B. DES EXTERNALITÉS POSITIVES POUR NOS TERRITOIRES

Outre la production d'électricité, l'énergie hydraulique présente de nombreuses externalités positives pour nos territoires :

• Tout d'abord, ses émissions sont limitées entre 10 et 13 10 ( * ),11 ( * ) grammes d'équivalents en dioxyde de carbone par kilowattheure (gCO 2 eq/kWh), ce qui en fait une source d'énergie largement décarbonée ;

• En outre , les installations « par éclusées » ou « centrales de lac » ainsi que les STEP offrent une solution de modulation et de stockage de l'électricité , ce qui contribue à garantir l'équilibre entre la production et la consommation d'énergie et à renforcer la flexibilité et la sécurité du système électrique ;

• Nos concessions hydroélectriques permettent de surcroît d'autres usages , bien au-delà de la production ou du stockage de l'électricité : l'alimentation en eau potable, l'irrigation des terres agricoles ou la navigation marchande ou récréative ;

• Sur le plan économique, l'hydroélectricité représente au total 3,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 636 millions d'euros d'investissements et 11 600 emplois 12 ( * ) ;

• Elle constitue un levier d'aménagement pour nos territoires ruraux , en particulier en zones de montagne, les trois quarts des installations hydroélectriques étant situées en régions Auvergne-Rhône-Alpes, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur 13 ( * ) ;

• Enfin, d'un point de vue patrimonial, nos « moulins à eau » sont à l'évidence d'une grande richesse.

C. DES FREINS PERSISTANTS AU POTENTIEL HYDROÉLECTRIQUE

En dépit de son intérêt, l'hydroélectricité est confrontée à plusieurs freins.

1. Le premier a trait à la faiblesse du cadre stratégique.

Si la loi « Énergie-Climat » a fait progresser notre cadre stratégique , en matière énergétique et climatique, elle n'a pas permis de le parachever s'agissant de l'hydroélectricité.

Certes, plusieurs progrès ont été réalisés depuis l'adoption de cette loi :

• D'abord, la nécessité d'« encourager la production d'énergie hydraulique » et notamment « la petite hydroélectricité » a été inscrite parmi les objectifs de notre politique énergétique nationale , à l'initiative de la commission des affaires économiques (4° bis de l'article L. 100-4 du code de l'énergie) ;

• Ensuite, la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 14 ( * ) prévoit les cibles de 26,4 à 26,7 GW de puissance installée pour l'hydroélectricité d'ici à 2028 et de 1,5 GW pour les STEP entre 2030 et 2035 ;

• Enfin, la « loi quinquennale » , qui déterminera, à compter de 2023, les objectifs de notre politique énergétique nationale, devra en comprendre sur le « développement des énergies renouvelables pour l'électricité » et la « diversification du mix de production d'électricité » (Article L. 100-1 A du même code).

• Pour autant, ce cadre stratégique est inachevé :

• Les objectifs figurant à l'article L. 100-4 du code de l'énergie ne sont ni chiffrés, ni complets , contrairement à toutes les autres énergies décarbonées ;

• Ceux inscrits dans la PPE sont en-deçà des attentes des professionnels et ne tiennent pas compte des différents régimes ou puissances des installations hydroélectriques ;

• Enfin, ceux prévus par la « loi quinquennale » ne prennent pas assez en compte la production hydraulique et son stockage , à l'inverse de la rénovation énergétique.

2. Une autre difficulté provient de la complexité normative.

Si les lois « Transition énergétique » 15 ( * ) , « Autoconsommation » 16 ( * ) et « ASAP » 17 ( * ) ont permis d'ajuster certains normes, un chantier de simplification d'ampleur reste nécessaire.

Ces lois ont respectivement apporté quelques avancées utiles :

• D'abord, les installations hydroélectriques entrent dans le champ de l' autorisation environnementale , ce qui signifie que les porteurs de projets peuvent bénéficier de souplesses de la part des services de l'État (dossier, instruction et enquête publique uniques ; calendrier des procédures ; certificat de projet 18 ( * ) ) ;

• Ensuite, une dérogation à l'application des règles de continuité écologique a été introduite pour les « moulins à eau » 19 ( * ) (article L. 214-18-1 du code de l'environnement) ;

• Enfin, depuis la loi « ASAP », dont l'auteur de la proposition de loi était le rapporteur pour le Sénat, les porteurs de projets peuvent faire examiner, dans le cadre de l'autorisation environnementale, leur éventuelle demande de dérogation aux objectifs de qualité et de quantité des eaux fixés par les schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).

