Rapport n° 28 (2021-2022) de M. Bernard JOMIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 6 octobre 2021

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N° 28

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 octobre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi
instaurant la
vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2 ,

Par M. Bernard JOMIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe .

Voir les numéros :

Sénat :

811 (2020-2021) et 29 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 6 octobre 2021 sous la présidence de Mme Catherine Deroche, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de M. Bernard Jomier sur la proposition de loi instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2 .

Sûre et efficace, la vaccination contre la covid-19 reste le seul moyen d'atteindre une protection collective suffisante pour espérer maîtriser durablement l'épidémie et permettre un retour à une vie quotidienne normale. Si l'annonce à la mi-juillet 2021 de l'extension du passe sanitaire a permis de relancer le rythme des vaccinations, le nombre de premières injections ne cesse de diminuer depuis le 31 juillet , si bien que la part des personnes entièrement vaccinées, qui s'établit au 5 octobre 2021 à un peu plus de 72 % de la population totale 1 ( * ) , ne progresse désormais plus que très lentement.

Or le taux d'immunité, vaccinale ou acquise par infection, nécessaire au contrôle de la propagation du virus, initialement évalué entre 70 % et 75 % de la population totale, se situerait désormais entre 90 % et 95 % , compte tenu du haut degré de transmissibilité du variant Delta. En l'état actuel du rythme des primo-vaccinations, il paraît peu probable d'atteindre ce niveau de protection dans un horizon proche. Outil puissant de réduction des inégalités sociales et territoriales , la vaccination universelle obligatoire s'impose dès lors, selon le rapporteur, comme la seule solution pour parvenir à une immunité collective permettant de transformer l'épidémie en un phénomène à bas bruit avec d'éventuelles résurgences saisonnières , tout en conciliant l'impératif de protection de la santé publique et un traitement égalitaire de nos concitoyens.

La commission des affaires sociales a néanmoins jugé que la mise en place d'une obligation vaccinale soulève des difficultés de mise en oeuvre dans le contrôle de son effectivité et qu'une politique incitative articulée autour du passe sanitaire et du déploiement de dispositifs d'« aller-vers » reste la plus efficace pour augmenter la couverture vaccinale. Dans ces conditions, elle n'a pas adopté la proposition de loi. Aussi la discussion en séance publique portera-t-elle sur le texte de la proposition de loi dans sa rédaction initiale.

I. UNE PROGRESSION DE LA VACCINATION ENCORE INSUFFISANTE POUR PARVENIR À MAÎTRISER DURABLEMENT L'ÉPIDÉMIE

A. LA MISE EN PLACE AU DÉBUT DE L'ÉTÉ 2021 DE MESURES DESTINÉES À RELANCER LA VACCINATION

À la suite du ralentissement du rythme de la vaccination contre la covid-19 observé au mois de juin 2021 et face à la propagation rapide du variant Delta - sensiblement plus transmissible que les précédents variants du SARS-CoV-2 -, le Président de la République a annoncé, lors de son allocation aux Français du 12 juillet 2021, plusieurs mesures destinées à relancer la vaccination au sein de la population. En conséquence, la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire comporte deux dispositifs poursuivant cet objectif :

- une obligation de vaccination contre la covid-19 pour différentes catégories de professionnels au contact de personnes vulnérables dans le cadre de leur activité , dont en particulier les professionnels de santé hospitaliers et libéraux ;

- l' extension du périmètre des lieux et établissements dont l'accès est conditionné à la présentation du passe sanitaire 2 ( * ) , afin d'y inclure notamment les restaurants et débits de boisson, les établissements sanitaires et médicosociaux, les transports publics interrégionaux de longue distance et, sur décision motivée du préfet, certains grands magasins et centres commerciaux.

Le Gouvernement a fait le choix de limiter l'obligation vaccinale aux professionnels de santé, au nom de leur responsabilité éthique et déontologique de protection de la santé des patients, ainsi qu'aux autres professionnels amenés, dans le cadre de leur activité, à entrer en contact avec des personnes susceptibles de développer des formes graves de la covid-19. Afin néanmoins de susciter une nouvelle dynamique dans la vaccination au-delà de ces catégories de personnes, l'extension du passe sanitaire à des lieux de fréquentation relativement courante, combinée avec l'annonce du déremboursement 3 ( * ) à l'automne des tests sans ordonnance , est censée encourager le recours à la vaccination en population générale plutôt qu'aux tests.

Le déploiement de ces dispositifs est échelonné dans le temps :

- rendue possible par la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire, l'exigence du passe sanitaire est entrée en vigueur à compter du 8 juin 2021 4 ( * ) - d'abord essentiellement pour l'accès à des établissements, lieux et évènements accueillant plus de 1 000 personnes - et devait initialement être levée le 1 er octobre 2021. La loi du 5 août 2021 a étendu la possibilité d'exiger la présentation du passe sanitaire jusqu'au 15 novembre inclus ;

- l'obligation vaccinale applicable à certains professionnels est entrée en vigueur à compter du 8 août 2021 5 ( * ) mais son déploiement a été progressif :

du 8 août 2021 au 14 septembre 2021 : s'ils ne justifient pas d'une contre-indication médicale, les professionnels soumis à l'obligation vaccinale n'ont pu continuer à exercer leur activité qu'à la condition de présenter l'un des documents suivants : le justificatif de l'administration des doses de vaccin requises, un certificat de rétablissement en cours de validité ou un test virologique négatif de moins de 72 heures ;

du 15 septembre 2021 au 15 octobre 2021 : à défaut de contre-indication médicale ou de certificat de rétablissement en cours de validité, les professionnels doivent au moins justifier de leur engagement dans une démarche vaccinale en attestant de l'administration d'au moins une des doses requises en cas de schéma vaccinal à plusieurs doses ;

à compter du 16 octobre 2021 : s'ils ne justifient pas d'une contre-indication médicale, les professionnels ne pourront continuer à exercer leur activité qu'à la condition de présenter un schéma vaccinal complet ou, à défaut, un certificat de rétablissement en cours de validité.

Bilan de la mise en oeuvre de l'obligation vaccinale des personnels
des établissements sanitaires et médicosociaux

Selon les données publiées par Santé publique France, au 20 septembre 2021, 92 % des professionnels exerçant dans les établissements de santé avaient reçu au moins une dose - dont 86,6 % présentaient un schéma vaccinal complet -, 96,6 % des agents en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) - dont 92,4 % étaient entièrement vaccinés - et 95,5 % des soignants libéraux avaient reçu au moins une dose - dont 93,2 % présentaient un schéma vaccinal complet.

En Île-de-France, les données communiquées par l'agence régionale de santé (ARS) confirment ces tendances, étant entendu que les chiffres officiels de couverture vaccinale des établissements de santé sont sous-estimés - les données transmises par ces derniers sur la vaccination de leur personnel ne sont alimentées que par les vaccinations effectuées sur le lieu de travail ainsi que par les contrôles du respect de l'obligation vaccinale assurés par les établissements - si bien que le taux de respect de l'obligation serait vraisemblablement plus important que 90 % :

• 82 % des professionnels des établissements de santé en Île-de-France présentent un schéma vaccinal complet, et 86 % ont reçu une première dose. Les suspensions représentent au global 0,6 % des effectifs (729 suspensions dans le public et 335 dans le privé, celles-ci étant plus importantes au sein de la filière soignante non médicale - infirmiers, aides-soignants, agents des services hospitaliers...) et les démissions 0,1 % (43 démissions dans le public et 40 démissions dans le privé) ;

• 94 % des personnels exerçant en établissements sociaux et médicosociaux seraient engagés dans une démarche vaccinale. Les suspensions représenteraient 1,3 % des effectifs et les démissions 0,1 % ;

• concernant les professionnels de santé libéraux conventionnés, on dénombrerait près de 2 700 professionnels de santé non vaccinés au 17 septembre 2021, soit 5 % des effectifs.

Source : Point de Santé publique France sur la couverture vaccinale des professionnels exerçant dans le secteur de la santé ( http://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/enquetes-etudes/quelle-est-la-couverture-vaccinale-contre-la-covid-19-des-professionnels-exercant-dans-la-sante-donnees-au-20-septembre-2021 ) et agence régionale de santé d'Île-de-France

B. UNE RELANCE DE LA VACCINATION QUI RENCONTRE DES LIMITES

L'annonce de ces mesures lors de l'allocution du Président de la République a contribué, dans une certaine mesure, à relancer le rythme des vaccinations contre la covid-19 au cours de la seconde moitié du mois de juillet 2021. Entre les 13 et 21 juillet 2021, le nombre moyen d'injections quotidiennes réalisées a ainsi augmenté de 17 %. Toutefois, après avoir atteint un pic avoisinant les 700 000 doses injectées le 21 juillet 2021, le nombre moyen d'injections quotidiennes a régulièrement baissé pour atteindre un niveau inférieur à 175 000 doses au 26 septembre 6 ( * ) .

1. Un rythme de vaccinations qui ne permet pas d'atteindre l'immunité collective à court terme

Depuis la fin du mois de juillet, le nombre de premières doses injectées diminue de façon quasi constante, si bien que le dynamisme de la vaccination est désormais essentiellement alimenté par l'administration des deuxièmes doses et, dans une moindre mesure, des troisièmes doses . Les troisièmes injections de rappel ont débuté à la fin du mois d'août et leur administration dans les Ehpad s'est accélérée à compter du 13 septembre 2021. Dans ces conditions, le Gouvernement n'a pu remplir à la fin du mois d'août 2021 l'objectif qu'il s'était fixé d'atteindre 50 millions de primo-vaccinés : ce chiffre n'a finalement été atteint que le 17 septembre 2021 7 ( * ) .

Au 5 octobre 2021, le nombre de personnes ayant reçu au moins une dose s'est élevé à 50 449 214 et le nombre de personnes entièrement vaccinées à 48 848 474, soit une couverture vaccinale rapportée à la population totale de 74,8 % de primo-vaccinés et de 72,4 % de schémas vaccinaux complets 8 ( * ) . Rapportée à la population éligible, c'est-à-dire âgée de plus de 12 ans, la couverture vaccinale atteint, le 5 octobre 2021, 84,7 % de schémas vaccinaux complets 9 ( * ) .

Évolution du nombre moyen d'injections quotidiennes de vaccin

Source : Covidtracker, à partir des données du ministère des solidarités et de la santé

Alors que le taux d'immunité - estimé à plus de 90 % de la population totale face à des variants d'une transmissibilité comparable au variant Delta - n'est toujours pas atteint, les premières doses ne représentent plus qu'une part minoritaire, qui ne cesse de diminuer, dans la moyenne des injections quotidiennes . Elles n'ont en effet représenté qu'à peine plus d'un cinquième 10 ( * ) du total des doses injectées au 26 septembre 2021 et ont même été dépassées en valeur absolue, à compter du 23 septembre 2021, par les troisièmes doses 11 ( * ) . Si le nombre moyen d'injections de premières doses se maintenait à 35 500 par jour - ce qui n'est pas garanti compte tenu de la tendance baissière observée depuis fin juillet -, la part de la population totale ayant été partiellement vaccinée atteindrait 90 % autour du 15 juillet 2022 et 95 % autour du 23 octobre 2022 .

