N° 771

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME I

Exposé général et examen des articles

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) :

1095, 1271 et T.A. 125

Sénat :

684 (2022-2023)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

PREMIÈRE PARTIE
L'EXERCICE 2022 ET SON CONTEXTE ÉCONOMIQUE
ET FINANCIER

I. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE DIFFICILE POUR LES MÉNAGES ET LES ENTREPRISES

A. UNE CROISSANCE ÉCONOMIQUE PLUS FAIBLE QU'ATTENDUE EN RAISON DE LA SURVENUE DE LA GUERRE EN UKRAINE

1. La reprise initialement attendue en 2022 a été mise à mal par la survenue de la crise énergétique

La croissance du PIB en volume s'est élevée à + 2,5 % en 2022, après avoir progressé de + 6,4 % en 2021. En automne 2021, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2022, le Gouvernement avait anticipé une croissance de +4,0 % pour l'année suivante, prévision jugée par le rapporteur général comme étant « légèrement optimiste ».

En effet, cette prévision se situait au-dessus de la moyenne des estimations effectuées par les conjoncturistes : la Banque de France (+ 3,7 %), le Consensus Forecasts (+ 3,8 %) et le FMI (+ 3,9 %).

À l'occasion de l'examen du PLF pour 2022, le rapporteur général avait souligné plusieurs facteurs d'incertitude susceptibles d'influer sur la croissance du PIB pour 2022, notamment la consommation de la sur-épargne accumulée par les ménages pendant la crise du COVID ainsi que l'évolution des prix de l'énergie, qui étaient en hausse à l'automne 2021 en raison de la réouverture progressive des économies au niveau mondial et des plans de relance massifs mis en place aux États-Unis et en Chine.

Toutefois, dès le début de 2022, la prévision de croissance du Gouvernement s'est avérée obsolète en raison du déclenchement de la guerre en Ukraine.

Le conflit a eu pour effet de provoquer une augmentation très importante des prix du gaz et de l'électricité, engendrant une inflation significative, et créant de fortes incertitudes quant à l'évolution du contexte géopolitique.

De plus, il a conduit à une réaction notable de la Banque Centrale Européenne (BCE), qui a fortement augmenté ses taux d'intérêt afin de juguler l'inflation.

Au regard de cette situation, les prévisionnistes ont revu à la baisse leur prévision de croissance du PIB en volume pour 2022. Par exemple, la moyenne des prévisions du Consensus Forecasts est passée de +3,8 % en février 2022 à +2,3 % en juillet 2022.

Pour ces mêmes raisons, le Gouvernement a présenté en juillet 2022 un projet de loi de finances rectificative, ramenant sa prévision de croissance pour 2022 de 4 % à 2,5 %.

Évolution de la prévision de croissance
du PIB pour 2022

(en pourcentage - en volume)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des prévisions d'octobre 2021 à décembre 2022 du Consensus Forecasts

Le rapporteur général, toutefois, estimait que cette prévision était toujours optimiste, notamment parce qu'elle était supérieure à celle des autres instituts de prévision, comme le Consensus Forecasts, l'INSEE et la Banque de France, qui prévoyaient une croissance limitée à 2,3 % en 2022.

En novembre 2022, le Gouvernement a présenté un second projet de loi de finances rectificative, révisant à la hausse sa prévision de croissance passant de 2,5 % à 2,7 %. Comme l'avait souligné le rapporteur général, cette augmentation résultait exclusivement d'une modification de l'estimation de la variation des stocks, une hypothèse technique, peu vérifiable et non documentée, qui ne s'est finalement pas concrétisée.

En fin de compte, la croissance du PIB en volume en 2022 s'est établie à 2,5 %, soit bien en-deçà des 4 % initialement attendus, reflétant l'impact du déclenchement de la guerre en Ukraine et de la hausse des prix de l'énergie.

Selon des travaux d'octobre 2022 de l'OFCE1(*), la hausse des prix de l'énergie a réduit la croissance française d'environ 1,5 point de pourcentage, les incertitudes géopolitiques de 0,5 point de pourcentage, et la remontée des taux d'intérêt ainsi que la persistance de la crise sanitaire de 0,4 point de pourcentage.

Parallèlement, les mesures budgétaires mises en place par l'État pour soutenir le pouvoir d'achat ont permis de soutenir la croissance d'environ 0,9 point de pourcentage.

2. Moteurs de la croissance, la consommation et l'investissement des ménages ont été affectés par la hausse des prix et les tensions internationales

En 2022 la progression de la croissance du PIB de +2,5 % résulte essentiellement de deux facteurs :

une hausse de la consommation des ménages qui a contribué pour 1,7 point ;

une augmentation de l'investissement des entreprises pour 0,5 point.

Décomposition de la croissance du PIB en 2022

(en point de pourcentage - en volume)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

La consommation des ménages progresse en volume de +2,4 %, soit une croissance inférieure de 2,5 points par rapport aux prévisions du Consensus Forecasts de janvier 2022.

Cette contre-performance révèle l'impact considérable des augmentations du prix de l'énergie et de l'accélération de l'inflation sur les dépenses des ménages.

Évolution de la prévision de croissance
de la consommation et de l'investissement pour 2022

(en pourcentage - en volume)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des prévisions du Consensus Forecasts de décembre 2021 et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

Elle s'est traduite, notamment, par une contraction de la consommation de biens, en particulier en ce qui concerne les produits alimentaires et la consommation de gaz.

À l'inverse, la levée des restrictions sanitaires a eu un effet positif en permettant à la consommation dans les services, et notamment dans l'hébergement-restauration, de se rapprocher du niveau d'avant crise.

Pour ce qui concerne l'investissement, une croissance de 2,2 % a été observée en 2022 soit un retrait de 2,9 points par rapport aux anticipations du Consensus Forecasts de janvier 2022.

L'investissement en construction et dans l'automobile ont ainsi subi une baisse respective de -1,1 % et -14,2 %. Ces pertes sont toutefois réduites par une hausse très significative des investissements dans les machines et équipements (+11,4 %) ainsi que dans les services informatiques (+10,1 %).

Enfin, le solde extérieur a affiché une contribution négative à la croissance de -0,6 point, malgré une dynamique relativement positive des exportations.

Cette dégradation est due à une croissance plus rapide des importations, influencée par plusieurs facteurs. Ainsi, la reprise économique a conduit à une forte augmentation des importations d'hydrocarbures bruts (+17,2 %) associée à une campagne de reconstitution des stocks de gaz.

En outre, suite à l'arrêt pour maintenance de plusieurs centrales nucléaires, la France a fait face à une augmentation des importations d'électricité et à une baisse de ses exportations, la rendant pour la première fois importatrice nette d'électricité depuis quatre décennies.

Les importations de produits chimiques, pharmaceutiques et métallurgiques ont également été dynamiques.

En contraste, une hausse significative des dépenses des touristes étrangers en France (+52,6 %) a été enregistrée, tandis que les dépenses des français à l'étranger ont augmenté moins rapidement, restant en deçà des niveaux de 2019, ce qui a conduit à une amélioration notable du solde des dépenses touristiques en 2022.

B. L'INFLATION A PESÉ FORTEMENT SUR LE POUVOIR D'ACHAT ET LA PERFORMANCE DES ENTREPRISES

1. D'abord expliquée par l'augmentation des prix de l'énergie, la hausse de l'inflation en 2022 a ensuite procédé de facteurs internes

Après avoir connu une première hausse en 2021, l'inflation a nettement accéléré en 2022 pour atteindre un taux moyen annuel
de +5,2 %.
De façon notable, l'indice des prix a augmenté davantage sur la période décembre 2021-2022 (+ 5,9 %) que sur l'ensemble de la période décembre 2018-2021 (+ 4,3 %).

Évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac

(base 100 en janvier 2019)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

L'inflation a été particulièrement marquée pour les biens, en particulier les produits alimentaires (+ 6,1 %) et l'énergie (+ 16,5 %), tandis que l'augmentation des prix des services a été plus modérée (+ 3,1 %).

Plusieurs facteurs ont influencé la hausse de l'indice des prix. D'abord, la reprise économique consécutive à la levée des restrictions sanitaires s'est traduite par une augmentation de la demande qui a exercé une pression à la hausse sur les prix. Toutefois, l'élévation des prix de l'énergie a joué un rôle déterminant, ces derniers ayant connu une hausse significative de 16,5 % en 2022.

Si l'inflation a été majoritairement « importée » sous l'effet d'une hausse des prix de l'énergie, la tendance s'est atténuée en fin d'année 2022.

Décomposition des facteurs d'évolution du déflateur (du prix)
des ressources de l'économie française

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

Ainsi, au troisième trimestre 2022, la variation du déflateur du PIB (qui permet d'observer l'évolution du coût des facteurs internes à une économie) ne représentait que 0,5 point de pourcentage de l'augmentation de 7,8 % du déflateur des ressources de l'économie (qui permet d'observer le coût de l'ensemble des ressources mobilisées par l'économie pour produire des biens et services) par rapport au troisième trimestre 2021.

Cette situation montrait que l'essentiel de l'évolution des prix résultait de l'augmentation du déflateur des importations (7,3 points) et plus particulièrement du coût des énergies importées.

Or, au quatrième trimestre 2022, la hausse de 6,6 % du déflateur des ressources s'explique désormais pour 2,5 points par celle du déflateur du PIB ce qui signale que l'inflation présente de moins en moins un caractère « importée ».

2. L'inflation a réduit le pouvoir d'achat des ménages et le taux de marge des entreprises

Les dynamiques inflationnistes observées en 2022 ont, en tout état de cause, eu des conséquences substantielles sur l'économie française et ont participé à une hausse des coûts de production impactant directement les marges des entreprises.

À titre d'illustration, le taux de marge des sociétés non financières a reculé à 31,7 % de leur valeur ajoutée en 2022, contre 34,0 % en 2021. Une partie de cette contraction est toutefois attribuable à la fin des mesures de soutien liées à la crise sanitaire.

Parallèlement, l'inflation a contribué à réduire le pouvoir d'achat réel des ménages. Alors que leur revenu disponible brut a augmenté en termes nominaux (+ 5,1 % en euros courants), la hausse plus rapide des prix a entraîné une diminution du pouvoir d'achat en termes réels.

Évolution de l'indice des prix à la consommation hors tabac
entre 2019 et 2022 par décile de revenu

(en pourcentage)

 

Lecture : les ménages situés entre le premier et le deuxième déciles ont connu une hausse de l'indice des prix de leur panier de consommation hors tabac de 7,7 % entre 2019 et 2022.

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

On peut également observer que l'accélération de l'inflation est variable selon les catégories de ménages.

3. Les mesures prises pour limiter les effets de la crise énergétique ont participé à réduire le niveau de l'inflation en France

En comparaison des autres économies développées, notamment celles de la zone euro, la France a affiché une inflation relativement plus modérée en 2022.

En zone euro, l'inflation mesurée par l'indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) s'est élevée à 8,4 % contre 5,9 % en France. Dans le même temps, la progression des salaires a été moins dynamique en France (+3,5 %) que dans le reste de la zone euro (+ 4 %, d'après les données du Consensus Forecasts).

Cet écart est plus marqué dans certains États-membres. Par exemple, aux Pays-Bas, l'indice des prix a augmenté de près de 11 % alors que les salaires ont seulement progressé d'environ 3,5 %, signalant une importante perte de pouvoir d'achat pour les salariés.

Évolution des prix et des salaires
en Europe en 2022

(en pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du Consensus Forecasts de janvier 2023

Le moindre niveau de l'inflation en France est en partie attribuable aux mesures gouvernementales visant à atténuer les effets de la crise énergétique sur le revenu des ménages.

En 2022, l'ensemble des dépenses engagées pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages s'élève à 31,8 milliards d'euros, d'après les réponses fournies par le Gouvernement au rapporteur général.

Ces dépenses représentent 1,2 % du PIB, soit moins que la moyenne de la zone euro (1,9 % du PIB de la zone euro d'après les calculs de la Banque centrale européenne).

Synthèse et coût des mesures mises en oeuvre
pour soutenir le pouvoir d'achat

(en milliard d'euros)

 

2021

2022

Bouclier gaz - compensation aux fournisseurs de gaz

0,4

6,7

Bouclier électricité - baisse de la TICFE et de la TCCFE

 

7,0

Bouclier électricité - manque à gagner des fournisseurs d'électricité

 

11,2

Indemnité inflation

3,8

 

Remise sur les prix du carburant

 

7,9

Aide exceptionnelle de rentrée

 

1,1

Revalorisation anticipée des retraites et des prestations

 

6,7

Barème kilométrique

 

0,4

Guichet d'aide au paiement des factures d'électricité pour les entreprises

 

0,5

Aides sectorielles

 

0,9

Chèques de soutien aux ménages modestes *

0,5

1,2

Total

4,7

43,6

     

Moindres charges de service public de l'énergie (CSPE)

-1,9

-10,1

Contribution sur la rente infra-marginale de la production d'électricité (CRIM)

 

-1,2

Contribution exceptionnelle de solidarité (CES)

 

-0,2

Hausse des redevances hydroélectriques

-0,1

-0,2

     

Total net des moindres CSPE, des recettes de redevances hydroélectriques, des recettes CES et de la contribution sur la rente infra-marginale

2,7

31,8

 

   

Dont dépenses

2,8

30,4

Dont recettes

-0,1

1,4

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

II. AU-DELÀ DE LA CRISE SANITAIRE ET ÉNERGÉTIQUE, UNE DÉGRADATION EN PROFONDEUR DES COMPTES PUBLICS
EN 2022 ET AU COURS DES ANNÉES PRÉCÉDENTES

A. LE DÉFICIT ET LA DETTE NE S'AMÉLIORENT QUE POUR DES MOTIFS CONJONCTURELS ET GRÂCE AUX RÉSULTATS DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. Des recettes plus dynamiques qu'anticipé ont permis à l'État d'augmenter les dépenses tout en réduisant légèrement le déficit public

En 2022, le déficit des administrations publiques s'élève à 4,7 % du PIB, soit 124,5 milliards d'euros, un résultat qui est meilleur de 0,3 point que la prévision retenue par le Gouvernement lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2022 et que pour la première loi de finances rectificative pour 2022 (PLFR I).

Décomposition du solde public en 2022

(en point de PIB)

 

LPFP

LFI

Exécution

Écart LPFP

Écart LFI

Solde structurel

- 0,8

- 4,0

- 3,4

- 2,6

0,6

Solde conjoncturel

0,6

- 0,8

- 1,2

- 1,8

- 0,5

Mesures ponctuelles
et temporaires

0,0

- 0,2

- 0,1

- 0,1

0,2

Solde effectif

- 0,3

- 5,0

- 4,7

- 4,5

0,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

Cette situation découle de deux facteurs principaux :

- d'une part, une augmentation des recettes publiques supérieure de 0,9 point de PIB par rapport aux prévisions formulées en LFR I
pour 2022, ce qui a contribué à améliorer le solde ;

- d'autre part, des dépenses publiques supérieures de 0,7 point de PIB à la prévision retenue en LFR I pour 2022.

Les objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022 n'ont donc pas été atteints.

En effet, la loi de programmation prévoyait un déficit public limité à - 0,3 % du PIB en 2022, contre -4,7 % effectivement réalisé. Sur ce point, la survenue des crises sanitaires et énergétiques ne suffisent pas à expliquer cet écart.

Comme la commission des finances l'ont régulièrement souligné, le Gouvernement a abandonné les efforts promis à partir de 2019 suite à la crise des Gilets Jaunes.

Évolution du solde et de l'endettement public

(en point de PIB)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

2. L'amélioration du taux d'endettement public s'explique uniquement par le dynamisme de la croissance du PIB tandis que la comparaison de la situation de la France à celle de ses voisins européens ne lui est pas favorable

L'endettement public a atteint 111,8 % du PIB en 2022, en baisse de 1,1 point par rapport à l'année précédente. Pour autant, cette diminution ne peut être attribuée à une bonne tenue des dépenses.

En effet, le solde primaire, c'est-à-dire corrigé des intérêts de la dette, a contribué à augmenter la dette de 2,8 points de PIB. La réduction de l'endettement public en proportion du PIB n'est ainsi due qu'à un effet « boule de neige » favorable résultant de la différence entre le taux de progression de la dette en valeur et le taux de croissance du PIB.

Décomposition des facteurs d'évolution
de l'endettement public

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

En comparaison européenne, la France figure parmi les pays qui maintiennent des déficits parmi les plus élevés depuis 2020. En outre, elle présente un niveau d'endettement parmi les plus importants.

À l'inverse, certains pays, comme l'Allemagne, ont déjà fortement réduit leur déficit par rapport à 2020 et affichent un niveau d'endettement inférieur ou très proche du ratio de 60 % prévu par le Pacte de stabilité et de croissance.

Comparaison européenne des soldes publics et de
l'endettement public

(en point de pourcentage - la taille des bulles signalent l'importance de l'endettement)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des données Eurostat

3. La légère baisse du déficit et de l'endettement doit plus aux administrations de sécurité sociale et aux collectivités locales qu'à l'État

En 2022, le déficit public a été principalement porté par les administrations centrales, qui affichaient un solde de - 5,1 % du PIB, bien qu'en amélioration de 0,7 point par rapport à 2021.

En revanche, les administrations publiques locales présentent un solde public à l'équilibre et les administrations de sécurité sociale ont généré un excédent de 0,4 point de PIB.

Décomposition du solde public

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

De même, l'amélioration de l'endettement public est essentiellement due à l'action des administrations publiques locales et des administrations de sécurité sociale, qui ont diminué leurs dettes respectives de 0,5 et 0,7 point de PIB. Par contraste, la dette de l'État a augmenté de 0,4 point.

Décomposition de l'endettement public
entre catégories d'administration

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

B. EN 2022 COMME AU LONG DU PRÉCÉDENT QUINQUENNAT, LES DÉPENSES PUBLIQUES ONT PROGRESSÉ TROP RAPIDEMENT

1. Les dépenses ordinaires ont progressé plus rapidement en volume au cours du précédent quinquennat qu'entre 2012 et 2017

L'exercice 2022 se caractérise par une augmentation notable des dépenses publiques qui atteignent 1 520 milliards d'euros hors crédits d'impôt soit une hausse de 60 milliards d'euros par rapport à 2021. Les dépenses publiques représentent ainsi 57,6 % du PIB.

Les administrations centrales ont vu leurs dépenses croître de 26 milliards d'euros, dont près de 16 milliards d'euros sont attribuables à la seule augmentation du coût des intérêts de la dette.

Les conditions de financement de la France s'étant dégradées très rapidement, il est plus que jamais nécessaire de proposer une trajectoire de consolidation des comptes publics crédible et ambitieuse.

Décomposition de la hausse des dépenses publiques en 2022

(en milliards d'euros)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

Pour leur part, les administrations locales ont vu leurs dépenses augmenter de 14,3 milliards d'euros. Cette croissance s'explique principalement par une reprise des investissements après la fin de la crise sanitaire, ainsi que par l'impact de l'inflation sur les dépenses des structures, d'une part, et de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique sur les rémunérations, d'autre part.

Enfin, les administrations sociales ont vu leurs dépenses augmenter de 20,6 milliards d'euros, avec une hausse de plus de la moitié (13 milliards d'euros) due à la revalorisation anticipée des prestations sociales en juillet 2022. Cette situation signale que la baisse du coût des mesures liées au COVID a été plus que compensée par les mesures prises en réponse à la crise énergétique.

La progression des dépenses publiques au cours du précédent quinquennat a ainsi été très importante, même sans prendre en compte les mesures engagées pour répondre à la crise sanitaire et à la crise énergétique.

Ainsi, de 2018 à 2022, les dépenses primaires (dépenses publiques hors charge de la dette) ont augmenté en volume de 2,3 % par an en moyenne tandis que les dépenses ordinaires (dépenses primaires hors coût des mesures de crise) progressaient de 1,2 % par an en moyenne.

Évolution de la dépense publique en volume

(en euros 2012 - déflaté à l'indice des prix
du PIB - en pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

Cette évolution annuelle moyenne est supérieure à celle observée au cours de la période 2012-2017, qui n'était que de 1 % par an en moyenne s'agissant des dépenses ordinaires. Autrement dit, la croissance de ces dernières au cours du quinquennat 2018-2022 a été plus rapide qu'au cours du quinquennat 2012-2017.

Pour ce qui concerne la seule année 2022, le rapporteur général note que l'accélération des dépenses s'est accentuée avec une hausse en volume de 2 % des dépenses hors charge de la dette et hors mesures de crise.

2. Une analyse sur vingt ans des dépenses démontre l'importance croissante des dépenses sociales et des dépenses de santé

L'actualisation des comptes nationaux annuels de l'INSEE permet au rapporteur général de proposer une présentation de l'évolution des dépenses par grandes fonctions ce qui est une approche utile pour comprendre l'usage qui est fait de la dépense publique.

Ainsi, il apparait que plus de 40 % des 1 477 milliards d'euros de dépenses publiques en 2021 (dernière année pour laquelle ces données sont disponibles à ce jour) étaient consacrées à la protection sociale ce qui doit constituer un point d'alerte.

Décomposition de la dépense publique par fonction en 2021

(en point de pourcentage)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'INSEE pour 2021

De ce montant, la moitié était dédiée aux dépenses de retraites. Les dépenses de santé et les dépenses économiques représentent respectivement 15,6 % et 11,8 % des dépenses publiques, alors qu'une part minoritaire est allouée à la protection de l'environnement (1,8 %) et au logement et aux équipements collectifs (2,1 %).

Sur longue période, il apparait même que les prestations sociales et les dépenses de santé constituent les postes dont le coût a le plus évolué en volume. On peut noter que des efforts importants ont également été faits pour soutenir l'économie.

Progression en volume des dépenses publiques
par fonction entre 2002 et 2021

(en volume - déflaté à l'indice des prix du PIB - base 100 en 2022)

 

Source : commission des finances du Sénat à partir des comptes nationaux de l'INSEE pour 2021

3. Le Gouvernement a bénéficié de « bonnes surprises » en matière fiscale en 2022 ce qui doit l'appeler à la prudence pour l'avenir

Les prélèvements obligatoires ont fortement progressé en 2022 pour s'établir à 1 196,9 milliards d'euros, soit une augmentation d'environ 88 milliards d'euros.

Il s'agit d'une variation plus rapide que celle du PIB en valeur, l'élasticité des prélèvements à la croissance s'élevant ainsi à 1,6 en 2022. Or pour mémoire, cette élasticité est égale à l'unité en moyenne sur longue période. Ceci implique que le Gouvernement ne pourra pas raisonnablement compter sur des « bonnes surprises » de cette ampleur en matière fiscale dans les années à venir.

Décomposition de la progression des prélèvements obligatoires
entre 2021 et 2022

(en milliard d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des comptes nationaux de l'INSEE pour 2022

La progression des prélèvements obligatoires est notamment dû à la hausse des cotisations sociales (+24,2 milliards d'euros) et de la TVA (+14,9 milliards d'euros).

À l'inverse, certaines recettes diminuent en valeur à l'instar de la taxe d'habitation (- 1,9 milliards d'euros) ou de la contribution à l'audiovisuel public (- 3,1 milliards d'euros) ce qui s'explique par le choix du législateur de supprimer ces deux impôts.

Dans le cadre de la mise en oeuvre du bouclier tarifaire, les recettes tirées de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) diminuent de façon importante (- 7,3 milliards d'euros).

DEUXIÈME PARTIE
LES COMPTES DE L'ÉTAT EN 2022

I. L'EXERCICE 2022 NE MONTRE PAS DE SIGNE D'UNE AMÉLIORATION DURABLE DE LA SITUATION BUDGÉTAIRE ET COMPTABLE DE L'ÉTAT

A. LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE EXÉCUTÉ EST PROCHE DE LA PRÉVISION INITIALE, MALGRÉ DES ÉVOLUTIONS FORTES EN COURS D'EXERCICE

Le déficit budgétaire constaté, à un niveau de 151,4 milliards d'euros, est proche de celui prévu en loi de finances initiale pour 2022, soit 153,8 millions d'euros.

Évolution des prévisions de solde budgétaire en 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Cette quasi-égalité ne doit toutefois pas masquer une exécution plus heurtée en cours d'année.

La première loi de finances rectificative du 16 août 20222(*), comme en 2020 et 2021, a prévu une importante dégradation du solde budgétaire (- 24,6 milliards d'euros). Cette dégradation résultait :

- d'une part de la prise en compte des crédits non consommés en 2021 et reportés à 2022 (prévision de consommation de ces crédits à hauteur de 9,1 milliards d'euros). Ce facteur n'est en effet pas pris en compte par la loi de finances initiale alors même qu'un montant élevé de reports de crédits était prévisible dès ce moment-là, puisque le Gouvernement avait demandé à être exonéré, pour pas moins de 46 programmes budgétaires, de la règle de limitation à 3 % des reports de crédits non consommés ;

- d'autre part, d'une prévision d'augmentation très importante des charges nettes (+ 42,0 milliards d'euros), dans le cadre de la mise en oeuvre du « bouclier tarifaire » et des mesures de protection de l'économie contre la hausse de l'inflation et les conséquences de la guerre en Ukraine, hausse qui n'était que partiellement compensée par une augmentation pourtant importante des recettes nettes (+27,6 milliards d'euros).

Le collectif budgétaire de fin d'année3(*) a prévu une légère amélioration du solde budgétaire en raison d'une hausse de la prévision de recettes (+ 7,4 milliards d'euros), partiellement compensée par une hausse de l'autorisation de dépenses (+ 4,4 milliards d'euros), ainsi que d'une amélioration du solde des comptes spéciaux et des budgets annexes (+ 2,9 milliards d'euros) et d'une prévision de consommation de crédits reportés moins importante (7,7 milliards d'euros contre 9,1 milliards d'euros).

Le présent projet de loi de règlement constate une amélioration de + 19,6 milliards d'euros par rapport à la prévision faite dans la loi de finances rectificative du 1er décembre 2022.

Cet écart est très important et même surprenant, car le dernier mois de l'année n'a pas été marqué par des événements qui auraient justifié des ouvertures de crédit ou des recettes inattendues.

Alors que, les prévisions des collectifs budgétaires de fin d'année étaient assez proches des résultats exécutés jusqu'en 2019, depuis 2020 les différences entre prévision et exécution sont très importantes. Or, si l'année 2020 pouvait paraître exceptionnelle en raison de l'importance inédite des dispositifs d'urgence mis en place et de l'évolution peu prévisible de la situation sanitaire, ce n'était plus le cas en 2022.

Écart entre le solde budgétaire prévu en fin d'exercice
et celui constaté en exécution

(en milliards d'euros)

Note de lecture : différence entre le solde budgétaire exécuté et celui prévu par la loi de finances rectificative promulguée au mois de décembre de l'exercice.

Source : commission des finances, à partir des lois de finances rectificatives et des lois ou projets de lois de règlement

Cette baisse de qualité de la prévision en matière budgétaire paraît donc structurelle et appelle une action de la part du Gouvernement, afin de mieux éclairer l'autorisation parlementaire et d'améliorer la gestion budgétaire.

L'écart de 19,6 milliards d'euros résulte principalement d'une sous-estimation de 7,5 milliards d'euros des recettes fiscales nettes et de 3,2 milliards d'euros du solde des comptes spéciaux, ainsi que d'une sous-exécution de 9,3 milliards d'euros des dépenses par rapport à celles prévues (reports de crédits compris) par la dernière loi de finances rectificative.

Ces éléments seront présentés plus en détails infra à l'occasion de la présentation des recettes et des dépenses.

B. GRÂCE À LA BONNE TENUE DES RECETTES, LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE SE RÉDUIT QUELQUE PEU MALGRÉ L'AUGMENTATION DES DÉPENSES NOUVELLES...

Le déficit budgétaire s'établit en 2022 à un niveau de 151,4 milliards d'euros, soit une amélioration de 19,3 milliards d'euros par rapport au déficit budgétaire de 170,7 milliards d'euros enregistré en 2021.

Cette amélioration résulte principalement de deux facteurs.

D'une part, les dépenses liées au plan d'urgence lancé pendant la crise sanitaire de 2020 et au plan de relance mis en oeuvre à partir de 2021, tout en demeurant considérables (14,9 milliards d'euros de crédits de paiement consommés en 2022 par les missions « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » et « Plan de relance »), sont bien inférieures à celles consommées en 2021 (53,2 milliards d'euros, soit une diminution de 38,3 milliards d'euros).

D'autre part, les recettes fiscales et non fiscales ont été, en 2022, supérieures de 30,2 milliards d'euros à leur niveau de 2021. Les facteurs de cette augmentation, qui relève pour moitié de l'impôt sur les sociétés, seront évoqués plus en détail infra.

Évolution du solde budgétaire entre 2021 et 2022

(en milliards d'euros)

PSR : prélèvements sur recettes.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement pour 2022

L'amélioration du solde aurait donc été bien plus importante si, dans le même temps, des dépenses nouvelles n'avaient pas été introduites, hors relance et urgence.

Ces dépenses sont liées notamment aux mesures de soutien à l'économie face à l'augmentation de l'inflation et aux effets de la guerre en Ukraine, qui seront présentées plus en détail infra.

Les budgets annexes et les comptes spéciaux connaissent également une amélioration de leur solde de 6,0 milliards d'euros, en raison d'un solde très positif du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (+ 5,1 milliards d'euros en 2022, alors que le solde était négatif de 0,8 milliard d'euros en 2021). Ce solde très positif est transitoire : il s'explique par le versement depuis le budget général, en 2022, de plus de 5 milliards d'euros destinés à l'achat de titres EDF, mais qui n'ont pas été consommés avant la fin de l'année. Leur consommation sera donc comptabilisée sur l'exercice 2023.

Sur le plus long terme, le déficit budgétaire en 2022 reste ancré au-delà de 150 milliards d'euros, comme c'est le cas depuis 2020, et devrait le rester en 2023 selon la prévision faite en loi de finances initiale (laquelle, comme mentionné supra, n'intègre pas la consommation de crédits reportés).

Évolution du déficit budgétaire de l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Alors que les dépenses étaient supérieures aux recettes de 28,9 % en 2017, l'écart était de 55,5 % en 2022.

Le surcroît exceptionnel de dépenses de 2020 n'a été que partiellement résorbé : l'augmentation des dépenses, elle, s'est confirmée les années suivantes. Ainsi les dépenses nettes du budget général ont-elles augmenté en euros constants de 86,9 milliards d'euros par rapport à 2017, soit + 24,2 %. 

 Évolution des recettes et des dépenses du budget général
entre 2017 et 2022

(en milliards d'euros)

Montant net des dépenses et des recettes (prélèvements sur recettes déduits), y compris fonds de concours.

