II. LA RÉFORME DE 2013 : UNE VOLONTÉ D'ACCROÎTRE LE NOMBRE DE PROCÉDURES SVA MALGRÉ DES DIFFICULTÉS JURIDIQUES PRÉVISIBLES

A. UNE INVERSION DU PRINCIPE VOULUE POUR AUGMENTER LE NOMBRE DE PROCÉDURES SVA

Voulue par le président François Hollande comme un « choc de simplification » , la loi de 2013 précitée est venue renverser le principe en modifiant les articles 20 et suivants de la loi de 2000 précitée. Ces dispositions ont, depuis lors, été codifiées aux articles L. 231-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration (CRPA), créé par ordonnance en 2015 6 ( * ) , prise sur habilitation donnée à l'article 3 de la loi de 2013 précitée.

En outre, cette réforme a été inspirée par la directive « Services » de 2006 7 ( * ) qui incitait les États membres à « établir des principes de simplification administrative, notamment par la limitation de l'obligation d'autorisation préalable aux cas où cela est indispensable et par l'introduction du principe de l'autorisation tacite des autorités compétentes après l'expiration d'un certain délai » 8 ( * ) .

Depuis lors, en application de l'article L. 231-1 du CRPA, le « silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation » .

Comme le rappelle très justement Claire Landais, Secrétaire générale du Gouvernement, « dès l'origine, le législateur ne s'est pas donné comme objectif de soumettre l'ensemble des demandes adressées aux administrations à l'application uniforme du principe « silence vaut acceptation ». Il s'est agi de poser précisément un principe de nature à susciter, dans son champ, de nouvelles simplifications dans l'instruction des demandes et assorti, sous le contrôle du juge 9 ( * ) , de dérogations et d'exceptions » 10 ( * ) .

B. DES FAIBLESSES JURIDIQUES INTRINSÈQUES AU PRINCIPE SELON LEQUEL LE SILENCE DE L'ADMINISTRATION VAUT ACCEPTATION

La première faiblesse insurmontable du SVA est qu'il ne peut, par définition, s'appliquer qu'aux seules demandes pour lesquelles l'administration doit répondre par « oui » ou par « non ». Il peut donc, par exemple, s'appliquer à la demande d'autorisation d'urbanisme dont l'instruction, par les services compétents, conduit à constater la conformité ou la non-conformité du dossier transmis. En revanche, un tel principe ne peut s'appliquer aux demandes portant sur une obligation de faire ou une obligation de donner. Le silence gardé par l'administration à la suite d'une demande indemnitaire n'emportera pas versement de la somme demandée par le pétitionnaire. Ce même silence sera également sans effet à la suite d'une demande de position formelle ou rescrit à moins que cette demande ne porte sur la validation d'une proposition de position formelle existante transmise par le pétitionnaire.

La seconde faiblesse concerne les droits des tiers. En premier lieu, le SVA peut conduire à des atteintes au principe d'égalité dans tous les cas où une absence de réponse involontaire de l'administration (perte d'une demande ou erreur de traitement) crée des droits subjectifs indus en faveur du pétitionnaire. L'erreur de l'administration lui bénéficiant, ce dernier sera dans une situation plus favorable que les tiers ayant, le cas échéant, formulé une demande similaire rejetée à bon droit et dans les délais par l'administration saisie.

Le SVA peut également conduire à une perte de chance pour les tiers dans la mesure où, en l'absence de décision expresse en faveur du pétitionnaire, ils peuvent plus difficilement prendre connaissance de la décision tacite pour, le cas échéant, formuler un recours. Si les relations entre le public et l'administration sont souvent analysées sous le prisme de la bilatéralité, le rapporteur souligne que l'activité de régulation confiée aux administrations a in fine pour objet de préserver l'ordre public, l'environnement et les droits des tiers. L'instruction d'une autorisation d'urbanisme peut, par exemple, révéler une atteinte à une servitude établie au bénéfice d'un tiers. Or, l'information des tiers est consubstantielle à leur droit au recours effectif.

Ces obstacles insurmontables ou difficultés potentielles semblent motiver une partie des exceptions de portée générale prescrites par l'article L. 231-4 du CRPA ( cf. infra ) ainsi que les règles de publication des demandes régies par le SVA en application de l'article L. 232-2 du même code.


* 6 Ordonnance n° 2015-1341 du 23 octobre 2015 relative aux dispositions législatives du code des relations entre le public et l'administration.

* 7 Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur.

* 8 Extrait du considérant 43.

* 9 Cf. Conseil d'État, 30 décembre 2015, n° 386805, aux T.

* 10 Extrait de la contribution écrite transmise au rapporteur par la Secrétaire générale du Gouvernement.

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