lors de l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2019 322 ( * ) . La même loi a conduit à une annulation de crédits non utilisés en 2019 pour un montant de 38,3 millions d'euros et également dédiés à l'indemnisation des victimes de la Dépakine.

Le rapporteur spécial avait relevé lors de l'examen de la loi de règlement pour 2018, que le processus de collecte des informations avait conduit à des retards importants en vue d'indemniser les victimes de la Dépakine. De fait, au 9 juillet 2019, le montant total des offres adressées par l'ONIAM s'élevait à 3 384 903 euros, dont 3 150 088 euros aux victimes directes et 234 815 euros aux victimes indirectes. Les offres acceptées s'élevaient à 1 840 511 euros. Le Gouvernement a également pris acte de ces difficultés en proposant, au sein de la loi de finances pour 2020, un nouveau dispositif à même de réduire les délais d'instruction 323 ( * ) .

Dans l'attente de la mise en place de ce dispositif, l'annulation des crédits mis en réserve depuis 2018 et ceux non dépensés en 2019 apparaît logique.

2. La progression non maîtrisée des dépenses de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna

Comme chaque année depuis 2013, l'exercice 2019 a été marquée par une nouvelle sous-budgétisation en loi de finances initiale des crédits prévus pour l'agence de santé de Wallis-et-Futuna.

L'agence avait pourtant bénéficié en 2019 d'une augmentation de 2,5 millions d'euros de sa subvention afin de lui permettre d'assurer ses missions. Le coût de celles-ci est grevé par celui des évacuations sanitaires (EVASAN) vers la Nouvelle Calédonie ou les établissements métropolitains voire australiens. Ce poste de dépenses représentait 40 % du total des dépenses en 2019. Le Gouvernement juge qu'il est difficilement maitrisable, compte tenu de la nature des pathologies de plus en plus lourdes et croissantes en volume qui se conjugue au vieillissement de la population. Il n'est pas étonnant dans ces conditions que la subvention effectivement versée à l'agence ait progressé de 64 % entre 2013 et 2019.

La dotation initialement établie en loi de finances pour 2019 s'élevait à 36,8 millions d'euros, avant application de la réserve de précaution. Le montant des dépenses exécutées a finalement atteint 42,65 millions d'euros, la différence étant financée par des mesures de redéploiements de crédits au sein du programme 204.

Évolution de la subvention versée à l'agence de santé de Wallis-et-Futuna depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Un rapport de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et du contrôle général économique et financier d'avril 2019 a conduit le Gouvernement à proposer une augmentation en trois temps de la subvention versée à l'agence à partir de 2020. Une progression de 7 millions d'euros a ainsi été retenue en loi de finances pour 2020, dont 2,5 millions d'euros dédiés au remboursement de la dette 324 ( * ) . Cette majoration devrait être suivie d'une nouvelle hausse en 2021 (4 millions d'euros) puis en 2022 (1,6 million d'euros). La subvention devrait in fine atteindre 48,1 millions d'euros à cette date, soit 85 % de plus qu'en 2013.

Reste qu'en dépit de cette progression, l'écart entre l'exécution 2019 et le montant prévu en loi de finances pour 2020 atteint 2,7 %, soit une majoration inférieure à la hausse des dépenses effectivement réglées lors des deux derniers exercices (+ 5,3 % entre 2017 et 2018 puis + 6 % entre 2018 et 2019). L'augmentation décidée en loi de finances pour 2020 pourrait, dans ces conditions, s'avérer insuffisante, la trajectoire définie par ailleurs devenant obsolète.

Le rapporteur spécial rappelle que la simple rallonge budgétaire ne peut constituer une option à long terme. Un projet stratégique quinquennal élaboré en 2016 avait cerné 15 mesures en vue de parvenir à une maîtrise des coûts. Rien ne semble indiquer que ces préconisations aient aujourd'hui toutes abouti.

3. Les indicateurs, révélateurs d'une absence d'efficacité de la politique de prévention ?

Deux objectifs sont assignés au programme 204 :

- l'amélioration de l'état de santé de la population et la réduction des inégalités territoriales et sociales de santé (objectif n°1);

- la prévention et la maîtrise des risques sanitaires (objectif n°2) ;

Le premier objectif est décliné autour de trois indicateurs :

- le taux de couverture vaccinale contre la grippe chez les personnes âgées de 65 ans et plus (indicateur 1.1) ;

- le taux de participation au dépistage du cancer colorectal pour les personnes âgées de 50 ans et plus (indicateur 1.2) ;

- la prévalence du tabagisme quotidien en population de 15 à 75 ans (indicateur 1.3).

Force est de constater qu'aucun d'entre eux n'a enregistré d'amélioration significative au cours de l'exercice 2019.

Les ambitions ne semblent pas atteintes, un retard important par rapport à la cible définie par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) étant même enregistré en ce qui concerne la vaccination contre la grippe (objectif de 75 %).

De tels résultats ne sont pas sans susciter une certaine réserve quant à la pertinence de la politique de prévention mise en oeuvre par la direction générale de la santé et donc sur l'efficacité de la dépense publique en la matière.

Indicateurs de l'objectif n°1 : Prévision et réalisation

(en %)

Cible OMS : 75

Donnée non disponible dans le rapport annuel de performances

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annuel de performances 2019

4. L'aide médicale d'État (AME) : une exécution quasi conforme à la prévision budgétaire qui ne saurait occulter une dynamique non-maîtrisée de la dépense

Prenant acte des sous-budgétisations constatées lors des derniers exercices, la loi de finances pour 2019 retenait une dépense prévisionnelle de 934,9 millions d'euros pour l'aide médicale d'État, soit une augmentation de 3,5 % par rapport aux crédits consommés en 2019.

Cette somme est apparue cette année légèrement insuffisante. Si l'évolution des effectifs (+ 3,5 % en un an) est moins dynamique que prévue, elle est compensée par une augmentation du coût moyen du panier de soins de 2,3 %, les estimations initiales tablant sur une progression de 1,8 %. Un besoin de financement de l'ordre de 5 millions d'euros (soit 0,5 % de la dotation initiale) est apparu en fin d'exercice. Il a été comblé par un virement de 4,8 millions d'euros en provenance du programme 204 et un redéploiement de crédits initialement dédiés au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) de 240 000 euros.

Exécution des dépenses liées à l'aide médicale d'État en 2019

(en millions d'euros)

AE

CP

Aide médicale d'État de droit commun

898

898

Soins urgents

40,007

40,007

Aide humanitaire et autres dispositifs

1,437

1,446

Total

939,444

939,452

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si la sous-budgétisation apparaît donc relative, elle ne saurait masquer la progression continue de la dépense depuis 2012, faute de réforme structurelle du dispositif.

Se fondant sur les données collectées au cours des trois premiers trimestres de l'exercice 2019, le Gouvernement estime que l'effectif moyen des bénéficiaires de l'aide médicale d'État de droit commun s'élèverait à 328 728 en 2019, soit une augmentation de 4 % par rapport à 2018. Une telle progression, conjuguée à celles constatées au cours des précédents exercices, rend délicate toute maîtrise de la dépense.

Évolution de l'aide médicale d'État de droit commun
et du nombre de ses bénéficiaires depuis 2004

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, il convient de rappeler que l'exécution 2019 ne reflète qu'une partie des sommes dédiées à l'AME par la sphère publique. Les dépenses liées aux soins urgents se sont élevées à 65,8 millions d'euros en 2019. La prise en charge n'est financée, depuis 2008, qu'à hauteur de 40 millions d'euros par l'État, le solde restant à la charge de la Caisse nationale d'assurance-maladie.

Évolution de l'aide médicale d'État depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

À l'initiative du Gouvernement, une réforme limitée de l'aide médicale d'État a été adoptée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, en vue notamment de maîtriser la dépense 325 ( * ) . Le Gouvernement table ainsi sur une réduction de la dépense de 15 millions d'euros à l'issue de l'exercice en cours. L'efficacité de ce nouveau dispositif sera notamment évaluée à l'aune de cet objectif de diminution de la charge. Cette minoration - 1,6 % des crédits versés en 2019 - sera quoi qu'il en soit insuffisante au regard du poids de ce dispositif au sein de la mission « Santé » : 69,34 % des crédits de celle-ci ont, en effet, été dédiés à l'aide médicale d'État en 2019.

La minoration des crédits dédiés à l'AME apparaît de surcroît comme un trompe l'oeil. Il conviendra, en effet, de mesurer l'impact de l'article 265 de la loi de finances pour 2020 qui vise à limiter le recours à la demande d'asile pour bénéficier de la protection universelle maladie (PUMa). La suppression de cette couverture induit un accès à l'AME pour soins urgents. L'ouverture des soins urgents à une nouvelle catégorie de population pourrait conduire à une explosion des coûts - 101 737 personnes majeures ont, en effet, demandé l'asile en France en 2018 326 ( * ) - alors même que le Gouvernement ne prévoit pas d'augmenter la dotation versée à la CNAM. Aucun amendement de crédits n'a été adopté en ce sens à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, aucune étude d'impact n'étant, par ailleurs, fournie. La mesure apparaît donc clairement non-financée.

MISSION « SÉCURITÉS »
- PROGRAMMES « GENDARMERIE NATIONALE »
ET « POLICE NATIONALE »

m. philippe dominati, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 777

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 780

1. Une absence de maîtrise des dépenses de personnel, marquées par des mesures indemnitaires insoutenables 780

2. Un amorçage de l'indemnisation du stock d'heures supplémentaires de la police nationale, selon des modalités contestables 783

3. Une poursuite du coûteux plan de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes 784

4. Pour la deuxième année consécutive, un effet d'éviction des dépenses d'équipement des deux forces par les dépenses de personnel 784

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

Les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » regroupent plus de 97 % des crédits de paiement (CP) consommés en 2019 au sein de la mission « Sécurités ».

Pour ces deux programmes, l'année 2019 est marquée par le maintien d'une activité opérationnelle importante, avec différentes manifestations (« Gilets jaunes ») et la poursuite de la mise en oeuvre du plan de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes annoncé par le président de la République en début de quinquennat 327 ( * ) .

Les crédits des deux programmes poursuivent leur augmentation tendancielle, de 4,9 % en AE et de 2,84 % en CP.

Exécution des crédits en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2017

Crédits exécutés 2018

Crédits votés 2019

Crédits exécutés 2019

Évolution des crédits exécutés (2018-2019)

Exécution 2019 / LFI 2019

Police nationale

AE

10 397,90

10 808,82

10 958,86

11 073,78

2,45%

101,05%

CP

10 311,20

10 595,74

10 743,91

10 902,96

2,90%

101,48%

Gendarmerie nationale

AE

8 844,22

8 916,24

9 536,85

9 618,26

7,87%

100,85%

CP

8 653,63

8 734,98

8 846,63

8 977,38

2,78%

101,48%

Total

AE

19 242,12

19 725,06

20 495,71

20 692,04

4,90%

100,96%

CP

18 964,83

19 330,72

19 590,54

19 880,34

2,84%

101,48%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les taux d'exécution des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » , qui s'établissent respectivement à 101,05 % et 100,85 % en autorisations d'engagement (AE) et à 101,48 % en crédits de paiement (CP) pour les deux programmes reflètent, comme en 2018, les tensions importantes rencontrées dans l'exécution des dépenses de personnel (voir infra ).

Évolution des crédits des programmes « Police nationale »
et « Gendarmerie nationale »

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Il en va de même pour le dépassement de la trajectoire pluriannuelle.

Pour l'ensemble de la mission « Sécurités », déduction faite des fonds de concours et des attributions de produits, l'exécution atteint 13,63 milliards d'euros, dépassant l'objectif de dépenses de la mission fixé par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 328 ( * ) de 146 millions d'euros.

Évolution des crédits des programmes « Police nationale »
et « Gendarmerie nationale »

(en CP, en milliards d'euros)

2018

2019

2020

Norme fixée par la LPFP

13,32

13,48

13,66

Exécution

13,22

13,63

Écart

- 0,1

+ 0,1

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires et la loi du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022)

La police et la gendarmerie nationales ont toutes deux bénéficié d'ouvertures de crédits de rémunération en loi de finances rectificative, à hauteur respectivement de 154,7 millions d'euros et 56,7 millions d'euros, afin de compenser le dépassement de l'autorisation de dépense du titre 2 et, pour la police, d'indemniser une partie des heures supplémentaires (voir infra ).

Mouvements de crédits intervenus en gestion sur l'année 2019

(en millions d'euros)

Police nationale

Gendarmerie nationale

AE

CP

AE

CP

LFI

10 958,87

10 743,91

9 502,07

8 811,86

LFR

119,2

139,7

1,12

17,08

Reports

108,13

0,26

8,82

0,22

Virements

-3,85

-1,17

-4,5

0,25

Transferts

-1,37

-1,37

6,27

6,27

Arrêté d'ouverture (répartition)

10,81

10,81

0,13

0,13

Fonds de concours

22,11

22,11

9,6

9,6

Attributions de produits

19,26

19,26

144,33

144,33

Total des crédits disponibles

11 233,16

10 933,51

9 667,85

8 989,74

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Une absence de maîtrise des dépenses de personnel, marquées par des mesures indemnitaires insoutenables

Le taux d'exécution des dépenses de personnel est légèrement plus élevé que celui de l'ensemble des dépenses.

Taux d'exécution des dépenses totales et des dépenses de personnel

(en millions d'euros)

LFI 2019

Exécution 2019

Exécution 2019 / LFI 2019

Gendarmerie nationale

Titre 2

9 607,93

9 743,94

101,42%

Total

10 743,91

10 902,96

101,48%

Police nationale

Titre 2

7 489,87

7 633,47

101,92%

Total

8 846,63

8 977,38

101,48%

Ensemble

Titre 2

17 097,80

17 377,41

101,64%

Total

19 590,54

19 880,34

101,48%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Leur part étant élevée dans l'ensemble des dépenses de la mission (voir infra ) , la sur-exécution des dépenses de personnel explique en réalité 96 % du dépassement de la prévision pour les deux programmes , soit 279,6 millions d'euros en AE/CP sur un dépassement total de 289,8 millions d'euros en CP.

Répartition de la sur-exécution des deux programmes en 2019 en fonction de la nature des dépenses

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le dépassement est surtout imputable à l'absence de maîtrise des mesures catégorielles.

Structure de la variation des dépenses de personnel des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » en 2019

(en millions d'euros, en crédits de paiement)

P152

P176

Exécution 2018
hors CAS- Pensions

4 024,10

6 316,60

+/- Impact des mesures de transfert et de périmètre

-0,3

-5,6

- Débasage de dépenses atypiques

20

-46

+/- Impact du schéma d'emplois 2018

5,9

34,9

+/- Impact 2019 du schéma d'emplois

-18,3

23

+ Mesures générales

2,2

5,3

+ Mesures catégorielles

106,2

147,1

+ GVT positif

56,6

70,8

- GVT négatif

-69,6

-40,2

Rebasage de dépenses atypiques

89,2

59,8

+/- Mesures diverses

-10

30,1

Total : Montant exécuté 2019

4 206,00

6 595,90

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En effet, les policiers et les gendarmes ont obtenu, en avril 2016, la signature de deux protocoles leur accordant d' importantes mesures de revalorisation des carrières et des rémunérations 329 ( * ) . Les coûts supplémentaires liés à ces protocoles étaient alors estimés par le ministère de l'intérieur à 470 millions d'euros en 2022, hors contribution au CAS « Pensions ». En outre, ainsi que le relevait la Cour des comptes 330 ( * ) , l'ensemble de ces mesures catégorielles a un coût annuel élevé et mal maîtrisé, puisqu'elles prévoient également des avancements massifs par repyramidage des corps, augmentant mécaniquement la part des gradés les plus élevés, et les dépenses de personnel associées.

Ce dernier a été suivi d'un autre protocole, conclu le 19 décembre 2018 331 ( * ) avec les syndicats de police nationale dans le contexte de la forte activité générée par le mouvement des « gilets jaunes », et devant s'appliquer à compter de l'exercice 2019. Ce protocole été négocié à la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement par l'Assemblée nationale majorant de 33,3 millions d'euros les crédits de personnel de la mission « Sécurités », qui visait, aux termes de son objet, à « financer une prime exceptionnelle de 300 euros qui sera versée aux 111 000 policiers et militaires qui ont participé aux récentes opérations [de maintien de l'ordre] » 332 ( * ) . En réalité, le protocole en question a prévu de nouvelles mesures de revalorisation indemnitaire pérennes 333 ( * ) . Le coût de ces mesures en 2019, qui s'est élevé à 138 millions d'euros 334 ( * ) (hors contributions au CAS - Pensions) pour les deux programmes, a contribué au dépassement de l'enveloppe initiale votée pour les crédits de titre 2.

Une troisième étape de revalorisation est entrée en vigueur à compter du 1 er janvier 2020. Au total, selon la Cour des comptes, le protocole de 2018 atteindrait alors, pour les deux programmes, un coût annuel cumulé de 238,5 millions d'euros en 2021 (hors CAS « Pensions »).

Coût supplémentaire du protocole de 2018

(en millions d'euros, en AE/CP)

2019

2020

2021

Coût cumulé

Police nationale

84

60,7

2,6

147,3

Revalorisation AM

69,2

60,4

2,5

132,1

Revalorisation ISSP

14,8

0,3

0,1

15,2

Gendarmerie nationale

54,2

37

/

91,2

Revalorisation AMJ

45

37

/

82

Revalorisation ISSP

9,2

/

/

9,2

Total

138,2

97,7

2,6

238,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes)

Le rapporteur spécial estime que ces mesures catégorielles, qui ne s'accompagnent d'aucune réelle mesure d'économie, ne sont pas maîtrisées et mettent en cause la soutenabilité de l'ensemble des deux programmes.

2. Un amorçage de l'indemnisation du stock d'heures supplémentaires de la police nationale, selon des modalités contestables

La soutenabilité des dépenses de rémunération des deux forces est également obérée par la persistance d'un stock d'heures supplémentaires dans la police nationale, qui atteignait 23 millions d'heures au 31 décembre 2018 335 ( * ) (l'équivalent de plus de 13 000 ETPT).

Au cours du dernier trimestre 2019, une partie de ce stock a été indemnisé, à la suite de l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2019, à hauteur de 50 millions d'euros, dans des conditions toutefois contestables sur le plan de la régularité budgétaire.

La gestion hasardeuse de la première campagne d'indemnisation des heures supplémentaires dans la police nationale

Une partie du stock d'heures supplémentaires a été indemnisée à la suite de l'adoption de la loi de finances rectificative pour 2019.

Comme le relève la Cour des comptes, « les heures indemnisées dans le cadre de cette campagne l'ont été dans la limite du plafond brut de l'exonération fiscale prévue par la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales, à hauteur de 5 000 euros nets, ou 5 358 euros bruts, soit dans la limite de 429 heures. Au total, 3,5 millions d'heures ont été indemnisées, au profit de 30 648 agents, pour un coût de 44,25 euros ».

Cette campagne réalisée dans l'urgence a entrainé deux types de difficulté :

- le ministère ne peut établir avec certitude qu'il n'a indemnisé que le flux 2019 d'heures supplémentaires. Cette distinction n'est pas neutre puisqu'à l'inverse des années précédentes, les heures réalisées en 2019 sont défiscalisées ;

- le ministère de l'intérieur a indemnisé non seulement les heures supplémentaires travaillées mais aussi les heures de repos octroyées aux agents en compensation de leur réalisation, compte tenu de l'impossibilité de distinguer les deux au sein du stock les heures supplémentaires.

Source : commission des finances, d'après la Cour des comptes

Ces difficultés se conjuguent à un vaste plan de recrutement de nature à renforcer les doutes pesant sur la soutenabilité financière des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».

3. Une poursuite du coûteux plan de recrutement de 10 000 policiers et gendarmes

Le dynamisme des mesures catégorielles se conjugue à un important plan de recrutement, de 10 000 effectifs des forces de sécurité intérieure sur le quinquennat, dont 7 500 pour la gendarmerie nationale et 2 500 pour la police nationale. L'exécution de ce plan entre les deux forces est imputable à la police nationale (1 707 ETP), la gendarmerie nationale ayant réalisé un schéma d'emplois de moindre importance (645 ETP), mais en augmentation par rapport à 2018 (643 ETP).

Créations nettes d'emplois prévues et réalisées en 2019

(en ETP)

Gendarmerie nationale

Police nationale

LFI

Exécution

LFI

Exécution

Sorties

11 649

12 107

8 288

8 176

Entrées

12 292

12 752

10 023

9 883

Schéma d'emplois

643

645

1 735

1 707

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La mise en oeuvre du schéma d'emplois des deux programmes a suscité moins de difficulté que lors des années précédentes, au cours desquelles il avait nécessité un effort des filières de formation 336 ( * ) . L'exercice 2019 s'accompagne d'un retour à des cycles de formation plus longs, après la réduction de la durée de scolarité décidée en 2016 et 2017 pour faire face aux recrutements accrus.

Si l'absence de difficultés d'exécution du schéma d'emploi constitue un élément positif pour le fonctionnement opérationnel des forces, le rapporteur spécial estime toutefois que la pertinence même de ces plans, qui sont menés au détriment des dépenses de fonctionnement et d'investissement, est contestable.

4. Pour la deuxième année consécutive, un effet d'éviction des dépenses d'équipement des deux forces par les dépenses de personnel

Les dépenses de rémunération représentent 87,41 % des crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » exécutés en 2019, augmentant de 1,64 % par rapport à 2018, contre 1,48 % pour l'ensemble des CP.

Évolution des dépenses de personnel de la « Police nationale » et de la « Gendarmerie nationale »

(en crédits de paiement)

2018

LFI 2019

Exécution 2019

Évolution 2018-2019

Police nationale

Titre 2

9 400,80

9 607,93

9 743,94

1,42%

Total

10 595,74

10 743,91

10 902,96

1,48%

Titre 2 / Total

88,72%

89,43%

89,37%

Gendarmerie

Titre 2

7 346,69

7 489,87

7 633,47

1,92%

Total

8 734,98

8 846,63

8 977,38

1,48%

Titre 2 / Total

84,72%

84,29%

84,13%

Total

Titre 2

16 747,49

17 097,80

17 377,41

1,64%

Total

19 330,72

19 590,54

19 880,34

1,48%

Titre 2 / Total

86,64%

87,28%

87,41%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi, alors que les dépenses de personnel ont augmenté de plus de 25 % en 10 ans, les dépenses de fonctionnement et d'investissement n'ont augmenté que de près de 11 %, traduisant l'existence d'un effet d'éviction des secondes par les premières.

Évolution comparée des dépenses de personnel
et des autres dépenses depuis 2009

(en millions d'euros)

2009

2019

Évolution 2009/2019

Titre 2

13 855

17 377,41

25,42%

Hors titre 2

2 264

2 503

10,57%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Au sein des dépenses d'investissement et de fonctionnement, les dépenses d'équipement 337 ( * ) revêtent une importance particulière puisqu'elles conditionnent très directement la capacité opérationnelle de la police et de la gendarmerie nationales.

À cet égard, l'exécution 2019 constitue une confirmation du revirement regrettable observé à compter de l'exécution 2018 par rapport aux évolutions constatées depuis 2012. Ainsi, les dépenses d'équipement, qui avaient augmenté de 181 % entre 2012 et 2017 338 ( * ) , notamment après les attentats de 2015, connaissent en 2018, et pour la deuxième année consécutive, une baisse d'environ 8 millions d'euros.

Évolution comparée des dépenses d'équipement
depuis 2012

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes)

Le rapporteur spécial estime que cette baisse illustre le risque lié à l'augmentation tendancielle des dépenses de personnel, créant inévitablement un effet d'éviction des dépenses de fonctionnement et d'investissement.

MISSION « SÉCURITÉS »
- PROGRAMME « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES »
ET CAS « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS »

m. jean-marc gabouty, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. LE PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES » 789

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS 789

1. Un taux d'exécution globalement élevé... 789

2. ...mais qui est marqué au niveau des actions par des réalisations éloignées des prévisions 789

3. D'importants mouvements en gestion ont été enregistrés 790

B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 791

1. Des dépenses qui poursuivent la hausse engagée depuis 2017, au profit de l'investissement et des dépenses d'intervention 791

2. Une légère baisse du nombre de tués en France métropolitaine, mais une hausse dans les DOM. 792

3. Le permis de conduire : des indicateurs qui ont atteint leur limite 793

II. LE COMPTE SPÉCIAL « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS » 795

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS 795

1. Un compte spécial en léger déficit 795

2. La réalisation des recettes n'a pas été conforme aux prévisions et a nécessité un ajustement en LFR notamment afin de préserver les ressources de l'AFITF 797

B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 799

1. Les recettes des radars enregistrent aussi une baisse tendancielle de long terme 799

2. Le déploiement de nouveaux radars est en cours, il est donc opportun d'améliorer la programmation des crédits 800

3. L'exclusion des ressources de l'AFITF du compte spécial est source de fragilité et de complexité 801

4. Le périmètre du CAS pourrait être resserré afin d'en simplifier la lisibilité 802

Le programme 207 « Sécurité et éducation routières » retrace les dépenses réalisées par l'État pour réduire le nombre d'accidents de la route à travers des mesures de prévention, d'information et d'éducation routières. Les dépenses liées au volet répressif de la politique de sécurité routière (radars et gestion des points des permis de conduire) sont, quant à elles, financées par le compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers ».

