Rapport n° 297 (2022-2023) de M. Arnaud de BELENET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 1er février 2023

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N° 297

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er février 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies du Règlement,
sur l'
avenir de l' Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) ,

Par M. Arnaud de BELENET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

197 , 209 , 210 et 298 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 1 er février 2023, la commission des lois a adopté la proposition de résolution européenne relative à l'avenir de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (ci-après désignée par le terme « Frontex ») déposée par Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes, et François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Adoptée préalablement et sans modification par la commission des affaires européennes le 14 décembre 2022, cette proposition de résolution européenne a été inscrite à l'ordre du jour du Sénat à la demande des groupes Socialiste, écologiste et républicain (SER) et Écologiste - Solidarités et territoires (GEST), en application de l'article 73 quinquies du règlement du Sénat 1 ( * ) .

L'examen de cette proposition de résolution européenne intervient à un moment charnière pour l'agence Frontex, qui traverse actuellement une crise sans précédent dans sa jeune histoire. D'une part, l'agence a dû procéder dans des délais très restreints à de profondes transformations pour assumer l'élargissement de son mandat et construire des capacités opérationnelles autonomes . D'autre part, elle a fait l'objet d' une succession d'accusations portant sur sa potentielle couverture d'opérations de refoulement et sur des défaillances dans sa gestion interne . Le point culminant de cette crise a été atteint en avril 2022 avec la démission de Fabrice Leggeri, qui était le directeur exécutif de l'agence depuis 2015.

À l'instar de la commission des affaires européennes et suivant l'avis du rapporteur , la commission des lois a soutenu sans réserve la démarche de Jean-François Rapin et de François-Noël Buffet. Alors que la pression migratoire aux frontières extérieures de l'Union européenne s'intensifie, l'assistance apportée par l'agence aux États membres est plus que jamais indispensable et il est impératif de réaffirmer le soutien du Sénat à son égard . La commission des lois a donc pleinement endossé les recommandations pour une sortie de crise figurant dans la proposition de résolution européenne et visant à ce que Frontex puisse à nouveau se concentrer exclusivement et dans le respect des droits fondamentaux à l'exercice de son mandat .

I. FRONTEX, UNE AGENCE EN PROIE À UNE CRISE PROFONDE ET DURABLE

L'initiative des présidents Jean-François Rapin et François-Noël Buffet intervient au coeur d'un moment décisif pour Frontex . L'agence affronte en effet depuis plusieurs mois une crise d'une ampleur inédite et qui, selon les termes utilisés dans la proposition de résolution européenne, est d'une nature duale : il s'agit à la fois d'une « crise de croissance » et d'une « crise de confiance ».

A. UN CHANGEMENT DE DIMENSION DE L'AGENCE RAPIDE ET QUI EMPORTE DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS

Depuis sa création il y a près de vingt ans par le règlement (CE) n° 2007/2004 du Conseil du 26 octobre 2004 2 ( * ) , Frontex a vu son mandat et ses moyens progressivement renforcés, jusqu'à devenir l'agence la plus puissante de l'Union européenne . Alors qu'elle était initialement conçue comme une agence de coordination et de soutien aux États membres dans la surveillance de leurs frontières, l'échec de la gestion de la « crise migratoire » en 2015 a conduit le législateur européen à réviser son mandat afin de la transformer en un acteur de premier plan de la politique migratoire européenne .

Le règlement (UE) 2016/1624 du 14 septembre 2016 puis le règlement (UE) 2019/1896 du 13 novembre 2019 3 ( * ) ont ainsi entériné un élargissement sensible du champ de compétence de l'agence et l'ont doté d'une capacité opérationnelle autonome . Outre la surveillance de la situation aux frontières extérieures de l'Union européenne, le mandat de Frontex l'autorise par exemple à se projeter sur le terrain afin de soutenir les États membres dans la gestion de leurs frontières . Cela se traduit concrètement par la participation à des opérations conjointes 4 ( * ) de surveillance, d'enregistrement de migrants irréguliers ou de retours. La compétence de l'agence ne se limite par ailleurs pas à l'espace Schengen , puisqu'elle peut désormais intervenir sur le sol de pays tiers ayant passé un accord avec l'UE afin de les assister dans la gestion de leurs frontières, et ce dans un objectif de prévention des flux irréguliers vers l'Europe 5 ( * ) .

Cette nouvelle ambition pour Frontex s'est accompagnée d'une montée en puissance rapide et massive des moyens matériels à sa disposition . Sur le plan financier tout d'abord, l'agence disposera d'un budget de 845 millions d'euros en 2023, contre 460 millions d'euros en 2020 et 86 millions d'euros en 2012.

Budget annuel de Frontex (en M€)

Source : Commission des lois, à partir du rapport spécial de la Cour des comptes européenne
du 7 juin 2021 et des données publiées par Frontex

Au niveau des ressources humaines ensuite, le législateur européen a décidé de doter Frontex d'un « contingent permanent » de garde-frontières, dont la capacité devrait atteindre 10 000 personnels à horizon 2027. Il s'agit d'un véritable changement de paradigme, dans la mesure où Frontex dispose désormais d'une capacité opérationnelle unique pour une entité européenne , avec des agents armés et vêtus d'un uniforme à ses couleurs. Les personnels du contingent permanent sont classifiés en trois catégories selon qu'ils sont directement employés par Frontex (catégorie 1) ou mis à disposition par les États membres pour être déployés sur une longue ou courte durée (respectivement catégories 2 et 3). À terme, le contingent sera composé de 3 000 personnels statutaires et de 7 000 personnels mis à disposition.

