N° 743

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juillet 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de règlement du budget et d' approbation des comptes de l' année 2020 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME II

CONTRIBUTIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 28

Santé


Rapporteur spécial : M. Christian KLINGER

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, M. Christian Bilhac, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4090 , 4195 et T.A. 628

Sénat :

699 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. La mission Santé est composée de deux programmes : le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » et le programme 183 « Protection maladie », principalement consacré au financement de l'aide médicale d'État (AME). En 2020, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Santé » s'élèvent à 1 724 millions d'euros, soit 52,8 % de plus que la prévision retenue en loi de finances initiale. Cette surconsommation résulte pour l'essentiel de la mise en place d'un fonds de concours rattaché au programme 204, dédié au financement de dispositifs de lutte contre la crise sanitaire. Celui-ci a été doté, en mars 2020, de 700 millions d'euros supplémentaires (AE = CP) afin de faire face aux dépenses induites par la gestion de la pandémie (achat de matériels, vaccins, masques, etc.).

2. Le fonds de concours a été abondé par des crédits versés par Santé publique France. Ce montage baroque interroge, un an après le transfert de cette agence de la mission Santé vers le budget de la sécurité sociale. Il témoigne tout à la fois d'une propension à la complexité mais aussi d'une réelle confusion des rôles entre les mesures devant être prises en charge par l'État ou par la sécurité sociale. De fait, hors fonds de concours, la mission Santé est réduite à la portion congrue et est incapable d'incarner l'action de l'État en faveur de la prévention des risques sanitaires.

3. Si les crédits du fonds de concours semblent dédiés en large partie à la mise en place d'une réponse adaptée aux défaillances de l'État observée en début de crise (pénurie de masques et de certains matériels et équipements médicaux), il y a lieu de s'interroger sur les sommes affectées à certaines lignes à l'instar des prestations de conseil. Les montants dédiés en AE (8,85 millions d'euros) dépassent en effet ceux prévus pour la recherche (6,54 millions d'euros). Les montants prévus pour la communication (5,02 millions d'euros) peuvent également susciter des réserves.

4. 25,11 millions d'euros ont été consommés en 2020 au titre du financement des actions juridiques et contentieuses sur le programme 204. Cette somme couvre, notamment, le financement de l'indemnisation des victimes de la valproate de sodium et ses dérivés (Dépakine) par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM). 4,2 millions d'euros ont été versés à ce titre en 2020. Ce montant contraste avec celui retenu lors de la mise en place du dispositif en loi de finances pour 2017, qui tablait sur une moyenne de 77,7 millions d'euros par an sur la période 2018-2023. Au regard des retards observés, la loi de finances pour 2020 avait déjà retenu une baisse des crédits dédiés à cette indemnisation et mis en place un nouveau dispositif à même de réduire les délais d'instruction et donc de faciliter le remboursement. La nomination tardive du président et des membres de ce collège n'ont cependant pas permis à la nouvelle instance de se réunir avant l'automne 2020, fragilisant l'impact de cette mesure au plan budgétaire.

5. L'exercice 2020 est marqué par une exécution des crédits prévus au sein du programme 2004 pour le financement de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna quasi-conforme aux prévisions budgétaires : 44,15 millions d'euros ont ainsi été consommés au titre des crédits de paiement, soit un taux d'exécution de 101 %. Cet effort de bonne gestion mérite d'être salué. Il reste cependant dépendant de la situation sanitaire. Un rebond peut donc être envisagé au cours des prochains exercices. L'absence de progression des coûts reste de surcroît liée à une augmentation de la subvention et non à une réflexion sur la maîtrise des coûts. Il pourrait être opportun que le Gouvernement présente un bilan de la mise en oeuvre des 15 mesures présentées en 2016 et dédiées à la maîtrise de la dépense.

6. À l'initiative du Gouvernement, une réforme limitée de l'aide médicale de l'État a été adoptée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2020, en vue notamment de maîtriser la dépense. Le déploiement de ces nouvelles mesures devait permettre de réduire la dépense de 15 millions d'euros à l'issue de l'exercice 2020 (soit 1,6 % des crédits versés au titre de l'AME en 2019) et rompre ainsi avec la tendance observée depuis 2012 d'une augmentation continue du coût de l'AME pour le budget de l'État. La publication tardive du décret précisant ces dispositions a décalé de près d'un an la mise en oeuvre de la réforme . Il n'est pas étonnant dans ces conditions que l'objectif de réduction des dépenses ne soit pas atteint. L'exécution 2020 se traduit ainsi par un écart de plus de 9 millions d'euros avec les crédits votés en loi de finances initiale : 928,4 millions d'euros sont ainsi été fléchés vers l'AME en 2020 contre 919,3 millions d'euros initialement prévus.

7. Si ce montant reste inférieur à celui constaté en 2019 - 939,4 millions d'euros - et rompt avec la trajectoire haussière observée depuis 2012, il ne saurait occulter le caractère transitoire de l'exercice 2020. La pandémie a, en effet, eu un impact indéniable sur le recours aux soins de santé compte-tenu du confinement, de la déprogrammation des soins non urgents par les établissements de santé et de la fermeture d'un grand nombre de cabinets de professionnels de santé. Les dépenses de l'AME de droit commun ont ainsi enregistré une baisse de 4,6 % par rapport à 2019 pour s'établir à 857 millions d'euros. Ce contexte particulier n'a pas pour autant conduit à une baisse du recours à l'AME pour soins urgents, pour lequel le Gouvernement table sur une dépense de 70 millions d'euros soit une majoration de 5,4 % par rapport à 2019.