Les couverture et dynamique vaccinales au 6 octobre 2021

- 91 %

15
juillet
2022

de primo-vaccinés
dans la population totale

de schémas vaccinaux complets dans la population totale

Diminution du nombre moyen d'injections quotidiennes de premières doses depuis
le 31 juillet 2021
12 ( * )

Date théorique pour atteindre 90 % de Français partiellement vaccinés au rythme actuel 13 ( * )

2. La permanence d'inégalités préoccupantes dans la diffusion de la vaccination
a) Selon les classes d'âge

Dans une note d'alerte en date du 20 août 2021 14 ( * ) , le conseil scientifique regrette une proportion de personnes vaccinées parmi les personnes âgées de plus de 60 ans encore « insuffisante, de l'ordre de 85 % » . La couverture vaccinale des plus de 80 ans, qui constituent la population la plus vulnérable au risque d'hospitalisation, reste ainsi le principal « talon d'Achille » 15 ( * ) de la campagne vaccinale en France. Au 29 septembre 2021, 84 % des personnes de plus de 80 ans étaient entièrement vaccinées, contre 96 % chez les 70-79 ans et 88 % chez les 60-69 ans 16 ( * ) . Cette situation tranche avec d'autres pays comme l'Espagne, le Danemark, l'Irlande ou Malte où la part des personnes vaccinées chez les plus de 80 ans atteint 100 %, ou encore le Portugal où cette part s'élève à 98 %.

Une part non négligeable des personnes de plus de 80 ans demeure éloignée de la vaccination, avec des situations d'isolement aggravées par des difficultés d'accès à un médecin traitant et un maillage des points d'information sur la vaccination et des centres de vaccination insuffisant dans certains territoires. Cette situation est d'autant plus préoccupante que, fin septembre 2021, l'association Les petits frères des pauvres a alerté sur l'augmentation du nombre de personnes âgées isolées, qui aurait plus que doublé en quatre ans 17 ( * ) : ces personnes se retrouvent en grande partie en situation de « mort sociale », coupées des quatre principaux cercles de socialisation que sont la famille, les amis, le voisinage et les réseaux associatifs 18 ( * ) .

Évolution de la couverture vaccinale (schémas vaccinaux complets)
par tranches d'âge chez les personnes âgées de plus de 65 ans

Source : Covidtracker, à partir des données du ministère des solidarités et de la santé

Par ailleurs, d'importantes marges de progression de la vaccination demeurent au sein des classes d'âge plus jeunes pour atteindre une couverture vaccinale complète supérieure à 90 % : la proportion de schémas vaccinaux complets atteint 80 % chez les 25-39 ans, 83 % chez les 18-24 ans et 64 % chez les 12-17 ans. Au 29 septembre 2021, le nombre de personnes éligibles non encore vaccinées pouvait être estimé à 9,2 millions, les principaux contingents de personnes non vaccinées étant à rechercher chez les 12-17 ans (environ 1,8 million de personnes), les 30-39 ans (environ 1,75 million de personnes), les 40-49 ans (environ 1,4 million de personnes) et les plus de 80 ans (plus de 660 000 personnes) 19 ( * ) .

Enfin, la vaccination des publics fragiles , présentant des comorbidités aggravant le risque de développer des formes graves ou sévères de la covid-19, reste insuffisante : au 26 septembre, 14,4 % des personnes atteintes de maladies chroniques 20 ( * ) , notamment d'obésité, de cancer, de diabète ou d'hypertension, ne justifiaient toujours pas d'un schéma vaccinal complet , alors que le taux de vaccination de ces publics avoisinerait les 100 % dans d'autres pays comme la Belgique, l'Espagne et le Portugal 21 ( * ) .

Plus de 15 % des personnes obèses n'ont toujours pas reçu une première dose de vaccin 22 ( * ) , alors que l'obésité constitue, après l'âge, le facteur de risque d'hospitalisation et de décès le plus important 23 ( * ) .

Évolution du taux de couverture vaccinale
par pathologies graves ou chroniques

Source : Caisse nationale de l'assurance maladie

b) Selon les territoires

La couverture vaccinale reste contrastée selon les territoires , tout particulièrement entre l'Hexagone et les collectivités ultramarines.

Proportion de la population ayant reçu une dose de vaccin contre la covid-19
par région au 29 septembre 2021

Source : Covidtracker, à partir des données du ministère des solidarités et de la santé

Ces écarts de couverture vaccinale sont encore plus problématiques s'agissant des résidents en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) : la proportion de résidents présentant un schéma vaccinal complet s'établit à 22,3 % en Guadeloupe et à 17,7 % en Martinique, contre 58,6 % en Guyane et 69,7 % à La Réunion, et 99 % en Savoie, dans les Ardennes et les Pyrennées-Orientales 24 ( * ) .

Ces disparités territoriales de couverture vaccinale se recoupent aisément avec les écarts observés entre régions en matière d'hospitalisations pour formes sévères de covid-19. Les deux régions affichant la couverture vaccinale la plus élevé, à savoir la Bretagne et la Normandie, présentent des taux d'occupation des lits de réanimation faibles, respectivement à 16 % et 13 %, quand les régions métropolitaines les moins vaccinées que sont la Corse et Provence-Alpes-Côte d'Azur, affichent des taux d'occupation de 33 % et 58 % 25 ( * ) . La saturation des capacités hospitalières est significativement plus importante dans les collectivités ultramarines qui présentent les taux de vaccination les plus faibles : la Martinique affiche un taux d'occupation de ses lits de réanimation de 319 % au 29 septembre 2021, la Guadeloupe 103 % et la Guyane 84 % .

Par ailleurs, les personnes vivant dans les territoires les plus défavorisés présentent les taux de vaccination les moins élevées . Les taux de vaccination par indice de défavorisation publiés par l'assurance maladie au 26 septembre 2021 montrent ainsi que, chez les moins de 20 ans, la proportion de personnes entièrement vaccinées chez les personnes résidant dans les communes du dernier décile regroupant les 10 % de la population française les plus défavorisés est de plus de cinq points inférieure à celle observée chez les personnes résidant dans les communes du premier décile regroupant les 10 % de la population française les plus favorisés. Cet écart est supérieur à 14 points chez les 20-39 ans et à 8 points chez les 40-54 ans.

Taux de vaccination (en %)
par indice de défavorisation au 26 septembre 2021

Sens de lecture de gauche à droite : chaque couple de barres correspond à un décile de défavorisation, le premier couple de barres à gauche représentant le taux de vaccination chez les résidents des communes du premier décile (les plus favorisées) et le dernier couple de barres à droite le taux de vaccination chez les résidents des communes du dernier décile (les plus défavorisées)

Source : Assurance maladie ( https://datavaccin-covid.ameli.fr/pages/synthese/ )

3. Des actions d'« aller-vers » encourageantes mais encore insuffisantes

Les agences régionales de santé (ARS), les collectivités territoriales et les associations ont engagé, dans le cadre de stratégies d'« aller-vers » , des opérations destinées à sensibiliser les personnes les plus éloignées de la vaccination à l'intérêt de se faire vacciner. Ces actions sont particulièrement précieuses pour inclure dans la campagne vaccinale les populations isolées et rencontrant des difficultés d'accès au système de santé de par leur âge ou en raison de facteurs de précarité, tout particulièrement les publics ne disposant pas de médecins traitants , dont des personnes âgées, des personnes défavorisées sur le plan socioéconomique et des personnes issues de l'immigration clandestine.

Dans un certain nombre de territoires marqués par d'importantes inégalités sociales et économiques, les ARS ont veillé à assurer un maillage dense en centres de vaccination , comme en Seine-Saint-Denis, certains centres ayant été dédiés aux publics âgés et précaires. Des barnums et bus de vaccination ont également été mis en place, bien souvent avec l'appui des conseils départementaux et des centres communaux d'action sociale (CCAS). Plusieurs ARS ont également déployé sur leurs territoires des médiateurs de lutte anti-covid , chargés d'organiser des opérations de dépistage et de prévention dans le cadre de la stratégie « Tester - Alerter
- Protéger » et de sensibiliser la population à la vaccination. Dans la même logique, le département de la Seine-Saint-Denis et d'autres collectivités en France ont mobilisé des « ambassadeurs » de la vaccination . De plus, la caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) a recruté 700 personnes en contrat à durée déterminée pour assurer les campagnes d'« aller-vers » liées à la vaccination.

Synthèse des opérations d'« aller-vers » dans le cadre de la campagne
de vaccination contre la covid-19

Les dispositifs d'« aller-vers » ont été déployés très tôt pendant la campagne de vaccination contre la covid-19 afin de permettre la vaccination :

• des personnes éloignées du système de soin (personnes en situation précaire, en hébergement d'urgence, en squat ou bidonville...) ;

• des personnes touchées par la fracture numérique ne pouvant prendre rendez-vous en ligne (notamment les personnes âgées isolées à domicile) ;

• des personnes hébergées en collectivité avec des difficultés ou une impossibilité de se déplacer (personnes en situation de handicap en foyer d'accueil médicalisé ou maison d'accueil spécialisée, travailleurs migrants en foyer de travailleurs migrants, personnes détenues...).

Ces dispositifs d'« aller-vers » ont été très variés, déployés en coordination avec de nombreux acteurs selon les publics concernés (ARS, préfets, caisses primaires d'assurance maladie, collectivités territoriales, associations de protection civile...) et adaptés à chaque territoire.

Un premier bilan, partiel par définition compte tenu de la difficulté de remonter les informations, fait état de :

• 1,2 millions de patients vaccinés dans des dispositifs d'« aller-vers » ;

• 96 % d'établissements cibles où des actions d'« aller-vers » ont été proposées ;

• 3 915 opérations ciblées sur les personnes précaires, soit une progression de 85% par rapport au 19 juillet 2021 ;

• 2 683 opérations ciblées sur les territoires sous-vaccinés, soit une progression de 88 % par rapport au 19 juillet 2021.