I. LE PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS

1. Un taux d'exécution globalement élevé...

Les taux de consommation demeurent élevés sur le programme 207 « Sécurité et éducation routières », tant en autorisations d'engagement (AE) qu'en crédits de paiement (CP). Au regard des crédits votés en loi de finances initiale (LFI), les taux s'établissent respectivement à 96 % et 97 %. Le tableau ci-dessous retrace les principaux chiffres de l'exécution 2019 pour le programme :

Récapitulation de l'exécution 2019
du programme 207

(en millions d'euros)

Type de crédit

Exécution 2018

Crédits prévus
en LFI 2019

Total des crédits ouverts

Exécution 2019

Évolution 2018/2019

Taux d'exécution 2019/LFI

AE

38,28

42,78

44,54

40,94

+ 6,9 %

95,70%

CP

38,64

41,69

42,48

40,50

+ 4,8 %

97,14%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

2. ...mais qui est marqué au niveau des actions par des réalisations éloignées des prévisions

Le niveau élevé et croissant des taux d'exécution des crédits du programmes « Sécurité routière » tant en AE qu'en CP ne doit pas masquer les écarts répétés chaque année entre prévision et exécution au niveau des actions , ainsi que permet de l'observer le tableau ci-dessous :

Prévision et exécution des crédits des actions du programme 207 (en CP)

(en millions d'euros)

Action

2017

2018

2019

LFI

Exéc.

Taux

LFI

Exéc.

Taux

LFI

Exéc.

Taux

01 - Obs., prospective, réglementation et soutien

2,88

1,76

61%

2,87

2,34

82%

3,22

2,84

88%

02 - Démarches intermin. et communication

15,22

18,51

122%

16,32

19,92

122%

16,29

19,37

119%

03 - Éducation routière

20,83

14,85

71%

20,68

16,31

79%

22,17

18,3

83%

TOTAL programme 207

38,93

35,12

90%

39,87

38,57

97%

41,69

40,50

97%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

3. D'importants mouvements en gestion ont été enregistrés

Un million d'euros en AE, correspondant à des reports de crédits non consommés en 2018 sont venus abonder le montant des crédits ouverts.

Comme l'an passé, la réserve de précaution - qui s'élevait à 1,28 million d'euros en 2018 en AE et 1,25 million d'euros en CP -, n'a pas été utilisée . Les crédits correspondants ont été annulés par la loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

Enfin, des fonds de concours d'un montant de 2 millions d'euros en AE et CP ont été attribués afin de financer le changement de la signalétique consécutivement à la baisse de la vitesse maximale sur les routes à double sens sans séparateur central.

Mouvements de crédits intervenus en gestion
pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des dépenses qui poursuivent la hausse engagée depuis 2017, au profit de l'investissement et des dépenses d'intervention

En exécution, les dépenses hors personnel 339 ( * ) se sont élevées à 40,50 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit un montant à nouveau supérieur par rapport à 2018 (une hausse de 1,86 million d'euros soit + 4,8 %, après 3,52 millions d'euros d'augmentation, soit + 10 % entre 2017 et 2018 ).

Évolution des dépenses hors personnel
du programme 207 (2013-2019)

(en millions d'euros)

Montant des dépenses hors personnel

Année

AE

CP

2013

42,66

44,02

2014

42,04

43,12

2015

41,03

39,61

2016

31,59

31,91

2017

35,33

35,12

2018

38,28

38,64

2019

40,94

40,50

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

L'augmentation bénéficie d'abord aux crédits d'investissement , principalement consacrés à la rénovation, à la mise aux normes et à la construction de centres d'examen du permis de conduire, qui enregistrent pour le deuxième année consécutive une forte progression (2,5 millions d'euros en 2019 contre 1,36 million d'euros en 2018 et 0,86 million d'euros en 2017 ) , mais demeurent, comme les années précédentes, inférieurs aux crédits ouverts en loi de finances initiale.

De leur côté les dépenses de fonctionnement sont maîtrisées, les crédits consommés diminuent en effet de 3 % par rapport à 2018, et s'élèvent à 29,48 millions d'euros en CP. Cette modération s'explique surtout par une baisse des dépenses de communication (14 millions d'euros contre 16,25 millions d'euros) , l'année 2018 avait en effet été marquée par une campagne sur l'abaissement de la vitesse à 80 km/heure sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central.

Enfin, s'agissant des dépenses d'intervention, elles s'élèvent à 8,47 millions d'euros en 2019, soit une hausse de 24 % par rapport à 2018 mais l'écart reste important par rapport à la programmation initiale (10,45 millions d'euros) notamment en raison de la sous-réalisation du dispositif du « permis de conduire à un euro par jour ».

2. Une légère baisse du nombre de tués en France métropolitaine, mais une hausse dans les DOM.

Après deux années de baisse significative (- 54 en 2017 et - 196 en 2018, année historiquement basse), le nombre de tués sur les routes françaises est quasi-stable (+ 5).

D'après le bilan de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), en 2019 340 ( * ) , 3 493 personnes ont perdu la vie sur les routes françaises contre 3 488 en 2018.

Il convient cependant de distinguer la France métropolitaine où ce nombre baisse légèrement (3 239 contre 3248 tués en 2018), des 5 DOM où il augmente de 12% (162 contre 144 tués en 2018). Ce nombre est par ailleurs à la baisse dans les COM (92 tués contre 96 en 2018).

Évolution du nombre de tués à 30 jours sur les routes françaises
(2010-2019)

Source : Commission des finances d'après les bilans de l'observatoire interministériel de la sécurité routière (ONISR)

3. Le permis de conduire : des indicateurs qui ont atteint leur limite

Le rapporteur spécial a déjà constaté à plusieurs reprises que les indicateurs de performance relatifs au permis de conduire semblent atteindre leur limite .

Après avoir diminué de 27 jours entre 2014 (90 jours) et 2016 (63 jours), le délai moyen d'attente pour un candidat entre sa première et sa deuxième présentation à l'examen pratique augmente pour la deuxième année consécutive pour atteindre 67 jours en 2019 (un jour de plus qu'en 2018) . Dans la mesure où le délai moyen d'attente d'une place d'examen au permis de conduire dépend de la volonté même du candidat, le rapport « Vers un permis de conduire plus accessible et une éducation routière renforcée » 341 ( * ) remis au Premier ministre le 12 février 2019, préconisait de suivre plutôt l'évolution du délai médian qui s'avérerait plus pertinent.

Ainsi, depuis la promulgation de la loi d'orientation des mobilités du 24 décembre 2019, le délai médian sera désormais retenu à compter de 2020 comme indicateur de référence en lieu et place du délai moyen, ce qui devrait selon la Délégation à la sécurité routière avoir pour effet mécanique de diminuer l'impact des candidats qui tardent à se représenter.

Néanmoins il est permis de s'interroger sur l'ambition relativement modeste de la cible pour 2020 (42 jours), alors que ce délai médian est déjà précisément passé de 73 à 42 jours entre 2013 et 2019.

De son côté, le coût unitaire d'obtention du permis de conduire pour l'administration augmente pour la quatrième année consécutive ( 65,90 euros contre 65 euros en 2018 et 60,60 euros en 2015) alors que la prévision 2019 était de 65,20 euros. Cette hausse s'explique par une augmentation des dépenses (+ 2,65%) supérieure à l'augmentation des permis délivrés (+ 1,2%). En dehors d'une réduction de ces dépenses seule une amélioration du délai d'attente et du taux de réussite (58,3 %), conduisant à délivrer proportionnellement davantage de permis, permettrait de diminuer ce coût pour l'administration. Cela démontre néanmoins le caractère peu opérant de cet indicateur qui devrait plutôt être tourné vers le taux final d'obtention, l'objectif étant un permis accessible pour chacun.

II. LE COMPTE SPÉCIAL « CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS »

A. EXÉCUTION DES CRÉDITS

1. Un compte spécial en léger déficit

Le compte spécial « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » se caractérise par une sur-exécution des dépenses , qu'il s'agisse des autorisations d'engagement (l'écart constaté s'élève à 136,6 millions d'euros, soit + 10,64 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale) ou des crédits de paiement (103,43 millions d'euros, soit + 8,05%). Le tableau suivant retrace les principaux chiffres de l'exécution 2019 du compte spécial :

(en millions d'euros et en %)

Programme

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits
exécutés
2019

Exécution 2019
/exéc. 2018

Exécution 2019
/ LFI 2019

Section 1 - Contrôle automatisé

AE

292,18

327,04

326,63

+ 11,79

-0,13

CP

263,75

326,95

294,14

+ 11,52

- 10,04

751 - Structures et dispositifs de sécurité routière 342 ( * )

AE

292,18

327,04

326,63

+ 11,79

-0,13

CP

263,75

326,95

294,14

+ 11,52

- 10,04

Section 2 - Circulation et stationnement routiers

AE

1 201,98

956,71

1093,72

-9,01

+ 14,32

CP

1 202,65

956,71

1 092,95

-9,12

+ 14,24

753 - Contrôle

et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers

AE

26,20

26,20

26,20

0

0

CP

26,20

26,20

26,20

0

0

754 - Contribution
à l'équipement des collectivités territoriales pour l'amélioration des transports en commun, de la sécurité et de la circulation routières

AE

689,21

478,07

572,18

-16,98

+ 19,69

CP

689,88

478,07

571,41

-17,17

+ 19,52

755 - Désendettement de l'État

AE

486,57

452,44

495,34

+ 1,80

+9,48

CP

486,57

452,44

495,34

+ 1,80

+9,48

Total

AE

1 494,16

1 283,75

1 420,35

-4,94

+ 10,64

CP

1 466,40

1 283,66

1 387,08

-5,41

+ 8,05

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

Comme l'illustre ce graphique, les taux d'exécution du compte spécial ont fortement progressé au cours des dernières années :

Évolution du taux d'exécution des crédits du CAS
« Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »

(en %)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

Mais il importe de relativiser cette sur-exécution comptable car le seul programme réellement pilotable est le 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière ». En effet, les programmes 754 et 755 sont davantage des véhicules budgétaires dont l'objectif est de reverser des crédits soit vers les collectivités territoriales soit vers le budget général de l'État.

Par ailleurs, pour la deuxième année consécutive, le compte spécial enregistre, au terme de l'exercice 2019, un solde négatif. Ce dernier est plus élevé (- 40,40 millions d'euros) qu'en 2018 (- 3,55 millions d'euros), et constitue le déficit le plus important depuis 2012 . Il résulte de l'écart entre les dépenses en crédits de paiement, 1,387 milliard d'euros, et les recettes affectées au compte, 1,346 milliard d'euros (soit 80 % du produit total des amendes).

Toutefois, le montant cumulé du solde du compte spécial , depuis son ouverture en 2006 , demeure très nettement positif et s'élève à près d'un milliard d'euros .

Évolution des recettes et dépenses du CAS
depuis 2011

(en millions d'euros)

Année

Produit total
des amendes

Recettes
affectées
au CAS

Dont
contrôle
automatisé

Dépenses
en CP
du CAS

Solde
budgétaire
du CAS

2011

1 515,60

1 299,60

641,80

683,90

615,70

2012

1 623,90

1 296,09

730,70

1 375,40

- 79,31

2013

1 597,50

1 382,30

708,30

1 315,10

67,20

2014

1 562,80

1 315,10

740,10

1 332,90

- 17,80

2015

1 607,70

1 329,60

789,00

1 285,60

44,00

2016

1 817,90

1 421,40

920,30

1 342,00

79,40

2017

1 978,20

1 527,70

1 013,20

1 362,30

165,40

2018

1 750,90

1 4462,85

864,30

1 466,40

- 3,55

2019

1 649,00

1 346,68

759,70

1 387,08

- 40,40

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

2. La réalisation des recettes n'a pas été conforme aux prévisions et a nécessité un ajustement en LFR notamment afin de préserver les ressources de l'AFITF

Le produit total des recettes issues des amendes de la circulation et du stationnement routiers (radars et hors radars) a, en 2019, été nettement surestimé : 1,867 milliard d'euros en loi de finances initiale contre 1,649 milliard d'euros réalisés en 2019 .

a) Les recettes des amendes forfaitaires radars ont été nettement inférieures aux prévisions

Estimées à 1 036 millions d'euros par la LFI 2019, les recettes des amendes forfaitaires radars se sont élevées à 561 millions d'euros soit une réalisation très en-dessous de la prévision (- 45%). Deux raisons conjoncturelles peuvent expliquer ce résultat.

Tout d'abord, la diminution du parc de radars en raison de l'ampleur des dégradations (4 094 appareils déployés fin 2019 contre 4 446 fin 2018) et notamment de la dégradation des radars fixes (698 appareils en moins par rapport à 2018). Ce vandalisme sans précédent au premier semestre 2019 a par ailleurs entraîné un retard dans le déploiement de nouveaux types de radars (radars double face, radars tourelle).

Ensuite, autre conséquence des dégradations, la chute du taux de disponibilité des radars automatiques au cours du dernier trimestre 2018 et du premier semestre 2019. En décembre 2019, avec 83%, ce taux reste encore 10 points en dessous de son niveau de janvier 2018.

b) Les recettes des autres amendes ont été supérieures aux prévisions en raison notamment de la part élevée des amendes majorées.

À ce jour, la dépénalisation du stationnement payant , entrée en vigueur au 1 er janvier 2018, n'a pas pleinement produit ses effets sur la baisse du produit des amendes. Si on observe bien une diminution du montant des amendes forfaitaires, ce n'est pas le cas du produit des amendes majorées (AFM) dont le produit est encaissé plus tardivement.

Répartition des recettes des amendes par origine (2016-2019)

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la direction de la sécurité routière

Ainsi, au total, les recettes des amendes autres que les AF radars s'élèvent à 1 088 millions d'euros alors qu'elles étaient estimées à 831 millions d'euros en LFI mais cela est principalement dû à l'augmentation de la part des AFM pour 2019.

c) La LFR du 2 décembre 2019 est venue atténuer les effets de ces évolutions contraires de recettes

La LFI 2019 prévoyait, après un prélèvement de 26 millions d'euros pour le FMESPP, que 340  millions d'euros étaient affectés à la section 1 « Contrôle automatisé » (programme 751) tandis que 170 millions d'euros bénéficiaient à la section 2 « Circulation et stationnement routiers » (programmes 753, 754 et 755) ce qui avec des recettes de 561 millions d'euros n'aurait laissé qu'une part réduite à 25 millions d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). La LFR du 2 décembre 2019 est donc venue plafonner ces crédits à respectivement 283 millions d'euros et 21 millions d'euros afin de préserver le solde versé à l'AFITF . Cette dernière a ainsi perçu 231 millions d'euros en 2019, montant qui reste nettement inférieur aux prévisions de la loi de finances initiale (500 millions d'euros).

B. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les recettes des radars enregistrent aussi une baisse tendancielle de long terme

Si des facteurs conjoncturels existent, ainsi que des effets de saisonnalité, il convient cependant de souligner qu'on observe une baisse tendancielle des recettes des amendes forfaitaires des radars sur les trois dernières années.

Évolution des recettes des radars (2017-2019)

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la Direction de la sécurité routière

Ainsi, au-delà des vagues de dégradations, et de la disponibilité des radars, il ne faut donc pas écarter une possible évolution du comportement des conducteurs. La limitation de la vitesse à 80 km/heure sur les routes bidirectionnelles sans séparateur central, entrée en vigueur le 1 er juillet 2018, a engendré, d'après le bilan de l'observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), une réduction de la vitesse pratiquée sur ces routes.

2. Le déploiement de nouveaux radars est en cours, il est donc opportun d'améliorer la programmation des crédits

En 2019, 326,23 millions d'euros en AE et 294,14 millions d'euros en CP ont été consommés pour maintenir en état, étendre le parc et traiter les messages d'infraction envoyés par les équipements de contrôle automatisé . Ces dépenses sont en augmentation d'environ 11% par rapport à 2018 et concernent principalement l'action « dispositifs de contrôle » qui appelle plusieurs remarques.

Tout d'abord, le coût élevé des réparations liées aux dégradations , estimé à 36 millions d'euros par la délégation à la sécurité routière, aurait pu entrainer une hausse des dépenses. Or, on constate que les CP consommés pour le maintien en condition opérationnelle sont en réalité stables et s'élèvent à 54 millions d'euros pour 2019 (52 millions d'euros en 2018).

De son côté, le déploiement de nouveaux dispositifs - consistant à remplacer des radars existants par des équipements plus « performants » - qui avait connu un retard est relancé , ce que traduit l'augmentation des crédits consommés ( 63,48 millions d'euros en 2019 contre 32,35 millions d'euros en crédits de paiement en 2018).

Enfin, comme chaque année, la consommation des CP s'avère inférieure aux prévisions de la loi de finances initiale ainsi qu'aux AE consommés ce qui génère une accumulation de restes à payer.

Évolution des crédits (AE/CP) et des RAP du programme 751

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

Le rapporteur préconise donc d'être vigilant sur la part des RAP mais aussi de prévoir une programmation différenciée des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) plus conforme à la réalité de l'exécution, ainsi qu'aux engagements et décaissements anticipés sur l'année N+1.

3. L'exclusion des ressources de l'AFITF du compte spécial est source de fragilité et de complexité

La situation de l'AFITF est ambigüe, juridiquement elle ne fait pas partie du périmètre du compte spécial, elle en est en quelque sorte à sa lisière, pour autant elle bénéficie du solde des recettes des amendes radars non versées au programme 751 et à la section 2.

Or, en deux ans, les espoirs de recettes croissantes ont laissé place à des ressources bien plus faibles que prévues (les recettes 2019 auraient été réduites à 24 millions d'euros sans la modification apportée en LFR).

Évolution de la part des recettes des amendes forfaitaires des radars

versées à l'AFITF (2016-2019)

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

Cette situation, source de complexité, n'est pas satisfaisante et plaide, à défaut d'une refonte du CAS, pour l'intégration au sein de ce dernier des ressources versées à l'AFITF. Un programme dédié pourrait être créé qui servirait de support budgétaire à l'instar du programme 754 tandis que le programme 753 d'un montant très faible (26 millions d'euros) serait fusionné avec le programme 751.

4. Le périmètre du CAS pourrait être resserré afin d'en simplifier la lisibilité

L' article 21 de la loi organique portant loi de finances 343 ( * ) dispose que les comptes d'affectation spéciale (CAS) « retracent (...) des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées ».

Le compte spécial contrevient à ce principe de spécialité puisque 35 % des recettes des amendes sont attribuées au programme 755 « Désendettement de l'État » (495 millions d'euros) qui ne concerne pas des dépenses de sécurité routière.

En outre, 231 millions d'euros ont été versés à l'AFITF, mais ces dépenses (qui peuvent présenter un lien avec la sécurité routière au titre de l'amélioration du réseau routier) ne sont pas intégrées au compte spécial.

Enfin l'essentiel des dépenses de sécurité routière (3,7 milliards d'euros en 2019 d'après le document de politique transversale annexé au PLF 2020) échappe au compte spécial, ce qui conduit à multiplier les documents budgétaires (deux PAP, un jaune et le DPT) si l'on souhaite obtenir une vision d'ensemble du financement de cette politique.

Recettes et dépenses du compte spécial et de la sécurité routière

(en millions d'euros)

Source: commission des finances du Sénat, d'après les données du rapport annuel de performances « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » annexé au projet de loi de règlement pour 2019

Ainsi, le principe d'un compte spécial retraçant l'utilisation des recettes des amendes a perdu sa lisibilité en élargissant son périmètre d'une part à l'ensemble des recettes des amendes, et non aux seuls radars, d'autre part, à des dépenses sans lien avec la sécurité routière . En intégrant dans ce compte spécial toujours davantage de recettes et de dépenses en lien plus ou moins direct avec la sécurité routière il a en grande partie perdu son objectif de départ.

À défaut de supprimer ce compte spécial, un resserrement autour des recettes et des dépenses directement liées au contrôle automatisé et aux dispositifs de sécurité routière qu'il permet de financer offrirait l'avantage d'une simplification et d'une meilleure lisibilité.

MISSION « SÉCURITÉS »
- PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE »

m. jean pierre vogel, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME EN 2019 807

1. Une exécution proche des crédits ouverts 807

2. Mouvements de régulation intervenus en 2019 809

3. Une sous-exécution du plafond d'emplois plus forte qu'en 2018 811

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 812

1. Des dépenses d'investissement qui poursuivent leur progression, conformément à l'échéancier du remplacement des aéronefs de la sécurité civile 812

2. Des dépenses d'intervention sous-budgétées, relatives au remboursement des « colonnes de renforts » 813

3. Une saison des feux plus intense, ayant mobilisé plus de ressources que prévues 814

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME EN 2019

1. Une exécution proche des crédits ouverts

La gestion en 2019 du programme 161 « Sécurité civile » est marquée par une nette progression du montant des CP exécutés par rapport à l'exécution 2018 .

Exécution des crédits en 2019 pour le programme 161 « Sécurité civile »

(en millions d'euros, incluant les fonds de concours et attributions de produits)

Crédits exécutés en 2018

Crédits votés en LFI 2019

Crédits ouverts pour 2019

Crédits exécutés en 2019

Écart entre les crédits exécutés en 2018 et 2019

Écart entre l'exécution et les crédits ouverts pour 2019

AE

768,5

457,78

533,44

452,37

-41,14%

-17,71%

CP

515,1

537,12

555,16

548,31

6,45%

-1,28%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le faible écart de l'exécution des CP en 2019 par rapport à leur budgétisation s'inscrit dans la tendance observée depuis 2016 , et dénote une relative rigidité des crédits du programme 161, malgré le caractère imprévisible de certaines dépenses soumises aux risques naturels.

Évolution de la consommation des crédits de paiement

(en millions d'euros, incluant les fonds de concours et attributions de produits)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Après la forte hausse qu'elles avaient connue en 2018, au titre du programme pluriannuel de renouvellement de la flotte d'avions de la sécurité civile, les AE ont été ramenées à 457,78 millions d'euros en LFI 2019 , soit un niveau proche de la moyenne d'avant 2018. Leur exécution en 2019 laisse apparaître une sous-consommation élevée, qui s'explique par un important report de 57,6 millions d'euros d'AE non consommées de 2018 vers 2019.

Évolution de la consommation des autorisations d'engagement

(en millions d'euros, incluant les fonds de concours et attributions de produits)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Mouvements de régulation intervenus en 2019

Le principal mouvement de régulation concernant les crédits de titre 2 correspond à l'annulation votée en LFR 2019 de 1,2 million d'euros . Cette annulation était justifiée en prévision d'une sous-consommation des dépenses de personnel, au regard des départs et arrivées des effectifs de la direction générale de la sécurité et de la gestion des crises (DGSCGC).

En ce qui concerne les dépenses autres que celles de personnel, il faut signaler le dégel total de la réserve de précaution, qui s'élevait initialement à 6,3 millions d'euros en AE et 8,7 millions d'euros en CP.

Ce dégel intégral reflète une gestion des crédits plus tendue que lors de l'année 2018 , au cours de laquelle la saison des feux était de moindre intensité, suscitant ainsi une annulation de près de 20 millions d'euros des crédits gelés en LFR 2018.

La Cour des comptes rappelle que la prévision de 2019 avait été établie sur la base d'une saison d'aléas climatiques de basse intensité , ce qui avait valu une réserve dans l'avis du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM), lequel considérait ce choix comme « d'autant plus risqué qu'aucune réserve ministérielle n'avait été constituée sur le programme 161 - Sécurité civile, contrairement à 2018 [...] En cas de saison d'aléas climatiques de forte intensité, le dégel de la réserve de précaution serait indispensable ». 344 ( * )

Or l'année 2019 a bien été marquée par une sollicitation opérationnelle plus intense , en plus de nouveaux besoins exprimés en cours de gestion par la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) - financée à hauteur de 25 % par une subvention de la DGSCGC. Les dépenses hors titre 2 se sont donc établies à un niveau élevé , malgré des économies dégagées sur la subvention à l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP) ou sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs et malgré un rétablissement de crédits d'1,4 million d'euros, lié au remboursement par le Fonds de solidarité de l'Union européenne d'une partie des dépenses engagées à la suite de l'ouragan Irma.

Les autres mesures de régulation ont essentiellement permis de financer le surcroît d'activité opérationnelle lié à la saison des feux (voir infra ). La Cour des comptes relève par ailleurs un recours à la fongibilité asymétrique, ayant abondé des dépenses d'investissements de plus de 4,2 millions d'euros, mais ce mouvement n'est pas retracé dans les documents annexés au projet de loi de règlement.

