Rapport n° 238 (2021-2022) de Mme Dominique VÉRIEN , fait au nom de la commission des lois, déposé le 1er décembre 2021

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N° 238

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er décembre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, interdisant les pratiques visant à modifier l' orientation sexuelle ou l' identité de genre d'une personne ,

Par Mme Dominique VÉRIEN,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean- Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

4021 , 4501 et T.A. 673

Sénat :

13 et 239 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 1 er décembre 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a adopté , sur le rapport de Dominique Vérien (Union centriste - Yonne), la proposition de loi n° 13 (2021-2022) interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne , adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée. Elle a modifié ce texte par plusieurs amendements afin notamment de préciser le champ des nouvelles infractions.

La proposition de loi vise à poser un interdit clair concernant des pratiques qui prennent des formes variées, mais qui ont toujours des conséquences négatives sur la santé et sur le bien-être des personnes qui y sont soumises. Ces pratiques sont souvent désignées, par commodité, par l'expression « thérapies de conversion », bien que l'orientation sexuelle et la transidentité ne soient pas des maladies que l'on pourrait guérir.

L'orientation sexuelle correspond à l'attirance affective ou sexuelle pour les personnes de même sexe (homosexualité), de sexe opposé (hétérosexualité) ou indifféremment pour l'un ou l'autre sexe (bisexualité). La prise en compte de l'identité de genre est relativement récente puisque c'est seulement en 1953 que l'endocrinologue Harry Benjamin a fait accepter l'idée que les personnes qu'il nommait alors « transsexuelles » étaient atteintes d'un trouble distinct de l'homosexualité qui s'enracine dès le plus jeune âge et qui se manifeste par un désir irrépressible de changer de sexe. Plus communément qualifiées aujourd'hui de transgenres, ces personnes peuvent entamer un parcours médical de transition et demander à ce que leur état civil soit modifié afin d'être en accord avec leur identité de genre. Depuis 2016, les personnes transgenres peuvent bénéficier d'une modification de leur état civil, dans les conditions fixées à l'article 61-5 du code civil, sans passer par une opération chirurgicale de réassignation sexuelle impliquant une stérilisation.

La proposition de loi est le fruit d'un travail mené par la députée Laurence Vanceunebrock, d'abord rapporteure d'une « mission flash » au sein de la commission des lois de l'Assemblée nationale en 2019 1 ( * ) avec le député Bastien Lachaud, avant de déposer la proposition de loi dont elle a également été la rapporteure. L'Assemblée nationale a adopté le texte à l'unanimité le 5 octobre 2021.

Au Sénat, Françoise Laborde et plusieurs membres du groupe du Rassemblement démocratique, social et européen (RDSE) ont déposé, le 1 er octobre 2019, une proposition de résolution visant à engager une campagne de prévention et de lutte contre les « thérapies de conversion ». Puis Marie-Pierre de La Gontrie et plusieurs membres du groupe socialiste, écologiste et républicain (SER) ont déposé, le 24 juin 2021, une proposition de loi visant à interdire les « thérapies de conversion » ayant pour objet la modification de l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, dont la rédaction est très proche de celle du texte déposé par Laurence Vanceunebrock.

I. DES PRATIQUES VARIÉES DIFFICILES À QUANTIFIER

Les enquêtes 2 ( * ) menées sur les « thérapies de conversion » conduisent à distinguer deux catégories principales de pratiques : celles qui s'inscrivent dans un contexte médical et celles qui s'inscrivent dans un contexte religieux, avec parfois une dimension sectaire, ce qui explique que le Gouvernement ait demandé au mois de septembre à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) d'étudier le phénomène.

A. GUÉRIR LES MALADES ET LES POSSÉDÉS

L'homosexualité et la transidentité ont longtemps été considérées comme des maladies mentales, résultant de problèmes survenus au cours du développement du sujet. C'est seulement en 1990 que l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) a retiré l'homosexualité de la liste des maladies mentales, suivie par la France en 1992. En 2010, à l'initiative de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, la transidentité a été retirée en France de la liste des maladies mentales ; l'OMS a suivi en 2018.

Ce contexte a pu encourager des médecins à rechercher des « traitements». Jusque dans les années 1960, certains médecins aux États-Unis ont par exemple proposé des « thérapies aversives » destinées à modifier l'orientation sexuelle en faisant subir des décharges électriques au patient. Le procédé était censé provoquer un conditionnement éloignant l'individu de ses objets d'attraction. Ce type de « traitement » n'a jamais été attesté en France, où les pratiques observées relèvent davantage des psychothérapies ou de l'hypnose.

D'autres « thérapies de conversion » s'inscrivent dans un contexte religieux. Quelques groupes aux pratiques contestées sont régulièrement cités : Les Béatitudes (au moins jusqu'en 2016), Courage, émanation française de la structure américaine Courage International , et Torrents de Vie, qui regroupe surtout des chrétiens évangéliques.

Les méthodes mises en oeuvre peuvent consister en des groupes de parole, des retraites, des jeûnes, des sessions d'enseignement, des prières de guérison ou de délivrance, voire des exorcismes.

Interrogé par la rapporteure, Mgr Bruno Feillet, évêque de Séez et président du conseil « Famille et Société » de la Conférence des évêques de France (CEF), a précisé que Courage se présentait comme une association catholique mais qu'elle n'avait jamais bénéficié d'une quelconque reconnaissance de la part de l'Église. Il a estimé qu'il s'agissait désormais d'une organisation groupusculaire, dont les activités sont résiduelles.

L'accompagnement proposé par Torrents de Vie

La rapporteure a auditionné les représentants du Conseil national des Évangéliques de France (CNEF) et de l'association Torrents de Vie, qui est affiliée au CNEF. Le CNEF a déclaré condamner les « thérapies de conversion » et souligné que les églises évangéliques ne croient pas qu'il existerait un esprit de l'homosexualité dont l'individu pourrait être délivré.

Animateur de Torrents de Vie, le pasteur Claude Riess a déclaré que l'association accompagnait environ une centaine de personnes par an, dont seulement 10 % à 15 % auraient des interrogations concernant leur orientation ou leur attirance homosexuelle (Torrents de Vie tient à distinguer ces deux notions). Il a insisté sur le fait que l'association respectait la liberté de chacun et qu'elle ne demandait pas aux personnes homosexuelles de changer d'orientation.

Ces propos rassurants cohabitent avec un discours et des réflexions parfois plus surprenants. Le pasteur Riess s'est étonné que la société accepte qu'une personne hétérosexuelle devienne homosexuelle, alors que le parcours inverse serait mal vu, semblant accréditer l'idée que les personnes peuvent changer d'orientation sexuelle. Il a expliqué que si l'association ne demandait pas aux personnes homosexuelles de changer, celles-ci pouvaient être touchées par la grâce et être habitées par l'Esprit saint, qui les fait changer.

Sur son site internet, l'association publie différents témoignages dont l'un évoque ce qui ressemble à un passage de l'homosexualité à l'hétérosexualité. Une femme explique que son mari a eu pendant dix ans des relations extra-conjugales avec des hommes, avant d'entamer un parcours de huit mois avec Torrents de Vie. De ce parcours, cette femme dresse le bilan suivant : « - Il a compris comment son histoire personnelle était le terreau de ses attirances homosexuelles. - Il a été libéré de la peur des femmes, découvert leur réalité et s'est donc rapproché de moi. (il ne se couchait plus aussi tôt le soir, il ne fuyait plus mon regard et ne craignait plus les relations intimes...). - Il a rétabli en lui l'équilibre du masculin qu'il avait rejeté pendant toutes ces années. - Il est entré dans sa stature de père, n'ayant plus peur de la saine autorité ».

Dans une société sécularisée comme la France, la frontière entre accompagnement spirituel et psychothérapie est souvent floue. Benoit Berthe Siward, fondateur du collectif « Rien à guérir », a ainsi qualifié de « psycho-spirituelle » la « thérapie de conversion » qui lui a été infligée entre quinze et dix-huit ans. Jean-Michel Dunand-Roux a témoigné de son parcours, à la fin des années 1980, marqué par huit exorcismes, suivis d'une tentative de le faire interner en établissement psychiatrique pour une cure de sommeil 3 ( * ) .

B. DES PRATIQUES ATTESTÉES MAIS QUI SEMBLENT PEU RÉPANDUES

Il n'existe pas en France d'enquête nationale permettant d'évaluer l'ampleur du phénomène des « thérapies de conversion ». Des enquêtes ont en revanche été menées dans les pays anglo-saxons.