Ce changement de dimension de l'agence n'est toutefois pas allé sans difficultés. D'une part, il est intervenu au cours d'une période où Frontex faisait face à une conjonction inédite de crises du fait de la dégradation du contexte international 6 ( * ) et de la pandémie de Covid-19. Le déploiement de près de vingt opérations simultanées par l'agence sur la période récente a ainsi soumis à rude épreuve des capacités opérationnelles dont la croissance n'était pas achevée. À titre d'exemple, l'agence déployait sur le terrain à la fin du mois de novembre 2022 près de 2 158 personnels, 10 avions, 22 bateaux et 4 hélicoptères 7 ( * ) .

Capacité du contingent permanent par année et par catégorie

Année

Catégorie 1

Catégorie 2

Catégorie 3

Total

2021

1 000

400

3 600

6 500

2022

1 000

500

3 500

6 500

2023

1 500

500

4 000

7 500

2024

1 500

750

4 250

8 000

2025

2 000

1 000

5 000

8 000

2026

2 500

1 250

5 250

9 000

2027

3 000

1 500

5 500

10 000

Source : Annexe 1 du règlement (UE) 2019/1896 du 13 novembre 2019

D'autre part, Frontex n'était pas outillée pour conduire une réforme de cette ampleur dans des délais aussi contraints . Dimensionnés pour assurer la gestion d'une agence européenne classique, les services supports ne disposaient par exemple pas nécessairement des compétences adéquates pour piloter une transformation aussi rapide et ambitieuse de Frontex , en particulier en matière de ressources humaines ou de passation de marchés publics. En guise d'illustration des difficultés concrètes soulevées par la mise en place du contingent permanent, la directrice exécutive par intérim de l'agence Aija Kalnaja a, lors de son audition par les commissions des lois et des affaires européennes du 10 novembre 2022, rappelé qu'il n'existait préalablement aucune règle pour le recrutement du contingent permanent et que l'agence avait dû « les inventer et les adapter au fur et à mesure ».

Dans ce contexte, la capacité de l'agence à assumer l'élargissement de son mandat dans les délais impartis est au centre de nombreuses interrogations . Dans un rapport du 7 juin 2021, la Cour des comptes européenne estimait que « Frontex ne s'était pas pleinement acquittée du mandat qui lui a été confié en 2016 » 8 ( * ) et a « mis en évidence plusieurs risques liés à son mandat de 2019 » 9 ( * ) .

Cette crise de croissance et les difficultés qu'elle a engendré ont également été reconnues par la directrice exécutive par intérim de l'agence Aija Kalnaja. Celle-ci a notamment estimé lors de son audition du 10 novembre 2022 précitée que « la pression politique était forte et les délais extrêmement serrés [et que] en conséquence, la croissance de l'agence a entraîné des difficultés opérationnelles ».

B. UNE AGENCE MINÉE PAR DES ACCUSATIONS DE REFOULEMENT, DE MAUVAISE GESTION INTERNE ET DES CONFLITS INTERPERSONNELS

Alors que l'action de l'agence aux frontières et sa gestion interne ont fait l'objet de multiples mises en cause, force est de constater que son crédit auprès des institutions européennes et nationales ainsi que de l'opinion publique a été largement entamé par ces accusations.

En particulier, des organisations non gouvernementales et des médias d'investigation ont accusé l'agence de procéder ou, a minima, de couvrir des opérations illégales de « refoulement » de migrants en mer Égée .

À la suite de ces révélations, Frontex a fait l'objet de plusieurs enquêtes simultanées des différentes autorités de contrôle compétentes . Outre deux décisions du Médiateur européen 10 ( * ) , le Parlement européen a créé en son sein un groupe de suivi de l'action de l'agence 11 ( * ) et l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) 12 ( * ) a également rendu un rapport. Les travaux rendus par ces institutions ont permis d'aboutir aux trois conclusions suivantes :

- Frontex n'aurait pas participé directement à des opérations de refoulement . En revanche, le Parlement européen a estimé, comme cela est repris dans la proposition de résolution européenne, « que l'agence, alors qu'elle détenait des preuves de violations de droits fondamentaux dans des États membres au sein desquels elle participait à des opérations conjointes, n'avait ni empêché lesdites violations ni réduit le risque de leur reproduction future » 13 ( * ) ;

- les dispositifs de traitement des incidents et de protection des droits fondamentaux de l'agence étaient structurellement inadaptés pour traiter efficacement les situations les plus problématiques . L'équipe de direction de l'agence est ainsi directement mise en cause dans le rapport de l'OLAF pour avoir volontairement omis de reporter certains incidents via la procédure de signalement d'incident grave, sous-estimé leur importance ou transmis des informations lacunaires à l'officier aux droits fondamentaux 14 ( * ) ;

- les cadres dirigeants de l'agence ont échoué dans leur gestion managériale et ont manqué à leur devoir de loyauté : selon le rapport de l'OLAF, une enquête interne visant un membre de l'agence aurait notamment été entravée par les hauts responsables de Frontex. Ces mêmes cadres auraient, en outre, fait preuve de déloyauté vis-à-vis du personnel de la Commission et du Parlement européens, dont ils considéraient qu'ils étaient « trop concentrés sur les questions de droits fondamentaux et trop bureaucratiques, sans comprendre les enjeux opérationnels liés à la gestion des frontières extérieures » 15 ( * ) .