Mouvements de crédits intervenus en gestion 2019

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

Dépenses de personnel

Autres dépenses

Total
2019

Rappel du total 2018

LFI

183,30

353,80

537,10

532,2

Fonds de concours et attribution de produits

0,25

18,60

18,85

15,5

LFR

-1,21

0,00

-1,21

-25,6

Reports de la gestion précédente

0,00

0,03

0,03

2,4

Mouvements réglementaires

0,29

0,05

0,34

-4,1

Total des crédits de paiement ouverts

182,63

372,50

555,13

520

Dépenses constatées

180,33

367,97

548,30

515,1

Ouvertures

0

0

0,00

0

Annulations

2,07

0

2,07

4,9

Reports à la gestion suivante

0,25

4,53

4,78

0,03

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

3. Une sous-exécution du plafond d'emplois plus forte qu'en 2018

Après une baisse continue jusqu'en 2016, le plafond d'emplois du programme 161 poursuivait son relèvement en LFI 2019, avec 2 498 ETPT prévus contre 2 486 ETPT en LFI 2018 . Pour 2019, le schéma d'emplois, fixé à +10 ETP, était cependant inférieur à celui de 2018 (+35 ETP). Il a bien été respecté avec le recrutement de 6 personnels pour le bureau des moyens aériens et de 4 démineurs.

À l'occasion de l'examen du PLF pour 2020, la prévision de consommation du plafond d'emplois de 2019 avait tenu compte de l'encadrement fixé par l'article 11 de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 345 ( * ) , en l'estimant à 2 461 ETPT. Ce sont finalement 2 454 ETPT qui ont été exécutés, sur un plafond corrigé de 2 484 ETPT , soit une sous-exécution de - 30 ETPT , plus importante qu'en 2018 (-25 ETPT).

Cependant, l'exécution de 2019, à 2 454 ETPT, rend crédible le plafond d'emplois voté en 2020, à 2 479 ETPT , lequel atteint l'écart maximum de 1 % autorisé par l'article 11 de loi de programmation précitée. Le plafond prévu pour 2020 ne devrait donc pas subir de correction, et ce faisant, laisse une marge pour la bonne réalisation du schéma d'emplois votés pour 2020, fixé à +12 ETP.

Évolution de l'exécution du plafond d'emplois

(en ETPT)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Plafond d'emplois autorisé

2440

2404

2 402

2 450

2 483

2 498

2 479

Plafond d'emploi corrigé

2 469

2 484

Plafond d'emplois réalisé

2 395

2 382

2 379

2 411

2 444

2 554

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Des dépenses d'investissement qui poursuivent leur progression, conformément à l'échéancier du remplacement des aéronefs de la sécurité civile

La consommation des dépenses de titre 5 s'élève à 98,4 millions d'euros en CP en 2019, contre 63,1 millions d'euros en 2018.

Les deux tiers des CP exécutés en titre 5 correspondent à l'achat d'avions multi-rôles Dash 8 Q400, conformément à l'échéancier du remplacement progressif des Tracker, depuis la commande passée en 2018. Le premier Dash a été livré en juillet 2019, un second a également été livré en février 2020.

Échéancier prévisionnel des acquisitions d'avions multi-rôles

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2018-2023

Commande

6

6

Livraison

1

2

1

1

1

6

AE

322,08

10,77

5,5

10,76

8,86

12,4

370,37

CP

34,48

64,24

66,28

80,52

61,08

63,77

370,37

Source : Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

Il a été rappelé à plusieurs reprises dans les rapports budgétaires, ainsi que dans le rapport d'information du rapporteur spécial sur la lutte contre les feux de forêts, que l 'acquisition progressive des 6 nouveaux Dash constituait une réponse très satisfaisante pour le remplacement nécessaire des Tracker vieillissants. En effet, le Dash 8 peut réaliser davantage de missions, étant plus rapide (450 km/h contre 300 km/h pour le Tracker) et doté d'un emport supérieur (10 tonnes contre 3,3 tonnes). Le rapporteur spécial avait également souligné que le choix « d'un modèle d'avion multi-rôles était bienvenu, car il pourra être mobilisé pour d'autres opérations, comme le transport de secours (jusqu'à 64 passagers) » 346 ( * ) par exemple. Cette polyvalence du Dash 8 a ainsi permis le recours inédit des avions de la sécurité civile pour le transport de matériel médical dans le cadre du plan de lutte contre l'épidémie de SARS CoV-2 en 2020 .

Cependant, cette satisfaction doit être minorée par une inquiétude quant au risque de rupture capacitaire , menaçant la bonne réalisation du guet aérien armée (GAAr) pendant la saison des feux.

L'accélération de la livraison des Dash : une recommandation
qui se fait plus urgente

Dans son rapport d'information précité, le rapporteur spécial avait considéré que, « si le calendrier de leur livraison était initialement ajusté pour assurer une constance dans les capacités aériennes , l'arrivée de ces nouveaux avions est assez tardive compte tenu de la surutilisation de la flotte ces dernières années . Il faut également préciser que la perte d'un Tracker en août 2019, cumulée au retrait d'un premier Tracker du service au printemps 2019, a ramené leur flotte à 7 aéronefs. Ce nombre paraît insuffisant alors qu'il a été rappelé que les Tracker effectuent généralement leur mission par deux. »

Cette accélération de livraison se fait d'autant plus nécessaire, sinon indispensable, alors que la situation de la flotte de la sécurité civile est devenue plus préoccupante encore : à la suite d'incidents et d'immobilisations techniques consécutives, les 7 Tracker ont finalement tous été retirés du service en février 2020 - alors qu'ils devaient l'être de façon échelonnée jusqu'en 2022. Les moyens aériens de lutte contre les incendies DGSCGC ne peuvent dès lors s'appuyer que sur 12 Canadairs CL-415 et 4 Dash 8 pour l'été à venir.

Dès lors, le rapporteur spécial réitère la recommandation précédemment formulée :

Recommandation n° 7 : afin d'éviter tout risque de rupture capacitaire dans la réalisation du guet aérien armé, envisager l'accélération de la trajectoire de livraison des nouveaux Dash.

2. Des dépenses d'intervention sous-budgétées, relatives au remboursement des « colonnes de renforts »

La dotation pour les « colonnes de renfort » correspond au remboursement des moyens locaux mobilisés par l'État . Il s'agit principalement du personnel et des équipements des SDIS intervenus pour assurer la sécurité d'un événement particulier (crises, sommets internationaux, risques naturels...).

De forts écarts entre la budgétisation et l'exécution de cette dotation sont régulièrement observés , qui sont, d'une part, justifiés par un décalage important entre l'engagement des colonnes de renfort et le paiement au SDIS concerné, et d'autre part, par le caractère difficilement prévisible des moyens de renforts nécessaires en année n-1, compte tenu de l'intensité variable des risques naturels. Ces dépenses s'imputent à 97 % sur le titre 6 (dépenses d'intervention) du programme 161 , le reste étant pris en charge sur les dépenses de titre 3.

Depuis 2013, la prévision de remboursement n'a pas dépassé 2,5 millions d'euros alors que les exécutions des cinq dernières années rendent compte d'une consommation moyenne de 5 millions d'euros .

Le rapporteur spécial a plusieurs fois estimé que la budgétisation de ce poste de dépenses devait être sincérisée, en la rapprochant des derniers montants exécutés . Or l'exécution 2019, à hauteur de 6,6 millions d'euros, montre une nouvelle fois que la dotation n'a pas été suffisante, avec 2,4 millions d'euros prévues en LFI 2019, alors même que l' essentiel de cette consommation concerne des reports de charges de l'année 2018 du fait des mobilisations liées aux inondations et à l'attentat de Strasbourg, d'après la Cour des comptes.

3. Une saison des feux plus intense, ayant mobilisé plus de ressources que prévues

Le bilan des incendies de forêts est plus sévère en 2019, avec près 21 700 hectares de forêts consumés contre 5 124 hectares en 2018. Ce bilan est bien au-dessus de la moyenne annuelle constatée ces dix dernières années, à 11 800 hectares, du fait de circonstances météorologiques défavorables, avec plusieurs épisodes de sécheresse et des niveaux de température dépassant de 3 à 4 degrés les normales estivales. En neutralisant ce facteur climatique, le dispositif de lutte contre les feux de forêts semble confirmer son efficacité, si l'on en croit l'indicateur de performance correspondant, proche de la cible pour 2019 :

Évolution de l'indicateur 1.1 - nombre d'hectares brûlés en fonction
de l'intensité de l'aléa climatique pendant la campagne « saison feux »

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette saison des feux de forte intensité a néanmoins mobilisé les moyens de la DGSCGC au-delà des prévisions. Dès lors, l'exécution des dépenses de fonctionnement a dépassé les crédits ouverts sur plusieurs postes de dépenses liées aux actions de lutte contre les feux de forêts.

Ces surcoûts ont pu être absorbés en partie par le recours aux attributions de produits et fonds de concours, ainsi que par le dégel total de la réserve de précaution.

Évolution de l'exécution des dépenses de fonctionnement relatives au dispositif de lutte contre les incendies

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

2019

Écart à la prévision pour 2019

Carburant

3,3

7,48

8,4

11,82

3,42

Retardant

4,03

6,6

1,99

4,99

2,49

MCO des avions

40,1

46,9

25,15

41,8

1,7

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Il faut néanmoins préciser que la sur-exécution des crédits prévus pour le carburant n'est pas nécessairement induite par la seule surintensité opérationnelle . D'après le responsable de programme, elle serait plutôt le fait d'un coût au litre in fine plus élevé et d'une sous-facturation en 2018 ayant entraîné un report de charges en 2019.

L'incidence de la saison des feux sur d'autres dépenses du programme 161, bien que réelle, n'est pas documentée avec exactitude , par exemple, celles relatives à la mobilisation des colonnes de renforts ou des formations militaires de la sécurité civile (ForMiSC).

Il demeure ainsi souhaitable que les dépenses réalisées par l'État, voire par les acteurs locaux, en matière de lutte contre les feux de forêts soient mieux renseignées . Le rapporteur spécial avait justement constaté dans son rapport d'information précité que « l'évaluation financière des moyens engagés contre les feux de forêts se heurte à des difficultés méthodologiques mais surtout à l'absence de comptabilité analytique pour bon nombre d'acteurs (SDIS, collectivités...) et de centralisation des données au niveau étatique ». Il avait ainsi été recommandé d'élargir la mise en place de la comptabilité analytique afin d'améliorer la connaissance des coûts et les prévisions subséquentes, et ainsi d'enrichir l'information financière, notamment disponible dans le document de politique transversale « Sécurité civile » annexé chaque année au projet de loi de finances.

À cet égard, il est particulièrement satisfaisant que le rapport annuel de performance de la mission « Sécurités » pour 2019 indique pour la première fois que le ministère de l'intérieur s'est engagé dans des démarches de comptabilité analytique. 347 ( * )

MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES »

mm. arnaud bazin et éric bocquet, rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 819

1. Comme en 2018, une consommation des crédits supérieure à la prévision budgétaire... 819

2. ...qui a nécessité le dégel de la réserve de précaution et des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative 822

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 823

1. Des efforts de meilleure budgétisation en loi de finances initiale encore insuffisants pour l'allocation aux adultes handicapés et la prime d'activité 823

2. Les mineurs non accompagnés (MNA) et la protection juridique des majeurs : une baisse des dépenses s'apparentant à un désengagement de l'État 826

3. L'aide alimentaire : un dispositif vital durement mis à l'épreuve 828

4. L'égalité femmes-hommes : des progrès dans l'exécution budgétaire, mais des points de vigilance demeurent 829

5. Le pilotage des dépenses fiscales évaluées à près de 13 milliards d'euros doit être renforcé 830

6. Une maquette de performance qui mériterait certaines adaptations 831

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

1. Comme en 2018, une consommation des crédits supérieure à la prévision budgétaire...
a) Une exécution qui dépasse de plus de 800 millions d'euros la prévision de la loi de finances pour 2019

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles - a été dotée de 23,88 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 23,89 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) en loi de finances pour 2019. Toutefois, les crédits exécutés sont, comme en 2018, supérieurs à cette prévision et s'établissent à 24,69 milliards d'euros en AE et 24,71 milliards d'euros en CP.

De même, la consommation des crédits en 2019 est en nette augmentation par rapport à l'exécution 2018, avec une hausse de près de 25 %, soit près de 5 milliards d'euros.

Évolution des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » en 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

2018

2019

Exécution / prévision 2019

Exécution

2019 / 2018

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

304 - Inclusion sociale et protection des personnes

AE

6 760,6

6 987,3

+ 3,4 %

10 467,1

11 241,8

+ 774,6

+ 7,4 %

+ 4 254,5

+ 60,9 %

CP

6 760,6

6 985,8

+ 3,3 %

10 467,1

11 239,2

+ 772,1

+ 7,4 %

+ 4 253,4

+ 60,9 %

157 - Handicap et dépendance

AE

11 341,2

11 332,2

- 0,1 %

11 923,0

11 995,8

+ 72,8

+ 0,6 %

+ 663,6

+ 5,9 %

CP

11 341,2

11 332,6

- 0,1 %

11 923,0

11 995,0

+ 72,0

+ 0,6 %

+ 662,4

+ 5,8 %

137 - Égalité entre les femmes et les hommes

AE

29,9

29,4

- 1,8 %

29,9

30,6

+ 0,7

+ 2,4 %

+ 1,2

+4,2 %

CP

29,9

29,1

- 2,7 %

29,9

29,9

- 0,0

- 0,1 %

+ 0,8

+2,7 %

124 - Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

AE

1 514,1

1 477,0

- 2,4 %

1 456,8

1 431,1

- 25,7

- 1,8 %

- 45,9

- 3,1 %

CP

1 521,2

1 499,2

- 1,4 %

1 479,5

1 446,6

- 32,9

- 2,2 %

- 52,6

- 3,5 %

Total mission

AE

19 645,8

19 825,9

+ 0,9 %

23 876,8

24 699,2

+ 822,5

+ 3,4 %

+ 4 903,9

+ 24,8 %

CP

19 652,9

19 846,7

+ 1,0 %

23 899,5

24 710,6

+ 811,1

+ 3,4 %

+ 4 893,8

+ 24,7 %

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement pour 2018. Pour le programme 137, les montants inscrits pour 2018 ont été extraits du projet de loi de règlement pour 2018.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires du projet de loi de règlement pour 2018 et pour 2019

Les crédits exécutés en 2019 - hors CAS Pensions et fonds de concours - d'un montant de 24,50 milliards d'euros sont ainsi supérieurs à la norme fixée par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 qui s'élevait, à périmètre constant, à 21,31 milliards d'euros pour 2019.

Par ailleurs, les crédits votés en loi de finances initiale pour 2020 sont d'ores et déjà supérieurs de 0,82 milliard d'euros au plafond des crédits de paiement , pourtant réévalué de 3,36 milliards d'euros en 2020 (périmètre courant) par le nouveau budget triennal 2020-2022 présenté dans le projet de loi de finances pour 2020.

Plafonds des crédits de paiement, LFI et exécution 2019 de la mission

(en millions d'euros )

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

b) Des dépenses d'intervention qui ne cessent d'augmenter, notamment de la prime d'activité et de l'AAH qui représentent plus de 80 % des crédits de la mission
Ce dépassement budgétaire est principalement dû au dynamisme des dépenses d'intervention financées par cette mission, qui sont structurellement orientées à la hausse, en raison des évolutions démographiques, avec le vieillissement de la population, et notamment le faible taux de sortie du dispositif de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Par ailleurs, la conjoncture économique et les mesures de revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH ont également contribué à l'augmentation de ces dépenses.

Les crédits consommés pour l'allocation aux adultes handicapés (10,32 milliards d'euros) et la prime d'activité (9,57 milliards d'euros) représentent plus de 80 % des crédits consommés pour l'ensemble de la mission.

Les mesures d'économie prises par le Gouvernement (gel des revalorisations annuelles pour l'AAH et la prime d'activité, abaissement du plafond de ressources de l'AAH pour un couple sans enfant afin de l'harmoniser avec celui du revenu de solidarité active etc.) n'ont pas permis d'atténuer ces évolutions.

Par ailleurs, des mesures de périmètre sont intervenues pendant l'année 2019 ( cf. encadré infra ).

Une mesure de périmètre positive : la recentralisation du RSA
en Guyane et à Mayotte

Depuis le 1 er janvier 2019, l'État finance le RSA de la collectivité territoriale de Guyane et du département de Mayotte . Cette recentralisation est basée sur le principe de la compensation intégrale des dépenses. En loi de finances initiale, 170,7 millions d'euros avaient été prévus, or ce sont 176,7 millions d'euros qui ont été consommés . Selon la note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la Cour des comptes, l'écart provient essentiellement de la prise en charge par l'État du revenu de solidarité outre-mer, pour la Guyane, qui avait été prévue dès 2019 par l'article L. 522-14 du code de l'action sociale et de la famille, mais qui n'avait pas été budgétée . Un redéploiement de crédits au sein du programme a ainsi été nécessaire pour couvrir cette dépense non prévue, ce que ne peuvent que regretter les rapporteurs.

La recentralisation du RSA (et du revenu de solidarité outre-mer) à la Réunion est également programmée en 2020 . Les rapporteurs espèrent que l'enveloppe de 0,66 milliard d'euros prévue en loi de finances pour 2020 a été estimée de façon sincère.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. ...qui a nécessité le dégel de la réserve de précaution et des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2019

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Programme

LFI 2019

Reports entrants

Transfert

Virement

Répartition pour mesures générales (ouverture)

LFR de fin de gestion

Fonds de
concours et
attributions
de produits

Crédits
ouverts

Crédits consommés

Taux
d'exécution

consommé/
prévu

304

10 467,1

38,2

43,2

0,4

784,1

11 245,9

11 241,8

107,4%

157

11 923,0

14,1

54,5

5,0

11 996,5

11 995,0

100,6%

137

29,9

0,5

0,0

0,7

31,1

29,9

99,9%

124

1 479,5

6,8

-0,3

0,4

1,6

-19,8

1,9

1 470,0

1 446,6

97,8%

Total mission

23 899,5

59,6

42,9

0,8

818,8

7,5

24 712,5

24 713,2

103,4%

Malgré des efforts réalisés en loi de finances initiale visant à une budgétisation plus sincère de la prime d'activité et de l'AAH notamment, le dynamisme des dépenses a rendu nécessaire en cours de gestion :

- un dégel complet de la réserve de précaution ( cf. tableau infra ). Comme les rapporteurs l'avaient pointé dans leurs précédentes contributions à la loi de règlement, cette réserve revêt un caractère largement artificiel s'agissant de la mission qui comporte quasi-exclusivement des dépenses d'intervention, dont on connait le dynamisme structurel.

Mise en réserve des crédits de la mission ( en CP )

(en millions d'euros)

Programme

304

157

137

124

Total

Gel initial

313,89

357,33

0,90

13,44

685,55

Surgels

0

0

0

10,02

10,02

Dégels en gestion

313,88

357,33

0,90

3,61

675,72

Annulation de crédits gelés

0,01

0

0

19,85

19,86

Réserve en fin de gestion

0

0

0

0

0

Source : commission des finances du Sénat d'après Cour des comptes

- L'ouverture de 784,1 millions d'euros de crédits supplémentaires en loi de finances rectificative 348 ( * ) sur le programme 304 pour le financement de la prime d'activité et de 54,5 millions d'euros sur le programme 157 pour le financement de l'AAH.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Des efforts de meilleure budgétisation en loi de finances initiale encore insuffisants pour l'allocation aux adultes handicapés et la prime d'activité

La prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés ont fait l'objet de sous-budgétisations massives ces derniers années. Les rapporteurs avaient néanmoins salué , lors de l'examen des crédits prévus en loi de finances pour 2018, une « volonté louable de rendre plus sincère la budgétisation des crédits après des années de sous-budgétisation ».

En 2018, les prévisions en loi de finances initiale reposaient, pour la première fois, sur les évaluations faites par la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES) et la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) . Si aucune ouverture de crédits n'avait été nécessaire pour l'allocation aux adultes handicapés, 261,5 millions d'euros avaient néanmoins été ouverts, en loi de finances rectificative, pour financer les dépenses liées à la prime d'activité.

S'agissant de l`exercice 2019 , les rapporteurs reconnaissent des efforts de la part du Gouvernement. Toutefois, si l'écart constaté pour l'AAH semble plutôt relever d'un aléa de prévision que d'une sous-budgétisation , il convient de constater que l'ampleur de la réforme de la prime d'activité a été sous-évaluée.

Écart entre la prévision et l'exécution des dépenses d'AAH (en CP)

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Crédits demandés

6 234,2

6 938,2

7 515,2

8 400,3

8 513,1

8 605,5

9 052,3

9 734,8

10 285

Crédits consommés

6 624,6

7 150,0

7 806,2

8 482,1

8 831,0

9 051,7

9 389,6

9 690,0

10 326

Écart

390,4

211,8

291,0

81,8

317,9

446,2

337,3

- 44,8

41

Source : commission des finances du Sénat d'après documents budgétaires et Cour des comptes

Écart entre la prévision et l'exécution des dépenses
de la prime d'activité (en CP)

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

2019

Crédits demandés

3 938

4 338

5 379,6

8 781,9

Crédits consommés

4 458*

5 320

5 599,6

9 572,8

Écart

520

982

220

790,9

* à périmètre constant

Source : commission des finances du Sénat d'après documents budgétaires

L'importante réforme ( cf. encadré infra ) de la prime d'activité a certes conduit à une augmentation du nombre de nouveaux attributaires pourtant déjà éligibles à la prime avant la réforme, dont le niveau était difficile à anticiper. Néanmoins, la hausse des demandes induite par le relèvement du barème aurait pu être mieux prévue dans les déterminants de la dépense en loi de finances initiale . Ce dépassement budgétaire provient ainsi du contexte d'urgence de l'élaboration de la réforme mais également d'une sous-estimation de l'ampleur du succès de la mesure.

Chronologie de la réforme de la prime d'activité, mesure de pouvoir d'achat
en réponse aux « gilets jaunes »

Était prévue initialement, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, la création d'une seconde bonification individuelle de la prime d'activité versée, à partir d'août 2019, aux bénéficiaires dont les revenus professionnels étaient supérieurs à 0,5 SMIC. Ce bonus devait atteindre son montant maximal, soit 30 euros, à 1 SMIC, puis être décroissant au-delà. Cette mesure avait un coût estimé initialement, dans le projet de loi de finances, à 18 millions d'euros en 2019, et à 200 millions d'euros en année pleine. Il était prévu que le montant maximal de la bonification soit, chaque année, revalorisé par tranche de 20 euros, jusqu'à atteindre 70 euros au 1 er août 2021.

L'Assemblée nationale, en première lecture, avait néanmoins voté l'avancement de la mise en oeuvre de ce bonus au 1 er avril au lieu du 1 er août 2019 et l'augmentation - mise en oeuvre par décret - de 20 à 30 euros - conduisant à relever le coût estimé de la mesure, sur 2019 à environ 135 millions d'euros.

Finalement, le Gouvernement a décidé, en nouvelle lecture, d'abandonner l'idée d'un second bonus pour privilégier l'augmentation du montant maximal du premier bonus existant de 90 euros (70,49 euros à 160,49 euros) et d'avancer sa mise en oeuvre au 1 er janvier . Couplée à l'augmentation du SMIC au 1 er janvier 2019, cette revalorisation de la prime d'activité - mise en oeuvre par le décret n° 2018-1197 du 21 décembre 2018 - permit ainsi au Gouvernement d'afficher une augmentation de pouvoir d'achat de 100 euros mensuels pour les bénéficiaires au SMIC , en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».

Cette augmentation a nécessité, en cours de lecture, une ouverture de crédits de 2,8 milliards d'euros , en sus de la budgétisation initiale de 6 milliards d'euros, portant la prévision à 8,8 milliards d'euros pour 2019.

Source : commission des finances du Sénat

Il semblerait qu'un travail conjoint entre la direction du budget, les services de contrôle budgétaire et comptable ministériel (CBCM) et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS ) soit envisagé pour améliorer leur coordination s'agissant de la budgétisation de la prime d'activité et de l'AAH . Les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'encourager cette initiative, même s'ils formulent déjà des craintes de dépassement s'agissant des montants inscrits en loi de finances pour 2020 ( cf. encadré infra ).

Des prévisions pour 2020 déjà dépassées ?

Les rapporteurs s'interrogent sur les prévisions faites pour 2020 , au vu du dynamisme des dispositifs, des prévisions de la CNAF et de la crise actuelle.

S'agissant de la prime d'activité, la CNAF prévoyait en octobre 2019 une dépense de 10,11 milliards d'euros , avec un nombre de bénéficiaires estimé à 4 257 000 en moyenne annuelle. Or, le montant inscrit en 2020 s'élève à 9,9 milliards d'euros.

S'agissant de l'AAH, 10,86 milliards d'euros ont été inscrits en loi de finances initiale, soit un montant inférieur à la prévision de la CNAF d'octobre 2019 (10,98 milliards d'euros). Selon la DGCS, cet écart s'explique par des futures économies attendues à la suite d'une mission nationale de contrôle et d'audit. Comme le rappelle la Cour des comptes dans sa note d'analyse, il paraît toutefois difficile de réaliser des estimations d'économies sur la base d'une mission non encore installée.

Le risque de dépassement budgétaire est d'autant plus prégnant, que la crise économique actuelle aura probablement des conséquences sur l'évolution de ces dispositifs.

La deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020 n'a pas ouvert de crédits complémentaires pour financer la prime d'activité et l'AAH . Elle a néanmoins inscrit une diminution de 880 millions d'euros de la dotation consacrée aux dépenses accidentelles et imprévisibles de la mission « Crédits non répartis » initialement prévue par le premier projet de loi de finances rectificative, afin d'augmenter du même montant les crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Cette enveloppe va permettre de financer l'aide exceptionnelle de solidarité (AES) destinée aux foyers les plus modestes , d'un montant de 150 euros. Cette aide sera attribuée, au titre des mois d'avril ou de mai 2020, aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de la prime forfaitaire pour reprise d'activité, de l'allocation équivalent retraite (AER) ou du revenu de solidarité (RSO). À cette somme, s'ajouteront 100 euros supplémentaires par enfant à charge, sauf lorsque ce versement est déjà dû pour le foyer au titre des aides personnalisées au logement (APL).

Par ailleurs, le Premier ministre avait annoncé lundi 4 mai 2020, devant le Sénat, une aide exceptionnelle de 200 euros pour 800 000 jeunes de moins de 25 ans précaires ou modestes. Pour les jeunes non-étudiants, cette aide sera également financée sur le programme 304 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » précité, avec une gestion du dispositif par les CAF. Le coût de cette dépense est estimé à environ 80 millions d'euros. Ces crédits ont ainsi été ouverts dans le troisième projet de loi de finances rectificatif du 10 juin 2020 .

Source : commission des finances du Sénat

2. Les mineurs non accompagnés (MNA) et la protection juridique des majeurs : une baisse des dépenses s'apparentant à un désengagement de l'État

S'agissant du dispositif d'accueil et d'orientation des mineurs non accompagnés (MNA), les crédits exécutés, en 2019, s'élèvent à 127 millions d'euros contre 145,1 millions d'euros en 2018 : 93,2 millions d'euros ont été consommés au titre des dépenses d'évaluation et de mise à l'abri (contre 48,9 millions d'euros en 2018) et 33,8 millions d'euros au titre de la prise en charge partielle par l'État des dépenses d'aide sociale à l'enfance (contre 96,2 millions d'euros en 2018).

Cette diminution des crédits consommés entre 2018 et 2019 s'explique notamment par une baisse de la participation financière de l'État au titre du financement d'une partie des dépenses d'aide sociale à l'enfance ( cf. encadré infra ).

Cette somme de 127 millions d'euros est loin de couvrir la dépense totale supportée en majeure partie par les départements . Les rapporteurs spéciaux ne cessent de pointer, lors des projets de lois de finances successifs, l'insuffisance de ces crédits et la situation financière particulièrement délicate de certains départements, situation qui risque de se détériorer avec la crise actuelle.

Ils estiment que l'État devrait, d'une part, reprendre à sa charge la phase d'évaluation et d'hébergement d'urgence des personnes se déclarant mineures entrants dans le dispositif jusqu'à ce que leur minorité soit confirmée , et d'autre part augmenter ses remboursements s'agissant des dépenses d'aide sociale à l'enfance (ASE).

Un financement « exceptionnel » de l'État qui s'étiole

Ce financement partiel par l'État des dépenses d'aide sociale à l'enfance engagées pour les MNA avait été introduit dans le projet de loi de finances pour 2018.

En 2018, l'enveloppe prévue de 66,8 millions d'euros prévoyait la prise en charge par l'État de 30 % des dépenses d'aide sociale à l'enfance engagés pour le nombre de mineurs supplémentaires présents au 31 décembre 2017, par rapport au 31 décembre 2016. Cette enveloppe correspondait ainsi au versement par l'État de 12 000 euros par jeune (qui équivaut à 30 % de 40 000 euros, le coût de la prise en charge d'un MNA), au-delà de 13 000 jeunes accueillis, chiffre constaté au 31 décembre 2016.

En 2019 , l'enveloppe n'était plus de 12 000 euros par jeune « supplémentaire » mais de 6 000 euros , soit 15 % des dépenses d'ASE supplémentaires

Par ailleurs, de nouvelles modalités de financement des dépenses de mise à l'abri
et d'évaluation des départements ont été mises en oeuvre depuis le 1 er janvier 2019

Au titre de ce dispositif - dans le cadre prévu par le décret du 24 juin 2016 -, les départements qui engageaient des actions de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation des jeunes mineurs étrangers non accompagnés pouvaient obtenir un remboursement des dépenses engagées sur la base d'un montant forfaitaire fixé à 250 euros par jour et par jeune, dans la limite de cinq jours , via le Fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNFPE).

Désormais, selon les nouvelles modalités prévues par le projet de loi de finances pour 2019, l'aide est augmentée à 500 euros par jeune évalué . Par ailleurs, un remboursement forfaitaire de l'hébergement des jeunes était également prévu, dans la limite de 90 euros par jour pendant les 14 premiers jours puis de 20 euros les 9 jours suivants. Ces financements devaient aussi permettre de proposer un bilan de santé et une prise en charge sanitaire de premier recours aux jeunes concernés.

Source : commission des finances du Sénat

Par ailleurs, l'exécution des crédits de la mission sur 2019 confirme également la poursuite de la progression du nombre de mesures de protection des majeurs , qui a augmenté de près 35 % entre 2010 (356 939) et 2019 (481 392).

Les crédits consommés - de 646,9 millions d'euros en 2018 à 666,23 millions d'euros en 2019 - font apparaitre une augmentation modérée des dépenses, en raison d'une réforme du barème de participation des majeurs protégés 349 ( * ) . Les rapporteurs spéciaux ne peuvent que déplorer cette diminution du financement public compensée par une augmentation de la participation des majeurs protégés.

3. L'aide alimentaire : un dispositif vital durement mis à l'épreuve

Le dispositif d'aide alimentaire est financé principalement par des crédits en provenance du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) qui sont complétés à hauteur de 15 % par des crédits nationaux .

Les crédits consommés en 2019 (58,7 millions d'euros) sont en hausse de près de 18 % par rapport à 2018, et de 12 % par rapport aux crédits prévus en loi de finances initiale (51,6 millions d'euros).

Cet écart de 7,1 millions d'euros entre le montant inscrit en loi de finances initiale et exécuté en 2019 s'explique principalement par l'augmentation des dépenses déclarées inéligibles et écartées des demandes de remboursement auprès de l'Union européenne . Elles représentent 13,3 millions d'euros en 2019.

Malgré les efforts entrepris par la DGCS pour limiter ces dépenses inéligibles, les montants restent conséquents et continuent de préoccuper les rapporteurs. Dans leur rapport d'information sur l'aide alimentaire, publié en octobre 2018 350 ( * ) , ils avaient alerté sur les difficultés de gestion du FEAD. Ces dernières pourraient très certainement conduire à des pertes budgétaires qui avaient été estimées, a minima , à 70 millions d'euros, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2020 .

Outre ces difficultés de gestion, la question de la pérennisation du FEAD après 2020 est essentielle, ainsi que le maintien d'une enveloppe financière équivalente voire supérieure à l'actuelle programmation dans le contexte actuel de crise économique, où l'insécurité alimentaire est grandissante ( cf. encadre infra ). Les rapporteurs appellent ainsi, plus que jamais, le Gouvernement à s'engager en faveur d'un soutien européen renforcé.

Les associations - qui sont les indispensables piliers de cette politique publique - font face actuellement à un accroissement de bénéficiaires et à un tarissement des sources de financements et des denrées. Les rapporteurs alertent ainsi le Gouvernement sur la situation de ces associations déjà fragilisées financièrement ces dernières années , par la suppression de la « réserve parlementaire », la baisse brutale du nombre de contrats aidés ou l'affaire des « steacks hachés » etc.

L'enjeu des négociations post-FEAD...

Le FEAD, d'un montant de 3,8 milliards d'euros sur la période 2014 - 2020, est une réponse essentielle aux situations de grande pauvreté. Il représente près de 30 % des denrées fournies aux quatre associations nationales.

La proposition de Règlement FSE+ le 29 mai 2018, publiée le 29 mai 2018 par la Commission européenne dans le cadre des négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel (2021-2027), prévoit de regrouper sous la dénomination « FSE+ » tous les fonds structurels, y compris le FEAD. Le volet FEAD de ce nouveau fonds suscite de nombreuses interrogations et craintes quant à son montant et mode de fonctionnement. Le « seuil plancher » fixé initialement à 2 % a été relevé à 3 % par le Parlement européen, mais reste largement en deçà de l'enveloppe actuelle .

....une source d'inquiétude, pour des associations fragilisées
par la crise sanitaire actuelle

Dans la crise qui traverse actuellement le pays, sont en première ligne les associations d'aide alimentaire, qui apparaissent fragilisées . Les têtes de réseaux des principales associations (Banques alimentaires, Restos du Coeur, Secours populaire, Croix Rouge) ont fait part de leurs inquiétudes aux rapporteurs spéciaux. Elles ont été et sont encore extrêmement sollicitées. Elles font face à une hausse des bénéficiaires tout en rencontrant plusieurs difficultés : baisse de leurs stocks et des denrées (avec la diminution de la ramasse et des dons des industriels), perte de certaines ressources propres (due à la non-tenue d'événements comme, par exemple, les braderies du Secours populaire), baisse des dons, achats d'équipements de protection individuelle ou de denrées. L'aide alimentaire qui bénéficiait, avant la crise, à 5,5 millions de personnes pourrait concerner près de 8 millions de personnes d'après la Ministre Christelle Dubos dans une interview donnée à l'Opinion fin avril.

Les rapporteurs se félicitent de l'octroi d'une enveloppe de 39 millions d'euros, débloquée fin avril par le Gouvernement , à destination des associations - à hauteur de 25 millions d'euros - et des territoires - à hauteur de 14 millions. Ils s'interrogent néanmoins sur l'origine budgétaire de ces fonds et sur le fait de savoir si l'aide est bien parvenue aux associations.

Source : commission des finances du Sénat

4. L'égalité femmes-hommes : des progrès dans l'exécution budgétaire, mais des points de vigilance demeurent

Depuis 2018, le taux d'exécution des crédits du programme 137 relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes progresse alors qu'il faisait , l'objet d'une sous-exécution récurrente depuis 2014.

Sur les 31,06 millions d'euros de crédits disponibles, 29,85 millions d'euros ont été consommés en 2019. Ces progrès dans l'exécution budgétaire ne sauraient toutefois masquer plusieurs points de vigilance.

D'abord ce programme ne recouvrant qu'une partie des crédits consacrés à l'égalité entre les femmes et les hommes , son exécution budgétaire ne peut suffire à donner un satisfecit pour la mise en oeuvre de cette politique publique dans sa globalité . Les rapporteurs, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2020, avaient ainsi démontré qu'on était loin du milliard d'euros annoncé par le Gouvernement , en matière de politique de lutte contre les violences faites aux femmes. Les crédits des ministères concourant à cette politique publique doivent également être pris en compte. Un travail de contrôle des rapporteurs spéciaux est actuellement en cours sur le financement de la lutte contre les violences faites aux femmes.

Par ailleurs, s'agissant du programme 137, les rapporteurs restent vigilants quant au financement des parcours de sortie de la prostitution et de l' aide financière à la réinsertion sociale et professionnelle (AFIS) 351 ( * ) . Sur les 1,98 million d'euros prévus en loi de finances pour 2019, 300 000 euros ont été consommés pour le financement de cette aide. Toutefois le nombre de bénéficiaires est en augmentation, avec 246 personnes ayant bénéficié de l'AFIS en 2019. Les rapporteurs rappellent leur attachement à la mise en oeuvre effective du dispositif et au soutien des associations en la matière.

5. Le pilotage des dépenses fiscales évaluées à près de 13 milliards d'euros doit être renforcé

En sus des crédits budgétaires alloués à la mission, sont rattachées 28 dépenses fiscales , dont la prévision actualisée pour 2019 s'établit à 12,95 milliards d'euros, soit un montant équivalent à 52,3 % des dépenses budgétaires de la mission. Les trois dépenses fiscales 352 ( * ) les plus importantes représentent près de 63 % du montant total des dépenses.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » constitue ainsi la troisième mission la plus importante en matière de dépenses fiscales derrière les missions « Économie » et « Cohésion des territoires ».

Entre 2018 et 2019, on note néanmoins une baisse de ces dépenses due à une mesure de périmètre . La direction de la législation fiscale a, en effet, décidé de déclasser deux dépenses que sont les taux de TVA réduits applicables aux ventes d'appareillages, ascenseurs, équipements spéciaux pour les personnes handicapées et la fourniture de logement et nourriture dans les établissements pour personnes handicapées ou âgées, en raison d'une absence de finalité incitative ou de dynamisation d'un secteur économique. Entre 2008 et 2018, les dépenses fiscales rattachées à la mission ont néanmoins connu une hausse de 10 %.

Toutefois, il semble - comme ont pu le noter les rapporteurs dans leur rapport à l'occasion du projet de loi de finances pour 2020 - que le pilotage de ces dépenses fiscales soit insuffisant. Les prévisions de ces dépenses sont souvent peu fiables et sous-estimées, les évaluations inexistantes et le pilotage interministériel défaillant. À cet égard, les rapporteurs estiment que la direction générale de la cohésion sociale ne peut mener, seule, cette réflexion sur l'évolution et le pilotage de ces dépenses, et doit être soutenue par la direction de la législation fiscale et la direction du budget dans l'exécution de cette mission.

6. Une maquette de performance qui mériterait certaines adaptations

Les rapporteurs réitèrent leurs observations de l'année dernière s'agissant de la maquette de performance de la mission, qui reste perfectible.

Ainsi, s'agissant du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », ils regrettent l'absence d'indicateurs de performance pour deux dispositifs budgétairement sensibles de la mission : les agences régionales de santé et la gestion des mineurs non accompagnés.

Il en va de même pour le programme 157 « Handicap et dépendance », dont la dépense consacrée à l'AAH est croissante, et dont aucun indicateur stratégique n'a été repris au titre de la mission pour illustrer les objectifs « les plus représentatifs » de la mission .

Concernant le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », la maquette budgétaire du programme a été totalement refondue à l'occasion du projet de loi de finances pour 2019. Toutefois, cette nouvelle décomposition en actions plus resserrées nuit à la lisibilité des crédits du programme , comme les rapporteurs avaient pu le faire remarquer à l'occasion du projet de loi de finances pour 2020. Les crédits spécifiques à la promotion de l'égalité femmes-hommes, aux violences faites aux femmes et à la lutte contre la prostitution ne sont plus clairement identifiés et identifiables.

Par ailleurs, s'agissant du suivi de la performance, ils s'interrogent d'une part sur la pertinence du nouvel indicateur « mesurer l'impact de la culture de l'égalité » qui semble plus correspondre à un indicateur d'activité que de performance et d'autre part sur la suppression d'un sous-indicateur visant à mesurer le taux d'appels traités par le collectif féministe contre le viol . Cette suppression de la maquette de performance 2019 a été justifiée par le manque de moyens de la structure qui ne permettait pas de faire face à la forte hausse du nombre d'appels. Les rapporteurs jugent quelque peu surprenant la suppression d'un indicateur au motif qu'il a de mauvais résultats.

MISSION « SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE »

m. éric jeansannetas, rapporteur spécial

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 835

1. Une légère sur-exécution, qui reste toutefois en-deçà du plafond du triennal 836

2. Une exécution sur « le fil du rasoir », qui ne suffira pas pour répondre aux tensions constatées en 2020 sur la mission 837

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 838

1. Le soutien au mouvement sportif : la nouvelle gouvernance mise en place en 2019 à l'épreuve du feu 838

2. Le soutien à la vie associative : une montée en puissance du fonds pour le développement de la vie associative à confirmer 839

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

La mission « Sport, jeunesse et vie associative » est composée de trois programmes :

- le programme 219 « Sport » (30 % des crédits de la mission), qui porte principalement le soutien aux fédérations sportives et l'ouverture à tous de la pratique sportive, ainsi que le soutien aux opérateurs du sport (Institut national du sport, de l'expertise et de la performance [INSEP], écoles nationales du sport ; l'institut français du cheval et de l'équitation [IFCE] et musée national du sport) ;

- le programme 163 « Jeunesse et vie associative » (63 % des crédits de la mission), qui concerne essentiellement le développement du service civique, par le biais de l'Agence du service civique (ASC), la préfiguration du service national universel (SNU) ainsi que le soutien à la vie associative, en particulier par le soutien au Fonds de coopération de la Jeunesse et de l'Éducation populaire (FONJEP) et le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) ;

- le programme 350 « Jeux olympiques et paralympiques de 2024 » (7 % des crédits de la mission), qui constitue le vecteur budgétaire du soutien financier de l'État à l'organisation des Olympiades de 2024.

Avec un total de 998,3 millions d'euros exécutés en 2019 , cette mission représente près de 0,2 % du budget général en termes de crédits budgétaires.

Deux caractéristiques de la mission doivent être relevées :

- d'une part, son accroissement tendanciel au cours des dernières années, puisque ses crédits ont été multipliés par deux depuis 2012, à la faveur de l'universalisation du service civique, qui représente les trois quarts de cette hausse, et de la création du programme dédié aux Olympiades de 2024 ;

- d'autre part, le niveau élevé de dépenses fiscales qui lui sont rattachées et représentent près de 3 milliards d'euros, soit plus de trois fois ses dépenses budgétaires.

L'accroissement des crédits de la mission se poursuivra au cours des prochains exercices compte tenu de la montée en puissance des dépenses relatives aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024, tandis que la généralisation annoncée du service national universel se traduira par un coût croissant.

1. Une légère sur-exécution, qui reste toutefois en-deçà du plafond du triennal

En 2019, les crédits consommés sur la mission s'élèvent à 998,3 millions d'euros , soit un niveau inférieur au plafond fixé par le budget triennal à 1 050 millions d'euros et très proche de la prévision (+ 1 %).

Cependant, comme le détaille le tableau ci-après, l'exécution globale de la mission ne doit pas occulter les résultats hétérogènes entre deux des trois programmes qui la composent :

- le programme 219 « Sport » fait ainsi état d'une sous-consommation , à hauteur de 3 % ;

- de façon symétrique, le programme 163 « Jeunesse et vie associative » enregistre une sur-exécution de 3 %.

En d'autres termes, des marges de manoeuvre ont été mobilisées sur le programme 219 pour compenser les besoins de financement supplémentaires constatés au titre du service civique sur le programme 163.

Exécution des crédits de la mission par programme en 2019

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits ouverts 2019

Crédits exécutés 2019

Exécution 2019 / Exécution 2018

Exécution 2019 / LFI 2019

219

AE

343,0

324,2

308,4

294,0

- 14,3 %

- 9,3 %

CP

327,7

312,2

302,9

302,0

- 7,8 %

- 3,3 %

163

AE

560,8

612,3

630,4

629,8

+ 12,3 %

+ 2,9 %

CP

560,2

612,3

631,9

631,0

+ 12,6 %

+ 3,1 %

350

AE

58,0

238,0

237,0

237,0

+ 308,6 %

- 0,4 %

CP

48,0

65,3

65,3

65,3

+ 36 %

-

Total

AE

961,8

1 174,4

1 175,8

1 160,8

+ 20,7 %

- 1,2 %

CP

935,9

989,7

1 000,0

998,3

+ 6,7 %

+ 0,9 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

De fait, les mouvements de crédits intervenus en cours d'exécution sont principalement marqués par deux mouvements en sens contraire intervenus à l'occasion de la loi de finances rectificative de fin d'année procédant au schéma de fin de gestion :

- la suppression de la réserve de précaution du programme 219 , pour un montant de 15,3 millions d'euros ;

- l'abondement du programme 163 d'un montant de 16,5 millions d'euros.

Mouvements de crédits intervenus en gestion au cours de l'exercice 2019,
en crédits de paiement

(en millions d'euros)

Programmes

LFI 2019

Reports entrants

Fonds de concours et attribution de produits

Mouvements de fin de gestion (LFR de décembre)

Transfert

Virement

Total des crédits alloués

Écart crédits alloués / LFI 2019

219

312,2

6,1

0,008

- 15,3

- 0,17

-

302,9

- 3 %

163

612,3

3,1

0,12

+ 16,5

- 0,05

-

631,9

+ 3,2 %

350

65,3

0,1

-

- 0,1

-

-

65,3

-

Total

989,7

9,3

0,13

+ 1,1

- 0,22

-

1 000

+ 1 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

2. Une exécution sur « le fil du rasoir », qui ne suffira pas pour répondre aux tensions constatées en 2020 sur la mission

En 2018, l'exécution des crédits dédiés au service civique n'avait pas nécessité l'ouverture de crédits supplémentaires . Il s'agissait d'une première depuis l'universalisation du dispositif en 2015.

Pour autant, le rapporteur spécial avait relevé que « les crédits exécutés ne [représentaient] pas l'intégralité de la dépense nécessaire » 353 ( * ) au titre du service civique, compte tenu d'un prélèvement de 57,8 millions d'euros opéré sur le fonds de roulement de l'Agence du service civique - soit environ 10 % des dépenses de service civique en 2018.

Cette ponction n'ayant pu être renouvelée en 2019, une ouverture de crédits complémentaires a été nécessaire en cours de gestion pour faire face au dynamisme des dépenses constatées au titre du service civique.

Plus largement, l'exécution de la mission en 2019 , tout en respectant la prévision et le triennal, correspond à une gestion infra-annuelle opportunément conduite, sans garantie sur la soutenabilité de la mission . En effet, plusieurs dispositifs devraient rapidement monter en charge, mettant sous tension la mission :

- le compte d'engagement citoyen , désormais pleinement effectif, avec un cumul de droits ouverts estimé à plus de 100 millions d'euros par la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), alors que seuls 11,5 millions d'euros sont prévus pour 2020 ;

- le service national universel (SNU), pour lequel une expérimentation, non intégrée en prévision, a été conduite dans treize départements en 2019 par redéploiements de crédits ;

- la situation débitrice de l'État vis-à-vis de l'ACOSS au titre du service civique entre 2010 et 2014, pour une dette de 15,4 millions d'euros, et de l'exonération des charges sociales des arbitres et juges professionnels, pour la compensation de laquelle les 20 millions d'euros initialement prévus en LFI n'ont fait l'objet d'aucune consommation en 2019. Comme le souligne la Cour des comptes, « ces économies ponctuelles ne sauraient toutefois être considérées comme structurelles » 354 ( * ) .

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le soutien au mouvement sportif : la nouvelle gouvernance mise en place en 2019 à l'épreuve du feu

L'année 2019 a été marquée par la mise en place d'une nouvelle gouvernance du sport : l'Agence nationale du sport a été instituée en avril 2019 sous la forme d'un groupement d'intérêt public. Englobant le Centre national pour le développement du sport (CNDS) et chargée à la fois du développement des pratiques et du sport de haute performance, l'agence doit conduira à la définition d'une nouvelle gouvernance des politiques locales du sport. À compter de 2020, elle gère de surcroît les 90 millions d'euros de subventions de l'État aux fédérations sportives.

Cependant, pour relever l'ensemble des espoirs placés dans cette nouvelle gouvernance et être à même de réussir les Olympiades de 2024, il importe de préserver les capacités de soutien financier au mouvement sportif.

Cette ambition contraste avec l'attrition des crédits consommés sur le programme 2019 « Sport » entre 2018 et 2019 , qui atteint plus de 14 % en autorisations d'engagement et 8 % en crédits de paiement, comme l'illustre le graphique ci-après.

La maquette de performances étaye ce constat , avec une forte progression du nombre de fédérations en mauvaise posture financière. L'indicateur 2.1 du programme 219 enregistre une multiplication par deux 355 ( * ) entre 2018 et 2019 du nombre de fédérations sportives présentant une situation financière fragile.

Évolution des crédits exécutés sur
le programme 219 « Sport » entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Enrayer cette tendance sera primordial , a fortiori compte tenu de l'ébranlement financier qui secoue actuellement le mouvement sportif en raison des mesures d'urgence prises pour faire face à la crise sanitaire.

2. Le soutien à la vie associative : une montée en puissance du fonds pour le développement de la vie associative à confirmer

En 2018, il avait fallu attendre la fin du second semestre et la publication du décret 356 ( * ) pour rendre effective la nouvelle mission du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), introduite en loi de finances initiale pour 2018 en compensation de la suppression de la dotation d'action parlementaire. Si presque l'intégralité de l'enveloppe de 25 millions d'euros ouverts à cet effet avait été consommée, la procédure s'était déroulée à marche forcée et les subventions allouées aux associations retenues ont été versées tardivement.

L'année 2019 marque donc le premier exercice de stabilisation de ce nouveau dispositif, propice à un premier bilan .

Ce sont ainsi 18 410 associations qui ont déposé une demande de subvention en 2019, pour 9 804 associations effectivement soutenues , dont 81 % ayant moins de deux salariés et une majorité n'appartenant à aucun réseau associatif. Il y a lieu de se féliciter que, malgré les procédures d'allocation qui auraient pu les en écarter, les crédits viennent en premier lieu accompagner de petites structures qui font la vie de notre tissu associatif.

Pour autant, quelle que soit l'efficacité de la nouvelle procédure, elle sanctionne une baisse de moitié des montants alloués précédemment par la dotation d'action parlementaire , qui s'élevaient en 2017 à 51 millions d'euros.