Au Royaume-Uni, le gouvernement a lancé à la fin du mois d'octobre 2021 une consultation du public 4 ( * ) en vue de leur éventuelle interdiction. Les documents mis en ligne indiquent que, lors de l'enquête menée en 2017 auprès des personnes LGBT, 5 % des répondants ont déclaré s'être vu proposer une « thérapie» et que 2 % l'ont subie, y compris certains jeunes âgés de seize ou dix-sept ans au moment de l'enquête. Aux États-Unis, la proportion de personnes homosexuelles ou bisexuelles qui déclarent avoir subi une telle « thérapie » est plus élevée, de l'ordre de 6,7 %, ce qui correspond à environ 700 000 personnes 5 ( * ) ; le passage par ces « thérapies » serait associé à un risque plus élevé de suicide et de dépression.

Les données parcellaires disponibles en France attestent que les « thérapies de conversion » sont effectivement pratiquées, même si elles semblent - heureusement - peu répandues.

Le collectif « Rien à guérir » réunit désormais une cinquantaine de victimes. La cheffe de la Miviludes, Hanène Romdhane, a indiqué à la rapporteure que la mission avait recensé une douzaine de signalements à ce sujet, qui concernent principalement des mineurs ou des jeunes majeurs poussés par leur famille ; la mission mène l'enquête et recueille des données afin d'objectiver ces situations, qui impliquent souvent des rituels d'exorcisme et aboutissent parfois à des tentations suicidaires. Le Conseil national de l'Ordre des médecins a indiqué n'avoir reçu en revanche aucun signalement.

L'association SOS Homophobie, qui gère une ligne d'écoute, reçoit très peu d'appels concernant des « thérapies de conversion ». Les associations confessionnelles 6 ( * ) recensent quelques cas parmi leurs adhérents. Le président de l'association Shams, qui regroupe des personnes d'origine maghrébine et moyen-orientale, a souligné que le réflexe de conseiller à un jeune qui dévoile son homosexualité de consulter un imam pour tenter de changer son orientation sexuelle demeure répandu dans beaucoup de familles.

II. L'OBJECTIF DE LA PROPOSITION DE LOI : POSER UN INTERDIT CLAIR

La législation en vigueur offre déjà des outils pour réprimer les « thérapies de conversion ». La création d'infractions spécifiques présenterait cependant l'avantage d'être plus lisible pour les victimes, ce qui favoriserait le dépôt de plainte, ainsi que pour les personnes tentées de proposer ces « thérapies », ce qui pourrait ainsi exercer un effet préventif.

A. DES OUTILS JURIDIQUES EXISTENT DÉJÀ

La direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) du ministère de la justice a souligné, lors de son audition, que les pratiques visées par la proposition de loi peuvent déjà être réprimées, au titre des violences volontaires, du délit d'abus de faiblesse, du harcèlement moral ou encore de l'exercice illégal de la médecine. Au mois de mai 2021, le garde des sceaux a d'ailleurs diffusé une circulaire relative à la lutte contre les infractions commises à raison de l'orientation sexuelle dans laquelle il invite à porter une attention particulière aux « thérapies de conversion », considérant qu'elles « sont susceptibles d'engendrer des souffrances et des traumatismes durables chez les personnes qui les subissent ». Il ajoute que « ce phénomène peut être appréhendé de façon complète par les qualifications pénales en vigueur ».

La Chancellerie reconnaît cependant que le fait de sanctionner de manière autonome ces faits enverrait un signal fort et aurait une vertu pédagogique. Cela permettrait incidemment de disposer de statistiques permettant de suivre l'activité judiciaire sur cette question. Les auditions ont confirmé qu'en l'état du droit, les victimes avaient rarement conscience des outils juridiques à leur disposition, ce qui fait obstacle au dépôt de plainte.

D'autres pays sont parvenus à la même conclusion et ont interdit explicitement les « thérapies de conversion » : en Europe, Malte et l'Allemagne, et plusieurs provinces en Espagne ; l'Équateur ; dix-neuf États aux États-Unis et trois provinces au Canada. Le 16 janvier 2019, le Parlement européen a enfin adopté une résolution appelant les États membres de l'Union européenne à interdire les « thérapies de conversion ».

B. SOUTENIR LA PROPOSITION DE LOI EN DÉLIMITANT PRÉCISÉMENT LE CHAMP DES INFRACTIONS

La proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale comporte trois articles. L'article 3 concerne les professionnels de santé puisqu'il tend à modifier le code de la santé publique pour punir de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende le fait de donner des consultations ou de prescrire des traitements en prétendant pouvoir modifier ou réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.

L'article 1 er punit des mêmes peines les pratiques, comportements ou propos répétés, visant à modifier ou à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale. Ces agissements ne pourraient donc être sanctionnés que si la victime a subi un préjudice sur sa santé.

Cette précision garantit que ne pourrait être condamné l'accompagnement spirituel proposé par certains groupes à des personnes homosexuelles qui, pour des raisons de conviction religieuse, font par exemple le choix de l'abstinence, et qui recherchent un soutien sur ce chemin exigeant, dès lors que la liberté de l'individu est respectée et qu'il est vécu de façon satisfaisante. Les représentants des cultes entendus par la rapporteure ont indiqué ne pas être opposés à l'adoption du texte, ce qui confirme qu'il n'est pas perçu comme une atteinte à la liberté religieuse.

Les auditions auxquelles a procédé la rapporteure ont révélé une inquiétude concernant le suivi des personnes transgenres, notamment des mineurs. Le texte ne pourrait-il aboutir à la condamnation de médecins ou de parents qui, confrontés à la demande de leur adolescent, inviteraient ce dernier, tout en étant dans une démarche d'écoute et de bienveillance, à prendre le temps de la réflexion avant de s'engager dans un éprouvant parcours de transition ?

Bien que ce risque paraisse limité, une invitation à la prudence pouvant difficilement être assimilée à une volonté de « réprimer » l'identité de genre, la commission a souhaité apaiser les craintes qui se sont exprimées en précisant, sur proposition de la rapporteure, que les infractions prévues aux articles 1 er et 3 ne seraient pas constituées dans cette hypothèse. Si un parent est condamné, elle a également souhaité que le tribunal correctionnel se prononce sur un éventuel retrait total ou partiel de l'autorité parentale.

Dans le même souci de préciser le champ de l'infraction, elle a supprimé, à l'initiative de la rapporteure, la plus grande partie de l'article 2, qui risquait d'entraîner un conflit de qualifications juridiques, ce qui poserait un problème au regard du principe d'égalité devant la loi pénale.

Enfin, afin d'harmoniser la rédaction du texte, la commission a introduit, à l'article 3, une circonstance aggravante lorsque la victime est un mineur ou une personne vulnérable, ainsi que cela est prévu à l'article 1 er .

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

Ce texte sera examiné en séance publique le 7 décembre 2021 .

EXEMEN DES ARTICLES

Article 1er
Création d'une infraction relative aux « thérapies de conversion »

Cet article tend à créer une nouvelle infraction afin de réprimer les « thérapies de conversion » visant à modifier ou réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre.

La commission a adopté cet article, modifié par deux amendements tendant à mieux délimiter le champ de l'infraction et à prévoir que la juridiction de jugement devra se prononcer sur la question de l'autorité parentale .

1. La création d'une nouvelle infraction dans le code pénal

L'article 1 er de la proposition de loi tend à insérer dans le code pénal un nouvel article afin de réprimer les pratiques qu'il est convenu d'appeler « thérapies de conversion ».

Plus précisément, ce nouvel article entend sanctionner les pratiques , les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre , vraie ou supposée, d'une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale.

L'article vise à la fois l'orientation sexuelle et l'identité de genre. Dans sa décision n° 2016-745 DC du 26 anvier 2017, le Conseil constitutionnel a considéré que les termes d'« identité de genre » étaient suffisamment clairs et précis pour respecter le principe de légalité des délits et des peines. Le Conseil constitutionnel notait qu'« en ayant recours à la notion d'identité de genre, le législateur a entendu viser le genre auquel s'identifie une personne, qu'il corresponde ou non au sexe indiqué sur les registres de l'état-civil ou aux différentes expressions de l'appartenance au sexe masculin ou au sexe féminin » .

Seraient sanctionnés les pratiques, comportements et propos répétés prétendant modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, afin par exemple de substituer une attirance hétérosexuelle à une attirance homosexuelle, mais aussi celles prétendant seulement réprimer cette orientation ou cette identité. La personne homosexuelle ou transgenre serait dans cette hypothèse incitée à ne pas vivre son identité ou son orientation sexuelle, par exemple en s'astreignant à la continence et en la dissimulant à son entourage.

Le texte fait référence à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre « vraie ou supposée », comme c'est déjà le cas dans plusieurs articles du code pénal (notamment aux articles 132-77, 222-13 et 621-1) 7 ( * ) . Ainsi, la « thérapie » qui serait infligée à un jeune homme que ses parents trouveraient trop efféminé, alors qu'il est attiré par les personnes du sexe opposé, pourrait être sanctionnée.