De manière générale, l'OLAF estime dans son rapport que les échecs des dirigeants de l'agence peuvent être regroupés en trois catégories : « manquement dans le suivi des procédures, manquement au devoir de loyauté, manquement dans leurs responsabilités managériales » 16 ( * ) .

Ces révélations ont plongé l'agence dans la crise , le Parlement européen refusant notamment à plusieurs reprises de voter sa décharge budgétaire. Le point culminant a été atteint avec la démission le 28 avril 2022 du directeur exécutif de Frontex, le français Fabrice Leggeri . Celui-ci a d'abord été remplacé par une directrice exécutive intérimaire 17 ( * ) , avant que le néerlandais Hans Leijtens ne soit formellement nommé par le conseil d'administration de l'agence le 20 décembre 2022.

Au-delà des questions liées à l'action même de l'agence, il est désormais établi que la crise a été aggravée par deux facteurs concomitants :

- des inimitiés personnelles marquées , en particulier entre les cadres de Frontex et les hauts responsables de la direction générale pour les migrations et les affaires intérieures de la Commission européenne (DG HOME) ;

- l'existence d'un conflit au sein des institutions européennes sur les priorités de l'agence où s'affrontent deux visions centrées, d'un côté, sur l'objectif de protection des droits fondamentaux et, de l'autre, sur l'obtention de résultats probants en matière de lutte contre l'immigration irrégulière . Ce point a par exemple été mis en avant par Fabrice Leggeri lui-même dans une interview accordée après sa démission. Il y indiquait avoir observé « un glissement dans l'interprétation de [son] mandat », qui était selon lui de « renforcer la protection et le contrôle aux frontières extérieures de l'UE pour que l'espace Schengen fonctionne mieux ». Il précise ensuite qu'une « autre lecture a tenté de s'imposer qui consiste à transformer ce mandat pour faire de l'Agence un organisme de surveillance du respect par les États-membres des droits fondamentaux aux frontières lors d'arrivée de migrants » 18 ( * ) .

C'est dans ce contexte particulièrement dégradé que la Commission européenne envisage de réviser le règlement (UE) 2019/1896 qui définit le mandat de Frontex . L'article 123 dudit règlement impose en effet une première évaluation de ce mandat par la Commission au plus tard en décembre 2023 puis sur une base quadriennale.

II. DEUX PRIORITÉS POUR FRONTEX : SORTIR L'AGENCE DE LA CRISE ET LUI ACCORDER LE TEMPS NÉCESSAIRE POUR EXERCER L'INTÉGRALITÉ DE SON MANDAT

A. LES OBJECTIFS DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE : UNE TRIPLE AMBITION POLITIQUE, DIPLOMATIQUE ET JURIDIQUE

La proposition de résolution européenne portée conjointement par Jean-François Rapin et François-Noël Buffet poursuit trois objectifs simultanés et de différentes natures :

- un objectif politique : adopter une position sur le sens à donner au mandat de Frontex et formuler des pistes de sortie de crise . Les auteurs de la proposition de résolution européenne entendent dépasser un débat sur les priorités du mandat qui ne peut être que stérile , dès lors que « Frontex doit exercer ses missions dans le respect des droits de l'Homme mais [que] sa mission première est bien de garantir un contrôle efficace des frontières extérieures contre l'immigration irrégulière, sous peine de n'avoir aucune raison d'être » ;

- un objectif diplomatique : peser sur la nomination du futur directeur exécutif en invitant le Gouvernement français à évaluer les candidats prioritairement en fonction de « leur compétence professionnelle, leur volonté de préserver le rôle premier des États membres au sein du conseil d'administration de Frontex et leur détermination à conforter l'agence dans sa mission de surveillance des frontières extérieures de l'Union européenne » ;

- un objectif juridique : se positionner sur l'opportunité ou non de réviser le mandat de Frontex 19 ( * ) . Dans la mesure où l'agence n'a pas encore pu complétement absorber les derniers élargissements de son mandat, toute nouvelle révision de celui-ci est expressément exclue par la proposition de résolution européenne .

B. L'ESPRIT DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE : TIRER LES LEÇONS DE LA CRISE ET SE TOURNER VERS L'AVENIR

1. Un indispensable soutien politique à Frontex

Outre la mention des éléments de contexte précités , la proposition de résolution européenne débute par l'expression d'un soutien clair du Sénat à l'agence Frontex et au développement de ses prérogatives. La commission des lois partage sans réserve cette position. Dans le contexte actuel, il est en effet essentiel que le soutien politique apporté à Frontex ne souffre d'aucune ambiguïté.

D'une part la pression migratoire aux frontières extérieures de l'Union européenne renoue avec des niveaux particulièrement élevés . Selon les données de l'agence, 330 000 franchissements irréguliers ont été enregistrés en 2022, soit une augmentation de 64 % par rapport à l'année précédente et le niveau le plus haut depuis 2016 20 ( * ) . D'autre part, la France s'appuie fortement sur Frontex pour la mise en oeuvre de sa politique migratoire .

Ce soutien passe également par le rappel du fait que, dans le cadre d'une opération conjointe, Frontex intervient exclusivement à la demande et sous l'autorité d'un État membre et que sa mission n'est en aucun cas de surveiller l'action de celui-ci .