D'autres opérations ont été menées ou sont en passe de monter en charge, notamment :

• des opérations à destination des publics précaires sous diverses formes (maraudes, établissements d'accueil...). Ils sont la principale cible des opérations d'« aller-vers », soit en établissements d'accueil, soit en permanence d'accès aux soins de santé (PASS). Les fiches explicatives sur la vaccination et les questionnaires pré-vaccinaux ont été traduits dans plus de vingt langues pour faciliter le travail des équipes ;

• des opérations de vaccination des personnes détenues depuis le printemps 2021 et une systématisation à l'été 2021 (tous les établissements pénitenciers ont proposé la vaccination à leurs personnes détenues) ;

• des opérations d'information et de vaccination vers les personnes atteintes de comorbidités (listes des patients concernés non-vaccinés pour les médecins traitants, 600 000 appels sortants de la caisse nationale de l'assurance maladie depuis fin juillet...) ;

• des opérations de vaccination en entreprise par la médecine du travail (volume croissant à partir des mois de mai/juin puis stable les mois suivants) ;

• des opérations de vaccination en milieu scolaire ( a minima 30 000 injections au mois de septembre et en montée en charge) ;

• des opérations de vaccination en milieu universitaire (le volume modeste car il s'agit d'une population déjà largement vaccinée mais service apprécié ; les services de santé universitaire pourront bientôt commander des vaccins en plus grand volume) ;

• des opérations en cours (expérimentations de convocation à la vaccination et de porte-à-porte ciblé) ou en développement vers les personnes très âgées en proposant la vaccination plus systématiquement à domicile.

Source : Éléments transmis par la « task force vaccination » du ministère des solidarités et de la santé

Le ministère de l'éducation nationale a invité, pour sa part, les enseignants à poursuivre leurs actions pédagogiques pour sensibiliser les élèves à la vaccination et une campagne de vaccination a été lancée à la rentrée dans les collèges et lycées . Pour rappel, conformément à l'article premier de la loi du 5 août 2021 précitée, les mineurs de 12 à 15 ans n'ont besoin de l'autorisation que d'un seul de leurs parents pour se faire vacciner et les mineurs de plus de 16 ans sont exemptés d'obtenir l'autorisation d'un parent pour se faire vacciner.

La médecine de ville a également été mobilisée pour étendre la vaccination. Un décret du 14 juillet 2021 26 ( * ) a ainsi ouvert la possibilité pour les médecins traitants de recevoir la liste de ses patients non vaccinés afin de favoriser l'accompagnement à la vaccination des personnes présentant des vulnérabilités de santé particulières. Afin d'augmenter la vaccination pendant l'été, a été autorisée à la mi-juillet la mise à disposition de flacons du vaccin Pfizer-BioNTech non utilisés par les centres de vaccination au profit de professionnels de santé libéraux habilités à en commander sur un portail de télédéclaration 27 ( * ) .

Si les dispositifs d'« aller-vers » sont incontournables pour sensibiliser des personnes éloignées de la vaccination, ils demeurent insuffisants pour atteindre le taux de protection collective recherché à court terme.

II. LA VACCINATION UNIVERSELLE OBLIGATOIRE : SEULE VOIE RÉALISTE POUR VAINCRE L'ÉPIDÉMIE

A. LA NÉCESSITÉ D'UNE EXTENSION DE L'OBLIGATION VACCINALE EN POPULATION GÉNÉRALE

1. Les limites du passe sanitaire

Bien que l'annonce de l'extension du passe sanitaire ait permis une augmentation spectaculaire des vaccinations au cours de la seconde moitié du mois de juillet dernier, il n'est toutefois pas suffisant pour atteindre un niveau de couverture vaccinale permettant de maîtriser durablement l'épidémie, avec en particulier une vaccination des personnes âgées qui ne progresse désormais plus qu'à la marge. Même si l'on peut s'attendre à un rebond des injections de premières doses à compter de la fin de la gratuité des tests de dépistage hors prescription médicale prévue le 15 octobre 2021, il devrait être limité dans son ampleur et ne concerner qu'un nombre limité de personnes ayant jusqu'ici préféré se faire tester plutôt que se faire vacciner.

Par ailleurs, le passe sanitaire présente plusieurs inconvénients tant sur le plan socioéconomique que sur le plan des libertés individuelles. Les personnes défavorisées ou isolées sont en effet représentées de façon disproportionnée chez les personnes les plus éloignées de la vaccination. Les restrictions d'accès à certains lieux dans le cadre de la mise en oeuvre du passe sanitaire sont donc susceptibles de les pénaliser plus fortement dans l'accès à des structures de loisirs, de culture ou de socialisation. De plus, la mise en oeuvre du passe sanitaire pose des difficultés pratiques , notamment s'agissant des modalités de son contrôle à l'entrée de certains lieux collectifs, comme les établissements de santé, les Ehpad et les restaurants.

Enfin, comme l'a souligné le Pr Arnaud Fontanet, le maintien, au travers du passe sanitaire dans sa configuration actuelle, de la possibilité de se rendre des lieux collectifs en étant seulement testé négatif avec un recul pouvant aller jusqu'à 72 heures, sans disposer d'une immunité vaccinale ou naturelle, reste problématique au regard du risque de contracter la covid-19 dans des lieux où le respect des gestes barrières se relâche inévitablement .

Selon le rapporteur, l'impact du passe sanitaire sur la circulation du virus reste ainsi discutable car, au-delà de ces failles méthodologiques, des personnes non vaccinées et non testées peuvent être tentées de se reporter en plus grand nombre sur des lieux collectifs non soumis au passe sanitaire (transports infrarégionaux, espaces commerciaux...).

2. Un appel à la responsabilité de la part de représentants de la communauté médicale et hospitalière

La mise en place d'une obligation vaccinale pour faire face à une menace épidémique n'est pas nouvelle en France : elle a été instituée contre la variole de 1902 à 1984, contre la diphtérie en 1938, contre le tétanos en 1940, contre la tuberculose en 1950 28 ( * ) et contre la poliomyélite en 1964.

Dans un communiqué en date du 8 septembre 2021 29 ( * ) , l'académie nationale de médecine a appelé à « ne pas renoncer à l'immunité collective ». Mettant en avant « la nécessité de compléter rapidement la couverture vaccinale pour atteindre cette immunité collective », elle préconise de « remplacer au plus tôt le passe sanitaire par un passe vaccinal ». La position de l'académie en faveur de l'obligation vaccinale de l'ensemble des Français est constante, puisqu'elle plaidait déjà, dans un communiqué en date du 19 juillet 2021 30 ( * ) , pour « ne rendre obligatoire qu'une seule mesure : la vaccination contre la covid-19 de tous les Français âgés de 12 ans et plus ».

Pour sa part, dans un communiqué en date du 9 juillet 2021, la Haute Autorité de santé (HAS) a insisté sur le fait qu'au-delà de la vaccination obligatoire des professionnels de santé, « il est nécessaire d'entamer dès à présent la réflexion sur une extension plus importante de cette obligation vaccinale en population générale afin de pouvoir prendre à temps cette décision si elle s'imposait ». Rappelant que l'obligation vaccinale était un débat politique qu'il n'appartient pas à la HAS de trancher, sa présidente, la Pr Dominique Le Guludec, a souligné en septembre 2021 lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat 31 ( * ) , qu'« aujourd'hui l'épidémie décroît, mais nul ne sait si cela durera. La couverture vaccinale n'est pas encore suffisante pour garantir que l'hôpital ne sera pas saturé en cas d'apparition d'un nouveau variant virulent . »

Par ailleurs, le président de la fédération hospitalière de France, Frédéric Valletoux, s'est prononcé, dans un entretien à la presse le 31 juillet 2021, en faveur de la vaccination obligatoire pour tous, en estimant que « c'est une mesure simple, claire et efficace, quand la mise en oeuvre du passe s'annonce, elle, d'une complexité rare , notamment dans les hôpitaux pour tracer une frontière entre les patients pour lesquels il sera demandé à l'entrée, et les autres » 32 ( * ) .

Dans un rapport de juillet 2021 33 ( * ) , la mission d'information du Sénat sur les effets des mesures en matière de confinement a mis en avant, à partir d'une étude réalisée par l'institut Pasteur, le fait que « la dynamique infectieuse, très majoritairement imputable aux personnes de moins de 60 ans, sera efficacement endiguée par une large diffusion du vaccin ». Estimant que les dispositifs d'incitation à la vaccination ne permettront pas d'atteindre les niveaux de couverture vaccinale requis pour maîtriser l'épidémie, elle appelle dès lors à faire le choix d'une obligation vaccinale étendue progressivement par tranches d'âge . Pourraient ainsi être concernées par l'obligation vaccinale, dans un premier temps, les personnes les plus vulnérables et susceptibles d'être hospitalisées, à savoir les personnes de plus de 60 ans. La vaccination obligatoire pourrait ensuite être étendue vers les classes d'âge intermédiaire de plus de 24 ans.

Interrogé le 15 juillet 2021 sur l'intérêt d'une vaccination obligatoire pour tous, M. Gérard Larcher, président du Sénat, voyant dans la vaccination « un acte de solidarité collective », a déclaré que « si nous voyons que c'est nécessaire, alors il faudra y aller », estimant que ce sujet devra être réexaminé au dernier trimestre 2021.

3. Une obligation vaccinale pour tous déjà expérimentée en Nouvelle-Calédonie

Avant l'arrivée du variant Delta sur son territoire en septembre 2021, la Nouvelle-Calédonie était parvenue à maintenir une vie quotidienne quasi normale grâce à la mise en place d'un « sas sanitaire » imposant à tous les entrants sur le territoire de se soumettre à leur arrivée à une quatorzaine en milieu hôtelier. Ce sas sanitaire, qui avait jusqu'alors permis à la Nouvelle-Calédonie de conserver son statut de « territoire 0 covid », a néanmoins fait l'objet de contentieux qui ont conduit à exempter un certain nombre de personnes d'observer une quatorzaine à leur entrée sur le territoire.

Face au risque que faisait peser cette remise en cause du sas sanitaire pour la maîtrise de la circulation du virus, les autorités de la collectivité ont, dans un premier temps, envisagé de subordonner toute entrée sur le territoire à la présentation d'un justificatif vaccinal . Compte tenu du risque contentieux pour motif de rupture d'égalité que courrait cette mesure si elle était prise isolément, l'État, seul compétent pour définir les conditions d'entrée sur le territoire calédonien, a informé les responsables politiques locaux qu'il n'était prêt à considérer cette solution que si le territoire imposait une obligation vaccinale en population générale.

Dans ces conditions, un projet de délibération du congrès de Nouvelle-Calédonie a été amendé afin de soumettre l'ensemble des résidents du territoire à une obligation vaccinale qui devra être satisfaite au plus tard le 31 décembre 2021. Cette délibération a été adoptée à l'unanimité en commission permanente du congrès le 3 septembre 2021 34 ( * ) .