Le dernier élément constitutif de l'infraction, à savoir l'altération de la santé physique ou mentale , garantit que seuls des faits d'une certaine gravité pourront être poursuivis et condamnés. Sur ce point, la rédaction retenue est plus exigeante que celle qui figure à l'article 222-33-2 du code pénal, relatif au harcèlement moral, puisque ce dernier article incrimine les propos ou comportement ayant pour effet ou pour objet d'altérer la santé physique ou mentale.

Le nouveau délit serait puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

2. Un dispositif remanié à l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a réécrit en grande partie l'article 1 er au cours de l'examen de la proposition de loi, sans toutefois faire évoluer la définition de l'infraction ni le quantum de la peine.

2.1. L'emplacement de l'article dans le code pénal

Dans sa version initiale, l'article 1 er de la proposition de loi prévoyait d'introduire dans le code pénal un nouvel article 222-16-1 A, placé dans la section du code pénal relative aux atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, après les articles réprimant les violences.

Sur proposition de la rapporteure Laurence Vanceunebrock, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à inscrire la nouvelle infraction dans le chapitre V du code pénal relatif aux atteintes à la dignité, où elle ferait l'objet d'un nouvel article 225-4-13, figurant dans une nouvelle section intitulée « Des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre ».

Elle a également adopté un amendement de la rapporteure modifiant l'intitulé du chapitre I er de la proposition de loi, afin d'éviter d'inscrire dans la loi le terme « thérapie de conversion ». Ce terme est certes utilisé dans le langage courant, pour des raisons de commodité, mais il est peu opportun de lui donner une consécration législative puisqu'il véhicule, implicitement, l'idée que l'orientation sexuelle ou l'identité de genre seraient des maladies pouvant être guéries grâce à des « thérapies ». L'intitulé fait désormais référence aux « pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre ».

2.2. La suppression d'une précision jugée inutile

Dans sa version initiale, l'article 1 er comportait trois alinéas tendant à exclure certaines pratiques et certains comportements et propos du champ de l'infraction. Étaient mentionnés :

- ceux visant au libre développement ou à l'affirmation de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre d'une personne ;

- ceux visant le changement de sexe ou tout service qui s'y rapporte.

Ces précisions s'inspiraient de dispositions contenues dans la loi maltaise de 2016 interdisant les « thérapies de conversion » 8 ( * ) .

Dans son rapport 9 ( * ) , Laurence Vanceunebrock indique que la définition du délit est suffisamment précise pour rendre superfétatoires ces dispositions. Elle ajoute que ces précisions pourraient même se révéler contre-productives puisqu'elles pourraient être invoquées par les promoteurs des « thérapies de conversion » qui prétendraient agir en faveur de l'affirmation de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre de leurs victimes.

La rapporteure partage cette analyse : les exceptions qui avaient été envisagées visent des pratiques qui sont l'antithèse d'une « thérapie de conversion ». Aucune confusion ou hésitation n'étant permise, le choix de l'Assemblée nationale de simplifier la rédaction du texte mérite d'être soutenu.

2.3. Une liste plus étendue de circonstances aggravantes

Dans sa rédaction initiale, l'article 1 er prévoyait une circonstance aggravante lorsqu'un mineur était victime ou avait été présent et avait assisté aux pratiques, comportements ou propos incriminés.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques, présentés respectivement par Caroline Abadie et plusieurs députés du groupe La République en Marche (LaRem) et par Erwann Balanant et plusieurs députés du groupe du Mouvement Démocrate (MoDem), tendant à prévoir quatre autres circonstances aggravantes :

- lorsque les faits sont commis par un ascendant ou par toute personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

- lorsqu'ils sont commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, à un état de grossesse ou à la précarité de sa situation économique ou sociale, est apparente ou connue de leur auteur ;

- lorsque les faits sont commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices ;

- enfin, lorsqu'ils sont commis en utilisant un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique.

L'adoption de ces amendements a permis d'harmoniser la liste des circonstances aggravantes avec celle figurant à l'article 222-33 du code pénal sur le harcèlement sexuel.

En cas de circonstances aggravantes, les peines encourues seraient portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende.

2.4. La possibilité donnée aux associations de se porter partie civile

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements identiques, déposés respectivement par Caroline Abadie et plusieurs députés du groupe LaRem, par la rapporteure Laurence Vanceunebrock, par Erwann Balanant et plusieurs députés du groupe MoDem et par Christophe Euzet et plusieurs députés du groupe Agir ensemble, tendant à autoriser les associations à se porter partie civile.

Le premier alinéa de l'article 2-6 du code de procédure pénale autorise déjà les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans et se proposant, dans leurs statuts, de combattre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou sur l'identité de genre 10 ( * ) à exercer les droits reconnus à la partie civile lorsque le tribunal doit se prononcer dans une affaire de discrimination réprimée par le code pénal ou par le code du travail.

Le troisième alinéa du même article 2-6 autorise ces mêmes associations à exercer les droits reconnus à la partie civile, avec l'accord de la victime, en cas d'atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité de la personne ou en cas de dégradation, destruction ou détérioration réprimés par le code pénal lorsque ces faits ont été commis en raison du sexe ou des moeurs de la victime.

C'est ce troisième alinéa qu'il est proposé de modifier, d'abord pour ajouter le nouvel article 225-4-13 à la liste des infractions pour lesquelles les associations pourraient se porter partie civile, ensuite pour ajouter la référence à « l'orientation sexuelle » et à « l'identité de genre » à la mention du « sexe » et des « moeurs », ce qui permet d'harmoniser la rédaction des premier et troisième alinéas de l'article 2-6.

2.5. Une mesure de coordination concernant les obligations des fournisseurs d'accès à internet

Le point 7 du I de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique prévoit que les fournisseurs d'accès à internet ne sont pas tenus de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent et qu'ils ne sont pas soumis à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.

Toutefois, compte tenu de l'intérêt général attaché à la répression de l'apologie, de la négation ou de la banalisation des crimes contre l'humanité, de la provocation à la commission d'actes de terrorisme et de leur apologie, de l'incitation à la haine raciale, à la haine à l'égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle , de leur identité de genre ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l'incitation à la violence, ainsi que des atteintes à la dignité humaine, les fournisseurs d'accès doivent concourir à la lutte contre la diffusion de certaines infractions figurant dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou dans le code pénal, par exemple les délits de harcèlement sexuel, de proxénétisme ou de diffusion d'images pédopornographiques.

Il est proposé d'ajouter à cette liste d'infractions le nouveau délit prévu à l'article 225-4-13 du code pénal.

3. La position de la commission

Les « thérapies de conversion », qui peuvent prendre des formes variées, ont souvent un impact très négatif sur les personnes qui y sont soumises. L'inscription dans le code pénal d'une infraction spécifique marque un interdit social clair et rend le droit plus lisible, ce qui devrait favoriser le dépôt de plainte et la lutte contre le phénomène.

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté l' amendement COM-12 qui prévoit que le tribunal correctionnel devra se prononcer, en cas de condamnation d'un titulaire de l'autorité parentale, sur le retrait total ou partiel de cette autorité. Il est important que la juridiction de jugement se pose systématiquement la question des conséquences de la condamnation sur l'autorité parentale, alors que ce n'est aujourd'hui qu'une faculté prévue à l'article 378 du code civil.

Si l'interdiction de ces « thérapies » rencontre peu d'opposition en ce qui concerne l'orientation sexuelle, la rapporteure a constaté que davantage de réserves sont exprimées au sujet de l'identité de genre.

Il est vrai que l'engagement dans un parcours de transition va impliquer la participation de différents médecins (psychiatre, endocrinologue, chirurgien...) et que l'accord des parents va être requis si l'individu est mineur. Tout en s'inscrivant dans une démarche d'écoute et de bienveillance, des parents ou des professionnels de santé qui inviteraient le jeune à la réflexion et à la prudence ne pourraient-ils se voir reprocher de « réprimer » son identité de genre ?

Il paraît peu vraisemblable qu'une juridiction assimile une telle attitude à une volonté de « réprimer » l'identité de genre. Cependant, afin d'apaiser les craintes exprimées, la commission a adopté l' amendement COM-14 de la rapporteure qui précise que l'infraction ne serait pas constituée dans cette hypothèse. Un parcours de transition est éprouvant, tant sur le plan médical qu'administratif, et il n'est donc pas illégitime que l'entourage de la personne qui s'interroge sur son identité de genre lui conseille de prendre le temps de la réflexion avant de s'y engager.

La commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2
Aggravation des peines pour les infractions commises
en vue de modifier l'orientation sexuelle
ou l'identité de genre d'une personne

Cet article prévoit une aggravation des peines encourues lorsqu'une infraction est commise en vue de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.