L'épisode que nous traversons rappelle le précieux et indispensable rôle que jouent de nombreuses associations pour soutenir, accompagner et prendre le relai de l'action publique auprès de nombreux de nos concitoyens les plus fragiles.

Renforcer les capacités d'appui du FDVA s'impose donc .

Si le mécanisme de fléchage des avoirs des comptes inactifs adopté à l'occasion de la loi de finances pour 2020 357 ( * ) offre une perspective pour 2021, il ne permettra pas de renforcer les subventions versées en 2020. À cet égard, le rapporteur spécial se félicite du rehaussement à 1 000 euros du plafond de déduction à l'impôt sur le revenu pour les associations de soutien aux plus démunis en 2020, introduit à l'initiative du Sénat dans le deuxième collectif budgétaire 358 ( * ) .

MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI »
ET CAS « FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE »

m. emmanuel capus et mme sophie taillé-polian,
rapporteurs spéciaux

SOMMAIRE

Pages

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019 843

1. L'évolution des crédits de la mission en 2019 843

2. La gestion des crédits en 2019 847

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX 851

1. Les enveloppes allouées aux contrats aidés et au secteur de l'insertion par l'activité économique évoluent en sens contraire 851

2. Le Plan d'investissement dans les compétences poursuit sa montée en puissance 852

3. Les opérateurs de la mission « Travail et emploi » : les cas particuliers de Pôle emploi et de l'AFPA 855

4. Les prévisions afférentes aux compensations d'exonérations de cotisations sociales portées par la mission doivent être fiabilisées 858

5. Les « emplois francs » : un dispositif qui peine à monter en puissance 860

6. Les maisons de l'emploi : un soutien financier de l'État à conserver 861

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE » (CAS « FNDMA ») 862

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2019

1. L'évolution des crédits de la mission en 2019

En loi de finances initiale (LFI) pour 2019, les crédits votés au titre de la mission « Travail et emploi » s'élevaient à 15,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 14,0 milliards d'euros en crédits de paiements (CP) , fonds de concours et attributions de produits inclus.

Pour mémoire, la mission comporte quatre programmes :

- le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » se fixe pour objectif principal de favoriser l'accès et le retour à l'emploi de tous les publics en s'appuyant sur les structures du service public de l'emploi et en mobilisant au mieux les outils d'insertion professionnelle au bénéfice des personnes les plus éloignées de l'emploi ;

- le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » se fixe pour objectifs de sécuriser l'emploi par l'anticipation des mutations économiques, contribuer à la revitalisation des territoires et au reclassement des salariés licenciés pour motif économique, faciliter l'insertion dans l'emploi par le développement de l'alternance et enfin édifier une société de compétences, notamment via le volet « formation » du Plan d'investissement dans les compétences (PIC). Il est à noter que les programmes 102 et 103 comprennent environ 95 % des crédits de la mission ;

- le programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail » vise notamment à améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur privé concurrentiel, contribuer à la prévention et à la réduction des risques professionnels, à la dynamisation de la négociation collective et à l'amélioration du dialogue social et enfin à lutter contre le travail illégal et la fraude au détachement, en s'appuyant sur les services de l'inspection du travail ;

- enfin, le programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » constitue le programme d'appui et de soutien aux politiques du ministère du travail, portant l'ensemble de ses emplois, portant l'intégralité des dépenses de personnel (titre 2) de la mission.

Exécution des crédits de la mission « Travail et emploi » en 2019

(en millions d'euros)

Intitulé du programme

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Écart LFI 2019/

LFI 2018

Écart exécution 2019 / exécution 2018

Écart exécution 2019 / LFI 2019

102

Accès et retour à l'emploi

AE

7 190,1

4 862,1

6 276,5

5 788,8

- 12,7 %

+ 19,1 %

- 7,8 %

CP

7 869,3

7 476,7

6 440,2

6 408,9

- 18,2 %

- 14,3 %

- 0,5 %

103

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

AE

6 126,3

6 026,0

7 918,8

8 143,0

+ 29,3 %

+ 35,1 %

+ 2,8 %

CP

7 008,4

6 724,4

6 766,2

7 031,9

- 3,5 %

+ 4,6 %

+ 3,9 %

111

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail

AE

154,9

140,0

57,0

46,0

- 63,2 %

- 67,1 %

- 19,3 %

CP

86,5

71,6

88,0

74,1

+ 1,7 %

+ 3,5 %

- 15,8 %

155

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

AE

695,8

680,5

699,5

686,5

+ 0,5 %

+ 0,9 %

- 1,9 %

CP

692,5

676,1

697,9

677,8

+ 0,8 %

+ 0,3 %

- 2,9 %

Total

AE

14 167,1

11 708,6

14 951,8

14 664,3

+ 5,5 %

+ 3,5 %

- 1,9 %

CP

15 656,7

14 948,8

13 992,3

14 192,7

- 10,6 %

- 9,4 %

+ 1,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'évolution des crédits de la mission entre la LFI 2018 et la LFI 2019 traduit les changements qui ont affecté la politique de l'emploi . Ainsi, l'augmentation prévisionnelle des AE (+ 5,5 %) devait accompagner les nouvelles priorités gouvernementales (telles que le PIC, ou l'insertion pour l'activité économique - IAE), tandis que la diminution prévisionnelle des CP (- 10,6 %) correspondait notamment à l'extinction de dispositifs anciens (contrats uniques d'insertion - CUI, emplois d'avenir, aide à l'embauche TPE-PME).

Les programmes 102 et 103, qui relèvent de la politique de l'emploi stricto sensu , représentent à eux deux 95 % des crédits de la mission. Ils concentrent ainsi l'essentiel des dépenses d'intervention, qui représentent elles-mêmes 85 % des crédits de la mission. En prévision, ces deux programmes devaient supporter l'essentiel de la diminution des CP, soit respectivement - 1,4 milliard d'euros et - 1,5 milliard d'euros hors fonds de concours et attributions de produits (et en particulier du fonds de concours de 1,5 milliard d'euros en provenance de France compétences au profit du programme 103 en 2019). Cette diminution intégrait toutefois d'importantes mesures de périmètres sortantes (- 802 millions d'euros). Peut également être notée l'importante baisse des AE sur le programme 111 (- 63 %), imputable au cycle des élections professionnelles.

Ces tendances se sont globalement confirmées en exécution avec une consommation des crédits à hauteur de 14,7 milliards d'euros en AE (+ 3,5 %) et de 14,2 milliards en CP (- 9,6 %) . Peut toutefois être relevée une sur-exécution importante des crédits du programme 103 (+ 2,8 % en AE et + 3,9 % en CP), notamment imputable aux dispositifs de compensation à la Sécurité sociale d'exonérations de cotisations sociales relevant de la politique de l'emploi (cf. infra ). Il en résulte une sur-exécution des CP de + 1,4 % à l'échelle de la mission .

Les dépenses de personnel (titre 2) se sont montées en 2019 à 602,8 millions d'euros , soit un niveau inférieur de 2,3 % à la prévision et en baisse de 1,3 % par rapport à l'exécution 2018 (611,1 millions d'euros) .

Les emplois consommés s'élèvent à 8 769 ETPT en exécution 2019, respectant ainsi le plafond d'emplois fixé en loi de finances initiale (8 852 ETPT). Une nette diminution des emplois consommés de (- 208 ETPT) peut ainsi être constatée par rapport à l'exécution 2018 (8 977 ETPT). Le schéma d'emploi (solde net entre les entrées et les sorties entre le 1 er janvier et le 31 décembre) s'est quant à lui établi à - 185 ETP, soit un niveau supérieur à la prévision (- 233 ETP). .

Évolution du taux de consommation des crédits de la mission
« Travail et emploi » en 2019

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Après deux années de sur-exécution en 2015 et 2016 (notamment du fait du lancement en cours d'année du « plan d'urgence pour l'emploi ») et deux années de sous-exécution en 2017 et en 2018, les crédits consommés en 2019 se rapprochent sensiblement de la prévision

Au total, l'exécution 2019 s'établit, hors fonds de concours et contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », à 12,4 milliards d'euros de CP, soit un excédent de 240 millions d'euros à périmètre constant par rapport au plafond prévu par la programmation triennale de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2018-2022 359 ( * ) (12,16 milliards d'euros).

Enfin, le compte général de l'État (CGE) annexé au présent projet de loi de règlement indique que la mission est porteuse de près de 20,0 milliards d'euros d'engagements hors bilan (EHB) pour l'État , soit une hausse de 5,9 % par rapport à 2018. Celle-ci est principalement liée à la participation de l'État au financement du régime de solidarité d'indemnisation du chômage au titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) (10,0 milliards d'euros) et aux compensations d'exonérations de cotisations sociales en faveur de l'emploi à domicile pour les personnes fragiles (4,2 milliards d'euros).

Les dispositifs d'intervention de la mission « Travail et emploi »

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : Cour des comptes

2. La gestion des crédits en 2019

En 2019, la gestion des crédits de la mission « Travail et emploi » a notamment été marquée par la nécessité de couvrir les besoins complémentaires de financement des compensations d'exonérations de cotisations sociales portées par le programme 103 (cf. infra ). Celui-ci a en conséquence été abondé en cours de gestion par un virement de 104,6 millions d'euros en provenance du programme 102 et par une ouverture de 117,3 millions d'euros en CP en loi de finances rectificative pour 2019 360 ( * ) .

Mouvements de crédits en gestion au cours de l'exercice 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

Programme budgétaire

LFI 2019

Reports entrants

Fonds de concours et attributions de produits

Mouvements en cours de gestion 361 ( * )

Virements et transferts

Mouvements de fin de gestion (LFR 2019)

Total crédits ouverts

Écart crédits ouverts / LFI 2019

Taux de consommation des crédits ouverts

102

AE

6 276,5

152,4

74,6

0,0

- 104,6

- 101,6

6 297,3

+ 0,3 %

91,9 %

CP

6 440,2

118,8

74,6

0,0

- 104,6

- 99,6

6 429,4

- 0,2 %

99,7 %

103

AE

7 918,8

291,6

- 1,0

0,0

104,6

- 33,4

8 280,6

+ 4,6 %

98,3 %

CP

6 766,2

400,2

- 1,0

0,0

104,6

117,3

7 387,3

+ 9,2 %

95,2 %

111

AE

57,0

0,0

0,0

0,0

0,0

- 8,1

48,9

- 14,2 %

94,1 %

CP

88,0

2,5

0,0

0,0

0,0

- 9,4

81,0

- 7,9 %

91,4 %

155

AE

699,5

12,4

0,8

0,0

- 0,2

- 8,2

704,3

+ 0,7 %

97,5 %

CP

697,9

19,2

0,8

0,0

- 0,8

- 8,1

708,9

+ 1,6 %

95,6 %

Total

AE

14 951,8

456,4

74,4

0,0

- 0,2

- 151,3

15 331,0

+ 2,5 %

95,7 %

CP

13 992,4

540,6

74,4

0,0

- 0,8

0,2

14 606,7

+ 4,4 %

97,2 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

L'application du mécanisme d'auto-assurance a quant à elle été marquée par le souci d'exclure de l'assiette de la mise en réserve les crédits dédiés aux aides au poste dans le secteur de l'IAE et dans les entreprises adaptées (portées par le programme 102). Il en a résulté une mise en réserve supérieure au droit commun (3 % sur les crédits hors titre 2) sur le programme 103 (respectivement de 3,2 % des CP et 3,5 % des AE), incluant les crédits du PIC (y compris les 109,9 millions d'euros en CP reportés sur 2019 qui ont à ce titre fait l'objet d'un surgel). Ces crédits devaient en principe en être exonérés au titre de leur rattachement au Grand plan d'investissement (GPI). En outre, la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi a pour la première fois été inclue dans l'assiette des crédits mis en réserve sur le programme 102, mais selon des modalités dérogatoires (taux de 0,8 %). L'alignement des règles de gestion de l'opérateur sur le droit commun se poursuit donc.

Mise en réserve des crédits de la mission « Travail et emploi » en 2019

(en millions d'euros et en pourcentage)

Intitulé du programme

Crédits LFI (hors F.dC. et A.d.P.)

Mise en réserve initiale

Surgels

Dégels

Réserve disponible avant mise en place du schéma de fin de gestion

Taux de mise en réserve

102

Accès et retour à l'emploi

AE

6 276,5

106,8

28,0

0,0

134,8

1,7 %

CP

6 440,15

111,89

0,00

0,00

111,89

1,7 %

103

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

AE

6 386,69

204,13

109,91

0,00

314,04

3,2 %

CP

5 234,13

183,38

0,00

0,00

183,38

3,5 %

111

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail

AE

56,97

1,46

0,00

0,00

1,46

2,6 %

CP

87,99

2,38

0,00

0,00

2,38

2,7 %

155

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

AE

690,25

4,83

0,00

-0,04

4,79

0,7 %

CP

688,65

4,78

0,00

-0,04

4,74

0,7 %

Total

AE

13 410,41

317,18

137,91

-0,04

455,05

2,4 %

CP

12 287,26

297,32

28,00

-0,04

325,27

2,4 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Comme en 2018, le budget de la mission « Travail et emploi » en 2019 témoigne d'un souci de maîtrise des dépenses publiques et des effectifs. Cet effort est à replacer dans le contexte d'une amélioration globale de la situation sur le marché du travail en 2019, avant que celle-ci ne se dégrade à nouveau fortement en 2020 en raison de la crise sanitaire. Ainsi, selon l'INSEE, le taux chômage au sens du Bureau international du travail s'établissait à 8,1 % des actifs au quatrième semestre de l'année 2019, (soit une diminution de 0,7 point sur l'année) et le taux de chômage de longue durée à 3,1 % (soit une diminution de 0,4 point sur l'année).

L'exercice 2019 est également marqué par l'extinction de plusieurs dispositifs n'ayant pas démontré leur efficacité (en particulier les contrats aidés dans le secteur marchand) au profit de la montée en puissance de nouvelles priorités dédiées à l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi, qui ne bénéficient pas spontanément de l'amélioration de la conjoncture (aides au poste dans le secteur de l'IAE et dans les entreprises adaptées, plan d'investissement dans les compétences).

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

L'année 2019 s'inscrit dans la continuité des exercices précédents, avec une diminution importante des moyens humains et financiers du ministère du travail. Cette trajectoire d'austérité ne peut se faire qu'au détriment des publics les plus fragiles, qui nécessitent un accompagnement renforcé. Les emplois s'établissent en effet à 8 769 ETPT en exécution 2019, soit presque un millier de moins qu'en 2016 (9 663 ETPT). Peut en particulier être relevé à cet égard le récent rapport de la Cour des comptes 362 ( * ) sur le bilan de la transformation de l'inspection du travail, qui, à la suite des travaux que les rapporteurs avaient consacré à ce sujet l'an passé 363 ( * ) , pointe une baisse préoccupante de ses effectifs de contrôle au cours des dernières années.

L'amélioration globale du taux de consommation des crédits masque d'importantes sous-consommations sur certaines lignes. Peut en particulier être relevé le cas de la prometteuse expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » (TZCLD) , avec une consommation des crédits limitée à 14,1 millions d'euros en AE et 9,8 millions d'euros en CP, soit un total bien inférieur à la prévision votée en loi de finances initiale (22,4 millions d'euros), et ce malgré une forte mobilisation des élus et des acteurs économiques ou associatifs locaux. Ces crédits ont fait l'objet d'une mise en réserve excessive (6,3 millions d'euros, soit 28 %), intégralement annulée en fin de gestion. Cette prudence excessive est inadmissible et interroge en ce qu'elle fausse la portée des crédits votés par le Parlement. Fin 2019, le nombre de salariés dans les entreprises à but d'emploi (EBE) s'élevait à 768, soit bien en deçà de la cible fixée à 1 270.

L'expérimentation a fait l'objet de deux rapports au Gouvernement, 364 ( * ) dont la méthode et les conclusions ont été contestées entre autres par l'association « Territoires zéro chômeurs de longue durée » en ce qu'elles tendent à minimiser le coût induit par le chômage de longue durée sur les finances publiques (que le dispositif permet précisément d'éviter) ainsi que l'impact positif de l'expérimentation sur l'économie et la vie locale. Le gouvernement a annoncé en février 2020 l'extension de l'expérimentation sans toutefois préciser le nombre de territoires concernés.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Les enveloppes allouées aux contrats aidés et au secteur de l'insertion par l'activité économique évoluent en sens contraire

La LFI 2019 prévoyait une dotation de 380,9 millions d'euros en AE et 189,6 millions d'euros en CP au titre des nouvelles formules de contrats aidés, les Parcours emploi compétences (PEC), pour un objectif de 100 000 entrées. Les crédits alloués aux anciens CAE, CIE et emplois d'avenir se limitent au financement du stock, excepté Outre-mer ou de nouvelles entrées en CIE restent possibles. L'exécution des crédits alloués aux PEC s'est avérée inférieure à la prévision , avec une consommation de  309,6 millions d'euros en AE et 181,49 millions d'euros en CP.

Cette sous-consommation résulte notamment de l'application d'un fort taux de mise en réserve (13,5 % en AE et en CP) et d'un nombre d'entrées inférieur à la cible (81 500). Des mouvements de fongibilité ont été réalisés, notamment en faveur des aides au poste dans le secteur de l'IAE.

Aussi, une forte sur-exécution des crédits alloués aux aides au poste dans le secteur de l'IAE peut être constatée en 2019 , avec une consommation de 940,7 millions d'euros en AE et 918,9 millions d'euros en CP, contre 889,8 millions d'euros en AE et en CP prévus en LFI 2019.

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

Les Parcours emploi compétences (PEC) constituent un progrès qualitatif certain par rapport aux anciennes formules de contrats aidés, qui visaient davantage à améliorer artificiellement les statistiques du chômage qu'à répondre aux besoins réels et individuels des personnes concernées, comme en attestent leurs faibles performances en termes de sortie dans l'emploi durable (54 % pour les CUI-CIE et 29 % seulement pour les CUI-CAE 365 ( * ) ). L'efficacité des PEC devra néanmoins être évaluée. La sous-consommation des crédits pour la seconde année consécutive peut certes tenir à la relative nouveauté du dispositif, mais ses causes devront néanmoins être examinées.

Le soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique s'adresse aux publics les plus éloignés de l'emploi et son renforcement est bienvenu. Il est nécessaire pour la réalisation des objectifs de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté 2018-2022, qui vise notamment le financement de 100 000 postes supplémentaires dans ce secteur. La fongibilité en faveur de ces crédits s'inscrit dans la logique du fonds d'inclusion dans l'emploi, qui laisse aux préfets les marges de manoeuvres nécessaires pour financer les dispositifs les plus adaptés à la situation du territoire.

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

La sous-exécution des crédits dédiés aux contrats aidés se superpose à la forte diminution de l'enveloppe qui leur est allouée. Le nombre de contrats aidés prescrits est ainsi passé de 468 075 en 2015 à 81 500 en 2020. Ces contrats soutiennent pourtant le secteur associatif en permettant l'accomplissement de missions diverses et socialement utiles. La non-atteinte de la cible fixée pour les Parcours emploi compétences pour la seconde année consécutive s'explique à la fois par le faible taux de prise en charge par l'État (51 % en moyenne) et par la complexité excessive du dispositif. En appliquant un taux de mise en réserve de 13,5 % sur ces crédits, le Gouvernement ne s'était manifestement pas donné les moyens de ses ambitions, ce qui est d'autant plus regrettable que le Grand débat national avait mis en évidence l'intérêt que les maires attachent à ces dispositifs. Ce taux supérieur à la moyenne, cumulé au surgel appliqué aux crédits devant être alloués à l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » conduit à s'interroger sur la volonté réelle du Gouvernement de se donner les moyens de l'insertion professionnelle.

Si l'on ne peut que se féliciter du renforcement du soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique, c'est à tort que l'on oppose les aides au poste dans ce secteur aux contrats aidés, qui s'adressent à des publics distincts et ont chacun leur légitimité.

2. Le Plan d'investissement dans les compétences poursuit sa montée en puissance

Pour mémoire, le PIC constitue l'un des quatre axes du Grand plan d'investissement (GPI) 2018-2022, doté de près de 14 milliards d'euros sur l'ensemble de la période.

En 2019, le volet « accompagnement » du PIC porté par le programme 102, qui s'adresse aux jeunes décrocheurs - dits NEET - en finançant notamment la Garantie jeune a été marqué par une importante sur-exécution, avec une consommation des crédits à hauteur de 655,2 millions d'euros en AE et 680,6 millions d'euros en CP, contre respectivement 586,2 millions d'euros et 579,3 millions d'euros prévus en LFI. Cette sur-exécution résulte notamment d'un montant de cofinancements européens (74,6 millions d'euros) supérieur à la prévision (54 millions d'euros) et d'une cause technique tenant au basculement vers le nouveau système de financement de la Garantie jeunes en 2019 366 ( * ) . Le nombre d'entrée en Garantie jeunes a atteint 97 838 en 2019, soit un total quasiment égal à la cible (100 000).

Le volet « formation » du PIC porté par le programme 103 vise quant à lui la formation d'un million de demandeurs d'emploi faiblement qualifiés, notamment dans le cadre de conventions d'amorçages des programmes régionaux d'investissement dans les compétences (PRIC) signés avec les régions, qui représentent à eux seuls 21 % du total des engagements de cofinancement de l'État 367 ( * ) . La LFI 2019 traduisait une importante montée en puissance du dispositif, avec 2,4 milliards d'euros en AE et 1,9 milliard d'euros en CP votés contre respectivement 1,0 milliard d'euros et 678,2 millions d'euros prévus en LFI 2018. L'exécution s'établit en 2019 à 2,3 milliards d'euros en AE et 1,6 milliard d'euros en CP, avec donc un taux de consommation des CP qui demeure insuffisant (85,0 %) quoiqu'en progression par rapport à l'exercice précédent (57,5 %).

L'exercice 2019 a en outre été marqué par le versement d'un fonds de concours en provenance de France compétences à hauteur de 1,5 milliard d'euros au profit du programme 103, dont la Cour des comptes conteste la régularité 368 ( * ) au motif que celui-ci revêt un caractère obligatoire 369 ( * ) , se distinguant à ce titre des autres fonds de concours dont le rattachement effectif dépend de l'état d'avancement des projets financés.

Évolution des crédits du Plan d'investissement dans les compétences
(y.c. F.d.C. et A.d.P.)

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La position des rapporteurs spéciaux

Le Plan d'investissement dans les compétences constitue un effort important et louable en faveur de l'accompagnement et de la formation de publics éloignés de l'emploi. Il convient néanmoins de souligner que la somme de 14 milliards d'euros annoncée ne pourra être atteinte que grâce à l'inclusion dans le giron du PIC de dispositifs préexistants (tels que la Garantie jeunes) et l'attribution de fonds de concours en provenance de France compétences et du Fonds social européen.

L'atteinte des objectifs du volet « accompagnement » en 2019 peut être saluée, tout comme la réforme du financement des missions locales en 2019 qui confère à celles-ci de plus grandes marges de manoeuvre.

Le volet « formation » poursuit sa montée en puissance, avec toutefois une sous-consommation des crédits qui demeure importante. Liée au retard pris dans le lancement de certaines actions, elle n'en constitue pas moins l'un des points de vigilance de la contribution du programme 103 au Plan d'investissement dans les compétences.

3. Les opérateurs de la mission « Travail et emploi » : les cas particuliers de Pôle emploi et de l'AFPA
a) Une baisse de la subvention pour charges de service public allouée à Pôle emploi

En LFI 2019, la subvention pour charges de service public allouée à Pôle emploi avait été fixée à 1 372,7 millions d'euros, soit une diminution de 85 millions d'euros par rapport à la LFI 2018 (- 5,8 %). En exécution, celle-ci s'est élevée à 1 361,7 millions d'euros compte tenu de la réserve de précaution (11 millions d'euros) intégralement annulée en fin de gestion, représentant 22,7 % des charges de l'opérateur. Le plafond d'emplois est quant à lui fixé à 46 065 ETPT, soit une diminution de 400 ETPT par rapport à l'année précédente, et été consommé à hauteur de 45 914 ETPT.

L'année 2019 a été marquée par la signature de la nouvelle convention tripartite État - Unédic - Pôle emploi . Celle-ci définit une trajectoire de diminution de la subvention de l'État, qui serait ainsi abaissée jusqu'à 1 064 millions d'euros en 2022.

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

La diminution de la subvention pour charges de service public allouée à Pôle emploi traduit d'importants efforts en gestion, légitimes dans un contexte d'amélioration de la situation sur le marché du travail, qui ont impliqué la recherche d'importants gains de productivité, notamment grâce au numérique. Le bilan de la stratégie numérique réalisé par la Cour des comptes 370 ( * ) est toutefois en demi-teinte. Une attention accrue doit être portée à la détection en amont des personnes en difficulté face au numérique, malgré les efforts importants déployés par l'opérateur en la matière.