Source : calculs commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les recettes nettes, en revanche, ont à peine retrouvé leur niveau de 2017 en euros constants. Encore cette stabilité est-elle due à la croissance notable des recettes non fiscales, qui ont augmenté de plus de 50 % en euros constants, car les recettes fiscales sont légèrement inférieures en 2022 à leur niveau de 2017.

C. ... MAIS L'AGGRAVATION DU RÉSULTAT PATRIMONIAL INDIQUE BIEN QUE LES DÉCISIONS PRISES PÈSERONT SUR LES ANNÉES À VENIR

Si le déficit budgétaire se réduit quelque peu en 2022, cette vision ne concerne que les encaissements et les décaissements de l'année, sans prendre en compte les engagements pris pour les années ultérieures et donc les véritables conséquences de l'action de l'État.

Celles-ci sont mesurées par le compte de résultat établi par la comptabilité générale de l'État (CGE), dont le résultat est négatif à hauteur de 160,0 milliards d'euros en 2022, contre 140,8 milliards d'euros en 20214(*).

Si le résultat patrimonial n'est pas lié directement à l'autorisation budgétaire, qui porte sur les dépenses et les prévisions de recettes budgétaires, il permet d'apprécier les conséquences à moyen et long terme de l'action de l'État, d'autant que les restes à payer, qui devraient apporter un éclairage sur les engagements futurs en comptabilité budgétaire, ont perdu une grande partie de leur signification avec la création du programme dit d' « amortissement » de la « dette Covid » (voir infra).

La différence entre l'évolution du déficit budgétaire et celle du résultat patrimonial illustre notamment l'effet « retardé » des mesures de soutien à l'activité économique.

La dégradation du résultat patrimonial s'explique en particulier par une augmentation considérable des charges nettes, à hauteur de + 45,7 milliards d'euros, dont 18,9 milliards d'euros de charges de fonctionnement, en raison notamment des mesures de protection du pouvoir d'achat des agents publics face à la reprise de l'inflation. Les charges financières augmentent de 25,3 milliards d'euros en raison de l'augmentation des charges d'indexation par rapport à l'inflation (+ 15,0 milliards d'euros en comptabilité générale) et de la seconde reprise par l'État de la dette de SNCF Réseau (10,0 milliards d'euros).

Certaines de ces charges pèsent plus sur la situation patrimoniale que sur le déficit budgétaire. Ainsi 10,1 milliards d'euros sont-ils provisionnés dans les comptes de l'État au titre des boucliers tarifaires pour le gaz et l'électricité : il s'agit de probables dépenses futures, qui ne sont pas prises en compte dans le déficit budgétaire de 2022 car non réalisées avant la fin de cette année.

L'inflation a également un impact plus important sur la charge de la dette en comptabilité générale qu'en comptabilité budgétaire, car la dépense budgétaire est mesurée lors de la date anniversaire des titres, en général en milieu d'année, alors que la comptabilité générale retient la référence d'inflation en fin d'exercice. L'inflation ayant été plus importante en fin d'année, le coût est plus élevé en comptabilité générale, avec un écart de 7,5 milliards d'euros qui permet de prendre en compte la probable poursuite de l'augmentation de cette charge en 2023, sauf retournement inattendu de la trajectoire de l'inflation.

En sens inverse, l'acquisition d'actions d'EDF, par exemple, pèse sur le déficit budgétaire de l'année mais pas sur la situation patrimoniale de l'État puisque ces actions rejoignent le patrimoine de l'État.

Dans le même temps, les produits régaliens nets ont augmenté de 26,4 milliards d'euros seulement, ce qui explique, par comparaison avec l'évolution des charges nettes, la dégradation de la situation patrimoniale. La principale augmentation concerne l'impôt sur les sociétés (+15,9 milliards d'euros) et l'impôt sur le revenu (+ 9,4 milliards d'euros), ce qui est cohérent avec l'analyse budgétaire de ces recettes (voir infra).

D. LES SIGNES D'UNE POURSUITE DE LA DÉGRADATION DES COMPTES SONT NOMBREUX

Comme le signale la Cour des comptes, les dépenses sont de plus en plus préemptées par les lois de programmation. Celles-ci concernent notamment les secteurs de la défense, de la justice, de la recherche et de l'aide publique au développement. D'autres pourraient s'y ajouter : le projet de loi relative à la programmation de l'énergie et du climat, qui devait être adoptée avant le 1er juillet 2023, ne sera présenté au mieux qu'à l'automne, alors que l'impact à long terme pour les finances publiques de la transition écologique sera majeur5(*).

D'une manière générale, l'exécution budgétaire est marquée par le poids de plus en plus grand des engagements qui entraîneront de nécessaires dépenses dans les années à venir.

1. Les restes à payer de plus en plus élevés indiquent les inévitables dépenses futures

Les restes à payer correspondent à la différence entre, d'une part, les engagements juridiques réalisés et matérialisés par une consommation d'autorisations d'engagement et, d'autre part, les paiements opérés qui se sont traduits par une consommation de crédits de paiement. Ils apparaissent par nature pour des projets pluriannuels, tels qu'un projet immobilier pour lequel l'autorité publique attribue un marché public dès la première année puis paie les intervenants au fur et à mesure de la réalisation du projet.

L'apparition de restes à payer est donc naturelle, mais indique normalement une dépense à peu près inéluctable, qui impactera l'équilibre budgétaire dans les années à venir : leur niveau doit donc demeurer dans des limites raisonnables.

Or leur niveau a augmenté de manière considérable de 2017 à 2022.

La majeure partie de cette augmentation résulte certes du choix fait en loi de finances initiale pour 2022 de créer le programme 349 dit d'« amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 ». Ce programme a ouvert en une seule fois 165 milliards d'euros d'autorisations d'engagement, mais n'a consommé que 1,9 milliard d'euros en 2022, creusant donc le montant des restes à payer de 163,1 milliards d'euros.

Hors programme 349, l'augmentation des restes à payer est de 36,7 milliards d'euros sur un an, et de 103,1 milliards d'euros, soit + 87,0 %, sur cinq ans.

Évolution des restes à payer

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets de loi de règlement

Cette augmentation concerne des projets d'investissement pluriannuels, mais aussi des engagement sur des contrats de service de long terme ou la mise en place de dispositifs d'aide de plus courte durée mais non achevés en fin d'exercice 2022.

La mise en place du plan « France 2030 » accroît ainsi les restes à payer de la mission « Investir pour la France de 2030 » de 19,7 milliards d'euros, principalement en raison des engagements sur le programme 424 « Financement des investissements stratégiques » (22,6 milliards d'euros d'autorisations d'engagement consommées pour 4,0 milliards d'euros de crédits de paiement).

La hausse des restes à payer concerne également la mission « Défense » (+ 7,7 milliards d'euros), en raison notamment du regroupement de certains contrats au sein d'un même contrat de longue durée en matière de maintenance aéronautique, ainsi que de la mise en concession de la gestion des logements domaniaux.

Les restes à payer de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » augmentent de 4,0 milliards d'euros, dont + 2,0 milliards d'euros pour les dispositifs de soutien aux ménages décidés en fin d'année (chèque énergie exceptionnel, chèque fioul, chèque bois) et + 1,7 milliard d'euros au titre de la convention décennale d'exploitation des trains d'équilibre du territoire.

Ceux de la mission « Travail et emploi » augmentent également de 4,0 milliards d'euros, concernant principalement les aides à l'alternance, en raison de l'augmentation du nombre des entrées en apprentissage mais aussi du report sur cette mission d'un dispositif financé jusqu'à la mi-2022 sur la mission « Plan de relance ».

2. La hausse de la charge de la dette se confirme
a) L'année 2022 confirme une hausse spectaculaire de la charge de la dette

La dette financière de l'État, mesurée en comptabilité générale, est de 2 327,8 milliards d'euros à la fin 2022, en hausse de 138,4 milliards d'euros, soit + 5,9 %, après une hausse de 201,0 milliards d'euros en 2020 et de 142,3 milliards d'euros en 2021 : en trois ans, la dette financière de l'État a progressé de 482 milliards d'euros (+ 26,1 %), soit un accroissement plus important qu'au cours des sept années précédentes.

Évolution de la dette financière de l'État et de la charge
de la dette entre 2012 et 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données du compte général de l'État et des documents budgétaires. Charge de la dette hors SCNF Réseau

La hausse en 2022 est due principalement, à hauteur de 119,2 milliards d'euros, à la couverture du besoin de financement par des titres négociables à moyen et long termes (obligations assimilables du Trésor ou OAT) et pour 20,1 milliards d'euros aux intérêts courus et assimilés, principalement au titre du différentiel d'indexation sur l'inflation. Par ailleurs, SNCF Réseau a fait l'objet d'une seconde reprise de dette par l'État le 1er janvier 2022, pour un montant de 10 milliards d'euros, après une première reprise de dette réalisée le 1er janvier 2020 à hauteur de 25 milliards d'euros.

L'année 2022 confirme également la remontée très rapide de la charge de la dette.

Mesurée en comptabilité maastrichtienne, celle-ci est passée de 23,3 milliards d'euros en 2020, année où l'effet des taux bas se combinait avec une inflation au plus bas, à 44,1 milliards d'euros en 2022. La baisse des huit années précédentes a ainsi été effacée en deux ans.

Cette hausse résulte principalement de l'effet de l'indexation sur l'inflation de certaines dettes (coût maastrichtien de 23,0 milliards d'euros en 2022, contre 8,0 milliards d'euros en 2021), avec la reprise de l'inflation.

Elle se poursuivra très probablement au cours des années à venir avec un effet « taux » : la hausse des taux d'intérêt, qui porte sur les titres nouvellement émis, verra son effet s'amplifier au fur et à mesure que les titres de dette existants seront remplacés par des titres émis aux nouvelles conditions.

La composition de la dette financière de l'État

L'encours des bons du Trésor à taux fixe (BTF), qui constituent la dette à court terme, était de 148,5 milliards d'euros à la fin 2022, en diminution de 6,9 milliards d'euros. Il s'agit encore d'un niveau élevé, le recours au BTF ayant considérablement augmenté pour financer la dette résultant de la crise sanitaire : l'encours de BTF était de 107,2 milliards d'euros à la fin 2019 et il avait augmenté de près de 50 % en 2020.

La plus grande partie de l'encours de dette financière correspond aux obligations assimilables du Trésor (OAT) : la valeur de la dette négociable à moyen et long termes était à la fin 2022 de 2 145,0 milliards d'euros. L'augmentation est de 139,3 milliards d'euros en 2022, après une hausse de 150,0 milliards d'euros en 2021 et de 123,4 milliards d'euros en 2020.

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

b) La hausse des taux d'intérêt entraîne l'apparition de décotes à l'émission des titres

Pour la première fois depuis longtemps, les taux de marché dépassant les taux des souches émises, les décotes sont supérieures aux primes.

Montant des primes, nettes des décotes,
à l'émission depuis 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

Les primes et les décotes à l'émission

L'Agence France Trésor émet régulièrement des titres de dette sur une souche ancienne afin de tirer parti de la liquidité d'un titre déjà présent sur le marché. Elle sert alors le même taux nominal, lequel était le taux de marché lors du lancement de la souche qui peut être supérieur ou inférieur au taux de marché actuel.

Si le taux servi est supérieur au taux de marché actuel, l'acheteur du titre, qui reçoit ces coupons surévalués, doit verser en contrepartie une prime à l'État lors de l'émission du titre. C'est également le cas lorsque les taux de marché sont négatifs, car le coupon n'est jamais inférieur à zéro6(*).

Si au contraire le taux servi est inférieur aux taux de marché, ceux-ci ayant augmenté entre la création de la souche et la nouvelle émission d'un titre sur cette souche, l'acheteur bénéficie d'une décote sur le prix d'achat.

La première situation, c'est à dire la réception par l'État de primes à l'émission, a été très courante au cours des années récentes, en raison du mouvement continu de baisse des taux. La hausse des taux amorcée en 2021 et en 2022 a inversé la situation et conduit à l'apparition de décotes importantes.

Source : commission des finances

Le recours à ces techniques facilite la gestion de la dette par le recours à des lignes plus liquides et peut donc contribuer à en diminuer le coût global.

Elles ont toutefois un effet sur le montant de la charge de la dette en comptabilité budgétaire. En effet, les primes et décotes à l'émission sont imputées, comptablement, sur les ressources et les charges de trésorerie et non sur les recettes ou dépenses budgétaires, alors que les coupons versés correspondent à une charge budgétaire. En conséquence, un volume élevé de décotes (résultant d'un taux de coupon inférieur au taux de marché) réduit la charge budgétaire de la dette par rapport à une situation où une nouvelle souche aurait été émise au taux de marché.

En revanche, cette pratique n'a pas d'effet sur la charge de la dette en comptabilité nationale ou générale, car les décotes sont réparties sur l'ensemble de la durée du titre, de sorte que les charges d'intérêt sont identiques au niveau que représenterait un coupon émis au taux de marché.

Ainsi constate-t-on en 2022 que l'augmentation de la charge de la dette en comptabilité budgétaire (qui passe de 36,2 milliards d'euros en 2021 à 49,4 milliards d'euros en 2022, soit + 13,2 milliards d'euros) est moindre que l'augmentation de cette charge en comptabilité générale (+ 20,8 milliards d'euros). À l'inverse, au cours des années précédentes, la charge budgétaire de la dette avait moins diminué que celle mesurée en comptabilité maastrichtienne, en raison de la présence de primes à l'émission.

3. Le bilan de l'État se dégrade, signe d'un appauvrissement patrimonial, malgré les limites de la certification des comptes

En conséquence du résultat patrimonial fortement négatif, la situation nette de l'État, c'est-à-dire la différence entre l'actif et le passif, se dégrade à nouveau. Pour mémoire, le niveau absolu du bilan n'ayant qu'une signification limitée7(*), c'est l'évolution de ce bilan qui est véritablement significative de l'enrichissement ou de l'appauvrissement de l'État.

Évolution de la situation nette

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

La moindre dégradation par rapport à 2021 résulte notamment d'une progression plus importante de l'actif mobilisé (+ 72,2 milliards d'euros, contre + 39,0 milliards d'euros en 2021), qui peut s'analyser à partir de l'information sectorielle par mission budgétaire fournie pour la première fois par le compte général de l'État publié en 20228(*).

Ainsi, l'importance croissante de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », qui apparaît dans la croissance de ses crédits budgétaires, apparaît également dans l'actif de l'État avec des immobilisations corporelles de 427,7 milliards d'euros (40,3 % du total de l'actif), en hausse de 11,6 % en 2022. Ces immobilisations comprennent notamment les concessions autoroutières (194,1 milliards d'euros) et autres infrastructures routières (155,6 milliards d'euros), ainsi que les concessions hydrauliques (56,7 milliards d'euros). Les deux premières catégories ont connu une réévaluation significative en 20229(*). Par comparaison, le parc immobilier de l'ensemble de l'État est évalué à 56,6 milliards d'euros (+ 3,0 % par rapport à 2021).

Évolution des principales composantes de l'actif de l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État10(*)

Les immobilisations financières (379,4 milliards d'euros) comprennent principalement les participations financières de l'État (362,1 milliard d'euros). Leur augmentation en 2022 (+ 17,4 milliards d'euros) résulte majoritairement de l'augmentation de 12,9 milliards d'euros de la valeur d'équivalence de SNCF S.A., en lien avec la seconde reprise de la dette de SNCF Réseau le 1er janvier 2022 à hauteur de 10 milliards d'euros.

Malgré la renationalisation d'EDF (acquisition de titres pour un montant de 5,3 milliards d'euros, qui accroît l'actif), la valeur d'équivalence de cette entreprise diminue de 2,5 milliards d'euros en raison des difficultés qu'elle a rencontrées en 2022 (achats d'électricité et de combustibles réalisés à des prix élevés, la production nucléaire étant insuffisante).

Les estimations relatives à l'actif et au passif présentent toutefois certaines limites.

Comme les années précédentes, la Cour des comptes a certifié les comptes de l'État, considérant que le compte général de l'État est, au regard du recueil des normes comptables de l'État, régulier et sincère. Il donne donc, dans l'ensemble, une image fidèle du résultat des opérations et de la situation financière et patrimoniale de l'État.

Toutefois, cette certification est assortie de réserves faisant état de quatre anomalies significatives (contre cinq pour les comptes 2021), tandis que, dans treize cas (contre dix pour les comptes 2021), la Cour ne dispose pas de suffisamment d'éléments probants pour se prononcer avec une assurance raisonnable sur l'absence d'anomalies significatives.

En particulier, la Cour estime que la participation de l'État dans EDF a été surévaluée de 9,4 milliards d'euros, car elle est calculée sur l'ensemble des capitaux propres consolidés d'EDF, qui comprennent notamment des titres subordonnés à durée indéterminée (TSDI) souscrits par des tiers et non par l'État11(*).

Elle considère également que la comptabilisation de la participation de l'État dans la Caisse des dépôts et consignations devrait être réévaluée à 44,0 milliards d'euros, contre 23,9 milliards d'euros actuellement, tandis que, en sens inverse, le fonds d'épargne géré par cette dernière est surévalué de 7,6 milliards d'euros.

Enfin, les engagements pris pour garantir la dette de Bpifrance devraient être mentionnés parmi les engagements hors bilan de l'État, pour un montant de 41,8 milliards d'euros.

II. LES RECETTES PROGRESSENT, MAIS LA QUALITÉ DE LEUR PRÉVISION EST INSUFFISANTE

Le montant net des recettes du budget général est en 2022 de 287,5 milliards d'euros, comprenant les recettes fiscales brutes nettes des remboursements et dégrèvements et les recettes non fiscales, desquelles sont soustraits les prélèvements sur recettes à destination des collectivités territoriales et de l'Union européenne. Ce montant comprend également les recettes issues de fonds de concours.

Recettes brutes, nettes et prélèvements sur recettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement pour 2022

A. LES RECETTES FISCALES N'ONT PAS ENCORE RETROUVÉ LEUR NIVEAU DE 2017 EN EUROS CONSTANTS

Les recettes fiscales nettes sont en 2022 de 323,2 milliards d'euros, en hausse de 27,5 milliards d'euros par rapport à 2020, soit un rebond important (+ 9,3 %). L'augmentation par rapport au creux historique de 2020 est de + 26,3 % en euros courants et + 18,2 % en euros constants.

Toutefois, le niveau des recettes fiscales nettes de l'État demeure, en euros constants, inférieur de 0,4 % à celui atteint en 2017, les transferts de parts de TVA aux administrations locales et sociales, ainsi que certaines réductions d'impôt, ayant compensé la progression naturelle du produit des impôts revenant à l'État.

Évolution des recettes fiscales nettes en euros constants
de 2012 à 2022

(en milliards d'euros de 2022)

Source : commission des finances, calculs à partir des lois et projets de loi de règlement

Cette hausse résulte d'abord de l'évolution spontanée du produit des impôts (+ 35,7 milliards d'euros), c'est-à-dire l'effet de la conjoncture économique, sur les trois grands impôts : impôt sur les sociétés (+ 14,6 milliards d'euros), impôt sur le revenu (+ 11,2 milliards d'euros) et TVA (+ 8,7 milliards d'euros).

Cet effet est partiellement contrebalancé par celui des mesures fiscales (- 8,2 milliards d'euros), en particulier la poursuite des trajectoires de suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de baisse du taux d'impôt sur les sociétés.

Les résultats pour chaque grand impôt sont présentés plus en détail infra.

L'évolution à moyen terme illustre les changements importants qui ont affecté la décomposition des recettes fiscales nettes de l'État selon les quatre grands impôts.

Évolution des principales recettes fiscales nettes de l'État
de 2012 à 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des projets de loi de règlement

Alors que le produit de la TVA nette revenant à l'État était égal à 2,1 fois celui de l'impôt net sur le revenu en 2018, il ne dépasse plus ce dernier que de 13,3 % en 2022. Le produit de l'impôt sur les sociétés, pour sa part, a suivi les fluctuations de la conjoncture économique, souvent en les amplifiant car il est assis sur les bénéfices et non sur la totalité de la production et il représente désormais 69,8 % du produit de l'impôt sur le revenu contre 37,5 % seulement en 2018.

1. Les recettes fiscales sont une nouvelle fois nettement supérieures à la prévision, même révisée en cours d'année

Prévues à 287,6 milliards d'euros en loi de finances initiale, les recettes fiscales nettes constatées en 2022 se sont finalement établies à un niveau de 323,3 milliards d'euros, soit 35,7 milliards d'euros ou 12,4 % au-dessus de la prévision. Un écart similaire (+ 37,9 milliards d'euros) avait été constaté en 2021.

Si ces prévisions de recettes ont été réévaluées en cours d'année, l'écart avec la prévision du projet de loi de finances rectificative de fin d'année, déposé le 2 novembre 2022 et promulgué le 2 décembre, était encore de + 7,5 milliards d'euros, dont + 3,2 milliards d'euros pour l'impôt net sur les sociétés.

Prévisions et réalisation des recettes fiscales nettes

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement pour 2022

Depuis trois années, l'écart entre la prévision des recettes telle qu'elle résulte de la dernière loi de finances rectificative, donc à un moment où, normalement, le montant des recettes de l'année devrait être connu avec précision, et l'exécution est très nettement supérieur à ce qu'il était auparavant, conduisant la Cour des comptes à souligner une difficulté nouvelle à prévoir les recettes.

Recettes fiscales nettes constatées par rapport à la prévision
dans le collectif budgétaire de fin d'année

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le surcroît de recettes fiscales nettes concerne en premier lieu l'impôt net sur les sociétés, qui a produit 22,1 milliards d'euros de recettes de plus que prévu en loi de finances initiale, et encore 3,1 milliards d'euros de plus que la prévision faite dans la dernière loi de finances rectificative.

Évolution des estimations de recettes fiscales nettes en cours d'année

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

L'impôt net sur le revenu a produit 6,6 milliards d'euros de plus que prévu en loi de finances initiale et 1,6 milliards d'euros de plus que prévu dans le collectif budgétaire de fin d'années.

La hausse de la TVA par rapport aux prévisions aurait pu être plus élevée, en raison de l'amélioration de la situation macroéconomique, mais 3,6 milliards d'euros ont été transférés à l'audiovisuel public à la suite de la réforme du financement de ce secteur, mesure votée dans la première loi de finances rectificative.

Les recettes fiscales nettes autres que celles relevant des quatre grands impôts ont également connu une production plus élevée que prévu (+ 4,8 milliards d'euros sur l'année, dont + 2,6 milliards d'euros en fin d'année), portant aussi bien sur le prélèvement de solidarité (+ 1,8 milliard d'euros) que sur les droits de mutation à titre gratuit (+ 1,0 milliard d'euros). S'y ajoute l'effet de la réforme du financement de l'audiovisuel public : la subvention d'équilibre préalablement enregistrée en remboursements et dégrèvements a disparu (d'où une croissance de 0,6 milliard d'euros des recettes fiscales nettes) et les recettes du compte spécial « Avances à l'audiovisuel public » ont été réaffectées vers le budget général (+ 0,4 milliard d'euros).

Le projet de loi de règlement explique ces écarts par la reprise de l'activité économique entraînant des plus-values sur l'impôt sur les sociétés (meilleurs bénéfices fiscaux), l'impôt sur le revenu (dynamisme de la masse salariale et des dividendes) et la TVA (consommation plus importante).

De fait, l'exécution 2021 s'est révélée meilleure qu'anticipé au moment de l'élaboration de la loi de finances initiale pour 2022 et même au moment de l'adoption du dernier collectif budgétaire de 2021, comme cela a déjà été constaté lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 202112(*). Or c'est la prévision du dernier collectif budgétaire de 2021 qui a servi de base à l'estimation des recettes en 2022.

En outre, l'évolution spontanée des différents impôts a été meilleure qu'anticipé. En particulier, la situation économique meilleure que prévu en 2021 pour les entreprises a également eu un impact sur les acomptes d'impôt sur les sociétés versés en 2022, calculés à partir des résultats de l'exercice précédent.

Enfin, si certaines recettes ont été affectées par des mesures prises en cours d'année, notamment l'affectation d'une part de TVA à l'audiovisuel public, l'impact en recettes nettes du bouclier tarifaire et des contentieux a été moins élevé que prévu.

S'agissant toutefois des écarts entre le projet de loi de finances rectificative de fin d'année et la réalisation constatée, selon la Cour des comptes, le surcroît de recettes n'est pas lié à une modification du contexte macroéconomique.

Cet écart est concentré sur quelques postes : « cinquième acompte » d'impôt sur les sociétés13(*), solde net d'impôt sur les sociétés des entreprises clôturant en cours d'année, produit de l`impôt sur le revenu, moindres contentieux, remboursements de taxe intérieure de consommation finale d'électricité (TICFE).

Sur plusieurs de ces points, il paraît nécessaire de mettre en place les outils pour assurer une meilleure prévision des recettes fiscales, notamment en fin d'année.

2. Les recettes d'impôt sur le revenu progressent de plus de 13 %

Les recettes d'impôt net sur le revenu correspondent en 2022 à 89,0 milliards d'euros, contre 78,7 milliards d'euros en 2021, soit une hausse importante de 10,3 milliards d'euros (+ 13,1 %).

La hausse en 2022 correspond pour l'essentiel à la croissance spontanée (+ 14,1 %), c'est-à-dire à l'augmentation du produit résultant de la variation des revenus et des crédits d'impôts, hors effet des mesures nouvelles.

La croissance de la masse salariale soumise à cotisations sociales a été de 6,1 % en 2022, les emplois salariés ayant augmenté de 1,2 % sur un an, hausse particulièrement concentrée sur le premier semestre14(*). Les effets de la crise ukrainienne sur la masse salariale ont été limités et les recettes de prélèvement à la source ont augmenté au total de 6,7 %.

En deuxième lieu, le solde de l'impôt sur le revenu de 2021, payé en 2022, a été plus élevé que prévu, bénéficiant du dynamisme des salaires en 2021.

Enfin, les taux de recouvrement sont en hausse (ce qui explique en particulier le surcroît d'impôt sur le revenu constaté par rapport à la prévision dans le dernier collectif budgétaire), comme certaines composantes du revenu (plus-values immobilières, contribution sur les hauts revenus...).

3. Les recettes d'impôt sur les sociétés poursuivent une augmentation importante depuis 2018, mais fortement volatile

Les recettes d'impôt net sur les sociétés sont de 62,1 milliards d'euros en 2022, contre 46,3 milliards d'euros en 2021 et 36,3 milliards d'euros en 2020, soit une augmentation de 10,0 milliards d'euros (27,5 %) en un an et de 25,8 milliards d'euros (+ 71,0 %) en deux ans.

Cette hausse résulte, là encore, principalement de l'évolution spontanée (+ 31,5 %). Le solde versé en 2022 sur l'impôt dû au titre de 2021 est également élevé en raison de la hausse exceptionnelle (+ 41 %) du bénéfice fiscal en 2021.

Décomposition de l'évolution du produit d'impôt net sur les sociétés
(prévision et réalisation)

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances

Les facteurs de cette augmentation identifiés par la Cour des comptes15(*) sont multiples.

En premier lieu, par un effet « base », le montant des recettes perçues en 2021, notamment à l'occasion du cinquième acompte versé en fin d'année, a été bien plus élevé que prévu.

En deuxième lieu, l'évolution spontanée a été de + 14,6 milliards d'euros, contre une prévision de + 2,6 milliards d'euros seulement. Le bénéfice fiscal élevé de 2021 a eu un effet sur le solde versé courant 2022, mais aussi sur les quatre premiers acomptes versés au titre de 2022 mais calculés à partir des résultats passés. Enfin, le cinquième acompte versé fin 2022 a encore été d'un niveau élevé.

Enfin, les mesures nouvelles entrées en vigueur en 2022 ont accru les recettes de 1,2 milliard d'euros, malgré la poursuite de la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % qui a réduit les recettes de 2,9 milliards d'euros. En effet, la suppression du CICE a amélioré les recettes nettes de 1,7 milliard d'euros et certaines mesures fiscales en faveur des entreprises ont eu pour effet d'améliorer leur bénéfice et donc le montant de l'impôt sur les sociétés qu'elles versent : baisse des impôts de production (+ 1,3 milliard d'euros de recettes) et mesures du bouclier tarifaire (+ 0,7 milliard d'euros). Enfin une mesure d'assouplissement des reports en arrière des déficits a accru les recettes d'impôt sur les sociétés de 0,5 milliard d'euros.

Sur le long terme, les recettes d'impôt sur les sociétés sont particulièrement volatiles. Le montant perçu en 2022, s'il paraît exceptionnel en euros courants, est en fait équivalent à celui perçu en 2007 si on le corrige de l'inflation. Il paraît donc hasardeux, comme le fait le Gouvernement, de relier un mouvement aussi volatile et multifactoriel à la trajectoire de diminution du taux de l'impôt sur les sociétés, qui en améliorant la situation des entreprises leur aurait aussi permis d'accroître leurs bénéfices. La diminution du taux de l'impôt sur les sociétés a d'abord eu pour objectif de mettre fin à un handicap des entreprises françaises face à leurs compétiteurs, et non d'améliorer indirectement le produit des recettes fiscales.

Évolution du produit de l'impôt sur les sociétés en euros de 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, calcul à partir des documents budgétaires et de l'indice des prix à la consommation hors tabac

4. La taxe sur la valeur ajoutée progresse avec l'activité économique

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) nette perçue par l'État s'établit en 2022 à 100,8 milliards d'euros, contre 95,5 milliards d'euros en 2021, soit une augmentation de 5,3 milliards d'euros (+ 5,5 %).

La croissance spontanée du produit total entre 2021 et 2022 est de 8,7 milliards d'euros, liée à la bonne tenue de l'économie, partiellement compensée par une baisse de rendement de 3,4 milliards d'euros résultant de certaines mesures entrées en vigueur en 2022, principalement la réforme du financement de l'audiovisuel public qui a conduit à affecter à ce secteur, via le compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public », une fraction du produit de la TVA de 3,6 milliards d'euros.

Par ailleurs, les mesures du bouclier tarifaire entrainent une diminution du rendement de la TVA à hauteur de 0,9 milliard d'euros, tandis que les transferts à la sécurité sociale et aux collectivités territoriales ont été ajustés et accroissent de 1,2 milliard d'euros le produit revenant à l'État.

La TVA nette revenant à l'État correspond ainsi presque exactement à la moitié de la TVA perçue par l'ensemble des administrations publiques (soit 200,7 milliards d'euros), alors qu'elle en représentait plus de 90 % jusqu'en 2018. Avec la création d'une affectation au secteur de l'audiovisuel, c'est un quatrième affectataire qui est créé pour cet impôt autrefois essentiellement d'État. Cette affectation n'est toutefois prévue que jusqu'à la fin 2024, en application de la loi organique relative aux lois de finances qui prévoit, depuis sa révision du 28 décembre 2021, qu'une imposition de toute nature ne peut être directement affectée à un tiers qu'à raison des missions de service public qui lui sont confiées.