Un soutien déterminant de Frontex à la politique migratoire française

Le soutien apporté par l'agence Frontex à la France repose sur trois piliers 21 ( * ) :

- l'appui à la sécurisation des frontières aériennes : sur l'année 2022, 17 garde-frontières du contingent permanent étaient déployés dans les principaux aéroports hexagonaux afin de participer aux contrôles des passagers en provenance de pays tiers ;

- le déploiement de l'opération conjointe « OPAL COAST » : dans un contexte de très forte augmentation des tentatives de traversée de la Manche en « small boats », Frontex affrète par exemple depuis décembre 2021 un avion de surveillance facilitant considérablement la prévention, la détection et le suivi des tentatives de traversée par des migrants irréguliers ;

- une assistance à la mise en oeuvre de retours forcés via l'organisation de vols groupés : 55 opérations ont été conduites en 2021 et 50 en 2022, avec un soutien financier accordé par l'agence de respectivement 2,6 M€ et 3,2 M€.

2. Le renforcement du pilotage politique, une condition incontournable pour une transformation réussie de Frontex

La proposition de résolution européenne plaide ensuite pour un renforcement du pilotage politique de Frontex . Outre les regrets formulés quant à l'absence de candidature française pour le poste de directeur exécutif, le texte comprend une liste des critères de sélection jugés pertinents . Sur ce point, la commission des lois a adopté un amendement COM-1 du rapporteur visant à tirer les conséquences de la nomination de Hans Leijtens aux fonctions de directeur exécutif de l'agence intervenue postérieurement.

Est ensuite relevée la relative faiblesse du conseil d'administration de l'agence , où les États membres sont souvent représentés par des personnalités au rang hiérarchique intermédiaire. Pour y remédier, la proposition de résolution européenne appelle, d'une part, à ce que lesdits représentants disposent « d'une expérience et d'un niveau hiérarchique suffisants » et, d'autre part, à ce que soient organisées des réunions du Conseil de l'Union européenne spécifiquement dédiées au pilotage de Frontex.

3. La nécessité de développer un système de protection des droits fondamentaux plus complet et donc plus robuste

Sur la question de la protection des droits fondamentaux, la proposition de résolution européenne reconnaît les actions engagées par la direction intérimaire pour renforcer le dispositif correspondant . Afin d'éviter que la montée en puissance de l'officier aux droits fondamentaux entraîne l'institutionnalisation de « deux chaînes hiérarchiques distinctes et structurellement rivales », la nécessité d'un dialogue permanent entre le directeur exécutif et l'officier aux droit fondamentaux est ensuite mise en avant. Il est également préconisé que l'officier et les contrôleurs aux droits fondamentaux disposent d'une expérience opérationnelle dans le domaine de la surveillance des frontières . Cette recommandation a été précisée par l'adoption d'un amendement COM-3 du rapporteur visant à différencier explicitement les compétences demandées pour le recrutement de chacun d'entre eux.

En l'état, il est seulement exigé de l'officier aux droits fondamentaux par l'article 109 du règlement (UE) 2019/1896 précité qu'il dispose « des qualifications, de l'expertise et de l'expérience professionnelle nécessaires dans le domaine des droits fondamentaux ». Si cette exigence est bien évidemment incontournable et devra être prise en compte en priorité dans les futures procédures de nomination, elle ne saurait constituer l'unique critère de recrutement. À titre d'exemple, le bon exercice de ses prérogatives d'animation du mécanisme de traitement des plaintes ou de gestion des violations aux droits fondamentaux qui lui sont signalées implique nécessairement de la part de l'officier aux droits fondamentaux qu'il fasse preuve d'une solide maîtrise des équilibres géopolitiques mondiaux et des enjeux opérationnels liés à la gestion des frontières. Cette connaissance des réalités du terrain lui permettrait assurément de réagir de la manière la plus rapide et pertinente possible aux incidents dont il serait saisi. Les contrôleurs aux droits fondamentaux étant quant à eux directement déployés sur les théâtres d'opération, une expérience opérationnelle préalable en matière de surveillance des frontières serait une incontestable plus-value dans l'exercice de leurs fonctions . Celle-ci leur permettrait de détecter et de qualifier plus rapidement d'éventuelles violations des droits fondamentaux, et d'y donner les suites appropriées.

En outre, il est recommandé que le conseil d'administration procède régulièrement à l'évaluation professionnelle de l'officier aux droits fondamentaux et que ses décisions fassent l'objet d'un avis annuel du Médiateur européen.

4. Les autres dispositions de la proposition de résolution européenne

La proposition de résolution européenne comprend par ailleurs trois recommandations concrètes visant à augmenter la responsabilité et la transparence de l'agence. Celles-ci portent sur la revalorisation du coefficient indemnitaire appliqué aux personnels de l'agence, sur la nécessité d'un recrutement ambitieux dans les services dédiés à l'analyse des risques et sur l'organisation d'exercices conjoints entre les personnels de l'agence Frontex et des États membres.

L'importance de l'action de lutte contre l'immigration irrégulière et les réseaux criminels transfrontaliers de l'agence est par ailleurs mise en exergue, et ce sur l'ensemble des théâtres d'opération où elle est impliquée. La poursuite de la politique des accords de statut, lesquels constituent une solution efficace pour prévenir l'arrivée de migrants irréguliers dans l'UE, est également explicitement soutenue.

