N° 771

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 25
Régimes sociaux et de retraite

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS

Rapporteure spéciale : Mme Sylvie VERMEILLET

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1095, 1271 et T.A. 125

Sénat : 684 (2022-2023)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE

1. La mission « Régimes sociaux et de retraite » du budget général est composée de trois programmes recensant les subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux :

- le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » (18,0 % des crédits de paiement de la mission - CP) ;

- le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » (13,2 % des crédits de paiement de la mission) ;

- le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », principalement dédié aux régimes de la SNCF et de la RATP (68,8 % des crédits de paiement de la mission).

La mission ne couvre pas tous les régimes spéciaux de retraite financés par l'État. La maquette budgétaire ne permet pas, dans ces conditions, de disposer d'une approche complète de ces régimes spéciaux, vision globale indispensable compte-tenu de la suppression de certains régimes prévue par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

2. En 2022, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » se sont élevés à 6 077,4 millions d'euros, soit un montant quasiment équivalent à celui retenu en loi de finances initiale (6 102,3 millions d'euros).

3. Créé en 2006, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État. Il regroupe trois programmes :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité » (94,5 % des dépenses du CAS en 2022) qui agrège l'ensemble des opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » (3,1 % des dépenses du CAS en 2022) ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions » (2,4 % des dépenses du CAS en 2022).

4. Les dépenses du CAS « Pensions » ont atteint en 2022 62,28 milliards d'euros (AE = CP) soit un montant supérieur à celui retenu en loi de finances initiale : 61,10 milliards d'euros. Les recettes censées équilibrer le compte ont été, quant à elles, légèrement supérieures à la prévision initiale, s'élevant à 61,73 milliards d'euros, soit une recette supplémentaire de l'ordre de 474 millions d'euros.

Ces écarts sont imputables à la progression des traitements des cotisants de 3,5 % et des pensions de 4 % arrêtée dans le premier collectif budgétaire pour 2022.

5. La suppression de cinq régimes spéciaux dans le cadre de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 pose la question de leur financement par le biais d'une subvention d'équilibre. Cette fermeture vient en tout état de cause souligner la difficulté pour le législateur de disposer d'une approche complète, au sein d'une même mission budgétaire, des régimes spéciaux financés par l'État. Parmi les régimes visés par la réforme, seul le régime de la RATP est en effet actuellement couvert par la mission « Régimes sociaux et de retraite ». Dans ces conditions, il apparaît indispensable de réviser la maquette budgétaire afin de pouvoir disposer d'une approche complète de ces régimes et de leur impact sur les finances publiques. Un tel document permettrait de mieux appréhender les incidences d'une poursuite de la réforme des régimes spéciaux (alignement des régimes de la Comédie française ou de l'Opéra de Paris, allègement de la charge du régime des marins).

6. Le solde technique du CAS « Pensions » est, pour la première fois depuis sa création, négatif en 2022, atteignant - 551,3 millions d'euros. L'exercice 2022 constitue la première étape d'une dégradation du solde cumulé du compte, appelé à être négatif à l'horizon 2025, en dépit de la réforme paramétrique (allongement de la durée de cotisation et relèvement des bornes d'âge) adoptée en loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Cette perspective incite à réviser le mode de financement du CAS afin d'en renforcer la lisibilité, en révisant les taux de contribution employeurs et en constituant de véritables réserves.

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE » ET DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PENSIONS » EN 2022

1. L'exécution de la mission « Régimes sociaux et de retraite » est très légèrement en deçà de la trajectoire retenue en loi de finances

La mission « Régimes sociaux et de retraite » du budget général est structurée autour de trois programmes recensant les subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux, qu'ils soient fermés (régimes des personnels de la SEITA et de l'ORTF, Caisses de retraites des régies ferroviaires d'outre-mer) ou ouverts (Établissement national des invalides de la marine). Le régime de la SNCF est quant à lui fermé depuis le 1er janvier 2020 quand celui de la RATP le sera à compter du 1er septembre 2023. Le régime des mines n'accueille qu'un nombre limité de cotisants.

Le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » regroupe les dotations attribuées :

- au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines ;

- au régime de retraite de la SEITA ;

- à la Caisse des retraites des régimes ferroviaires d'outre-mer ;

- au régime des personnels de l'ORTF.

Le programme 197 « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » est spécifiquement dédié à cette profession.

Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » est principalement dédié aux régimes de la SNCF et de la RATP. Il comprend également le financement du congé de fin d'activité des chauffeurs-routiers, soit 147,6 millions d'euros en CP en 2022. La rapporteure spéciale s'est interrogée à plusieurs reprises sur la pertinence de l'intégration de ce dispositif dans le programme 198, tant sa logique diffère de celle d'un régime spécial de retraites. La loi de finances pour 2023 vient répondre à cette objection en transférant les crédits afférents vers le programme 203 « Infrastructures et services de transports », rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilités durables ».

Répartition par programme des crédits de paiement consommés en 2022

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

En 2022, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » se sont élevés à 6 077,4 millions d'euros, soit un montant quasiment équivalent à celui retenu en loi de finances initiale (6 102,3 millions d'euros). 99,6 % des crédits ont ainsi été exécutés par rapport à cette prévision.

Exécution des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite »
par programme en 2021

(en millions d'euros)

Programme

Crédits exécutés 2021

Crédits votés
LFI 2022

Crédits ouverts 2022

Crédits exécutés 2022

Évolution exécution 2022 / 2021

Taux d'exécution 2022

P. 195 Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers

AE

1 129,8

1 095,8

1 093,5

1 092,2

96,67 %

99,67 %

CP

1 129,8

1 095,8

1 093,5

1 092,2

96,67 %

99,67 %

P. 197 Régimes de retraite et de sécurité des marins

AE

809,6

802,0

803,3

803,3

99,22 %

100,16 %

CP

809,6

802,0

803,3

803,3

99,22 %

100,16 %

P. 198 Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

AE

4 168,1

4 204,5

4 181,9

4 181,9

100,33 %

99,46 %

CP

4 169,0

4 204,5

4 181,9

4 181,9

100,31 %

99,46 %

Total

AE

6 107,5

6 102.3

6 078,7

6 077,4

99,51 %

99,59 %

CP

6 108,3

6 102.3

6 078,7

6 077,4

99,49 %

99,59 %

 Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les dépenses de la mission restent à un niveau inférieur au plafond défini en 2020 dans la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 (6,30 milliards d'euros).

Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2022

(en millions d'euros)

Prog.

LFI 2022

Arrêté de report

Décret d'avance

Lois de finances rectificatives

Total ouvertures et annulations

Crédits ouverts

Exécution 2022

Écart consommé/ crédits alloués en LFI

P195 Mines, Seita et divers

AE

1 095,8

-

-27,3

25

-2,3

1 093,5

1 092,2

3,6

CP

1 095,8

-

-27,3

25

-2,3

1 093,5

1 092,2

3,6

P197

Sécurité des marins

AE

802,0

-

-18,7

20,0

1,3

803,3

803,3

1,3

CP

802,0

-

-18,7

20,0

1,3

803,3

803,3

1,3

P198 Transports terrestres

AE

4 204,5

4,9

-99,0

72,3

-22,6

4 181,9

4 181,9

-22,6

CP

4 204,5

4,0

-99,0

72,3

-22,6

4 181,9

4 181,9

-22,6

Total mission

AE

6 102,3

4,9

-145,0

117,3

-23,6

6 078,7

6 077,4

-24,9

CP

6 102.3

4

-145,0

117,3

-23,6

6 078,7

6 077,4

-24,9

Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Le compte d'affectation spéciale « Pensions » : une stabilisation des recettes et une reprise des dépenses

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » retrace les opérations relatives aux pensions et avantages accessoires gérés par l'État.

Il est composé de trois programmes :

- le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d'invalidité », qui recense l'ensemble des opérations relatives au régime de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État et représente logiquement l'essentiel des dépenses du CAS en 2022 ;

- le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l'État » agrège les dépenses du Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels d'État (FSPOEIE) et du Fonds rente accident du travail des ouvriers civils des établissements militaires (RATOCEM) ;

- le programme 743 « Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ».

Répartition des dépenses du CAS Pensions en 2022

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les dépenses du CAS « Pensions » ont atteint en 2022 62,28 milliards d'euros (AE = CP). Ce montant est supérieur à la prévision retenue en loi de finances initiale : 61,10 milliards d'euros. La revalorisation des pensions de 4 % au 1er juillet 2022, prévue par la première loi de finances rectificative pour 2022 afin de tenir compte de la progression de l'inflation, justifie en large partie cette surconsommation.