Dans un premier temps, la mise en place de cette obligation ne s'accompagne pas de sanction en cas de non-respect. Seules certaines catégories de professionnels 35 ( * ) s'exposent, en l'absence de justificatif vaccinal à compter du 31 octobre 2021, à une amende administrative légèrement inférieure à 1 500 euros 36 ( * ) . En fonction de l'évolution du taux de couverture vaccinale du territoire, il est prévu que le congrès puisse, par délibération ultérieure, décider de sanctions applicables à la population générale.

La courbe des vaccinations en Nouvelle-Calédonie s'est fortement accélérée au début du mois de septembre : dès la semaine suivant l'adoption de la délibération, le nombre d'injections hebdomadaire a augmenté de 16 % par rapport à la semaine précédente, alors qu'il n'avait progressé au mois d'août qu'à un rythme de 4 % par semaine. Il est néanmoins difficile à ce stade de mesurer l'impact direct de cette obligation vaccinale sur l'évolution du taux de vaccination. En effet, le 6 septembre 2021, le variant Delta a fait son entrée en Nouvelle-Calédonie , suscitant au sein de la population un sentiment de crainte puissant qui a pu contribuer à l'intensification du recours à la vaccination, au sein d'un territoire dont 67,3 % de la population adulte est en surpoids 37 ( * ) - dont 37,7 % est obèse - et qui compte près de 20 000 personnes diabétiques 38 ( * ) .

Évolution du nombre de personnes vaccinées en Nouvelle-Calédonie

Source : Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

B. LA PROPOSITION DE LOI : UNE OBLIGATION VACCINALE MÉNAGEANT AU POUVOIR RÈGLEMENTAIRE DE LA SOUPLESSE POUR SA MISE EN oeUVRE

L' article unique de la proposition de loi complète la liste des vaccinations obligatoires en population générale, inscrite à l'article L. 3111-2 du code de la santé publique, par une douzième valence vaccinale, contre l'infection par le SARS-CoV-2. Pour rappel, les obligations vaccinales prévues par le code de la santé publique peuvent être suspendues par décret 39 ( * ) , pour tout ou partie de la population, afin de tenir compte de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques 40 ( * ) .

L'impact positif de l'extension des obligations vaccinales
pour les enfants en 2018

Dès la première année de sa mise en oeuvre, le passage, par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018, de trois à onze vaccins obligatoires chez les enfants a fait sensiblement progresser les taux de couverture vaccinale contre les pathologies concernées. Selon un bulletin de Santé publique France d'avril 2019, quinze mois après l'entrée en vigueur de cette extension, le taux de vaccination des nourrissons contre l'hépatite B a progressé de cinq points de plus par rapport à 2017, si bien que l'agence estime que « les niveaux très élevés de couverture vaccinale du nourrisson permettent d'envisager à terme l'élimination de l'hépatite B. » L'augmentation de la vaccination contre le méningocoque C avait été encore plus spectaculaire, pour concerner plus de 75 % des enfants, contre 39 % l'année précédente.

Pour la première dose de vaccin contre la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR), le gain de couverture observé sur la période a été de 2,2 points. Dans le bulletin précité, Santé publique France fait état d'une « majorité de parents favorables aux obligations vaccinales », d'une « progression positive des opinions des jeunes parents sur la vaccination et ses bénéfices » et d'une « forte adhésion des professionnels de santé à la vaccination et aux nouvelles vaccinations obligatoires ». Cette dynamique s'est confirmée les années suivantes. Le 24 novembre 2020, Santé publique France a annoncé que, pour les enfants soumis à l'obligation vaccinale nés après le 1 er janvier 2018, l'objectif de 95 % pour la première dose du vaccin ROR était presque atteint, bien que la couverture pour la deuxième dose reste encore bien en-deçà de cet objectif.

Source : Santé publique France, « Vaccination », Bulletin de santé publique , avril 2019 ; communiqué de presse de Santé publique France du 24 novembre 2020 intitulé « Vaccination : les enfants et professionnels de santé sont-ils bien vaccinés ? »

Le droit en vigueur prévoit déjà que les vaccinations listées à l'article L. 3111-2 du code de la santé publique sont obligatoires « dans des conditions d'âge déterminées par décret en Conseil d'État , pris après avis de la Haute Autorité de santé ». À l'heure actuelle, les onze vaccins obligatoires 41 ( * ) doivent être pratiqués dans les 18 premiers mois de l'enfant 42 ( * ) selon les âges fixés par le calendrier des vaccinations arrêté par le ministre chargé de la santé. Le seul moyen prévu par la loi pour garantir leur effectivité est le conditionnement de l'accès des enfants aux structures d'accueil collectif (école, garderie, colonie de vacances ou autres collectivités d'enfants) à la présentation d'une preuve de vaccination 43 ( * ) .

Il reviendra ainsi au Gouvernement de déterminer par voie règlementaire, après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), les conditions d'âge pour lesquelles la vaccination contre la covid-19 aura un caractère obligatoire .

Ces critères sont, par exemple, susceptibles d'évoluer en fonction des données scientifiques sur le bénéfice et l'innocuité du vaccin chez les mineurs de moins de 12 ans.

La question de l'extension de la vaccination aux mineurs de moins de 12 ans

L'extension à cette population de l'éligibilité à la vaccination est subordonnée à la mise en évidence des bénéfices individuel et collectif de leur vaccination. Si le bénéfice collectif est aisément identifiable - la vaccination contribue à ralentir la circulation du virus au sein de cette tranche d'âge et donc à réduire le risque de sa propagation à d'autres personnes non immunisées -, la détermination du bénéfice individuel y est autrement plus exigeante qu'en population adulte. Compte tenu du faible risque pour les enfants de développer une forme grave de la covid-19 44 ( * ) , doit ainsi être démontrée une innocuité quasi totale du vaccin, des effets indésirables graves, même peu nombreux, étant difficilement acceptables pour ce public. À ce stade, les laboratoires Pfizer et BioNTech ont annoncé leur intention de déposer fin septembre auprès de la « Food and Drug Administration » (FDA) américaine un dossier d'autorisation du recours à la vaccination chez les moins de 12 ans, après avoir publié les résultats d'une étude conduite auprès de 2 268 enfants.

De même, il reviendra au Gouvernement de déterminer par décret les contours du schéma vaccinal complet permettant de satisfaire à l'obligation vaccinale . À l'heure actuelle, bien que l'administration d'une troisième dose ait débuté à la fin du mois d'août chez les personnes de plus de 65 ans et les personnes sévèrement immunodéprimées ou présentant des comorbidités 45 ( * ) , un justificatif vaccinal d'une dose pour le vaccin Janssen et de deux doses pour les autres vaccins reste suffisant pour disposer d'un passe sanitaire valide 46 ( * ) . En fonction de l'évolution des connaissances sur la durée de l'immunité conférée par la vaccination, se posera la question de l'intégration d'un rappel vaccinal dans les caractéristiques du schéma vaccinal complet.

Le 4 octobre 2021, l'agence européenne du médicament a recommandé l'administration d'une dose de rappel des vaccins de Pfizer-BioNTech et Moderna au moins six mois après la deuxième dose pour les personnes âgées de plus de 18 ans. Le 6 octobre 2021 47 ( * ) , la HAS a ainsi recommandé l'élargissement du rappel vaccinal à l'ensemble des professionnels appelés à prendre en charge des personnes vulnérables, à savoir les soignants, les professionnels du transport sanitaire et les professionnels du secteur médicosocial. S'agissant de l'impact d'une dose de rappel sur la protection contre le virus et sa transmission, la HAS rappelle que les données d'efficacité collectées en vie réelle concernant l'administration d'une troisième dose du vaccin de Pfizer-BioNTech « montrent notamment des cas d'infections 11,3 fois moins élevés et des cas de formes graves 19,5 fois moins élevés parmi les personnes ayant eu une dose de rappel que chez celles n'en ayant pas bénéficié. »

En outre, le débat sur cette proposition de loi est l'occasion de discuter des options permettant de garantir l'effectivité de l'obligation vaccinale . Une sanction administrative ou pénale 48 ( * ) - le rapporteur propose, à cet égard, une amende forfaitaire, majorée en cas de récidive - ainsi que la mise en place d'un passeport vaccinal pour accéder à certains lieux pourraient, selon le rapporteur, constituer les solutions les plus opérationnelles en mettant l'ensemble de nos concitoyens sur un pied d'égalité.

En conclusion, il ressort des éléments qui précèdent que la vaccination universelle obligatoire reste la seule solution acceptable et opérationnelle, en complément des actions d'« aller-vers », pour garantir une couverture vaccinale suffisamment élevée pour transformer l'épidémie en un « bruit de fond » maîtrisé sur le plan sanitaire . Elle présente, en outre, l'avantage de poser une règle claire et simple applicable à tous , par opposition à un passe sanitaire qui soulève d'importantes difficultés d'application, aggrave les inégalités sociales et territoriales et dont la prolongation jusqu'à l'été 2022 est envisagée par le Gouvernement. La transformation du passe sanitaire en un passeport vaccinal achèverait ainsi de rassembler l'ensemble de nos concitoyens dans un effort collectif pour vaincre cette épidémie et tourner la page d'une crise sanitaire qui n'a que trop duré .

Toutefois, attachée à la poursuite d'une stratégie de conviction pour inciter à se faire vacciner ceux de nos concitoyens qui hésitent encore à franchir le pas de la vaccination, la commission a appelé à renforcer les actions d'« aller-vers » et l'accès à la vaccination des personnes les plus éloignées du système de santé.

En conséquence, la commission des affaires sociales n'a pas adopté la proposition de loi.

En application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance publique sur le texte de la proposition de loi dans sa rédaction initiale.

EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 6 octobre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de M. Bernard Jomier, rapporteur, sur la proposition de loi n° 811 (2020-2021) instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2.

M. Bernard Jomier , rapporteur . - La proposition de loi que nous examinons vise à instaurer une vaccination obligatoire en population générale contre la covid-19, afin d'atteindre à court terme un niveau de protection collective qui nous permettra de maîtriser durablement l'épidémie à laquelle notre pays fait face depuis plus d'un an et demi.

Avant d'aborder l'examen de ce texte, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution.

Je considère que ce périmètre comprend des dispositions relatives à la vaccination contre la covid-19, aux modalités de contrôle du respect d'une obligation vaccinale contre la covid-19 et au régime des sanctions en cas de méconnaissance d'une telle obligation. En revanche, les amendements relatifs à la politique nationale de vaccination et aux autres vaccinations obligatoires, ou à l'état d'urgence sanitaire et aux outils de gestion de la crise sanitaire autres que la vaccination contre la covid-19 ne me semblent pas présenter de lien, même indirect, avec le texte déposé.

Si l'annonce à la mi-juillet 2021 de l'extension du passe sanitaire a permis de relancer le rythme des vaccinations, le nombre de premières injections ne cesse de diminuer depuis le 31 juillet. Ainsi, la part des personnes entièrement vaccinées, qui s'établit au 4 octobre 2021 à un peu plus de 72 % de la population totale, ne progresse désormais plus que très lentement.

