EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 3 mai 2023, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de M. Jean Sol, rapporteur, sur la proposition de loi n° 460 (2022-2023), examinée en deuxième lecture, visant à améliorer l'encadrement des centres de santé.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons maintenant, en deuxième lecture, la proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé.

M. Jean Sol, rapporteur. - La proposition de loi visant à améliorer l'encadrement des centres de santé, déposée par la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Fadila Khattabi, en octobre 2022, a été adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale le 14 février dernier.

Alors que nous avions travaillé dans un esprit consensuel pour permettre à l'Assemblée nationale d'adopter définitivement ce texte lors de sa deuxième lecture, je constate avec regret que nous devons, en ce début du mois de mai, examiner à nouveau cette proposition de loi qui nous revient modifiée.

L'Assemblée nationale a certes adopté conformes trois articles relatifs à la prévention des conflits d'intérêts, à l'identification des professionnels de santé par un numéro personnel distinct de la structure et au régime de sanctions applicables, et elle a approuvé la suppression de deux articles dont les dispositions avaient par cohérence été transférées par le Sénat au sein d'autres articles de la présente proposition de loi.

Huit articles demeurent toutefois en discussion. Je parlais à l'instant de regret, car les modifications adoptées par l'Assemblée nationale, que je vais vous présenter, étaient à mon sens accessoires et ne justifiaient pas de reporter l'adoption de ce texte.

À l'article 1er, relatif aux procédures d'agrément, les modifications excèdent les aspects rédactionnels. L'Assemblée nationale a ainsi choisi d'intégrer les activités orthoptiques dans le champ des activités soumises à l'agrément du directeur général de l'ARS mais aussi de supprimer la possibilité de consultation des projets de santé par les conseils départementaux de l'ordre.

Je me bornerai à constater que les activités orthoptiques sont a priori réalisées dans des centres qui ont une activité ophtalmologique, et que loin de mettre à disposition les projets de santé de tous les centres, nous n'avions donné qu'un droit de consultation aux ordres, qui me paraissait légitime au regard des missions qui sont données à ces derniers.

Surtout, l'Assemblée nationale a introduit une disposition nouvelle concernant les modalités de réalisation de la visite de conformité, en prévoyant la possibilité pour la personne mandatée de ne pas annoncer son identité ni l'objet de sa visite. Ces dispositions, qui auraient pu tout à fait relever d'un décret d'application, me semblent assez délicates dans leur mise en oeuvre. En effet, comment la personne mandatée aura-t-elle accès à l'ensemble des éléments lui permettant de juger de la conformité du centre de santé ? Au-delà d'une simple observation sur les modalités d'accueil, la visite de conformité a bien pour objet d'apprécier les pratiques du centre et de ses praticiens et gestionnaires.

À l'article 1er bis A, relatif à la conservation des dossiers médicaux des patients et à leur transmission en cas de fermeture du centre de santé, si l'Assemblée a préservé l'obligation de conservation dans des conditions garantissant la continuité de prise en charge des patients, elle a privilégié, en cas de fermeture, une information des ordres à une transmission aux ARS des dossiers. Nous avions introduit cet article en première lecture pour répondre à une préoccupation forte concernant le relais de prise en charge pour certains patients dont les dossiers médicaux manquaient à la fermeture du centre de santé, et dont la reprise des soins a été largement obérée.

Concernant l'article 1er quater relatif aux modalités transitoires applicables aux centres existants, l'Assemblée nationale s'est bornée à des modifications rédactionnelles.

À l'article 2, l'Assemblée nationale a, pour l'essentiel, rétabli sa rédaction de première lecture, c'est-à-dire réinscrit dans la loi les précisions relatives au fonctionnement du comité médical ou dentaire et à l'obligation pour le gestionnaire d'assurer la transparence du centre sur l'identité des professionnels de santé qui prennent en charge les patients.

Sans doute peut-on partager la crainte que le pouvoir réglementaire ne soit tenté d'amoindrir des obligations nouvelles que l'on souhaite voir contribuer puissamment à l'amélioration de la qualité des soins. Mais fallait-il pour autant rétablir des mesures aussi manifestement infraréglementaires, et aussi élégamment tournées, que celle, par exemple, issu d'un sous-amendement du Rassemblement national, disposant que « le gestionnaire s'assure que le règlement intérieur de l'établissement prévoit le port d'un badge nominatif indiquant la fonction du professionnel de santé » ?

