N° 771

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 11a
Écologie, développement et mobilité durables

(Programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité », 181 « Prévention des risques », 174 « Énergie, climat et après-mines », 345 « Service public de l'énergie », 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables »)
COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE

Rapporteur spécial : Mme Christine LAVARDE

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1095, 1271 et T.A. 125

Sénat : 684 (2022-2023)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Les dépenses de la mission s'élèvent à 40,1 milliards d'euros en AE et à 36 milliards d'euros en CP, ce qui représente des augmentations respectives de 57,4 % et 44,1 % à périmètre courant par rapport à l'exécution 2021. L'exécution des crédits de la mission en 2022 s'est ainsi révélée extrêmement supérieure aux prévisions inscrites en loi de finances initiale : le taux d'exécution de la mission est de 165 % en AE, et de 152,3 % en CP. En comparaison, la sur-exécution des crédits constatés en 2021 (+ 8,8 % pour les AE et + 9,1 % pour les CP) semble faible.

2. La sur-exécution des crédits par rapport aux prévisions découle des ouvertures massives de crédits en cours de gestion de l'exercice 2022. Ces ouvertures concernent pour l'essentiel les mesures de soutien face à la hausse des prix de l'énergie, consécutive notamment à la guerre en Ukraine, que la Cour des comptes évalue à hauteur de 11 milliards d'euros. Les crédits exécutés du programme 174, « Énergie, climat et après-mines », ont ainsi représenté environ le triple de la prévision : 11,2 milliards d'euros contre 3,6 milliards d'euros en AE, et 9,2 milliards d'euros contre 3,2 milliards d'euros en CP. Le programme 345, « Service public de l'énergie », a également connu une sur-exécution de 3,7 milliards d'euros en AE et en CP.

3. La consommation de crédits est cependant inférieure au montant des crédits ouverts (taux de consommation de 87 %), en raison d'une sous-consommation des crédits sur fonds de concours des programmes 203 « Infrastructures et services de transport » et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État »1(*), ainsi que d'une ouverture tardive de crédits (en loi de finances de fin de gestion) sur le programme 174.

4. Le plafond d'autorisations d'emplois (PAE) de la mission, fixé pour 2022 à 35 681 ETPT, est respecté. En exécution, il s'est élevé à 35 332, soit une sous-exécution de 349 ETPT, contre une sous-exécution de 149 ETPT en 2021 et de 151 ETPT en 2020. L'année 2022 marque une inversion de la tendance à la déqualification des emplois du ministère de la transition écologique : 22 emplois de catégorie A ont été créés par rapport au schéma d'emploi initial, tandis que 54 emplois de catégorie C ont été supprimés par rapport à ce même schéma. Il convient de s'assurer que cette dynamique est pérenne.

5. En 2022, les crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » ont été multipliés par trois en raison des mesures destinées à accompagner les consommateurs face aux conséquences de la crise des prix de l'énergie.

6. En 2022, 2,51 milliards d'euros en CP ont été ouverts pour la prime de transition énergétique, mieux connue sous le nom de MaPrimeRénov', en incluant les montants inscrits sur le programme 174 et ceux inscrits sur le plan de relance. La sous-consommation persistante des crédits de MaPrimeRénov' (taux de consommation de 83,7 %), ainsi que l'annonce de la refonte du dispositif en deux piliers (efficacité et performance) incitent à une réflexion sur les objectifs du dispositif, et montrent la nécessité de renforcer le suivi de l'efficience du dispositif.

7. En augmentation en 2022, les aides publiques à l'acquisition de véhicules propres conduisent principalement à subventionner l'industrie de nos concurrents économiques au premier rang desquels la Chine.

8. Le rapporteur spécial a pris note des nouveaux engagements pris par le Président de la République visant à une réforme des critères d'allocation du bonus écologique qui prendraient en compte l'empreinte carbone des véhicules sur l'ensemble de leur cycle de vie, y compris leur production. Ces annonces confirment les constats dressés par le rapporteur spécial durant les débats budgétaires relatifs au PLF pour 2023 ainsi que la nécessité de trouver les moyens de recentrer au plus vite les aides publiques vers l'industrie nationale et européenne.

9. Alors que son régime n'a toujours pas été modifié de façon structurelle, le dispositif du chèque énergie a été sensiblement affecté par la crise des prix de l'énergie, trois milliards d'euros de crédits ayant été ouverts depuis 2021 pour financer des chèques énergie exceptionnels.

10. Les taux d'usage des chèques exceptionnels seront nettement plus bas que les taux constatés habituellement sur le dispositif de droit commun.

11. La hausse très significative des prix de l'électricité affecte profondément le mécanisme de compensation des charges de service public de l'énergie (CSPE). À compter de 2023 et en raison de l'augmentation inédite des prix de l'électricité, les mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) s'inversent pour constituer des prélèvements sur les revenus exceptionnels perçus par les producteurs. Les compensations habituellement versées par l'État aux installations de production se muent ainsi en recettes publiques exceptionnelles.

12. En novembre 2022, la CRE avait évalué les compensations CSPE pour 2023 à un montant négatif de 36 milliards d'euros. Cependant, depuis, les prix de gros de l'électricité ont diminué beaucoup plus rapidement qu'anticipé et les recettes exceptionnelles escomptées par l'État au titre de l'exercice 2023 devraient fortement baisser. Les estimations les plus récentes font état de recettes exceptionnelles divisées par deux en comparaison des projections réalisées en fin d'année 2022.

13. En gestion, les versements effectués à EDF au titre des compensations de CSPE jouent le rôle de variable d'ajustement budgétaire du programme 345. Par opportunité, pour lisser de façon pluriannuelle la consommation des crédits, l'État ajuste les versements effectifs à EDF. Cette pratique conduit à procéder à des reports de charges significatifs et très fluctuants d'une année sur l'autre.

14. En 2022, cette pratique a été largement utilisée pour financer les dépenses relatives aux boucliers tarifaires. Elle s'est traduite par un report de dépenses de plus de 2 milliards d'euros en 2023 pour des crédits qui avaient été approuvés par le Parlement au titre de l'exercice 2022. Ces pratiques entachent fortement l'autorisation budgétaire, le principe d'annualité ainsi que la sincérité des crédits inscrits au programme 345 en LFI. Elles autorisent, sans que le Parlement ne soit saisi, à réaffecter de façon massive des crédits qui avaient été adoptés à une autre fin, en l'occurrence ici au soutien de la production d'EnR.

15. Comme il a pu le souligner au cours de l'examen du PLF pour 2023, le rapporteur spécial considère que les informations retracées dans les annexes budgétaires du programme 345, doublées des mécanismes de lissage et de réaffectation annuels des crédits du programme utilisés en gestion, manquent de clarté, ce qui est de nature à atténuer la portée de l'autorisation parlementaire.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2022

1. Une surconsommation extrêmement importante des crédits de la mission en 2022 par rapport aux prévisions inscrites en loi de finances initiale

En loi de finances initiale pour 2022, la mission « Écologie, développement et mobilité durables » bénéficiait de 24,2 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et de 23,7 milliards d'euros de crédits de paiement (CP), soit respectivement 800 millions d'euros en AE et en CP supplémentaires par rapport aux prévisions faites en loi de finances initiale pour 2021.

