II. LES OBSERVATIONS DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE : MALGRÉ UNE NORMALISATION DES CONDITIONS D'EXÉCUTION DE LA MISSION, CELLE-CI DEMEURE CONFRONTÉE À D'IMPORTANTES DIFFICULTÉS

A. UNE STABILISATION DES MOYENS HUMAINS DEPUIS LA CRISE SANITAIRE MAIS DES DIFFICULTÉS PERSISTANTES

1. Les schémas d'emploi, exigeants jusqu'en 2020, ont été assouplis en 2021 et 2022 et recentrés sur l'administration centrale du ministère

La création du programme 354 au 1er janvier 2020 a donné lieu à d'importantes évolutions de la maquette budgétaire. La loi de finances initiale pour 2020 a ainsi prévu des transferts depuis dix-neuf programmes distincts, faisant évoluer son périmètre dans la perspective de la création des secrétariats généraux communs (SGC) aux préfectures et aux directions départementales interministérielles.

Alors que la mission faisait encore, en 2020, l'objet de schémas d'emplois particulièrement exigeants (- 523 équivalents temps plein, ETP), les deux derniers exercices ont été marqués par l'interruption des réductions d'emplois pour le programme 354 et le renforcement des schémas d'emploi sur le programme 216, qui porte les effectifs de l'administration centrale du ministère.

Schémas de réductions d'emplois sur la mission AGTE

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de la Cour des comptes

Si la rapporteure spéciale salue l'inflexion réalisée dans les schémas d'emplois applicables aux préfectures, elle n'en déplore pas moins le niveau très faible des renforts d'effectifs mis en oeuvre par le Gouvernement. En effet, au rythme actuel, il faudrait plus d'un siècle pour revenir au niveau des emplois de 2010.

2. Le recours à des contractuels au sein des préfectures, une non-solution de court terme

Le recours à des contractuels au sein des préfectures a été systématisé. Ces derniers ont notamment représenté, au moment de la mise en place des centres d'expertise et de ressources des titres (CERT), jusqu'à 58 % des effectifs pour les CERT certificat d'immatriculation des véhicules (carte grise).

Comme le soulignait la Cour des comptes dans son rapport public annuel de février 2020, « il est difficile d'admettre que des situations précaires de ce type puissent perdurer au sein du service public, au-delà des périodes de transition pour lesquelles ces concours étaient justifiés ».

En 2022, face aux difficultés rencontrées dans le traitement des demandes de titres en faveur des publics étrangers, le plan de renforts triennal pour la période 2022-2024, à hauteur de 570 ETPT ne fait appel qu'à des vacataires, alors que ce type de contrats courts fragilise déjà les services. La complexité du droit des étrangers suppose en effet des délais de formation relativement importants, et, compte tenu des « coûts d'entrée », il aurait été préférable de recourir à des effectifs titulaires, qu'il aurait été pertinent de fidéliser.

En tout état de cause, la rapporteure spéciale estime qu'il faut cesser de recourir à des contractuels sur des missions pérennes et indispensables au fonctionnement normal des préfectures. Après des années de fragilisation des services, le réseau préfectoral n'a « plus les emplois fonctionnaires » indispensables au fonctionnement normal des services et un sursaut doit intervenir au plus vite.

3. Les délégués du préfet

Le programme 354 « Action territoriale de l'État » met, comme dix-huit autres programmes budgétaires, des agents à disposition du programme 147 pour remplir les missions de délégués du préfet.

Les délégués du préfet

Les délégués du préfet ont été créés après l'annonce, en février 2008, du « Plan Espoir Banlieues ». Ils ont pour mission de renforcer la présence de l'État dans les quartiers, faciliter la mise en oeuvre de la politique de la ville et améliorer la coordination de l'action des services de l'administration d'État et des collectivités territoriales.

En 2022, 130 délégués du Préfet du programme 354 sont mis à disposition et donnent lieu à un remboursement forfaitaire aux administrations de 60 000 euros pour les agents de catégorie A et de 58 000 euros pour les agents de catégorie B.

Sources : Réponses au questionnaire de la rapporteure spéciale

La note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes relève en particulier que le forfait de remboursement « pose de réelles difficultés pour les départements ultra-marins »7(*). Elle recommande ainsi depuis plusieurs années de trouver une solution pour que ces agents ne fassent pas, de manière récurrente, l'objet de transferts en gestion.

Cette question n'a néanmoins pas évolué, alors qu'il avait pourtant été indiqué au printemps 2021 à la rapporteure spéciale, afin de revenir sur ces transferts en gestion, qu'un groupe de travail avait été constitué, rassemblant la direction générale des collectivités locales (DGCL), la direction des ressources humaines du ministère de l'intérieur, la direction de la modernisation de l'action territoriale (DMAT) et l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Ce groupe de travail était chargé d'une réflexion sur l'évolution du statut des délégués du préfet et sur un éventuel transfert du portage budgétaire de ces emplois.

Ces transferts en gestion nuisent à la lisibilité du programme 354, alors que celui-ci met à disposition du programme 147 « politique de la ville » 130 ETPT et bénéficie à ce titre d'une compensation forfaitaire. Le montant de cette dotation ne correspond pas au coût réel des emplois pour le ministère de l'intérieur. En particulier, dans les départements ultra-marins, le coût d'un agent de catégorie A est, en moyenne, de 10 000 euros supérieur à la dotation forfaitaire.

En dépit des travaux présentés à la rapporteure lors des exercices précédents, il a été indiqué qu'aucune évolution ne devrait intervenir en projet de loi de finances pour 2024.


* 7 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État » pour 2021.