Ces modifications touchent également au fond du dispositif, puisque le comité médical est rendu, « avec le gestionnaire, responsable » de l'amélioration de la qualité des soins et de la formation continue du dispositif. Les contours d'une telle responsabilité ne sont pas plus clairs qu'en première lecture - c'est pourquoi nous l'avions retouchée - et seront précisés par le pouvoir réglementaire...

À l'article 4, les députés ont précisé les contours de l'obligation de publicité des décisions de sanction financière - étendue au site internet des autorités sanitaires appropriées et accompagnée d'une mise en demeure du gestionnaire de les publier sur le site du centre lui-même - et ont transformé en compétence liée ce qui n'était qu'une faculté offerte au directeur d'ARS de refuser de délivrer le récépissé ou l'agrément pour l'ouverture d'un nouveau centre lorsque les membres de son instance dirigeante ont fait l'objet d'une mesure de suspension ou de fermeture.

L'article 5 n'a fait l'objet que de modifications rédactionnelles. L'article 7 a, lui, été complété par une disposition améliorant l'information des patients en cas de déconventionnement d'un centre par l'assurance maladie, ce qui est opportun.

Enfin, l'Assemblée nationale a rétabli l'article 9, qui prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur les moyens des agences régionales de santé. Le rétablissement de cette demande de rapport est pour moi l'exemple le plus frappant des désaccords très surmontables à l'égard du texte que nous avions adopté : une deuxième lecture provoquée notamment par une demande de rapport...

Sauf peut-être sur deux points, assez marginaux, je constate donc que les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale en deuxième lecture ne témoignent d'aucun désaccord réel sur la rédaction transmise par le Sénat, ni n'apportent de complément indispensable à l'économie générale du dispositif.

Je crois difficile de nier que la rédaction issue des travaux du Sénat en première lecture aurait pu, sans préjudice aucun pour la bonne application de la loi, être adoptée telle quelle par l'Assemblée nationale en deuxième lecture. C'est pourquoi je vous propose d'arrêter ici la navette parlementaire pour ce texte en préconisant son adoption définitive par le Sénat.

En effet, pour regrettable et irritant que soit le comportement de nos collègues députés, il nous appartient de ne pas « remettre une pièce dans la machine », si vous me permettez l'expression. Alors que le texte aurait pu entrer en application en février, une modification par le Sénat renverrait une nouvelle fois sa mise en oeuvre, qui ne pourrait alors intervenir avant l'été.

Dans l'intérêt des patients et en accord avec notre présidente, je vous propose donc d'adopter aujourd'hui ce texte sans modification et d'appeler le Sénat, mardi 9 mai, à adopter définitivement la proposition de loi.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il ne serait en effet pas justifié de prolonger la navette parlementaire pour des détails. Nous avions pourtant fait en sorte, en première lecture, d'adopter une rédaction permettant de parvenir à un vote conforme entre nos deux assemblées, afin que le texte entre rapidement en vigueur ; mais les députés ont préféré adopter des modifications mineures, d'ordre réglementaire et guère utiles, car le rapport demandé ne sera vraisemblablement jamais remis ! Malheureusement, cette démarche est quasi systématique...

Mme Pascale Gruny. - Je soutiens la position de notre rapporteur. Les centres de santé posent parfois des problèmes. Saint-Quentin compte deux centres de santé, mais ils sont vides et n'ont pas de médecins ! Pourtant les notes de frais des dirigeants et les salaires sont élevés, et une enquête est en cours. Le problème de fond est que l'on manque de professionnels de santé. La sécurité sociale finance-t-elle ces centres ? Et dans ce cas, quel est le niveau des aides par rapport à celles octroyées aux maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ?

Mme Catherine Deroche, présidente. - Dans les centres de santé, les médecins sont souvent salariés. Le centre de santé de Lamballe, par exemple, où notre commission d'enquête sur la situation de l'hôpital et le système de santé en France s'est déplacée, qui est installé au sein de l'hôpital de proximité, compte huit médecins pour cinq équivalents temps plein. Les médecins sont salariés et le centre perçoit le montant des actes réalisés.

Les prérogatives des ARS sont limitées. Elles reçoivent simplement un engagement de conformité des centres de santé.