Sur la question du contrôle parlementaire de Frontex , la proposition de résolution européenne regrette que le Parlement européen ait décidé unilatéralement d'instituer un groupe de suivi de Frontex et défend, en lieu et place, l'instauration d'un groupe de contrôle conjoint avec les Parlements nationaux, sur le modèle de celui mis en place dans le cas d'Europol .

En conclusion, la PPRE exclut toute révision du mandat de Frontex, afin de laisser le temps à l'agence d'assumer pleinement son mandat actuel . Elle invite le Gouvernement à défendre cette position.

*

Suivant l'avis de la commission des affaires européennes et de son rapporteur, et moyennant les quelques ajustements issus des amendements qu'elle a adoptés, la commission des lois a approuvé sans réserve les orientations figurant au sein de la proposition de résolution européenne portée par les présidents Jean-François Rapin et François-Noël Buffet.

EXAMEN EN COMMISSION

M. François-Noël Buffet , président . - Nous passons à l'examen du rapport de notre collègue Arnaud de Belenet sur le texte de la commission des affaires européennes portant sur la proposition de résolution européenne (PPRE) sur l'avenir de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes, que j'ai l'honneur de présenter avec notre collègue Jean-François Rapin.

M. Arnaud de Belenet , rapporteur . - Jean-François Rapin et François-Noël Buffet ont présenté leur initiative à la commission des affaires européennes et à la commission des lois le 14 décembre dernier. À l'issue de cette réunion, la commission des affaires européennes a adopté la PPRE qui nous réunit ce matin. Celle-ci aurait pu être adoptée de manière tacite, mais elle a fait l'objet d'une demande d'examen en séance publique par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain et par le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires. Compte tenu de son objet, cette proposition de résolution nous a donc été renvoyée afin que nous adoptions un texte dans la perspective de la séance.

Je rappelle que nous sommes à un moment charnière pour Frontex, puisque cette institution traverse aujourd'hui une crise sans précédent, qui est à la fois une crise de croissance et une crise de confiance.

La crise de croissance de Frontex est liée à l'augmentation de ses moyens, elle-même consécutive à l'élargissement de son mandat. Depuis sa création en 2004, celle-ci est progressivement devenue l'agence la plus puissante de l'Union européenne. Cela est directement lié aux évènements de 2015, où l'on a pu constater un certain échec de la gestion de la crise migratoire. En réaction, le législateur européen a alors décidé de réviser le mandat de Frontex, d'étendre encore son champ d'intervention et de la doter d'une capacité opérationnelle propre. Deux règlements adoptés en 2016 et 2019 permettent ainsi à Frontex de se déployer sur le terrain non plus uniquement en réaction à un évènement donné, mais également sur le long terme. L'agence peut également intervenir aujourd'hui sur le sol de pays tiers ayant passé un accord avec l'Union européenne. En conséquence, Frontex a vu son budget augmenter considérablement : il atteint environ 850 millions d'euros en 2023.

Surtout, le législateur européen a décidé de doter Frontex d'un contingent permanent de garde-frontières, dont le nombre devrait atteindre 10 000 personnels en 2027. C'est là une grande première, puisque jamais une agence européenne n'a disposé de telles prérogatives de puissance publique, et encore moins d'agents vêtus d'uniforme à ses couleurs.

Mais ce changement de dimension ne s'est pas fait sans difficulté ; de même que l'adaptation de son organisation et la montée en puissance de ses moyens matériels et humains qu'il implique.

Ces problèmes pratiques n'ont fait que renforcer la crise de confiance née de la suspicion de refoulement des migrants dans la mer Égée. Vous vous en rappelez, cette crise a atteint son apogée avec la démission du directeur exécutif de l'agence Fabrice Leggeri en avril 2022. Frontex a par la suite fait l'objet de plusieurs contrôles, qui ont conclu qu'il n'était pas possible d'affirmer qu'elle avait a participé directement à des opérations de refoulements. On peut en revanche considérer que sa direction a échoué dans sa gestion managériale et que ses dispositifs de traitement des incidents n'étaient pas adaptés en l'espèce.

De plus, il existe aujourd'hui un débat au sein des institutions européennes sur les priorités de Frontex. Deux visions s'affrontent : l'une centrée sur la protection des droits fondamentaux, l'autre sur l'obtention de résultats plus probants en matière de lutte contre l'immigration irrégulière.

J'en viens au corps de la proposition de résolution européenne présentée par nos deux présidents. Elle vise trois objectifs.

Le premier est politique : adopter une position sur le sens à donner au mandat de Frontex et formuler des pistes de sortie de crise. D'après les auteurs de la PPRE, le débat sur les priorités de l'agence est en grande partie artificiel ; je partage leur avis. Le contrôle des frontières et le respect absolu des droits fondamentaux vont évidemment de pair.

Le deuxième objectif était diplomatique : il s'agissait de peser sur la future nomination du directeur exécutif. Ce dernier ayant été nommé depuis, il convient de conserver l'esprit de la proposition sur ses objectifs prioritaires, mais d'en amender le texte pour tenir compte de cette nomination.

Le troisième objectif est juridique : il s'agit de se positionner sur l'opportunité de réviser le mandat de Frontex. Nos deux présidents ont formellement exclu cette révision afin que l'agence ait le temps d'absorber l'élargissement de son mandat. Là encore, je ne peux qu'être parfaitement aligné avec leur position.

Avant de conclure, je souhaite mettre en exergue trois points saillants.