Or le taux d'immunité vaccinale ou naturelle nécessaire au contrôle de la propagation du virus, initialement évalué entre 70 % et 75 % de la population totale, se situerait désormais entre 90 % et 95 %, compte tenu du haut degré de transmissibilité du variant Delta. En l'état actuel du rythme des primo-vaccinations, il est donc impossible d'atteindre ce niveau de protection à court terme sans une mesure forte qui permette de mobiliser l'ensemble de nos concitoyens qui n'ont pas encore franchi le pas de la vaccination. Avec moins de 35 500 premières doses injectées en moyenne chaque jour, nous ne pouvons pas en effet espérer atteindre 90 % de la population partiellement vaccinée avant le 15 juillet 2022.

Il nous faut dès à présent tordre le cou à plusieurs idées fausses qui continuent de freiner l'adhésion de la population à la vaccination.

D'abord, l'idée selon laquelle le vaccin ne nous permettra pas de vaincre l'épidémie, au motif que des personnes doublement vaccinées peuvent être réinfectées. Si, le vaccin protège, y compris contre des variants du type Delta. Il constitue une arme redoutable contre les formes graves et sévères de la maladie : j'en veux pour preuve les écarts de taux d'occupation des lits de réanimation entre la région la plus vaccinée, la Bretagne, dont seulement 16 % de lits sont occupés, et une des régions les moins vaccinées, la Martinique, dont les capacités sont complètement saturées avec 319 % des lits de réanimation occupés.

Le vaccin est également un levier puissant de réduction de la circulation du virus en limitant significativement la charge virale en cas d'infection. Les personnes vaccinées infectées transmettent ainsi douze fois moins le virus que les personnes non vaccinées.

Ensuite, la seconde idée fausse à combattre est que l'effort collectif vaccinal serait derrière nous et que, au vu de la baisse des contaminations et des hospitalisations dans la période récente, il n'y aurait plus lieu de chercher à renforcer un taux de couverture vaccinale qui est déjà l'un des plus élevés d'Europe.

Or, au contraire, une part importante du chemin reste à parcourir. Cette couverture vaccinale comporte en effet de nombreux « trous dans la raquette » qui nous fragilisent face au risque d'une reprise épidémique, notamment en cas d'apparition d'un nouveau variant. La couverture vaccinale des personnes de plus de 80 ans, qui constituent la population la plus vulnérable au risque d'hospitalisation, reste ainsi le principal talon d'Achille de la campagne vaccinale en France. Quelque 84 % d'entre eux sont entièrement vaccinés, quand ce taux est supérieur à 95 % chez les personnes âgées de 70 ans à 79 ans.

Cette situation tranche avec d'autres pays comme l'Espagne, le Danemark, l'Irlande ou Malte, où la part des personnes vaccinées chez les plus de 80 ans atteint 100 %. Une part non négligeable des personnes de plus de 80 ans reste en effet éloignée de la vaccination ; les situations d'isolement sont aggravées par des difficultés d'accès à un médecin traitant et par un maillage des points d'information sur la vaccination et des centres de vaccination qui reste insuffisant dans certains territoires.

D'importantes marges de progression existent également au sein des classes d'âge plus jeunes pour atteindre une couverture vaccinale complète supérieure à 90 % : la proportion de schémas vaccinaux complets n'est encore que de 80 % chez les 25-39 ans, 83 % chez les 18-24 ans et 64 % chez les 12-17 ans.

En outre, la vaccination des publics fragiles, les plus susceptibles de développer des formes graves ou sévères de la covid-19, reste insuffisante : fin septembre, plus de 14 % des personnes atteintes de maladies chroniques ne justifiaient toujours pas d'un schéma vaccinal complet. Plus de 15 % des personnes obèses n'ont toujours pas reçu leur première dose de vaccin, alors que l'obésité constitue, après l'âge, le facteur de risque d'hospitalisation et de décès le plus important.

Face à ces fragilités, les dispositifs d'« aller-vers », indispensables pour sensibiliser les populations les plus éloignées de la vaccination, restent insuffisants pour atteindre à court terme le taux de protection collective recherché. Nous pouvons espérer un rebond des injections de premières doses à compter du 15 octobre 2021, date de la fin de la gratuité des tests de confort. Cependant, ce rebond restera limité dans son ampleur ; il ne concernera qu'un nombre limité de personnes ayant jusqu'ici préféré se faire tester plutôt que vacciner.

La vaccination universelle obligatoire s'impose dès lors comme la solution pour provoquer un sursaut et parvenir à une immunité collective, qui nous permettra de transformer l'épidémie en un phénomène à bas bruit, avec d'éventuelles résurgences saisonnières. C'est précisément l'objectif poursuivi par cette proposition de loi.

La méthode retenue est simple et ménage au pouvoir réglementaire une certaine souplesse dans le déploiement de cette obligation. Son article unique se cantonne en effet à compléter la liste des vaccinations obligatoires en population générale inscrite dans le code de la santé publique par la vaccination contre l'infection par le SARS-CoV-2.

Le droit en vigueur prévoit déjà que ces vaccinations sont obligatoires « dans des conditions d'âge déterminées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la Haute Autorité de santé » (HAS). Il reviendra donc au Gouvernement de déterminer par voie réglementaire les conditions d'âge pour lesquelles la vaccination contre la covid-19 aura un caractère obligatoire. Ces critères pourront par exemple évoluer en fonction des données scientifiques sur le bénéfice et l'innocuité du vaccin chez les mineurs de moins de 12 ans.

De même, il appartiendra au Gouvernement de déterminer par décret les contours du schéma vaccinal complet permettant de satisfaire à l'obligation vaccinale. Pour l'heure, bien que l'administration d'une troisième dose ait débuté fin août chez les plus de 65 ans et les personnes sévèrement immunodéprimées ou présentant des comorbidités, le schéma vaccinal pour disposer d'un passe sanitaire valide n'a pas été modifié.

L'exemple israélien nous invite pourtant à la vigilance : après avoir vacciné massivement et très tôt, dès décembre 2020, le pays n'a pas résisté à une reprise épidémique cet été. Compte tenu des données disponibles sur la durée de l'immunité conférée par la vaccination, se pose donc la question de l'intégration d'un rappel vaccinal dans les caractéristiques du schéma vaccinal complet.

L'enjeu de la troisième dose ne doit pas être sous-estimé. La protection acquise par le vaccin ou l'infection diminue avec le temps : toute notre population éligible pourrait avoir tôt ou tard à renouveler le geste vaccinal par l'injection d'une dose de rappel. L'introduction d'une obligation vaccinale est justement, encore une fois, le meilleur moyen d'assurer le maintien de cette vigilance collective.

À l'image de l'obligation vaccinale contre la covid-19 que la Nouvelle-Calédonie a instituée en population générale le 3 septembre dernier, la proposition de loi n'assortit pas d'emblée cette obligation de sanctions en cas de non-respect. À cet égard, plusieurs options sont possibles ; ce texte nous donne l'occasion d'en discuter ensemble.

Les élus néo-calédoniens ont fixé au 31 octobre une clause de revoyure qui les conduira à décider, en fonction de l'évolution du taux de couverture vaccinale, si des sanctions applicables en population générale sont justifiées et nécessaires. Je vous proposerai également de retenir une démarche progressive en matière de sanctions : outre l'institution dès cet automne du principe de l'obligation vaccinale, nous pourrions prévoir l'application, à compter de janvier 2022, d'une amende forfaitaire en cas de non-respect, ce qui laissera le temps aux personnes encore non vaccinées de se conformer à cette exigence. C'est l'objet de l'amendement que je vous soumets.

En complément, la mise en place d'un passeport vaccinal pour l'accès à certains lieux collectifs pourrait achever d'amener les plus réticents à s'engager dans une démarche vaccinale. Inspiré du modèle écossais déployé depuis le 1 er octobre, le passeport vaccinal conditionnerait l'accès à de grands rassemblements à la présentation d'un justificatif vaccinal ou d'un certificat de guérison, en supprimant l'échappatoire que constituent les tests, sauf pour les personnes justifiant d'une contre-indication.

Ne sous-estimons pas l'impact positif que pourrait avoir la vaccination universelle obligatoire sur l'adhésion de la population à la vaccination. J'en veux pour preuve les résultats encourageants déjà produits par le passage de trois à onze vaccins obligatoires chez les enfants, que nous avons voté dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018. En moins de deux ans, le taux de vaccination des nourrissons contre l'hépatite B a progressé de plus de 5 points et la couverture vaccinale contre le méningocoque C a connu une augmentation spectaculaire de plus de 36 points.

Vous l'aurez compris, la vaccination universelle obligatoire reste, selon moi, la solution la plus acceptable et opérationnelle, en complément des actions d'« aller-vers », pour garantir une couverture vaccinale suffisamment élevée, afin de transformer l'épidémie en un « bruit de fond » maîtrisé sur le plan sanitaire. Elle présente l'avantage de poser une règle claire et simple applicable à tous, par opposition à un passe sanitaire qui, lui, soulève d'importantes difficultés d'application, aggrave les inégalités sociales et territoriales et dont la prolongation jusqu'à l'été 2022 est envisagée par le Gouvernement. L'obligation vaccinale reste la dernière étape à franchir collectivement pour vaincre cette épidémie et enfin tourner la page d'une crise sanitaire qui n'a que trop duré.

En ma qualité de rapporteur, je vous propose donc d'adopter ce texte.

M. Philippe Mouiller . - Mon groupe est défavorable à cette proposition de loi pour trois raisons.

Nous sommes contre le principe général d'obligation et préférons une forte adhésion de la population, même si nous partageons le même objectif, celui d'une couverture vaccinale la plus large possible. Le passe sanitaire, lui, donne une certaine liberté à chacun.

Ce texte ne définit aucune sanction ni aucun moyen opérationnel pour faire appliquer cette obligation. Il ne s'agit que d'un effet d'annonce. Quelles politiques, quels moyens prévoyez-vous de mettre en place pour faire appliquer cette obligation et la contrôler ?

Enfin, cette mesure intervient au mauvais moment, la temporalité n'est pas la bonne.

M. Alain Milon . - Je salue le travail de M. Jomier, particulièrement ardu. Il lui a fallu réaliser une sacrée gymnastique intellectuelle pour trouver les raisons qui justifient cette vaccination obligatoire.

Une autre raison de l'opposition de mon groupe est l'instabilité du virus et l'arrivée de nombreux variants, dont certains seront à échappement vaccinal. La vaccination ne servira pas à grand-chose tant qu'un vaccin stable n'aura pas été trouvé.

De plus, nous constatons que l'efficacité des vaccins est limitée. Une troisième dose est aujourd'hui recommandée, et il n'est pas sûr que des doses supplémentaires ne soient pas nécessaires, comme pour la grippe.