Cependant, comme l'avait déjà souligné le rapporteur spécial dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2023, la mission a fait l'objet d'un véritablement « bouleversement » lors de la gestion en 2022, ce dont témoignent les chiffres de l'exécution.

En effet, en exécution, les dépenses de la mission s'élèvent à 40,1 milliards d'euros en AE et à 36 milliards d'euros en CP, ce qui représente des augmentations respectives de 57,4 % et 44,1 % à périmètre courant par rapport à l'exécution 2021. Il faut relever qu'entre 2020 et 2021, les crédits exécutés de la mission avaient connu déjà une progression de 49,4 % en AE et 49,6 % en CP. Toutefois, cette progression était largement artificielle, puisqu'elle provenait majoritairement de changements de périmètres. En 2022 en revanche, le périmètre de la mission a peu évolué, et il s'agit véritablement de crédits nouveaux. 

Évolution des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en 2022, y compris fonds de concours et attributions de produits

(en millions d'euros)

Programme

2021

2022

Exécution
/prévision 2022

Exécution 2021/2022

Prévision

Exécution

Prévision

Exécution

En volume

En %

En volume

En %

203 «Infrastructures et services de transport »

AE

6 025,8

8 069,6

6 502,3

10 887,8

4 385,5

167,4

2 818,2

34,9

CP

5 847,6

7 749,8

6 243,0

8 755,1

2 512,1

140,2

1 005,3

13,0

205 «Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture »

AE

163,5

167

197,1

263,1

66

133,5

96,1

57,5

CP

168

165,7

197,7

240,0

42,3

121,4

74,3

44,8

113 «Paysages, eau et biodiversité»

AE

240,2

229,2

254,1

316,5

62,4

124,6

87,3

38,1

CP

240,2

240,8

254,1

310,7

56,6

122,3

69,9

29,0

159 «Information géographique et cartographique»

AE

481,9

477,5

471,1

480,3

9,2

102,0

2,8

0,6

CP

481,9

477,7

471,1

479,8

8,7

101,8

2,1

0,4

181 «Prévention des risques»

AE

1 244,1

1 088

1 074,4

1 029,4

- 45

95,8

- 58,6

- 5,4

CP

997,3

923,6

1 079,2

1 041,1

-38,1

96,5

117,5

12,7

174 «Énergie, climat et après-mines»

AE

2 552

2 782,4

3 620,2

11 184,4

7 564,2

308,9

8 402

302,0

CP

2464,6

2 731,9

3 197,3

9 218,0

6 020,7

288,3

6 486,1

237,4

345 « Service public de l'énergie »

AE

9 149,4

9 149,4

8 449,3

12 139,3

3 690

143,7

2 989,9

32,7

CP

9 149,4

9 149,4

8 449,3

12 138,8

3 689,5

143,7

2 989,4

32,7

217 «Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables»

AE

2 860,8

2 827,4

2 886,9

2 966,6

79,7

102,8

139,2

4,9

CP

2 881,1

2 872,2

2 929,5

3 015,5

86

102,9

143,3

5,0

355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État »

AE

692

688,8

836,0

824,4

-11,6

98,6

135,6

19,7

CP

692

688,8

836,0

824,4

-11,6

98,6

135,6

19,7

Total

AE

23 409,7

25 479,3

24 291,1

40 091,8

15 800,7

165,0

14 612,5

57,4

CP

22 922,1

24 999,9

23 657,3

36 023,4

12 366,1

152,3

11 023,5

44,1

AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. Prévision : prévision en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'exécution des crédits de la mission en 2022 s'est ainsi révélée extrêmement supérieure aux prévisions inscrites en loi de finances initiale : le taux d'exécution de la mission est de 165 % en AE, et de 152,3 % en CP. En comparaison, la sur-exécution des crédits constatée en 2021 (+ 8,8 % pour les AE et + 9,1 % pour les CP) semble faible.

L'écart entre les prévisions et l'exécution provient majoritairement du programme 174, « Énergie, climat et après-mines », dont les crédits exécutés ont représenté environ le triple de la prévision : 11,2 milliards d'euros contre 3,6 milliards d'euros en AE, et 9,2 milliards d'euros contre 3,2 milliards d'euros en CP. Cette explosion du taux d'exécution s'explique essentiellement par les mesures de soutien face à la hausse des prix de l'énergie, qui seront détaillées infra dans la partie consacrée au programme 174.

D'autres programmes ont connu une exécution très supérieure aux prévisions :

- le programme 203, « Infrastructure et services de transport » a connu une consommation de 10,9 milliards d'euros en AE et 8,75 milliards d'euros en CP, contre des prévisions de respectivement 6,5 milliards d'euros et 6,2 milliards d'euros ;

- le programme 345, « Service public de l'énergie », a également un taux d'exécution très important : 12,1 milliards d'euros en AE et CP ont été engagés et consommés, contre 8,4 milliards inscrits en loi de finances initiale. Les mesures prises pour lutter contre la hausse des prix de l'énergie expliquent à nouveau ce différentiel.

D'une manière générale, l'ensemble des programmes de la mission connaissent une exécution en hausse par rapport à la prévision, à l'exception du programme 355, « Charges de la SNCF Réseau reprise par l'État », dont le taux d'exécution est néanmoins proche du montant inscrit en loi de finances initiale (98,6 % en AE et CP), et le programme 181, « Prévention des risques », où là aussi, l'exécution est proche de la prévision (95,8 % en AE et 96,5 % en CP).

2. Des ouvertures de crédits importantes en cours d'année, principalement en raison des mesures prises pour répondre à la hausse des prix de l'énergie

Durant l'exercice, 2022, la mission a fait l'objet d'ouvertures importantes de crédits. Elles s'expliquent pour l'essentiel par les mesures de soutien mises en place pour faire face à la hausse des prix de l'énergie, consécutive notamment à la guerre en Ukraine, que la Cour des comptes estime à hauteur de 11 milliards d'euros.

Un décret d'avance du 7 avril 2022 a ouvert 2,9 milliards d'euros en AE et en CP sur le programme 345 pour financer la première phase de la remise sur le carburant introduite à partir du mois d'avril.

Ensuite, la loi de finances rectificative pour 2022 du 16 août 2022 a ouvert 6,4 milliards d'euros en AE et 6,1 milliards d'euros en CP sur le périmètre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » couvert dans le rapport. Sur ces crédits, 5,3 milliards d'euros ont été versés sur le programme 174 pour prolonger la remise sur les carburants et financer les boucliers tarifaires sur le gaz et l'électricité. 700 millions d'euros concernent les mesures de constitution de stocks de sécurité de gaz naturel.

Le projet de loi de finances rectificative du 1er décembre 2022 a ouvert 2,3 milliards d'euros en AE et 2,1 milliard d'euros en CP sur la mission. Les crédits ont été majoritairement destinés au chèque énergie (1,5 milliard d'euros en CP), auxquels s'est ajouté le soutien au chauffage au fioul (230 millions d'euros).

Comme en 2021, la mission a également bénéficié d'un volume important de reports de crédits : 4,820 milliards d'euros en AE et 3,162 milliards en CP. Pour l'essentiel, ces reports proviennent des fonds de concours de la mission (3,211 milliards d'euros en AE et 2,721 milliards d'euros en CP). Il s'agit principalement des crédits liés à la recapitalisation de la SNCF, qui ont été rattachés à la fin de l'année 2021 et n'ont pas été dépensés (2,4 milliards d'euros).