Si les emplois de l'opérateur poursuivent leur diminution en 2019, ceux-ci devraient augmenter de nouveau en 2020, notamment afin de renforcer l'accompagnement des entreprises en difficulté de recrutement dans les secteurs en tension. L'impact sur l'emploi de la crise sanitaire devrait néanmoins conduire à réviser la trajectoire financière prévue dans la convention tripartie signée en 2019.

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

L'année 2019 s'inscrit malheureusement pour l'opérateur dans la continuité des années précédentes, avec une baisse marquée de la subvention pour charges de service public (- 9,6 % par rapport à 2017) comme du plafond d'emploi (- 500 ETPT par rapport à 2017). Cette trajectoire ne lui permet par de faire face aux importants besoins d'accompagnement dont ont besoin les demandeurs d'emploi les plus en difficulté, ni d'être à la hauteur en matière de prévention des risques psycho-sociaux des agents, soumis à une charge de travail croissante. S'agissant de la stratégie numérique déployée par l'opérateur, la rapporteure spéciale rejoint donc l'analyse de la Cour des comptes selon laquelle « La question de la fracture numérique concerne aujourd'hui la plupart des services publics. Elle revêt une sensibilité particulière pour Pôle emploi, car le risque existe que les demandeurs d'emploi les plus fragiles ne fassent pas valoir leurs droits. Certaines catégories de la population (seniors, personnes peu qualifiées, habitants des territoires ruraux et des quartiers prioritaires de la politique de la ville) sont plus exposées que d'autres ». La suppression en 2019 de l'exonération de mise en réserve jusqu'alors appliquée à la subvention pour charges de service public versée à l'opérateur peut également être regrettée.

Il convient par ailleurs de rappeler que la nouvelle hausse des emplois de l'opérateur prévue en 2020 ne pourra être atteinte que grâce à la hausse de 1 point de la contribution de l'Unédic (portée à 11 % de ses ressources) au financement de l'opérateur. L'État, qui a par ailleurs imposé une réforme de l'assurance-chômage restreignant considérablement les droits des demandeurs d'emploi, fait ainsi supporter aux chômeurs eux-mêmes le coût du service public de l'emploi.

b) Une exécution marquée par l'octroi d'une subvention exceptionnelle à l'AFPA

La subvention pour charges de service public allouée à l'Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) au titre du programme 103, fixée à 110 millions d'euros en LFI 2019, a été exécutée à hauteur de 108 millions d'euros, soit au même niveau qu'en 2018.

Au vu des importantes difficultés financières de l'AFPA, l'exercice a cependant été marqué par le versement d'une subvention exceptionnelle de 133 millions d'euros. Celle-ci a été financée par des reports de crédits en fin de gestion et par un virement en provenance du programme 102. Le plan de transformation présenté par la direction générale de l'établissement en octobre 2018 a pris du retard en raison d'un contentieux devant les tribunaux judiciaires pour défaut d'évaluation des risques psycho-sociaux et absence de plan de prévention des risques professionnels, ce qui explique une sur-exécution du plafond d'emplois (7 070 ETPT exécutés contre 6 629 ETPT prévus). Le plan de sauvegarde de l'emploi a finalement été homologué en décembre 2019 et la première phase de départs volontaires est en cours.

Il est enfin à noter que l'AFPA a pu jouer en 2019 un rôle dans la mise en oeuvre du PIC au travers de deux instruments :

- le dispositif « Prépa'Compétences » qui propose aux demandeurs d'emploi une offre de services intégrée mobilisable en amont d'un parcours d'accès à la qualification, au travers d'une approche personnalisée, visant à favoriser l'accès à la qualification et à sécuriser la réussite des parcours de formation ;

- le programme HOPE, à destination des bénéficiaires d'une protection internationale, qui propose un parcours global de huit mois combinant un hébergement, un accompagnement social, un apprentissage linguistique intensif, une formation professionnelle certifiante via un contrat de professionnalisation avec des entreprises.

La position du rapporteur spécial Emmanuel Capus

L'AFPA poursuit sa réforme, indispensable pour redresser sa situation financière. L'État est dans son rôle en maintenant à niveau inchangé sa subvention pour charges de service public. Si l'octroi d'une subvention exceptionnelle était nécessaire pour éviter à l'opérateur une situation de cessation de paiement, la situation de l'AFPA constitue l'un des principaux risques budgétaires pesant sur la mission « Travail et emploi ». L'agence a néanmoins pu jouer en 2019 un rôle notable dans la mise en oeuvre du Plan d'investissements dans les compétences.

La position de la rapporteure spéciale Sophie Taillé-Polian

Les difficultés de l'AFPA sont la conséquence attendue de l'intégration dans le champ concurrentiel, prévue par l'ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016, des missions de service public qu'elle exerce. Le plan de transformation affaiblira encore l'opérateur et se traduira par une baisse de la qualité du service rendu, ainsi que par une diminution de sa présence sur le territoire : dans certains départements, on ne compte aujourd'hui plus aucun centre AFPA. Le plan de transformation emporte également de lourds risques sur la santé les personnels de l'AFPA. La forte dégradation des indicateurs socio-sanitaires traduit en effet une situation alarmante à laquelle il convient que les autorités apportent une réponse. C'est d'autant plus dommageable qu'elle a su, par le passé, démontrer une efficacité sociale élevée, avec un taux d'entrée en emploi supérieur à la moyenne des organismes de formation. L'implication de l'AFPA dans le PIC est louable, et devrait même être renforcée pour permettre la montée en puissance réelle du plan.

4. Les prévisions afférentes aux compensations d'exonérations de cotisations sociales portées par la mission doivent être fiabilisées

L'action 3 du programme 103 prévoit de nombreux dispositifs d'exonération de cotisations sociales dont il compense le coût à la Sécurité sociale , dans un objectif de baisse du coût du travail et de promotion de l'activité.

L'exécution 2019 de ces dispositifs appelle trois séries de remarques :

- les dépenses qui leur sont associées sont importantes , représentant un coût global en 2019 de 3,7 milliards d'euros (hors compensations des exonérations de cotisations sociales en faveur de l'apprentissage 371 ( * ) ), soit environ le quart des crédits de la mission ;

- ces dépenses sont dynamiques, avec une hausse de 16,9 % par rapport à l'exécution 2018 . La principale hausse concerne l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE) (+349 millions d'euros), dont le périmètre a été considérablement élargi en 2019 372 ( * ) ;

- les dépenses exécutées sont nettement supérieures aux prévisions (+ 9,9 %) . Le principal écart concerne à nouveau l'ACRE (+22,0 %).

Ces dispositifs ont en outre un impact sur les engagements hors bilan de l'État à hauteur de 4,2 milliards d'euros 373 ( * ) .

Compensations d'exonérations de cotisations sociales portées
par le programme 103, hors alternance

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

La position des rapporteurs spéciaux

Les compensations d'exonérations de cotisations sociales portées par le programme 103 font peser un risque budgétaire important sur la mission. Les estimations de leur coût en loi de finances initiale doivent impérativement être fiabilisées. En particulier, les conséquences de la généralisation en 2019 de l'aide aux créateurs et repreneurs d'entreprises (ACRE), auparavant réservée à un public cible (demandeurs d'emploi, jeunes personnes en situation de handicap...), ont été insuffisamment maîtrisées. Ce dérapage financier du dispositif, qu'une meilleure évaluation ex ante aurait permis d'éviter, a conduit le Gouvernement à revenir sur cette généralisation un an plus tard en loi de finances pour 2020 374 ( * ) .

5. Les « emplois francs » : un dispositif qui peine à monter en puissance

L'expérimentation des « emplois francs » devait initialement être menée entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019, et permettre à toute entreprise ou association de bénéficier d'une aide financière pour l'embauche en CDI ou en CDD d'au moins six mois d'un demandeur d'emploi, résidant dans l'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) dont la liste doit être fixée par arrêté. L'arrêté du 22 mars 2019 a notamment élargi le périmètre de l'expérimentation à 740 QPV (contre 194 auparavant).

Alors que le dispositif doit être généralisé à l'ensemble des QPV du territoire national en 2020 , l'année 2019 a été marquée par une très forte sous-exécution des crédits, qui ont été consommés à hauteur de 27,8 millions d'euros en AE et 23,2 millions d'euros en CP, contre respectivement 217,4 millions d'euros et 51,2 millions d'euros prévus en LFI 2019 . Seules 14 989 entrées ont été recensées en 2019, soit un total inférieur à la cible (25 000). Le rapport annuel de performances indique qu'une difficulté technique a contribué à réduire le montant des AE, qui seront ainsi reportés sur l'exercice 2020.

Le rapport du comité d'évaluation remis le 13 décembre 2019 n'a pas constaté de variation du profil infra-annuel des embauches des habitants des QPV tout en indiquant qu'il serait prématuré, à ce stade, « d'affirmer ou d'infirmer ses effets sur le taux de chômage de ces populations » . La faiblesse du taux de recours, calculé à 10,7 %, s'explique avant tout par le déficit d'information des recruteurs 375 ( * ) .

La position des rapporteurs spéciaux

Les « emplois francs » constituent un dispositif intéressant en faveur des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), qui font face à des problématiques spécifiques en matière d'emploi. En 2017, le taux de chômage en QPV (24,7 %) est 2,5 fois supérieur à celui des autres quartiers des unités urbaines engloblantes (9,2 %) 376 ( * ) . La portée de la généralisation en 2020 est à nuancer, dans la mesure où l'expérimentation a déjà été considérablement élargie à tous les QPV des départements originellement, ainsi qu'à de nouveaux départements. L'appropriation du dispositif par les acteurs semble toutefois encore limitée, même si le Gouvernement attend un doublement des bénéficiaires d'ici la fin de l'année 2020. Une forme de sur-promotion du dispositif pourrait toutefois laisser craindre des risques d'effets d'aubaine, qui devront être précisément mesurés.

6. Les maisons de l'emploi : un soutien financier de l'État à conserver

Portée par le programme 102, l'enveloppe allouée aux maisons de l'emploi a été dotée de 5 millions d'euros en AE et en CP . Elle a été consommée à hauteur de 4,74 millions d'euros, soit 95 %.

La position des rapporteurs spéciaux

Les rapporteurs spéciaux avaient consacré en 2018 un rapport de contrôle à la question des maisons de l'emploi (MDE) 377 ( * ) . Celui-ci dressait un « bilan globalement positif de l'action des maisons de l'emploi » en observant que « le positionnement des maisons de l'emploi en tant qu' " ensembliers " des différents acteurs de la politique de l'emploi est désormais clarifié. En particulier, leur action en matière de gestion prévisionnelle territoriale des emplois et des compétences (GPTEC), d'ingénierie territoriale et de promotion des clauses sociales est reconnue et saluée par leurs interlocuteurs et partenaires » .

Le projet de loi de finances initiale pour 2019 avait pourtant prévu la suppression de l'enveloppe allouée aux maisons de l'emploi. Celle-ci a été rétablie en première lecture à l'Assemblée nationale, à hauteur de 5 millions d'euros en AE et en CP. Au Sénat, les rapporteurs spéciaux avaient proposé de porter ce financement à hauteur de 10 millions d'euros, considérant qu'un montant de 5 millions d'euros serait insuffisant pour permettre un soutien effectif des MDE et se traduirait par un risque de « saupoudrage » ou de nouvelles fermetures de structures ayant pourtant fait leurs preuves, mais la ligne de crédit issue de leur amendement adopté par le Sénat a été supprimée en nouvelle lecture. Le taux élevé de consommation des crédits témoigne du fait que ceux-ci répondent à un réel besoin.

Le financement par l'État des maisons de l'emploi doit être pérennisé et renforcé.

III. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE » (CAS « FNDMA »)

Le compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (CAS « FNDMA ») a été créé par l'article 23 de la loi n° 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, en remplacement du fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage.

Il comporte deux programmes :

- le programme 787 « Répartition de la ressource régionale consacrée au développement de l'apprentissage », qui vise à répartir la part fixe de la ressource régionale pour l'apprentissage, celle-ci étant constituée d'une fraction des recettes de la taxe d'apprentissage (51 %) et d'une fraction du produit de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE). Le montant de la part fixe est établi à 1 544,09 millions d'euros par l'article L. 6241-2 du code du travail ;

- le programme 790 « Correction financière des disparités régionales de taxe d'apprentissage et incitations au développement de l'apprentissage », qui affecte l'éventuel solde de la fraction régionale pour l'apprentissage après versement de la part fixe. Le solde est réparti en fonction du nombre d'apprentis inscrits dans les centres de formations et les sections d'apprentissages régionaux, en prenant notamment en compte ceux qui préparent un diplôme ou un titre à finalité professionnelle. Les critères sont détaillés à l'article L. 6241-2 du code du travail.

Le CAS « FNDMA » est abondé par la fraction régionale pour l'apprentissage ainsi que par des sommes indûment collectées par des établissements en charge de l'apprentissage, reversées ensuite au Trésor public.

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a, cependant, abouti à une réforme complète du financement de l'apprentissage, qui ne relève plus à titre principal des régions mais des branches professionnelles .

Il a été ainsi créé une contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance, acquittée par les entreprises, qui regroupe la taxe d'apprentissage et la contribution à la formation professionnelle. Le taux de ce prélèvement est fixé à 1,23 % pour les entreprises de moins de 11 salariés et à 1,68 % pour les entreprises dépassant ce seuil. Le taux de la taxe d'apprentissage est fixé à 0,68 % : 87 % de son produit sera affecté à l'agence France compétences et le solde (13 %) est destiné à des dépenses libératoires effectuées par l'employeur (concours financier au centre de formation). L'agence France compétences sera, à partir du 1 er janvier 2020, chargée de la répartition de la part de 87 %. Le CAS « FNDMA » est donc supprimé depuis cette date 378 ( * ) .

La collecte de ces cotisations est dans un premier temps assurée par les opérateurs de compétences (OPCO) des branches professionnelles institués par cette même loi en remplacement des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA). Celle-ci sera ensuite transférée aux Unions de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAFF) à compter du 1 er janvier 2022 au plus tard, la loi de finances initiale pour 2020 ayant reporté d'un an cette échéance 379 ( * ) .

Dans le même temps, la loi prévoit la fusion des dispositifs existants (crédit d'impôt apprentissage, prime à l'apprentissage, aide au recrutement d'un apprenti supplémentaire, aide TPE-Jeunes apprentis) au sein d'une aide unique, ciblée sur les entreprises de moins de 250 salariés et sur les apprentis préparant un diplôme à finalité professionnelle équivalent au plus au baccalauréat à compter du 1 er janvier 2019. Le coût de ce dispositif, porté par le programme 103 de la mission « Travail et emploi », en exécution 2019 a été de 922,0 millions d'euros en AE et 221,0 millions d'euros en CP.

En vertu de l'article L. 6211-3 du code du travail, les régions ont conservé des compétences facultatives en matière d'apprentissage au titre de l'aménagement du territoire ou du développement économique .

Deux enveloppes doivent dans ce cadre être versées et réparties entre les régions par France compétences au titre de l'exercice de ces compétences facultatives :

- la première enveloppe, dotée de 138 millions d'euros 380 ( * ) , est dédiée au financement de dépenses de fonctionnement des CFA et doit permettre aux régions de venir ainsi majorer les coûts-contrats au titre d'impératifs économiques territoriaux.

- la seconde, d'un montant de 180 millions d'euros, concerne des dépenses d'investissement des CFA, permettant par exemple aux régions de contribuer à la création de CFA ou à des rénovations importantes dans des CFA existants.

Afin d'assurer la neutralité financière de la réforme, la loi de finances pour 2020 a prévu un dispositif impliquant une compensation pour les quatorze régions qui percevaient plus au titre de la ressource apprentissage qu'elles ne dépensaient pour l'exercice de cette compétence via un prélèvement sur recettes (d'un montant global de 72,6 millions d'euros) et l'attribution d'une fraction du produit de la TICPE (d'un montant global de 156,9 millions d'euros). En revanche, les trois régions dont les dépenses au titre de l'apprentissage excédaient cette ressource se voient appliquer une reprise financière (pour un montant global de 11,3 millions d'euros) 381 ( * ) .

En attendant, pour l'exercice 2019, les recettes du CAS « FNDMA » se sont élevées à 1 732,5 millions d'euros , la loi de finances pour 2019 prévoyant initialement un montant de 1 709,7 millions d'euros.

Exécution des crédits du CAS « FNDMA » par programme en 2019

(en millions d'euros et en %)

Programmes

Crédits votés LFI 2018

Crédits exécutés 2018

Crédits votés LFI 2019

Crédits exécutés 2019

Exécution 2019 / exécution 2018

787 - Répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l'apprentissage

AE

1 389,9

1 389,9

1 384,5

1 384,5

- 0,4 %

CP

1 389,9

1 389,8

1 384,5

1 384,5

- 0,4 %

790- Correction financière des disparités régionales de taxe d'apprentissage et incitations au développement de l'apprentissage

AE

242,8

300,0

325,2

324,8

+ 33,8 %

CP

242,8

300,0

325,2

325,2

+ 33,9 %

Total

AE

1 689,9

1 689,9

1 709,7

1 709,3

+ 1,1 %

CP

1 689,9

1 689,9

1 709,7

1 709,7

+ 1,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le CAS « FNDMA » était doté pour 2019 de 1 709,7 millions d'euros en AE comme en CP , soit à un niveau stable par rapport à l'exercice précédent (+19,8 millions d'euros).

Le nombre d'apprentis est en progression . 491 300 apprentis ont été recensés en 2019 soit 6 300 de plus que la cible fixée par l'indicateur de performance du programme 790 et 55 000 de plus qu'en réalisation 2018.

Les crédits du programme 787 se sont élevés en exécution 2019 à 1 384,5 millions d'euros en AE comme en CP , soit un niveau égal à la prévision. Une fraction de la TICPE s'élevant à 159,6 millions d'euros a également été attribuée aux régions. Couplée au montant du programme 787, elle permet à la part fixe de la ressource régionale pour l'apprentissage d'atteindre 1 544,09 millions d'euros, conformément à l'article L. 6421-2 du code du travail.

Le programme 790 vise à procéder à la répartition du solde dynamique de la ressource régionale pour l'apprentissage, après versement de la part fixe prévue au programme 787. L'exécution 2019 s'est établie à 325,2  millions d'euros en AE et 324,8 millions d'euros en CP , soit un niveau quasiment égal à la prévision.

La clé de répartition de ces sommes entre les régions est la suivante :

Répartition de la ressource régionale pour l'apprentissage

(en pourcentage)

Régions

Part fixe

Part variable

Auvergne-Rhône-Alpes

11,1 %

11,3 %

Bourgogne-Franche-Comté

4,4 %

5,4 %

Bretagne

4,4 %

4,6 %

Centre-Val de Loire

4,2 %

5,2 %

Corse

0,5 %

0,6 %

Grand Est

9,2 %

10,5 %

Hauts-de-France

8,7 %

8,3 %

Ile de France

15,4 %

13,4 %

Normandie

5,5 %

6,3 %

Nouvelle Aquitaine

9,4 %

9,2 %

Occitanie

7,4 %

7,9 %

Pays de la Loire

6,4 %

8,4 %

Provence-Alpes-Côte d'azur

6,8 %

6,5 %

Guadeloupe

1,7 %

0,5 %

Guyane

0,4 %

0,2 %

Martinique

1,8 %

0,4 %

Réunion

2,7 %

1,4 %

Mayotte

0,0 %

0,2 %

Source : rapport annuel de performances 2019

De fait, si le niveau des recettes réalisé a été supérieur aux prévisions, les dépenses ont également été supérieures au montant inscrit en loi de finances. Le solde du CAS « FNDMA » est cependant resté positif, à 22,7 millions d'euros. Le solde cumulé et définitif du compte depuis sa création s'élève ainsi à 52,9 millions d'euros.

Évolution de l'équilibre du compte

(en millions d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Prévision

Exécution

Prévision

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Prévision

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

Recettes

774

678,3

1 490,70

1 498,30

1 490,85

1 545,02

1 573,24

1 596,04

1 632,73

1 689,90

1 709,71

1 732,45

Dépenses

865,8

785,4

1 490,70

1 497,10

1 490,85

1 502,19

1 573,24

1 635,03

1 632,73

1 689,94

1 709,71

1 709,71

Solde

- 91,8

- 107,1

0

1,2

0

42,83

0

-38 ,9

0

14

0

22,74

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La loi de finances initiale pour 2020 prévoit un reversement de ce solde au budget général de l'État. La Cour des comptes relève cependant que, bien qu'un tel reversement soit autorisé par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), « l'absence de reversement aux régions du solde cumulé de trésorerie n'est pas conforme à l'objet du CAS FNDMA. Il doit en effet être procédé chaque année au reversement aux régions de l'intégralité du produit de la taxe d'apprentissage qui leur revient » 382 ( * ) .

La position des rapporteurs spéciaux

L'année 2019 constitue la dernière année d'existence du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (CAS « FNDMA »).

Les rapporteurs spéciaux partagent l'analyse de la Cour des comptes quant à l'affectation du solde de 52,9 millions d'euros du CAS et appellent à son reversement aux régions plutôt qu'au budget de l'État.


* 1 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 2 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 3 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 4 Note d'exécution budgétaire p. 31.

* 5 Pour une information plus détaillée, le lecteur est invité à se reporter au rapport d'information n° 651 (2017-2018) de M. Patrice Joly, fait au nom de la commission des finances, sur les ambitions de l'Union européenne et de la France pour le prochain cadre financier pluriannuel.

* 6 COM (2020) 445 Proposition modifiée de décision du Conseil relative aux ressources propres de l'Union européenne.

* 7 Programme 347 inclus.

* 8 Pour la période 2019-2021, la France est le sixième contributeur au budget de l'ONU, avec une quote-part de 4,43 %, contre 4,86 % pour la période 2016-2018.

* 9 377 ETPT transférés au programme 105.

* 10 10 ETPT transférés aux programmes 105 et 185.

* 11 Rapport d'information n° 729 (2018-2019) sur la masse salariale du MEAE de MM. Delahaye et Féraud.

* 12 Cf. supra.

* 13 À l'exception de l'année 2017.

* 14 Dans le cadre de la réforme des réseaux de l'État à l'étranger, 21 véhicules blindés ont été transférés au MEAE.

* 15 Rapport d'information n° 334 du 19 février 2020 sur « l'implantation des services de l'État dans les territoires : état des lieux et enjeux financiers », Commission des finances du Sénat.

* 16 Dont une partie correspond à une évolution de périmètre avec l'imputation à la mission des dépenses nécessaires à l'activité de la commission du contentieux du stationnement payant installée en janvier 2018.

* 17 Jusqu'au tournant de l'adoption de l'euro, de l'ordre d'un quart du budget de ce ministère ne faisait l'objet d'aucune budgétisation.

* 18 On se réfère ici aux prélèvements sur recettes du contrôle fiscal et des collectivités territoriales, qui, non budgétés au motif d'une qualification abusive de « fonds de concours » permeyttaient dabonder de façon extra-budgétaire les moyens du ministère des finances pour une somme de l'ordre de 25 % de son budget apparent. La sous-budgétisation correspondante permettait au surplus de minorer le déficit public prévisionnel dans un temps où il revêtait une réelle importance historique.

* 19 Au total (cf. infra ,) 4 000 emplois étaient concernés par ce plan.

* 20 Pour des dépenses dépassant 37 millions d'euros.

* 21 À comparer avec 45,6 millions d'euros de remboursement forfaitaire pour les élections législatives de 2017 et avec 41 millions d'euros pour l'élection présidentielle de la même année.

* 22 Voir le rapport n° 334 «Agir pour nos concitoyens : redonner de la proximité et de l'efficacité à l'action publique dans les territoires » du 19 février 2020.

* 2324 Assez notablement, le Conseil constitutionnel a, en revanche, jugé que la prescription d'un rapport sur l'intérêt du maintien de la carte d'électeur, pouvait à bon droit figurer dans les dispositions de la loi de finances pour 2020. Sans doute faut-il considérer qu'un tel rapport a un lien plus » évident avec la détermination des dépenses publiques.

* 25 Rapport d'information n° 347 du 26 février 2020 sur « les dotations publiques consacrées au financement de la vie politique : éléments d'évaluation », Commission des finances du Sénat.

* 26 La restitution des engagements dans les documents budgétaires paraît un peu existentielle puisqu'aussi bien il semble qu'elle inclut des consommations d'autorisations d'engagement... non engagées au sens de la comptabilité budgétaire.

* 27 Aux arrondis près.

* 28 Rapport d'information n° 31 du 10 octobre 2018 Alain Houpert, Yannick Botrel, commission des finances du Sénat.

* 29 C'est-à-dire tant au regard du pacte politico-social passé avec la Nation et avec les agriculteurs qu'au regard d'une action publique que la communication n'a pas encore doté des vertus de créer des moyens financiers.

* 30 Il faut ajouter aux dépenses sur crédits nationaux les dépenses sur crédit européen, les dépenses fiscales et les dépenses sociales non compensées à partir de la mission.

* 31 Les montants correspondants ne semblent pas exclus de l'estimation des concours publics à l'agriculture mentionnée plus haut.

* 32 Il serait utile de pouvoir évaluer la composition de « l'épargne » correspondant aux 90 millions d'euros de dépense fiscale mentionnés dans le rapport annuel de performances et d'estimer la capacité de ses différentes composantes à servir réellement d'amortisseur. On rappelle à cet égard que  « l'épargne » dont s'agit peut être financière ou de nature comptable.