Compte tenu de la création d'une infraction autonome réprimant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, la commission a supprimé la plus grande partie de cet article.

1. Le dispositif initialement proposé

1.1. Des dispositions interprétatives précisant la portée des articles 132-77 et 233-12 du code pénal

Le de l'article 2 de la proposition de loi tend à modifier l'article 132-77 du code pénal.

L'article 132-77 du code pénal prévoit une circonstance aggravante, d'une portée générale, qui s'applique « lorsqu'un crime ou un délit est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit portent atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ou d'un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de son sexe, son orientation sexuelle ou identité de genre vraie ou supposée 11 ( * ) ».

En présence de cette circonstance aggravante, le maximum de la peine privative de liberté encourue est augmenté. Il est par exemple doublé si la peine encourue est de trois ans d'emprisonnement.

Cet article n'est pas applicable à certaines infractions, notamment celles prévues aux articles 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail), 222-33 (harcèlement sexuel) et 225-1 (discriminations) du code pénal car le sexe, l'orientation sexuelle ou l'identité de genre sont déjà un élément constitutif de ces infractions ou sont déjà pris en compte en tant que circonstance aggravante.

La modification proposée vise à préciser que les pratiques ayant pour but de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre doivent être considérées comme des infractions commises en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre .

Le de l'article 2 de la proposition de loi vise ensuite à modifier l'article 222-13 du code pénal.

L'article 222-13 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, en présence d'une circonstance aggravante 12 ( * ) .

Dans la liste des circonstances aggravantes, on relève notamment, au 5° ter , les violences commises à raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre vraie ou supposée de la victime.

Comme à l'article 132-77 du code pénal, la modification de l'article 222-13 vise à préciser que les violences commises dans le but de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne sont considérées comme des violences aggravées commises en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre . Cet ajout est cohérent sur un plan légistique puisque le dispositif général de l'article 132-77 ne s'applique pas à l'article 222-13.

1.2. Des dispositions relatives au harcèlement sexuel et au harcèlement moral

Le de l'article 2 de la proposition de loi visait à modifier l'article 222-33 du code pénal, afin d'assimiler les « thérapies de conversion » à un harcèlement sexuel.

L'article 222-33 définit le harcèlement sexuel comme « le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».

La modification proposée visait à assimiler au harcèlement sexuel le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements visant à modifier ou réprimer son orientation sexuelle ou son identité de genre, vraie ou supposée.

Le de l'article 2 de la proposition de loi visait enfin à modifier l'article 222-33-2-2 du code pénal afin d'aggraver les peines encourues en cas de harcèlement moral , lorsque celui-ci a pour but de modifier ou de réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne ou à l'inciter à recourir à une « thérapie de conversion».

2. Des modifications bienvenues apportées par la commission des lois de l'Assemblée nationale

La commission des lois de l'Assemblée nationale a d'abord supprimé les 3° et 4° de l'article 2, par l'adoption de deux amendements identiques de la rapporteure et de la députée Laetitia Avia.

Elle a en effet estimé, à juste titre, que le 3° risquait, sans apporter de garanties supplémentaires aux victimes, de « nourrir une confusion » entre le délit autonome nouvellement créé et le délit de harcèlement sexuel. Concernant le harcèlement moral, elle a observé que la circonstance aggravante introduite par le 4 ° était redondante avec la disposition générale introduite à l'article 132-77 du code pénal.

La commission de lois de l'Assemblée nationale a également adopté un amendement de coordination de la rapporteure visant à ajouter le nouvel article 225-4-13 du code pénal à la liste des infractions auxquelles ne s'applique pas la circonstance aggravante générale prévue à l'article 132-77 du même code.

Cette exclusion est logique : la volonté de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne est un élément constitutif de la nouvelle infraction ; le même élément ne peut donc être retenu au titre des circonstances aggravantes.

En séance publique, l'Assemblée nationale n'a pas apporté de modification à l'article 2.

3. La position de la commission : un article risquant de conduire à un conflit de qualifications

En supprimant le 3° de l'article 2, la commission des lois de l'Assemblée nationale a bien perçu que la rédaction initialement envisagée risquait d'être facteur de confusion : face à certaines situations, le juge aurait été en grande difficulté pour déterminer si les faits devaient être qualifiés de harcèlement sexuel ou réprimés au titre du nouvel article 225-4-13 sanctionnant les « thérapies de conversion ».

Il semble cependant à votre commission que le même problème se pose pour d'autres infractions, notamment pour les violences : en cas de violences, physiques ou psychologiques, commises en vue de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, le juge devrait-il retenir la qualification de violences aggravées ou faire application de la nouvelle infraction ? Rien ne permet de présager ce que serait la décision du juge, et des faits similaires pourraient donc être punis différemment en fonction de la qualification retenue.

Ce conflit de qualifications pose un problème au regard du principe d'égalité devant la loi pénale , puisque les mêmes faits pourraient être punis différemment en fonction de la qualification retenue par le juge.

Pour y remédier, la commission a adopté l' amendement COM-13 de la rapporteure, qui supprime les 1° et 2° de l'article, sauf le b) du 1° qui est indispensable pour éviter que la circonstance aggravante de l'article 132-77 du code pénal s'applique à la nouvelle infraction alors qu'elle en est un élément constitutif.

Cette suppression consolide la répression des « thérapies de conversion » autour du nouveau délit autonome, étant rappelé que des poursuites peuvent être engagées pour plusieurs motifs si l'auteur des faits a commis plusieurs infractions.

La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié .

Article 3
Sanction des professionnels de santé
procédant à des « thérapies de conversion »

Cet article vise à sanctionner les médecins qui prétendraient pouvoir modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre de leurs patients.

La commission a adopté cet article, modifié par un amendement visant à préciser le champ de l'infraction et par un amendement introduisant une circonstance aggravante .

1. La création d'une nouvelle infraction dans le code de la santé publique

Dans sa rédaction initiale, l'article 3 de la proposition de loi tendait à insérer dans le code de la santé publique un nouvel article L. 4161-1-1 afin de réprimer les « thérapies de conversion » lorsqu'elles sont pratiquées par des médecins.

L'infraction serait constituée en cas de consultation ou de prescription d'un traitement prétendant pouvoir modifier ou réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre revendiquée d'une personne.

À la différence de l'article 1 er , il ne serait pas nécessaire, pour que l'infraction soit constituée, que soit constatée une altération de la santé de la victime. Dans la mesure où il n'existe pas de procédé médical permettant de faire évoluer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, les consultations ou prescriptions qui prétendraient obtenir un tel résultat relèveraient du charlatanisme 13 ( * ) et pourraient donc être sanctionnées comme telles.

Dans sa rédaction initiale, l'article précisait que n'entraient pas dans le champ de l'infraction les pratiques visant au libre développement ou à l'affirmation de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre d'une personne, pas plus que les pratiques visant le changement de sexe ou les services qui s'y rapportent.

Les peines encourues seraient les mêmes qu'à l'article 1 er , soit deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Une peine complémentaire de dix ans d'interdiction d'exercice de la médecine est également prévue.

2. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

À l'initiative de la rapporteure, la commission des lois de l'Assemblée nationale a d'abord décidé d'insérer la nouvelle infraction à l'article L. 4163-11 du code de la santé publique, dans un titre qui regroupe les dispositions pénales applicables aux professions médicales, ce qui est effectivement plus cohérent.

Elle a ensuite adopté deux amendements identiques, présentés par la rapporteure et par le député Raphaël Gérard, afin de remplacer l'expression « orientation sexuelle ou identité de genre revendiquée » par celle, usitée en droit pénal concernant la lutte contre les discriminations, d'« orientation sexuelle ou identité de genre, vraie ou supposée ».

Enfin, la commission a adopté deux amendements identiques, des mêmes auteurs, tendant à supprimer, comme à l'article 1 er , les dispositions qui excluent du champ de l'infraction les pratiques visant au libre développement ou à l'affirmation de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre d'une personne, ainsi que les pratiques visant le changement de sexe ou les services qui s'y rapportent. La commission a estimé que ces précisions étaient inutiles dès lors que ces situations ne relèvent en aucun cas de la définition de l'infraction.

L'article 3 n'a pas été modifié par l'Assemblée nationale en séance publique.

3. La position de la commission

Ces dispositions, complémentaires de celles de l'article 1 er , mettent en lumière la responsabilité particulière des médecins à qui il incombe, s'ils reçoivent de tels demandes, de refuser de pratiquer des « thérapies de conversion », dépourvues de fondement scientifique et qui ne peuvent que nuire au patient.

Par cohérence avec ce qui est prévu à l'article 1 er , la commission a adopté l' amendement COM-17 de la rapporteure tendant à introduire une circonstance aggravante lorsque les faits sont commis sur un mineur ou sur une personne vulnérable. Les peines encourues seraient alors portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende.