Ouverture et consommation des crédits de paiement
sur la mission en 2022

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances, d'après les données budgétaires et la Cour des comptes

La consommation de crédits est inférieure au montant total des crédits ouverts : elle est de 87 % en CP. Le taux de consommation sur les crédits ouverts est presque identique à celui de l'année 2021 (88 %).

Cette sous-exécution résulte premièrement de la sous-consommation des crédits sur fonds de concours, en particulier sur les programmes 203 « Infrastructures et services de transport » et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État ».

Ensuite, elle s'explique par une sous-consommation de 1,2 milliard d'euros, qui concerne les chèques énergie exceptionnels (700 millions d'euros), MaPrimeRénov' (135 millions d'euros), le soutien au fioul (175 millions d'euros) et le bonus automobile (100 millions d'euros). À cet égard, il faut rappeler que de nombreux crédits ont été ouverts sur ces dispositifs lors du PLFR de fin de gestion, ce qui explique le montant de cette sous-exécution.

II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. EN 2022, LES CRÉDITS DU PROGRAMME 174 ONT ÉTÉ MULTIPLIÉS PAR TROIS EN RAISON DE MESURES DESTINÉES À ACCOMPAGNER LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

L'exécution des CP du programme 174 s'est élevée à 9,2 milliards d'euros en 2022, soit plus qu'un triplement des dépenses effectuées en 2021 (2,7 milliards d'euros). Ce montant est également trois fois plus élevé que les crédits adoptés en LFI (3,2 milliards d'euros).

Cette augmentation fulgurante s'explique principalement par le financement de dispositifs de soutiens aux consommateurs dans le cadre de la crise des prix de l'énergie :

- un chèque énergie exceptionnel au périmètre élargi ;

- des chèques destinés à accompagner les ménages qui se chauffent au fioul ou au bois ;

- la deuxième période (de août à décembre) de la remise carburant.

Dans une moindre mesure, cette hausse s'explique par la hausse des dépenses allouées :

- au dispositif MaPrimeRenov' ;

- aux aides à l'acquisition de véhicules propres.

L'année 2022 se distingue aussi par l'ampleur de la sous-consommation des CP du programme (1,2 milliard d'euros) et des restes à payer (2,6 milliards d'euros). Ces évolutions s'expliquent principalement par les mesures de soutien exceptionnelles en faveur des consommateurs d'énergie mais aussi du dispositif MaPrimeRenov'. Les restent à réaliser se répartissent de la manière suivante : 932 millions d'euros pour le chèque énergie exceptionnel 2022, 178 millions d'euros pour le chèque fioul, 174 millions d'euros pour le chèque bois et 867 millions d'euros pour MaPrimeRénov'.

1. Une exécution des crédits alloués à la prime de rénovation énergétique inférieure aux prévisions : un pilotage du dispositif à préciser

L'article 15 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a créé la prime de transition énergétique, mieux connue sous le nom de « MaPrimeRénov' » en remplacement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et des aides « Habiter mieux » de l'Agence nationale de l'Habitat (ANAH).

Depuis le 1er janvier 2021, les propriétaires occupants aux revenus intermédiaires et supérieurs ont été intégrés au dispositif MaPrimeRénov'. La loi de finances pour 2021 prévoyait donc 740 millions d'euros de crédits budgétaires en 2021 pour la prime de transition énergétique sur le programme 174, contre 390 millions d'euros prévus en loi de finances pour 20202(*).

Dans la loi de finances initiale pour 2022, 1,7 milliard d'euros d'AE étaient demandés pour la prime de transition énergétique sur le programme 174, et 1,390 milliard d'euros de CP. Sur le plan de relance, 565,6 millions d'euros de CP ont été ouverts. Par la suite, des volumes importants de crédits ont été ouverts en coûts de gestion. Sur le programme 174, MaPrimeRénov' a ainsi bénéficié de 400 millions d'euros et 100 millions d'euros en CP supplémentaires. Les crédits de MaPrimeRénov' ont également fait l'objet d'un abondement significatif en cours de gestion (260 millions d'euros en AE et 526,4 millions d'euros en CP).

Crédits ouverts consacrés à la prime de transition énergétique

(en millions d'euros)

 

2020

2021

2022

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 174

390

390

740

740

2 100

1 419

Programme 362

-

-

2 000

1 115

260

1 092

Total

390

390

2 740

1 855

2 360

2 511

Source : commission des finances, d'après les données de la Cour des comptes

L'exécution de MaPrimeRénov' sur le programme 174 est inférieure de 10 % aux prévisions, ce qui peut s'expliquer en partie par l'ouverture en fin de gestion de crédits pour la prime. Le taux d'exécution se dégrade cependant si l'on prend en compte les crédits inscrits sur le plan de relance. Si l'on considère à la fois les programmes 174 et 362, alors le taux d'exécution de MaPrimeRénov' est de 83,7 %.

Exécution des crédits de MaPrimeRénov' en 2021 et 2022

(en millions d'euros)

 

2021

2022

Taux d'exécution en 2022

MaPrimeRénov' (programme 174)

709

1 284

90,5 %

MaPrimeRénov'

(programme 362)

589

870

79,7 %

Total

1 298

2 102

83,7 %

Il faut cependant relever qu'il est particulièrement difficile, dans les données disponibles, de faire la part entre les crédits qui relèvent du plan de relance et ceux qui relèvent du programme 174. La Cour des comptes relève ainsi que : « La gestion 2022, dernière année de mise en oeuvre du Plan de relance, n'a pas permis de clarifier l'articulation entre les crédits qu'il porte et ceux de la mission. [...] En particulier, aucun suivi des crédits de droit commun et des crédits du plan de relance n'a été effectué au regard d'une répartition établie. »3(*) Le choix a donc été fait dans ce rapport, comme ce fut déjà le cas de l'année dernière de considérer les crédits destinés à MaPrimeRénov' dans leur totalité pour juger de leur exécution.

Le taux d'exécution des crédits de MaPrimeRénov' (83,7 %) est meilleur que celui de l'exercice 2021 (70 %), mais la sous-consommation des crédits reste manifeste.

Ainsi, compte tenu de la sous-exécution des crédits de la prime de rénovation énergétique, qui contraste avec les besoins importants pour atteindre nos objectifs en matière de transition énergétique, le rapporteur spécial souhaite que les objectifs assignés à la prime soient rapidement redéfinis, tant en termes de publics bénéficiaires qu'en termes de moyens alloués.

À l'occasion des conclusions du Conseil national de la refondation « Logement » du 5 juin 2023 a été annoncée une refonte de MaPrimeRénov' en deux piliers :

- le premier pilier, nommé « efficacité », serait concentré pour l'essentiel sur les travaux de changement de chauffage, et donc les travaux « monogestes », et aurait pour objectif les réductions d'émission de gaz à effet de serre ;

- le second pilier, « performance », viserait les rénovations globales, et aurait pour objectif la réduction de la consommation d'énergie.