Évolution de la répartition des recettes de TVA nette
entre les différentes catégories d'administrations

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données de la Cour des comptes

5. Les recettes de TICPE diminuent de 0,3 milliard d'euros

Les recettes de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) nette revenant à l'État sont de 18,0 milliards d'euros en 2022, contre 18,3 milliards d'euros en 2021, soit une diminution de 0,3 milliard d'euros (- 1,8 %).

Comme la TVA, la TICPE est un impôt partagé entre plusieurs administrations. Le produit total de la TICPE nette, toutes administrations confondues, est en très légère baisse de 0,2 % en 2022, alors que la loi de finances initiale prévoyait une augmentation de 4 %, ce que le Gouvernement explique par la dégradation de la conjoncture à la suite de l'invasion russe en Ukraine et par la hausse des prix des produits pétroliers, malgré les mesures d'aides gouvernementales mises en place.

Certaines mesures de périmètre ont également modifié le montant de TICPE revenant à l'État : recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) en Seine Saint-Denis (+ 0,2 milliard d'euros) et dans les Pyrénées orientales (+ 0,1 milliard d'euros), transferts aux collectivités territoriales (- 0,6 milliard d'euros).

6. Les autres recettes fiscales nettes sont nettement supérieures à la prévision en loi de finances initiale

Les autres recettes fiscales nettes s'établissent à un niveau de 53,4 milliards d'euros en 2022, contre 56,9 milliards d'euros en 2021, soit une diminution de 3,5 milliards d'euros (- 6,2 %) et seulement 25,0 milliards d'euros en 2020.

Ce montant est toutefois nettement supérieur au montant de 48,6 milliards d'euros prévu en loi de finances initiale.

En particulier, la mise en oeuvre du volet fiscal du bouclier tarifaire a réduit le rendement de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) de 4,9 milliards d'euros, contre 5,1 milliards d'euros prévus en loi de finances initiale ; en cours d'année, l'abaissement de la taxe à son niveau plancher avait même conduit à une estimation de baisse de rendement de 6,4 milliards d'euros. L'une des raisons est l'existence de contrats souscrits à échéances fixes, pour lesquels la TICFE ne peut être minorée qu'à l'échéance.

Par ailleurs, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public a fait disparaître la subvention d'équilibre accordée à ce secteur (+ 0,6 milliard d'euros sur les recettes fiscales nettes).

Enfin, les décaissements liés aux contentieux n'ont été que de 0,5 milliard d'euros contre une prévision de 1,5 milliard d'euros.

B. DES RECETTES NON FISCALES QUI DIMINUENT, MALGRÉ LA HAUSSE DU PRODUIT ISSU DU MARCHÉ DU CARBONE ET QUI DEVRA À L'AVENIR CONTRIBUER AU FINANCEMENT DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Les recettes non fiscales sont de 23,9 milliards d'euros en 2022 contre 21,3 milliards d'euros en 2021, soit une hausse de 2,7 milliards d'euros.

Le surcroît de recettes par rapport à la prévision en loi de finances initiale est de + 2,7 milliards d'euros. Cet écart résulte notamment du surcroît de dividendes et recettes assimilées (+ 1,6 milliard d'euros) ainsi que du produit de la mise aux enchères des quotas carbone (+ 0,4 milliard d'euros). Le produit des amendes est également en hausse de 0,7 milliard d'euros, en particulier à la suite de la signature d'une convention judicaire d'intérêt public (CJIP) avec le groupe MacDonald's.

La hausse du produit de la mise aux enchères des quotas carbone constitue un élément à surveiller. Cette recette a été, pour l'État, de 1,4 milliard d'euros en 2022, contre 1,0 milliard d'euros en 2021 et 308 millions d'euros seulement en 2020. À ce montant doit être ajouté la part affectée à l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui est de 481,0 millions d'euros.

Cette ressource devrait rester à un niveau élevé, voire s'accroître à nouveau dans les années à venir, en lien avec le renforcement progressif du marché du carbone mis en oeuvre par la Commission européenne16(*), qui comprend notamment une baisse des quotas gratuits et une extension à de nouveaux secteurs. Le cours du quota, qui était de l'ordre de 5 euros entre 2012 et 2017, est passé à 25 euros en 2019, puis a de nouveau augmenté en 2021 pour osciller désormais entre 70 et 100 euros17(*).

La législation européenne prévoit que cette ressource doit être fléchée, à hauteur de 50 % au moins, vers des actions tendant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et plus largement à faire face aux conséquences du changement climatique18(*). Or, en 2022, moins de 500 millions d'euros ont été fléchés vers l'ANAH, qui finance bien des actions de rénovation énergétique, et 1,4 milliard d'euros ont été fondue dans le budget général de l'État, sans qu'une affectation à des actions précises soit définie.

Quoi qu'il en soit, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz considèrent dans leur récent rapport sur les incidences économiques de l'action pour le climat19(*) que la tarification du carbone sera une source d'augmentation des recettes du fait à la fois de la hausse du prix sur le marché, de la suppression progressive des quota gratuits, de la création d'un mécanisme d'ajustement aux frontières (MACF) et de la création, dans quelques années d'un second marché pour les secteurs du transport et du bâtiment. Les projections indiquent que, pour la France, le montant des revenus correspondants devrait se situer à la fin de la décennie entre 10 et 15 milliards d'euros.

Alors que, selon une étude récente, la structure actuelle des recettes expose les finances publiques à un risque substantiel chiffré à 13 points de PIB de dette publique à l'horizon 205020(*), la recette issue des ventes aux enchères des quotas carbone, elle, devra, conformément à la législation européenne, contribuer au financement de cette transition.

C. LA DIMINUTION DES PRÉLÈVEMENTS SUR RECETTES POURRAIT S'INVERSER DANS LES ANNÉES À VENIR

Les prélèvements sur recettes (PSR) sont d'un niveau de 67,3 milliards d'euros en 2022, dont 43,0 milliards d'euros à destination des collectivités territoriales et 24,2 milliards d'euros à destination de l'Union européenne.

Les PSR à destination des collectivités territoriales suivent une tendance plutôt à la baisse depuis 2016, contrairement au PSR à destination de l'Union européenne. Ce dernier est toutefois très variable : son montant en 2013 était déjà de 22,5 milliards d'euros.

Évolution des prélèvements sur recettes depuis 2016

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement et des données de la Cour des comptes

Les PSR à destination des collectivités territoriales sont en légère diminution de 334 millions d'euros, mais en augmentation de 132 millions d'euros à périmètre constant. En effet, le périmètre des PSR a été réduit par la recentralisation du financement du revenu de solidarité active (RSA) en Seine-Saint-Denis et dans les Pyrénées orientales, ainsi que par un trop versé à Île-de-France Mobilités, qui a fait l'objet d'une reprise dans le cadre du filet de sécurité.

La hausse à périmètre constant résulte de la croissance des compensations d'exonérations de fiscalité locale (+ 141 millions d'euros) et des compensations de réduction de 50 % des valeurs locatives des locaux industriels (+ 125 millions d'euros). En sens inverse, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) est en diminution de 248 millions d'euros par rapport à 2021.

L'évolution du PSR à destination de l'Union européenne est marquée par une diminution conjoncturelle de 2,2 milliards d'euros. Celle-ci résulte d'une baisse de la contribution française liée à la réduction de la part française dans le revenu national brut (RNB) européen dans la ressource TVA, de l'augmentation des droits de douane versés au budget européen suite à la reprise du commerce international et du démarrage plus lent qu'anticipé de la politique de cohésion au titre du nouveau cadre financier européen 2021-2027, ainsi que d'effets plus techniques (report de solde plus important qu'anticipé, corrections sur exercices antérieurs).

La Cour des comptes souligne que le PSR à destination de l'Union européenne pourrait augmenter dans les années à venir21(*). En principe, l'Union européenne devrait se doter de ressources propres nouvelles pour financer l'amortissement des emprunts du plan de relance européen, dont les remboursements commenceront en 2028, ainsi que pour financer le fonds social pour le climat. Ainsi, la Commission doit faire de nouvelles propositions en 2023 et si les ressources propres ne sont pas suffisantes, des contributions nationales devront être mobilisées. Un autre risque consiste dans les prêts consentis à l'Ukraine : en cas de non-remboursement, la garantie des États membres pourrait être appelée.

III. L'APPRÉCIATION DES DÉPENSES DE L'ÉTAT, DONT LES MONTANTS NE CESSENT DE PROGRESSER, EST RENDUE DIFFICILE PAR LA GÉNÉRALISATION DES PROCÉDURES D'EXCEPTION

A. L'ANNÉE 2022 CONFIRME L'AUGMENTATION DURABLE DES DÉPENSES DE L'ÉTAT

Le montant net des dépenses du budget général, y compris les fonds de concours, a été en 2022 de 445,7 milliards d'euros, soit une hausse de 19,4 milliards d'euros par rapport à 2021 (+ 4,6 %).

Par rapport à 2019, le montant des dépenses a augmenté de 109,6 milliards d'euros, soit + 32,6 % ou une fois et demie le montant des crédits de la mission « Enseignement scolaire », qui constitue la première mission du budget général22(*). Pour combler cette augmentation des dépenses, un doublement de la TVA ne suffirait pas, alors qu'il s'agit de la recette fiscale la plus importante de l'État (100,8 milliards d'euros en 2022).

En euros constants, la hausse des dépenses a été de 23,7 % en trois ans, contre + 9,0 % seulement au cours des douze années précédentes, lesquelles avaient pourtant déjà été marquées par une augmentation importante du déficit budgétaire23(*).

Évolution des dépenses nettes du budget général en euros constants

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : calculs commission des finances, à partir des lois et projets de loi de règlement. Dépenses du budget général nettes des remboursements et dégrèvements, y compris fonds de concours. Actualisation par la moyenne annuelle de l'indice mensuel des prix à la consommation, hors tabac

Les dépenses mises en oeuvre pendant la crise sanitaire ne semblent donc pas avoir constitué une exception, mais plutôt une nouvelle norme pour les dépenses de l'État, alors que la crise de 2009 et 2010 avait été suivie par un retour au niveau antérieur de dépenses.

1. La diminution des dépenses liées à la crise sanitaire est plus que compensée par l'augmentation des dépenses ordinaires

L'augmentation des dépenses du budget général en 2022 est d'autant plus notable que les dépenses d'urgence sanitaire et de relance sont en très forte baisse par rapport à 2021, respectivement de - 31,1 milliards d'euros et de - 7,3 milliards d'euros. Elle s'explique donc :

- pour 13,2 milliards d'euros par la hausse de la charge de la dette24(*), qui ne dépend pas à court terme de l'action publique ;

- pour 10,5 milliards d'euros par l'augmentation des dépenses liées aux mesures de soutien face à l'inflation, notamment énergétique ;

- pour 10,5 milliards d'euros par les transferts vers le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », principalement pour le rachat des parts d'EDF qui n'appartenaient pas encore à l'État ;

- pour 23,1 milliards d'euros, par la croissance des autres dépenses, non liées à des situations temporaires ou spécifiques à l'année 2022.

Évolution des dépenses des missions du budget général
entre 2021 et 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement

Le coût des mesures de soutien au pouvoir d'achat des ménages et aux entreprises dans un contexte de forte inflation, particulièrement marquée sur les produits énergétiques, d'un montant de 11,1 milliards d'euros en 2022, est dû en majeure partie aux remises successives sur les prix des carburants. Le coût des boucliers tarifaires devrait porter également sur 2023.

Décomposition du coût des mesures de soutien au pouvoir d'achat des ménages et des entreprises

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des chiffrages de la Cour des comptes

2. Sur cinq ans, les dépenses d'intervention et de transfert connaissent une hausse marquante

Les charges d'intervention, mesurées en comptabilité générale, ont augmenté de 35,8 % entre 2017 et 2022, passant de 190,5 milliards d'euros à 258,6 milliards d'euros.

Évolution des charges d'intervention de 2017 à 2022

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État

En particulier, les transferts aux entreprises ont été en 2022 de 39,5 milliards d'euros, contre 68,8 milliards d'euros en 2021, soit une baisse de 29,4 milliards d'euros qui reflète la forte diminution des mesures liées à la crise sanitaire, partiellement compensée par les mesures de soutien face à la l'inflation. Ce soutien demeure très élevé puisqu'il n'était que de 18,8 milliards d'euros en 2017, soit une augmentation de 110,9 % en euros courants et de 89,2 % en euros constants.

Les transferts aux collectivités territoriales sont stables en 2022, à un niveau de 63,8 milliards d'euros, mais en diminution de 13,7 % en euros constants.

Les transferts aux ménages sont eux aussi presque stables à 60,2 milliards d'euros (+ 0,5 milliard d'euros), compte tenu des mesures d'aide face à la reprise de l'inflation, ce qui correspond toutefois à une hausse de 14,4 % par rapport à 2017 en euros constants.

Les autres charges d'intervention incluent principalement les transferts aux autres collectivités (31,0 milliards d'euros en 2022, contre 23,0 milliards d'euros en 2017) qui regroupent de nombreux dispositifs, notamment sociaux, et les dotations aux provisions et aux dépréciations (62,6 milliards d'euros en 2022, contre 34,3 milliards d'euros en 2017).

La progression de cette catégorie depuis 2017 correspond à la hausse des dépenses futures engagées par les politiques actuelles, déjà décrite supra. À titre d'exemple, elle inclut la comptabilisation d'une provision de 10,1 milliards d'euros au titre des dispositifs de boucliers tarifaires gaz et électricité, ainsi que la comptabilisation en 2022 d'une dotation de 2 782 millions d'euros retraçant l'engagement de l'État envers SNCF Réseau au titre de la régénération ferroviaire dans le cadre du nouveau contrat de performance 2021-2030.

3. Les dépenses de personnel progressent malgré une diminution des emplois en 2021 et 2022
a) La diminution des emplois résulte d'un manque d'attractivité de la fonction publique et non d'une politique de maîtrise de l'emploi

Les effectifs de l'État ont diminué en 2022 de 5 844 équivalents temps plein (ETP), comme en 2021 (- 3 955 ETP).

Cette diminution ne résulte toutefois pas d'une politique de maîtrise de l'emploi de l'État, puisque la loi de finances initiale pour 2022 prévoyait une augmentation de 767 ETP. De même la loi de finances initiale pour 2021 prévoyait-elle déjà une stabilité du schéma d'emplois.

La diminution porte principalement sur le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (- 4 424), alors que le projet de loi de finances pour 2022 prévoyait une légère augmentation de 50 ETP. Comme l'indique l'exposé général du présent projet de loi de règlement, la diminution des emplois résulte des difficultés de recrutement rencontrées, ainsi que d'importants départs d'effectifs.

Principales variations par ministère des schémas d'emplois

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement

De même au ministère des armées, les emplois diminuent de 1 018 emplois alors que le projet de loi de finances prévoyait une hausse de 492 emplois. Le rapport annuel de performances de la mission « Défense » attribue cet écart à un niveau de départs élevé, le marché de l'emploi étant attractif dans de nombreux autres secteurs professionnels.

Dans les deux cas, la fonction publique d'État fait manifestement face à un manque d'attractivité face à la concurrence du secteur privé, dans le contexte d'une situation de l'emploi porteuse.

La diminution des emplois dans les ministères économiques et financiers, en revanche, correspond à une politique suivie de manière constante même si la loi de finances initiale prévoyait une diminution beaucoup faible de - 144 ETP : sur la période 2018-2022, les ministères économiques et financiers ont contribué à la réduction de 10 500 postes et les dépenses de personnel, hors contribution aux pensions, ont été réduites de 3,0 %25(*).

Pour les ministères de l'intérieur et de la justice, toutefois, les recrutements nets sont proches ou supérieurs à la prévision en loi de finances initiale (+ 822 ETP contre une prévision de + 847 ETP pour le premier ; + 1 334 ETP contre une prévision de + 720 ETP pour le second).

b) Les dépenses de personnel poursuivent leur augmentation, notamment en raison de la hausse du point d'indice

Les dépenses de personnel du budget général de l'État sont de 138,4 milliards d'euros en 2022, contre 134,2 milliards d'euros en 2021, soit une hausse de 3,1 %.

Cette hausse fait suite à une progression de 1,2 % en 2021, 1,0 % en 2020, 1,6 % en 2018 et 2019 et 3,6 % en 2017.

En soustrayant les contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions », la masse salariale représente 94,5 milliards d'euros, en forte hausse de 4,2 milliards d'euros ou + 4,6 % par rapport à 2021.

Évolution de la masse salariale entre 2021 et 2022

(en millions d'euros, hors CAS « Pensions »)

GVT : glissement vieillesse-technicité.

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement

L'augmentation de la masse salariale provient de plusieurs facteurs convergents. La principale mesure générale est la hausse du point d'indice, mise en oeuvre en cours d'année en réponse à la hausse de l'inflation, qui a eu un coût sur l'année 2022 de 1,4 milliard d'euros et dont l'effet se poursuivra sur 2023 en année pleine.

Les mesures catégorielles sont chiffrées à 0,6 milliard d'euros pour le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à 0,2 milliard d'euros pour les ministères de l'intérieur et de la justice.

La valeur positive du glissement vieillesse-technicité (GVT), qui traduit l'évolution des rémunérations résultant du remplacement des agents partis à la retraite par des agents plus jeunes (GVT négatif) et des progressions individuelles des agents en place (GVT positif), traduit une augmentation des mesures individuelles, malgré l'accroissement des départs en retraite.

Si l'on compare la répartition des charges de personnel entre les missions, telle que la comptabilité générale le mesure, c'est la mission « Enseignement scolaire » qui occupe de loin la première place (72,2 milliards d'euros) devant les missions « Défense » (21,8 milliards d'euros) et « Sécurités » (18,7 milliards d'euros).

Charges de personnel

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du compte général de l'État26(*)

Les rémunérations du personnel représentent 82,6 milliards d'euros, soit 52 % du total des charges de personnel. Elles augmentent de 2,9 milliards d'euros par rapport à 2021, soit + 3,6 %. Cette hausse est toutefois variable selon les secteurs : + 3,6 % pour le programme 176 « Police nationale » de la mission « Sécurités », entre + 3,2 % et + 3,6 % pour les programmes relatifs à l'enseignement scolaire, mais seulement + 0,4 % pour le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », qui comprend les moyens de la direction générale des finances publiques (DGFIP).

Les charges de pension, d'un montant de 60,2 milliards d'euros, sont également en hausse de 4 %, d'une part parce que le montant de la pension moyenne servie aux entrants est supérieur au montant de la pension moyenne servie aux sortants, d'autre part en raison des revalorisations des pensions intervenues en début d'année 2022 (+ 1,1 %) puis en cours d'année (+ 4 % avec l'entrée en vigueur de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat).

B. LE GOUVERNEMENT EXPLOITE AVEC EXCÈS LES TECHNIQUES SPÉCIALES DE GESTION BUDGÉTAIRE

Si la loi de finances initiale ouvre aux ministres un montant de crédits qui constitue un plafond pour les dépenses de l'année, ce montant est en pratique complété par différentes procédures : d'une part avec l'intervention du Parlement, qui adopte des lois de finances rectificatives ou ratifie des décrets d'avance, d'autre part sans son intervention, avec des versements de fonds de concours et différentes procédures réglementaires (notamment les décrets de transferts et virements). Enfin, une fraction de plus en plus importante des crédits non consommés en fin d'année sont désormais reportés à l'exercice suivant et viennent donc compléter les crédits mis à disposition des ministres.

L'ensemble de ces procédures permettent à la consommation de crédits, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, d'être nettement supérieure à celle autorisée en loi de finances initiale.

Autorisation et exécution budgétaire sur le budget général

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires. Autorisations et crédits de paiement bruts

Principalement utilisées sur le budget général, ces techniques ont pour conséquence de modifier de manière significative les crédits ouverts. Elles réduisent grandement la lisibilité des crédits et la portée de l'autorisation parlementaire, d'autant que, sur certains points, les votes relatifs à l'usage des crédits n'ont été que partiellement respectés en exécution.

1. Les ouvertures de crédits en cours d'année concernent majoritairement les mesures d'aide face à l'inflation et la charge de la dette

Trois missions du budget général représentent la majorité des ouvertures de crédits et donc des surcroîts de consommation de crédits par rapport à la loi de finances initiale.

La mission « Écologie, développement et mobilité durables » a fait l'objet d'ouvertures de crédit importantes dès le décret d'avance du 21 avril 2022, puis dans les lois de finances rectificatives qui ont suivi, afin de financer les aides aux ménages face à l'inflation.

La mission « Engagements financiers de l'État » a subi les conséquences de la hausse de la charge de la dette.

La mission « Économie », dotée en loi de finances initiale de 3,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 4,0 milliards d'euros en crédits de paiement, a vu ses crédits complétés de plus de 16 milliards d'euros afin de financer la nationalisation d'EDF et d'assurer le financement de diverses aides aux entreprises touchées par la hausse des prix de l'énergie et les conséquences de la guerre en Ukraine.

Comparaison des crédits exécutés et des crédits prévus
(écarts supérieurs à 1 milliard d'euros)

(en milliards d'euros)

Note : Les chiffres correspondent à la différence entre le montant des crédits de paiement exécutés (projet de loi de règlement) et des crédits de paiement prévus en loi de finances initiale, y compris fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les ouvertures de crédits sur la mission « Travail et emploi » ont porté sur la prolongation des primes exceptionnelles et une subvention à France Compétences, une nouvelle fois en difficulté pour équilibrer ses ressources et ses dépenses.

L'ensemble des ouvertures et des consommations de crédits sont présentées en détail dans les rapports des rapporteurs spéciaux de la commission des finances, annexés au présent rapport.

2. Les votes des lois de finances rectificatives n'ont été que partiellement respectés

Le Sénat a adopté les deux lois de finances rectificatives pour 2022, moyennant le vote de certains amendements qui ont été retenus à l'issue de la commission mixte paritaire.

Or certains de ces votes, portant sur des modifications de crédit, n'ont pas été suivis d'une mise en oeuvre satisfaisante.

En premier lieu, la première loi de finances rectificative pour 2022 a, sur la proposition du Sénat27(*), créé un programme intitulé « Carte vitale biométrique » dans la mission « Santé », doté de 20 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin de mettre en place les premiers crédits permettant de lancer dès l'automne 2022 le chantier de la mise en place d'une carte Vitale biométrique, permettant de lutter contre la fraude.

Cependant, les crédits n'ont été consommés qu'à hauteur de 4,3 millions d'euros pour de simples travaux préparatoires28(*), qui auraient peut-être été conduits même sans cette ligne budgétaire spécifique. La loi de finances initiale pour 2023 a même supprimé ce programme, alors que le Sénat avait voté en faveur de son maintien29(*) puisque la réalisation d'un tel projet est nécessairement pluriannuelle. Le Gouvernement s'était opposé au vote de ce dernier amendement en indiquant qu'une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) était en cours et qu'il serait possible, le cas échéant, d'« utiliser les crédits ouverts en 2022 ». Or les crédits non consommés en 2022 n'ont pas été reportés, leur annulation étant proposée par le présent projet de loi de règlement.

De manière comparable, la commission mixte paritaire relative à la seconde loi de finances rectificative a retenu partiellement, pour un montant de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, deux amendements adoptés par le Sénat qui tendaient, sur la proposition du rapporteur général au nom de la commission des finances, à financer à parts égales le réseau routier et les ouvrages d'art des collectivités30(*).

Si 50 millions d'euros ont bien été confiés au Cerema pour financer les ouvrages d'art des collectivités, les 50 autres millions d'euros, qui devaient être affectés au réseau routier de ces mêmes collectivités, ont été réorientés en gestion par l'exécutif sur le financement des ouvrages d'art du réseau routier national.

Le rapporteur général constate et déplore, sur ces deux points, que les crédits votés n'aient pas été utilisés conformément à l'intention du Parlement et que, de ce fait, les accords passés entre les deux assemblées ne soient pas respectés.

3. Le Gouvernement utilise les reports de crédits de manière généralisée...

Les reports de crédits non consommés en 2021 vers 2022 ont atteint un niveau exceptionnel de 29,3 milliards d'euros, dont 23,2 milliards d'euros sur les missions du budget général.

Si ce niveau est inférieur à celui des crédits de 2020 reportés à 2021, qui était de 36,7 milliards d'euros sur le budget général, il n'en demeure pas moins tout à fait exceptionnel par rapport aux pratiques antérieures. En outre, contrairement à l'année précédente, ces reports sont répartis sur un grand nombre de programmes du budget général. Il en est de même des crédits non consommés en 2022 et reportés vers 2023, qui sont encore d'un niveau très élevé, à savoir 18,7 milliards d'euros.

Principaux reports de 2021 vers 2022 et de 2022 vers 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de l'annexe 1 au projet de loi de règlement. Seules les missions du budget général dont les reports sont supérieurs à 200 millions d'euros au cours de l'une des deux années au moins sont représentées

Le montant des crédits de paiement annulés sur le budget général par le présent projet de loi de règlement n'est que de 9,8 milliards d'euros. Le Gouvernement fait donc le choix de reporter la majorité des crédits non consommés, alors que ces crédits devraient être annulés en application du principe d'annualité budgétaire, et réouverts en cas de nécessité dans la loi de finances initiale de l'année suivante.

L'article 15 de la LOLF limite les reports de crédits de paiement à 3 % des crédits ouverts et ne prévoit une possibilité de déroger à ce plafond que sur autorisation explicite en loi de finances : or le Gouvernement a pris l'habitude, dans chaque loi de finances, de demander une dérogation pour plusieurs dizaines de programmes budgétaires, souvent fortement dotés, ce qui vide en pratique de sa substance la limitation des reports31(*).

4. ... y compris pour équilibrer artificiellement un décret d'avance qui a en réalité entraîné un creusement du déficit budgétaire

Une pratique particulièrement contestable, en 2022, a été le report de plusieurs milliards d'euros de crédits pratiqué à seule fin d'équilibrer artificiellement le décret d'avance du 21 avril.

En effet, comme l'avait remarqué alors le rapporteur général32(*), le projet de décret d'avance présenté à la commission des finances le 25 mars 2022 prévoyait l'annulation de crédits qui n'existaient pas encore. En particulier, il annulait 3,5 milliards d'euros de crédit sur les programmes de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », qui à cette date n'était pourvue que de 1,3 milliard d'euros33(*), eux-mêmes issus d'un report de crédits réalisé plus tôt dans l'année34(*).

Afin de rendre opérationnel le décret d'avance, le Gouvernement a pris en toute dernière minute, les 26 et 30 mars 2022, deux arrêtés permettant le report de 1,2 milliard d'euros de crédits de paiement sur le programme 35635(*), 1,0 milliard d'euros sur le programme 357, 2,3 milliards d'euros sur le programme 358 et 0,5 milliard d'euros sur le programme 36036(*) de cette même mission. La date limite pour la prise des arrêtés de report était en effet le 31 mars37(*).

Ces crédits ont été utilisés pour « gager » le décret d'avance, c'est-à-dire annuler des crédits équivalents à ceux ouverts sur d'autres programmes, afin qu'il soit neutre sur le plan budgétaire.

Cet équilibre était purement formel et les dispositions du décret d'avance ont bien eu pour effet indirect de creuser le déficit budgétaire.

D'une part, les crédits annulés sur les programmes de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » provenaient, comme on l'a vu, de crédits reportés qui n'auraient de toute manière pas été consommés. Le décret d'avance a ainsi permis, en quelque sorte, un report croisé de crédits, autorisés en 2021 pour le plan d'urgence, vers des mesures relevant d'autres politiques, alors que ces crédits non consommés auraient été annulés en loi de règlement si le décret d'avance n'avait pas été pris.

D'autre part, d'autres annulations de crédits destinés à couvrir les ouvertures prévues par le décret d'avance ont porté sur un grand nombre de programmes du budget général mais avec l'objectif affiché de les ouvrir à nouveau dès la loi de finances suivante : cela a effectivement été le cas avec la loi de finances rectificative du 16 août 2022. Ces crédits, bien qu'annulés par le décret d'avance, ont ensuite été en grande partie consommés.

5. Des notions aussi fondamentales que les autorisations d'engagement ou les restes à payer sont contournées par une application contestable

Le volume des autorisations d'engagement consommées sur le budget général en 2022 a été de 779,0 milliards d'euros, contre 608,4 milliards d'euros en 2021, soit une augmentation de 169,6 milliards d'euros ou + 28,0 %.

Cette augmentation extraordinaire correspond en réalité, en quasi-totalité, à l'ouverture en loi de finances initiale d'un montant de 165 milliards d'euros d'autorisations d'engagement sur le nouveau programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » de la mission « Engagements financiers de l'État ».

Comme l'avaient alors indiqué le rapporteur général38(*) et le rapporteur spécial de cette mission39(*), ce programme est un pur artifice budgétaire : si ces crédits de paiement sont affectés à la Caisse de la dette publique afin de réduire la dette publique, ils sont nécessairement imputés sur le déficit budgétaire, comme tous les crédits ouverts sur le budget de l'État, et donc sur le besoin de financement. L'impact sur la dette est nul et entraîne même plutôt certains frais de gestion.

La notion d'autorisation d'engagement est ainsi détournée de son objectif.

L'article 8 de la LOLF précise que « les autorisations d'engagement constituent la limite supérieure des dépenses pouvant être engagées ». Cette notion concerne par exemple les opérations d'investissement, sur lesquelles un engagement juridique pris l'année N oblige l'État à verser des montants au cours des années ultérieures, au fur et à mesure de la réalisation du projet.

Or il est difficile de déterminer quel est l'engagement juridique à l'origine de la consommation des autorisations d'engagement du programme 369. La « dette de l'État liée à la Covid-19 » est en réalité le résultat d'un calcul par lequel a été estimé le surcroît de dette lié aux interventions de l'État pendant la crise sanitaire mais, sur le plan juridique, les émissions de dette réalisées par l'Agence France Trésor permettent de satisfaire le besoin de financement général de l'État, qui comprend à la fois le déficit budgétaire de l'année (qui résulte aussi bien des dépenses liées à la crise sanitaire que des autres dépenses) et le remboursement des dettes arrivées à échéance.

D'ailleurs l'article 159 du décret GBCP précise que « Les autorisations d'engagement sont consommées par la souscription des engagements à hauteur du montant ferme pour lequel l'État s'engage auprès d'un tiers ». Or la « dette Covid-19 », si l'on appelle ainsi le surcroît de dette résultant de la crise sanitaire, était déjà contractée à la fin 2021, c'est-à-dire avant que les autorisations d'engagement du programme 369 soient autorisées et a fortiori consommées.