Comme à l'article 1 er , la commission a également adopté un amendement COM-15 de la rapporteure tendant à préciser que l'infraction n'est pas constituée lorsque le professionnel de santé invite à la réflexion et à la prudence la personne, eu égard notamment à son jeune âge, qui s'interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe. Un psychiatre, un endocrinologue, un chirurgien peuvent être amenés à conseiller à leur patient de différer, dans son intérêt, certains actes médicaux, sans que cela relève d'une volonté de « réprimer » l'identité de genre.

Cette précision devrait apaiser les craintes qui ont pu être exprimées concernant notamment les parcours de transition engagés par des adolescents.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4 (supprimé)
Application outre-mer

Cet article, supprimé par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoyait la remise au Parlement d'un rapport présentant un état des lieux sur les « thérapies de conversion » et les mesures de nature à les prévenir.

La commission l'a remplacé par deux mesures de coordination relatives à l'application du texte outre-mer.

1. Une demande de rapport pour dresser un état des lieux

Le rapport prévu à l'article 4 de la proposition de loi avait pour objet de présenter un état des lieux portant sur les pratiques, comportements ou propos répétés prétendant modifier ou réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.

Il était prévu qu'il soit remis au Parlement dans un délai d'un an après la promulgation de la loi et qu'il comporte des éléments chiffrés sur le nombre de personnes concernées ainsi que sur les mesures à prendre pour lutter contre le phénomène (communication auprès du public, formation des enseignants, des magistrats, des policiers et des gendarmes).

2. Un article supprimé à l'Assemblée nationale

L'article 4 a été supprimé par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, avec un avis de sagesse de la rapporteure Laurence Vanceunebrock.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a estimé qu'il n'était pas nécessaire de maintenir cette demande de rapport, ce sujet pouvant faire l'objet d'un débat dans les conditions prévues par les règlements des assemblées parlementaires, le contrôle de l'application des lois faisant partie intégrante des prérogatives du Parlement.

3. La position de la commission

La commission est réservée par principe sur les demandes de rapport, qui ne sont pas toujours remis, ou avec retard, et dont le contenu est parfois décevant.

En outre, la commission constate que le Gouvernement a déjà, en septembre 2021, demandé à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), rattachée au ministère de l'intérieur, de réaliser un rapport sur les pratiques de « thérapies de conversion ». Ce rapport devait « expliciter, exemplifier et quantifier le phénomène, en analysant en particulier sa dimension de dérive sectaire » et formuler des propositions opérationnelles pour parfaire les moyens de lutte mis en place contre ces pratiques.

Le rapport, réalisé à partir de la douzaine de signalements reçus par la Miviludes, des données de la police et de la gendarmerie nationales et d'informations publiques, a été remis au ministre de l'intérieur le 19 octobre 2021. La rapporteure recommande qu'il soit rendu public afin de compléter l'information des parlementaires et du grand public sur un phénomène qui demeure difficile à appréhender.

Pour ces motifs, la commission n'a pas jugé utile de rétablir la demande de rapport. Sur proposition de la rapporteure, elle a en revanche adopté l' amendement COM-16 tendant à actualiser, pour l'application outre-mer, les compteurs figurant à l'article 804 du code de procédure pénale et à l'article 711-1 du code pénal.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 1 ER DÉCEMBRE 2021

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Cette proposition de loi, adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, vise à interdire ce que l'on appelle les « thérapies de conversion ».

Qu'est-ce qu'une thérapie de conversion ? Certains pensent encore que l'homosexualité est une maladie ou un péché et donc que l'on peut en guérir ou arrêter. Du coup, puisque l'on peut en guérir, on prescrit une « thérapie ». On retrouve ce phénomène principalement dans certains mouvements religieux - évidemment, pas les plus ouverts ni les plus compréhensifs. Cela touche toutes les religions, catholique avec certaines communautés charismatiques, protestante du côté évangélique, juive du côté loubavitch ou musulmane.

L'ensemble des responsables religieux condamnent ces pratiques : le président du Culte français du culte musulman (CFCM), le Grand Rabbin de France, l'évêque qui préside le Conseil famille et société de la Conférence des évêques de France, le président de la Fédération protestante de France (FPF) sont tous favorables au texte et opposés aux « thérapies de conversion ».

Ces pratiques, qui vont du groupe de parole à la prière, peuvent aussi se transformer en séances violentes d'exorcisme, où la personne doit se présenter devant le groupe en avouant ses « péchés et mauvaises pensées », et peut même être frappée. J'ai regardé la vidéo d'un exorcisme musulman
- maintenant retirée de YouTube, car non conforme aux standards contre la violence et la haine posés par cette entreprise - où la pratique pouvait s'apparenter à de la torture se finissant par des vomissements, l'idée étant de sortir du corps de l'homosexuel le « démon » qui le possédait.

Jean-Michel Dunand a témoigné devant nous et dans un livre des huit exorcismes qu'il a subis et qui ont atteint sa santé mentale, au sein d'une communauté catholique. Il en a réchappé grâce à sa volonté de vivre, qui lui a donné le courage de prendre la fuite alors qu'on allait l'interner.

Ces pratiques semblent encore peu nombreuses dans notre pays : le collectif « Rien à guérir » réunit une cinquantaine de victimes. Mais ces pratiques pourraient se développer à l'avenir, notamment sous l'influence des courants évangéliques venant principalement des États-Unis, où ces pratiques sont plus développées. Pour les musulmans, c'est souvent à travers un retour au pays que l'on règle le « problème », mais pas que... Pour les femmes par exemple, on « règle » parfois le problème par l'excision. Le responsable de l'association LGBT musulmane Shams nous a clairement dit
- mais est-ce surprenant - que les femmes subissaient des violences bien plus importantes que les hommes.

Cette loi vise donc à interdire clairement ces pratiques en France, comme elles le sont déjà en Allemagne, en Espagne, dans plusieurs États américains et bientôt en Angleterre.

Cette loi était-elle utile ? Nous disposons déjà de tout un arsenal de lutte contre les violences, le harcèlement, l'exercice illégal de la médecine ou l'abus de faiblesse, qui permettrait d'attaquer ces pratiques... mais elles ne sont pas clairement nommées et la personne qui subit une « thérapie de conversion » sait qu'on cherche à lui faire modifier son orientation sexuelle ou son identité de genre, mais n'assimile pas forcément cela à ces infractions.

Même la Chancellerie, qui n'était pas au départ particulièrement favorable à ce texte, a admis que cela permettrait au juge comme à la victime de nommer le délit...

En ces temps où la victime prend toute sa place dans la démarche judiciaire, lui permettre de savoir que ce qu'on lui a fait subir est un délit est une bonne chose, car « mal nommer les choses, c'est ajouter un peu de malheur au monde » disait Camus. Nous pourrons ainsi mesurer le phénomène et son évolution au plan statistique. La réponse est donc oui, il faut légiférer.

Que contient ce texte ? L'article 1 er dispose que « Les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, vraie ou supposée, d'une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende ». Ces peines sont aggravées si ces infractions sont commises sur des mineurs ou des personnes vulnérables.

Je présenterai deux amendements sur cet article : l'un vise à ce que ne soient pas incriminées les personnes tenant des propos répétés visant à inciter à la prudence avant d'engager un parcours médical de changement de sexe. Certes, le texte prévoit bien que ne seront poursuivies que les propos ayant altéré la santé mentale ou physique de la victime. Mais nous avons été alertés par de nombreuses associations qui étaient inquiètes. Il vaut mieux donc l'inscrire dans la loi.

Mon deuxième amendement vise, en cas de condamnation d'un parent, à prévoir que le juge se prononce sur l'autorité parentale. Dans le texte qui nous est transmis, ce retrait est possible mais le juge n'est pas tenu d'examiner la question.

L'article 2 aggrave la peine encourue en cas d'actes de violence visant à modifier une orientation sexuelle ou une identité de genre, en complément du délit autonome créé par l'article 1 er . Puisque nous soutenons la création de ce délit autonome, je vous propose de supprimer l'aggravation de la peine prévue par l'article 2 pour que le juge n'ait plus à choisir entre une peine aggravée et ce délit autonome. Il en résulterait en effet un conflit de qualifications pouvant porter atteinte au principe d'égalité devant la loi pénale.

L'article 3 a le même objet que l'article 1 er , mais il concerne les médecins. J'ai déposé un amendement pour protéger les médecins qui appellent à davantage de réflexion un mineur voulant effectuer une transition, procédure longue et douloureuse.