Cette refonte a le mérite de clarifier les deux visées de MaPrimeRénov', qui sont largement mêlées dans les discours, mais elle ne lève pas l'ensemble des interrogations qui portent sur le dispositif.

Premièrement, il n'est pas indiqué si MaPrimeRénov' Sérénité, qui est le dispositif visant à subventionner les rénovations énergétiques globales pour les ménages modestes, sera incluse dans cette refonte ou non.

Ensuite, les deux objectifs assignés à MaPrimeRénov' ne sont pas nécessairement en accord l'un avec l'autre. Des changements de chauffage, comme le remplacement d'une chaudière à gaz par une pompe à chaleur, peuvent être contre-productifs en termes de gains énergétiques dans des logements mal isolés, ou en raison du phénomène d'effet rebond4(*). De plus, la réalisation de travaux de rénovation énergétique incomplets, qui ne s'inscrivent pas dans un parcours menant à une rénovation énergétique performante, peut représenter une occasion manquée de réaliser une rénovation globale, et donc une perte en termes de gains énergétiques sur le long terme.

Enfin, le suivi des rénovations globales permises par MaPrimeRénov'5(*) est aujourd'hui mal assuré. Il importe ainsi qu'une évaluation de l'efficience du dispositif puisse être fournie régulièrement au Parlement, et qu'un meilleur suivi de l'exécution des crédits puisse être proposé dans les documents budgétaires.

2. En augmentation, les crédits alloués aux dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres subventionnent principalement l'industrie automobile extra-européenne

Les crédits consacrés au financement des aides à l'achat ou à la location de véhicules neufs ou d'occasion émettant peu de CO2 (bonus) ainsi qu'à la mise au rebut de véhicules fortement émetteurs de CO2 (prime à la conversion) sont retracés à l'action 03 « Aides à l'acquisition de véhicules propres » du programme 174. En 2022 comme en 2021, des crédits inscrits à l'action 07 « Infrastructures de mobilités vertes » de la mission « Plan de relance » ont également servi à financer ces mesures.

En 2022, les dépenses exécutées sur le programme 174 en faveur des aides à l'acquisition de véhicules propres se sont élevées à 986 millions d'euros en AE et 977 millions d'euros en CP. À ces dépenses, il convient d'ajouter les crédits consacrés aux mêmes dispositifs, portés par le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ».

L'évolution des dépenses (CP) consacrées aux aides
à l'acquisition de véhicules propres entre 2017 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La totalité des dépenses effectivement consacrées aux aides à l'acquisition de véhicules propres en 2022 a ainsi atteint 1,4 milliard d'euros, soit une augmentation de 17 % par rapport à la gestion précédente.

La première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert 400 millions d'euros de crédits supplémentaires en cours de gestion en raison du succès du bonus mais surtout de la décision du Gouvernement de reporter de six mois la baisse de 1 000 euros du montant de cette aide qui était initialement programmée le 1er juillet 2022. Cette même loi a également ouvert 5 millions d'euros supplémentaires pour renforcer les aides à l'acquisition de vélos.

En 2022, 1 128 millions d'euros d'AE et 1 129 millions de CP ont été consommés pour financer la délivrance de bonus, soit des hausses d'environ 10 % sur un an. Concernant la prime à la conversion, les crédits consommés se sont élevés à 282 millions d'euros (AE=CP), en hausse de 47 % par rapport à 2021.

Nombre de véhicules ayant fait l'objet d'un bonus
ou d'une prime à la conversion entre 2017 et 2022

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En raison des réalités actuelles de la chaîne de valeur des véhicules électriques, et en l'absence de mécanismes de préférence européenne, les aides publiques à l'acquisition de véhicules propres financées par le budget de l'État conduisent principalement à subventionner l'industrie de nos concurrents économiques qui s'emploient à jalousement protéger leurs marchés intérieurs. À l'heure actuelle, la Chine domine outrageusement la chaîne d'approvisionnement des véhicules électriques. Les entreprises chinoises représentent 50 % de la valeur totale d'un véhicule électrique et 75 % de celle des batteries électriques. Les constructeurs chinois sont par ailleurs sur le point de fondre sur le marché européen avec des véhicules électriques à bas prix.

Dans le cadre de leur Inflation reduction Act, les États-Unis ont mis en oeuvre des dispositifs de protection renforcés de leur industrie automobile pour soutenir le développement d'une filière souveraine de production de véhicules électriques. Leurs aides publiques sont ainsi réservées aux seuls véhicules assemblés sur le territoire national, y compris les batteries ainsi que le lieu d'extraction des métaux rares nécessaires à leur production. La Chine quant-à-elle n'a cure des règles de réciprocité commerciale et le degré d'ouverture de ses marchés est inversement proportionnel à celui de ses homologues européens. Dans ce contexte, la France et l'Union Européenne doivent de toute urgence établir une vraie règle de réciprocité dans le commerce des véhicules électriques et exiger que les conditions d'importation des voitures en provenance de Chine soient aussi rigoureuses que celles qui sont appliquées aux véhicules européens exportés en Chine.

C'est pour alerter sur cet enjeu majeur de souveraineté et pour nous prémunir du risque d'une dépendance structurelle à l'égard de concurrents géopolitiques dont on a pu constater avec la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine toutes les conséquences néfastes, que le rapporteur spécial avait fait adopter par le Sénat, dans le cadre de la discussion sur le PLF pour 2023, des amendements visant à réduire provisoirement les crédits alloués aux aides à l'acquisition de véhicules propres en attendant que la filière européenne monte en puissance et que des règles de réciprocité efficaces soient adoptées au niveau européen.

À ce titre, le rapporteur spécial a pris note des nouveaux engagements pris le 11 mai dernier par le Président de la République visant à une réforme des critères d'allocation du bonus écologique qui prendraient en compte l'empreinte carbone des véhicules sur l'ensemble de leur cycle de vie, y compris leur production. Le ministre de l'économie a réitéré ces engagements lors de son audition devant le Sénat le 31 mai à l'occasion des travaux du projet de loi « industrie verte ».

Ces annonces confirment les constats dressés par le rapporteur spécial durant les débats budgétaires relatifs au PLF pour 2023 ainsi que la nécessité de trouver les moyens de recentrer au plus vite les aides publiques vers l'industrie nationale et européenne. Le rapporteur spécial suivra avec attention la concrétisation de cet engagement stratégique déterminant en termes de souveraineté comme pour la compétitivité de l'industrie automobile française.

3. Trois milliards d'euros de crédits ouverts depuis 2021 pour financer des chèques énergie exceptionnels

Sans que son régime soit modifié de façon structurelle à ce stade, le dispositif du chèque énergie a été sensiblement affecté par la crise des prix de l'énergie qui a débuté à l'automne 2021. Les pouvoirs publics ont recouru à ce mécanisme pour mettre en oeuvre des aides complémentaires destinées aux ménages modestes, sous forme de chèques exceptionnels, ou visant spécifiquement certaines catégories de combustibles de chauffage en raison de l'augmentation des prix des énergies concernées.

Ainsi, un chèque énergie exceptionnel de 100 euros avait été distribué à tous les bénéficiaires du chèque énergie à la fin de de l'année 2021. Adoptés dans le cadre du PLFR de fin d'année 2021, les crédits nécessaires à cette première mesure exceptionnelle se sont élevés à 600 millions d'euros.