Exécution des crédits du CAS « Pensions » par programme en 2022 (AE=CP)

(en millions d'euros)

 

Crédits exécutés en 2021

Crédits votés LFI 2022

Crédits exécutés 2022

Évolution exécution 2022 / 2021

Écart exécution 2022 / LFI 2022

P. 741 Pensions civiles et militaires de retraite

56 933,1

57 687,4

58 838,3

+3,35 %

+ 2 %

P. 742 Ouvriers des établissements industriels de l'État

1 922,3

1 935,8

1 967,4

+2,35 %

+1,63 %

P. 743 Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

1 538,2

1 481,2

1 475,0

-5,89 %

-0,42 %

Total

60 393,6

61 104,4

62 280,7

+ 3,12 %

+ 1,93 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La quasi-totalité des dépenses du CAS correspondent à des dépenses dites de « guichet ». Elles ne peuvent donc être pilotées en cours d'exercice. Les recettes peuvent, quant à elles, bénéficier d'un ajustement en fin d'année du taux de contribution employeurs. Cette faculté n'a, cependant, pas été utilisée depuis décembre 2013.

Évolution du taux de cotisation employeur de l'État depuis 2006

Année

Taux de cotisation employeur de l'État

Pension de retraite - civils

Pensions militaires

Allocation temporaire d'invalidité - civils

2006

49,90 %

100,00 %

0,30 %

2007

50,74 %

101,05 %

0,31 %

2008

55,71 %

103,50 %

0,31 %

2009

58,47 %

108,39 %

0,32 %

2010

62,14 %

108,63 %

0,33 %

2011

65,39 %

114,14 %

0,33 %

2012

68,59 %

121,55 %

0,33 %

2013

71,78 %

126,07 %

0,32 %

Depuis 2014

74,28 %

126,07 %

0,32 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les recettes censées équilibrer le compte ont atteint 60,76 milliards d'euros en 2022, soit une diminution de 48 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent.

Répartition des recettes perçues en 2022

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le montant des recettes perçues s'est élevé à 61,73 milliards d'euros en 2022. Il est supérieur à la prévision retenue en loi de finances initiale, soit 61,25 milliards d'euros. Cette majoration de recettes de l'ordre de 474 millions d'euros, est liée à la revalorisation de 3,5 % des traitements des fonctionnaires au 1er juillet dernier afin de tenir compte de l'inflation, prévue par la première loi de finances rectificative pour 2022.

Recettes du CAS « Pensions » par programme en 2022

(en millions d'euros)

Programme

Recettes perçues en 2021

Recettes prévues en LFI 2022

Recettes perçues 2022

Évolution exécution 2022 / 2021

Écart exécution 2022 / LFI 2022

P. 741 Pensions civiles et militaires de retraite

57 290

57 856

58 314

+1,79 %

+0,79 %

P. 742 Ouvriers des établissements industriels de l'État

1 924

1 920

1 938

+0,73 %

+0,94 %

P. 743 Pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

1 550

1 479

1 476

-4,77 %

-0,20 %

Total

60 764

61 255

61 728

+1,59 %

+0,77 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette progression reste cependant inférieure à la réévaluation à la hausse de l'assiette de cotisation, liée à l'augmentation de la valeur du point de la fonction publique. Sans cette mesure, le CAS aurait été confronté à une diminution de ses recettes.

Évolution des recettes et des dépenses du CAS Pensions depuis 2010

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette progression modérée des recettes ne permet pas, en tout état de cause, d'atteindre l'équilibre au regard de la dynamique des dépenses. Le solde du CAS « Pensions » est ainsi négatif pour la première fois depuis la sa création, atteignant - 551,3 millions d'euros. Le solde cumulé du CAS depuis sa création s'élève, dans ces conditions, à 8,9 milliards d'euros. Cet excédent technique ne constitue cependant pas des réserves et est reversé au budget de l'État.

II. L'ANNÉE 2022 CORRESPOND AU DERNIER EXERCICE BUDGÉTAIRE AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA RÉFORME DES RETRAITES ADOPTÉE EN LOI DE FINANCEMENT RECTIFICATIVE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2023

1. Une révision de la maquette budgétaire de la mission Régimes sociaux et de retraite à venir ?

En dehors des régimes des pensions des fonctionnaires civils et militaires et des ouvriers de l'État ciblés spécifiquement par le compte d'affectation spéciale « Pensions », le budget de l'État a financé 12 régimes à hauteur de 11,3 milliards d'euros, via des taxes affectées ou des subventions d'équilibre. Ce montant n'intègre pas les sommes résiduelles affectées à des régimes en voie d'extinction comme les pensions des anciens agents des chemins de fer d'Afrique du Nord et d'outre-mer et les pensions de certains agents des chemins de fer secondaires (Caisse autonome mutuelle de retraite - CAMR), financés par la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Financement de l'État en 2022 vers certains régimes de retraite
(hors CAS Pensions)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le Jaune « Pensions » annexé au projet de loi de finances pour 2023