Premièrement, la proposition marque un soutien fort à l'agence Frontex et au développement de ses prérogatives. Cela est nécessaire du fait de la pression migratoire aux frontières extérieures de l'Union, qui a rarement été aussi forte. En 2022, 330 000 franchissements irréguliers ont été constatés, soit une hausse de 64 % - cette augmentation a même atteint 150 % sur la route des Balkans. Par ailleurs, la France s'appuie sur Frontex pour la mise en oeuvre de sa politique migratoire et bénéficie aujourd'hui de ses interventions dans cinq aéroports et à la frontière avec le Royaume-Uni.

Il est également important de rappeler que la mission de Frontex n'est jamais de surveiller un État partenaire : l'intervention de l'agence se fait toujours sous l'autorité de cet État et à sa demande.

Le deuxième point qu'il me semble important de mettre en avant est le renforcement du pilotage politique de Frontex. Il convient de rehausser assez rapidement le rôle de son conseil d'administration et le rang hiérarchique de ses membres. La France est au rendez-vous de cette exigence qualitative - ce n'est pas forcément le cas de tous nos partenaires. Organiser des réunions du Conseil de l'Union européenne spécifiquement dédiées au pilotage de Frontex irait également dans le bon sens.

Le troisième et dernier point a trait au dispositif de protection des droits fondamentaux. Frontex a besoin d'un officier aux droits fondamentaux indépendant. Frontex y a même intérêt ! Mais il convient évidemment d'organiser les choses de façon à ce qu'il n'y ait pas de risque de doublon, à ce que l'on ne crée pas deux chaînes hiérarchiques concurrentes. Aujourd'hui, il semble que les personnes en poste soient attentives à ce que ce risque ne se matérialise pas.

Je vous proposerai enfin d'adopter un amendement de précision s'agissant de l'officier aux droits fondamentaux, pour que son profil corresponde davantage à son rôle de direction, avec une moindre exigence en matière d'expérience opérationnelle de garde-frontière que pour les contrôleurs eux-mêmes.

M. Jean-Yves Leconte . - Si nous souscrivons à l'idée que le mandat actuel de Frontex doit pouvoir être développé dans sa totalité avant d'envisager une éventuelle évolution et à la nécessité de renforcer le contrôle des Parlements nationaux, nous avons demandé que la PPRE soit examinée dans des conditions normales parce que nous la trouvons anachronique et décalée.

En effet, les nominations ont eu lieu, et la crise de Frontex est d'abord liée à l'incapacité actuelle de sa structure à témoigner des manquements aux droits fondamentaux dont elle pourrait être directement témoin.

La crise de Frontex est directement liée à l'existence d'une crise de confiance, née du soupçon sur le fait qu'elle ait participé à un certain nombre de refoulements, en particulier de la part de la Grèce, ou, à tout le moins, qu'elle en ait été témoin - nous pouvons en avoir la certitude. Par conséquent, si l'on veut que Frontex fonctionne, il convient de renforcer sa crédibilité et de prévenir une nouvelle situation de crise qui serait liée à des manquements en termes de respect des droits fondamentaux.

À cet égard, une proposition de résolution qui met l'officier aux droits fondamentaux sous contrôle direct du conseil d'administration de Frontex et qui empêche une expression aussi indépendante que possible ne nous semble pas aller dans la bonne direction.

Frontex a une mission difficile. En réalité, ce n'est pas une agence de garde-frontières : chaque fois que l'agence intervient dans un État, elle le fait sous la responsabilité de celui-ci. Les mandats de Frontex ont été révisés en particulier par rapport à la situation et aux besoins d'accompagnement de la Grèce. Si un jour l'agence dénonce la manière dont les autorités grecques effectuent des refoulements, pourra-t-elle continuer à agir en Grèce ? Frontex n'a pas pu agir à la frontière biélorusse, même si les méthodes utilisées par les autorités polonaises n'étaient pas conformes aux droits fondamentaux, parce que l'on n'a pas fait appel à elle.

Aujourd'hui, Frontex se trouve donc dans une situation où elle n'a pas la responsabilité directe de surveiller les frontières extérieures de l'Union européenne : elle accompagne les États membres, qui sont chacun responsables d'une partie de leurs frontières et les défendent de manière souveraine. L'agence doit pouvoir dénoncer un certain nombre de choses dont elle ne saurait être complice. Or la PPRE ne lui donne pas la possibilité de mieux les dénoncer qu'auparavant.

Par ailleurs, pour réussir à convaincre, dans la durée, les pays susceptibles de faire appel à Frontex de le faire, il est essentiel qu'elle soit inattaquable sur la question des droits fondamentaux : le contrôle par l'agence du respect des droits fondamentaux doit être libre. Nous avons donc un certain nombre de réserves sur la volonté que traduit la résolution de mettre sous tutelle ceux qui sont responsables des droits fondamentaux. Je pense, au contraire, que la protection des droits fondamentaux par Frontex et la manière dont elle peut dénoncer d'éventuels manquements dont elle serait témoin sont au coeur de sa crédibilité ainsi que de son efficacité sur le long terme.

C'est la raison pour laquelle nous déposerons en vue de la séance des amendements sur la partie de la résolution relative à l'officier aux droits fondamentaux, même si je remarque que le rapporteur, après un certain nombre d'auditions, en particulier celle du directeur de l'immigration, l'a fait un peu évoluer.

Mme Nathalie Goulet . - En 2022, il y a eu 275 000 entrées illégales, c'est-à-dire 73 % de plus qu'en 2021.