Ainsi rien ne justifie d'appliquer la notion d'autorisation d'engagement à une partie de la dette de l'État et pas à ses autres composantes.

C'est donc une procédure extrêmement contestable qui a été appliquée, et dont l'effet est de réduire fortement la signification de la notion fondamentale d'autorisation d'engagement.

En outre, elle modifie également la signification du solde budgétaire, puisque les versements effectués chaque année à la Caisse de la dette publique, soit 1,9 milliard d'euros en 2022 et, selon la loi de finances initiale, 6,6 milliards d'euros en 2023, accroissent tout aussi artificiellement le déficit budgétaire.

Cet effet est durable car cette dette est censée être « amortie » progressivement jusqu'en 2042, ce qui supposera le versement annuel, en moyenne, de plus de 8 milliards d'euros par an jusqu'à cette date.

Comme on l'a vu supra, cette ouverture d'autorisations d'engagements artificielle a aussi pour effet une explosion des restes à payer, qui sont multipliés par plus de 2, sans que cette obligation de remboursement se distingue de l'obligation générale de remboursement de la dette de l'État, qui n'est normalement pas comptabilisée dans les restes à payer. Cette notion budgétaire est donc, elle aussi, vidée de son sens.

TROISIÈME PARTIE
LA MESURE DE LA PERFORMANCE

Depuis la loi organique relative aux lois de finances40(*) (LOLF), le budget de l'État est organisé autour d'une logique de résultats à atteindre et est structuré, pour chaque mission et programme budgétaire, par une stratégie, des objectifs et des indicateurs de performance. À cet égard, l'article premier de la LOLF dispose d'ailleurs que les lois de finances déterminent « la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État » en tenant compte « d'un équilibre économique défini, ainsi que des objectifs et des résultats des programmes qu'elles déterminent ».

Ces éléments figurent dans les projets annuels de performance (PAP) de chaque programme qui accompagnent les annexes par mission au projet de loi de finances. Ainsi, dans le cadre du projet de loi de finances, les responsables de programme s''engagent, devant le Parlement, sur des objectifs chiffrés pour l'année à venir. Ils rendent compte des résultats obtenus et expliquent les écarts par rapport aux prévisions dans les rapports annuels de performances, documents joints au projet de loi de règlement.

L'atteinte des objectifs fixés par mission et programme est mesurée par des indicateurs de performance pour lesquels étaient indiquées, jusqu'à 2021, les réalisations passées, une prévision pour l'année à venir et une valeur cible pour la dernière année du budget pluriannuel en cours.

À compter des rapports annuels de performances pour 2022 la prévision de l'année N n'apparait plus. Seule est mentionnée la cible 2022 qui sert donc de référence pour la mesure de la performance et de l'atteinte des objectifs. L'abandon des prévisions au profit des seules cibles a été acté pour limiter les confusions. En PAP 2024, seront ainsi définies les cibles pour 2024, 2025 et 2026 selon le principe du triennal glissant.

Cependant, dans les faits, la lecture de ces indicateurs ne permet pas pleinement de mesurer l'atteinte des objectifs en raison de situations récurrentes :

- des cibles non renseignées ;

- l'exécution de l'année non renseignées en raison de données nécessaires pour alimenter les sous-indicateurs non disponibles au moment de l'élaboration des rapports annuels de performances ;

- un sens de variation normale, à la hausse ou à la baisse, des sous-indicateurs non renseigné.

Ainsi, les résultats enregistrés en 2022, comme ceux de 2021, ne permettent pas la pleine exploitation de ces outils comme le démontrera la présente partie du rapport.

Malgré les limites évoquées, l'examen de la loi d'approbation et d'exécution des comptes publics pour l'année 2022 est l'occasion pour votre rapporteur général de proposer une analyse générale du suivi, de l'évolution et de l'intérêt de ces indicateurs.

En 2022, le dispositif de performance repose sur un trop faible nombre d'indicateurs pleinement exploitables et laisse apparaître des résultats mitigés, globalement en baisse par rapport à l'année précédente.

I. L'ABSENCE RÉCURRENTE DE CIBLES ET DE DONNÉES RELATIVES À L'EXÉCUTION NE PERMET PAS UNE ANALYSE COMPLÈTE DES RÉSULTATS

A. ÉTAT DES LIEUX DES SOUS-INDICATEURS : UNE LÈGÈRE HAUSSE DU NOMBRE DE SOUS INDICATEURS

Le présent rapport opère, comme pour 2021, une analyse sur la totalité des sous-indicateurs, c'est-à-dire ceux rattachés au niveau de la mission et ceux rattachés au niveau des programmes dans un souci d'exhaustivité afin de mieux appréhender l'exercice et les difficultés qui en découlent.

En 2022, le nombre de sous-indicateurs, tout budget confondu (budget général, budgets annexes, comptes de concours financiers et comptes d'affectation spéciale) s'élève à 1950 soit 77 de plus qu'en 202141(*).

1757 sont rattachés à des programmes du budget général (contre 1698 en 2021) et 193 à des budgets hors budget général (contre 175 en 2021).

En moyenne un programme comporte 13 sous-indicateurs.

B. DES SOUS-INDICATEURS PEU EXPLOITABLES EN RAISON D'UNE ABSENCE DE CIBLE PRÉCISE

En 2022, 80,5 % des sous-indicateurs des programmes et missions du budget de l'État, soit 1570 sous-indicateurs sur 1950 sont théoriquement exploitables car une cible a été renseignée. Ce niveau enregistre une hausse de 4,6 points par rapport à 2021.

À l'inverse, pour 380 sous-indicateurs, aucune cible 2022 n'a été renseignée ou l'a été de manière peu précise, rendant difficile voire impossible l'appréciation de son atteinte.

Libellés des absences de cibles en 2021 et 2022

 

cible pour 2021

cible pour 2022

pas de cible

20

281

non déterminée

182

7

non connue

14

2

sans objet

160

7

en baisse

25

27

en hausse

23

29

stable

14

12

suivi

11

15

non significatif

1

0

progression

2

0

Total

452

380

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

Si un effort est constaté entre 2021 et 2022, il doit cependant être poursuivi afin de compléter les cibles des sous-indicateurs d'autant que les rapports annuels de performances ne détaillent pas les raisons de cette absence de cibles.

Synthèse de l'exploitabilité des sous-indicateurs - comparaison entre 2021 et 2022

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

Pour certaines missions, le niveau d'exploitabilité des données est particulièrement faible. Ainsi, les cinq missions suivantes présentent des taux d'exploitabilité inférieurs à 50 %.

Liste des missions présentant des taux d'exploitabilité inférieurs à 50 % en 2022

Missions

Nombre de sous-indicateurs

Cible non renseignée ou peu précise

Part du nombre de sous-indicateurs pour lesquels aucune cible précise n'est renseignée

Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

7

5

71,43 %

Participations financières de l'État

11

9

81,82 %

Plan d'urgence face à la crise sanitaire

22

21

95,45 %

Santé

23

12

52,17 %

Sécurités

86

64

74,42 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget

Cette absence de cible interpelle pour certains sous-indicateurs pour lesquels, notamment, une exécution est enregistrée, preuve que sa mesure est possible et, subséquemment, qu'une cible pourrait aisément être définie.

Dans le contexte macroéconomique actuel, les absences de cible pour les sous-indicateurs de la mission « Économie » relatifs à la croissance du PIB, à l'inflation ou encore aux écarts entre les prévisions du Gouvernement et les réalisations paraissent préjudiciables.

Cette absence de cibles est également constatée sur la mission « Travail et emploi » pour les sous-indicateurs portant sur le « Nombre de retours à l'emploi », le « Taux de retour à l'emploi de tous les publics » et le « Taux d'accès à l'emploi six mois après une formation prescrite par Pôle emploi » alors même que la politique de l'emploi, dans un contexte de réforme des retraites, devrait être particulièrement suivie.

Il est également regrettable que les cibles ne soient pas renseignées pour certains sous-indicateurs très éclairants de la mission « Enseignement scolaire » et notamment les taux d'accès au baccalauréat par filière mais également par sexe.

Ces exemples ne visent, bien entendu, pas l'exhaustivité mais doivent inciter le Gouvernement à une plus grande rigueur : l'absence de cible se justifiant bien plus difficilement que l'absence d'exécution (cf. infra).

C. DES SOUS-INDICATEURS PEU EXPLOITABLES EN RAISON D'UNE ABSENCE D'EXÉCUTION RENSEIGNÉE

Sur les 1570 sous-indicateurs (sur un total de 1950) présentant une cible suffisamment précise pour permettre un suivi et une analyse des résultats pour 2022, 142 n'enregistrent aucune exécution soit 9 % d'entre eux (contre 7,7 % en 2021), sans qu'aucune précision ne soit mentionnée sur les raisons de cette non-exécution.

Par ailleurs, il convient de souligner qu'au total, sans considération de l'existence d'une cible, 295 sous-indicateurs ne présentent aucune exécution.

Dans les cas les plus fréquents, l'absence de renseignement se justifie par :

- une indisponibilité des données nécessaires pour renseigner les sous-indicateurs à la date de réalisation des rapports annuels de performances. À titre d'exemple, le secrétariat général des ministères économiques et financiers (MEFR) fait état d'une difficulté récurrente concernant les données relatives au renseignement des indicateurs actuels portant sur les économies d'achats, qui ne peuvent être produites dans les délais impartis. Les résultats définitifs pour l'année 2022 seront, au mieux, communiquer dans le projet annuel de performances pour le projet de loi de finances pour 2024. Les quatre indicateurs liés à la fonction achat ne sont donc pas renseignés comme lors des années précédentes ;

- des sous-indicateurs sans objet : c'est le cas notamment des indicateurs de coût de la campagne électorale municipale ou départementale par électeur inscrit. À défaut d'élections de ce type en 2022, ces sous-indicateurs n'ont pu être renseignés.

Le rapporteur général souligne cependant que cette absence de données parait parfois surprenante. En effet, à titre d'exemple, concernant la mission « Transformation et fonction publiques », il semble peu probable que le « nombre de nouveaux apprentis dans la fonction publique d'État » ne soit pas connu. De même, pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », l'absence de données d'exécution relatives au sous-indicateur « ratio des taux de réussite en L3 » interroge. Il en va également ainsi, sur la mission « Justice », du « nombre d'affaires civiles et pénales traitées » qui n'est pas renseigné.

Les exemples sont légions et nécessitent de s'interroger sur la teneur de ces sous-indicateurs pour lesquels aucune exécution n'est complétée.

Dans les cas où les données sont manifestement, et de manière récurrente, indisponibles à la date de réalisation des rapports annuels de performances, il conviendrait de supprimer les sous-indicateurs concernés ou de les modifier.

Dans les autres hypothèses, des efforts notables doivent être réalisés afin de compléter ces données nécessaires à la bonne information des parlementaires pour juger, notamment, de l'efficacité d'une politique publique.

II. DES RÉSULTATS GLOBALEMENT DÉCEVANTS ET EN BAISSE PAR RAPPORT À 2021

A. LES RÉSULTATS PAR RAPPORT À LA CIBLE : PLUS D'UN SOUS-INDICATEUR SUR DEUX N'ATTEINT PAS LA CIBLE FIXÉE

Sur les 1428 sous-indicateurs enregistrant une cible et une exécution 2022, 257 d'entre eux ne précisent pas le sens d'évolution qui permettrait de déterminer si sa progression va dans le bon sens par rapport aux attentes. Il en résulte que l'atteinte de la cible ne peut réellement être analysée, à partir des données transmises, que pour 1171 sous-indicateurs soit seulement 60 % du total des sous-indicateurs. En 2021, seuls 10 sous-indicateurs avec cible et exécution ne précisaient pas le sens d'évolution.

Sur ces 1171 sous indicateurs :

- 269 devaient normalement être stables (contre seulement 8 en 2021). À la lecture stricte des données d'exécution 2022 par rapport à la cible 2022, 61 ont atteint la cible (soit 22,6 %) et 208 présentaient une exécution en deçà ou au-dessus de la cible. Il a donc été considéré que la cible n'était pas atteinte. Cependant, en réalité, même si on peut estimer qu'un sous-indicateur a atteint un niveau optimum, son éventuelle évolution positive est nécessairement à la hausse ou à la baisse.

À titre d'exemple, on peut estimer que la part des agents bénéficiant d'une solution de restauration collective peut rester stable au niveau enregistré dernièrement (75 %), pour autant, une évolution de ce pourcentage à la hausse représente une évolution positive, contrairement à une tendance à la baisse. Dans le cas d'un sens de lecture « stable », toute exécution inférieure ou supérieure à 75 % générera donc un résultat non atteint parfois erroné.

Dans ce contexte, au-delà du fait que le libellé d'évolution « stabilité » n'a pas vraiment de sens, cela a pour effet de rendre impossible, de manière mécanique, l'analyse des résultats de ces sous-indicateurs.

Compte tenu de ces éléments, il est donc recommandé de ne plus considérer la stabilité comme un sens d'évolution mais d'indiquer de manière systématique si l'évolution normale d'un sous-indicateur, en dehors de toute considération concernant son niveau optimal éventuellement atteint, est à la hausse ou à la baisse ;

- 284 sous-indicateurs devaient normalement enregistrer une évolution à la baisse : 131 ont atteint ou dépassé leur cible (soit 46,1 %) ;

- 618 sous-indicateurs devaient normalement enregistrer une évolution à la hausse : 279 ont atteint ou dépassé leur cible (soit 45,1 %).

Sur un total de 1171 qui présentaient une cible, une exécution et un sens de lecture, 471 soit 40,2 % ont atteint ou dépassé la cible fixée pour 2022.

Ramenés au nombre total de sous-indicateurs (1950), ceux ayant atteint leur cible représentent moins de 24,15 % même si, en raison de la difficulté à analyser les sous-indicateurs devant enregistrer une évolution « stable » comme mentionné supra, ce taux d'atteinte de la cible doit vraisemblablement être un peu plus élevé.

À titre de comparaison, sur le même périmètre du nombre total de sous-indicateurs, 28,2 % avaient atteint la cible en 2021, ce qui correspond à une baisse de 4 points entre 2021 et 2022.

Ces résultats, comme les années précédentes, demeurent donc très mitigés.

Au-delà de la performance elle-même, la problématique majeure réside dans l'incomplétude récurrente des données qui ne permettent, au final, d'analyser que 1171 sous-indicateurs sur les 1950 que comptent les 45 missions du budget de l'État (budget général et budgets annexes, comptes d'avance et comptes d'affectation spéciale).

Synthèse sur l'absence d'information des sous-indicateurs

 

Nombre

Pourcentage

sous-indicateurs

1950

100,00 %

sous-indicateurs avec cible

1570

80,51 %

sous-indicateurs avec cible et exécution 2022

1428

73,23 %

sous-indicateur avec cible, exécution et sens d'évolution

1171

60,05 %

sous-indicateur ayant atteint ou dépassé leur cible

471

24,15 %

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

Synthèse des résultats des sous-indicateurs au regard des cibles en 2022

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

B. DES CIBLES PARFOIS PEU AMBITIEUSES ET NE NÉCESSITANT PAS D'EFFORT D'UNE ANNÉE SUR L'AUTRE

Au-delà de ces résultats déjà très mitigés concernant l'atteinte de la cible, il convient de souligner que sur les 471 sous-indicateurs qui ont atteint leur cible en 2022, 295, soit 62,6 %, l'avaient déjà atteinte en 2021 ce qui dénote un niveau d'exigence assez peu élevé des cibles. Ce ratio était de 65,6 % en 2021.

À titre d'exemple, le sous-indicateur « Nombre moyen de dossiers de soins médicaux gratuits traités par agent » de la mission « Anciens combattants » présente une cible de 19 900 dossiers (sous-indicateur qui doit enregistrer une tendance haussière) alors même que l'exécution 2021 s'établissait déjà à 22 161 dossiers. Celle de 2022, de 21 551 dossiers, est donc en baisse par rapport à l'année précédente mais la cible est atteinte.

De même, le « nombre de visiteurs sur le site du CESE » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » présente une cible de 520 000 visiteurs pour une exécution de 604 125 en 2021 et de 853 832 en 2022.

Dans les cas où les cibles sont déjà atteintes depuis plusieurs exercices, et sauf à considérer que le niveau optimal est atteint, il est nécessaire de fixer des cibles plus ambitieuses et, à tout le moins, supérieures à celle définie pour l'exercice N-1.

Synthèse des efforts pour atteindre la cible - comparaison entre 2021 et 2022

Source : commission des finances du Sénat (à partir des informations fournies par la direction du budget)

III. DES INDICATEURS TOUJOURS PLUS NOMBREUX MAIS À LA PERTINENCE OU À L'UTILITÉ CONTESTABLE

A. DES INDICATEURS QUI MANQUENT PARFOIS DE PERTINENCE ET DE SENS

Entre 2021 et 2022, on dénombre 77 sous-indicateurs supplémentaires, sans qu'il soit possible d'identifier facilement les sous-indicateurs créés et ceux supprimés ainsi que les missions concernées.

Aussi, dans les données transmises annuellement, un tableau isolant les créations et suppressions d'indicateurs pourraient utilement être ajouté.

Certains sous-indicateurs apportent peu d'informations sur une action mise en oeuvre ou des projets suivis. Ainsi, les sous-indicateurs des programmes de la mission « Plan de relance » présentent un objectif de consommation des crédits en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, ce qui est paradoxal, car si la loi de finances ouvre des crédits, c'est bien en vue de leur consommation. En outre, la consommation de crédits ne peut pas être un signe de performance, si aucun contrôle n'est fait de la qualité de la dépense.

De même, la Cour des comptes tout comme les rapporteurs spéciaux de la mission « Transformation et fonction publiques », MM. De Montgolfier et Nougein, soulignent depuis plusieurs années que les sous-indicateurs des programmes 348 et 349 manquent de pertinence et sont peu utiles afin de mesurer l'efficacité du suivi de l'avancement des projets financés par ces programmes. À cet égard, il peut être souligné que, dans la mesure où les cibles des sous-indicateurs du programme 348 sont définies à partir des données transmises dans les dossiers présentés par les préfets de département, les résultats ne seront constatés qu'une fois les travaux achevés ce qui ne permet aucune mesure en cours de projets.

Enfin le sous-indicateur « Croissance du chiffre d'affaires des entreprises soutenues par le PIA 4 » n'a enregistré aucune réalisation depuis 2020 au motif que le caractère récent des appels à projets (2020) lancés dans le cadre du PIA 4 ne permettait pas de renseigner ce sous-indicateur qui sera supprimé en 2023 sans jamais avoir été mis en oeuvre.

À l'inverse, la suppression de certains sous-indicateurs peut être préjudiciable à la bonne information des parlementaires. Ainsi, la maquette de performance du programme 149 a été modifiée en loi de finances pour 2022 avec la suppression, en raison des difficultés d'accès aux données permettant de le calculer, de l'indicateur 3.1 qui mesurait les coûts de gestion de la politique agricole commune.

Pour autant, la nouvelle maquette 2023 n'a pas rétabli d'indicateur mesurant la performance de la gestion des aides agricoles alors même qu'il s'agissait d'une recommandation formulée par les rapporteurs spéciaux de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », MM. Segouin et Joly, mais également par la Cour des comptes.

La performance de la gestion des aides agricoles n'est donc plus mesurée que par le pourcentage de dossiers payés dans les délais prévus, ratio qui est estimé proche de 100 % en 2022. Comme l'indique la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2022, « il appartient au ministère, grâce à la mise en place d'une comptabilité analytique, de redéfinir un nouvel indicateur ».

B. DES INDICATEURS INEXPLOITABLES POUR MESURER LA PERFORMANCE D'UNE ADMINISTRATION

Certains sous-indicateurs, alors même qu'ils enregistrent une cible et une exécution, ne présentent que peu d'intérêt pour juger de l'efficacité de l'action publique dans la mesure où :

- ils se bornent à fournir une information sans possibilité d'avoir une analyse conclusive sur la performance d'une mission ou d'un programme. Il s'agit notamment des indicateurs mentionnant le nombre d'effectifs gérés, de postes bureautiques... ;

- les données permettant leur calcul ne sont pas assez fiables ou se basent sur des appréciations très subjectives difficilement mesurables. C'est le cas, par exemple, des sous-indicateurs « Sentiment d'information sur l'action du Gouvernement » et « Niveau de connaissance des citoyens sur le danger des drogues42(*) » de la mission « Direction de l'action du gouvernement » ;

- les données ne sont pas toujours pleinement révélatrices de la réalité des actions menées. À titre d'exemple, le sous-indicateur « Taux d'appels traités par la permanence téléphonique nationale de référence » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » enregistre une baisse en raison d'une progression importante du nombre d'appels nécessitant un temps de prise en charge plus long (75 % des appels ayant pour motif une situation de violences faites aux femmes, contre 65 % en 2021). Il en résulte une diminution du taux d'appels traités sans pour autant que cela ne reflète réellement les actions mises en oeuvre par l'association en charge de la ligne nationale d'écoute.

Il ressort de ce qui précède que les sous-indicateurs sont très nombreux, parfois inexploitables faute de pouvoir renseigner les cibles ou les niveaux d'exécution.

De surcroit, certains d'entre eux sont peu fiables ou peu utiles pour éclairer pleinement les parlementaires sur la performance d'un programme et l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvre.

Cet exercice chronophage pour les responsables de programme et trop peu utilisé lors des débats budgétaires vient par ailleurs se juxtaposer aux contrats signés par les administrations qu'il s'agisse de contrats d'objectifs et de moyens (COM) ou des contrats d'objectifs et de performance (COP) qui définissent de nouveaux objectifs et indicateurs qui viennent s'ajouter à ceux des rapports annuels de performance.

Comme l'avait déjà évoqué le rapporteur général en 2022, la démarche de performance doit donc être rationalisée en diminuant le nombre total d'indicateurs pour ne garder que les plus fiables et utiles aux parlementaires dans leur rôle de contrôle de l'action du Gouvernement d'une part, mais également être harmonisée avec les démarches contractuelles qui se développent de plus en plus, d'autre part.

Elle doit surtout être recentrée pour ne garder que les indicateurs pour lesquels il est possible de définir une cible et de posséder des données d'exécution permettant la rédaction des rapports annuels de performances. Un indicateur non renseigné étant inutile, les efforts du Gouvernement doivent porter, en premier lieu, sur la nécessaire complétude des informations et, à défaut, sur la suppression ou le remplacement de sous-indicateurs qui ne peuvent être totalement renseignés (cible, exécution et sens d'évolution).

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE

Solde structurel et solde effectif de l'ensemble
des administrations publiques de l'année 2022

. Le présent article retrace l'exécution du solde structurel et du solde effectif des administrations publiques pour 2022.

L'article 8 de la loi organique du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques43(*) prévoit que la loi de règlement comprend un article liminaire « présentant un tableau de synthèse retraçant le solde structurel et le solde effectif de l'ensemble des administrations publiques résultant de l'exécution de l'année à laquelle elle se rapporte ».

Article liminaire du projet de loi de règlement pour 2022

(en point de PIB)

 

Exécution 2022

LFI 2022 (prévision)

LPFP 2018-2022 (prévision)

Solde structurel (1)

- 3,4

- 4,0

- 0,8

Solde conjoncturel (2)

- 1,2

- 0,8

0,6

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

- 0,1

- 0,2

0,0

Solde effectif (1 + 2 + 3)

- 4,7

- 5,0

- 0,3

Note de lecture : l'écart entre le solde effectif et la somme de ses composantes s'explique par l'arrondi au dixième des différentes valeurs.

Source : commission des finances du sénat (d'après le projet de loi de règlement pour 2022)

Les données figurant au présent article font l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport, à laquelle le lecteur est invité à se reporter.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE PREMIER

Résultats du budget de l'année 2022

. Cet article arrête les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour l'année 2022.

Conformément au I de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le présent article « arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ».

Le I arrête le résultat budgétaire de l'État, hors opérations avec le Fonds monétaire international44(*), à la somme de - 151 441 437 719,72 euros.

Le II détaille le montant définitif des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

Le résultat budgétaire résulte presque entièrement du solde des recettes et des dépenses du budget général, car les budgets annexes représentant un montant de crédits réduit et les comptes spéciaux sont habituellement proches de l'équilibre.

Construction du solde budgétaire

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi de règlement. PSR : prélèvements sur recettes. Dépenses et recettes nettes des remboursements et dégrèvements

L'analyse des principaux déterminants du solde budgétaire figure dans l'exposé général du présent rapport.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 2

Tableau de financement de l'année 2022

. Cet article retrace le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier en 2022.

Conformément au II de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, cet article « arrête le montant définitif des ressources et des charges de trésorerie ayant concouru à la réalisation de l'équilibre financier de l'année correspondante, présenté dans un tableau de financement ».

Le tableau de financement qui y figure arrête à 280,0 milliards d'euros le besoin de financement de l'État et décrit les ressources mobilisées pour y répondre.

Le besoin de financement résulte à titre principal, pour 145,7 milliards d'euros, de la nécessité de rembourser les titres de dette arrivant à échéance et, pour 151,4 milliards d'euros, du déficit de l'année décrit à l'article premier.

La principale ressource mobilisée pour satisfaire le besoin de financement est l'émission de nouvelle dette à moyen et long terme, pour un montant de 260 milliards d'euros en 2021, identique au montant émis en 2021 et en 2020.

Pour la première fois depuis 2015, une ressource est affectée à la Caisse de la dette publique et consacrée au désendettement, à hauteur de 1,9 milliard d'euros. Toutefois, ce montant provenant d'une ouverture de crédits sur le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » de la mission « Engagements financiers de l'État », il entraîne en même temps une augmentation à due concurrence du besoin de financement et ne réduit donc pas réellement l'endettement.

L'encours des titres d'État à court terme diminue de 6,9 milliards d'euros. Le complément du besoin de financement est donc comblé par la variation des dépôts des correspondants (+ 1,1 milliard d'euros) et les autres ressources de trésorerie (- 11,3 milliards d'euros), c'est-à-dire principalement le solde des primes et décotes à l'émission, qui est négatif après plusieurs années de primes à l'émission.

L'exposé général du présent rapport comprend des éléments détaillés d'analyse du financement de l'État.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 3

Résultat de l'exercice 2022 - Affectation au bilan
et approbation du bilan et de l'annexe

. Cet article approuve le compte de résultat de l'exercice, établi à partir des ressources et des charges constatées selon les règles de la comptabilité générale, affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice et approuve le bilan après affectation ainsi que ses annexes.

Conformément au III de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, le présent article approuve le compte de résultat de l'exercice établi à partir des ressources et des charges constatées selon les règles de la comptabilité générale, affecte au bilan le résultat comptable de l'exercice et approuve le bilan après affectation, ainsi que son annexe. Le contenu de chacun de ces états et documents est précisé par la norme n° 1 « Les états financiers » du recueil des normes comptables de l'État.

Le I approuve le compte de résultat de l'État. Le résultat comptable s'établit à - 160,0 milliards d'euros, soit la différence entre les produits régaliens nets, qui s'élèvent à 316,9 milliards d'euros, et les charges nettes, d'un montant de 476,9 milliards d'euros.

Le II affecte le résultat comptable de l'exercice 2022 au bilan à la ligne « Report des exercices antérieurs ».

Le III établit le bilan, qui se compose d'un actif net total de 1 284,2 milliards d'euros et d'un passif, hors situation nette, de 3 042,1 milliards d'euros. La situation nette s'établit donc à - 1 757,9 milliards d'euros.

La ligne « Report des exercices antérieurs » vaut - 1 916,5 milliards d'euros dans le compte général de l'État. Par affectation du résultat comptable, soit - 160,0 milliards d'euros, elle prend la valeur de - 2 076,5 milliards d'euros en application du présent III.

Le IV approuve l'annexe du compte général de l'État de l'exercice, qui consiste en un commentaire détaillé de chacun des postes du bilan et du compte de résultat, ainsi qu'une présentation des engagements hors bilan et des règles et méthodes d'évaluation comptables45(*).

L'exposé général du présent rapport contient des développements détaillés sur les comptes de l'État présentés en comptabilité générale.

L'affectation du résultat comptable de l'exercice à la ligne « Report des exercices antérieurs » par le III et le IV du présent article constitue l'une des dispositions qui ne soit pas de pure constatation dans le projet de loi de règlement.

Le rejet du premier projet de loi de règlement pour 2021, lors de son examen à l'été 2022, a ainsi empêché d'affecter le résultat comptable de 2021, soit - 142,1 millions d'euros, au report à nouveau. En conséquence, l'administration a décidé de rajouter, dans le compte de résultat 2022, une ligne nouvelle intitulée « Solde des opérations d'exercices antérieurs en attente d'affectation », qui comprend ce résultat comptable non affecté, sans conséquence sur le résultat comptable 2022.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 4

Budget général - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

. Cet article ajuste et arrête, pour le budget général, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées et des dépenses réalisées au titre de l'année 2022.

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) prévoit, au 2° du IV de son article 37, que la loi de règlement ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés.

Le I du présent article arrête le montant des autorisations d'engagement consommées sur le budget général à un montant de 778,0 milliards d'euros, ouvre des autorisations d'engagement complémentaires à hauteur de 0,2 milliard d'euros et annule 11,6 milliards d'euros d'autorisations d'engagement non consommées et non reportées.

Les annulations portent principalement sur la mission « Crédits non répartis » (1,9 milliard d'euros), sur le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale "Participations financières de l'État" » (2,1 milliards d'euros) et sur la mission « Remboursements et dégrèvements » (3,8 milliards d'euros).

Le II du présent article arrête le montant des dépenses relatives au budget général à hauteur de 578,4 milliards d'euros, ouvre des crédits de paiement complémentaires pour 0,2 milliard d'euros et annule 9,8 milliards d'euros de crédits de paiement non consommés et non reportés, selon une répartition proche de celle des annulations d'autorisations d'engagements décrites supra.

Les autorisations d'engagement et crédits de paiement complémentaires ouverts sont uniquement imputés sur des programmes dotés de crédits évaluatifs, à savoir les programmes 355 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » (169,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) et 114 « Appels en garantie de l'État » (39,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 13,7 millions d'euros en crédits de paiement) de la mission « Engagements financiers de l'État ».

Les dépenses exécutées sur les missions du budget général sont analysées dans le tome I du présent rapport et dans les contributions des rapporteurs spéciaux.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 5

Budgets annexes - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement et aux crédits de paiement

. Cet article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, le montant par mission et par programme des autorisations d'engagement consommées, des dépenses et des recettes de ces budgets au titre de l'année 2022.

Le présent article, comme le précédent pour le budget général, applique, s'agissant des budgets annexes, le 2° du III de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui prévoit que la loi de règlement ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés.

