AVANT-PROPOS

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a adopté, le 15 décembre 2021, la proposition de loi de Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias, qui constitue l'aboutissement des travaux conduits par le Sénat sur la question des restitutions.

Cette proposition de loi vise à combler les faiblesses de la procédure actuelle. Elle permet de poser un cadre juridique pérenne et transparent pour traiter les demandes de restitution reçues par la France et poursuivre la réflexion prospective indispensable sur ces questions, tout en réservant un sort particulier aux restitutions des restes humains , pour lesquelles un dispositif-cadre est d'ores et déjà possible.

Souscrivant pleinement à ses objectifs, la commission y a apporté plusieurs modifications afin de garantir le caractère opérationnel du dispositif et d' engager davantage notre pays sur la voie d'une gestion plus éthique de nos collections .

I. COMBLER LES FAIBLESSES DE LA PROCÉDURE ACTUELLE DE RESTITUTION

A. UNE PROCÉDURE INSUFFISAMMENT TRANSPARENTE ET COLLÉGIALE

Faute d'avoir véritablement anticipé la montée des revendications en matière de restitution en engageant à temps une réflexion de fond, la France se retrouve aujourd'hui dans un moment charnière où il lui faut se doter d'une méthode pour répondre aux demandes légitimes de circulation et de retour des biens culturels, sans exacerber les tensions et les frustrations.

1. L'absence de débat démocratique et transparent

Alors que le Parlement est la seule autorité habilitée à faire sortir un bien des collections publiques en vue de son éventuelle restitution, il a été dépossédé de ce rôle par le pouvoir exécutif :

- soit il a été sollicité pour entériner la restitution de biens culturels que le Président de la République ou le Gouvernement s'était déjà engagé à rendre auprès des autorités des pays demandeurs, le privant de toute capacité à jouer un véritable rôle dans le processus et ce d'autant plus que les travaux, en particulier scientifiques, ayant permis d'instruire la demande, n'ont jamais été rendus publics (cas de la restitution de biens culturels au Bénin et au Sénégal, cas à venir du tambour parleur des Ebrié revendiqué par la Côte d'Ivoire) ;

- soit il a été contourné par le biais de la remise aux pays concernés de certains biens revendiqués sous la forme d'un dépôt (cas des crânes algériens remis à l'Algérie en juillet 2020 et de l'élément décoratif en forme de couronne remis à Madagascar en novembre 2020). Le recours à cette procédure aux fins d'anticiper des restitutions, voire de les travestir, apparait malhonnête et délétère pour le débat démocratique.

L'opacité des décisions de restitution pose d'autant plus problème que les collections publiques appartiennent à la Nation.

2. Une concertation insuffisante avec les pays demandeurs

Le processus actuel ne parait pas non plus satisfaire pleinement les pays demandeurs . Dans son rapport sur les nouvelles relations France-Afrique remis au Président de la République en octobre 2021, Achille Mbembe regrette le manque de clarté de la procédure de restitution en France et l'instrumentalisation de cette question « dans des jeux d'intérêts et de pouvoir ». Il note que le processus « fait peu cas des voix, voire de l'expertise, africaine », ajoutant que « là où cette expertise est sollicitée, elle est diluée et sans conséquence notable sur la décision finale ».

Ce manque de concertation avec les pays demandeurs fait courir le risque que les restitutions ne se résument qu'à des opérations sans suite , alors qu'elles n'ont de sens que si elles constituent un volet d'un véritable processus de coopération dans le domaine culturel et patrimonial, au bénéfice des deux parties.

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