II. MALGRÉ L'AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE, L'ÉLABORATION D'OUTILS JURIDIQUES EUROPÉENS POUR L'ENDIGUER BUTE SUR DE NOMBREUX OBSTACLES

A. LA RATIFICATION DE LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE (DITE « D'ISTANBUL ») EST ACTUELLEMENT DANS UNE IMPASSE POLITIQUE

L'Union ne dispose pas aujourd'hui d'un cadre juridique commun et contraignant consacré aux violences de genre: seuls des principes d'égalité et de non-discrimination sont énoncés , notamment dans la Charte des droits fondamentaux et certains articles des traités 2 ( * ) . Des instruments spécifiques sectoriels existent mais ne sont pas spécifiques à ces violences. Il s'agit notamment de la directive 2011/99/UE relative à la décision de protection européenne en matière pénale et de la directive 2012/29/UE établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité.

Le seul cadre global pertinent aujourd'hui, au niveau européen, est la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (dite « Convention d'Istanbul »). La Convention pose un cadre contraignant pour la prévention des violences, la protection des victimes et la poursuite pénale des agresseurs. Elle définit les notions de violence domestique, de violence sexiste ou de violence de genre mais c'est avant tout un outil pratique qui, pour la première fois, centre son approche sur les victimes.

Adoptée en 2011 et entrée en vigueur en 2014, cette Convention d'Istanbul a été signée par tous les États membres et ratifiée par 21 d'entre eux 3 ( * ) . En juin 2017, elle a également été signée par l'Union européenne mais sa ratification est aujourd'hui toujours en suspens.

Le champ de la Convention d'Istanbul relève, pour partie, des compétences de l'Union européenne et, pour partie, de celles des États membres. Dès lors, cette convention est appelée à devenir un accord mixte. Par coutume, la ratification des traités internationaux fait l'objet d'un commun accord entre États membres au Conseil quand ils relèvent de compétences partagées. En ce qui concerne la Convention d'Istanbul, un tel préalable n'a pu être obtenu.

Saisie en juillet 2019 par le Parlement européen, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) vient de rendre un avis à ce sujet le 6 octobre dernier. La Cour exclut que la recherche d'un commun accord puisse constituer un blocage et réaffirme le principe d'un vote à la majorité qualifiée en la matière . Cependant, si le blocage institutionnel est désormais levé, il est probable que, s'il devait être inscrit bientôt à son ordre du jour, ce dont il n'est pas question pour le moment, le texte rencontrerait une minorité de blocage au Conseil.


* 2 L'article 2 du traité sur l'Union européenne et les articles 8 et 83 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatifs au principe de l'égalité entre les hommes et les femmes et à la lutte contre l'exploitation sexuelle des femmes.

* 3 Belgique, Danemark, Allemagne, Estonie, Grèce, Espagne, France, Croatie, Irlande, Italie, Chypre, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Autriche, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovénie, Finlande, Suède. La Pologne l'a ratifiée en 2015 mais a annoncé en juillet 2020 son intention de se retirer du traité.

Les pays bloquant la ratification sont 6 pays de l'Est : Bulgarie, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Slovaquie et République Tchèque.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page