Dans le cadre de la première LFR pour 2022, le Parlement a adopté 230 millions d'euros pour financer une aide en faveur des consommateurs de fioul domestique, étendue jusqu'au cinquième décile de revenus6(*).

La seconde LFR pour 2022 a également ouvert des crédits supplémentaires sur le programme 174 pour financer de nouveaux chèques énergie exceptionnels :

- 1,8 milliard d'euros pour un chèque énergie exceptionnel élargi à 12 millions de ménages7(*) ;

- 230 millions d'euros pour financer une aide dédiée aux ménages qui se chauffent au bois.

Depuis 2021, près de 3 milliards d'euros de crédits cumulés ont été ouverts pour financer des dispositifs de chèques exceptionnels.

Cumul des coûts des chèques exceptionnels mis en oeuvre
dans le cadre de la crise des prix de l'énergie (2021-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ces différents chèques énergies exceptionnels ont presque multiplié par quatre les crédits habituellement consacrés au dispositif de droit commun du chèque énergie. En 2022, les crédits consacrés au chèque énergie se sont ainsi élevés à des montants inédits de 3,1 milliards d'euros en AE et 1,9 milliard d'euros en CP.

Évolution des crédits consacrés au chèque énergie entre 2020 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Pour la campagne 2022, il avait été fait l'hypothèse d'un taux d'usage global de 87,5 % se répartissant en 77,5 % consommés en 2022 et 10 % en 2023. En 2022, le taux d'usage de la campagne 2022 a finalement atteint 76,3 %, en léger retrait par rapport à l'objectif.

Le rapporteur spécial note par ailleurs que les taux d'usage des chèques exceptionnels seront nettement plus bas que les taux constatés habituellement sur le dispositif de droit commun. À ce stade, le taux d'usage du chèque exceptionnel 2021 s'établit à seulement 78,4 % tandis que les taux d'usage du chèque exceptionnel 2022 et des chèques fioul et bois demeurent aujourd'hui très faibles. Fin 2022, la consommation des crédits était de 868 millions d'euros pour le chèque exceptionnel 2022 et respectivement 52 millions d'euros et 50 millions d'euros pour les chèques fioul et bois.

État de la consommation des CP sur les « chèques énergie » en 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Dans le cadre de la mission de contrôle qu'elle a conduit sur le suivi des dispositifs de soutien mis en oeuvre dans le cadre de la crise des prix de l'énergie, le rapporteur spécial propose des pistes de réforme du chèque énergie, notamment pour qu'il puisse réellement être utilisé par les résidents d'habitations collectives qui n'ont pas de relations contractuelles individuelles avec un fournisseur d'énergie.

4. La remise carburant : 7,5 milliards d'euros de crédits partagés entre deux programmes pour des raisons d'opportunité budgétaire

Face à la hausse des prix des carburants, une mesure de remise de 18 centimes d'euros appliquée au prix à la pompe a été mise en oeuvre dans le cadre du décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance. Ce dispositif a été dans un premier temps financé à hauteur de 3 milliards d'euros sur le programme 345 « Service public de l'énergie » (voir infra) pour une période qui devait s'étaler d'avril à juillet.

Dans le cadre de la première LFR pour 2022, ce dispositif a été prolongé et même amplifié (25 centimes d'euros de remise du 1er septembre au 15 novembre 2022). Cette seconde période de la remise a été financée par 4,7 milliards d'euros de crédits inscrits sur le programme 174. Sur le programme 174, au 31 décembre 2022, 4,5 milliards d'euros de crédits avaient été effectivement décaissés au titre de cette remise.

Il est assez inhabituel qu'une même mesure, au cours d'un même exercice budgétaire, soit financée une partie de l'année sur un programme puis une deuxième partie de l'année sur un autre.

Comme il a pu le souligner infra dans sa présentation de l'exécution budgétaire du programme 345, le rapporteur spécial constate que la « souplesse » budgétaire du programme 345 permise par le fonctionnement des compensations des charges de service public de l'énergie (CSPE) versées à EDF est apparue en première analyse à l'exécutif comme une garantie dans l'hypothèse d'un dépassement de l'enveloppe prévisionnelle dû à une hausse plus forte qu'anticipée des prix des carburants. Cette préoccupation l'a emporté sur la cohérence des périmètres budgétaires des programmes de la mission, le programme 345 ayant désormais la vocation de se concentrer exclusivement sur les crédits relatifs aux compensations des charges de service public de l'énergie.

Cette souplesse budgétaire a d'ailleurs été utilisée puisque 3,2 milliards d'euros ont finalement été décaissés sur le programme 345 au titre de la remise carburant dont 200 millions d'euros ont été financés par des redéploiements des crédits qui avaient été adoptés pour financer les compensations de CSPE.

B. L'ANNÉE 2022 MARQUE UN TEMPS D'ARRÊT DANS LE PROCESSUS DE DÉQUALIFICATION DES EMPLOIS DU MINISTÈRE

Les dépenses de personnel (titre 2), qui représentent 7,8 % des CP exécutés de la mission (2,803 milliards d'euros), relèvent pour totalité du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement durable et de la mer » et du programme 181 « Prévention des risques », auquel sont rattachées les dépenses de personnel de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Plus précisément, la quasi-totalité des crédits et des emplois sont imputés sur le programme 217 (2,697 milliards d'euros d'euros), et les crédits de titre 2 représentent par ailleurs 89,4 % des CP du programme 217.

Le plafond d'autorisations d'emplois (PAE) de la mission, fixé pour 2022 à 35 681 ETPT, est respecté. En exécution, il s'est élevé à 35 332, soit une sous-exécution de 349 ETPT, contre une sous-exécution de 149 ETPT en 2021 et de 151 ETPT en 2020. Cette sous-exécution importante par rapport aux années précédentes est attribuée par le ministère à la fois à un nombre de sorties plus élevé que ce qu'anticipé, et à la mise en oeuvre de la circulaire du 10 mars 2021 visant à accélérer la déconcentration de la gestion budgétaire et des ressources humaines.

Depuis 2016, le PAE de la mission a diminué de 15,6 %, passant de 42 257 ETPT à 35 681 ETPT.

Exécution du plafond d'emplois de la mission entre 2016 et 2022

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le plafond d'emplois de la mission a donc connu une diminution de 6 576 ETPT depuis 2019. Il faut relever que la diminution du plafond d'emplois s'élève même à près de 51,8 % depuis 2008, année où le plafond d'emplois atteignait 73 986 ETPT, une diminution allant certes de pair avec les modifications du périmètre d'intervention du pôle ministériel.

Lors des rapports sur les lois de règlement des années précédentes, le rapporteur spécial avait partagé les inquiétudes formulées par la Cour des comptes8(*) s'agissant de la déqualification de la structure des emplois du ministère.

En effet, depuis 2014, la sur-exécution des schémas d'emplois est allée de pair avec un moindre recrutement d'agents de catégorie A que prévu et davantage de recrutements d'agents de catégories B et C. Si ce procédé permet une moindre consommation de crédits de personnel, il participe d'un processus de « dépyramidage » ou de déqualification dont les effets en matière de perte de compétences sont particulièrement dommageables en termes de gestion des ressources humaines. La Cour estime ainsi que depuis 2014, 659 emplois de catégorie A ont été détruits au-delà des cibles pour « créer » 1 113 emplois de catégorie C.