Le I du présent article ajuste et arrête, pour les budgets annexes, les montants définitifs, par mission et par programme, des autorisations d'engagement consommées, soit 2 413,0 millions d'euros pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et 141,6 millions d'euros pour le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

Le montant des annulations d'autorisations d'engagement non engagées et non reportées est de 12,2 millions d'euros pour le premier budget annexe et de 8,6 millions d'euros pour le second.

Le II ajuste et arrête les dépenses et les recettes des deux budgets annexes, soit :

- 2 402,2 millions d'euros de dépenses et 2 378,3 millions d'euros de recettes pour le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », 9,8 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés ;

- 142,3 millions d'euros de dépenses et 193,7 millions d'euros de recettes pour le budget « Publications officielles et information administrative », 4,4 millions d'euros de crédits non consommés et non reportés étant annulés.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 6

Comptes spéciaux - Dispositions relatives aux autorisations d'engagement, aux crédits de paiement et aux découverts autorisés.
Affectation des soldes

. Cet article récapitule le montant des ouvertures complémentaires et annulations de crédits de l'exercice 2021, s'agissant des comptes spéciaux. Il arrête le solde de ces derniers au 31 décembre 2021 et, sauf exceptions, le reporte à la gestion 2023.

Le présent article, comme les deux précédents pour le budget général et les budgets annexes, applique, s'agissant des comptes spéciaux, le 2° du III de l'article 37 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), qui prévoit que la loi de règlement ouvre, pour chaque programme ou dotation concerné, les crédits nécessaires pour régulariser les dépassements constatés résultant de circonstances de force majeure dûment justifiées et procède à l'annulation des crédits n'ayant été ni consommés ni reportés. Il applique également les 3°, 4° et 5° du même III, aux termes desquels la loi de règlement majore, pour chaque compte spécial concerné, le montant du découvert autorisé au niveau du découvert constaté, arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant et apure les profits et pertes survenus sur chaque compte spécial.

Le I et le II du présent article ajustent et arrêtent respectivement le montant des autorisations d'engagement et des crédits de paiement consommés sur les comptes spéciaux.

Les comptes d'affectation spéciale ont consommé 77,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, pour des recettes de 81,6 milliards d'euros, tandis que sont annulés des crédits non consommés et non reportés de 3,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,9 milliards d'euros en crédits de paiement.

Les comptes de concours financiers ont consommé 129,0 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 128,7 milliards d'euros en crédits de paiement, pour des recettes de 130,9 milliards d'euros, tandis que sont annulés des crédits non consommés et non reportés à hauteur de 6,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 5,6 milliards d'euros en crédits de paiement.

Les comptes de commerce ont des dépenses de 57,9 milliards d'euros et des recettes de 58,0 milliards d'euros.

Les comptes d'opérations monétaires ont des dépenses de 4,0 milliards d'euros et des recettes de 3,5 milliards d'euros. Cette ligne supporte en outre une majoration du découvert de 17,8 milliards d'euros correspondant, comme chaque année, à la quote-part de la France au capital du Fonds monétaire international (FMI) et des prêts effectués dans le cadre de cet organisme.

Le III arrête les soldes des comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2023, à la date du 31 décembre 2022, et qui sont reportés à la gestion 2023 par le IV, à l'exception :

- d'un solde débiteur de 368,2 millions d'euros concernant les comptes de concours financiers « Prêts à des États étrangers », en raison notamment de remises de dette à des pays étrangers ;

- d'un solde créditeur de 112,9 millions d'euros concernant le compte de commerce « Opérations commerciales des domaines » ;

- d'un solde créditeur de 211,2 millions d'euros concernant le compte d'opérations monétaires « Émission des monnaies métalliques », solde jugé sans signification parce qu'il mêle des opérations budgétaires classiques et des opérations de bilan ;

- d'un solde débiteur de 102,5 millions d'euros concernant le compte d'opérations monétaires « Pertes et bénéfices de change », soldé chaque année en application de la loi du 8 mars 1949 relative aux comptes spéciaux du Trésor.

Pour mémoire, le solde de ces quatre comptes spéciaux en 2021 a dû être reporté à 2022 en raison du rejet du premier projet de loi de règlement pour 2021. L'article 20 de la LOLF prévoit en effet que, sauf dispositions contraires prévues par une loi de finances, le solde de chaque compte spécial est reporté sur l'année suivante.

En conséquence, et comme l'a confirmé le Gouvernement au rapporteur général, le présent article, conformément aux règles de gestion des comptes spéciaux préconisées par la Cour des comptes, cumule les non-reports sur ces quatre comptes pour les deux exercices 2021 et 2022.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

ARTICLE 7

Règlement du compte spécial « Participation de la France au désendettement de la Grèce »

. Le présent article prévoit que le solde créditeur du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », clos au 1er janvier 2023, soit arrêté au montant de 799,8 millions d'euros. Il se borne à appliquer les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, qui prévoit que la loi de règlement arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant.

I. LE DROIT EXISTANT : UN COMPTE CRÉÉ EN 2012 ET PROLONGÉ JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2022 POUR SOUTENIR, SOUS CONDITIONS, LE DÉSENDETTEMENT DE LA GRÈCE

A. UN COMPTE CRÉÉ EN 2012 POUR TRACER LE REVERSEMENT À LA GRÈCE DES REVENUS PERÇUS SUR SES TITRES SOUVERAINS

Les ministres des finances de la zone euro avaient pris l'engagement de reverser à la Grèce les revenus perçus par leurs banques centrales sur les obligations grecques détenues pour compte propre, dites ANFA46(*) ou rachetées dans le cadre du securities market program (SMP)47(*). Ces revenus provenaient tant des intérêts de ces obligations que des éventuelles plus-values constatées au remboursement, qui accroissaient ainsi les bénéfices des banques centrales de la zone euro et donc les dividendes versées aux États membres. Ces deux décisions visaient à aider la Grèce à réduire son besoin de financement et à participer au rétablissement de la soutenabilité de sa dette publique.

Le I de l'article 21 de la loi de finances rectificative pour 201248(*) avait traduit cet engagement politique en ouvrant le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participation de la France au désendettement de la Grèce », pendant budgétaire de l'accord conclu par les membres de la zone euro. Le recours à un CAS s'expliquait par deux raisons.

La première se fonde sur l'article 123 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, qui interdit formellement aux banques centrales nationales de financer les États membres de la zone euro.

La seconde se justifie par la nécessité d'isoler ces flux au sein du budget de l'État, qui n'est que le vecteur de l'opération de reversement.

Le CAS devait être ouvert à partir du 1er septembre 2012 jusqu'au 31 décembre 2020.

Les recettes du CAS étaient constituées du produit de la contribution spéciale versée par la Banque de France au titre de la restitution des revenus qu'elle percevait sur les titres grecs détenus en compte propre.

Les dépenses correspondaient respectivement aux programmes 795 « Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs » et 796 « Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France ».

Sur la période 2012-2020, les États membres de la zone euro s'étaient engagés à reverser près de quatre milliards d'euros, dont 754,3 millions d'euros pour la France, au titre des revenus perçus par leurs banques centrales sur les obligations grecques détenues pour compte propre (ANFA).

Au titre du programme SMP, la quote-part de la France représentait quant à elle 2,06 milliards d'euros sur la période 2013-202549(*). Le versement de ces revenus a également fait l'objet d'une convention entre la Banque de France et le ministère de l'économie et des finances. Il devait s'opérer par tranche annuelle.

B. UN COMPTE PROLONGÉ JUSQU'AU 31 DÉCEMBRE 2022 POUR TENIR COMPTE DU RETARD PRIS DANS LE VERSEMENT DES REVENUS PERÇUS SUR LES OBLIGATIONS GRECQUES

À la suite de l'arrivée au pouvoir d'Alexis Tsipras en Grèce le 25 janvier 2015 et sous la direction du ministre des finances de l'époque, Yanis Varoufakis, les autorités grecques ont longuement négocié, avec leurs créanciers publics, divers aménagements sur leur dette, dont la soutenabilité était remise en question.

À la suite du refus de la Grèce d'accepter les réformes imposées par la Banque centrale européenne (BCE), la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI) en échange du déblocage de la dernière tranche d'aide de son deuxième programme d'assistance financière, l'Eurogroupe avait décidé de suspendre le processus de reversement des revenus tirés des portefeuilles ANFA et SMP à compter du 30 juin 2015, date d'expiration de ce deuxième programme.

Dans le cadre d'un accord entre l'Eurogroupe et la Grèce trouvé en juin 2018 dans le cadre de la dernière évaluation du troisième programme d'ajustement économique de la Grèce, la reprise de la rétrocession des revenus perçus par les banques centrales nationales sur les revenus grecs a été actée. Il a été décidé de ne pas procéder aux restitutions prévues en 2015 et 2016, mais que soient rétrocédés les profits SMP au titre de l'année 2014 ainsi que les profits SMP et ANFA à partir de l'année 2017, sous réserve du respect par la Grèce des conditions fixées sur la période post-programme.

Pour tenir compte de ces reports et de la reprise des rétrocessions, l'article 91 de la loi de finances pour 202050(*) a modifié l'article 21 de la loi de finances rectificative du 16 août 2021 de façon à prolonger la durée d'ouverture du CAS jusqu'au 31 décembre 2022.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : ARRÊTER LE SOLDE DU COMPTE À 799,8 MILLIONS D'EUROS

Si la diminution du solde cumulé était mécanique, les restitutions ayant vocation à s'éteindre, celui-ci n'était pas nul au moment de la clôture du CAS, au 31 décembre 2022, et s'élevait à 799,8 millions d'euros.

Dans la mesure où ce compte est clôturé, il n'est donc pas possible de reporter ce solde sur l'exercice suivant.

Aussi, conformément au 4° du IV de l'article 37 de la loi organique relative aux lois de finances, qui dispose que la loi de règlement « arrête les soldes des comptes spéciaux non reportés sur l'exercice suivant », le présent article arrête le solde du compte d'affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » à 799,8 millions d'euros. Ces sommes sont reversées au budget général.

Exécution des crédits du compte d'affectation spéciale
« Participation de la France au désendettement de la Grèce » en 2022

(en millions d'euros)

 

 

Exécution 2021

LFI 2022

Exécution 2022

[795] Versement de la France à la Grèce au titre de la restitution à cet État des revenus perçus sur les titres grecs

AE

0,0

0,00

0,00

CP

209,3

98,9

132,8

[796] Rétrocessions de trop-perçus à la Banque de France

AE

0,00

0,00

0,00

CP

0,00

0,00

0,00

Total des dépenses

AE

0,0

0,00

0,00

CP

209,3

98,9

132,8

Recettes 

132,8

0

0

Solde annuel

- 110,4

-98,9

-132,8

Solde cumulé

932,6

833,7

799,8 / 0*

* Pour 2022, le solde cumulé est de 799,8 millions d'euros avant reversement de ces sommes au budget général.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale ayant rejeté le texte dans son ensemble, le présent article n'a pas été adopté.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES

Le présent article se borne à appliquer les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances.

La commission souligne toutefois à cette occasion le bien-fondé des reversements effectués par la France à la Grèce par l'intermédiaire de ce compte, qui aura manifesté la solidarité de notre pays auprès d'un État européen en difficulté.

*

* *

L'Assemblée nationale n'ayant pas adopté le présent projet de loi, elle n'a pas adopté cet article.

Décision de la commission : en conséquence de sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter l'ensemble du présent projet de loi, la commission vous propose de ne pas adopter cet article.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE M. GABRIEL ATTAL, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE LA SOUVERAINETÉ INDUSTRIELLE ET NUMÉRIQUE, CHARGÉ DES COMPTES PUBLICS (2 MAI 2023)

Réunie le mardi 2 mai 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 et le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022.

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le ministre, alors que nous débattrons demain en séance, à la demande de notre commission, de la programmation de nos finances publiques pour les années 2023 à 2027, il nous est apparu nécessaire de vous entendre sur l'exécution des comptes de l'année 2022. Le Gouvernement a en effet présenté en conseil des ministres le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes (PLR) de l'année 2022, en même temps qu'il redéposait un projet de loi sur l'exécution des comptes de l'année 2021, après le rejet de ce dernier par le Parlement l'an passé.

Nous attendons donc que vous nous indiquiez quels ont été les résultats de l'année passée pour le budget de l'État et que vous précisiez dans quelle mesure ils correspondent aux estimations de recettes présentées par le Gouvernement et à l'autorisation parlementaire en dépenses qui figurait dans le collectif budgétaire de fin d'année. Les lois de finances ne sont en effet pas un exercice de pure prévision ; elles doivent être sincères au regard des informations dont dispose le Gouvernement lorsqu'elles sont présentées. Notre commission, appuyée en cela par la Cour des comptes, a déjà fait des observations l'an passé sur ce que l'on peut qualifier parfois de « cavalerie budgétaire ».

Par ailleurs, j'imagine que vous nous indiquerez quelles difficultés concrètes ont pu résulter, depuis l'été dernier, de la non-adoption du projet de loi de règlement pour 2021 et quelle motivation vous conduit à présenter de nouveau ce texte pour obtenir cette fois son approbation par le Parlement.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. - Le Gouvernement présente en effet à nouveau le projet de loi de règlement pour l'année 2021, qui a été rejeté par l'Assemblée nationale le 3 août dernier. Lors d'une audition récente, j'ai indiqué que, à mon sens, voter, ou du moins, ne pas s'opposer à l'adoption d'un projet de loi de règlement ne signifie pas que l'on donne un satisfecit au Gouvernement pour sa conduite des affaires de la Nation pendant l'année concernée, mais simplement que l'on prend acte de l'exécution du budget.

En tant qu'élu local, je crois n'avoir jamais voté contre un compte administratif présentant les résultats de l'année antérieure. Le projet de loi de règlement est une photographie du passé, or on ne peut pas changer celui-ci. Quoi qu'il en soit, ces remarques ne concernent pas le Sénat, qui avait, lui, voté ce projet de loi de règlement.

Nous présentons également le projet de loi de règlement pour 2022, une année marquée par le retour d'une forte inflation sur le plan mondial, qui a eu des conséquences importantes sur les conditions dans lesquelles l'État finance son endettement.

Permettez-moi tout d'abord d'indiquer les quelques modifications qui ont été apportées au projet de loi de règlement pour 2021.

L'article liminaire a été actualisé, à la suite de la communication par l'Insee, le 28 mars dernier, des comptes pour 2021, qui a porté le déficit de 2021 de -6,4 % à -6,5 %. Cette actualisation est notamment due à la requalification d'Action Logement en administration publique.

Par ailleurs, à l'article 6, des dispositions permettant de ne pas reporter certains soldes de comptes spéciaux ont été supprimées, puisque conformément à l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), l'intégralité de ces soldes a été reportée en 2022.

Enfin, à l'article 7, les dispositions ayant trait à un abandon de créances détenues sur la Somalie ont été supprimées, car elles ont été reprises dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2022.

Le Conseil constitutionnel a jugé que la présentation et la mise au vote du projet de loi de règlement pour 2021 suffisaient pour permettre l'adoption d'un budget pour les années suivantes, et la Cour des comptes a certifié les comptes.

Outre certains points techniques, notamment des reports de soldes sur des comptes spéciaux, le rejet du PLR pour 2021 n'a donc pas eu d'impact sur l'adoption du projet de loi de finances (PLF) suivant ni sur la certification des comptes, ce qui, du reste, pourrait nous conduire à nous interroger sur l'utilité de conserver cette procédure dans la loi organique, qui pourrait faire l'objet d'un débat.

Nous présentons toutefois ce texte une nouvelle fois par souci de sincérité, au regard notamment des évolutions marginales qui sont intervenues depuis sa première présentation. En tout état de cause, je ne désespère pas que ce PLR soit adopté puisqu'il ne s'agit que d'une photographie.

J'en viens au PLR pour l'année 2022, qui peut être considérée comme une année de transition entre la crise sanitaire et la crise résultant de l'inflation. Pour faire face à l'une comme à l'autre, le Gouvernement a fait le choix de protéger les entreprises et les ménages, tout en assurant la maîtrise de nos finances publiques.

Je ne dis pas que tout va bien, mais je constate que le pays a tenu bon, grâce notamment aux millions de Français qui travaillent et aux chefs d'entreprise qui embauchent et qui investissent.

Avant de répondre à vos questions, permettez-moi de tirer quelques enseignements de l'exécution budgétaire de l'année dernière.

Premièrement, la politique économique qui a été conduite a protégé efficacement les Français des effets de la crise de l'inflation. Les boucliers gaz et électricité ont en effet permis de préserver la croissance économique, et partant, le dynamisme des recettes, qui est le principal facteur de l'amélioration de notre déficit public.

Les recettes ont progressé de 7,3 % en 2022, après une progression de 8,4 % en 2021. Cette croissance repose principalement sur la progression de l'impôt sur les sociétés, dont les recettes ont augmenté de 15,8 milliards d'euros par rapport à l'an dernier, portant leur montant total à 62,1 milliards d'euros, ce qui constitue un record, alors même que nous avons diminué le taux d'imposition de 33 à 25 %.

Les recettes d'impôt sur le revenu ont également augmenté de 10,3 milliards d'euros, notamment grâce au dynamisme de la masse salariale, et les recettes de la TVA ont augmenté du fait de l'inflation, à hauteur de 5,3 milliards d'euros.

Comme lors de l'exécution précédente, ce dynamisme des recettes a largement contribué à la baisse de notre déficit public, qui est passé de 6,5 % du PIB en 2021, à 4,7 % en 2022.

Dans une certaine mesure, les choix économiques que nous avons faits se sont révélés vertueux d'un point de vue budgétaire, puisqu'ils ont permis d'augmenter les recettes.

Comme pendant la crise covid, nous avons fait le choix de la protection tout en poursuivant le redressement des finances publiques, conformément aux objectifs que nous nous sommes fixés pour assurer le retour du déficit à un niveau inférieur à 3 % en 2027.

Pour autant - c'est le deuxième enseignement -, le solde des administrations publiques demeure très dégradé, précisément parce que nous avons consacré des moyens considérables pour casser cette spirale inflationniste. Pour les années 2021 et 2022, nous avons débloqué 34,5 milliards d'euros nets - dont je défalque les recettes de contribution au service public de l'électricité (CSPE) et de contribution sur la rente inframarginale des producteurs d'électricité (CRI) - pour lutter contre l'inflation, au travers principalement des boucliers énergie. Ce montant est certes considérable, mais le coût des boucliers reste moins élevé que celui des deux points d'inflation supplémentaires qu'ils nous ont épargnés. Nous assumons donc pleinement ce choix.

Nous devons impérativement tenir nos objectifs de redressement des finances publiques et enclencher le désendettement de la France à l'horizon 2027, comme nous nous y sommes engagés. J'ai conscience que le défi est de taille, et que les prochaines marches vers la réduction du déficit public à 3 % du PIB à l'horizon 2027 seront plus difficiles à franchir, notamment parce que l'environnement économique n'est plus le même.

En 2022, nous avons été portés par une croissance de 2,6 %, alors que celle-ci s'établira cette année autour de 1 %, dans un contexte de ralentissement mondial. En conséquence, notre déficit devrait cette année rester au même niveau que l'année dernière ou s'établir légèrement au-dessus, tandis que l'endettement public devrait continuer à diminuer.

Le défi est de taille, mais je sais que nous pouvons y arriver grâce à une stratégie qui consiste tout d'abord à continuer à substituer des mécanismes ciblés à la logique du « quoi qu'il en coûte » et aux dispositifs généraux qu'elle emporte.

Ce n'est pas toujours facile, mais nous avons commencé à le faire l'an dernier, quand nous avons remplacé la ristourne générale sur le carburant, qui a coûté 8 milliards d'euros sur l'année 2022, par une indemnité carburant ciblée sur les travailleurs les plus modestes, au titre de laquelle 1 milliard d'euros ont été budgétés.

Nous devrons également réaliser des économies en 2024 et les années suivantes. Nous dépensons trop dans certains secteurs, sans toujours obtenir les résultats escomptés. Un pays qui prend le chemin du plein emploi peut-il, par exemple, se permettre de garder le même niveau de dépenses que lorsqu'il croulait sous le chômage de masse ? Non, c'est pourquoi le Gouvernement travaille actuellement à la réduction des dépenses liées à l'emploi.

De même, nous devons reconsidérer certaines dépenses « brunes », notamment fiscales, qui ne sont plus en ligne avec notre ambition écologique et ne démontrent plus leur efficacité.

Enfin, de manière transversale, nous continuerons à maîtriser les dépenses et à compter chaque euro de chaque budget pour faire en sorte que la dépense publique augmente moins vite que sa tendance naturelle. La Première ministre a adressé un courrier à l'ensemble des membres du Gouvernement leur demandant d'identifier 5 % de marge de manoeuvre dans le budget de leur ministère afin de préparer les travaux budgétaires pour 2024 et les années suivantes.

Comme l'année dernière, je souhaite que l'ensemble des groupes politiques représentés au Parlement soient associés à cette réflexion, et plus largement, au processus d'élaboration de la prochaine loi de finances. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de reprendre l'exercice des dialogues de Bercy, mais cette fois dès l'été. Le Gouvernement souhaite en effet aller vers davantage de coconstruction, ce qui suppose de nous laisser davantage de temps.

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le ministre, je tiens à préciser que Sénat n'a pas voté la loi de règlement pour 2021. Nous entendons toutefois vos encouragements !

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Vous prônez la coconstruction, tout en faisant un appel à la consultation publique afin de savoir ce que les Français attendent de l'utilisation de l'impôt. Il sera sans doute difficile de concilier tout cela...

Une nouvelle fois, l'exécution budgétaire est très éloignée de la prévision. Alors que le projet de loi de finances rectificative (PLFR) de décembre 2022 prévoyait des recettes fiscales nettes de 315,8 milliards d'euros, celles-ci se sont finalement élevées à 323,3 milliards d'euros. La Cour des comptes souligne que ces écarts, devenus habituels depuis quelques années, ne s'expliquent pas par des événements exceptionnels. Quelles sont les raisons des difficultés que rencontre désormais le ministère du budget à prévoir les recettes fiscales ? Que comptez-vous mettre en oeuvre pour améliorer ces prévisions ?

S'agissant des dépenses, le budget de 2022 est une nouvelle fois marqué par un écart préoccupant entre les crédits approuvés par la loi de finances initiale et les crédits effectivement mis à la disposition des ministres. Alors que la loi de finances initiale (LFI) pour 2022 avait ouvert 392 milliards d'euros de crédits hors remboursements et dégrèvements, ces derniers ont été portés à 440 milliards d'euros au fil des collectifs budgétaires, auxquels se sont ajoutés 23 milliards d'euros via les reports de crédits. Finalement, les dépenses exécutées se sont élevées à 446 milliards d'euros, si bien que les reports n'ont été que peu utilisés et auraient pu être évités. Malgré ce constat, la pratique se poursuit, puisque 17 milliards d'euros ont à nouveau été reportés de 2022 à 2023.

La loi de finances initiale ne donne donc désormais qu'une vision imprécise de la réalité du budget, cette « stratégie du flou » réduisant d'autant la portée de l'autorisation parlementaire. Pourquoi ne pas mettre fin à cette pratique des reports massifs de crédits et revenir à des montants raisonnables ?

J'en viens à l'exécution du filet de sécurité. Au regard des deux premiers critères retenus - une épargne brute au 31 décembre 2021 inférieure à 22 % des recettes réelles de fonctionnement et un potentiel financier ou fiscal inférieur au double de la moyenne de la strate - 18 521 communes et 944 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) étaient éligibles au filet de sécurité, soit respectivement 53 % et 75 % des collectivités concernées. Compte tenu des dernières données en cours de finalisation sur les comptes de gestion 2022, quelle est, à date, votre estimation du nombre de communes et d'EPCI qui remplissent le troisième critère de baisse d'épargne brute de 25 % entre 2021 et 2022 ?

Sur les 430 millions d'euros ouverts en loi de finances rectificative (LFR) pour le paiement des acomptes, 106 millions d'euros ont été consommés. Combien de communes et d'EPCI ont-ils finalement demandé le versement de l'acompte ? Quel était le montant moyen de celui-ci ?

La dotation doit être versée au plus tard le 30 octobre 2023. Avez-vous déjà reçu des demandes ? Dans l'affirmative, combien de communes et d'EPCI ont-ils déposé cette demande à partir de leurs données financières définitives ?

Enfin, pouvez-vous faire un point sur les versements attendus de la part de l'Union européenne au titre de la mise en oeuvre du plan de relance ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Le montant de certaines recettes a effectivement été supérieur à celui des prévisions, y compris dans la dernière LFR de 2022. Nous avons enregistré des recettes supérieures de 3,2 milliards d'euros pour l'impôt sur les sociétés, de 1,6 milliard d'euros pour l'impôt sur le revenu et une moins-value de 1,9 milliard d'euros pour la TVA, qui est plus que compensée par la correction en droits constatés, d'un montant de 2,9 milliards d'euros.

Si nous cherchons toujours à être au plus juste, c'est plutôt une bonne nouvelle d'être surpris dans ce sens. Pour 2023, nous avons maintenu un objectif de croissance ambitieux, autour de 1 %, si bien que nous devrions être plus en ligne avec l'exécution.

Les reports sont certes toujours massifs, puisqu'ils s'élèvent à environ 18 milliards d'euros, mais ils sont moindres que l'année précédente, où ils avaient atteint le montant de 23 milliards d'euros, quand ils sont d'ordinaire de 3 à 5 milliards d'euros environ. Il est vrai que nous avons visé large et ouvert beaucoup de crédits, notamment au titre du guichet pour les entreprises « énergo-intensives », pour lequel une partie importante des crédits n'ont pas été consommés en 2022.

De même, les crédits ouverts pour un certain nombre de dispositifs, dont certains à la demande des parlementaires, comme les aides pour le fioul et le bois, n'ont pas été consommés en 2022 et sont donc reportés en 2023.

Par ailleurs, des restes à payer du plan de relance, notamment liés à des travaux de rénovation énergétique, ont pris un peu de retard.

Pour ce qui concerne les dépenses qui ne sont pas liées à la crise, l'un des principaux facteurs de report est le plan d'investissement dans les compétences (PIC). La part régionale du PIC, dont le montant est d'environ 1,9 milliard d'euros, a fait l'objet d'importants reports. Ainsi, près de 800 millions d'euros n'ont pas été décaissés par la région d'Île-de-France.

J'en viens au filet de sécurité. Au 31 mars dernier, un grand nombre de collectivités n'avaient pas encore rendu leurs comptes de gestion pour 2022, si bien que nous ne disposerons d'une première estimation fine qu'au mois de juin prochain. Je ne peux donc pas m'avancer sur des chiffres précis, mais le nombre de communes et d'EPCI éligibles au filet de sécurité pour l'année 2022 serait a priori supérieur à celui des collectivités ayant déjà reçu un acompte à ce titre. Si ce nombre était finalement inférieur, cela signifierait que moins de communes et d'EPCI rentreraient dans le cadre du dispositif voté par le Parlement, ce qui serait plutôt une bonne nouvelle.

En tout état de cause, je vous transmettrai ces estimations dès que j'en disposerai.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Vous pourriez déjà nous transmettre les données au 31 mars ?

M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Comme je l'indiquais, nous manquions encore, au 31 mars, de nombreuses données, mais ce dont nous disposions semblait indiquer que les communes et EPCI éligibles au filet de sécurité seraient plus nombreux que les 4 100 collectivités auxquelles un acompte a été versé en 2022.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il ne faudrait pas nous faire le coup à chaque fois !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. - En ce qui concerne le plan de relance, la France pourra recevoir jusqu'à 40,3 milliards d'euros de subventions dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR), dont 37,5 milliards de subventions au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) et 2,8 milliards d'euros de subventions au titre du programme REPowerEU. Depuis l'adoption du PNRR français en 2021, la France a reçu deux versements, le premier de 5,1 milliards d'euros en août 2021 et le second de 7,4 milliards d'euros en mars 2022 à la suite du dépôt de la première demande de paiement en novembre 2021, soit un montant total de 12,5 milliards d'euros.

M. Jérôme Bascher. - De mémoire, il me semble que, lors du vote du PLR pour 2021, le groupe Les Républicains s'était abstenu. Si le PLR est une photographie, vous avez été pris en excès de report, monsieur le ministre, car vous n'avez pas respecté la Lolf. Bis repetita non placent. En prévoyant une épargne de précaution dans les lois de finances, en sus de la réserve de précaution qui est déjà prévue par la loi organique, vous contrevenez à l'esprit de cette dernière. S'il doit y avoir des ajustements en cours d'année, ces derniers doivent être votés dans le cadre de lois de finances rectificatives.

En cela, les projets de loi de règlement que vous nous présentez sont des photographies de vos excès de pouvoir. Je vous demande d'en prendre acte.

Mme Isabelle Briquet. - Le PLR pour 2021 que vous nous présentez comporte-t-il des évolutions qui permettront son adoption ?

Je note à mon tour des reports de crédits importants dans le PLR pour 2022. Est-il envisagé de limiter cette pratique qui nuit à la lisibilité des comptes, puisque l'amélioration du solde repose grandement sur ces reports et non sur des économies ?

Comptez-vous nous présenter une nouvelle loi de programmation des finances publiques (LPFP) ?

En ce qui concerne le filet de sécurité, il serait intéressant de connaître le nombre de communes qui doivent rembourser l'acompte qui leur a été versé parce qu'elles ne rentrent plus dans les critères. Certaines d'entre elles se trouvent de ce fait en difficulté. Cette situation est-elle due à une évolution des critères ou à une précipitation à proposer aux collectivités de bénéficier de ces acomptes ?

M. Stéphane Sautarel. - Je crains moi aussi que des collectivités ne se trouvent en difficulté du fait du critère relatif à l'épargne brute, qui méconnaît le haut degré de responsabilité dont les collectivités ont fait preuve, et que, de ce fait, le filet de sécurité relève davantage de l'effet d'annonce que du véritable soutien.

Au regard des résultats favorables constatés dans ce projet de loi de règlement pour 2022, avez-vous l'intention d'accélérer le désendettement ?

En dépit de la volonté affichée de sortir du « quoi qu'il en coûte », j'estime enfin que l'objectif de réduction du déficit et de l'endettement par une meilleure maîtrise de la dépense n'est guère engagé dans le projet de loi de règlement pour 2022.

M. Claude Raynal, président. - Vous avez indiqué que la ristourne généralisée sur le carburant avait coûté 8 milliards d'euros. Je crois que l'on peut dire que l'instauration de ce dispositif n'était pas une très bonne idée. En dépit de l'accord dont il a fait l'objet avec les LR de l'Assemblée nationale, il n'a d'ailleurs pas reçu beaucoup de soutien au Sénat. En effet, non seulement il paraît un peu dépassé de financer le carburant aujourd'hui, mais il aurait été plus judicieux de cibler les publics qui avaient le plus besoin d'être aidés.