Lorsque j'étais conseillère régionale en Pays de la Loire, nous soutenions les collectivités qui créaient des MSP, mais nous pouvions aussi les aider pour l'installation d'un centre de santé lorsqu'il n'y avait pas d'offre médicale à proximité, sous réserve que ces centres participent à la permanence des soins et qu'ils équilibrent leurs comptes. C'est ainsi que cela fonctionne. Il n'y a pas d'aide spécifique.

M. Jean Sol, rapporteur. - Il ne faut pas confondre les centres de santé et les MSP. Je rejoins les propos de Mme Gruny. Les collectivités investissent pour créer des maisons de santé, se dotent de belles infrastructures, mais celles-ci restent parfois vides, faute de médecins.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il ne me semble pas anormal que les collectivités aident les centres de santé, elles aident déjà les maisons de santé où exercent des médecins libéraux. De plus en plus de médecins s'installent d'ailleurs ainsi en libéral tout en bénéficiant d'un financement de la collectivité !

Mme Émilienne Poumirol. - En ce qui concerne les aides, l'article 5 de notre proposition de loi visant à rétablir l'équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l'accès à la santé pour tous prévoyait que les aides des ARS aux centres de santé devaient être équivalentes à celles octroyées aux MSP en exercice libéral. Je rappelle ainsi que les aides s'élèvent à 50 000 euros par installation d'un médecin en libéral en MSP, et à 30 000 euros dans le cas des centres de santé. Il y a donc une différence nette. Les ARS versent donc bien une aide, et elle varie selon que l'on exerce en libéral ou en centre santé.

Mme Catherine Deroche. - Il s'agit des aides à l'installation. Le médecin en exercice libéral a une amplitude horaire plus large que le médecin en centre de santé.

Mme Annie Le Houerou. - Il faut bien faire la distinction entre les centres de santé à but lucratif et ceux portés par une collectivité. Les centres à but lucratif ont tendance à se développer alors que l'hôpital public s'effrite. À cet égard, cette proposition de loi s'apparente à un pansement sur une jambe de bois. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale sont mineures. Je soutiens la position de notre rapporteur en faveur d'un vote conforme pour mettre un terme à la navette.

Il est paradoxal de constater que, dans certains lieux, des maternités ferment au moment même où des centres de santé, dotés de sages-femmes et de gynécologues, ouvrent. Un encadrement par les ARS permettrait d'endiguer les dérives.

Je ne comprends pas pourquoi l'Assemblée nationale a choisi d'intégrer les activités orthoptiques dans le champ des activités soumises à l'agrément du directeur général de l'ARS. Les centres orthoptiques ne sont pas médicalisés. On ne sait pas comment les personnels sont formés. L'essentiel est la présence d'un ophtalmologue.

Si la proposition de loi permet de limiter les dérives, elle ne règle pas la question de l'offre de soins. En outre, si les ARS n'ont pas les moyens pour contrôler, le texte restera sans effet.

M. Alain Milon. - J'avais le sentiment qu'avec cette proposition de loi nous faisions oeuvre utile. Je partage la colère de notre rapporteur face aux modifications adoptées par l'Assemblée nationale ; en conséquence, je m'abstiendrai. Les demandes de rapport sont inutiles, on le sait. Les ministres et leurs services ont pour mission d'agir, non de faire des rapports !

M. Jean-Luc Fichet. - La question sous-jacente est celle de l'offre de soins dans les territoires. L'idée des centres de santé est intéressante, mais ce dispositif est dévoyé par le jeu des intérêts privés. Le contrôle est essentiel : il faut prévoir un agrément en amont et un pouvoir de contrôle des ARS en aval, à l'improviste, sans prévenir. Les élus locaux sont soumis à de fortes pressions pour maintenir une offre de soins en raison de la fermeture de services à l'hôpital et de la raréfaction des médecins.

Lorsqu'un maire des Côtes d'Armor a voulu augmenter de façon très raisonnable le loyer, pourtant modeste, du médecin, celui-ci a menacé de partir et la population a fait pression sur le maire. Résultat, de plus en plus de médecins réclament la gratuité des locaux et d'autres avantages. Ces pratiques donnent de la profession une image désastreuse. Mais les maires sont sous pression pour concéder toujours plus d'avantages aux médecins pour qu'ils s'installent.

M. Daniel Chasseing. - À l'image de tant d'autres, le rapport demandé par l'Assemblée nationale ne sera sans doute jamais réalisé. Je soutiendrai la position de notre rapporteur.