* 33 On rappelle que le bénéfice du crédit d'impôt est dépendant du montant des aides directes versées aux exploitants, aides dont la durée a été d'autant plus raccourcie que les aides au maintien accessibles auprès du ministère de l'agriculture sont désormais supprimées.

* 1 Rapport d'information de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, fait au nom de la commission des finances n° 31 (2018-2019) - 10 octobre 2018 « Réparer la chaine de paiement des aides agricoles, un devoir pour nos finances publiques et notre agriculture »

* 34 Il est, à cet égard, heureux que les taux d'intérêt de marché aient été assez bas pour éviter d'extérioriser des aides d'État qui auraient encore plus limité la portée opératoire des avances de trésorerie.

* 35 Le ministre de l'agriculture et de l'alimentation avait annoncé une majoration des avances payées en octobre 2019 pour aider les trésoreries des exploitations mises à mal par la sécheresse. Cette opération n'a pas pu concerner l'ensemble des exploitants. Il serait justifié que le RAP informe systématiquement sur les conditions de paiement infra-annuelles des aides agricoles.

* 36 Le référé consacré par la Cour des comptes à la répartition des aides du premier pilier de la PAC n'infirme pas ce constat mais il fait ressortir d'une part le lien entre les aides versées et les surfaces (ce qui matérialise les effets d'un système largement fondé sur des aides à l'hectare) et, d'autre part, un problème d'inégalité du montant des aides à l'hectare en lien avec la cristallisation de valeurs historiques d'aides remontant à 2006. La portée redistributive de la distribution des aides se trouve naturellement modérée par le fait que les exploitations de surface importante, qui, globalement, ont des revenus supérieurs, perçoivent également plus d'aides. Mais, d'autres considérations doivent intervenir parmi lesquelles la compétitivité des exploitations, préoccupation d'autant plus forte que l'agriculture française se trouve doublement concurrencée par les agriculteurs hyper-concentrées et fortement subventionnées à ce titre de nos voisins les plus proches et à plus bas niveaux de vie de pays plus récemment entrés dans l'Union européenne.

* 37 Ce taux a fait l'objet d'une négociation et a été arrêté lors d'un comité État-Régions tenu le 29 octobre 2019.

* 38 Dans le graphique lire « ICHN 2016 » au lieu de « ICHN 2026 ».

* 39 658 millions d'euros en 2019.

* 40 « Pour une politique de sécurité sanitaire des aliments « zéro défaut » ». Rapport d'information de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, fait au nom de la commission des finances n° 442 (2016-2017) - 23 février 2017.

* 41 Selon la Commission, la procédure suivie aurait dû être beaucoup plus rigoureuse que celle jusqu'alors mise en oeuvre, avec, en particulier, un abattage dès le premier résultat positif, devant, par ailleurs, toucher des étages de reproduction de plus en plus élevés.

* 42 Renforcement « comptable », les effectifs recrutés dans la perspective du renforcement du contrôle aux frontières étant rattachés à cet échelon.

* 43 L'aggravation de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques observée ces dernières années (+ 10,6 % entre 2008 et 2016) est intervenue alors même que les surfaces converties à l'agriculture biologique ont presque quadruplé. L'essor des surfaces sans pesticides a mobilisé des dépenses publiques en forte croissance mais, surtout, un effort conséquent des consommateurs de produits bio. En réalité sans ce dernier effort, assez paradoxal si l'on y songe, les résultats obtenus sur le front des pesticides auraient été encore pires que ceux relevés année après année.

* 44 La recherche fondamentale financée sur fonds publics est principalement prise en charge par les dispositifs fiscaux ou budgétaires mis en oeuvre par le ministère de la recherche.

* 45 On rappelle que le paiement de la taxe intervient avec un an de décalage.

* 46 Aux arrondis près jusqu'en 2018

* 47 Il existe actuellement 20 ONVAR financés par le CASDAR, deux ONVAR étant présentés comme « non financés ».

* 48 L'indicateur « Part des financements correspondant aux priorités retenues pour l'évolution quantitative » correspond à la poursuite de l'objectif intitulé « Renforcer l'évolution qualitative des appels à projets et des programmes pluriannuels ».

* 49 Note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes.

* 50 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 51 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 52 D'autres problèmes plus fondamentaux pourraient être mentionnés parmi lesquels le faible degré de granularité de la norme dès lors que cette dernière concerne des missions budgétaires, qui ne spécialisent pas suffisamment les autorisations budgétaires.

* 53 Tous les cinq ans, en lien avec le cycle électoral, on relève des évolutions atypiques.

* 54 La loi de programmation des finances publiques fixe un plafond aux dépenses fiscales mais celui-ci est global et, en conséquence, n'est pas décliné par mission au contraire du régime applicable aux crédits de paiement qui sont, de leur côté, plafonnés par mission. Ce hiatus dans le statut des transferts de l'État selon qu'ils passent par des dépenses ou par des faveurs fiscales n'est pas purement arbitraire dans la mesure où les dépenses fiscales sont présumées moins pilotables que les crédits mais, outre que cette présomption n'est pas irréfragable (le plafond de dépenses fiscales fixé par la loi de programmation l'atteste), elle ouvre la perspective d'arbitrages au profit de transferts par les dépenses fiscales plutôt que par des dépenses publiques pouvant aboutir (effet pervers s'il en est) à une plus grande inertie des finances publiques et à une plus faible visibilité des interventions de l'État.

* 55 Le programme 158 en réserve d'autres spécifiques (voir infra).

* 56 Rapport d'information de M. Marc Laménie, fait au nom de la commission des finances n° 550 (2017-2018) - 6 juin 2018 « La commission d'indemnisation des victimes de spoliations antisémites : vingt ans après, redonner un élan à la politique de réparation ».

* 57 Le financement des centres d'hébergement d'urgence des migrants (CHUM) et des centres d'accueil de réfugiés (CPH) a été transféré en 2019 du programme 177 au programme 303, pour un montant de 118,7 millions d'euros.

* 58 Ministère de la Ville et du Logement, communiqué de presse du 2 avril 2020 : https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/plus-de-7-600-places-dhotel-supplementaires-desormais-mobilisees-pour-les-sans-abris-et-59-sites

* 59 Révision des chiffres au 12 avril : https://www.cohesion-territoires.gouv.fr/actualisation-plus-de-9-000-places-dhotel-supplementaires-desormais-mobilisees-pour-les-sans-abri .

* 60 D'autres programmes présentent des diminutions de crédits comparables entre 2018 et 2019, mais résultant de modifications de périmètre et non de la baisse du coût des politiques portées par ces programmes.

* 61 Article L. 351-7 du code de la construction et de l'habitation.

* 62 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 63 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire 2019 sur la mission « Cohésion des territoires ».

* 64 Le décret n° 2020-451 du 20 avril 2020 modifiant le décret n° 2019-1574 du 30 décembre 2019 relatif aux ressources prises en compte pour le calcul des aides personnelles au logement prévoit la mise en oeuvre de cette réforme au plus tard au 1 er janvier 2021.

* 65 Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020, programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

* 66 Le taux d'effort net représente la part du revenu des allocataires effectivement consacrée à la dépense de logement, une fois prises en compte les aides personnelles au logement.

* 67 Article R. 435-3 du code de la construction et de l'habitation.

* 68 Outre une fraction du produit des mises aux enchères des quotas carbone, plafonnée à 420 millions d'euros, l'ANAH a reçu le produit de la taxe sur les logements vacants à hauteur de 61 millions d'euros.

* 69 Droit au logement opposable.

* 70 Quartier prioritaire de la politique de la ville.

* 71 Loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 72 L'indicateur mesure le rapport entre le revenu fiscal moyen par unité de consommation des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et celui de leurs agglomérations.

* 73 Les derniers engagements au titre du PNRU ont été pris en 2015.

* 74 Convention tripartite entre l'État, l'ANRU et Action Logement relative au financement du programme national de rénovation urbaine (PNRU) et du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), conclue en application de la convention quinquennale 2018-2022 entre l'État et Action Logement signée le 16 janvier 2018.

* 75 La note technique de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et du patrimoine (DHUP), relative aux hypothèses macroéconomiques à retenir dans les simulations d'équilibre des opérations locatives sociales, en date du 17 juillet 2019, a abaissé de 2,40 % à 1,80 % le taux

* 76 Philippe Dallier, rapport spécial sur la mission « Cohésion des territoires », crédits consacrés au logement et à l'urbanisme , annexé au rapport général n° 140 (2019-2020) fait au nom de la commission des finances du Sénat, déposé le 21 novembre 2019.

* 77 Décret n° 2019-1305 du 6 décembre 2019 portant transfert de crédits et rapport relatif à ce décret .

* 78 Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR), un enjeu pour 2020, rapport d'information de Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau, 9 octobre 2019 .

* 79 Rapport de M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des finances n° 740 (2018-2019) - 25 septembre 2019

* 80 Par exemple, le CPER Pays de la Loire a compris l'équipement d'un centre de calcul d'envergure nationale, l'Institut de calcul intensif (ICI), avec une équipe de recherche en analyse numérique et en mathématiques qui développe des méthodes de calcul intensif.

* 81 Cour des comptes, L'accès aux services publics dans les territoires ruraux, 20 mars 2019.

* 82 Les crédits sont issus du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (200 000 euros en AE et 100 000 euros en CP du programme 149 et 200 000 euros en AE et en CP du programme 206) et du ministère des outre-mer (200 000 euros du programme 123).

* 83 Pour 2019, cette dérogation était prévue par l'article 107 de la LFI pour 2019.

* 84 Indicateur 3.1 de l'objectif n°1 du programme, « Réduire les délais de jugement ».

* 85 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 portant réforme du droit d'asile.

* 86 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » en 2019.

* 87 L'existence d'un compte bancaire et d'une autonomie de gestion propres au CESE sont prévus par le décret du 10 mai 2017.

* 88 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » en 2019.

* 89 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire des crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » en 2019.

* 90 Introduit par la commission des finances du Sénat par amendement de son rapporteur général, cet article précise qu' « à compter de l'exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en loi de finances initiale [...] ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus » . Le Gouvernement a cependant tenu à l'appliquer dès l'exercice de 2018 à travers l'article 8 de la loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

* 91 Déclaration de Mexico sur l'indépendance des Institutions supérieures de contrôle des finances publiques, principe n° 8 de l'INTOSAI. Ces principes ont été repris par l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution A/66/209 du 21 décembre 2011.

* 92 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 93 L'ASP est rattachée au programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture de l'agroalimentaire de la forêt de la pêche et de l'aquaculture » de la mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales ».

* 94 Décret n° 2019-1011 du 1 er octobre 2019 relatif au Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS).

* 95 Le réseau est rattaché au programme 231 « Vie étudiante » de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

* 96 Le centre national des oeuvres universitaires et sociales a en charge la gestion des bourses scolaires du ministère de la Culture depuis 2009.

* 97 Sur 3 500 sites en péril signalés par la Mission Bern, 390 projets (y compris monuments non-inscrits ou classés) ont été sélectionnés en 2018 et 2019.

* 98 Loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale à cet effet

* 99 Ardennes, Bas Rhin, Côtes d'Armor, Doubs, Finistère, Guyane, Hérault, Ille-et-Vilaine, Morbihan, Nièvre, Saône-et-Loire, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Vaucluse.

* 100 Décret n°2019-755 du 22 juillet 2019

* 101 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 102 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 103 Rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.

* 104 Décret n°2019-1290 du 4 décembre 2019 portant virement de crédits.

* 105 Article 4 de la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 106 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 107 Cette augmentation est principalement due aux marchés de MCO dits « verticalisé » longs et globaux, confiant la responsabilité de la quasi-totalité de la maintenance à un maître d'oeuvre unique.

* 108 Cette disposition, qui ne figurait initialement que dans le rapport annexé, a été inscrite dans le texte de loi par l'Assemblée nationale et complétée par le Sénat en première lecture.

* 109 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022.

* 110 Son article 7 prévoit ainsi que « la présente programmation fera l'objet d'actualisations, dont l'une sera mise en oeuvre avant la fin de l'année 2021 . Cette dernière aura notamment pour objet de consolider la trajectoire financière et l'évolution des effectifs jusqu'en 2025. Ces actualisations permettront de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés. Ces actualisations permettront également de vérifier l'amélioration de la préparation opérationnelle et de la disponibilité technique des équipements et fixeront des objectifs annuels dans ces domaines ».

* 111 Ceci s'explique par le dispositif, dérogatoire aux pratiques en vigueur dans les autres ministères, qui autorise le ministère à incorporer à son schéma d'emploi annuel, les sur ou sous-réalisations constatées sur les exercices précédents.

* 112 Rapport d'information de M. Dominique de LEGGE, fait au nom de la commission des finances n° 652 (2018-2019) - 10 juillet 2019.

* 113 Dont les crédits sont transférés, à compter de 2020, vers le programme 354 « Administration territoriale de l'État », au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

* 114 Conformément à l'article 7 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), au sein de chaque programme budgétaire, les crédits peuvent être redéployés entre les lignes budgétaires qui le composent. Lors de la présentation d'un programme dans la loi de finances initiale, la présentation des crédits est ainsi principalement indicative.

* 115 Cf supra, ainsi que la contribution du rapporteur spécial sur la précédente loi de règlement.

* 116 Commission nationale de l'informatique et des libertés et Commission d'accès aux documents administratifs.

* 117 Note d'exécution budgétaire 2019 du budget annexe Publications officielles et information administrative , mai 2020.

* 118 Bulletin officiel des annonces de marchés publics et Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

* 119 Rapport annuel de performance annexé à la présente mission, p. 8.

* 120 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 de la mission : en CP, 434 millions d'euros en 2017, 361 en 2016, 464 en 2015, et 114,6 millions d'euros en 2018.

* 121 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 de la mission.

* 122 Et de 18 % des AE

* 123 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 124 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 125 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 de la mission, p.84.

* 126 « Green budgeting : proposition de méthode pour une budgétisation verte » , rapport de la mission IGF/CGEDD publié le 25 septembre 2019.

* 127 Rapport d'information n° 110 (2016-2017) du 8 novembre 2016 de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, sur l'enquête de la Cour des comptes sur l'efficience des dépenses fiscales relatives au développement durable.

* 128 Fiscalité environnementale, un état des lieux, Commissariat général au développement durable (CGDD), janvier 2017.

* 129 Les aides dommageables à l'environnement, une réalité complexe, Commissariat général au développement durable (CGDD), décembre 2017.

* 130 La fiscalité environnementale au service de l'urgence climatique, Conseil des prélèvements obligatoires, septembre 2019.

* 131 Deux nouveaux opérateurs ont été créés en 2019 : l'Office français de la biodiversité (OFB), qui a fusionné l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE).

* 132 La Cour des comptes retient dans sa note d'exécution budgétaire le montant exécuté des crédits budgétaires mais le montant prévisionnel indiqué en loi de finances initiale pour 2019 s'agissant des recettes affectées, « en l'absence de données sur l'exécuté 2019 » (p. 89).

* 133 Cour des comptes, mars 2018, communication au Sénat sur « Le soutien aux énergies renouvelables ».

* 134 S'y ajoutent 9,4 millions d'euros (AE=CP) au titre du reliquat des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, 17,5 millions d'euros au titre de la contribution aux Fonds de solidarité logement, 23,4 millions d'euros en AE et 19,3 millions d'euros en CP au titre des frais de l'Agence de services et de paiement, en charge de la gestion du chèque énergie ; 4,0 millions d'euros en CP au titre des afficheurs déportés de la consommation d'énergie.

* 135 Arrêté du 6 avril 2020 relatif au taux de rémunération du capital immobilisé pour les installations de production électrique, pour les infrastructures visant la maîtrise de la demande d'électricité et pour les ouvrages de stockage piloté par le gestionnaire de réseau dans les zones non interconnectées.

* 136 Ces dispositifs étaient prévus à l'article L. 121-21 du code de l'énergie.

* 137 Les appels d'offres visant à développer les capacités d'effacement de consommation électrique seront organisés à partir de 2018, d'où un montant nul pour 2016 et 2017. L'ancien dispositif de soutien aux effacements, financé par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), perdure en 2017.

* 138 C'est le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres, dont la gestion est assurée par l'Agence de services et de paiement, qui est chargé du suivi des dossiers des demandes d'aides et qui assure leur versement.

* 139 En 2019, ce barème allait de 35 euros pour les véhicules émettant 117 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre à 10 050 euros pour les véhicules émettant plus de 191 grammes de dioxyde de carbone par kilomètre.

* 140 Soit 7 millions de véhicules.

* 141 Soit 3 millions de véhicules.

* 142 Arrêté du 27 septembre 2018 relatif au taux 2018 de la contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution pour le financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale.

* 143 « Le FACÉ : un outil indispensable mais perfectible au service de la qualité de l'électricité dans le monde rural », Rapport d'information n° 422 (2016-2017) de M. Jacques Genest, fait au nom de la commission des finances le 15 février 2017

* 144 Ibidem

2 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du CAS « FACÉ ».

* 145 Cette zone regroupe des arrondissements représentant à peu près la moitié ouest de Paris (les 1er, 2e, 7e, 8e, 9e, 10e, 15e, 16e et 17e) et plusieurs communes de la première couronne ouest (Boulogne-Billancourt, Courbevoie, Issy-les-Moulineaux, Levallois-Perret, Neuilly-sur-Seine et Puteaux), considérés comme particulièrement attractifs pour les locaux à usage de bureaux.

* 146 Ce groupe de travail est composé de Julien Bargeton, Arnaud Bazin, Vincent Capo-Canellas, Emmanuel Capus, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Vincent Eblé (Président), Rémi Féraud, Roger Karoutchi, Christine Lavarde (rapporteur), Sébastien Meurant, Jean-Claude Requier et Pascal Savoldelli.

* 147 La ligne Paris-Tarbes-Hendaye était maintenue jusqu'au 1 er juillet 2017 (ouverture de la ligne Tours-Bordeaux) et Paris-Nice jusqu'au 1 er octobre 2017.

* 148 Paris-Caen-Cherbourg/Trouville-Deauville, Paris-Rouen-Le Havre, Paris-Evreux-Serquigny, Paris-Granville et Caen-Le Mans-Tours.

* 149 Cette taxe résulte de l'application de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la fiscalité applicable dans l'enceinte de l'aéroport de Bâle-Mulhouse.

* 150 Cette somme était reversée précédemment au budget général mais le Parlement avait décidé de l'affecter au BACEA dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2016.

* 151 Traitement brut, primes, indemnités et cotisations sociales, hors CAS.

* 152 Rapport d'information n° 568 (2017-2018) « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe », de Vincent Capo-Canellas au nom de la commission des finances du Sénat.

* 153 Il intégrait par ailleurs des spécifications renforcées en termes de qualité du logiciel et de cyber sécurité.

* 154 Un nouveau directeur a été nommé à la tête de la direction de la technique et de l'innovation (DTI) en mars 2019, l'adjoint du DSNA est désormais chargé de superviser directement les grands programmes et un comité de surveillance externe du programme 4-Flight a été mandaté par la ministre chargée des transports.

* 155 Précédemment portés par le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables ».

* 156 Précédemment portés par le programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » et le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

* 157 Le décret n° 2011-1371 du 27 octobre 2011 précise les statuts et le fonctionnement de cet établissement public administratif.

* 158 En vertu de cette loi, le décret n° 2016-1036 du 28 juillet 2016 relatif au principe et aux modalités de fixation des redevances de réutilisation des informations du secteur public, autorise les organismes publics dont l'activité principale consiste en la collecte, la production, la mise à disposition ou la diffusion d'informations publiques, à établir des redevances lorsque la couverture des coûts liés à cette activité principale est assurée à moins de 75 % par des recettes fiscales, des dotations ou des subventions.

* 159 Conseil des Prélèvements Obligatoires, la Taxe sur la Valeur Ajoutée, décembre 2015.

* 160 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 161 Décision du 9 novembre 2018, Cour administrative d'appel de Nantes, 2 ème chambre, 09/11/2018, 14NT02365.

* 162 https://www.entreprises.gouv.fr/dge/transformation-de-la-direction-generale-des-entreprises-nouvelle-direction-d-etat-major-au-sein

* 163 Le dispositif des prêts de trésorerie conclus entre le 16 mars 2020 et le 31 décembre 2020, augmentant les capacités de financement de l'emprunteur et dont l'amortissement doit faire l'objet d'un décalage temporel de douze mois minimum, avec possibilité offerte à l'emprunteur de le prolonger jusqu'à six ans.

* 164 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (« loi ELAN »)

* 165 Pour mémoire, le coût d'une parabole pour la réception du signal satellite est d'environ 400 euros, étant entendu que la subvention de 150 euros versée par l'État peut le cas échéant être complétée par les collectivités.

* 166 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 167 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire sur la mission Économie.

* 168 Arrêté du 7 février 2020 relatif à l'approbation du cahier des charges de l'appel à projets « France très haut débit - Réseaux d'initiative publique - version 2020 ».

* 169 Le recensement en ligne a été généralisé en 2015. En 2019, 60 % de la population recensée a réalisé cette démarche via internet.

* 170 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 171 Source : réponses au questionnaire budgétaire.

* 172 La DG Trésor a pu déployer des moyens vers les nouvelles zones de croissance. C'est ainsi qu'elle a rouvert en 2013 le service économique de Maputo (au Mozambique), en 2014 celui de Téhéran (en Iran), en 2018 le service économique de Tripoli (en résidence administrative à Tunis) et a renforcé sa présence en Chine. Pour ce faire, dans un contexte de réduction de moyens, des postes ont été supprimés et des services économiques fermés ces dernières années sur des zones moins prioritaires ou couvertes directement par les services régionaux, par exemple à Chicago, Los Angeles, Skopje, Bilbao, La Valette, Wellington, Nicosie, Tirana, Kaboul et Port Louis.

* 173 Le contrat de performance signé en 2011 entre l'État et la Banque de France prévoit un paiement au coût réel des prestations effectuées par la Banque de France pour le compte de l'État. Ces prestations sont : le secrétariat des commissions de surendettement ; la tenue du compte du Trésor ; la mise en circulation des monnaies métalliques neuves ; l'organisation des séances d'adjudication des valeurs du Trésor ; la gestion des accords de consolidation des dettes des États étrangers ; le secrétariat du comité monétaire de la zone franc.

* 174 Le programme 866 « Prêts aux petites et moyennes entreprises » visait à compléter les enveloppes du second programme d'investissements d'avenir (PIA 2) par des prêts en faveur de la transition énergétique ou de l'amélioration de la compétitivité de sites de production (industrialisation, robotisation, numérique). Les crédits ouverts sur ce programme, soit un milliard d'euros, ont été versés dans leur intégralité aux opérateurs chargés de la mise en oeuvre du PIA, c'est-à-dire Bpifrance et la Caisse des dépôts et consignations. Ce programme temporaire a été supprimé en 2015.

* 175 D'après les informations du journal Le Monde , « l'échange porte sur des tests sanguins exportés par une entreprise allemande de droit privé pour un montant d'environ 500 000 euros »

* 176 Ce programme permettait à l'État de rembourser partiellement certains organismes débirentiers du coût de majorations des rentes viagères. L'article 142 de la loi n°2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 a en effet supprimé ce dispositif au 1 er janvier 2018. Toutefois, les versements de l'État correspondant aux remboursements partiels d'une année n étant effectués en année n+1, le programme 168 a été abondé jusqu'à l'exercice budgétaire 2018.

* 177 Article 22 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances : « les opérations budgétaires relatives à la dette et à la trésorerie de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont retracées dans un compte de commerce déterminé ».

* 178 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 179 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 180 Le choix de recourir à un compte d'affectation spéciale (CAS) pour faire transiter ces flux se justifie de deux manières. En premier lieu, il convient de rappeler l'interdiction du financement monétaire des États membres de la zone euro par les banques centrales nationales prévue par l'article 123 du traité relatif au fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). En second lieu, il était nécessaire d'isoler ces opérations spécifiques au sein du budget de l'État.

* 181 Dans les documents budgétaires transmis lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, ces hypothèses avaient été respectivement réévaluées à 0,2 % pour les OAT et - 0,5 % pour les BTF.

* 182 Le taux de couverture des adjudications a été particulièrement élevé en 2019 et a connu une forte progression entre 2018 et 2019 : de 286 % à 315 % pour les BTF et de 207 à 235 % pour les OAT.

* 183 Cour des comptes, Certification des comptes de l'État. Exercice 2019.

* 184 Cour des comptes, Le budget de l'État en 2019. Résultats et gestion.

* 185 Article 91 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 186 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire en 2019 du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

* 187 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 188 Annexe n°15 au rapport général n° 147 (2018-2019) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, sur le projet de loi de finances pour 2019.

* 189 Cour des comptes, Certification des comptes de l'État. Exercice 2019.

* 190 Le ministre de l'action et des comptes publics, M. Gérald Darmanin, a annoncé dans un communiqué de presse en date du 29 janvier 2020 les 50 premières villes sélectionnées pour accueillir un service des finances publiques (communiqué de presse n° 945).