8. Le nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun a, en dépit de la réduction du nombre d'entrées sur le territoire, enregistré une nette progression. 368 890 bénéficiaires étaient enregistrés au 30 septembre 2020, soit une augmentation de 12 % par rapport à 2019. Dans ces conditions, faute de réforme d'ampleur du dispositif, la sortie de crise sanitaire devrait coïncider avec une reprise de la progression des dépenses d'AME.

I. L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2020 A ÉTÉ PROFONDÉMENT BOULEVERSÉE PAR LA CRISE SANITAIRE

1. Un écart conséquent par rapport à la prévision retenue en loi de finances

La mission « Santé » du budget général participe à la mise en oeuvre de la politique globale de santé. Celle-ci est axée autour de trois objectifs : la prévention, la sécurité sanitaire et l'organisation d'une offre de soins de qualité.

Le périmètre de la mission a été substantiellement réduit depuis 2014. Le financement des agences sanitaires qu'elle intégrait a, en effet, été progressivement transféré au budget de la sécurité sociale.

La mission est composée de deux programmes, coordonnés par le ministère des solidarités et de la santé :

- le programme 204, relatif à la prévention, à la sécurité sanitaire et à l'offre de soins , qui a pour ambition première le financement des plans et de programmes de santé pilotés au niveau national par la direction générale de la santé (DGS) et la direction générale de l'offre de soins (DGOS). Il vise ainsi à garantir la protection de la population face à des évènements sanitaires graves tout en prévenant le développement de pathologies graves. Le programme regroupe les subventions pour charge de service public accordées aux agences sanitaires, appelées à concourir à la réalisation de ces objectifs ;

- le programme 183, dédié à la protection maladie, qui finance principalement l'aide médicale de l'État (AME) , destinée aux personnes étrangères en situation irrégulière en France depuis plus de trois mois et dont les ressources sont insuffisantes pour une prise en charge au titre de la couverture maladie complémentaire universelle. L'AME participe d'un objectif de prévention, en permettant de détecter et de soigner les affections contagieuses, et d'éviter leur diffusion dans le reste de la population. De manière plus marginale, le programme 183 contribue, depuis 2015, au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA).

Les dépenses de la mission relèvent quasi-exclusivement du titre 3 « Dépenses de fonctionnement » (32,4 %) et du titre 6 « Dépenses d'intervention » (67,5 %). Les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre de la mission sont regroupés au sein du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

En 2020, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Santé » s'élèvent à 1 724 millions d'euros, soit 52,8 % de plus que la prévision retenue en loi de finances initiale. Cette surconsommation résulte pour l'essentiel de la mise en place d'un fonds de concours rattaché au programme 204, dédié au financement de dispositifs de lutte contre la crise sanitaire (cf infra ).

Exécution des crédits de la mission « Santé »
par programme en 2020

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés en 2019

Crédits votés LFI 2020

Crédits ouverts 2020

Crédits exécutés 2020

Évolution exécution 2020 / 2019

Écart exécution 2020 / LFI 2019

P. 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

AE

405,3

197,6

890,1

829,9

204,77 %

419,86 %

CP

479,1

200,9

893,2

788,0

164,48 %

392,18 %

P. 183 Protection maladie

AE

942,4

927,4

936,1

936,0

99,33 %

100,94 %

CP

942,4

927,4

936;1

936,0

99,33 %

100,94 %

TOTAL

AE

1 347,7

1 125,0

1 826,2

1 766,0

131,04 %

156,98 %

CP

1 421,5

1 128,3

1 829,2

1 724,0

121,29 %

152,80 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les dépenses de la mission restent cependant à un niveau inférieur au plafond défini en 2020 dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 (1 273,90 millions d'euros à périmètre constant, c'est-à-dire corrigé des transferts de dépenses). L'examen de la compatibilité au plafond n'intègre pas, en effet, les crédits consommés provenant de fonds de concours.

2. Une surconsommation des crédits liée à la crise sanitaire

Le taux d'exécution du programme 183 « Protection maladie » est relativement conforme aux prévisions (100,9 %) et s'inscrit dans la lignée de celui constaté en 2019 (100,5 %).

La crise sanitaire et la création d'un fonds de concours destiné à faire face à celle-ci au sein du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » conduit , de son côté, à un taux d'exécution des crédits inédit (392,2 %) , rompant avec la sous-consommation des crédits observée lors des précédents exercices (87,8 % en 2018 et 85,1 % en 2019).

Il convient cependant de préciser que hors fonds de concours, le programme 204 est marqué par une nouvelle sous-consommation des crédits : 17 % des CP n'ont ainsi pas été utilisés .

Évolution du taux d'exécution des crédits de paiement
de la mission « Santé » des programmes 183 « Protection maladie » et 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins »

(en %)

Note de lecture : le taux d'exécution est calculé par référence aux crédits ouverts en loi de finances initiale, y compris fonds de concours et attributions de produits, et non aux crédits disponibles (qui incluent également les reports de crédits et les mouvements réglementaires intervenus en cours d'exercice).

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2020

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2020

Décrets de transfert

Décrets de virement

Arrêté de report

Fonds de concours

Loi de finances rectificative

Total ouvertures et annulations

Crédits ouverts

Exécution 2020

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P204

AE

197,6

- 4,2

- 3,95

27,2

700

- 26,6

692,5

890,1

829,9

632.3

CP

200,9

- 4,3

- 4,02

27,9

700

- 27,3

692,3

893,2

788,0

587,1

P183

AE

927,3

8,8

8.8

936,1

936,0

8,7

CP

927,3

8,8

8.8

936;1

936,0

8,7

Total mission

AE

1 125,0

- 4,2

- 3,95

27,2

700

- 17,8

701,3

1 826,2

1 766,0

641,0

CP

1 128,3

- 4,3

- 4,02

27,9

700

-18,5

701,1

1 829,2

1 724,0

595,8

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

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