Enfin, je suis étonné que l'on ne parle que de vaccination de la population française. Même si la population française était vaccinée, si le reste de la population mondiale ne l'était pas, des variants à échappement vaccinal surviendraient et mettraient en échec l'immunité collective. Plutôt qu'une obligation vaccinale, je préférerais que la France et l'Europe assurent la vaccination des populations qui n'y ont pas accès actuellement.

M. Olivier Henno . - Le passe sanitaire est une politique publique réussie : elle a atteint ses objectifs.

Je comprends le principe de cette vaccination obligatoire, mais son exécution pose problème. Adopter une politique publique sans pouvoir la faire exécuter, c'est se mettre en situation d'impuissance publique, c'est discréditer l'action publique. Dans cette mesure, il me semble impossible d'adopter votre proposition.

Enfin, nous ne pouvons limiter notre réflexion à la France, et même l'horizon européen ne suffit pas ; il faut envisager la question à l'échelle mondiale.

Monsieur Jomier, pourquoi dire que le passe sanitaire constitue une injustice territoriale ? Enfin, dans quels pays la vaccination est-elle obligatoire ?

M. Martin Lévrier . - Le mieux est souvent l'ennemi du bien, et il faut être prudent face aux lois qui ne seraient pas applicables. Comment encourager la vaccination chez les personnes âgées ? J'ai trouvé excellente l'idée que les médecins généralistes appellent leur patientèle non vaccinée. C'est probablement la meilleure solution, mais elle ne porte pas suffisamment ses fruits.

Je suis totalement pour la vaccination obligatoire - j'ai soutenu son extension à onze vaccins chez les jeunes enfants en 2018 -, mais à condition qu'elle soit applicable. Si cela est possible pour les enfants, il en va autrement pour les adultes.

Concernant la vaccination à l'échelle planétaire, j'ai posé plusieurs questions au Gouvernement sur le déploiement du dispositif Covax.

L'aspect pédagogique doit aussi être abordé. Si nous avions rendu la vaccination obligatoire très rapidement, les oppositions contre le vaccin auraient été beaucoup plus virulentes. Aujourd'hui, beaucoup se vaccinent un peu malgré eux, mais ont compris la nécessité de la vaccination.

Ainsi, une grande partie du groupe RDPI votera contre cette proposition de loi.

M. Bernard Jomier , rapporteur. - Monsieur Mouiller, je ne savais pas que votre groupe était opposé au principe de l'obligation. Vous aviez pourtant voté l'extension de l'obligation vaccinale à onze vaccins en 2018 pour les enfants. Je ne suis pas un inconditionnel du principe d'obligation en santé publique et le débat doit effectivement avoir lieu, mais nous voilà maintenant à front renversé : vous écartez par principe un outil qui existe déjà.

Monsieur Lévrier, il ne s'agissait pas de rendre le vaccin obligatoire dès le début de la crise. Cependant, anticiper l'évolution de la pandémie implique d'adapter les outils.

Nous ne devons pas mettre au premier plan la question des sanctions
- j'étais défavorable à la dureté des sanctions pour les personnels soignants non vaccinés. L'expérience prouve que l'annonce d'une obligation amène les populations à agir, et non l'annonce d'une sanction. Chez les enfants, le taux de vaccination contre la rougeole a progressé dès que nous avons voté l'obligation vaccinale en 2018. Le taux de vaccination est aujourd'hui supérieur à 95 % et nous sommes en train d'éradiquer cette maladie.

La sanction doit être différée. La Nouvelle-Calédonie a adopté l'obligation vaccinale pour la population générale le 3 septembre. L'annonce de l'obligation vaccinale a fait progresser significativement le taux de vaccination. La Nouvelle-Calédonie est désormais dans une bien meilleure situation que les Antilles, alors qu'aucune sanction en population générale n'a encore été prise. Elles ont simplement été annoncées pour plus tard.

J'en viens à la question de la temporalité. En juillet, on nous dit « c'est trop tôt », en octobre « c'est trop tard ». Nous allons devoir nous réunir le 15 août, à l'Assomption, pour adopter ce genre de dispositions ! Le passe sanitaire a été efficace un temps. Cette forme d'obligation masquée a produit ses effets, mais cela ne fonctionne plus : 30 000 primo-vaccinés par jour, c'est infime, alors que nous devons encore vacciner 10 millions de personnes.

De plus, aucune donnée n'indique que le passe sanitaire est efficace pour réduire la circulation virale, car il y a des trous partout dans le dispositif. Voyez le métro, les supermarchés, etc. Le dispositif est « bancal », comme dit Arnaud Fontanet.

Monsieur Milon, je n'ai pas eu à me creuser la tête pour trouver des arguments, mais plutôt des contre-arguments. Dans notre pays, 17 millions de personnes n'ont ni immunité naturelle ni immunité vaccinale. Arnaud Fontanet nous alerte quant à la probabilité réelle que, dans les semaines à venir, nous connaissions une nouvelle vague et des dizaines de milliers d'hospitalisations, ce qui représente des milliers de covid longs, des centaines ou des milliers de morts et de nombreux lits de réanimations occupés. Que fait-on ? Plus d'« aller-vers » ? Nous avons parlé de l'« aller-vers » dès la commission d'enquête de 2020, mais cette stratégie est trop lente. Certes, des incertitudes perdurent, mais cela ne nous exonère en rien d'agir. L'obligation engendre de meilleurs taux de vaccination, c'est un outil qui s'est toujours avéré efficace.

Je suis évidemment pour la vaccination à l'échelle mondiale, mais cela n'est pas de notre ressort. Cependant, nous pourrions nous exprimer sur la levée des brevets, sur le dispositif Covax, qui est en faillite, et sur les engagements internationaux de la France.

En matière d'opérationnalité, voyez ce qui s'est passé en Nouvelle-Calédonie. Quand l'obligation a été décrétée, des populations kanakes, très dispersées, ont demandé des livraisons de vaccins dans des territoires reculés par les hélicoptères de l'armée. Les autorités ont agi. L'obligation vaccinale crée en miroir des obligations pour l'État, non dans le marbre de la loi, mais dans la pratique.

La vaccination obligatoire existe dans peu de pays, mais bien dans un territoire de la République, en Nouvelle-Calédonie. Cependant, elle s'étend dans de nombreux pays. L'obligation générale est très peu répandue, mais les obligations sectorielles sont de plus en plus nombreuses. En effet, une fois que les personnes volontaires sont vaccinées - c'était la bonne démarche - la population est rassurée et les enjeux de protection collective sont mieux compris. Va-t-on maintenir les restrictions de liberté et le passe sanitaire parce qu'une petite minorité hurle à la dictature sanitaire ?

La proportion d'antivax a été survalorisée. Au mois d'août, 61 % des Français étaient favorables à une vaccination obligatoire pour tous, contre 67 % en septembre. Les Français se sont fait vacciner, ils veulent donc que les dispositifs de restriction s'arrêtent.

M. Alain Duffourg . - À la fin de l'année 2020, après avoir entendu les scientifiques, ma position a évolué, et j'estime aujourd'hui que la vaccination est indispensable. Je suis pleinement favorable à la vaccination générale obligatoire. Les jeunes enfants sont bien vaccinés contre de nombreuses pathologies. Lors de mon service militaire, j'ai aussi reçu un grand nombre de vaccins, sans que l'on me demande mon avis.

Concernant la vaccination à l'échelle mondiale, la France, comme elle l'a fait en matière d'environnement, pourrait donner l'exemple.

M. Daniel Chasseing . - Je m'associe aux arguments de M. Jomier et je souhaite dire aux antivax combien le vaccin a été efficace : neuf personnes hospitalisées sur dix n'étaient pas vaccinées. Je remercie aussi les élus et les sapeurs-pompiers, qui ont tant fait pour que les populations des territoires isolés puissent être vaccinées.

Environ 72 % de la population est vaccinée, sachant que les jeunes le sont depuis peu. Environ 80 % des personnes de plus de 80 ans sont vaccinées ; celles qui ne le sont pas encore ne sont pas opposées à la vaccination, simplement, personne ne s'est rendu à leur domicile. Si nous n'allons pas vers elles, la vaccination obligatoire n'aura aucun effet.

Une reprise épidémique est certes possible avec l'arrivée de l'hiver. Cependant, comme le passe sanitaire a été efficace et que le rappel vaccinal est en cours, sans être opposé à cette proposition, le groupe les Indépendants - République et Territoires s'abstiendra.

Mme Nadia Sollogoub . - Je souhaite parler des contrôles. En cas de vaccination obligatoire, on installe des forces de police partout et l'on contrôle tout le monde à l'entrée des métros ? Les lacunes portent sur les moyens de contrôle. Le dispositif s'additionne-t-il au passe ? Voilà qui ne me semble pas opérationnel.

De plus, l'annonce de l'obligation rendra l'opposition des antivax et de la population encore plus grande. En matière d'« aller-vers », notamment auprès des jeunes, nous pouvons encore faire mieux. Dans sa majorité, le groupe Union Centriste sera opposé à cette proposition.

Mme Laurence Cohen . - Quoi que nous fassions, nous ne pourrons convaincre les antivax. Pour la tranche de population non vaccinée restante, la situation est beaucoup plus complexe. « Aller-vers » implique de se rendre auprès des personnes âgées à domicile, dans les déserts médicaux, car elles ne bénéficient pas de la vaccination. Dans ces conditions, introduire l'obligation vaccinale, d'autant plus avec des sanctions, me semble disproportionné. Concernant les mineurs, le Comité consultatif national d'éthique exprime des réticences : la balance bénéfices-risques ne plaide pas pour la vaccination obligatoire, mais pour une information éclairée et la promotion de la vaccination.

Enfin, les données sur l'efficacité du vaccin sont encore floues. Il est très difficile de demander une obligation vaccinale quand le vaccin reste entre les mains de grands laboratoires, qui font des profits colossaux. Envisageons la levée des brevets, sinon nous créerons une rente de milliards d'euros pour ces laboratoires. À la fin, c'est toujours le patient qui paie ! Enfin, le maillage territorial médical existant n'est pas propice à une telle vaccination.

Mes doutes sont nombreux ; ils ne plaident pas pour l'obligation vaccinale. Mon groupe va se réunir et je réserve donc mon vote.

Mme Corinne Féret . - Ce sujet mérite un véritable débat. Le passe sanitaire est une obligation indirecte qui ne dit pas son nom. Nous, nous faisons le choix de la transparence.