L'année 2022 marque une inversion de cette tendance : 22 emplois de catégorie A ont été créés par rapport au schéma d'emploi initial, tandis que 54 emplois de catégorie C ont été supprimés par rapport à ce même schéma. Il convient de s'assurer que cette dynamique est pérenne. En effet le ministère a besoin plus que jamais de personnels qualifiés pour mener la transition écologique en cours et exercer ses missions.

C. LE PROGRAMME 113 « PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ » EST MARQUÉ PAR UN RENFORCEMENT DES RÉSEAUX D'EAU

310,7 millions d'euros de CP ont été consommés en 2022 sur le programme 113, soit une augmentation de 29 % par rapport à 2021 (+ 69 millions d'euros). Cette hausse de la consommation des crédits est du même ordre qu'entre 2020 et 2021 (+ 26 %).

Cette augmentation résulte des ouvertures de crédits permises par la deuxième loi de finances rectificative pour 2022, qui a conduit à l'abondement de 83,2 millions d'euros en AE et 79,2 millions d'euros en CP, ce qui correspond respectivement à 34,1 % et 32,5 % des crédits du programme inscrits en loi de finances initiale.

Sur cette somme, 50 millions d'euros visent à renforcer les réseaux d'eau, et notamment à lutter contre les fuites. Ces crédits supplémentaires ont pour origine un amendement du rapporteur général de la commission des finances, adopté en séance par le Sénat. 48,3 millions d'euros ont directement été versés aux Agences de l'eau, et 1,7 million d'euros a été affecté à l'Office français de la biodiversité.

Les sécheresses de l'été 2022 ont en effet endommagé les infrastructures du réseau d'eau, et ont révélé l'ampleur et la gravité du taux de fuite du réseau : on estime que chaque année, 20 % du volume d'eau potable distribué chez les usagers sont perdus, ce qui représente 1 milliard de mètres cubes d'eau.

Le taux d'exécution des crédits ouverts est de 91,6 % en AE et de 88,6 % en CP. Cette sous-exécution s'explique essentiellement par l'ouverture tardive, car en loi de finances rectificative de fin de gestion, des crédits nouveaux.

D. L'EXÉCUTION DU PROGRAMME 181 « PRÉVENTION DES RISQUES » EN 2022 EST GLOBALEMENT CONFORME AUX PRÉVISIONS

En 2022, 1 029,4 millions d'euros d'AE et 1041,1 millions d'euros de CP ont été consommés sur le programme, soit une diminution de 58,6 millions d'euros en AE et une augmentation de 117,5 millions d'euros en CP par rapport à 2021 (- 5,4 % et + 12,7 % respectivement).

Le taux d'exécution du programme est proche de la prévision : 95,8 % des AE ont été consommés, ainsi que 96,5 % des CP. La Cour des comptes, dans sa note d'exécution budgétaire pour l'année 2022, relève que, d'après le ministère « certaines dépenses ont été reportées du fait de difficultés d'approvisionnement, notamment dans le domaine de la prévention des risques hydrauliques, dont l'ampleur n'est pas évaluée »9(*), ce qui peut expliquer une partie de la sous-exécution.

Après l'intégration du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds Barnier) au programme 181 par la loi de finances pour 2021, le périmètre du programme n'a pas évolué en 2022. Le fonds Barnier a bénéficié en 2022 d'une enveloppe de 235 millions d'euros en AE et 278 millions d'euros en CP, dont 43 millions d'euros proviennent de crédits reportés de l'année 2021. Avant ce report, le fonds Barnier avait déjà bénéficié de 30 millions d'euros supplémentaires en AE et en CP en 2022 par rapport à 2021 en raison des dégâts causés par la tempête Alex.

Les crédits du fonds Barnier ont connu un taux d'exécution de 97 % en AE et 78 % en CP. La sous-consommation des crédits s'explique principalement par le volume du report de crédits dont a bénéficié le fonds.

E. UN PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE » PROFONDÉMENT AFFECTÉ PAR LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE

Le programme 345 retrace l'ensemble des compensations pour charges de service public de l'énergie (CSPE).

En 2022, les crédits consommés, en AE et en CP, ont atteint 12,1 milliards d'euros, soit une augmentation de 33 % par rapport à 2021.

Des montants de crédits importants ont été ouverts en cours de gestion sur le programme 345 en réponse à la crise des prix de l'énergie :

- le décret d'avance du 7 avril 2022 a ouvert 2 990 millions d'euros au titre de la première période de la remise carburant ;

- la première LFR pour 2022 a inscrit 700 millions d'euros pour financer le mécanisme de constitution des stocks de sécurité de gaz naturel pour les opérateurs prévu, en application d'un règlement européen10(*), par l'article 23 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Dans le but de mieux isoler les crédits dédiés aux mesures de soutien aux consommateurs d'énergie mises en oeuvre dans le cadre de la crise des prix une nouvelle action 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs » a par ailleurs été créée au sein de l'architecture du programme 345. Elle doit retracer les crédits nécessaires pour compenser les charges de service public de l'énergie (CSPE) assumées par les fournisseurs au titre des mesures dites de « bouclier tarifaire ».

La hausse très significative des prix de l'électricité à partir de l'automne 2021 affecte profondément le mécanisme de compensation des charges de service public de l'énergie (CSPE). À compter de 202311(*) et en raison de l'augmentation dans des proportions absolument inédites des prix de l'électricité sur les marchés de gros, les mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) s'inversent pour constituer des prélèvements sur les revenus exceptionnels perçus par les producteurs dans ce contexte de hausse de leurs prix de vente. Les compensations habituellement versées par l'État aux installations de production se muent ainsi en recettes publiques exceptionnelles.

Ce phénomène avait déjà été annoncé par la commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération à vocation informative d'octobre 202112(*). Il s'était révélé plus important encore dans les deux délibérations rendues par la CRE en 2022 (en juillet puis en novembre) au titre de l'évaluation des CSPE13(*). En novembre 2022, la CRE avait ainsi évalué les compensations CSPE pour 2023 à un montant négatif de 36 milliards d'euros. Les échéanciers de versement 2023 correspondants avaient été envoyés aux producteurs avant le 31 décembre 2022.

Cependant, depuis, les prix de gros de l'électricité, s'ils restent nettement plus élevés qu'avant la crise, ont diminué beaucoup plus rapidement que les prévisions de la CRE ne l'avaient anticipé. Les prix de vente des producteurs ont été nettement inférieurs aux anticipations et les recettes exceptionnelles escomptées par l'État au titre de l'exercice 2023 devraient fortement baisser en conséquence. Les estimations les plus récentes font état de recettes exceptionnelles divisées par deux en comparaison des projections réalisées en fin d'année 2022.

Faute de révision de la dernière évaluation des CSPE réalisées par la CRE en novembre dernier, les producteurs restent cependant redevables en 2023 de sommes calculées sur la base d'hypothèses de prix de gros de l'électricité nettement plus élevées que les prix effectifs constatés. Plusieurs producteurs ont intenté des recours contre la délibération de la CRE de novembre 2022 ainsi que contre les décisions individuelles de décembre qui fixent par producteur les montants de CSPE à reverser en 2023. Aussi, le ministère de la transition énergétique a-t-il mis en oeuvre un dispositif ad hoc permettant, au cas par cas, sur la base de conventions, de réviser les échéanciers de versements des producteurs dont la situation financière aurait pu être gravement compromise par cette situation.

