V. TIRER LES CONSÉQUENCES DE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE JUSTICE DE L'UNION EUROPÉENNE ET DU CONSEIL D'ÉTAT EN MATIÈRE DE CONSERVATION DES DONNÉES

Les articles 15 et 16 du projet de loi, issus de la lettre rectificative du Premier ministre, mettent en place un régime en matière de conservation des données et pour les techniques de renseignement soumises au contrôle de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), tirant les conséquences de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 6 octobre 2020 et de la décision French data Network et autres du Conseil d'État du 21 avril 2021 .

La CJUE, dans son arrêt du 6 octobre 2020 « La Quadrature du net », a estimé que le droit de l'Union européenne s'oppose à des mesures législatives prévoyant une conservation généralisée et indifférenciée des données relatives au trafic et des données de localisation , sauf pour les besoins de la sécurité nationale et en cas de menace grave « qui s'avère réelle et actuelle ou prévisible ». Dans ce cadre, la période durant laquelle la conservation est autorisée doit être limitée au strict nécessaire et être assortie de garanties effectives et d'un contrôle par une juridiction ou une autorité administrative indépendante.

L'article 15 modifie les articles L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE) et 6 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN). Il prévoit qu'en cas de menace grave, actuelle ou prévisible pour la sécurité nationale , le Premier ministre peut enjoindre aux opérateurs de communications électroniques , par un décret dont la durée d'application ne peut excéder un an , de conserver, pour une durée d'un an également, certaines catégories de données de connexion dont la nature serait précisée par un décret en Conseil d'État.

Il inscrit par ailleurs dans la loi la durée de conservation - ainsi que les finalités de cette conservation - des diverses catégories de données et informations.

Système de conservation des données
mis en place par l'article 15 du projet de loi

Données conservées

Obligation
de conservation

Durée de conservation
des données

Finalités

Identité civile

Permanente

5 ans à compter de la fin
de validité du contrat

Procédures pénales

Menaces
contre la sécurité publique

Sauvegarde
de la sécurité nationale

Coordonnées de contact et de paiement, données relatives aux contrats et aux comptes

Permanente

1 an à compter de la fin
de validité du contrat
ou de la clôture du compte

Procédures pénales

Menaces
contre la sécurité publique

Sauvegarde
de la sécurité nationale

Adresses IP et équivalents

Permanente

1 an à compter
de la connexion
ou de l'utilisation
des équipements terminaux

Criminalité grave

Menaces graves
contre la sécurité publique

Sauvegarde
de la sécurité nationale

Autres données de trafic et données de localisation

Temporaire pour 1 an,
en cas de menace grave, actuelle ou prévisible , contre la sécurité nationale

1 an

Sauvegarde
de la sécurité nationale

Criminalité grave et manquements graves
aux règles via une injonction de conservation rapide

Source : commission des lois du Sénat

Bien qu'il puisse remettre en cause les capacités d'enquête de l'autorité judiciaire pour les autres infractions pénales , conformément à la lettre de l'arrêt européen, la commission a estimé qu'en l'état, il n'y avait d'autre choix que d'adopter l'article 15 pour conserver les capacités opérationnelles des services de renseignement et celles de l'autorité judiciaire en cas de « criminalité grave » .

L' article 16 étend à toute technique de renseignement le mécanisme prévu pour l'introduction dans un lieu privé à usage d'habitation lorsque la CNCTR s'oppose à une mise en oeuvre. Dans ce cas, la saisine de la formation spécialisée du Conseil d'État compétente en matière de techniques de renseignement sera obligatoire et celle-ci ne pourra être mise en oeuvre, sauf urgence, avant qu'elle n'ait statué. La formation spécialisée devra se prononcer en 24 heures.

L' article 17 ter étend aux demandes d'autorisation d'exploitation en matière de communications internationales de personnes susceptibles d'être françaises le régime d'avis de la CNCTR, étendant ainsi le contrôle sur la surveillance internationale dans la mesure où elle peut être liée à une personne de nationalité française.

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