Frontex a perdu la confiance d'à peu près l'ensemble des pays européens. En outre, elle n'accomplit pas forcément la mission à laquelle elle est censée être destinée. Il y a donc un problème d'adéquation, probablement un problème de définition de ses missions, mais aussi un problème de contrôle.

Compte tenu de la hausse du nombre de migrants et des crises multiples que l'on connaît en Europe, il est extrêmement urgent de régler les difficultés de l'agence, qui doit avoir un rôle pivot en matière de contrôle de l'immigration.

Comment se répartit le budget de Frontex ? Surtout, je souhaite obtenir des précisions sur le contenu du rapport de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) et sur les sanctions qui auraient été prises à l'encontre de dirigeants indélicats.

M. François Bonhomme . - Je rappelle que la mission initiale de l'agence est très clairement de gérer les frontières et de contrôler les migrations.

Je trouve normal que l'on cadre beaucoup mieux les fonctions de l'officier aux droits fondamentaux, ainsi que son profil de recrutement. Il ne faudrait pas que son existence même vienne compliquer encore plus la mission première de Frontex. Cela pose la question du sens que l'on veut donner à la politique migratoire européenne : s'il s'agit de faire de l'officier aux droits fondamentaux l'équivalent du Défenseur des droits à la française, qui fait parfois de sa mission une lecture très militante et doctrinale, j'entrevois les dérives et les complications qui ne manqueront pas d'en découler... Il y a là un chemin qui me semble très dangereux.

M. Arnaud de Belenet , rapporteur . - Je suis très heureux que nous puissions débattre de Frontex en séance publique.

La PPRE n'est pas anachronique ni décalée. Elle répond à un besoin, à un moment opportun. Il importe que nous soutenions Frontex à ce point essentiel de son développement et dans la mise en oeuvre de nouvelles procédures internes exigeantes en matière de respect des droits fondamentaux.

Je veux signaler que 45 contrôleurs des droits fondamentaux ont été recrutés et que, à la suite des polémiques nées des accusations de refoulement dans la mer Égée, des procédures de traitement des incidents ont été mises en place ou renforcées, notamment le mécanisme de traitement des plaintes. Cette exigence de respect des droits fondamentaux et de contrôle est absolument essentielle. L'institution s'en est saisie et s'est organisée pour en tenir compte, puisqu'il y va de sa crédibilité.

Quand elle intervient aux frontières, participe à des reconduites, contribue à des contrôles, noue des partenariats avec des pays tiers, accompagne les États membres sur des territoires douloureux, il faut que cette institution soit absolument incontestable. C'est la garantie qu'offre la présence de l'officier aux droits fondamentaux, qui n'est pas une contrainte juridique de plus : c'est une garantie de crédibilité et de rigueur pour le bon exercice de la mission essentielle confiée à Frontex.

L'action de trois cadres au moins a été mise en cause par le rapport de l'OLAF. Or, Frontex compte aujourd'hui, pour le contingent permanent, près de 1 000 agents statutaires, ainsi que 500 agents de catégorie 2 et plus de 3 500 agents intervenant de manière plus ou moins ponctuelle en soutien des États pour le compte de l'agence. Le rapport ne vise donc que trois agents sur plusieurs milliers de personnes qui contribuent à l'action de Frontex - son directeur, qui a démissionné depuis, et deux autres cadres au moins, qui, je crois, ont également quitté l'institution.

Le budget a considérablement augmenté ces dernières années. Il semble stabilisé, pour ces prochaines années, à près de 1 milliard d'euros : il s'élève à 845 millions en 2023, contre 93 millions d'euros en 2014. Il a donc quasiment été multiplié par dix en moins de dix ans.

M. François-Noël Buffet , président . - La PPRE a tout particulièrement pour objet d'établir une forme d'état des lieux du fonctionnement de Frontex, afin de tenir compte de son évolution très forte depuis la crise migratoire de 2015 et de la progression considérable de son budget. Cette crise a donné un rôle encore plus fondamental à Frontex.

Il y a incontestablement eu des difficultés voilà quelques mois. Le directeur exécutif a démissionné ; un nouveau a été désigné. Sur le principe, nous n'avons rien à dire, mais nous souhaitons, Jean-François Rapin et moi-même, que les Parlements nationaux soient associés à cet état des lieux, Frontex travaillant pour le compte des États et étant leur partenaire dans la protection des frontières européennes.

Y aura-t-il, demain, un changement de philosophie dans le fonctionnement de Frontex ? C'est une question de fond qui se pose et qu'il faut examiner de près. C'est l'enjeu de notre questionnement.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

M. Arnaud de Belenet , rapporteur . - L'amendement COM-1 procède à une actualisation de la PPRE pour tenir compte de la nomination du nouveau directeur exécutif de Frontex.

L'amendement COM-1 est adopté.

M. Arnaud de Belenet , rapporteur . - L'amendement COM-2 actualise des données statistiques figurant dans la proposition de résolution.

L'amendement COM-2 est adopté.

M. Arnaud de Belenet , rapporteur . - L'amendement COM-3 précise le profil de l'officier aux droits fondamentaux.

M. François-Noël Buffet , président . - L'enjeu est de bien distinguer les profils de chacun. Au fond, il s'agit de s'assurer que chacun à son poste contribue à ce que Frontex exerce bien le rôle qui est prévu par son mandat...

L'amendement COM-3 est adopté.