Le rapporteur spécial note que cette situation transitoire devrait se résoudre au second semestre 2023 puisque la CRE a annoncé vouloir user de la disposition prévue en LFI pour 2023 qui lui permet, exceptionnellement, de réévaluer les CSPE de l'année en cours avec effet immédiat (et non différé à l'année suivante comme le prévoit le mécanisme habituel) sur les échéanciers de versement des CSPE. Aussi, la délibération que la CRE doit rendre en juillet prochain permettra de mettre en cohérence ces échéanciers avec les nouvelles hypothèses de prix de gros de l'électricité.

Exécution des crédits votés du programme 345 « Service public de l'énergie »
en 2022 (CP)

(en millions d'euros)

 

2021

(exécuté)

2022

(LFI)

2022

(exécuté)

Exécution 2022 / exécution 2021

(en %)

Exécution 2022
/ LFI 2022

(en %)

09- Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole

5772,6

4738,3

4371,4

-24,3 %

-7,7 %

10- Soutien à l'injection de biométhane

496,0

712,9

518,1

+4,5 %

-27,3 %

11- Soutien dans les zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain

2137,9

2163,6

1851,7

-13,4 %

-14,4 %

12- Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques

677,6

646,1

564,0

-16,8 %

-12,7 %

13- Soutien aux effacements de consommation

0,0

40,0

46,7

+100 %

+16,8 %

14- Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité

21,1

30,9

105,7

+400,9 %

+242,1 %

15- Frais divers

43,3

117,5

60,9

+40,6 %

-48,2 %

17- Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs

-

-

4620,8

-

-

Total programme

9149,4

8449,3

12138,8

+32,7 %

+43,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits de la nouvelle action 17 ont été déclinés en trois sous actions destinées à financer le bouclier tarifaire sur les prix de l'électricité (17-01), le bouclier tarifaire sur les prix du gaz (17-02) et la remise à la pompe sur les prix du carburant (17-03).

Le dispositif de bouclier sur les prix de l'électricité pour 2022 prévoyait le versement d'un acompte dès 2022 pour les plus petits fournisseurs d'électricité, le reste des compensations devant être versées en 2023. Cet acompte de 131 millions d'euros explique la consommation de crédits constatée en 2022 au titre de ce dispositif.

Le dispositif de bouclier tarifaire sur les prix du gaz pour 2022 prévoyait également le versement d'acomptes aux fournisseurs ainsi que la compensation des fournisseurs pour les aides dédiées à l'habitat collectif. Le total des crédits exécutés en 2022 sur la sous action 17-02 s'est ainsi élevé à 1,3 milliard d'euros. Le premier acompte versé en début d'année avant la création de l'action 17 a été imputé sur l'action 14 « Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité », ce qui explique la hausse significative des crédits consommés sur cette action en 2022.

Enfin, 3,2 milliards d'euros ont été consommés au titre de la première période de la remise carburant financée via le programme 345.

Sur le périmètre habituel des CSPE, en dehors du coût des mesures de soutien aux consommateurs d'énergie, 7,4 milliards d'euros ont été versés en 2022.

Le rapporteur spécial note que les crédits adoptés en LFI 2022 sur le périmètre historique du programme 345 ont été massivement mobilisés en exécution pour financer les dépenses consommées sur la nouvelle action 17 au titre des mesures de soutien aux consommateurs dans le cadre de la crise des prix de l'énergie.

En gestion, les versements effectués à EDF au titre des compensations de CSPE jouent le rôle de variable d'ajustement budgétaire. Par opportunité, pour lisser de façon pluriannuelle la consommation des crédits sur le programme 345 et pour ne pas avoir à demander au Parlement de modifier les crédits en cours d'année par des LFR, d'une année sur l'autre, l'État ajuste les versements effectifs à EDF. Cette pratique conduit à procéder à des reports de charges significatifs et très fluctuants d'une année sur l'autre.

En 2022, cette pratique a été largement utilisée pour financer les dépenses relatives aux boucliers tarifaires financés par l'action 17. Elle explique un report de dépenses de plus de 2 milliards d'euros constatés en 2023 pour des crédits qui avaient été approuvés par le Parlement au titre de l'exercice 2022. Ces pratiques entachent fortement l'autorisation budgétaire, le principe d'annualité ainsi que la sincérité des crédits inscrits au programme 345 en LFI. Elles autorisent, sans que le Parlement ne soit saisi, à réaffecter de façon massive des crédits qui avaient été adoptés à une autre fin, en l'occurrence ici au soutien de la production d'EnR. 

Aussi, toutes les évolutions présentées ci-dessous doivent-elles être prises avec précaution et relativisées dans la mesure où elles relèvent largement d'une procédure de réaffectation budgétaire destinée à financer des dépenses non anticipées.

La consommation de crédits sur l'action 09 « Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole » s'est élevée à 4,4 milliards d'euros, en baisse de 24 % par rapport à 2021 et inférieure de 367 millions d'euros à la prévision en LFI pour 2022 (4,7 milliards d'euros).

En 2022, la hausse des dépenses liées au dispositif de soutien à l'injection de biométhane (+ 4 % à 518 millions d'euros) a été également nettement moins importante qu'anticipée en LFI pour 202214(*).

Par rapport au montant constaté en 2021, les crédits consacrés aux mécanismes de péréquation en faveur des ZNI ont baissé de 13 % pour s'établir à 1,9 milliard d'euros (2,2 milliards d'euros avaient été prévus en LFI).

En 2022, les montants de CSPE affectés à la cogénération ont baissé de 17 % à 564 millions d'euros (646 millions d'euros étaient inscrits en LFI).

Comme il a pu le souligner au cours de l'examen du PLF pour 2023, le rapporteur spécial considère que les informations retracées dans les annexes budgétaires du programme 345, doublées des mécanismes de lissage et de réaffectation annuels des crédits du programme utilisés en gestion, manquent de clarté, ce qui est de nature à atténuer la portée de l'autorisation parlementaire.

F. LE CAS « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE » (FACÉ)

Le CAS FACÉ porte en dépenses les aides versées aux autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité (AODÉ)15(*). En recettes, il est alimenté par une contribution des gestionnaires des réseaux de distribution publique d'électricité16(*). Fixé par arrêté, le taux de cette contribution répond à une logique de péréquation entre zones urbaines et rurales17(*).

Le CAS comprend deux programmes :

- le programme 793 « Électrification rurale », qui concentre 93,7 % des AE et 99,2 % des CP exécutés en 2022, vise à financer le renforcement, la sécurisation et l'extension des réseaux d'électrification rurale ;

- le programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries » finance des actions de production décentralisée d'électricité dans les zones non interconnectées (ZNI), en particulier dans les collectivités ultramarines, ainsi que dans les sites isolés.

