IV. LES REDEVANCES D'USAGE, LES EXEMPTIONS DE DROITS DE DOUANE ET DE TAXE

L'article 12 de l'accord aérien avec le Tadjikistan précise les caractéristiques des redevances d'usage pouvant être perçues par les autorités ou organismes compétents au titre de l'utilisation des installations et services aéroportuaires et des installations de sécurité, de sûreté et de navigation aérienne. Elles doivent être justes, raisonnables, non discriminatoires et faire l'objet d'une répartition équitable entre catégories d'usagers. Elles peuvent en outre refléter une part équitable du coût total supporté pour la mise à disposition des installations et services aéroportuaires.

L'article 13 du présent accord détaille les cas d' exemption , sur la base de la réciprocité, de droits de douane, d'impôts, de droits, de frais d'inspection et de redevances sur l'équipement normal des aéronefs, les carburants, des lubrifiants et des provisions de bord, à condition que ces équipements et fournitures restent à bord de l'aéronef.

Ces exemptions sont conformes aux pratiques courantes en matière fiscale et douanière vis-à-vis des compagnies aériennes sur le territoire français. Ces dispositions figurent traditionnellement dans les accords de services aériens bilatéraux conclus par la France, conformément aux principes définis par la convention dite de « Chicago » de 1944.

Il est toutefois légitime de s'interroger sur la perpétuation de cette exemption , alors que la lutte contre le réchauffement climatique est devenue une priorité mondiale et que la contribution du secteur aérien aux émissions de gaz à effet de serre est estimée entre 2 et 5 % du total mondial.

Dans une communication à la Commission des Finances du Sénat de 2016 4 ( * ) , la Cour des Comptes précise :

« Même si le transport aérien n'était pas au programme des négociations, l'ouverture de la conférence mondiale sur le climat récemment organisée à Paris (COP21) a eu pour effet de rappeler que les compagnies aériennes sont, pour des raisons historiques résultant des négociations de la convention de Chicago sur l'aviation civile dans les années 40, exonérées de toute taxe sur le kérosène. Pour faciliter l'essor de ce mode de transport et le développement des liaisons internationales, une série d'accords bilatéraux relatifs aux services aériens a été signée ; parmi les clauses de ces accords figure l'exemption de toute taxe pour le carburant destiné aux vols internationaux, répondant aux exigences de l'article 24 de la convention de Chicago. Aujourd'hui, la taxation de ce carburant supposerait la renégociation de ces accords. Les pays européens ont proposé, à plusieurs reprises, cette solution lors des assemblées générales de l'OACI, mais ils n'ont jamais pu obtenir un consensus . En France, l'avion est ainsi le seul moyen de transport fonctionnant à l'énergie fossile exempté de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE). Au total, l'exonération de la TICPE pour l'aviation représente un manque à gagner pour l'État de 3,5 Md€/an pour les vols au départ et à l'arrivée du territoire français (1,3 Md€ pour les vols intérieurs). »

Interrogés à ce sujet, le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères et la Direction générale de l'aviation civile nous ont indiqué que, même si l'OACI est engagée en matière de protection du climat et qu'elle envisage d'adopter un objectif à long-terme de neutralité carbone, « il sera toutefois extrêmement difficile de réviser la Convention de Chicago sur ce point ».

En revanche, la réflexion est davantage avancée au niveau européen : dans le document « fit for 55 » de la Commission européenne de juillet 2021, qui comprend treize propositions pour adapter le cadre réglementaire européen « climat-énergie » au relèvement de l'objectif climatique de l'Union pour 2030, quatre d'entre elles concernent directement le secteur aérien, dont en particulier la révision de la directive sur la taxation de l'énergie, pour introduire la taxation obligatoire du kérosène sur les liaisons intra-UE, en l'alignant progressivement sur la fiscalité du transport routier.

En tout état de cause, la France ne pourrait pas, unilatéralement, remettre en cause ces exemptions fiscales, sans risquer de mettre à mal le secteur de l'aviation civile français. C'est au niveau international que de telles évolutions doivent être décidées.


* 4 L'État et la compétitivité du transport aérien - Un rôle complexe, une stratégie à élaborer- Communication à la commission des Finances du Sénat, à l'occasion du rapport d'information n°32 (2016-2017) relative à l'action de l'État en faveur de la compétitivité du transport aérien.

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