* 191 Pour une description plus détaillée de ce plan, voir par exemple l'annexe n°15 au rapport général n° 147 (2018-2019) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, sur le projet de loi de finances pour 2019, ainsi que l'annexe n° 15 au rapport général n° 140 (2019-2020) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019, sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 192 C'est-à-dire par le programme 148 de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », mais également par d'autres programmes allouant des crédits à ces opérateurs.

* 193 Ces réformes sont décrites dans l'annexe n°15 au rapport général n° 140 (2019-2020) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019, sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 194 Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance.

* 195 Rapport d'information de MM. Thierry Carcenac et Claude Nougein, fait au nom de la commission des finances n° 651 (2018-2019) - 10 juillet 2019. « Le recouvrement des amendes de circulation et des forfaits de post-stationnement : un système grippé ? »

* 196 Audition de M. Jérôme Fournel, directeur général des finances publiques, devant la commission des finances du Sénat le 7 mai 2020. Compte-rendu : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20200504/fin.html#toc4

* 197 Dans le rapport n° 406 (2019-2020) déposé le 21 avril 2020, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2020, M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, a ainsi invité le Gouvernement à « informer la commission des finances de chaque utilisation faite de cette dotation, comme l'a déjà fait le ministre de l'action et des comptes publics le 15 avril dernier pour un premier abondement du fonds de solidarité à partir de cette dotation » .

* 198 Cour des comptes, note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédits non répartis » en 2019.

* 199 Annexe n°15 au rapport général n° 140 (2019-2020) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019, sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 200 Cour des comptes, note d'analyse sur l'exécution budgétaire de la mission « Crédits non répartis » en 2019.

* 201 Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, et d'après les informations transmises aux rapporteurs spéciaux, seule la moitié des projets sélectionnés par le Fonds pour la transformation de l'action publique était en cours de contractualisation.

* 202 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 203 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 de la mission « Action et transformation publiques ».

* 204 Annexe n°15 au rapport général n° 147 (2018-2019) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, sur le projet de loi de finances pour 2019 et annexe n°15 au rapport général n° 140 (2019-2020) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019, sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 205 Article 20 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 206 Celles-ci prévoient notamment que le total des dépenses engagées ou ordonnancées en cours d'année ne peut excéder le total des recettes constatées et que les montants d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement non consommés en année n-1 et reportés en année n ne dépassent pas le solde de trésorerie du compte à la fin de l'année n-1 (`article 21 de la loi organique relative aux lois de finances).

* 207 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 208 Voir par exemple le rapport d'information « De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace », de MM. Michel Bouvard et Thierry Carcenac (31 mai 2017), ainsi que l'annexe n°15 au rapport général n° 147 (2018-2019) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018, sur le projet de loi de finances pour 2019 et l'annexe n°15 au rapport général n° 140 (2019-2020) de MM. Claude Nougein et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019, sur le projet de loi de finances pour 2020.

* 209 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

* 210 Décret n° 2019-1229 du 25 novembre 2019 portant virement de crédits.

* 211 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019

* 212 Rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Sébastien Meurant, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017.

* 213 Rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Sébastien Meurant, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.

* 214 Ibid.

* 215 Ces derniers ont été inscrits au plafond 2020 de l'Ofpra.

* 216 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 217 Rapport général n° 108 (2017-2018) de M. Sébastien Meurant, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 novembre 2017.

* 218 Arrêté du 25 janvier 2018 portant report de crédits.

* 219 L'arrêté du 13 mars 2019 portant report de crédits ouvre 250 millions d'euros d'AE sur le programme 421 et 700 millions d'AE sur le programme 423.

* 220 La loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019 prévoit l'ouverture de 120,3 millions d'euros d'AE sur le programme 422 ainsi que l'annulation de 28 millions d'euros d'AE sur le programme 421 et de 140,3 millions d'euros d'AE sur le programme 423.

* 221 Il s'agit de dotations versées dans leur intégralité aux opérateurs mais ne pouvant être versées aux bénéficiaires que par tranches annuelles dont le montant ne peut excéder 10 % de la dotation. Elles sont principalement utilisées pour les actions du programme 421 relatives à la recherche.

* 222 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 223 Philippe Tibi, Financer la quatrième révolution industrielle : lever le verrou du financement des entreprises technologiques, rapport remis au Premier ministre, juillet 2019.

* 224 Ibid., p. 7.

* 225 Cour des comptes, Note sur l'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Investissements d'avenir » en 2019.

* 226 Source : compte général de l'État 2019.

* 227 Rapport fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances rectificative pour 2019 par M. Albéric de Montgolfier, Rapporteur général, 14 novembre 2019, p. 24.

* 228 Alain Juppé et Michel Rocard, « Investir pour l'avenir : priorités stratégiques d'investissement et emprunt national », novembre 2009.

* 229 Cour des comptes, Note sur l'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Investissements d'avenir » en 2019, p. 9.

* 230 Jean Bizet, Annexe n° 17 au rapport général fait nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2020 par M. Albéric de Montgolfier, p. 25-26, 21 novembre 2019.

* 231 Comité de surveillance des investissements d'avenir, « Le programme d'investissement d'avenir, un outil à préserver, une ambition à refonder », novembre 2019.

* 232 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Justice », 2019.

* 233 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 234 Rapport annuel de performance, p.78.

* 235 Rapport annuel de performances, p. 60.

* 236 Comme le rappelle le rapport annuel de performances annexé à la présente mission, « l'indemnité pour charges pénitentiaires des surveillants pénitentiaires a augmenté de 40 % au 1 er janvier 2018 pour être portée à 1 400 euros, l'indemnité dimanches et jours fériés a augmenté de 10 euros au 1 er mars 2018 et la prime de sujétions spéciales aura augmenté de 2 points soit 28 % à terme pour l'ensemble des personnels de surveillance d'ici 2021, à raison de 0,5 point d'augmentation chaque année ».

* 237 Rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Antoine LEFÈVRE, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.

* 238 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 239 Le mécanisme de garantie des ressources a été activé pour la première fois en 2010. Il a également permis de garantir le niveau de ressources de l'audiovisuel public en 2016 et en 2017.

* 240 S'agissant des dispositifs sociaux, le rapporteur spécial reprend une estimation retenue par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire, soit 114 millions d'euros. Le rapport annuel de performances 2019 ne précise pas en effet le montant dédié.

* 241 Ce montant intègre 21,65 millions correspondant au paiement des abonnements.

* 242 Document de politique transversale « Outre-mer » annexé au projet de loi de finances pour 2019.

* 243 Article 17 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 244 Article 15 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 245 Rapport général n° 147 (2018-2019) de MM. Nuihau LAUREY et Georges PATIENT, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.

* 246 Note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes sur la mission « Outre-mer ».

* 247 Chiffre ramené à 60 millions d'euros en 2020.

* 248 Rapport général n° 147 (2018-2019) de MM. Nuihau LAUREY et Georges PATIENT, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018.

* 249 Les crédits consommés par ce dernier étaient alors inférieurs de 3,2 millions d'euros en AE et de 6,78 millions d'euros en CP à la prévision.

* 250 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 251 Article 199 undecies C du code général des impôts.

* 252 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 253 Ces opérations relèvent alors du programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État ».

* 254 Ces opérations relèvent alors du programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État ».

* 255 Le projet annuel de performances annexé pour 2019 précise ainsi que, « comme les années précédentes, il s'agit d'une prévision notionnelle qui ne saurait en aucun cas préjuger du choix et des montants des opérations telles qu'elles pourraient être décidées et mises en oeuvre en 2019 ».

* 256 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », p. 58.

* 257 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », p. 58.

* 258 Il s'agit du CAC 40 GR -pour gross return ou rendement brut), c'est-à-dire l'indice mesurant à la fois l'évolution du cours de bourse des sociétés composant l'indice et le montant des dividendes versés et réinvestis en actions de ces mêmes sociétés.

* 259 Voir la note sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » de M. Victorin Lurel du 14 avril 2020.

* 260 Loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 261 À ce prêt d'actionnaire s'ajoute la garantie de l'État à hauteur de 90 % pour la souscription d'un prêt bancaire de 4 milliards d'euros.

* 262 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », pp. 31-32.

* 263 Ibid.

* 264 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », p. 34.

* 265 À savoir le plan Nano et des concours d'innovation du programme « Deep tech ».

* 266 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », p. 57.

* 267 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 268 Cf. décision du Conseil constitutionnel n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001.

* 269 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 270 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 271 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019.

* 272 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 273 Loi n°2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et la réussite des étudiants.

* 274 Cour des comptes, Communication au comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale sur un premier bilan de l'accès à l'enseignement supérieur dans le cadre de la loi orientation et réussite des étudiants, 27 février 2020.

* 275 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 276 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

* 277 Décret n° 2019-205 du 19 mars 2019 relatif aux modalités de programmation et de suivi des actions financées par la contribution de vie étudiante et de campus

* 278 Rapport d'information n° 130 (2019-2020) du 19 novembre 2019 par M. Philippe Adnot, fait au nom de la commission des finances, « le financement à la performance : une condition de l'attractivité des universités françaises » : http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-130-notice.html

* 279 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Recherche et enseignement supérieur » en 2019, p. 36

* 280 Dossier de presse du Ministère de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation, « 5 milliards d'euros pour permettre à la recherche de relever les défis d'aujourd'hui et de demain », 25 mars 2020.

* 281 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Recherche et enseignement supérieur » en 2019, p. 90.

* 282 L'utilisation de la marge de gestion en 2019 est détaillée dans l'annexe n° 12 à la note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Recherche et enseignement supérieur » en 2019 de la Cour des comptes.

* 283 Alinéas 2 et 3 de l'article 40 sexies du code général des impôts.

* 284 Article 291-1-a quater du code général des impôts.

* 285 Soit la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour le programme 190, la mission « Économie » pour le programme 192, la mission « Défense » pour le programme 191, la mission « Culture » pour le programme 186 et la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour le programme 142.

* 286 MM. Philippe Adnot et Jean-François Rapin, annexe n° 23 au rapport général fait par Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2019, 22 novembre 2018.

* 287 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances.

* 288 Qui aurait été décidé par la seule direction du budget.

* 289 En pratique, compte tenu des délais de paiement, le versement effectif de la pension revalorisée n'intervient qu'en novembre, dans la plupart des cas.

* 290 Le contexte des régimes spéciaux est sensible à des évolutions économiques et sociodémographiques pouvant marquer les entreprises auxquelles ils sont associés, sort commun à tous les régimes de retraites mais particulièrement prononcé pour les régimes spéciaux qui, du fait de leur isolement, ne bénéficient pas des effets amortisseurs de régimes reposant sur des activités économiques plus diversifiées.

* 291 Hors le remboursement de la dette de l'État envers le régime.

* 292 Au titre des seules pensions

* 293 Par ailleurs, compte tenu de l'isolement de ces régimes et du fait que certains d'entre eux concernent des entreprises (plus ou moins) soumises à la concurrence, les hypothèses économico-démographiques sur lesquelles reposent les projections apparaissent d'emblée affectées d'incertitudes qu'il serait utile d'illustrer par des projections établies en variantes. Cette recommandation s'impose d'autant plus que les hypothèses choisies pour réaliser les projections ne sont pas présentées avec un détail suffisant dans le cadre du compte général de l'État. On ne peut qu'ajouter quelques interrogations sur les effets de l'innovation technologique notamment sur les conditions de financement des régimes concernant les entreprises de transport où les progrès de productivité par tête pourraient aboutir à une reconsidération radicale des modalités de financement de la protection sociale dans l'hypothèse où ils seraient captés par le capital.

* 294 Ainsi, un besoin de financement de 475 milliards d'euros en 2119 équivaut grosso modo à un besoin de financement annuel moyen de 4,8 milliards d'euros, résultat à comparer avec les 6,2 milliards d'euros de dépenses de la mission en 2019.

* 295 Les évolutions résultant de la réforme ferroviaire sur les charges d'équilibre supportées par la mission exerceront des effets inverses, du moins un certain temps, sur l'équilibre du régime général, qui devrait « récupérer » de nouveaux cotisants sans charges de pensions immédiates. La négociation de la nouvelle convention collective semble intégrer le maintien des conditions spécifiques de retraite des employés de l'entreprise mais attend confirmation d'autant que la mise en oeuvre d'un régime universel de retraite fondé sur un principe d'égalité des rendements contributifs paraît très difficilement compatible avec un tel maintien.

* 296 En autorisations d'engagement (AE) = crédits de paiement (CP).

* 297 Situation tout à fait théorique ces dernières années, arquées par des excédents récurrents des recettes sur les charges.

* 298 Le rapport démographique comporte à son numérateur les effectifs de cotisants et à son dénominateur les effectifs de retraités de droit direct ou indirect.

* 299 Ce motif de dépenses concerne principalement la fonction publique militaire du fait des conditions particulières de la carrière de ces personnels, les dépenses d'affiliation rétroactive des personnels civils étant limitées à 13 millions d'euros sur un total de dépenses de 197 millions d'euros.

* 300 Les cotisations sociales ne représentent que 20 % des ressources, la subvention de l'État 73,2 %, ce qui reflète largement un déséquilibre démographique majeur, le nombre des cotisants rapporté à celui des pensionnés se situant autour de 0,25.

* 301 L'augmentation des taux de cotisation aux régimes complémentaires des salariés du secteur privé a induit un nouveau décalage.

* 302 Les autres dépenses du programme 741, en particulier les charges de compensation démographique, ont rétrogradé.

* 303 Moyennant quelques écarts se compensant les uns les autres.

* 304 La revalorisation a suscité un alourdissement des pensions militaires de 20 millions d'euros.

* 305 Les différentes évaluations des engagements de retraite de l'État pour ses fonctionnaires civils et militaires correspondent au montant des réserves dont devrait disposer l'État pour financer l'ensemble des prestations de retraite actuellement portées en engagements par l'État, tout au long de la retraite des pensionnés.

* 306 Le besoin de financement intègre les perspectives de recettes des régimes des fonctionnaires de l'État et décompose les engagements de retraite exposés plus haut par année. Un besoin de financement négatif correspond à une capacité de financement c'est-à-dire à une situation d'excès des recettes par rapport aux dépenses.

* 307 L'horizon de la projection est décalé de 2050 à 2070 tandis que les taux d'actualisation sont globalement inférieurs ce qui implique des revalorisations des pensions moins dynamiques.

* 308 Depuis l'édition 2016, le compte général de l'État pour 2016 ne reprend plus la projection à très long terme (horizon de 100 ans) des besoins de financement actualisés cumulés du compte, ce qu'il faut regretter compte tenu de la durée pertinente d'appréciation des équilibres des régimes de retraite.

* 309 On pourrait supposer que le taux d'accumulation du capital est une condition de la croissance qui suppose une déformation plus ou moins forte du partage de la valeur ajoutée ou encore qu'aux horizons de projection utilisés une modification de la fonction de production économisant du travail se produira, toutes supputations qui conduisent à poser la question de la structure de financement de la protection sociale, particulièrement prégnante pour la protection contre le risque viager, dont le financement est essentiellement contributif.

* 310 Les données pour 2019 ne sont pas compilées mais les analyses supra montrent que les agents publics ont reporté leur âge de départ en retraite en 2019.

* 311 On ne peut davantage estimer qu'elle est arbitraire tant la soutenabilité d'une rigidité des salaires publics pose problème. Par ailleurs, il existe des facteurs moins économiques qui peuvent modifier la trajectoire tendancielle des recettes du CAS.

* 312 Les développements ultérieurs (voir infra) illustrent les limites d'une approche en cas-type. La diversité des carrières dans la fonction publique associée à la diversité des règles de constitution des droits à retraite (et des comportements de départ en retraite) aboutissent à une sensibilité très variable des droits à pension par rapport aux mécanismes qui, à ce jour, concourent à l'équilibre des régimes en cause (proratisation, décote-surcote).

* 313 Ce terme, comme on l'a indiqué plus haut, a suscité une baisse de la valeur des pensions nouvellement liquidées.

* 314 Comme le prévoit le II de l'article 259 de la LFI pour 2019, en ponctionnant le montant ouvert pour la DSID avant répartition de ses deux fractions.

* 315 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire sur la mission Remboursements et Dégrèvements

* 316 Pour rappel, cette dépense correspond uniquement à la restitution du reliquat de la créance issue des impositions 2011 et 2012, devenue de droit pour l'ensemble des contribuables encore titulaires d'une créance.

* 317 Conseil constitutionnel, décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017

* 318 Commission européenne, « VAT Gap report », septembre 2018, p. 31.

* 319 Rapport remis par la Gouvernement au Parlement en application de l'article 25 de la loi n°2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 320 La fraude aux prélèvements obligatoires, Évaluer, prévenir, réprimer, Cour des comptes, novembre 2019.

* 321 La fraude aux prélèvements obligatoires, Évaluer, prévenir, réprimer, Cour des comptes, novembre 2019, P. 104.

* 322 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019

* 323 Article 266 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 324 L'Agence française de développement a consenti à l'agence de santé de Wallis-et-Futuna un prêt de 26,7 millions d'euros en 2015, dont le remboursement, commencé en 2016 est, en principe, échelonné sur 20 ans. Le solde au 31 décembre 2019 était établi à 21,3 millions d'euros.

* 325 Article 264 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 326 Rapport annuel d'activité 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

* 327 L'année 2019 constitue également une année particulièrement révélatrice des difficultés des forces de sécurité intérieure et du climat social dans lequel elles exercent leur activité. Dans ce cadre, à l'appel d'une intersyndicale inédite depuis près de vingt ans, plus de 20 000 policiers ont défilé mercredi 2 octobre 2019 à Paris pour une «marche de la colère».

* 328 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 329 Il s'agit, notamment, de la transposition pour la police et la gendarmerie nationale du protocole de modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations (PPCR).

* 330 Cour des comptes, référé au Premier ministre du 13 mars 2018 sur les rémunérations et le temps de travail dans la police et la gendarmerie nationales.

* 331 Ce protocole fait suite à un amendement du gouvernement adopté par l'Assemblée nationale, qui prévoyait de « de financer une prime exceptionnelle de 300 € qui sera versée aux 111 000 policiers et militaires qui ont participé aux récentes opérations [de maintien de l'ordre] »

* 332 Amendement à l'Assemblée nationale n° 1341 du 18 décembre 2018 sur le projet de loi de finances pour 2019.

* 333 Revalorisation de l'allocation de maîtrise (AM) pour la police nationale, de l'allocation de mission judiciaire (AMJ) pour la gendarmerie nationale, et de l'indemnité de sujétion spéciale police (ISSP).

* 334 Note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes.

* 335 Les données définitives pour l'année 2019 ne sont pas fiabilisées au moment de la publication du présent rapport.

* 336 Rapport général n° 625 (2018-2019) de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 juillet 2019.

* 337 Parc automobile, armements, munitions, équipements de sécurité et habillement des personnels en tenue.

* 338 Rapport d'information n°717 (2017-2018) de M. Philippe Dominati, fait au nom de la commission des finances, Les équipements de la police et de la gendarmerie (acquisition et utilisation).

* 339 Depuis le 1 er janvier 2015, les dépenses de titre 2 du programme 207 « Sécurité et éducation routières » ont été transférées au programme support 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieure », de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », afin d'en améliorer la gestion.

* 340 Bilan de l'accidentalité routière en 2019 de l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR).

* 341 Françoise Dumas, député, Stanislas Guérini, député, Marie-Grâce Lux, inspectrice générale de l'administration, et Nicolas Dupas, Vers un permis de conduire plus accessible et une éducation routière renforcée (rapport au Premier ministre), 12 février 2019.

* 342 Le programme 751 intègre, depuis le 1 er janvier 2017, les anciens programmes 751 « Radars » et 752 « Fichier national du permis de conduire ».

* 343 « I. - Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. »

* 344 Note d'analyse de l'exécution budgétaire en 2019 de la mission « Sécurités », Cour des comptes.

* 345 Introduit par la commission des finances du Sénat par amendement de son rapporteur général, cet article précise qu' « à compter de l'exercice 2019, le plafond des autorisations d'emplois prévu en loi de finances initiale [...] ne peut excéder de plus de 1 % la consommation d'emplois constatée dans la dernière loi de règlement, corrigée de l'incidence des schémas d'emplois, des mesures de transfert et des mesures de périmètre intervenus ou prévus » . Le Gouvernement a cependant tenu à l'appliquer dès l'exercice de 2018 à travers l'article 8 de la loi n° 2018-1104 du 10 décembre 2018 de finances rectificative pour 2018.

* 346 Rapport d'information n° 739 (2018-2019) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 25 septembre 2019.

* 347 Le RAP pour 2019 précise ainsi qu' « à plus longue échéance, la mise en place d'un système de comptabilité analytique est envisagée. Afin de structurer sa démarche, en 2019, le ministère a notamment initié une phase de benchmarking auprès d'autres ministères et a participé aux séances de travail organisées en interministériel dans le cadre de l'animation des référents CAN par la direction du budget ».

* 348 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 349 Décret n° 2018-767 du 31 août 2018 relatif au financement des mandataires judiciaires.

* 350 Rapport d'information d'Arnaud Bazin et Éric Bocquet, fait au nom de la commission des finances du Sénat, « Un dispositif vital, un financement menacé ? Un modèle associatif fondé sur le bénévolat à préserver » (octobre 2018).

* 351 Prévus par la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

* 352 Il s'agit de l' abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites (programme 157) : 4 383 millions d'euros ; de l'exonération des prestations familiales, de l'allocation aux adultes handicapés ou des pensions d'orphelin, de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, de l'allocation de garde d'enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d'accueil du jeune enfant (programme 304) : 1 916 millions d'euros ; de l'exonération de taxe d'habitation en faveur des personnes âgées, handicapées ou de condition modeste (programme 157) : 1 838 millions d'euros.

* 353 Voir la contribution de M. Éric Jeansannetas, rapporteur spécial, sur l'exécution des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » au sein du rapport n° 693 (2018-2019) de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, déposé le 23 juillet 2019.

* 354 Voir la note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour 2019, Cour des comptes, p. 14.

* 355 De trois à six entre 2018 et 2019, contre une cible initialement fixée à deux lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019.

* 356 Décret n° 2018-460 du 8 juin 2018.

* 357 Article 272 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 358 Article 14 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 359 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 360 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019.

* 361 Décrets d'avance ou d'annulation.

* 362 Cour des comptes, Le bilan de la transformation de l'inspection du travail, avril 2020.

* 363 Rapport d'information n° 143 de M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian fait au nom de la commission des finances du Sénat, L'inspection du travail : un modèle à renforcer

* 364 Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, «L'évaluation économique de l'expérimentation visant à résorber le chômage de longue durée », octobre 2019 ; Rapport intermédiaire du comité scientifique en charge de l'évaluation de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », 25 novembre 2019

* 365 Cour des comptes, Rapport public annuel 2018.

* 366 Auparavant, les missions locales étaient financées par un forfait de 1 600 euros versé « au contrat » en trois tranches dont deux étaient conditionnées à l'entrée effective du jeune dans le parcours et à une sortie positive. Désormais, 90 % de leur financement permet d'abonder un budget globalisé tandis que 10 %sont indexés sur des indicateurs de résultat.

* 367 Source : Compte général de l'État annexé au projet de loi de règlement 2019.

* 368 Cour des comptes, note d'analyse sur l'exécution de la mission « Travail et emploi » en 2019, pp. 16-17.

* 369 Articles L. 6123-5 et R. 6123-24 du code du travail.

* 370 Cour des comptes, « Les services numériques de Pôle emploi : une transformation stratégique, des défis importants », Rapport public annuel 2020.

* 371 Le programme 103 permet également la compensation à la Sécurité sociale de l'exonération de cotisations sociales dont bénéficient les employeurs publics d'apprentis, afin que ces derniers bénéficient du même régime que les employeurs privés d'apprentis au titre des allègements généraux, auxquels ils ne sont en principe pas éligibles. En exécution 2019, le coût de ce dispositif s'élève à 582,3 millions d'euros.

* 372 Article 13 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

* 373 Source : Compte général de l'État 2019

* 374 Article 274 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020. Pour plus de détails, voir l'annexe n°31 au rapport général fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2020, par M. Albéric de Montgolfier des rapporteurs spéciaux Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian, pp. 48-55.

* 375 Rapport du comité d'évaluation de l'expérimentation des emplois francs, 13 décembre 2019.

* 376 Stéphanie Mas, Emploi et développement économique dans les quartiers prioritaires : d'importantes difficultés subsistent mais un rééquilibrage semble à l'oeuvre, commissariat général à l'égalité des territoires - observatoire national de la politique de la ville, rapport annuel 2018, mars 2019.

* 377 « Les maisons de l'emploi : renforcer leur gouvernance et pérenniser leur financement pour une politique territoriale de l'emploi vraiment efficace », rapport d'information d'Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian, fait au nom de la commission des finances, n° 652 (2017-2018) - 11 juillet 2018.

* 378 Article 87 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 379 Article 190 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 380 Arrêté du 21 octobre 2019 fixant le montant du fonds de soutien aux régions et à la collectivité de Corse .

* 381 Article 74 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.

* 382 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » en 2019, p. 21.

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