Depuis 2018, le CAS se voit systématiquement attribuer 360 millions d'euros de crédits en LFI. En 2022, la consommation des AE (393 millions d'euros) a progressé de 17 % par rapport à 2021 tandis que celle des CP s'est stabilisée (+0,9 %) à 348 millions d'euros à un niveau encore nettement inférieur au montant constaté en 2019 (382 millions d'euros). En 2021, la consommation des AE avait été freinée par des éléments conjoncturels tenant aux élections départementales et aux incertitudes concernant le cadre normatif du CAS.

Les taux de consommation des AE et des CP au regard des crédits adoptés en LFI sont respectivement de 109,1 % et de 96,6 %.

En prenant en compte la totalité des crédits ouverts en 2020, y compris les crédits de reports (34 millions d'euros en AE et 355 millions d'euros en CP), la consommation des crédits s'est établie à 95,6 % en AE mais à 49,4 % en CP.

D'année en année, l'intégralité des crédits non consommés sont systématiquement reportés sur l'exercice suivant. Aussi, en 2023, les reports de crédits se sont élevés à 16 millions d'euros en AE et 383 millions d'euros en CP.

Exécution des crédits du CAS par programme en 2022

(en milliers d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2020

Crédits exécutés 2021

Crédits votés LFI 2022

Crédits exécutés 2022

Exécution 2022
/ exéc. 2021

Exécution 2022
/ LFI 2022

(en %)

(en %)

793 « Électrification rurale »

AE

350 436,6

335 028,9

353 500,0

367 911,9

+ 9,8 %

+ 4,1 %

CP

296 044,2

342 205,6

353 500,0

344 849,5

+ 0,8 %

- 2,4 %

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

AE

2 840,1

601,3

6 500,0

24 800,2

+ 4 024,4 %

+ 281,5 %

CP

664,0

2 546,3

6 500,0

2 871,8

+ 12,8 %

- 55,8 %

Total

AE

353 276,7

335 630,2

360 000,0

392 712,1

+ 17,0 %

+ 9,1 %

CP

296 708,2

344 751,9

360 000,0

347 721,2

+ 0,9 %

- 3,4 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les recettes du CAS sont restées stables en 2022 (+ 0,3 %) à 378 millions d'euros. Comme au cours des années précédentes, le CAS présente un solde excédentaire de 30 millions d'euros.

Le CAS présente encore un montant d'engagements souscrits non couverts significatif de 241,6 millions d'euros en 2022, héritage de la reprise en 2012 d'engagements, à hauteur de 410 millions d'euros, pris avant cette date par EDF.

Équilibre du CAS « Financement des aides aux collectivités
pour l'électrification rurale » en 2022 (en crédits de paiement)

(en milliers d'euros)

Programme

Recettes

Crédits exécutés

Solde

793 « Électrification rurale »

 

344 849,5

 

794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par les énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries »

 

2 871,8

 

Total

377 925,6

347 721,2

+30 204,4

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Après avoir connu une forte baisse en 2020, du fait de la crise, le taux de consommation des crédits du programme 793 s'était nettement redressé en 2021. Ce mouvement s'est poursuivi en 2022 avec des taux d'exécution de 104 % pour les AE et de 98 % pour les CP.

Le rapporteur spécial note cependant que si l'on tient compte de l'ensemble des crédits ouverts sur le programme, fortement majorés par les reports structurels, la consommation de CP reste inférieure à 50 %.

Exécution du programme 793 par action en 2022

(en milliers d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

Crédits votés

Crédits exécutés

Taux de consommation

3 Renforcement des réseaux

170 000,0

182 499,9

107,4 %

170 000,0

170 260,3

100,2 %

4 Extension des réseaux

33 000,0

24 891,6

75,4 %

33 000,0

26 583,2

80,6 %

5 Enfouissement et pose en façade

40 000,0

39 761,3

99,4 %

40 000,0

41 574,2

103,9 %

8 Fonctionnement

300,0

458,5

152,8 %

300,0

506,0

168,7 %

9 Déclaration d'utilité publique (Très haute tension)

500,0

612,0

122,4 %

500,0

122,4

24,5 %

10 Intempéries

12 700,0

18 415,2

145,0 %

12 700,0

15 046,3

118,5 %

11 Sécurisation de fils nus

97 000,0

101 594,0

104,7 %

97 000,0

44 792,5

46,2 %

Total

353 500,0

367911,9

104,1 %

353500,0

344849,5

97,6 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Depuis la création du CAS, les crédits du programme 794 font systématiquement l'objet d'un phénomène de sous-consommation massif.

En 2022, le taux de consommation des AE (très faible en 2021, notamment en raison du contexte conjoncturel évoqué supra) s'est fortement redressé à 80,5 % du total des crédits ouverts18(*) tandis que celui des CP est retombé à moins de 9 % des crédits ouverts.

Les difficultés d'exécution des crédits du programme 794 s'expliquent toujours principalement par l'absence de projets d'ampleur en outre-mer, les difficultés à monter les dossiers et les retards du programme d'électrification du cirque de Mafate à la Réunion.


* 1 Dont les raisons sont décrites dans le rapport des rapporteurs spéciaux MM. Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, chargés du suivi des crédits de ces deux programmes.

* 2 Au total, 185 millions d'euros supplémentaires ont donc été alloués au dispositif afin de pouvoir faire face à l'ensemble des demandes, portant le coût de la prime en 2020 à 575 millions d'euros.

* 3 Cour des comptes page 43.

* 4 Augmentation de la consommation d'énergie qui fait suite à la diminution du prix de celle-ci.

* 5 Hors MaPrimeRénov' Sérénité et MaPrimeRénov' Copropriété.

* 6 Ce chèque de 100 euros ou de 200 euros concerne les ménages se chauffant au fioul depuis le début du mois de novembre 2022. Le régime de ce dispositif a été défini par le décret n° 2022-1407 du 5 novembre 2022 relatif au chèque énergie pour les ménages chauffés au fioul domestique.

* 7 Jusqu'au quatrième décile, soit un périmètre deux fois plus étendu que celui du chèque énergie classique.

* 8 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2021, et années précédentes, de la mission.

* 9 Page 64 de la NEB pour 2022.

* 10 Règlement (UE) 2022/1032 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2022 modifiant les règlements (UE) 2017/1938 et (CE) n° 715/2009 en ce qui concerne le stockage de gaz.

* 11 Du fait du calendrier de versement des CSPE.

* 12 Délibération n° 2021-314 de la Commission de régulation de l'énergie du 7 octobre 2021 portant communication sur l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour l'année 2022

* 13 La délibération n° 2022-202 de la Commission de régulation de l'énergie du 13 juillet 2022 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023 puis la Délibération n° 2022-272 de la Commission de régulation de l'énergie du 3 novembre 2022 relative à la réévaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 14 Qui prévoyait un montant de 713 millions d'euros.

* 15 C'est-à-dire les collectivités ou syndicats d'électrification détenteurs de la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les réseaux de distribution.

* 16 Assise sur le nombre de kilowattheures (kwh) distribués à partir d'ouvrages exploités en basse tension l'année précédente.

* 17 Pour l'année 2022, l'arrêté du 20 septembre 2022 a fixé le taux de contribution à :

- 0,180 100 centime d'euro par kilowattheure pour les communes urbaines ;

- 0,036 000 centime d'euro par kilowattheure pour les communes rurales.

* 18 En prenant en compte les reports.