Un de mes amendements vise à rétablir l'article 4, qui avait été supprimé, pour prévoir une coordination concernant l'application outre-mer.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Merci de cette présentation sur ce sujet très attendu. Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) se réjouit de l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi visant à interdire ces thérapies de conversion, parfois scabreuses et violentes. Elles prennent différentes formes : accompagnement thérapeutique ou spirituel, exorcisme, rassemblements de prière, stages, voire traitement par électrochocs ou injections d'hormones.

Certains considèrent l'homosexualité ou la transidentité comme une maladie. Ces thérapies provoquent des dommages profonds, et elles ne sont pas un fantasme. Cela fait plusieurs années que des instances internationales - ONU, Parlement européen... - demandent la suppression de ces thérapies de conversion. En France, nous avons progressé, puisque nous n'avons plus de législation spécifique condamnant l'homosexualité.

Nous avons rencontré de nombreuses associations très engagées. J'avais déposé, avec mon groupe, une proposition de loi quasiment analogue. Il a fallu la volonté puissante d'une députée LaREM pour que ce sujet soit inscrit à l'ordre du jour et adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale. C'est un texte transpartisan.

Sur le principe, ces thérapies sont interdites. Mais les incriminations pouvant être retenues pour les sanctionner ne couvrent pas l'ensemble du champ. Il est important de les viser spécifiquement.

Différents types d'amendements ont été déposés. Certains visent à supprimer les pratiques visant à modifier l'identité de genre du champ de la proposition de loi. On retomberait ainsi dans les débats secouant le Parlement lors de la loi sur le mariage pour tous. Ce serait un retour en arrière sur un sujet sur lequel les sénateurs ne sont pas toujours très bien informés. L'identité de genre est une notion déjà bien définie, qui figure à l'article 132-77 du code pénal. Le Conseil constitutionnel, saisi par certains sénateurs en 2017, avait estimé que l'expression était suffisamment claire et précise. Si l'amendement supprimant l'identité de genre était adopté, il exclurait les personnes transgenres du champ de cette proposition de loi, et constituerait une grave discrimination.

De même, nous sommes opposés à l'amendement visant à interdire et sanctionner la prescription aux mineurs de traitements en vue d'un changement de sexe. Oui, il faut être vigilant sur la détresse des jeunes, mais ne jugeons pas ceux pour qui l'identité de sexe ne correspond pas à leur identité de genre.

Nous sommes favorables à l'amendement de la rapporteure prévoyant que le juge statue sur le retrait de l'autorité parentale, et à celui prévoyant des circonstances aggravantes aux professionnels de santé qui commettent des infractions.

Nous nous interrogeons sur le fait d'exclure du champ de l'infraction des propos répétés invitant à la prudence et à la réflexion. Nous sommes aussi circonspects sur l'amendement COM-13 qui vide de son sens l'article 2 sur la circonstance aggravante.

Nous regrettons que ce texte n'aille pas plus loin sur les mutilations des enfants intersexes, qui ont des conséquences dramatiques.

Si le texte n'est pas dénaturé, le groupe SER le soutiendra.

Le Sénat est toujours soucieux de bien légiférer et de traduire la perception de la société. La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale, elle sera donc adoptée in fine . Quel positionnement spécifique le Sénat souhaite-t-il prendre ? Veut-il être en phase avec l'ensemble de la représentation nationale, ou se distinguer en relançant le débat du mariage pour tous qui était derrière nous et aurait dû être dépassé ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - Bien évidemment, nous sommes conscients que la loi est nécessaire. Certaines influences religieuses remettent en cause le choix de vie et le bonheur de certains de nos concitoyens.

Ce texte ne suffira pas à bousculer les pratiques dans des groupes parfois très fermés. Nous avons reçu les représentants des différentes religions. Elles doivent avoir aussi un discours d'ouverture et de tolérance. Élus locaux, nous devons protéger des enfants de leur propre famille. Nous devons débattre ici pour protéger ceux qui ont choisi une vie différente. Nous n'y arriverons pas sans les communautés religieuses : elles doivent travailler sur ce sujet. Disons-le clairement et publiquement.

J'ai déposé des amendements sur l'identité de genre, car le titre de ce texte entraîne une confusion entre orientation sexuelle et identité de genre ; ce n'est pas la même chose. La société évolue. Quel est le rapport entre ce texte et le mariage pour tous ? Personnellement, j'y étais favorable. Ne mélangeons pas tout.

Les pays les plus avancés sur les bloqueurs de puberté, comme la Suède, stoppent ces pratiques en raison de l'augmentation exponentielle du nombre de demandes. Les conséquences sont mal connues. Il faut accompagner, être à l'écoute, et tolérant, mais aussi s'interroger sur l'influence de certains lobbies et des réseaux sociaux, poussant certains enfants vers une orientation qu'ils regretteront après. Tenons compte de l'expérience de ces pays qui reviennent en arrière.

Mme Éliane Assassi . - Je suis d'accord avec Marie-Pierre de La Gontrie. Il est nécessaire de créer un délit spécifique contre les « thérapies de conversion » et de quantifier le nombre de victimes. Certains craignent que cela n'empêche d'accompagner certaines personnes qui s'interrogent sur leur identité. En définissant les « thérapies de conversion », nous évitons toute confusion. L'article 1 er est très précis à cet égard, et il le sera encore davantage grâce aux amendements de la rapporteure.

Nous nous opposons à ce qui réfute la notion d'identité de genre et à ce qui relèverait uniquement d'une définition binaire ou biologique du sexe.

Je salue le travail de la rapporteure. Si le texte garde le sens qu'elle a voulu lui donner, le groupe CRCE le votera.

Mme Esther Benbassa . - Je suis d'accord avec Marie-Pierre de La Gontrie sur l'identité de genre. Si nous enlevons ce terme, nous créons de nouveau un problème avec les personnes transsexuelles. Or une personne née homme peut devenir femme sans subir d'opération. Elle peut déclarer l'identité qu'elle porte en elle. Si le mot est enlevé, cela pose problème. C'est une question d'identité sexuelle et non d'orientation sexuelle.

Madame Eustache-Brinio, ces pratiques pour modifier une orientation sexuelle ou une identité de genre de force n'ont rien à voir avec la religion, mais plutôt avec des milieux identitaires fermés, comme les évangéliques américains. Toutes les religions interdisent l'homosexualité, nous n'allons pas revenir sur cette question. Je veux conserver l'identité de genre dans le texte, afin de le voter : il est très attendu par les associations LGBTQI+.

Mme Valérie Boyer . - Nous sommes dans une position extrêmement délicate, avec de nombreux amalgames. Ne confondons pas tout. Certaines personnes n'acceptent pas l'homosexualité - ce qui est interdit par la loi - mais cela n'a rien à voir avec les transgenres. Certaines femmes souffrent de troubles de la différenciation sexuelle - le syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH) notamment - et doivent prendre des traitements pour être réparées de cette anomalie de naissance. La Haute Autorité de santé a émis des recommandations sur ce sujet. Ces troubles sont heureusement pris en charge par des spécialistes. Ne confondons pas ces personnes avec les transgenres qui désirent changer de sexe.

Certains mineurs - et leurs parents - sont en prise avec des pressions sociales, et sont perdus au moment de l'enfance ou de l'adolescence. Ils s'interrogent souvent non pas sur leur orientation sexuelle, mais sur leur orientation tout court...

Aux États-Unis, il y a quelques années, il n'y avait que deux cliniques qui pratiquaient le changement de sexe - mais pas pour des troubles de la différenciation sexuelle - elles sont désormais cinquante. Auparavant, seule une dizaine d'enfants le demandait chaque année ; désormais, ils sont au minimum 1 500... Soyons extrêmement prudents, sans faire d'amalgames douteux. C'est dérangeant pour les médecins, les enfants et les familles.

Vous avez évoqué l'excision, mutilation sexuelle abominable, condamnée par le code pénal. J'ai déposé plusieurs propositions de loi sur le sujet. De plus en plus de femmes sont excisées en France, mais il n'y a plus de procès pour excision depuis longtemps !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - C'est vrai !

Mme Valérie Boyer . - Penchons-nous sur ce phénomène, qui touche notamment les femmes d'origine étrangère qui accouchent en France. À l'hôpital de la Conception, à Marseille, que j'ai récemment visité, des médecins réparent les femmes mutilées. Il faut s'interroger sur le fait que de plus en plus de femmes sont mutilées, et que l'on garde le silence sur ces pratiques barbares.

Mme Muriel Jourda . - L'identité de genre est un terme de sociologie qui se retrouve intégré à cette proposition de loi. Je ne peux pas entendre que le seul emploi du terme permettrait de prendre en compte les personnes transgenres. La transsexualité est depuis longtemps étudiée et reconnue dans les facultés de médecine et de droit - j'ai moi-même travaillé sur ce sujet durant mes études de droit à la fin des années 1980, et ce n'était pas une notion nouvelle. Cela ne dépend pas du vocabulaire utilisé.