Vous vous êtes par ailleurs interrogé sur le bien-fondé des lois de règlement. Je rappelle que dans le cadre de la dernière réforme de la Lolf, l'option de ne plus y recourir n'a pas été retenue, bien au contraire. La loi de règlement a d'ailleurs été renommée à cette occasion loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année.

Pouvez-vous nous indiquer si un décret d'avance ou une loi de finances rectificative pourrait nous être présenté d'ici à l'été ? Le ministre des armées a en effet indiqué dans la presse qu'une dépense supplémentaire de 1,5 milliard d'euros serait nécessaire au titre de 2023, en évoquant un « rectificatif budgétaire » pour le budget des armées, et l'inflation pourrait être à l'origine d'autres demandes.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. - La ristourne sur le carburant était-elle une erreur ? Nous avons toujours assumé le caractère temporaire de cette mesure, que, pour ma part, je ne regrette pas. J'observe que les dispositifs ciblés suscitent le ressentiment d'une partie des Français qui travaillent et qui ne bénéficient pas de ces aides, alors que d'autres Français qui ne travaillent pas en bénéficient. La ristourne a permis de leur donner un coup de pouce, y compris à ces Français qui peuvent être en colère.

De même, il nous a semblé plus opportun de mettre en oeuvre le trimestre anti-inflation pour tous les consommateurs qui souhaitent en bénéficier plutôt que des aides ciblées ou des chèques.

Je ne préconise pas la suppression des projets de loi de règlement. Je constate simplement que lorsque les oppositions ne souhaitent pas leur adoption, quand bien même on ne peut rien changer à ces textes qui ne font que prendre acte de l'exécution, leur rejet ne fait obstacle ni à la présentation du PLF suivant ni à la certification des comptes.

Pour vous répondre, madame Briquet, le PLR pour 2021 ne comporte pas de modifications susceptibles de faire changer le vote, tout simplement parce qu'on ne peut pas changer le passé.

Monsieur Bascher, j'estime qu'il est de bonne gestion, dans un moment de crise, de calibrer des dispositifs pour aider les différents publics qui ont besoin de soutien, même si - je le répète - notre objectif est de diminuer les reports.

En ce qui concerne la LPFP, dont je rappelle qu'elle a bien été adoptée par le Sénat, même si votre assemblée avait revu le projet du Gouvernement, la Première ministre a annoncé dans sa feuille de route qu'un nouveau projet serait présenté en juillet. Pour vous répondre, monsieur Sautarel, nous avons revu la trajectoire dans le cadre du programme de stabilité.

Nous accélérons le rythme de retour sous la barre des 3 % de déficit, tout comme le rythme de désendettement : la LPFP prévoyait un déficit à 2,9 % en 2027, nous passons à 2,7 %, et nous visons une diminution du ratio dette/produit intérieur brut dès 2026. La LPFP sera bien présentée à nouveau.

Concernant le filet de sécurité de 2022 pour les collectivités, certaines d'entre elles ont reçu un acompte, alors que leur perte de capacité d'autofinancement a finalement été moins importante que celle qui a été retenue pour bénéficier de ce filet de sécurité. Nous aurons les chiffres exacts à disposition en juin. Sur 80 % des comptes de gestion remontés, 4 838 collectivités peuvent bénéficier du filet de sécurité, tandis que 4 178 collectivités ont reçu un acompte à la fin de 2022.

Les critères ont été décidés par le Parlement : le dispositif a été fixé par votre collègue députée socialiste Mme Pires Beaune, il a été adopté à l'unanimité des groupes de l'Assemblée nationale, puis a été parfait au Sénat, grâce aux travaux de la majorité sénatoriale et de l'ensemble des groupes. Le critère de perte de 25 % de capacité d'autofinancement a ainsi été retenu pour être éligible au filet de sécurité. Finalement, si moins de communes sont éligibles, c'est que moins de communes ont acté une perte de capacité d'autofinancement supérieure à 25 %, ce qui est plutôt une bonne nouvelle.

J'ai demandé aux directions départementales des finances publiques d'attendre de savoir si les communes ayant reçu un acompte en 2022, sans être finalement éligibles au filet de sécurité pour 2022, y seront éligibles en 2023 avant d'avoir à rembourser. Les critères ont été revus, car le critère de perte de capacité d'autofinancement est désormais de 15 %. Notre objectif n'est pas de déstabiliser les collectivités locales. Nous y verrons plus clair en juin prochain.

M. Claude Raynal, président. - Avant que vous ne me répondiez sur le décret d'avance, je donne la parole à M. Segouin.

M. Vincent Segouin. - Ma première question est autant destinée au ministre qu'au Président de la commission. Vous nous avez dit, dans votre démonstration, que la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés (IS) entraîne une hausse des recettes au titre de ce même impôt... est-ce à dire que trop d'impôt tue l'impôt ?

Ma seconde question porte sur le chèque carburant : son coût aurait été de 8 milliards d'euros, mais quelles sont les recettes réelles pour l'État liées à l'augmentation des prix des carburants ?

M. Claude Raynal, président. - Trop d'impôt tue l'impôt ? Je précise que j'avais voté la baisse à 25 % du taux de l'IS, sous François Hollande, selon le principe suivant : ramener le taux d'imposition au niveau de la moyenne européenne.

Baisser les impôts fait-il que l'économie se porte mieux et que les recettes fiscales augmentent ? Le sujet mériterait d'être étudié de près. Inflation prise en compte, les recettes sont en fait similaires à celles d'il y a dix ans, quand le taux d'IS était de 33 %. Si nous voulions montrer l'intérêt de la baisse du taux d'IS, il faudrait attendre quelques années de plus : il s'agit de savoir si les ressources supplémentaires liées à la baisse de l'IS se traduisent par des investissements, et donc des chiffres d'affaires et des marges accrus, entraînant des recettes fiscales supplémentaires. Deux ans seulement après la baisse de l'IS, la mesure n'explique pas tout.

À cause des crises successives, les entreprises ont versé des acomptes faibles parce qu'elles anticipaient des résultats inférieurs à ce qui ont été finalement constatés. La résilience de l'économie française a d'ailleurs été une surprise. Nous constaterons les chiffres réels quand la situation économique sera stabilisée. Ce taux de 25 %, moyenne européenne, reste bienvenu pour la compétitivité de nos entreprises. En tirer des réflexions trop hâtives me paraît relever plus d'un dogme que de la réalité. Le ministre nous dira sans doute l'inverse.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. - Nous avons ce débat très souvent avec le président Raynal. Je le rejoins sur le fait que quelques années de recul sont nécessaires pour mesurer pleinement les effets de cette baisse. Cependant, avec un taux d'IS historiquement faible, l'année dernière, les recettes ont été historiquement hautes - voilà qui est factuel. J'espère que nous faisons la démonstration que quand on taxe moins un gâteau qui grossit, on reçoit plus que quand on surtaxe un gâteau qui rétrécit.

Par ailleurs, en baissant les impôts qui pèsent sur les entreprises, nous ne devenons pas pour autant un paradis fiscal. Sur les 38 pays de l'OCDE, nous sommes, après le Danemark, le deuxième pays avec le plus fort taux de prélèvements obligatoires, et ce malgré la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la baisse de l'IS.

M. Vincent Éblé. - Vous mélangez imposition des entreprises et imposition globale !

M. Gabriel Attal, ministre délégué. - En France, tout le monde paie plus que chez nos voisins. Arrêtons de dire que la France est un paradis fiscal, ce n'est pas le cas.

Nous sommes le dernier pays européen à avoir un impôt national sur la fortune ; notre taux marginal est de 45 %, avec une contribution exceptionnelle pour les très hauts revenus qui devait être temporaire et qui dure depuis 13 ans, faisant que le taux marginal réel est plutôt de 49 % ; enfin notre contribution sociale généralisée (CSG) est progressive.

À ce stade, nous ne prévoyons pas de décret d'avance ou de projet de loi de finances rectificative autre que le PLFR de fin de gestion. J'espère qu'il n'y aura pas de crise d'ici là. Les dépenses liées à la situation géopolitique - vous avez cité les 1,5 milliard d'euros pour l'armée - pourront être régularisées en fin de gestion. Le ministère des armées dispose cette année d'une marge de 3 milliards d'euros, ce qui permettra d'absorber un certain nombre de dépenses.

Concernant les recettes fiscales, je demanderai une réévaluation à mes équipes. Cependant, en 2022, le surcroît de taxes lié à la hausse des prix du carburant était évalué entre 3,5 et 4 milliards d'euros ; la ristourne a coûté le double. L'État ne s'est donc pas enrichi grâce à l'inflation, notamment au regard de toutes les dépenses consenties : bouclier sur le prix de l'électricité et du gaz, guichet pour les entreprises, aides aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux très petites entreprises (TPE), ristourne puis aide sur le carburant. Nous avons dépensé beaucoup plus que nous avons reçu de surcroît de taxes lié à l'inflation.

M. Claude Raynal, président. - Je vous remercie, monsieur le ministre, pour vos réponses.

II. AUDITION DE MME CARINE CAMBY, PRÉSIDENTE DE LA PREMIÈRE CHAMBRE DE LA COUR DES COMPTES ET MEMBRE DU HAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES (24 MAI 2023)

Réunie le mercredi 24 mai 2023, sous la présidence de M. Vincent Éblé, vice-président, la commission a entendu Mme Carine CAMBY, présidente de la première chambre de la Cour des comptes et membre du Haut Conseil des finances publiques, sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux résultats de la gestion budgétaire de l'exercice 2022, la certification des comptes de l'État pour l'exercice 2022 et les avis du Haut Conseil des finances publiques sur les projets de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année pour 2021 et pour 2022.

M. Vincent Éblé, président. - Nous entendons ce matin Mme Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes et membre du Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Vous venez nous présenter quatre documents : le rapport sur le budget de l'État (RBDE) en 2022 ; l'acte de certification des comptes de l'État en 2022 ; enfin les avis du HCFP sur les projets de loi de règlement pour 2021 et 2022.

Ces documents permettent d'avoir un regard très complet sur les comptes publics et plus particulièrement sur les comptes de l'État en 2022. Le rapport de la Cour, accompagné de 64 notes d'exécution budgétaire (NEB), offre une analyse extrêmement riche de l'ensemble des dépenses et recettes de l'État. L'acte de certification des comptes de l'État valide le caractère globalement sincère des comptes, avec toutefois des réserves notables et persistantes ; ce n'est pas une simple formalité : la Cour a ainsi refusé cette année de certifier les comptes de la branche famille de la Sécurité sociale et de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Enfin l'avis du HCFP sur le projet de loi de règlement pour 2022 rappelle l'état très dégradé de nos finances publiques.

Après l'audition du ministre chargé des comptes publics Gabriel Attal le 2 mai dernier, votre audition s'inscrit dans le cadre des travaux de la commission sur le contrôle de l'exécution 2022, dans la perspective de l'examen du projet de loi de règlement, qui devrait avoir lieu au début du mois de juillet en séance publique. Contrairement à l'an dernier, le projet de loi de règlement a en effet été présenté dès le 13 avril, ce qui nous donne plus de temps pour l'examiner. Nous devrons également examiner une seconde fois le projet de loi de règlement pour 2021, rejeté l'an passé et déposé à nouveau par le Gouvernement.

Mme Carine Camby, présidente de la première chambre de la Cour des comptes et membre du Haut Conseil des finances publiques. - Le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, s'excuse de ne pouvoir être présent devant vous ce matin. Il me revient donc de vous présenter les rapports de la Cour des comptes et l'avis du HCFP.

La publication de ces rapports est un moment majeur pour la Cour des comptes et pour ses magistrats, qui sont attachés à leur mission d'assistance au Parlement dans le contrôle de l'exécution budgétaire. Les principaux artisans de ces travaux sont présents à mes côtés : MM. Giannesini, Vareille et Vazeille, ainsi que Mme Aeberhardt, pour le RBDE, M. Soubeyran, pour la certification des comptes de l'État et M. Éric Dubois, rapporteur général du HCFP.

Il convient de retenir quatre idées fortes dans le RBDE. Ce rapport fait apparaître le maintien d'un niveau élevé de déficit, qui pèse sur le volume de la dette, alors même que l'inflation en a augmenté le coût ; il fait aussi apparaître le dynamisme exceptionnel des recettes de l'État qui, en raison d'une forte progression des dépenses, n'a pas contribué à la réduction de notre déficit ; il contient des recommandations pour améliorer la lisibilité du budget et renforcer la portée de l'autorisation parlementaire ; enfin, il identifie des risques pour l'avenir, notamment le poids grandissant des lois de programmation sectorielles prévoyant des crédits supplémentaires pour certaines politiques publiques, ainsi que l'impact attendu de la hausse des taux d'intérêt sur la charge de la dette.

Le premier message du rapport est celui d'un déficit toujours élevé, d'une progression continue de l'endettement et d'une forte hausse de la charge de la dette.

En 2022, le déficit du budget de l'État s'est établi à 151,4 milliards d'euros, en légère baisse par rapport à 2021, où il avait atteint plus de 170 milliards. Malgré cette baisse, le déficit se maintient à un niveau très élevé par rapport aux années antérieures : il était de 92,7 milliards d'euros en 2019.

Je rappelle, en ma qualité de membre du HCFP, que le solde de l'ensemble des comptes publics, c'est-à-dire non seulement de l'État, mais aussi de ses opérateurs, des administrations de sécurité sociale et des collectivités territoriales et de leurs opérateurs, représente encore un déficit de 4,7 points de PIB en 2022 contre 6,5 points l'année précédente.

Quant au solde structurel, où les effets de la conjoncture sont neutralisés, ainsi que les mesures temporaires, il s'élève à 3,4 points de PIB potentiel. Même s'il s'est nettement réduit par rapport à 2021, quand il atteignait 4,4 points de PIB potentiel, une nette réduction de ce déficit structurel est encore indispensable pour réduire l'exposition de la France à un risque d'insoutenabilité de sa dette. En effet, l'évaluation du déficit structurel présentée par le Gouvernement pour 2022 est supérieure de 2,6 points à la prévision retenue dans la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Cet écart est très nettement supérieur à 0,5 point de PIB, ce qui justifierait le déclenchement du mécanisme de correction si la clause de circonstances exceptionnelles ne s'appliquait pas. Je rappelle que la Commission européenne a d'ores et déjà proposé de lever au 1er janvier 2024 la clause dérogatoire générale au cadre budgétaire européen.

Le HCFP invite par conséquent dans son avis le Gouvernement à préciser rapidement les conditions de levée de la clause de circonstances exceptionnelles ainsi que son calendrier.

J'en reviens maintenant au budget de l'État. En conséquence du niveau élevé de son déficit, la dette à moyen et long terme de l'État a continué sa progression. Le volume de dette a augmenté de 24 % en trois ans, passant de 1 823 milliards d'euros fin 2019 à 2 278 milliards d'euros fin 2022. Le besoin de financement demeure élevé, à 280 milliards d'euros en 2022 ; il est supérieur de 60 milliards d'euros à celui de 2019.

Dans un contexte de forte inflation et d'augmentation des taux d'intérêt, la charge de la dette constitue un point d'attention essentiel. Une première augmentation de la charge de la dette avait été observée en 2021, mais elle s'était limitée à 2 milliards d'euros. L'année 2022 marque une rupture très nette, puisque la charge de la dette a progressé de 13,2 milliards d'euros pour atteindre 50,7 milliards d'euros, soit une augmentation de 35 %. Cette augmentation n'avait d'ailleurs pas été anticipée par la loi de finances initiale pour 2022, qui prévoyait une charge de 38,7 milliards d'euros.

Le principal facteur de hausse n'est cependant pas, à ce stade, la hausse des taux, dont les effets ne se font pas encore sentir sur le stock de dette, mais l'inflation, qui s'est traduite par une augmentation de 11,9 milliards d'euros de la provision pour charge d'indexation des titres indexés sur l'inflation.

Afin de limiter l'accroissement de la charge de la dette dans ce contexte de reprise de l'inflation, la Cour recommande d'actualiser rapidement la doctrine sur les conditions d'émission des titres indexés.

La hausse des taux, si elle devait être durable, pourrait cependant exercer à long terme une pression bien supérieure à celle de l'inflation sur la charge de la dette et réduire en conséquence nos marges de manoeuvre budgétaires. L'impact de la remontée des taux d'intérêt sera appelé à peser davantage à partir de l'exercice 2023. L'Agence France Trésor estime ainsi qu'une hausse de 100 points de base des taux d'intérêt renchérit la charge d'intérêts de 2,5 milliards d'euros la première année, 6,1 milliards la deuxième année et de 29,5 milliards à l'horizon de dix ans. L'impact serait considérable et limiterait drastiquement les marges de manoeuvre.

Le second message de ce rapport est le dynamisme des recettes.

Après une forte progression en 2021, les recettes du budget général augmentent encore de 32,3 milliards d'euros en 2022, atteignant des niveaux exceptionnels. Cette progression s'explique non par des mesures nouvelles, mais par la forte augmentation spontanée des recettes fiscales, qui ont atteint 323 milliards d'euros, soit leur plus haut niveau historique.

Cette croissance a notamment été tirée par la hausse du rendement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA. Elle est d'autant plus notable que le rendement de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) a baissé de 4,9 milliards d'euros dans le cadre de la mise en place du bouclier tarifaire et qu'un transfert supplémentaire de TVA de 3,6 milliards d'euros a été opéré au bénéfice de l'audiovisuel public, pour compenser la suppression de la contribution qui lui était affectée.

Comme lors des deux exercices précédents, le rapport fait apparaître un enjeu d'amélioration des prévisions de recettes fiscales et de meilleure information sur les facteurs d'évolution des recettes dans les documents budgétaires. L'écart positif en recettes observé entre l'exécution et la dernière estimation de la loi de finances rectificative de fin d'année est en effet substantiel, de l'ordre de 7,5 milliards d'euros.

La Cour recommande donc de fournir de manière précise dans les documents budgétaires, à l'occasion des lois de finances rectificatives, les éléments justifiant, pour chacun des grands impôts, les nouvelles estimations de recettes fiscales et l'origine des écarts avec les prévisions en loi de finances initiale.

L'année 2022 a été marquée par une nouvelle augmentation des dépenses de l'État, malgré le net reflux des dépenses d'urgence sanitaire et de relance. La Cour constate que la France n'est pas sortie du « quoi qu'il en coûte », au risque de créer une situation anormale de dépendance à la dépense. Les dépenses du budget général ont augmenté de 33 % depuis 2019.

L'année 2022 s'est en effet caractérisée par un choc inflationniste et par les conséquences de la guerre en Ukraine, qui ont conduit le Gouvernement à adapter en cours d'année la programmation budgétaire de la loi de finances initiale.

Ainsi, malgré une baisse de 47,3 milliards d'euros des dépenses d'urgence sanitaire et de relance, les dépenses du budget général de l'État ont progressé de 19 milliards d'euros en 2022. Hors urgence et relance, l'augmentation des dépenses en 2022 est donc de 66,3 milliards d'euros, dont 12 milliards pour les mesures « énergie » et « inflation », 10,5 milliards de dotations en vue de la renationalisation intégrale d'EDF et 13,2 milliards de charge supplémentaire d'intérêt de la dette. Les autres dépenses sont en hausse de 31 milliards d'euros par rapport à 2021 ; cette augmentation correspond à celle de la dépense ordinaire de l'État : dépenses de fonctionnement et masse salariale.

En matière de dépenses de personnel, les effectifs ont connu une baisse notable et inattendue - la loi de finances initiale pour 2022 prévoyait une augmentation nette du nombre d'emplois, mais les effectifs de l'État ont diminué en 2022 de 5 765 équivalents temps plein (ETP), plus fortement qu'en 2021. Ces diminutions se concentrent surtout sur les ministères de l'éducation, de l'économie, des armées et de la transition écologique. En dépit de cette situation, qui semble témoigner d'une attractivité réduite de l'emploi public, les dépenses de personnel atteignent 138,8 milliards d'euros, dont 94,5 milliards de rémunérations et 44,4 milliards de contributions au compte d'affectation spéciale Pensions. L'augmentation des rémunérations découle de la revalorisation du point d'indice, qui pèse pour 1,4 milliard d'euros en 2022, et de mesures catégorielles, à hauteur de 1 milliard d'euros.

Enfin, le coût des dépenses fiscales connaît une augmentation de 4,6 milliards d'euros en 2022, pour atteindre un total de 94,2 milliards d'euros, principalement sous l'effet de la très forte hausse du coût du régime de taxation forfaitaire au tonnage des entreprises de transport maritime.

La maîtrise des dépenses fiscales constitue donc toujours un enjeu important du pilotage budgétaire. À ce titre, la Cour constate à nouveau le caractère inopérant des mécanismes destinés à en stabiliser le nombre - qui est de 465 dans la loi de finances pour 2023 - et le coût ; les évaluations de leur efficacité qui étaient prévues n'ont dans l'ensemble pas été réalisées.

En troisième lieu, je souhaite attirer votre attention sur deux points relatifs à l'autorisation parlementaire donnée en loi de finances.

Premièrement, le rapport met en lumière la poursuite du cycle de sous-consommation et de reports de crédits, commencé en 2020 et poursuivi en 2021.

Dans le contexte de la crise sanitaire, puis énergétique, le Gouvernement a inscrit en lois de finances initiales et rectificatives des enveloppes de crédits larges, au-delà des besoins prévisibles. Cette situation a conduit à une sous-consommation de crédits de 24,6 milliards d'euros en 2022, comme en 2021, après 37,5 milliards en 2020.

Ces crédits, au lieu d'être annulés, ont été en grande partie reportés sur l'exercice suivant. Les reports ont atteint 23,2 milliards d'euros en 2021 et s'élèvent à 18,7 milliards en 2022, soit des niveaux très supérieurs aux valeurs antérieures. Ces pratiques portent atteinte au principe d'annualité du budget et interrogent sur le respect du principe de spécialité, dans la mesure où les redéploiements massifs permis par les reports sont susceptibles de bénéficier à d'autres politiques publiques que celles qui avaient justifié leur autorisation initiale.

La Cour recommande donc de n'ouvrir en lois de finances initiale et rectificatives que les crédits nécessaires à l'exercice en cours. Elle recommande également de limiter strictement les reports de crédits et d'apurer les autorisations d'engagement affectées à des opérations d'investissement devenues sans objet, pour une gestion budgétaire plus rigoureuse.

Second point, le budget vert, auquel le rapport consacre un développement spécifique.

Depuis 2020, le Gouvernement publie une annexe au projet de loi de finances portant sur l'impact environnemental du budget de l'État, dont une partie est communément appelée budget vert et qui revient à une démarche de cotation. Cette avancée importante nous place parmi les pays qui font le plus d'efforts pour identifier ce type de dépenses.

Pour autant, la Cour estime que le budget vert connaît plusieurs limites et doit encore progresser. Seules 10 % des dépenses sont cotées favorables ou défavorables ; les 90 % restants sont donc des dépenses soit « neutres » soit non cotées. La Cour publiera prochainement un rapport spécifique sur ce sujet.

Dernier point, le rapport pointe la complexification croissante des relations financières entre l'État et les autres administrations publiques à la faveur de la crise sanitaire. Le montant total transféré par l'État aux collectivités a atteint 143,1 milliards d'euros en 2022, soit une hausse de 2,4 %, qui s'explique notamment par l'effet des nouvelles affectations de fractions de TVA en compensation des réformes fiscales récentes : suppression de la taxe d'habitation, baisse des impôts de production.

Comme la Cour l'a rappelé dans son rapport public annuel 2023, le financement prépondérant des collectivités par la voie d'affectation d'impôts et de prélèvements sur recettes offre à ces collectivités des ressources dynamiques, notamment la TVA, mais limite les possibilités de régulation budgétaire de l'État

La TVA devient ainsi une ressource déterminante de la protection sociale, laquelle n'est plus financée par des cotisations que pour la moitié de ses recettes. Elle représente ainsi 60 % des 95 milliards d'euros d'impôts et taxes affectés à la protection sociale. Par ailleurs, le budget général de l'État finance également des prestations sociales versées par les caisses d'allocations familiales (CAF) pour un montant de 42 milliards d'euros en 2022. Si l'on prend en compte l'objectif de lisibilité et de consentement à l'impôt, ces circuits financiers sont encore trop opaques.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur les risques pesant sur la trajectoire budgétaire à venir de notre pays.

L'analyse de l'exécution du budget de 2022 met en lumière trois grands risques susceptibles d'affecter la soutenabilité des finances publiques au cours du prochain exercice.

D'abord, les reports des crédits restent importants et se traduisent par des restes à payer très significatifs. En 2023, les reports non consommés s'élèvent à 8,3 milliards d'euros hors fonds de concours et attributions de produits, contre 1 à 2 milliards d'euros avant la crise. Autorisés par la dernière loi de finances initiale, les reports concernent quarante programmes. Ce nombre important d'exemptions ne peut plus se justifier, comme précédemment, par l'incertitude découlant de la crise sanitaire.

Ensuite, les restes à payer atteignent 214 milliards d'euros à la fin de 2022, en augmentation très sensible.

Enfin, les lois de programmation sectorielles, au nombre de cinq, rigidifient drastiquement la dépense. Elles représenteront en effet 20 % du budget en 2023 et contraindront fortement à l'avenir les autres dépenses.

Un dernier mot sur la certification du compte général de l'État.

En premier lieu, il convient de rappeler que, pour la première fois depuis que la Cour certifie les comptes de l'État, les comptes de l'exercice 2021 n'ont pas été approuvés par le Parlement, comme cela a été déjà dit. Même si l'administration a trouvé une solution comptable pour présenter le résultat 2021 qui n'a pas pu être « affecté » à ce jour, ce n'est pas une bonne pratique.

En deuxième lieu, la Cour a constaté un certain progrès dans la qualité des comptes, puisqu'elle ne relève plus désormais que quatre anomalies significatives, contre cinq pour 2021. La levée de ces anomalies, qui portent sur des points de principe, est donc aujourd'hui à la portée de l'État.

Pour autant, le nombre d'insuffisances d'éléments probants a augmenté cette année, au nombre de treize contre dix en 2021. Ces observations correspondent à des situations dans lesquelles la Cour n'est pas en mesure de se prononcer au vu de l'information apportée par l'administration. Il s'agit par exemple du montant des engagements de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État, des charges relatives aux boucliers tarifaires déployés en 2022 ou de la valeur du patrimoine immobilier de l'État.

En troisième lieu, les comptes de l'État, qui appliquent pour l'essentiel les principes de la comptabilité d'entreprise, apportent des enseignements complémentaires intéressants, car ils sont basés sur les droits et obligations de l'État et pas seulement sur les flux de trésorerie.

Ainsi, alors que le déficit de l'État s'est amélioré de 19 milliards d'euros en comptabilité budgétaire, il s'est dégradé au contraire du même montant en comptabilité générale, pour atteindre 160 milliards d'euros.

Je voudrais souligner que les charges de fonctionnement de l'État sont en hausse, alors que les charges d'intervention sont restées stables.

Quant au bilan de l'État, il fait ressortir une insuffisance d'actif de 1 758 milliards d'euros et un endettement financier net de 2 519 milliards d'euros, contre 2 368 milliards un an plus tôt.

Enfin, les engagements hors bilan atteignent 4 000 milliards d'euros au 31 décembre 2022.

En conclusion, la Cour certifie avec réserve que le compte général de l'État est, au regard du recueil des normes comptables de l'État, régulier et sincère, et qu'il donne une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de l'État.

M. Vincent Éblé, président. - Je vous remercie, madame la présidente. La Cour indique dans son rapport qu'« il est peu probable qu'au cours des prochaines années les recettes fiscales affichent le même dynamisme ». Considérez-vous que l'élasticité très forte des recettes à la croissance connue en 2022, soit 2,2, risque de ne pas se reproduire ? Par ailleurs, le Gouvernement nous dit régulièrement que la diminution des taux de l'impôt sur les sociétés (IS) permet aux entreprises d'améliorer leur situation et, finalement, d'accroître les recettes d'IS. Vos analyses vous permettent-elles d'apprécier, ou non, un tel effet ?

Un écart important entre la prévision et l'exécution concerne la part de la charge de la dette relative aux titres indexés : en raison de l'inflation, ces derniers ont coûté 15,5 milliards d'euros, alors que le coût prévisionnel était de 4,1 milliards. Vous proposez de développer et d'actualiser la documentation publique sur les modalités de recours aux titres de dette indexés. En quoi le suivi de ces titres est-il insuffisant ? Cela permettrait-il de réduire l'exposition de la charge de la dette aux aléas de l'inflation ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Merci, madame la présidente, pour votre présentation, même si elle ne me rassure pas. Elle s'inscrit, en effet, dans le droit fil de nos observations. Lors du dernier débat budgétaire, le ministre nous expliquait que le budget était « à l'euro près »... Que signifie cette expression au regard de la largesse inédite des reports de crédits, laquelle est pour l'instant passée sous les radars de l'actualité ? Avec ces reports et la remontée des taux, notre budget est en quelque sorte « en apesanteur », et l'atterrissage risque d'être particulièrement douloureux.

Nous avions émis des réserves sur le budget vert de l'État. Quand on veut se lancer sur un tel sujet, il faut prendre son temps pour mesurer réellement l'empreinte écologique et environnementale de nos dépenses. Ne se prononcer que sur 10 % de ces dépenses n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Il faut dire clairement la vérité sur les chiffres, même si elle est douloureuse, car ils conditionnent nos choix pour l'avenir. On propose aux assemblées de voter des lois de programmation dans de nombreux domaines. La réalité vient percuter notre envie de toujours davantage de dépenses. Il faut accepter de reconsidérer les choses afin d'éviter un effet de dépendance à la dépense publique qui se traduit par la dégradation de nos comptes publics et l'envolée des déficits.

En ce qui concerne les dépenses, que pensez-vous de la « revue des dépenses publiques » annoncée par le ministre pour produire « plusieurs milliards d'euros d'économies », sachant que le déficit devrait être de 165 milliards d'euros ?

S'agissant des prévisions de recettes, vous recommandez que le Gouvernement présente des informations plus détaillées pour justifier les hypothèses retenues dans les collectifs budgétaires. Quelles sont, selon vous, les raisons profondes des écarts constatés entre les prévisions faites, notamment dans les derniers mois de l'année, et les recettes effectivement constatées ? Des changements de méthode sont-ils nécessaires ?

La certification des comptes est un gage de la bonne tenue des comptes. La Cour des comptes a ainsi refusé cette année de certifier les comptes de la branche famille de la sécurité sociale et de la Caisse nationale des allocations familiales. S'agissant de l'État, vous avez bien certifié la régularité et la sincérité des comptes, mais avec plusieurs réserves notables, qui portent notamment sur la comptabilisation des participations de l'État dans EDF et dans la Caisse des dépôts et consignations. Pourquoi le Gouvernement ne suit-il pas les recommandations que vous faites à ce sujet, et que vous faisiez déjà les années passées ? Que doit-on en déduire et que pourrait-on proposer ?