Il existe des problèmes avec les centres de santé à but lucratif. Il convient de les contrôler. Il est normal que les médecins perçoivent plus d'aides lorsqu'ils s'installent en MSP en exercice libéral, car ils s'investissent davantage dans ce cas pour gérer la structure, que lorsqu'ils s'installent comme salariés en centre de santé.

Mme Émilienne Poumirol. - Je voudrais attirer l'attention sur la création de centres de soins non programmés. Les urgentistes quittent l'hôpital pour s'installer dans ces centres, ouverts uniquement en journée, où ils sont mieux payés sans avoir de gardes à faire ! Les services d'urgences sont déjà en difficulté. Ce phénomène les fragilise encore davantage. L'hôpital est contraint de recourir aux vacations de médecins mercenaires, qu'il paie très cher, pour continuer à fonctionner.

M. Jean Sol, rapporteur. - Il existe en effet des aides des ARS ou de la Cnam pour l'installation et l'équipement des médecins dans les centres de santé. Mais cette proposition de loi n'a pas pour objet de gommer les disparités de cet ordre entre les différentes structures d'exercice.

Nous devons en effet être vigilants sur les centres de soins non programmés, alors que les professionnels de santé ont tendance à quitter de plus en plus l'hôpital.

Je comprends la position d'Alain Milon. Faut-il pour autant repousser encore la date d'adoption du texte en refusant de voter un texte conforme ? Je ne le pense pas.

Monsieur Fichet, je souscris à vos propos sur l'offre de soins sur le territoire. Il faut veiller à ce que les intérêts privés ne l'emportent pas sur toute autre considération dans certaines structures. Nous sommes d'accord pour doter les ARS d'une prérogative de contrôle, reste à définir les moyens qui leurs seront octroyés : les ARS sont prêtes à effectuer cette tâche, mais elles s'interrogent sur leurs moyens pour ce faire, aussi bien en termes de ressources humaines que de compétences.

La pression sur les élus est forte pour qu'ils préservent une offre de soins dans leur commune ; les territoires sont en concurrence et se livrent parfois à des surenchères pour attirer les médecins. Ces derniers réclament toujours plus d'aides : la mise à disposition d'un local, d'une voiture de fonction, etc. Plus largement, ils se renseignent aussi sur les écoles, les services publics, les activités culturelles ou de loisir à proximité avant de s'installer.

Enfin, je souscris aux propos de M. Chasseing sur l'intérêt de soutenir l'installation des médecins en exercice libéral plutôt qu'en tant que médecins salariés.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

Article 1er bis A

L'article 1er bis A est adopté sans modification.

Article 1er quater

L'article 1er quater est adopté sans modification.

Article 2

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement COM-2 vise à ce que le règlement intérieur d'un centre de santé prévoie la remise aux patients d'une note récapitulant l'ensemble des actes effectués et facturés à l'assurance maladie pour les activités dentaires, ophtalmologiques ou orthoptiques.

Il est douteux que le règlement intérieur de l'établissement soit le bon vecteur d'une telle obligation, qui, par ailleurs, n'est sans doute pas du domaine législatif. Une telle précision remettrait en outre en cause le principe d'une adoption conforme du texte, au bénéfice des patients.

Pour toutes ces raisons, j'émets un avis défavorable à cet amendement.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

M. Jean Sol, rapporteur. - L'amendement COM-1 renvoie à un arrêté la fixation des qualifications attendues des gestionnaires des centres de santé.

Il n'est pas certain qu'il soit opportun d'exiger des qualifications professionnelles particulières des gestionnaires de centres, qui ne sont pas une profession réglementée et peuvent n'avoir qu'une fonction de gestion, précisément. Les dispositions de l'article 1er devraient suffire à garantir la qualité des dossiers de demande d'ouverture de centre.

De nouveau, afin de permettre l'entrée en vigueur rapide du texte, j'émets un avis défavorable à cet amendement.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté sans modification.

Articles 4, 5, 7 et 9

Les articles 4, 5, 7 et 9 sont successivement adoptés sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 2
Création d'un comité médical ou dentaire et information des patients
sur les professionnels exerçant dans les centres de santé

Mme DELMONT-KOROPOULIS

2

Remise aux patients d'une note récapitulant les actes effectués et facturés à l'assurance maladie

Rejeté

Mme DELMONT-KOROPOULIS

1

Fixation par arrêté des qualifications attendues des gestionnaires des centres de santé

Rejeté

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