Cependant, l 'hydroélectricité demeure entravée par la complexité :

• Cette complexité est normative , car cette activité doit s'articuler avec les règles relatives à la restauration de la continuité écologique des cours d'eau, prévue par la loi « LEMA » 20 ( * ) , prise en application d'une directive européenne 21 ( * ) :

- cette loi prévoit un classement des cours d'eau en deux catégories 22 ( * ) , interdisant tout obstacle sur ceux de catégorie 1 et imposant des aménagements sur ceux de catégorie 2 (Article L. 214-17 du code de l'environnement) : à elle seule, la catégorie 1 réduit les deux tiers du potentiel de développement de l'hydroélectricité 23 ( * ) ;

- la loi « LEMA » a également introduit une obligation en matière de « débit réservé » 24 ( * ) (Article L. 214-18 du même code), qui pèse aussi sur ce potentiel.

• À cette complexité normative s'ajoute une complexité administrative :

- à l'échelle nationale, l'action du ministère de la transition écologique (MTE) est partagée entre deux directions pour le suivi des installations hydroélectriques : la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), pour le régime de la concession, et la Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB), pour celui de l'autorisation ;

- localement, les pétitionnaires font face à beaucoup d'acteurs : les directions départementales des territoires - DDT, les directions générales de l'environnement, de l'aménagement et du logement - DREAL, les offices français de la biodiversité - OFB, les agences de l'eau, les architectes des bâtiments de France - ABF, les services des impôts des entreprises - SIE, les collectivités territoriales, EDF, Enedis...

• Au total, cette situation de complexité pèse sur les dépenses des professionnels , leurs dépenses d'investissement s'élevant entre de 2 100 à 5 600 euros par kilowatt (kW) et celles de fonctionnement entre 40 et 130 euros ; à titre d'illustration, une « passe à poissons » représente un coût de 2 à 5 millions d'euros pour une centrale d'1 MW 25 ( * ) .

3. Enfin, l'hydroélectricité est soumise à une forte pression fiscale.

S'il existe des dispositifs de soutien fiscaux ou budgétaires en matière d'hydroélectricité, leur montant demeure limité.

Certes, quelques dispositifs de soutien ont récemment été institués :

• La loi de finances initiale pour 2019 26 ( * ) a permis aux communes et aux EPCI d'exonérer de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) « les parties d'une installation hydroélectrique destinées à la préservation de la biodiversité et de la continuité écologique » à l'instar des « passes à poissons » (Article 1382 G du code général des impôts)

• Des dispositifs de soutien existent également dans ce domaine, en guichet ouvert pour les installations neuves ou rénovées inférieures à 1 MW et par appel d'offres pour celles neuves entre 1 et 4,5 MW.

Pour autant, le montant de ces dispositifs de soutien compense parfois à peine les charges fiscales pesant sur les porteurs de projets :

• Les installations hydroélectriques entrent en effet dans le champ de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), de la contribution économique territoriale (CET) - composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) -, de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), des taxes foncières - sur les propriétés bâties (TFPB) et non bâties (TFPNB) -, des redevances diverses - comme celles des agences de l'eau ;

• Au total, les charges fiscales représentent entre 10 et 50 euros par kW ; à titre d'illustration, la taxe foncière concentre 7 % du total des coûts de fonctionnement annuels 27 ( * ) .


* 10 Selon que les installations disposent d'un réservoir ou sont « au fil de l'eau ».

* 11 Selon une analyse du cycle de vie (ACV).

* 12 Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), Étude Marchés et emplois dans le domaine des énergies renouvelables, 2014-2016, mars 2019.

* 13 Réseau de transport d'électricité (RTE) France, Bilan électrique 2020, janvier 2021.

* 14 Décret n° 2020-456 du 21 avril 2020 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.

* 15 Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

* 16 Loi n° 2017-227 du 24 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-1019 du 27 juillet 2016 relative à l'autoconsommation d'électricité et n° 2016-1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et visant à adapter certaines dispositions relatives aux réseaux d'électricité et de gaz et aux énergies renouvelables.

* 17 Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique

* 18 C'est-à-dire un cadrage préalable sur les procédures et les délais applicables au projet.

* 19 Ils sont dispensés des règles prévues pour les cours d'eau de catégorie 2.

* 20 Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l'eau et sur les milieux aquatiques.

* 21 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

* 22 Sur les cours d'eau de catégorie 1, qui sont caractérisés par un très bon état écologique ou identifiés comme des réservoirs biologiques, il est interdit d'accorder toute nouvelle autorisation ou concession d'ouvrages constituant « un obstacle à la continuité écologique ». Sur les cours d'eau de catégorie 2, sur lesquels il est nécessaire d'assurer « le transport des sédiments ou la circulation des poissons », la gestion, l'entretien et l'équipement d'ouvrages sont subordonnés à des règles définies par l'autorité administrative.

* 23 France Hydroélectricité, La petite hydroélectricité. Produire avec son temps pour demain, janvier 2018

* 24 C'est-à-dire le maintien d'un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces.

* 25 CRE, Rapport Coût et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, janvier 2020.

* 26 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 27 CRE, Rapport Coût et rentabilités de la petite hydroélectricité en métropole continentale, janvier 2020.

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