Mme Carine Camby. - J'évoquerai d'abord le dynamisme des recettes fiscales, qui dépassent les prévisions de 27 milliards d'euros. Ce rebond s'explique : par l'effet de l'inflation, qui a pesé sur la TVA, en augmentation de 9,4 %, soit 1,6 fois plus vite que la croissance du PIB en valeur ; par l'impact de l'impôt sur le revenu, à hauteur de 11 milliards d'euros, qui est lié aux augmentations de salaire ; et, surtout, par le rendement de l'impôt sur les sociétés. En 2021, le bénéfice fiscal des entreprises a augmenté de 41 %, une hausse importante liée à la croissance très forte et aux aides dont elles ont bénéficié. On constate d'ailleurs que les acomptes de la fin d'année 2022 n'ont pas diminué, ce qui montre que les anticipations des entreprises sur la poursuite de l'activité économique sont assez favorables.

Les deux baisses concernent la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE), à cause du bouclier tarifaire énergétique, et la redevance audiovisuelle. L'évolution reste néanmoins très positive.

Va-t-elle se poursuivre en ce sens ? Probablement pas. Les anticipations, dont nous rendrons compte dans le rapport qui paraîtra en juin prochain sur la situation des finances publiques, montrent que l'élasticité des recettes fiscales en 2023 devrait, du fait de la baisse de la croissance, être inférieure à 1, contrairement à cette année.

Les répercussions de l'inflation sur la charge de la dette sont doubles : elle produit un effet volume, lié à l'importante augmentation de l'encours, et entraîne la constitution de provisions pour charge d'indexation dans les comptes de l'État, qui correspondent à l'indexation des coupons qui seront versés aux détenteurs des titres au cours des mois à venir.

L'effet taux en 2022 est nul, mais il pèsera en 2023. Le recul attendu de l'inflation pourrait entraîner une diminution de la charge d'intérêts liée aux obligations indexées, en revanche l'effet taux deviendra prépondérant dans l'augmentation de la charge de la dette l'an prochain.

Pourquoi l'Agence France Trésor continue-t-elle en cette période d'inflation d'émettre des obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATi) ? Cela correspond à une demande de certains investisseurs du fait d'un besoin de refinancement sur des titres en fonction de l'évolution de l'inflation. Le volume reste à peu près constant : les obligations indexées représentent environ 10 % de l'ensemble de la dette. Ce poids est relativement faible. Néanmoins, la Cour a recommandé d'actualiser la doctrine de l'Agence France Trésor sur les conditions d'émission des titres indexés, car cette doctrine est ancienne, antérieure au choc d'inflation. Cette mise à jour est en cours.

La précision des prévisions budgétaires était compliquée en période de fin de crise sanitaire et d'évolution forte de la situation internationale à la suite du choc entraîné par la guerre en Ukraine. L'inflation, préalable mais accentuée par l'augmentation des coûts de l'énergie, a rendu nécessaires des réajustements en cours d'année. Pour cette raison sans doute, il a fallu rédiger un décret d'avance et faire adopter deux lois de finances rectificatives.

Néanmoins, des sous-consommations très importantes de crédits sont constatées, principalement sur le plan de relance, qui ne va pas aussi vite que prévu, et sur la mission « Économie ». Dans cette dernière, l'aide aux entreprises énergo-intensives, par exemple, n'a pas du tout été consommée au niveau budgété. D'autres sous-consommations ont été plus ponctuelles, comme sur le plan d'aide aux demandeurs d'emploi de longue durée. Beaucoup de mises en réserve ont donc eu lieu.

Comment améliorer la situation ? La conjoncture se stabilise, donc nous pouvons espérer que les prévisions seront plus fiables, ce qu'elles doivent être. Les revues de dépenses permettront peut-être d'y voir plus clair au niveau de certains postes budgétaires ; le montant des économies ainsi attendues n'est pas connu précisément. Les évaluations sont en cours. Dans celles que réalise la Cour, des marges de manoeuvre sont identifiées sur certaines politiques publiques, par exemple sur les dépenses fiscales, un sujet qui revient depuis longtemps, ou sur certains budgets importants, comme les aides au logement.

Certes conçues pour réaliser des économies, les revues de dépenses ont aussi pour but d'améliorer la qualité de la dépense, donc l'atteinte de résultats. Dépenser moins est nécessaire, mais dépenser mieux l'est tout autant.

L'endettement a augmenté de 24 % en trois ans : il est devenu considérable. Avec la hausse des taux d'intérêt, nous enregistrerons certainement une augmentation de la charge de la dette, probablement après 2023, du fait du renouvellement des émissions d'obligations. Les conséquences sont majeures : il y aura beaucoup à faire pour revenir à une trajectoire plus proche de celle figurant dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 - la Cour, au travers de son président, appelle de ses voeux l'adoption d'un tel texte - ou pour s'inscrire dans les perspectives énoncées par la Commission européenne au sujet des nouvelles règles budgétaires.

Pour revenir à 3 % de déficit public en 2027, le Haut Conseil des finances publiques a eu l'occasion de rappeler qu'il faudrait, du fait du poids des dépenses rigidifiés par les lois de programmation, que les autres dépenses de l'État baissent de 1,4 % en volume chaque année. Cet effort paraît difficile compte tenu de ce que nous connaissons de la dynamique de la dépense publique. Aucun précédent ne permet de nous rassurer sur l'atteinte de cet objectif.

Je n'ai pas de réponse facile à vous donner au sujet des changements de méthode pour calculer les recettes : des instruments, notamment au niveau de la direction générale des finances publiques (DGFiP), doivent permettre d'appréhender plus tôt et plus finement les évolutions d'assiette qui expliquent le meilleur rendement constaté de l'impôt.

Je reviens à présent sur les deux réserves indiquées dans l'acte de certification.

En premier lieu, le désaccord avec la direction générale du Trésor sur la façon d'intégrer dans les comptes la participation de l'État à la Caisse des dépôts et consignations est très ancien. Cette question de classement comptable est technique, mais la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, a quelque peu modifié la donne : certaines dispositions précisent que le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations est nommé par le Gouvernement, rapprochant ainsi cette caisse de l'État. Nous ne sommes pas d'accord avec la direction générale du Trésor sur ce qu'il convient de retenir dans les comptes de l'État.

En second lieu, un certain nombre de titres n'appartiennent pas à l'État dans les comptes d'EDF ; ils n'ont pas été déduits de l'assiette qui permet d'intégrer la valeur d'équivalence dans les comptes de l'État. Nous pourrons progresser dans les années qui viennent sur ce point : je ne suis pas très inquiète.

M. Jérôme Bascher. - Concernant l'autorisation parlementaire, si le Premier président appelle à une nouvelle loi de programmation des finances publiques, nous appelons pour notre part au respect des textes : l'effort structurel n'ayant pas été au rendez-vous, il aurait fallu réviser la programmation actuelle. Or cela n'a pas été fait. Pourtant, dès la première année, il y a eu dérive. Vous le rappelez en soulignant que la loi de finances rectificative s'est éloignée plus encore de l'atterrissage constaté : ni la loi organique ni la loi de programmation des finances publiques n'ont été respectées.

Autant nous pouvions comprendre l'explosion des reports de crédits en 2020 du fait de la situation exceptionnelle, autant en 2022 ces reports ne se justifient plus. En outre, vous soulignez que les restes à payer, encore plus importants, ne cessent également de s'accroître. C'est une dérive complète de nos finances publiques.

Je vous invite à lire un rapport que j'ai commis sur le fait que la dette en OAT indexées sur l'inflation, depuis sa création en 1998 à laquelle j'ai modestement participé, a aujourd'hui encore un solde positif. Cela a été longtemps un bénéfice pour la charge de la dette. Tout cela a été gommé en 2022.

Qui détient les OAT indexées ? La Caisse des dépôts et consignations, qui en a besoin comme collatéral pour les livrets A et pour protéger son équilibre actif-passif. Ce sont nos économies. Je ne suis donc pas totalement d'accord avec vos recommandations.

Dès cette année peut-être, la dette française sera la première dette européenne en niveau, plus élevée encore que l'italienne. Son coût relativement modeste à l'heure actuelle provient de sa seule liquidité ; il ne faut donc surtout pas changer de politique sur l'émission, sinon le marché ne nous ferait plus confiance. Dans un autre rapport que j'ai commis, relatif aux OAT vertes, j'ai souligné la chance qui a été la nôtre d'avoir longtemps été le premier émetteur de dette verte. Cela participe à écouler notre dette.

La force de nos émissions de dette provient de la liquidité de cette dernière, de sa taille, de sa profondeur, de la diversité des produits et non, hélas, de la crédibilité de notre trajectoire de finances publiques.

M. Marc Laménie. - Vous avez raison d'insister sur la complexité du lien entre l'État et les collectivités territoriales. Les concours de l'État à ces dernières représentent 143 milliards d'euros. La question de l'autonomie financière des collectivités se pose. Comment voyez-vous l'évolution de ce partenariat entre État et collectivités ?

Concernant les recettes, la fraude représente un manque à gagner : peut-on estimer son montant ?

Mme Isabelle Briquet. - Les reports de crédits sont élevés. Je vous remercie d'avoir rappelé les principes d'annualité et de spécialité budgétaires : si l'État les respectait, nous pourrions y voir plus clair dans les comptes.

Les recettes sont dynamiques, mais la dépense l'est également. La charge de la dette s'accroît et l'effet de la hausse des taux d'intérêt sera bientôt sensible. Les besoins pour financer la transition écologique sont importants. Est-il donc judicieux, alors que de nouvelles baisses d'impôt sont annoncées, de se priver de recettes par un désarmement fiscal continu depuis plusieurs années ?

M. Michel Canévet. - Comment expliquer la très forte augmentation des restes à payer entre 2020 et 2022 ? Vous l'avez indiqué dans votre propos introductif, la Cour des comptes publiera un rapport spécifique sur le budget vert. Selon Les Échos, elle préconiserait la réduction du cheptel bovin en France. À l'heure où nous devons préserver notre souveraineté alimentaire et défendre notre tissu rural, cela m'inquiète. Qu'en est-il ?

M. Stéphane Sautarel. - Je voulais aussi vous interroger sur le rapport de la Cour des comptes sur l'élevage, qui suscite bien des inquiétudes dans le monde rural.

Le budget est très déséquilibré et fragile. Les inconnues et les facteurs de risques sont nombreux. On évoque un mur de la dette en 2023, dans la mesure où le niveau de refinancement sera très élevé. Pourtant la hausse des taux n'est pas encore sensible...

Vous avez insisté sur le dynamisme des dépenses fiscales. Quelle est leur part relative dans l'évolution de la dépense ?

Enfin, depuis 2021, une part de TVA est transférée aux collectivités locales. La contrepartie des dégrèvements d'impôts baisse : c'est inquiétant car les dégrèvements permettent de conserver une territorialité de l'impôt et de suivre sa dynamique. C'était le sens de nos propositions lors de la réforme de la CVAE, sans effet. Leur baisse est donc un facteur d'inquiétude pour la dynamique des ressources des collectivités et leur autonomie.

M. Christian Bilhac. - L'exercice budgétaire de 2022 peut se résumer ainsi : 160 milliards d'euros de déficit et le non-respect des grands principes de la comptabilité publique !

En ce qui concerne les recettes fiscales, l'écart entre les prévisions et la réalisation constatée lors de la loi de règlement était devenu une tradition, qui permettait de se réjouir d'une hausse des recettes fiscales en fin d'année, mais vu l'optimisme des prévisions actuelles, je crois qu'il faut s'attendre à de cruelles surprises... Les dépenses du budget général augmentent de 33 % par rapport à leur niveau de 2019, c'est considérable ! Or avec la fin du covid et des dépenses de soutien, il aurait été possible de faire des économies de l'ordre de 47 milliards d'euros et d'en réaffecter une partie aux autres missions de l'État. Mais ce n'est pas ce qui a été fait. Comment expliquer la hausse des reports de crédits qui atteignent le niveau de 8 % ? Les concours aux collectivités sont en hausse - 143 milliards d'euros au total -, mais il s'agit d'une évolution en trompe-l'oeil, car les transferts de charges sont élevés et cette hausse ne fait que compenser les suppressions d'impôts !

M. Daniel Breuiller. - Je souscris aux propos de Christian Bilhac sur les dégrèvements. Le budget vert est certes un outil imparfait, mais il a le mérite d'exister. Je ne comprends pas pourquoi les dépenses d'aide à l'achat de carburant pendant la crise pétrolière ne figurent pas dans les dépenses brunes. Dès lors, je m'interroge sur l'efficacité d'un dispositif qui ne sait pas faire la distinction entre les dépenses vertes et brunes. Je préfère le rapport de Jean Pisani-Ferry. La situation est préoccupante. La transition écologique est nécessaire. Peut-on la réaliser sans recettes supplémentaires ? Les coûts de la non-adaptation de notre pays à la crise climatique seront considérables demain. Mieux vaut donc investir dès aujourd'hui.

M. Arnaud Bazin. - Je voulais vous interroger sur le maintien d'émissions d'obligations indexées sur l'inflation, mais j'ai entendu l'exposé de M. Bascher. Les acheteurs de ces obligations sont-ils bien ceux que M. Bascher a indiqués ? Il ne faudrait pas que ces obligations constituent une opportunité de trouver des revenus supplémentaires pour des investisseurs privés.

S'agissant des transferts de l'État aux collectivités, les contreparties de dégrèvements s'élevaient à plus de 20 milliards d'euros en 2020 ; elles n'atteignent plus que 7 milliards en 2022. Comment expliquer cette baisse ?

Mme Carine Camby. - La Cour dit non pas qu'il faut réduire le recours aux obligations indexées sur l'inflation, mais qu'il faut préciser leur doctrine d'emploi dans un contexte de hausse de l'inflation, quitte à maintenir leur niveau si elles répondent aux besoins de certains organismes, et notamment de la Caisse des dépôts. Ces obligations s'inscrivent dans une stratégie de l'Agence France Trésor pour diversifier ses instruments de financement, mais la hausse de l'inflation et des taux d'intérêt incite à la prudence.

S'agissant du respect de la loi de programmation des finances publiques, la question est la sortie programmée normalement pour la fin de l'année de la clause de circonstances exceptionnelles, selon des modalités en cours de négociation, mais qui aboutira à contraindre nos finances publiques encore davantage, car la France devra s'engager dans une trajectoire de finances publiques exigeante visant à passer sous la barre des 3 % de déficit en 2027.

Je ne saurais vous donner un chiffrage de la fraude. En effet, la DGFiP ne mesure pas l'écart fiscal, c'est-à-dire la différence entre ce que rapporteraient les impôts sans la fraude et ce qu'ils rapportent réellement. La DGFiP mène des travaux en ce sens, notamment depuis l'annonce du ministre chargé des comptes publics sur la lutte contre la fraude fiscale.

Sur la baisse des impôts, le Premier président de la Cour des comptes a dit qu'il était difficilement envisageable de programmer des baisses d'impôts qui ne soient pas intégralement compensées. Il faut rappeler aussi que le taux de prélèvements obligatoires en France est le plus élevé de la zone euro. La marge de manoeuvre est donc limitée, tant pour créer de nouveaux impôts que pour les baisser.

L'essentiel des restes à payer vient des crédits non affectés et des reports de crédits. En particulier, le plan France Relance n'a pas été exécuté comme il était prévu et cela explique la moitié du solde des restes à payer.

Les transferts de l'État aux collectivités territoriales se décomposent en trois tiers : les prélèvements sur recettes, la fiscalité transférée et la TVA transférée. La part des dépenses budgétaires est faible. La Cour des comptes publiera bientôt un rapport sur la situation des finances publiques locales. La situation financière des collectivités est très hétérogène, avec de fortes disparités, mais dans l'ensemble elle n'est pas mauvaise, l'État ayant largement compensé les baisses de recettes. Nous avions d'ailleurs remis l'an dernier à votre commission un rapport sur les scénarios de financement des collectivités territoriales.

En ce qui concerne les dégrèvements, il y a certes eu le problème lié à la suppression de la taxe d'habitation, mais dans l'ensemble la situation est équilibrée. Si l'on compare les pertes de fiscalité et les transferts correspondants, on observe une symétrie. Les transferts de TVA à la suite de la réforme de la TH et des impôts de production sont même plus élevés que les suppressions d'impôts correspondantes.

Enfin, les mesures sur l'énergie, qui étaient cotées neutres en 2022, devraient être cotées brunes en 2023, du moins en partie. La direction du budget est volontariste sur ce sujet. Elle s'efforce de coter le plus de dépenses possible. Encore faut-il qu'elle dispose de tous les éléments que possèdent les ministères. On peut donc espérer des améliorations.

M. Vincent Éblé, président. - Je vous remercie.

III. EXAMEN EN COMMISSION (28 JUIN 2023)

Réunie le mercredi 28 juin 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Jean-François Husson, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 et le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022.

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec le rapport de M. Husson, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021 et le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Une fois n'est pas coutume, je vous présente ce matin mon rapport sur deux projets de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes, l'un pour 2021 et l'autre pour 2022.

La procédure est d'autant plus extraordinaire que le premier texte est en substance identique à celui qui a été présenté - et rejeté - à l'été 2022 par les deux chambres. Alors que le Sénat n'avait pas adopté le texte dès la première lecture, l'Assemblée nationale l'avait suivi en lecture définitive.

Je vous épargnerai une présentation exhaustive du texte : vous m'avez déjà entendu l'an dernier et rien n'a changé ou presque. Ainsi, l'article liminaire a très légèrement évolué pour tenir compte des chiffres les plus à jour de l'Insee. Il est utile de préciser néanmoins que le rejet du texte a eu pour effet la mise en place par la direction générale des finances publiques (DGFiP) de procédures comptables spécifiques dans le bilan de l'État. Si cela ne remet pas en cause la certification des comptes par la Cour des comptes, un nouveau rejet pourrait toutefois causer des difficultés dans la gestion de certains comptes spéciaux, car l'absence de loi de règlement a pour effet le report automatique de leur solde, ce qui n'a guère de sens. C'est une conséquence de la loi organique, qu'il serait peut-être utile de retoucher sur ce point un jour.

En tout état de cause, ce qui a justifié le rejet de ce texte l'an dernier est toujours d'actualité : dans un contexte de reprise économique, les comptes publics de la France restent profondément dégradés. Pour ce qui concerne le budget de l'État, les dépenses atteignaient un niveau historiquement élevé, sans que l'on ait le sentiment que cela constitue une situation exceptionnelle et temporaire. Du point de vue de la procédure budgétaire, le montant extraordinaire des reports de crédits de 2020 vers 2021 était très contestable, avec plus de 36 milliards d'euros, et cette pratique est devenue une habitude. Enfin, ce vote était cohérent avec le fait que le Sénat n'avait pas voté la loi de finances initiale pour 2021. Je vous proposerai donc, une nouvelle fois, de ne pas adopter ce projet de loi de règlement pour 2021.

Autant le dire tout de suite, j'aurai le même avis défavorable sur le projet de loi de règlement pour 2022.

Du point de vue macroéconomique, les chiffres arrêtés par l'Insee pour l'année passée sont le reflet d'un monde imprévisible, secoué par des crises multiples dont les effets s'entremêlent.

Ainsi, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022, j'avais souligné le caractère « légèrement optimiste » de la prévision du Gouvernement, qui anticipait une croissance de 4 %.

Les experts de la Banque de France, du Consensus Forecasts et du Fonds monétaire international (FMI) prévoyaient quant à eux des taux inférieurs et plusieurs incertitudes pesaient sur la prévision de croissance comme, par exemple, l'ampleur de la reprise post-covid-19. Le déclenchement de la guerre en Ukraine en début d'année 2022 a constitué un aléa relativement imprévisible et aux effets majeurs sur nos économies. Ses conséquences ont été immédiates et très lourdes pour notre économie : augmentation drastique des prix du gaz et de l'électricité, forte inflation et incertitudes géopolitiques.

Alors que le Gouvernement avait revu sa prévision de croissance à la baisse, en la ramenant de 4 % à 2,5 % au cours de la loi de finances rectificative de l'été, puis à 2,7 % lors du collectif budgétaire de fin d'année, elle s'est finalement établie à 2,5 %.

Comme des travaux de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) l'ont bien montré, la hausse des prix de l'énergie a joué un rôle prépondérant dans cette contre-performance et a réduit la croissance de 1,5 point de pourcentage. Les incertitudes géopolitiques ont quant à elles joué pour 0,5 point, et la remontée des taux d'intérêt et la persistance de la crise sanitaire pour 0,4 point. À l'inverse, les mesures budgétaires mises en place par l'État pour soutenir le pouvoir d'achat ont permis de soutenir la croissance de 0,9 point. En ce qui concerne les déterminants de la croissance, l'Insee nous indique que la consommation des ménages a contribué pour 1,7 point, et l'investissement des entreprises pour 0,5 point.

J'observe là aussi un écart notable entre ces chiffres et les prévisions des conjoncturistes au début de l'année 2022. Cet écart permet de visualiser l'impact important des augmentations du prix de l'énergie et de l'accélération de l'inflation sur les dépenses des ménages. Ce phénomène s'est traduit par une contraction de la consommation de biens, en particulier en ce qui concerne les produits alimentaires et la consommation de gaz.

L'inflation s'est quant à elle nettement accélérée en 2022 pour atteindre un taux moyen annuel de 5,2 %. Cette situation s'explique en partie par la reprise économique post-covid-19, mais surtout par la hausse du coût de l'énergie, largement importée.

J'observe néanmoins que des facteurs internes ont également joué sur le niveau de l'inflation. Ainsi, en 2023, sa dynamique est de moins en moins expliquée par les prix de l'énergie et de plus en plus par des facteurs comme l'alimentation ou les services. C'est un sujet qui doit nous préoccuper. Je constate que le Gouvernement s'emploie à stabiliser le niveau de l'inflation, puisque certaines mesures seront maintenues au cours de l'été, ce qui n'était pas initialement programmé.

Face à l'inflation, l'État a mis en oeuvre un nombre conséquent de mesures de soutien pour un montant total d'environ 38 milliards d'euros. Comme le montrent les comparaisons internationales, ces mesures ont effectivement permis de limiter l'accélération des prix et d'afficher un taux d'inflation relativement plus faible en France que chez nos partenaires.

Je souhaite maintenant vous faire part de mon analyse de la situation des finances publiques en France pour l'année 2022. Cette situation, inquiétante, me pousse à réitérer l'appel à une prise de conscience et à une action immédiate pour éviter sa dégradation.

Commençons par les chiffres. Le déficit public pour 2022 est égal à 124,5 milliards d'euros, soit 4,7 % du PIB. Je note une amélioration par rapport à la prévision du Gouvernement lors de l'examen de la loi de finances initiale, mais n'oublions pas que nous restons très éloignés des objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022. Pour rappel, nous nous étions engagés à contenir le déficit public à 0,3 % du PIB en 2022.

Je tiens à souligner que la survenue des crises sanitaire et énergétique ne suffit pas à expliquer cet écart. Le Gouvernement n'a pas tenu ses promesses de maîtrise des dépenses publiques depuis les événements des « gilets jaunes » à l'automne 2018.

Concernant l'endettement public, celui-ci s'est établi à 111,8 % du PIB en 2022. Si nous observons une diminution par rapport à l'année précédente, ne nous y trompons pas : cette réduction n'est pas le fruit d'une gestion plus rigoureuse des dépenses, mais bien d'une croissance plus dynamique du PIB par rapport à celle de la dette.

Ainsi, si nous nous comparons à nos voisins, nous maintenons des déficits parmi les plus élevés depuis 2020 et nous présentons un niveau d'endettement parmi les plus importants. Il est urgent d'agir.

En ce qui concerne les dépenses publiques, elles ont atteint 1 520 milliards d'euros en 2022. Il est alarmant de constater que le rythme d'augmentation des dépenses hors mesures de crise durant le quinquennat 2018-2022 a été plus rapide qu'au cours du quinquennat 2012-2017.

Je note, en particulier, la hausse de près de 16 milliards d'euros de la charge des intérêts de la dette, qui doit nous alerter sur les risques que nous prenons à financer nos dépenses à crédit : les conditions de financement pour la France ont changé, ce qui nous oblige à agir plus vite sur notre niveau de dépenses, mais aussi à maintenir la confiance des marchés en présentant une trajectoire de maîtrise des comptes volontaire et crédible.

Par ailleurs, l'année 2022 a été marquée par de bonnes surprises puisque les recettes fiscales ont augmenté bien plus rapidement que la croissance du PIB. Cependant, il serait imprudent de compter sur de tels vents favorables à l'avenir, d'autant que l'on constate des signes de ralentissement de l'économie au second semestre de cette année. Il est donc urgent de prendre des mesures concrètes pour réduire le déficit structurel.

J'en viens à présent au budget de l'État, dont le déficit s'établit en 2022 à 151,4 milliards d'euros. Le Gouvernement souligne une amélioration de près de 20 milliards d'euros par rapport à 2021, alors qu'un déficit aussi élevé - pour la troisième année consécutive - peut difficilement constituer un motif de satisfaction. Si le déficit est proche de la prévision initiale, c'est que les prévisions de dégradation du déficit faites en cours d'année ne se sont pas vérifiées.

La différence est particulièrement frappante avec la prévision de la dernière loi de finances rectificative, promulguée le 1er décembre 2022 : elle anticipait encore un déficit de 171 milliards d'euros, en raison d'une surestimation des dépenses comme d'une sous-estimation des recettes, sur lesquelles je reviendrai.

Ces écarts sont très importants depuis trois ans. Auparavant, la prévision de la loi de finances rectificative de fin d'année était très peu différente du déficit finalement constaté.

Par rapport à 2021, le solde ne s'améliore que parce que les dépenses du plan d'urgence et du plan de relance sont en voie progressive d'extinction, ce qui est la conséquence naturelle de l'éloignement de la crise sanitaire. En revanche, les autres dépenses sont en très forte augmentation avec, notamment, la mise en oeuvre d'un nouveau cycle de mesures de soutien aux ménages et aux entreprises, en réponse, cette fois, à la reprise de l'inflation et aux conséquences de la guerre en Ukraine. Parallèlement, les recettes progressent de manière significative avec la reprise économique.

En combinant ces effets, on voit à quel point l'écart entre les recettes et les dépenses s'élargit au fil des années. Le surcroît des dépenses nettes par rapport aux recettes nettes du budget général, qui était de 28,9 % au début du précédent quinquennat, est désormais de 55 % : le pic de la crise sanitaire, à 79,6 %, n'a été que très partiellement résorbé.

Or les signes ne sont pas rassurants pour l'avenir. Par exemple, l'amélioration du solde en comptabilité budgétaire s'accompagne, en sens inverse, d'une dégradation de 19 milliards d'euros du compte de résultat, qui passe de 141 milliards d'euros en 2021 à 160 milliards d'euros en 2022. Cela signifie en fait que les décisions prises en 2022 ont une conséquence sur les dépenses futures et engagent l'avenir.

Cela rejoint les constats de la Cour des comptes sur la multiplication des lois de programmation sectorielles, qui limitent les possibilités de moduler les dépenses sur un plan annuel.

Un autre exemple du poids de la manière dont les décisions présentes et passées contraignent les dépenses futures est le montant des restes à payer, c'est-à-dire le montant des autorisations d'engagement non encore couvertes par des crédits de paiement. Ils ont augmenté de 87 % entre 2017 et 2022. Je n'y intègre pas les 163,1 milliards d'euros de restes à payer qui résultent de la création artificielle du programme d'amortissement de la dette covid-19, car on ne compte habituellement pas la dette parmi les restes à payer.

Pourtant, la dette constitue bien, elle-même, un poids sur le futur et sa charge est repartie à la hausse : huit années de baisse ont été effacées en deux ans. En outre, il ne s'agit pour l'instant que de l'impact de l'inflation sur la dette indexée : dans les années à venir, il faudra compter avec l'effet progressif de la hausse des taux sur le renouvellement des titres.

J'en viens à la présentation des recettes et des dépenses. Les recettes fiscales nettes progressent en 2022, sous l'effet de la reprise économique. Si l'augmentation est de 18,2 % en deux ans, elle est moins spectaculaire à moyen terme puisque, en euros constants, le niveau des recettes est comparable à celui de 2017. La raison principale en est la chute de la recette issue de la TVA, en raison des nombreux transferts de TVA à d'autres entités : sécurité sociale, collectivités territoriales et, depuis l'an dernier, l'audiovisuel public.

Par rapport à la prévision de la loi de finances initiale, l'augmentation est de 35,7 milliards d'euros, soit plus de 12 %, dont une part significative correspond à une estimation insuffisante réalisée en fin d'année, à une période où la plupart des recettes sont pourtant déjà connues. L'écart est moindre qu'en 2021, mais il demeure tout de même très significatif, pour la troisième année consécutive, alors même qu'aucune crise particulière n'a eu lieu en fin d'année. Il est donc nécessaire, comme le recommande la Cour des comptes, de mieux analyser ces difficultés de prévision.

Parmi les impôts, c'est l'impôt sur les sociétés qui présente les plus gros écarts entre prévision et exécution, car il porte sur les bénéfices, qui sont très sensibles à la conjoncture. Les autres grands impôts portent plutôt sur le montant absolu des revenus ou de la valeur ajoutée, qui varie moins rapidement en proportion. Si le niveau de l'impôt sur les sociétés peut paraître très élevé en 2022, avec 62,1 milliards d'euros, il faut rappeler qu'il connaît des cycles hauts et des cycles bas : en 2007 et 2008, il atteignait un niveau comparable en euros constants.

Par ailleurs, les recettes non fiscales augmentent depuis deux ans en raison principalement des versements européens au titre du plan de relance. Toutefois, je veux souligner un cas particulier : la hausse très importante du produit de la vente des quotas carbone. Alors que leur produit était négligeable il y a quelques années, la hausse du cours du carbone a assuré des rentrées de 1,4 milliard d'euros pour l'État en 2022, sans compter les 481 millions d'euros affectés à l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Cette ressource est amenée à croître, voire à se multiplier, dans les années à venir et elle devra contribuer au financement de la transition écologique.

Alors que l'État ne voit pas ses recettes augmenter à moyen terme, on pourrait croire qu'il limite ses dépenses en conséquence. Malheureusement, ce n'est pas le cas. Au contraire, les dépenses sont en hausse et parallèlement, le Gouvernement généralise l'usage de procédures d'exception qui rendent le budget de moins en moins lisible et affaiblissent la portée de l'autorisation parlementaire.