Il n'est pas trop tard aujourd'hui pour rendre la vaccination obligatoire, car la couverture vaccinale est insuffisante chez les plus vulnérables. S'ajoutent de fortes inégalités territoriales. Au rythme de vaccination actuel, qui a fortement diminué, nous n'atteindrions un taux de 90 % de vaccinés qu'en juillet 2022. Pouvons-nous nous permettre d'attendre aussi longtemps et de prendre le risque d'une nouvelle vague épidémique, de nouvelles hospitalisations et de nouveaux décès ?

Concernant le contrôle, il n'est pas question d'avoir des contrôleurs et l'armée à chaque coin de rue ! Nous sommes bien obligés d'avoir un permis de conduire, sans être contrôlés en permanence. Quant aux sanctions, elles ne seront pas forcément disproportionnées.

Soyons cohérents. La vaccination obligatoire existait au temps du service militaire, et elle existe aussi pour les plus petits - vous avez voté son extension en 2018. Il s'agit d'un choix politique de santé publique. L'argument budgétaire ne peut nous freiner. Il y va de la protection de nos concitoyens.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Merci à Bernard Jomier d'avoir engagé ce débat nécessaire, mais une question demeure : comment mettre en oeuvre l'obligation vaccinale ? Le passe sanitaire bute déjà sur un noyau de résistances, l'obligation n'améliorera pas les choses - en tout cas, je n'entends pas d'argument propre à me convaincre qu'elle y parviendra.

M. René-Paul Savary . - Favorable à l'obligation vaccinale en général, je suis plutôt convaincu par ceux qui la demandent contre la covid-19, même si je trouve également convaincants ceux qui y sont opposés pour des raisons pratiques. Cependant, quand la ceinture de sécurité a été rendue obligatoire, j'étais de ceux qui ronchonnaient devant ce que je regardais alors comme une entrave à ma liberté, puis la ceinture est entrée dans les moeurs et je m'y suis fait : la ceinture n'évite pas l'accident, mais sauve des vies, je pense que c'est comparable.

Nous avons ardemment voulu le vaccin et maintenant que nous l'avons, certains n'en veulent pas ; or il y va de la liberté de l'ensemble de la population : ceux qui refusent de se vacciner pénalisent ceux qui se sont vaccinés. Ensuite, le coût du dépistage est plus important que celui la vaccination, il faut y penser quand nous finançons le tout à crédit, sur les générations futures.

Par ailleurs, il ne suffit pas que la France se vaccine, ses voisins et la Terre entière doivent le faire, d'où l'importance de l'action européenne et internationale.

Où en est-on s'agissant des nouvelles thérapies ? Enfin, il faut maintenir les gestes barrières, on le voit avec la grippe qui fait 5 000 à 7 000 morts par an.

Je reste donc partagé : ni pour, ni contre, mais bien au contraire...

Mme Chantal Deseyne . - Vous parlez d'un taux de couverture de 73 %, alors que le Gouvernement avance 84 % : est-ce à dire que vous envisagez la vaccination des moins de 12 ans ?

M. Bernard Jomier , rapporteur . - Je n'ai pas de certitude sur certains points et je vois qu'on peut changer d'avis en avançant : d'une façon plus générale, cette crise nous a appris à gérer l'incertitude, et je crois que cela ne veut pas dire qu'on doive renoncer à prendre des décisions - c'est à quoi je m'attèle, pour trouver la voie la plus utile à la population.

Le passe sanitaire a été un bon outil, il relève d'une méthode de gouvernance connue, celle du nudge , ou du « coup de pouce » : l'autorité n'oblige pas, mais incite et « pousse » les citoyens à adopter un comportement, ici à se faire vacciner. Ce faisant, on pense éviter que les oppositions ne se cristallisent, ce qui n'est pas évident, et l'on euphémise la réalité, ce qui pose la question du respect des citoyens en démocratie - nous pourrions avoir ce débat philosophique. Quoi qu'il en soit, il reste le noyau dur, ceux qui ne voudront se faire vacciner à aucun prix : je ne sais pas de quel outil nous disposons pour les y forcer, je préfère prévoir une sanction et penser que, avec cette sanction, cette fraction de la population sera suffisamment faible pour qu'on atteigne l'immunité collective sans qu'elle se fasse vacciner.

S'agissant des vaccinations à domicile, il faut savoir qu'elles s'élèvent à peine à 15 000 par jour, c'est très peu, notre dispositif fonctionne mal. Avec l'obligation, j'escompte que l'action de l'État se modifie : il devra mettre en place un accès au vaccin, il aura une obligation de moyens - c'est la raison pour laquelle le président de la Seine-Saint-Denis réclame l'obligation. L'obligation vaccinale simplifie la vie pour l'administration du vaccin.

Sur le contrôle, ensuite, il faut se garder de toute démesure, en particulier celle consistant à dire que toute obligation devrait nécessairement être assortie d'un contrôle partout et tout le temps. Je suis pour un retour au droit commun, avec un contrôle a priori restreint à certaines circonstances, par exemple l'accès à des lieux très fréquentés, ou encore dans le train - un contrôle aléatoire, assorti de sanctions. Je crois que ce système suffirait, et j'ai du mal à comprendre l'argument consistant à dire qu'il faudrait absolument contrôler tout le monde tout le temps pour s'assurer que les gens se font vacciner, un tel contrôle ne fonctionnerait pas.

Je suis sensible à la diversité de situations pour nos concitoyens, je sais que l'obligation n'apparaîtra pas comme une solution pour ceux qui sont isolés et vivent dans des déserts médicaux. Cependant, l'obligation peut décider ceux qui ne se font pas vacciner aujourd'hui en se disant que si la vaccination n'est qu'une recommandation, c'est qu'elle n'est pas si nécessaire. Je n'en connais pas la proportion, mais je tiens compte de l'expérience avec les autres vaccins.

L'intérêt du vaccin est démontré quand sont établis son bénéfice collectif et son bénéfice individuel. Pour les mineurs de plus de 12 ans le bénéfice individuel et collectif est établi. Pour les plus jeunes, le bénéfice collectif est établi, puisque plus il y a de vaccinés, moins le virus circule ; reste à établir s'il y a un bénéfice individuel : Pfizer a demandé une autorisation pour les plus jeunes aux États-Unis et si les autorités la lui accordent, les enfants américains nous donneront le recul suffisant pour établir s'il y a, ou non, un intérêt individuel. En attendant, le mieux étant l'ennemi du bien, il n'est pas question d'abaisser l'obligation vaccinale en deçà de 12 ans, mieux vaut laisser le pouvoir réglementaire fixer l'âge de l'obligation, pour ajuster par la suite.

Est-on face à une alternative entre le passe sanitaire et l'obligation vaccinale ? La question est intéressante, la réponse dépend de l'analyse que l'on fait de la suite des événements. De mon côté, je crois que, avec à peine 30 000 primo-vaccinations par jour, nous sommes au bout de la dynamique vaccinale liée au passe sanitaire. Nous sommes parvenus mi-septembre à 50 millions de vaccinés, c'est bien, mais, pour aller plus loin, nous avons besoin de l'obligation vaccinale, c'est ce que montrent les situations où elle a été établie - voyez en Nouvelle-Calédonie, ou dans les professions médicales, le taux de vaccination s'établit désormais à 95 % chez les professionnels de santé en ville, et à plus de 90 % à l'hôpital, nous avons atteint ces niveaux avec la mise en place de l'obligation.

Sur le traitement, Jean-François Delfraissy m'a dit être très optimiste sur les thérapies ciblées, même si les anticorps monoclonaux n'ont visiblement qu'un effet partiel. Il est donc possible qu'arrive bientôt un traitement très efficace - mais actuellement, le meilleur traitement, c'est la vaccination !

Enfin, les gestes barrière restent décisifs, on le voit à travers l'effet pervers du passe sanitaire : les gens baissent la garde parce qu'ils ont leur passe, ce qui en annule les bénéfices, au risque d'une nouvelle vague épidémique...

Mme Catherine Deroche , présidente . - Le passe sanitaire est devenu obligatoire pour les plus de 12 ans au 30 septembre, on verra bientôt quel effet aura l'obligation sur les chiffres.

M. Martin Lévrier . - Et les tests ne seront plus remboursés au 15 octobre.

M. Bernard Jomier , rapporteur . - Les Français anticipent, je parie que, après le 15 octobre, nous n'enregistrerons qu'une vaguelette de vaccinations, rien de plus...

Mme Véronique Guillotin . - Je défends les vaccins et j'ai toujours été favorable à l'obligation vaccinale, mais cette obligation-ci arrive au mauvais moment, après une politique de passe sanitaire qui, même si elle montre ses limites, contribue à ce que 84 % des plus de 12 ans soient vaccinés. Nous ne sommes certes pas à l'abri d'une nouvelle vague épidémique, qui serait plus faible que les précédentes, car nous sommes davantage à être vaccinés, mais je crois que l'obligation vaccinale à ce niveau de couverture enverrait un mauvais signal à la population.

Ensuite, ce vaccin n'est pas comparable à celui contre la rougeole ou la polio, nous sommes en situation de crise et nous ne maîtrisons pas tout le schéma vaccinal. Quand le vaccin sera obligatoire, est-ce qu'on refusera de scolariser les enfants non vaccinés ? Je peux en être d'accord, mais il faut le dire.

Enfin, nous ne faisons pas la même analyse de la contrainte imposée par une telle obligation, elle introduit en réalité un passe vaccinal. Je reste donc attentive à la situation et ne gage pas l'avenir.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Le passe vaccinal n'est pas dans ce texte.

M. Bernard Jomier , rapporteur . - Non, ce n'est pas le bon véhicule. Au sein de la mission d'information, dès le mois d'avril, nous nous sommes déclarés favorables au passe vaccinal pour accéder aux événements culturels.

En réalité, si nous en étions restés à la souche originelle, l'immunité collective, qui était de 70 %, serait déjà derrière nous ; il nous faut désormais 90 % de vaccinés, comment va-t-on y parvenir, sachant qu'il n'y a plus grand monde à convaincre ? Sans changer d'outil, il nous faudra des mois pour y parvenir, c'est pourquoi je vous propose l'obligation pour maintenant - ou bien la prochaine vague, même faible, touchera quand même des dizaines de milliers de personnes qu'il nous faudra hospitaliser.

Lors de notre déplacement au Commissariat à l'énergie atomique, au printemps dernier, une chercheuse nous avait montré les atteintes de la covid-19 sur les cellules cérébrales : des cellules souches cérébrales peuvent être atteintes par des formes bénignes de la covid-19, provoquant des dégâts irréparables et des conséquences à moyen et long termes - je préfère la vaccination à une contamination suivie de troubles cognitifs...

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Bernard Jomier , rapporteur . - J'ai déjà défendu l'amendement COM-1 .

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi n'est pas adopté.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3 DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

___________

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 49 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 50 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 51 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 52 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté , lors de sa réunion du 6 octobre 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi (n° 811, 2020-2021) instaurant la vaccination obligatoire contre le SARS-CoV-2 .