Il est dérangeant, pour moi et pour beaucoup d'autres, de voir utiliser ce terme d'identité de genre ; on laisserait croire que le genre est totalement déterminable à titre personnel. J'entends que la biologie n'est pas tout pour certains, mais elle est tout pour l'immense majorité de nos concitoyens et de nous-mêmes. À force de vouloir utiliser ce terme d'identité de genre, qui ne concerne qu'une minorité, on laisserait croire que tout serait contractuel et déterminable par soi-même. C'est faux. On l'a fait pour la filiation, on le fait désormais sur le genre. Les amendements de Jacqueline Eustache-Brinio sont bienvenus.

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Je précise que cette proposition de loi est issue d'une mission flash de l'Assemblée nationale, et qu'elle a été travaillée avec la Chancellerie. Faut-il utiliser ce terme d'identité de genre ? J'entends les arguments de Muriel Jourda : une minorité de personnes est concernée.

Mais dans ce texte, nous n'avons pas à dire si c'est bien, mal, ou si c'est ou non à développer. Ce texte vise seulement à protéger des personnes menacées par des pratiques barbares. Homosexuels et transgenres ne sont pas menacés de la même façon. Autant l'homosexualité est couramment admise, autant la transidentité l'est moins, et les victimes sont plus touchées. Ne pas les nommer, ce serait les laisser rester des victimes. Il faut les nommer pour les identifier.

À aucun moment ce texte ne parle du parcours de transition, de la médication, de la chirurgie. Ce n'est pas son sujet. Est-ce à nous de décider à quel âge il faudrait donner des traitements ? Cela relèverait plutôt de la commission des affaires sociales - nous n'avons fait que deux auditions sur ce thème. Même si, en France, nous voyons une augmentation des demandes, aucun traitement n'est pratiqué sur un mineur sans l'accord des deux parents, et aucune chirurgie sexuelle n'intervient avant l'âge de dix-huit ans. Un médecin que nous avons interrogé nous indiquait qu'il prescrivait des bloqueurs de puberté à des enfants qui étaient très mal à l'approche de la puberté, ce qui leur permettait d'avancer sur leur choix, sans forcément aller ensuite vers un traitement plus lourd. Et ces médicaments ne bloquent la puberté que le temps de leur prescription. Il faut réfléchir davantage à ce phénomène, peut-être social, mais nous ne pouvons pas l'interdire au sein de cette proposition de loi.

M. François-Noël Buffet , président . - Nous pouvons en conclure que vous émettez un avis défavorable à ces amendements...

Examen des articles

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avant d'aborder l'examen des amendements, il me revient de préciser le périmètre du texte au regard de l'article 45 de la Constitution.

Ce périmètre inclut bien sûr les dispositions relatives à la lutte contre les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Il comprend aussi, même si le lien est plus indirect, les dispositions tendant à encadrer les parcours de transition des personnes transgenres.

Chapitre I er : Création d'une infraction relative aux pratiques
visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-1 rectifié ter tend à supprimer la mention de l'identité de genre. J'y suis défavorable pour les raisons que je viens d'exposer.

L'amendement COM-1 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avis défavorable à l'amendement COM-2 rectifié ter , qui a le même objet.

L'amendement COM-2 rectifié ter n'est pas adopté.

Article 1 er

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - De même, avis défavorable aux amendements COM-3 rectifié ter et COM-4 rectifié ter .

L'amendement COM-3 rectifié ter n'est pas adopté.

L'amendement COM-4 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-11 vise à élargir le champ de l'infraction définie à l'article 1 er de la proposition de loi. Dans le texte transmis par l'Assemblée nationale, l'infraction est constituée lorsque des pratiques, comportements ou propos répétés visent à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre et ont pour effet une altération de la santé physique ou mentale. L'amendement propose qu'elle soit constituée si les pratiques, comportements ou propos répétés sont susceptibles de porter atteinte aux droits ou à la dignité de la personne ou d'altérer son état de santé. L'infraction deviendrait donc plus beaucoup plus facile à caractériser : il ne serait plus nécessaire de démontrer que la personne a subi un préjudice. Des pratiques seulement « susceptibles de porter atteinte à la dignité de la personne », ce qui est une notion assez subjective, pourraient être condamnées.

Il est raisonnable d'en rester à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, qui garantit que seules des pratiques imposées à la personne et qui nuisent à sa santé physique ou mentale seront sanctionnées et que les accompagnements spirituels que recherchent certaines personnes homosexuelles ou transgenres ne tomberont pas sous le coup de la loi. Elle procède donc à un équilibre satisfaisant entre répression des « thérapies de conversion » et respect des libertés individuelles. Avis défavorable.

L'amendement COM-11 n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-12 tend à prévoir que le juge pénal devra se prononcer, en cas de condamnation d'un titulaire de l'autorité parentale, sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou de l'exercice de cette autorité. Actuellement, le juge a la possibilité de prononcer ce retrait mais nous voulons qu'il s'interroge systématiquement en cas de condamnation faisant suite à l'altération de la santé mentale ou physique d'un enfant.

L'amendement COM-12 est adopté.

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-14 répond à l'inquiétude de familles qui souhaitent accompagner leur enfant et l'appeler à plus de prudence et à la réflexion. Dans certains pays, des parents ont été attaqués alors qu'ils étaient bienveillants.

Je pense que ces parents sont déjà protégés par le texte, mais mieux vaut s'en assurer.

L'amendement COM-14 est adopté.

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avis défavorable à l'amendement COM-5 rectifié ter .

L'amendement COM-5 rectifié ter n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-13 vise à éviter que deux infractions ne se fassent concurrence. Sans cet amendement, le juge aurait le choix d'appliquer soit la qualification de violence aggravée du fait de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre, soit le délit autonome, ce qui créerait un conflit de qualifications.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Le groupe SER s'abstiendra sur cet amendement. Nous souhaitons l'examiner plus en détail avant la séance publique.

L'amendement COM-13 est adopté.

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avis défavorable aux amendements COM-6 rectifié ter et COM-7 rectifié ter , qui visent à nouveau à supprimer des références à l'identité de genre.

L'amendement COM-6 rectifié ter n'est pas adopté.

L'amendement COM-7 rectifié ter n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Chapitre II : Interdiction des pratiques visant à modifier
l'orientation sexuelle ou l'identité de genre dans le système de santé

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Avis défavorable à l'amendement COM-8 rectifié ter.

L'amendement COM-8 rectifié ter n'est pas adopté.

Article 3

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-10 rectifié ter ? propose d'interdire les traitements bloqueurs de puberté, les hormonothérapies et les opérations chirurgicales avant 18 ans. Soyons prudents sur les mineurs qui s'interrogent sur leur identité de genre. Un adolescent peut éprouver un mal-être et l'attribuer, à tort, à un problème de transidentité. Il faut donc prendre le temps de la réflexion et s'assurer que la demande de l'adolescent persiste dans le temps avant d'envisager des actes médicaux.

Toutefois, il serait inapproprié d'interdire au détour de cet amendement toute intervention médicale avant l'âge de dix-huit ans. La proposition de loi vise à réprimer les « thérapies de conversion », et non à encadrer les parcours de transition - ce sont deux questions bien distinctes ; il serait peu opportun de modifier les règles qui encadrent les parcours de transition sans avoir procédé à un travail approfondi, qui relève davantage du champ de compétences de la commission des affaires sociales : c'est un sujet médical.

J'ai auditionné un psychiatre et un chirurgien spécialistes des parcours de transition, qui ont souligné à quel point les professionnels de santé étaient précautionneux face à la demande exprimée par un mineur. Le médecin s'assure qu'il est bien confronté à un cas de transidentité avant d'envisager un traitement. Ces spécialistes nous ont expliqué que les bloqueurs de puberté pouvaient être très utiles lorsqu'un adolescent n'est pas à l'aise dans son sexe de naissance. Les transformations physiques liées à la puberté peuvent être très mal vécues par les jeunes transgenres. Retarder la puberté permet ainsi à l'adolescent et à sa famille de réfléchir plus sereinement à la suite de son parcours, et d'éviter des tentatives de suicide. Parfois, une hormonothérapie débute à partir de seize ans.

Nous devons laisser aux professionnels la liberté d'adapter leur traitement à la réalité de chaque cas. Si des signes de transidentité apparaissent chez un enfant et que le diagnostic est confirmé sans ambiguïté à l'adolescence, pourquoi attendre la majorité avant de commencer un traitement qui va l'aider à vivre mieux ? Aucune intervention médicale ne peut être décidée chez un mineur sans l'accord des titulaires de l'autorité parentale. En cas d'acte médical usuel, le consentement d'un seul parent suffit, le consentement de l'autre étant présumé. En cas d'acte non usuel, ce qui est le cas d'un parcours de transition, le consentement conjoint des deux parents est nécessaire. Un jeune en pleine « crise d'adolescence » ne pourrait donc s'engager dans un parcours de transition, même s'il trouvait un médecin très complaisant, sans l'accord de ses parents. Avis défavorable.