Sur le moyen terme, la progression des dépenses est très claire. Alors que l'année 2010 avait constitué une exception, le niveau des dépenses revenant rapidement à son niveau antérieur en euros constants, ce n'est pas le cas avec la crise de 2020, qui a marqué non pas un pic, mais un nouveau plancher de dépenses, situé presque un quart au-dessus du niveau de 2019.

Sur l'année 2022, les diminutions significatives portent uniquement sur les missions « Plan de relance » et surtout « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».

Les principales hausses relèvent des différents effets directs ou indirects de l'inflation. Il s'agit, d'une part, d'effets mécaniques, avec par exemple une hausse de la charge de la dette de 13,2 milliards d'euros, et, d'autre part, de nombreuses mesures qui ont été décidées pour soutenir le pouvoir d'achat des ménages ou aider les entreprises. La nationalisation d'EDF représente également des dépenses de 10,5 milliards d'euros sur la mission « Économie ». Le coût des mesures de soutien au pouvoir d'achat des ménages et des entreprises a été estimé par la Cour des comptes à 11,1 milliards d'euros, dont 7,7 milliards d'euros pour les remises sur les prix des carburants et 1,3 milliard d'euros pour le bouclier tarifaire sur le gaz.

Les dépenses de personnel sont marquées par deux mouvements contraires. Les effectifs de l'État sont en baisse de 5 844 équivalents temps plein (ETP). Il ne s'agit pas d'un choix résolu de réduction des effectifs de la part du Gouvernement, car la loi de finances initiale prévoyait plutôt une augmentation de 767 ETP. La raison est plus inquiétante : certains ministères, notamment l'éducation nationale et les armées, ont des difficultés à recruter et à remplacer les partants. Parallèlement, la masse salariale, en revanche, poursuit son augmentation, en raison principalement de la hausse du point d'indice.

Je termine par des observations sur l'écart croissant entre le budget tel qu'il est présenté en loi de finances initiale et la réalité des dépenses effectuées. Je citerai plusieurs exemples.

J'ai parlé des recettes et des dépenses. Non seulement elles sont éloignées de l'autorisation parlementaire, mais certaines mesures votées dans les lois de finances rectificatives ont été mises en oeuvre de manière non satisfaisante et cela concerne, dans deux cas au moins, des initiatives du Sénat.

Premièrement, le Parlement a adopté, dans la loi de finances rectificative du 16 août 2022, la création d'un programme doté de 50 millions d'euros pour la mise en place d'une carte Vitale biométrique. 4,3 millions d'euros seulement ont été utilisés pour de simples études, et le programme a été supprimé dans la loi de finances pour 2023 : pour ce programme, contrairement à d'autres, les crédits sont annulés et non pas reportés.

Deuxièmement, la seconde loi de finances rectificative a retenu, pour un montant de 100 millions d'euros, deux amendements adoptés par le Sénat qui tendaient à financer à parts égales le réseau routier des collectivités et leurs ouvrages d'art, c'est-à-dire les ponts. Si 50 millions d'euros ont bien été confiés au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) pour financer les ouvrages d'art des collectivités, les 50 millions d'euros qui devaient être affectés au réseau routier de ces mêmes collectivités ont été réorientés en gestion par l'exécutif sur le financement des ouvrages d'art du réseau routier national. C'est proprement scandaleux et je ne manquerai pas d'interpeller le ministre sur ce point. En effet, cela signifie que les accords conclus en commission mixte paritaire ne sont pas respectés.

Autre exemple d'écart entre l'autorisation parlementaire et l'exécution, les reports de crédits sont devenus une procédure ordinaire pour les crédits non consommés. Je vous en parlais déjà pour l'année 2021, mais une nouveauté en 2022 est qu'une partie de ces crédits n'ont été reportés que pour équilibrer artificiellement le décret du 21 avril 2022, ce que nous avions d'ailleurs noté au moment de l'examen de ce projet ; les autres crédits annulés à cette occasion ont été rétablis par la loi de finances rectificative du 16 août, ce qui confirme le caractère purement formel des annulations.

Enfin, la création d'un programme censé rembourser la dette covid-19 ne réduit pas réellement la dette puisque ce programme ouvre des crédits d'un côté pour rembourser des titres de dette de l'autre. Ce faisant, il brouille la notion d'autorisations d'engagement et vide les restes à payer de leur signification : il est donc de plus en plus difficile de savoir quels sont les engagements budgétaires pour les années à venir.

M. Claude Raynal, président. - Comme l'a fait remarquer Vincent Delahaye pendant votre intervention, le déflateur correspond au rapport entre la variation en valeur et en volume. Ainsi, au troisième trimestre 2022, le déflateur des importations s'élève à 7,3 et celui du PIB à 0,5, ce qui signifie que l'inflation est essentiellement liée aux importations et peu à la production interne. Ce phénomène s'inverse d'ailleurs à partir du dernier trimestre 2022 : on passe à une inflation propre à la France, et non plus seulement une inflation d'importation.

M. Éric Bocquet. - Le rapporteur général indique que l'inflation est en partie liée aux coûts de l'énergie. C'est incontestable ; cependant, selon une note du FMI récemment publiée, l'inflation serait due pour moitié à la hausse des profits des entreprises. Dans un tweet, le FMI précise : « La hausse des bénéfices des entreprises a été le principal moteur de l'inflation en Europe au cours des deux dernières années, les entreprises ayant augmenté leurs prix au-delà de la flambée des coûts de l'énergie importée. ». Ce constat vient après celui de la Banque centrale européenne (BCE), de l'Insee et de l'Autorité de la concurrence. Le rapporteur intègre-t-il cette donnée dans sa réflexion ?

Depuis des décennies, on nous rebat les oreilles avec la dette publique, car nous risquerions de perdre la confiance des marchés : en réalité, nous aurions dû la perdre depuis 1975, puisque depuis cette date, notre déficit est constaté chaque année. La France vit à découvert depuis quarante-huit ans. Depuis 1998, 10 % des titres de cette dette sont indexés sur l'inflation. Était-ce une bonne idée ? On parle de 13 milliards d'euros d'intérêts supplémentaires cette année. Cette hausse est-elle essentiellement liée aux obligations assimilables du Trésor indexées sur l'inflation (OATi) ? La France empruntera à nouveau cette année 270 milliards d'euros. Je n'ai pas le sentiment d'une panique à l'agence France Trésor ! Chaque émission donne lieu à des propositions fort intéressantes des marchés financiers. Il semble que nous pouvons continuer à vivre à découvert très longtemps. On paie des intérêts et on réemprunte chaque année ; vous connaissez le système.

M. Vincent Delahaye. - En effet, le terme « déflateur » manque de clarté : parler de la part de l'inflation importée et de l'inflation endogène serait peut-être préférable.

Les années que nous venons de vivre étaient exceptionnelles en matière de dépenses. Je remercie le rapporteur général pour son exposé, mais la distinction entre les dépenses ordinaires et les dépenses exceptionnelles, ainsi que leur évolution sur trois années, ne me paraît pas lisible. Il est légitime de décider de dépenses exceptionnelles pendant des années de crise, à condition de revenir rapidement à la normale. J'avais demandé au Gouvernement de distinguer la part du déficit qui provient des dépenses exceptionnelles et celle qui découle des dépenses ordinaires, mais je peine à m'y retrouver.

À la page 9 de la présentation, on lit que le déficit entre les recettes nettes et les dépenses nettes du budget général s'établit à 158 milliards d'euros puis à 151 milliards d'euros. J'ai des difficultés à ce sujet.

J'aimerais entendre le rapporteur général sur l'évolution des restes à payer. Comment expliquer une telle augmentation, en dehors de l'amortissement de la dette covid-19 ? Entraînera-t-elle des conséquences sur la sincérité des comptes de l'État ?

Enfin, les effectifs diminuent tandis que la masse salariale augmente de manière importante. Ces deux phénomènes ne vont pas dans le bon sens.

Je partage le constat d'une situation alarmante des finances publiques depuis plusieurs années. Je n'avais pas voté les lois de finances initiales de 2021 et de 2022 ; je ne voterai donc pas les lois de règlement. Plus largement, le groupe Union Centriste s'abstiendra dans sa majorité sur ces deux lois de règlement.

M. Jérôme Bascher. - Je vous remercie de cette présentation confondante sur l'état de nos finances publiques et du respect de l'autorisation parlementaire. Il ne s'agit pas du tout, comme on peut l'entendre dans nos collectivités, d'une simple photographie de la gestion : ce compte ne respecte pas l'autorisation parlementaire, notamment sur les reports, et nous l'avions déjà signalé en 2021.

Un autre constat inquiétant, qui se répète d'année en année, est la disparition des ETP au moment de la loi de règlement. Diminuer les effectifs doit être une politique assumée : il ne s'agit pas de supprimer les emplois en loi de règlement. Cette manière de procéder a beau être habile, elle n'est pas du tout respectueuse de la LOLF ni des ETP autorisés au titre des fongibilités asymétriques.

J'en viens à la dette covid-19. Contrairement à nos préconisations répétées, elle a été isolée, ce qui crée une comptabilité baroque par rapport à la LOLF, puisque l'on mélange des dépenses en capital et des dépenses ordinaires, ce qui est le propre de l'autorisation budgétaire. Je suis donc furieux et je le signale dans mon rapport spécial.

Pourriez-vous revenir sur la somme des autorisations de paiement non couvertes : de combien a-t-elle augmenté ? Quelle serait la dépense véritable si elle était couverte ?

Enfin, monsieur Bocquet, sur les 13,5 milliards d'euros d'augmentation de la dette, 12,9 milliards sont liés à l'inflation.

Mme Christine Lavarde. - Il est vrai que, dans nos collectivités, lorsque l'on présente un compte administratif, on dit souvent qu'il s'agit d'une photographie de la gestion, qui correspond à ce qui a été validé par le comptable public. Ce compte retrace les flux et la manière dont ils ont été exécutés.

La Cour des comptes a rejeté les comptes de certaines administrations de sécurité sociale, mais a certifié les comptes de l'État. Or la note d'exécution budgétaire de la Cour sur la mission « Écologie » fait place à de nombreuses critiques sur les opérations qui vont à l'encontre des autorisations budgétaires et de l'information du Parlement pour des montants souvent significatifs. Ces critiques sont-elles propres à cette mission, en raison des mouvements liés à l'énergie, ou d'autres missions en font-elles l'objet ? Vous avez cité trois ouvertures de crédits votées en loi de finances rectificative. Certes, ces crédits ne sont pas toujours les plus faciles à consommer.

Le groupe Les Républicains votera contre ce projet de loi de règlement, mais nous hésitons parfois à nous abstenir. Cette année, je voterai contre, car il semble y avoir un décalage important entre ce que nous décidons et ce que nous observons dans la réalité.

M. Didier Rambaud. - Il s'agit d'un projet de loi de règlement, de même que les comptes de gestion ou des comptes administratifs adoptés dans les collectivités permettent de vérifier si les recettes ont été encaissées et les dépenses faites conformément à ce qui a été décidé.

Je ne suis pas surpris d'entendre que vous ne voterez pas cette loi de règlement, puisque vous n'avez pas voté la loi de finances. Cependant, y a-t-il vraiment scandale à examiner cette loi de règlement, dès lors que la Cour des comptes n'a pas relevé d'erreurs ? Vous parlez de recettes estimées « avec une précision insuffisante » : tant mieux, c'est que l'économie se porte mieux que prévu ! Même si le taux de l'impôt sur les sociétés a été réduit, le rendement est supérieur. C'est donc bien sur l'assiette qu'il faut agir. Vous évoquez également des dépenses sur-exécutées : l'année 2022 a été particulière. Le contexte géopolitique et les mesures exceptionnelles comme le bouclier tarifaire l'expliquent facilement.

Il faut relever les contradictions de la classe politique : nous nous accordons tous à reconnaître qu'il faut maîtriser les dépenses et que nos déficits dérivent : mais par où commencer ? Le plus bel exemple peut d'ailleurs s'observer au Sénat, avec la loi de programmation militaire !

Mme Isabelle Briquet. - Ce projet de loi de règlement ressemble fort à celui de 2021, pour lequel nous avions émis un vote négatif. Il en ira de même cette année pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, les mêmes causes entraînant les mêmes effets.

Ce texte présente d'importantes annulations de crédits et un montant de report important. Entre 2013 et 2020, la moyenne s'élevait à 2,2 milliards : nous sommes désormais bien au-delà. La Cour des comptes relève elle-même une atteinte aux principes d'annualité et de spécialité budgétaires. Il y a donc bien un risque d'insincérité des comptes, qui ne nous permet pas d'y voir clair et de dresser les perspectives adéquates.

Par ailleurs, le PLR diffère d'un compte administratif : d'abord, parce que l'exécution ne correspond pas tout à fait à la prévision, ensuite, parce que ces projets de loi de règlement, aussi bien en 2021 qu'en 2022, sont les marqueurs d'une politique de l'offre, que nous ne soutenons pas. Nous ne voterons donc pas ces textes.

M. Stéphane Sautarel. - Ce projet de loi de règlement démontre le non-respect de l'autorisation parlementaire, ce qui pose une difficulté de fond réelle, et la dégradation de nos finances publiques, qui ne peut pas être satisfaisante.

Pourriez-vous nous indiquer le montant brut des recettes fiscales ? En effet, seuls les montants nets sont indiqués.

M. Jean-Claude Requier. - Quelles seraient les conséquences concrètes d'un rejet des lois de règlements, puisque nous semblons prendre cette direction ? Si ces rejets se répétaient durant plusieurs années, quels en seraient les effets à long terme ?

À quelques semaines de la fin de mon mandat, je souhaite ajouter quelques mots sur le déficit, dans la ligne des propos de Vincent Delahaye. Chacun se lamente sur le déficit, puis on n'en parle plus. Personne ne l'a évoqué pendant la campagne présidentielle. L'exécutif comme le législateur répètent qu'il y a trop de dépenses publiques, avant d'annoncer immédiatement après de nouvelles dépenses : c'est assez contradictoire.

Je me permets un rappel historique. Lorsque de Gaulle a été élu en 1958, les finances publiques ne se portaient pas bien. En 1959, il a décidé, pour envoyer un signal fort de rigueur budgétaire, de supprimer la retraite des anciens combattants. Bien sûr, cela a provoqué un tollé et d'immenses manifestations : il a été obligé de la rétablir, mais une telle mesure était fortement symbolique. Certes, nous n'en sommes pas là, mais il faudra peut-être un jour que nous nous décidions à agir et pas seulement de manière symbolique !

M. Patrice Joly. - Le niveau d'endettement nous inquiète pour la souveraineté financière du pays, mais également pour la soutenabilité de nos finances publiques. Qui détient la dette de la France ? Quelle part détiennent respectivement la Banque de France et la BCE ?

France Stratégie nous indique que pour financer les transitions, des montants de l'ordre de 60 milliards d'euros par an devront être réalisés en investissements. Ces investissements représentent aussi un enjeu de soutenabilité des finances publiques à terme : ce seront autant de coûts qui ne seront pas à assumer en matière de dommages climatiques, mais, en outre, ils nous garantiront une économie performante afin de tenir notre place dans la compétition internationale. Le financement doit-il passer par l'emprunt ou par l'impôt ? Monsieur le rapporteur général, quel est votre avis sur les suggestions du dernier rapport de France Stratégie sur le sujet et sur l'idée de M. Pisani-Ferry de procéder à une taxation exceptionnelle sur les revenus et sur le patrimoine ?

M. Jean-François Rapin. - Je souhaite citer un exemple précis sur lequel notre commission aura sans doute à se pencher : la réserve d'ajustement au Brexit. La France s'est battue pour obtenir 700 millions d'euros auprès de la Commission européenne pour compenser les effets du Brexit. Nous peinerons à en dépenser 200 millions, si bien que les 500 millions restants seront réorientés vers d'autres dispositifs. Certes, ce sera le moyen de ne pas les perdre, mais on ne sait pas encore comment ils seront dépensés. Ces mouvements de crédits, à force de centaines de millions d'euros, finissent par former des milliards : c'est une forme de « cavalerie budgétaire » sur laquelle j'appelle l'attention de la commission.

M. Daniel Breuiller. - On constate une baisse des recettes de TVA pour le budget de l'État, car une part croissante est aujourd'hui reversée aux collectivités ou bien sert à compenser la fin de la contribution à l'audiovisuel public. Au regard des déficits actuels, quelles privations de recettes pouvons-nous encore accepter ? La contribution à l'audiovisuel public et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) sont supprimées, sans que l'on se soit interrogé sur les conséquences qui en découleraient.

M. Pisani-Ferry a proposé un impôt transitoire pour les plus aisés d'entre nous, qui sont les plus pollueurs ; Bruno Le Maire répond qu'il n'en est pas question. Pourtant, si j'étais libéral, il me paraîtrait incompréhensible de me priver d'un tel niveau de recettes !

Par ailleurs, je m'interroge sur la sincérité des comptes. Les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ont augmenté de 11 milliards d'euros. Or ce montant comprend 8 milliards d'euros d'aide au carburant : qu'y a-t-il de durable là-dedans ? J'aimerais que l'on appelle les choses par leur nom et que les aides aux carburants fossiles ne soient pas intégrées à une mission dite « Écologie ».

M. Bernard Delcros. - Nous pensions pour notre part que le contexte n'était pas favorable à la suppression de la CVAE dans ce délai, ni de la redevance audiovisuelle de manière sèche : c'est la raison pour laquelle nous avions voté contre ces propositions.

À la page 12 de la présentation, un graphique présente l'évolution des recettes de l'État. L'impôt sur les sociétés progresse fortement, alors que le taux a diminué dans le même temps de 33 % à 25 %. Il serait intéressant de connaître l'évolution des bases d'imposition : en effet, si la recette augmente alors que le taux a baissé, c'est que les bases ont fortement augmenté.

M. Albéric de Montgolfier. - Pour une fois, je suis d'accord avec Éric Bocquet. La plupart des grands États sont endettés : le stock de dette ne me semble donc pas former un sujet d'inquiétude immédiat. En revanche, la charge de la dette annuelle est en effet inquiétante : quand elle deviendra, à brève échéance, le premier poste du budget de l'État, et que son montant sera équivalent à celui de l'impôt sur le revenu, ce seront autant d'hôpitaux, de postes de policiers ou de routes en moins, et ce sera une dépense en pure perte. Sur quels résultats d'inflation le montant de 14 milliards s'appuie-t-il ? Le rapporteur général peut-il confirmer que le coût annuel de la dette deviendra le premier poste de dépenses ? Quand les Français sauront que la totalité de l'impôt sur le revenu sert à payer nos créanciers, je pense qu'ils s'interrogeront sur cette dette...

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous l'avions dit dans le programme de stabilité : la charge de la dette sera le premier poste de dépenses. J'entends dans le débat général un certain nombre d'interlocuteurs dire que la dette n'est pas un problème : mais que l'on parle de dette financière, économique, sociale ou écologique, cela reste une dette. Il ne faut surtout pas laisser nos concitoyens croire que ce n'est pas un problème. Cette situation créera assez rapidement des tensions à la tête de l'Europe : il suffit de regarder les efforts fournis par l'Allemagne, quand la France est toujours à la dérive budgétaire. Certains arbitrages sont rendus au détriment de la France, car il est difficile d'être écoutés lorsque l'on n'est pas dans les meilleures dispositions budgétaires.

S'agissant de l'avis du FMI, le chiffre qu'il avance est agrégé au niveau mondial, et la contribution des salaires dans le niveau de l'inflation est plus importante depuis un semestre.

Lorsque l'économie est tirée vers le haut par une dépense publique abondante, comme on l'a observé lors de la crise de 2008-2009, il en résulte des recettes exceptionnelles et l'État n'est pas toujours le premier perdant.

En 2022, le taux de marge des sociétés non financières a reculé à 31,7 % de la valeur ajoutée contre 34 % en 2021. Ces sociétés n'ont pas toutes augmenté leurs marges.

L'augmentation de la charge de la dette est mécaniquement due à l'inflation. En revanche, la question de la hausse des taux va se poser dans les années à venir.

Monsieur Delahaye, le graphique de la page 9 n'inclut pas les budgets annexes et les comptes spéciaux, d'où la différence avec le déficit budgétaire global. Par ailleurs, le rapport précise que le total des mesures pour soutenir le pouvoir d'achat s'élève à 31,8 milliards d'euros.

Le plan France 2030 contient 19,7 milliards de restes à payer ; pour la défense, ce montant s'élève à 7,7 milliards, et à 4 milliards pour l'écologie, avec le maintien de plusieurs dispositifs d'aides en 2023.

Madame Lavarde, les critiques de la Cour des comptes portent sur un grand nombre de missions, les rapporteurs spéciaux l'ont remarqué. Le décalage entre le vote en loi de finances initiale et l'exécution a tendance à dériver et à atteindre des proportions considérables, ce qui n'est pas rassurant, avec des reports de crédits massifs. Nous avons à la fois de mauvaises estimations des recettes et des dépenses sur-exécutées, tandis que le décret d'avance avait été financé par l'annulation de crédits reportés de l'année précédente.

Monsieur Requier, les conséquences d'un rejet sont surtout comptables. Des procédures spécifiques sont mises en oeuvre. Si les exécutions budgétaires se passaient mieux, il serait peut-être plus simple de voter dans l'esprit qui prévaut lors de l'adoption des comptes administratifs dans les collectivités locales.

Les recettes fiscales brutes s'élevaient à 426 milliards d'euros en 2021 et à 456 milliards d'euros en 2022. Cette augmentation est comparable à celle des recettes nettes.

Vous m'interrogez sur le moyen de financer les besoins liés à la transition énergétique : faut-il passer par l'emprunt, l'impôt ou des taxations exceptionnelles ? Pour ma part, j'estime qu'une évolution générale de tous les acteurs - l'État, mais aussi les collectivités - sera nécessaire. La transition sera donc plus facile à réaliser si l'on s'appuie sur une concertation. Je ne suis pas un fervent défenseur du secrétariat général à la planification écologique, mais il faut effectivement poser clairement la situation afin de déterminer quelle part doit être dévolue à l'État, aux collectivités et au monde économique, y compris à la finance réellement verte. Néanmoins, nous devons rester réalistes : la transition ne doit être ni trop douce ni trop brutale. Rappelez-vous, en effet, la taxe carbone, qui, bien que justifiée, a dû être abandonnée. De même, vous évoquez des recettes nouvelles : je nous souhaite bonne chance, car le niveau des prélèvements obligatoires reste bien plus élevé en France que chez nos partenaires européens. Nous devons agir avec conviction et avec ambition, en suscitant l'envie des Français d'être acteurs de cette phase de transition.

Jean-François Rapin nous a envoyé un message clair : je l'entends.

Monsieur Breuiller, vous comprendrez que je ne suis pas partisan d'une augmentation du niveau global de prélèvements.

Comme vous, je m'interroge sur la sincérité des comptes. Les reports, les autorisations d'engagement non couvertes doivent en effet susciter notre vigilance. Cependant, prenons garde aux injonctions contradictoires. Nous avons en effet tendance à produire des lois de programmation à n'en plus finir, mais, dès lors qu'il faut les mettre en oeuvre, les problèmes apparaissent. Nous devons nous en tenir au principe de réalité, car nous ne pourrons rester indéfiniment en queue de peloton sur un certain nombre d'indicateurs financiers importants.

Enfin, ce sont plutôt les banques centrales nationales que la BCE qui détiennent notre dette.

Pour conclure, je rappelle que je propose de rejeter les deux projets de lois de règlement.

M. Claude Raynal, président. - Je propose de passer au vote.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2021. En conséquence, elle décide de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022. En conséquence, elle décide de ne pas adopter chacun des articles du projet de loi.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl22-684.html


* 1 Audition de la commission des finances du Sénat du 19 octobre 2022 sur les perspectives économiques de la France pour les années 2023 à 2027 - Audition de MM. Maxime Darmet, économiste France à Allianz, Denis Ferrand, directeur général de Coe-Rexecode et Éric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

* 2 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 3 Loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 4 Valeur pour 2021 retraitée (compte général de l'État 2022, p. 9).

* 5 Rapports IGF d'août 2022 et Pisani-Ferry.

* 6 Des primes ou décotes existent même lors de l'émission de nouveaux titres en période de taux positifs, car les coupons servis ont des taux arrondis, selon les cas, à 0,25 % ou 0,1 % et donc non strictement égaux aux taux de marché (voir le rapport annuel de performances sur la mission « Engagements financiers de l'État », annexé au projet de loi de règlement pour 2021).

* 7 Certains actifs ne sont pas ou incomplètement mesurés, par exemple la capacité de l'État à lever les impôts qui garantit les ressources futures, ou le domaine public qui peut également apporter des ressources via la mise en concession.

* 8 Au cours des années précédentes, l'information sectorielle était présentée selon huit grands secteurs, ce qui induisait des traitements importants pour un résultat jugé insuffisamment significatif (voir le rapport d'activité 2022 du Conseil de normalisation des comptes publics, p. 12).

* 9 Cette réévaluation résulte principalement de l'évolution de l'indice des coûts à la construction (TP01).

* 10 Compte général de l'État 2022, Note 3 : Informations sectorielles.

* 11 La valeur d'équivalence de l'État au capital d'EDF, telle qu'inscrite dans le compte général de l'État, est calculée par application de la quote-part de détention directe (80,22 %) dans les capitaux propres consolidés ; cette valeur dépend donc du périmètre retenu pour ces capitaux propres.

* 12 Rapport n° 792 (2021-2022) de M. Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement pour 2021, déposé le 19 juillet 2022.

* 13 Les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés doivent verser quatre acomptes trimestriels au cours de l'exercice, calculés à partir du résultat du dernier exercice clos, et procéder à leur régularisation au début de l'exercice suivant. Le « cinquième acompte » correspond à une modulation du quatrième acompte à laquelle doivent procéder les grandes entreprises en fonction de l'augmentation prévisionnelle de leur résultat dans l'exercice en cours.

* 14 URSSAF, La masse salariale et les effectifs salariés du secteur privé au quatrième trimestre 2022, communiqué de presse, 9 mars 2023.

* 15 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire sur les recettes fiscales nettes en 2021.

* 16 Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'efficacité énergétique, COM/2021/558 final, procédure en cours.

* 17 Trading Economics, EU Carbon Permits.

* 18 D irective n° 2003/87/CE du 13 octobre 2003 établissant un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre dans la communauté européenne (directive SCEQE), article 10.3.

* 19 Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, Les incidences économiques de l'action pour le climat, rapport à la Première ministre, France Stratégie, mai 2023.

* 20 Inspection générale des finances, Enjeux macroéconomiques et budgétaires de la neutralité carbone, août 2022.

* 21 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire relative au prélèvement sur recettes à destination de l'Union européenne, annexée au rapport sur le budget de l'État en 2022.

* 22 Hors mission « Remboursements et dégrèvements ».

* 23 Le déficit budgétaire a été de 92,7 milliards d'euros en 2019, contre 34,7 milliards d'euros en 2007.

* 24 Action 01 « Dette » du programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État ».

* 25 Cour des comptes, rapport sur le budget de l'État, p. 128.

* 26 Compte général de l'État 2022, Note 3 : Informations sectorielles.

* 27  Amendement n° 153 rect. bis, adopté par le Sénat lors de l'examen en première lecture du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022.

* 28 Rapport annuel de performances de la mission « Santé », annexé au projet de loi de règlement pour 2022.

* 29  Amendement n° II-212 rect., adopté par le Sénat lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2022.

* 30  Amendement n° 34 et amendement n° 35, adoptés par le Sénat lors de l'examen en première lecture du seconde projet de loi de finances rectificative pour 2022.

* 31 La loi organique relative aux lois de finances prévoit toutefois, depuis sa révision du 28 décembre 2021, que le montant total des crédits de paiement reportés ne peut excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année. Cette limite représente un montant élevé et, en cas de « nécessité impérieuse d'intérêt national », la loi de finances peut autoriser une dérogation à ce plafond.

* 32 Rapport d'information n° 600 (2021-2022), de Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances sur le projet de décret d'avance relatif au financement du plan de résilience économique et sociale, déposé le 31 mars 2022.

* 33 Hors programme 366 « Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19 ». Ce programme, doté de 200 millions d'euros par la loi de finances initiale pour 2022, n'était pas affecté par les annulations de crédits prévues par le projet de décret.

* 34 Ces crédits de 1,3 milliard d'euros, issus de reports, avaient même été en grande partie consommés à la date du 25 mars 2022.

* 35 Arrêté du 24 mars 2022 portant report de crédits, publié au Journal officiel du 26 mars 2022.

* 36 Arrêté du 26 mars 2022 portant report de crédits, publié au Journal officiel du 30 mars 2022.

* 37 Cette date limite est ramenée au 15 mars à compter de 2023, en application de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, modifiant l'article 15 de la LOLF.

* 38 Rapport général n° 163 (2021-2022) fait par Jean-François Husson au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2022, tome I, déposé le 18 novembre 2021.

* 39 Rapport spécial de Jérôme Bascher sur les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État », annexé au rapport général n° 163 (2021-2022) précité.

* 40 Loi organique n°2001-692 du 1er aout 2001 relative aux lois de finances.

* 41 Les chiffres mentionnés dans la présente partie sont extraits du tableau des sous-indicateurs du budget de l'État transmis par la Direction du budget.

* 42 Les données sont fournies par la MILDECA à partir d'un sondage réalisé annuellement.

* 43 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.

* 44 Les ressources mises à disposition du Fonds et retracées, à titre d'information uniquement, dans le compte de commerce « Opérations avec le Fonds monétaire international » sont assimilées à un prêt, dont la créance est rachetée par la Banque de France. En conséquence, le solde de ce compte de commerce n'est pas inclus dans le solde budgétaire et il n'a pas non plus d'effet sur la trésorerie de l'État.

* 45 Les états financiers et l'annexe sont publiés dans un même document, intitulé « Compte général de l'État » et accompagné de présentations plus synthétiques, sur : https://www.budget.gouv.fr/documentation/comptes-de-letat.

* 46 Un accord sur les actifs financiers nets autorise les banques centrales nationales de l'Eurosystème à accroître leurs portefeuilles non liés à la mise en oeuvre de la politique monétaire dans des limites définies et revues chaque année par le conseil des Gouverneurs.

* 47 Communiqué de l'Eurogroupe sur le programme d'ajustement pour la Grèce, 21 février 2012 ( https://www.consilium.europa.eu/media/25716/128075.pdf) ; communiqué de l'Eurogroupe sur la Grèce, 27 novembre 2012 https://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/en/ecofin/133857.pdf)

* 48 Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 49 Cette quote-part est calculée en s'appuyant sur la quote-part des banques centrales nationales au capital de la BCE, soit environ 20 % pour la Banque de France.

* 50 Loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.