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- à la vaccination contre la covid-19 ;

- aux modalités de contrôle du respect d'une obligation vaccinale contre la covid-19 et au régime des sanctions en cas de méconnaissance d'une telle obligation.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé , des amendements relatifs :

- à la politique nationale de vaccination et aux autres vaccinations obligatoires ;

- à l'état d'urgence sanitaire et aux outils de gestion de la crise sanitaire autres que la vaccination contre la covid-19.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

___________

(Par ordre chronologique)

• Yannick Slamet , membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, chargé de la politique sanitaire

• Matcha Iboudghacem , directrice des affaires juridiques du gouvernement de Nouvelle-Calédonie

• Direction des affaires sanitaires et sociales de la Nouvelle-Calédonie

Séverine Métillon , directrice adjointe

Dr Anne Pfannstiel , médecin de santé publique

• Académie nationale de médecine

Pr Bernard Charpentier , président

Pr Yves Buisson , président de la commission VII « Maladies infectieuses et tropicales »

• Comité scientifique sur les vaccins covid-19

Marie-Paule Kieny , présidente

• Dr Anne-Marie Moulin , docteur en médecine et en philosophie, directrice de recherche CNRS, UMR SPHERE (CNRS/Sorbonne Paris)

• Ligue des droits de l'homme

Nathalie Tehio , membre du bureau national de la Ligue des droits de l'Homme

• France Assos Santé

Jean-Pierre Thierry , conseiller médical de France Assos Santé

• Dr Guillaume Barucq , médecin généraliste

• Agence régionale de santé Île-de-France (ARS Île-de-France)

Sophie Martinon , directrice générale adjointe

• Fédération hospitalière de France (FHF)

Aurélien Sourdille , responsable adjoint du pôle Offres

• Pr Arnaud Fontanet , responsable de l'unité de recherche et d'expertise en épidémiologie des maladies émergentes de l'Institut Pasteur, membre du conseil scientifique Covid-19

• Pr Karine Lacombe , cheffe de service, service de maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Saint-Antoine

LA LOI EN CONSTRUCTION

___________

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-811.html


* 1 48 848 474 personnes ont reçu une deuxième dose au 5 octobre 2021 (Covidtracker - http://covidtracker.fr/vaccintracker/ ). Selon l'institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la France compte, au 1 er janvier 2021, 67 422 000 habitants.

* 2 La condition du passe sanitaire est satisfaite lorsque la personne est détentrice de l'un des trois documents suivants : un résultat de test virologique négatif de moins de 72 heures établi par un dépistage RT-PCR, un test antigénique ou un autotest réalisé sous la supervision d'un professionnel de santé habilité ; un justificatif de statut vaccinal attestant d'un schéma vaccinal complet ; un certificat de rétablissement établissant une positivité à l'infection par le SARS-CoV-2 de plus de dix jours et de moins de six mois.

* 3 Les tests antigéniques coûtent en moyenne 25 euros et les tests RT-PCR entre 40 et 50 euros.

* 4 Jour de la parution du décret n° 2021-724 du 7 juin 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1 er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

* 5 Jour de la parution du décret n° 2021-1059 du 7 août 2021 modifiant le décret n° 2021-699 du 1 er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

* 6 Données de Covidtracker, à partir des données du ministère de la santé ( http://covidtracker.fr/vaccintracker/ ).

* 7 LCI, « Covid-19 : l'objectif des 50 millions de primo-vaccinés atteint avec 18 jours de retard », 17 septembre 2021 ( http://www.lci.fr/societe/coronavirus-vaccin-covid-19-l-objectif-des-50-millions-de-primo-vaccines-atteint-avec-18-jours-de-retard-2196542.html ).

* 8 Covidtracker ( http://covidtracker.fr/vaccintracker/ ).

* 9 Application TousAntiCovid (au 5 octobre 2021).

* 10 36 227 premières doses au 26 septembre 2021 (Covidtracker).

* 11 39 778 troisièmes doses au 26 septembre 2021 (Covidtracker).

* 12 Selon Covidtracker, la moyenne quotidienne de premières doses injectées s'établissait à 373 381 le 31 juillet 2021.

* 13 Si le nombre quotidien de premières doses se maintient à un niveau moyen de 35 500 doses par jour (35 179 comptabilisées le 27 septembre 2021, 31 581 comptabilisées le 4 octobre 2021).

* 14 Conseil scientifique, « Fin de la période estivale et passe sanitaire - Rentrée de septembre 2021 », note d'alerte du 20 août 2021.

* 15 Delphine Roucaute, Chloé Hecketsweiler et Nathaniel Herzberg, « La vaccination des plus de 80 ans, talon d'Achille de la France », Le Monde , édition du 8 juillet 2021.

* 16 Tableau de bord de la vaccination du ministère des solidarités et de la santé ( http://solidarites-sante.gouv.fr/grands-dossiers/vaccin-covid-19/article/le-tableau-de-bord-de-la-vaccination ).

* 17 Deuxième édition du baromètre « Solitude et isolement quand on a plus de 60 ans en France en 2021 », par l'association Les petits frères des pauvres.

* 18 Agnès Leclair, « Solitude : un demi-million de personnes âgées en situation de “mort sociale” », Le Figaro , édition du 30 septembre 2021.

* 19 Estimations réalisées à partir du tableau de bord de la vaccination du ministère des solidarités et de la santé au 29 septembre 2021 ( http://solidarites-sante.gouv.fr/grands-dossiers/vaccin-covid-19/article/le-tableau-de-bord-de-la-vaccination ).

* 20 Caisse nationale de l'assurance maladie.

* 21 Grégoire Sauvage, « Covid-19 : 50 millions de Français primo-vaccinés, et maintenant ? », France 24 ( www.france24.com ) , édition du 5 septembre 2021.

* 22 Selon les données de l'assurance maladie, 15,5 % des personnes obèses ayant fait l'objet d'un séjour hospitalier par le passé n'ont reçu, au 26 septembre 2021, aucune injection de vaccin contre la covid-19.

* 23 Mélanie Faure, « Covid-19 : la mortalité largement supérieure dans les pays frappés par l'obésité », LCI ( www.lci.fr ), édition du 31 mars 2021.

* 24 Données disponibles au 29 septembre 2021 sur le site « Covidtracker », à partir des données du ministère des solidarités et de la santé.

* 25 Données disponibles au 29 septembre 2021 sur le site « Covidtracker », à partir des données du ministère des solidarités et de la santé.

* 26 Décret n° 2021-930 du 13 juillet 2021 modifiant le décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d'information mentionnés à l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions et le décret n° 2020-1690 du 25 décembre 2020 autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif aux vaccinations contre la covid-19.

* 27 DGS-urgent n° 2021-68 du 16 juillet 2021, « Mise à disposition de flacons de vaccin Pfizer-BioNTech dans des centres de vaccination pour les professionnels de santé de ville ».

* 28 Cette obligation a été suspendue en population générale en 2007 (décret n° 2007-1111 du 17 juillet 2007).

* 29 Académie nationale de médecine, « Ne pas renoncer à l'immunité collective », communiqué du 8 septembre 2021.

* 30 Académie nationale de médecine, « Vaccination ou isolement : du bon usage de l'obligation », communiqué du 19 juillet 2021.

* 31 Audition du 22 septembre 2021.

* 32 Zoé Lastennet, « Le président de la Fédération hospitalière de France appelle à la vaccination obligatoire pour tous », Le Journal du dimanche , édition du 31 juillet 2021.

* 33 La stratégie vaccinale à mettre en oeuvre pour limiter la quatrième vague de la pandémie , rapport d'information n° 727 (2020-2021) de M. Bernard Jomier, fait au nom de la mission d'information sur les effets des mesures en matière de confinement, déposé le 1 er juillet 2021.

* 34 Délibération n° 44/CP du 3 septembre 2021 instaurant une obligation vaccinale contre le virus SARS-CoV-2 en Nouvelle-Calédonie.

* 35 Personnels du transport maritime et aérien, personnels des établissements de quarantaine, personnels des établissements sanitaires, personnels indispensables au fonctionnement du pays et à la sécurité.

* 36 175 000 francs Pacifique (1 458 euros).

* 37 « Baromètre santé » de 2015 de l'agence sanitaire et sociale de la Nouvelle-Calédonie ( http://www.santepourtous.nc/les-thematiques/mange-mieux-bouge-plus/obesite-en-nc/epidemiologie ).

* 38 http://www.caledonia.nc/actualite/le-diabete-cette-maladie-silencieuse (11 juin 2019).

* 39 Le décret n° 2006-1260 du 14 octobre 2006 a ainsi suspendu l'obligation vaccinale contre la grippe des professionnels des établissements de santé et des Ehpad.

* 40 Article L. 3111-1 du même code.

* 41 Antidiphtérique ; antitétanique ; antipoliomyélitique ; contre la coqueluche ; contre les infections invasives à Haemophilus influenzae de type b ; contre le virus de l'hépatite B ; contre les infections invasives à pneumocoque ; contre le méningocoque de sérogroupe C ; contre la rougeole ; contre les oreillons ; contre la rubéole.

* 42 Article R. 3111-2 du code de la santé publique.

* 43 II de l'article L. 3111-2 du code de la santé publique.

* 44 Selon la base Géodes de Santé publique France, au 29 septembre 2021, seulement six décès ont été recensés chez des enfants de 0 à 9 ans. Selon des informations rapportées par la HAS, « Santé publique France a identifié, à ce jour, 10 décès d'enfants considérés comme imputables à la covid-19 et 4 dont l'imputabilité a été considérée comme possible par le clinicien » (Haute Autorité de santé, « Stratégie de vaccination contre la covid-19 - Place du vaccin à ARNm Spike-vax® de Moderna chez les 12 à 17 ans », recommandation vaccinale, 27 juillet 2021.

* 45 Sur la base de l'avis n° 2021.0061/AC/SEESP du 23 août 2021 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la définition des populations à cibler par la campagne de rappel vaccinal chez les personnes ayant eu une primovaccination complète contre la covid-19.

* 46 Les caractéristiques du justificatif de statut vaccinal attestant d'un schéma vaccinal complet, précisées à l'article 2-2 du décret n° 2021-699 du 1 er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, n'ont en effet pas été modifiées à l'occasion du lancement du rappel vaccinal.

* 47 Communiqué de presse de la Haute Autorité de santé du 6 octobre 2021, « Covid-19 : la HAS élargit le périmètre de la dose de rappel ».

* 48 La loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale a supprimé la sanction pénale générale dont pouvaient faire l'objet les titulaires de l'autorité parentale en cas de violation des obligations vaccinales au titre de la protection de l'enfance, autrefois prévue à l'article L. 3116-6 du code de la santé publique.

* 49 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 50 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 51 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 52 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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