M. Arnaud de Belenet , rapporteur . - L'amendement COM-4 précise les conditions de représentation du Parlement européen au conseil d'administration de Frontex, en se calant sur les formulations figurant dans le mandat de l'agence.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article unique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

La proposition de résolution européenne est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. François-Noël Buffet , président . - La PPRE sera examinée en séance publique le 8 février prochain.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. de BELENET, rapporteur

1

Prise en compte de la nomination du nouveau directeur exécutif de Frontex

Adopté

M. de BELENET, rapporteur

2

Actualisation des données statistiques relatives à l'immigration irrégulière

Adopté

M. de BELENET, rapporteur

3

Critères de recrutement de l'officier et des contrôleurs aux droits fondamentaux

Adopté

M. de BELENET, rapporteur

4

Représentation du Parlement européen au conseil d'administration de Frontex

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

Direction générale des étrangers en France (DGEF)

M. Simon Fetet , directeur de l'immigration

Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)

Mme Caroline Vinot , secrétaire générale adjointe

Mme Magali Michel , cheffe du bureau sécurité intérieure de l'Union

Mme Sophie Fanucchi , cheffe du bureau frontières, asile et migrations

Mme Constance Deler , cheffe du bureau Parlements


* 1 Pour rappel, l'article 73 quinquies du règlement du Sénat dispose que lorsqu'une proposition de résolution européenne émane d'un ou plusieurs sénateurs et que la commission permanente compétente sur le fond ne s'est pas déjà saisie du texte européen correspondant, la proposition fait l'objet d'un examen préalable par la commission des affaires européennes avant d'être renvoyée à la commission permanente. Si celle-ci dispose alors du choix de l'inscrire - ou non - à son ordre du jour dans un délai d'un mois, tout groupe minoritaire ou d'opposition peut également demander à ce que le Sénat se prononce sur cette proposition en séance, ce qui impose à la commission permanente de se prononcer sur le fond.

* 2 Frontex était alors dénommé « Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne » .

* 3 Le règlement (UE) 2019/1896 a abrogé les précédents règlements européens relatifs à Frontex et définit à ce jour le mandat de l'agence.

* 4 En novembre 2022, l'agence Frontex participait à 18 opérations conjointes, en incluant les opérations déployées sur le territoire de pays extérieurs à l'Union européenne en application d'accords de travail ou de statut.

* 5 En l'état, 18 accords de travail ont été conclus directement par l'agence avec des pays tiers, tandis que celle-ci participe également à la mise en oeuvre de cinq accords de statuts négociés par la Commission européenne au nom de l'Union européenne. Des membres du contingent permanent sont déployés en Albanie, en Serbie, en Moldavie, au Monténégro et en Macédoine du Nord au titre de ces derniers accords.

* 6 Il est notamment possible de citer l'instrumentalisation des flux migratoires par la Biélorussie en novembre 2021 ou le déclenchement du conflit en Ukraine en février 2022.

* 7 Données communiquées par la direction générale des étrangers en France (DGEF).

* 8 En matière de lutte contre l'immigration illégale et la criminalité transfrontalière.

* 9 Cour des comptes européenne, rapport spécial, « Soutien de Frontex à la gestion des frontières extérieures : pas assez efficace jusqu'ici » (7 juin 2021).

* 10 Décisions 01/5/2020/MHZ et 01/4/2021/MHZ.

* 11 Parlement européen, Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures, Tineke Strik pour le groupe de travail sur la surveillance de Frontex, « Report on the fact finding investigation on Frontex concerning alleged fundamental rights violations » (14 juillet 2021).

* 12 Comme exposé dans la proposition de résolution européenne, le rapport de l'OLAF, achevé en 2022, demeure confidentiel, mais a été partiellement publié dans la presse le 13 octobre 2022.

* 13 En anglais dans le texte : « The FSWG did not find conclusive evidence on the direct performance of pushbacks and/or collective expulsions by Frontex in the serious incident cases that could be examined by the FSWG. However, the FSWG concludes that the Agency found evidence in support of allegations of fundamental rights violations in Member States with which it had a joint operation, but failed to address and follow-up on these violations promptly, vigilantly and effectively. As a result, Frontex did not prevent these violations, nor reduced the risk of future fundamental rights violations ».

* 14 Celui-ci est chargé de contrôler, en toute indépendance, le respect par Frontex de ses obligations en la matière.

* 15 Rapport précité de l'OLAF, en anglais dans le texte : « They partly based their decisions on their personal prejudices and the low esteem in which they held the European Commission, particularly some officials of [anonymisé]. They considered the latter to be overly focused on fundamental rights matters and too bureaucratic, with no understanding of the operational challenges of external border management » .

* 16 En anglais dans le texte : « failure to follow procedures and processes, failure in teir duty of loyalty and failure in their managerial responsibilities » .

* 17 La lettone Aija Kalnaja, qui occupait auparavant les fonctions d'adjointe.

* 18 Le Journal du Dimanche, Fabrice Leggeri, directeur exécutif de l'agence européenne Frontex : « Voici les raisons de ma démission », 29 avril 2022.

* 19 Si un appel à contribution des Parlements nationaux a bien été effectué par la Commission européenne dans le cadre du processus d'évaluation, le délai alloué était trop restreint pour que le Sénat puisse se prononcer en temps utile

* 20 Frontex, news release, « EU's external borders in 2022: Number of irregular border crossings highest since 2016 » , 13 janvier 2023.

* 21 À partir des données communiquées par la direction générale des étrangers en France (DGEF).

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