Mme Marie Mercier . - Nous avons peu parlé de la souffrance physique et psychique de toute une famille. Ce sont des cas extrêmement graves. Les professionnels de santé ne prennent pas leur décision seuls, mais à plusieurs, et souvent avec une analyse psychiatrique associée.

Les réseaux sociaux ont une forte influence sur le mal-être d'un enfant ou d'un jeune. Les décisions prises, si elles sont chirurgicales, sont faites avec un accompagnement. C'est terrifiant pour des jeunes gens ou des jeunes femmes d'engager leur vie entière, sans retour en arrière possible. Ce sujet n'a pas été étudié suffisamment sur le fond. Nous ne sommes pas à la commission des affaires sociales. Ne mélangeons pas le sexe biologique et une dangereuse construction sociale. Je suivrai l'avis de la rapporteure.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - L'amendement  de Jacqueline Eustache-Brinio mérite réflexion. Les propos de Marie Mercier montrent la complexité du dossier. À ce stade, nous suivrons l'avis de la rapporteure.

L'amendement COM-10 rectifié ter n'est pas adopté.

L'amendement COM-9 rectifié ter n'est pas adopté.

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-15 vise à mieux délimiter le champ d'application de l'article 3, en précisant que l'infraction ne pourrait évidemment concerner un professionnel de santé qui recevrait une personne s'interrogeant sur son identité de genre et qui l'inviterait à prendre le temps de la réflexion avant de s'engager dans un parcours de transition.

L'amendement COM-15 est adopté.

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - Par cohérence avec ce qui est prévu à l'article 1 er , l'amendement COM-17 vise à introduire des circonstances aggravantes à l'article 3, afin de punir plus sévèrement les faits commis par un professionnel de santé à l'encontre d'un mineur ou d'une personne vulnérable.

L'amendement COM-17 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4 (supprimé)

Mme Dominique Vérien , rapporteure . - L'amendement COM-16 a pour objet l'application du texte dans les collectivités d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative.

L'amendement COM-16 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Chapitre I er :
Création d'une infraction relative aux pratiques
visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre

Mme EUSTACHE-BRINIO

1 rect. ter

Suppression des termes « identité de genre »

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO

2 rect. ter

Suppression des termes « identité de genre »

Rejeté

Article 1 er

Mme EUSTACHE-BRINIO

3 rect. ter

Suppression des termes « identité de genre »

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO

4 rect. ter

Suppression des termes « identité de genre »

Rejeté

Mme Mélanie VOGEL

11

Élargissement du champ de l'infraction

Rejeté

Mme VÉRIEN, rapporteure

12

Retrait de l'autorité parentale

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

14

Invitation à la prudence dans le cadre d'un parcours de transition

Adopté

Mme EUSTACHE-BRINIO

5 rect. ter

Suppression des termes « identité de genre »

Rejeté

Article 2

Mme VÉRIEN, rapporteure

13

Suppression de circonstances aggravantes

Adopté

Mme EUSTACHE-BRINIO

6 rect. ter

Suppression des termes « identité de genre »

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO

7 rect. ter

Suppression des termes « identité de genre »

Rejeté

Chapitre II :
Interdiction des pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle
ou l'identité de genre dans le système de santé

Mme EUSTACHE-BRINIO

8 rect. ter

Suppression des termes « identité de genre »

Rejeté

Article 3

Mme EUSTACHE-BRINIO

10 rect. ter

Interdiction des pratiques visant le changement de sexe pour les mineurs

Rejeté

Mme EUSTACHE-BRINIO

9 rect. ter

Suppression des termes « identité de genre »

Rejeté

Mme VÉRIEN, rapporteure

15

Invitation à la prudence dans le cadre d'un parcours de transition

Adopté

Mme VÉRIEN, rapporteure

17

Création d'une circonstance aggravante

Adopté

Article 4 (Supprimé)

Mme VÉRIEN, rapporteure

16

Application outre-mer

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 14 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 15 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 16 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 17 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 1 er décembre 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 13 (2021-2022) interdisant les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à la lutte contre les pratiques visant à modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, ainsi que les dispositions tendant à encadrer les parcours de transition des personnes transgenres.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la justice

M. Manuel Rubio-Gullon , sous-directeur de la négociation et de la législation pénales à la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES)

Mme Hanène Romdhane , cheffe de service

Mme Sarah Le Berre Sandrin , cheffe de service adjointe

Mme Agathe Sourty , stagiaire avocate

M. Joey Robin , stagiaire avocat

Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH)

M. Yohann Roszéwitch , conseiller « lutte contre la haine et les discriminations anti-LGBT »

Conseil national de l'ordre des médecins

Dr Anne-Marie Trarieux , présidente de la section éthique et déontologie

Table ronde des représentants des cultes

M. François Clavairoly , président de la Fédération protestante de France

Mgr Bruno Feillet , évêque de Séez et président du conseil famille et société de la Conférence des évêques de France (CEF)

M. Haïm Korsia , Grand Rabbin de France

M. Mohammed Moussaoui , président du Conseil français du culte musulman (CFCM)

Conseil National des Évangéliques de France (CNEF)

M. Clément Diedrichs , directeur général

M. Thierry Le Gall , directeur du Service Pastoral auprès des Parlementaires

M. Claude Riess , pasteur, représentant l'association Torrents de Vie (affiliée au CNEF)

Collectif « Rien à guérir »

M. Benoit Berthe Siward , porte-parole

Associations

M. Jean-Michel Dunand Roux , prieur de la Communion Béthanie

M. Jean-Philippe Cavroy , président de Devenir Un en Christ

M. Cyrille de Compiègne , vice-président et porte-parole de David et Jonathan (D&J)

M. Alain Levi , président du Beit Haverim

M. Yacine Djebelnouar , président de Shams-France

Médecins

Dr Thierry Gallarda , psychiatre et psychothérapeute au Groupe Hospitalier Universitaire Paris psychiatrie et neurosciences

Dr Nicolas Morel-Journel , chirurgien à l'hôpital Lyon Sud

Personnalités qualifiées

M. Timothée de Rauglaudre , journaliste, coauteur de l'ouvrage Dieu est amour . Infiltrés parmi ceux qui veulent « guérir » les homosexuels (Flammarion, 2019)

M. Anthony Favier , professeur agrégé d'histoire, docteur en histoire contemporaine

Mme  Stéphane Kovacs , grand reporter au Figaro

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-013.html


* 1 SUPER_TEMPLATE (assemblee-nationale.fr)

* 2 Cf. l'ouvrage Dieu est amour. Infiltrés parmi ceux qui veulent « guérir » les homosexuels, de Timothée de Rauglaudre et Jean-Loup Adénor (2019) et le documentaire Homothérapies, conversion forcée , de Bernard Nicolas, écrit avec Jean-Loup Adénor et Timothée de Rauglaudre (2019, 95 min).

www.arte.tv/fr/videos/086135-000-A/homotherapies-conversion-forcee

* 3 Cf. son livre de témoignage : Libre, de la honte à la lumière, de Jean-Michel Dunand et Viviane Perret (Presses de la Renaissance, 31 mars 2011).

* 4 Banning conversion therapy - GOV.UK (www.gov.uk)

* 5 Une étude a été réalisée à ce sujet par le Williams Institute de la faculté de droit de l'Université de Californie Los Angeles (UCLA) ( Conversion-Therapy-Update-Jun-2019.pdf (ucla.edu) ).

* 6 La rapporteure a entendu les représentants de David et Jonathan, de la Communion Béthanie et de Devenir Un en Christ, qui regroupent des chrétiens, du Beit Haverim, qui regroupe des juifs, et de Shams, qui rassemble des personnes d'origine maghrébine et moyen-orientale le plus souvent musulmanes.

* 7 Le code pénal fait aussi référence à l'appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou Nation.

* 8 Loi n°45 de 2016, intitulée Sexual Orientation, Gender Identity and Gender Expression Act.

* 9 Rapport n°4021 fait par Laurence Vanceunebrock sur la proposition de loi.

* 10 Sont également visées les discriminations fondées sur le sexe ou les moeurs.

* 11 Premier alinéa de l'article 132-77 du code pénal.

* 12 En l'absence de circonstance aggravante, ces violences légères sont punies d'une simple contravention, en application de l'article R. 624-1 du code pénal (amende de quatrième classe d'un montant maximal de 750 euros).

* 13 La pratique du charlatanisme est interdite à l'article 39 du code de déontologie médicale.

* 14 Voir le commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 15 Voir par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 16 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 17 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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