Celle-ci ne couvre pas, en tout état de cause, l'ensemble des régimes spéciaux de retraite pour lesquels l'État verse pourtant une subvention d'équilibre. Le financement des caisses de retraites de l'Opéra de Paris ou de la Comédie française est ainsi prévu au sein du programme 131 « Création », rattaché à la mission « Culture ». Le régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières (IEG), le régime des non-salariés agricoles, le régime de retraite des avocats (CNBF) et celui des clercs et des employés de notaire sont, quant à eux, financés au moyen de taxes affectées. Ces dépenses fiscales ne sont pas non plus recensées au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

La maquette budgétaire ne permet pas, dans ces conditions, de disposer d'une approche complète des régimes spéciaux financés par l'État. La rapporteure spéciale insiste sur la nécessité d'une modification rapide de celle-ci. Elle apparaît d'autant plus indispensable que la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 prévoit la fermeture, au 1er septembre 2023, de nouveaux régimes spéciaux - RATP, Banque de France, clercs et employés de notaires, Industries électriques et gazières, Conseil économique, social et environnemental - et pose de fait la question de leur financement. Cette fermeture devrait, en effet, conduire à une attrition du nombre de cotisants avec pour corollaire une baisse des cotisations perçues par les caisses. Le versement d'une subvention d'équilibre par l'État, en attendant une convention avec le régime général et les complémentaires (AGIR-ARCCO et IRCANTEC), pourrait constituer une solution transitoire. Or, seul le régime de la RATP est actuellement couvert par la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Dans ces conditions, il apparaît indispensable de réviser la maquette budgétaire afin de pouvoir disposer d'une mission élargie à tous les régimes spéciaux, bénéficiant de crédits de l'État. Ce document doit notamment permettre au législateur de bénéficier de toutes les informations en vue éventuellement d'aller au-delà de la seule fermeture des régimes visés plus haut.

La rapporteure spéciale souhaite ainsi que soit posée la question du maintien des régimes spéciaux culturels (Opéra national de Paris, Comédie française). S'il est moins évident pour l'Opéra de Paris, compte tenu de la spécificité de certains métiers (corps de ballet), un alignement du régime de la Comédie française ne pose pas a priori de difficulté au regard de l'activité même et du profil des cotisants.

Principales caractéristiques des régimes spéciaux « culturels » en 2021

Caisse

Nombre de cotisants

Nombre de bénéficiaires

Dépenses du régime

(en millions d'euros)

Subvention de l'État

(en millions d'euros)

Part du financement de l'État

(en pourcentage)

Caisse de l'Opéra national de Paris

2 059

1 841

31

18

58,1 %

Caisse de la Comédie française

346

450

6

4

66,7 %

Source : commission des finances, d'après le Jaune « Pensions » annexé au projet de loi de finances pour 2023

Elle rappelle, en outre, que, comme elle l'avait recommandé dans son rapport de contrôle budgétaire publié en juillet 2022, sans envisager une fermeture du régime des marins, un allègement de sa charge via le reversement des cotisations vers le régime général pourrait être envisagé pour les carrières courtes dans le secteur maritime1(*).

2. La dégradation du solde technique constitue la première étape d'une détérioration sensible de l'équilibre du compte et incite à une réforme du financement du régime de la fonction publique

Les dépenses du CAS « Pensions » ont augmenté de 3,1 % en 2022, soit un rythme largement supérieur à celui constaté depuis 2017. Les mesures de soutien au pouvoir d'achat conduisent ainsi le CAS à renouer avec un rythme d'augmentation de ses dépenses observé durant la période 2007-2013 (3 % de moyenne annuelle). Il convient de relever à ce stade que la réévaluation des arrérages de 4 % n'a eu d'impact que sur le second semestre 2022.

Progression des dépenses du CAS « Pensions » depuis 2017

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette progression des dépenses a un impact direct sur l'équilibre du compte, dont le solde cumulé enregistre une baisse pour la première fois depuis 2013.

Évolution du solde cumulé du CAS « Pensions » depuis 2006

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2022 marque une réelle rupture, le CAS ne bénéficiant plus du contexte favorable à la progression de son solde cumulé :

- les exercices 2018 à 2020 avaient été marqués par la mise en oeuvre du rapprochement du taux de cotisation salariale avec celui du régime général ;

- la conjonction de la revalorisation du point fonction publique en 2016 et 2017 et la mise en place du protocole d'accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) entre 2016 et 2021 avait également permis de majorer les recettes du CAS, l'impact de ces majorations de traitement sur les dépenses de pension étant différé ;

- la faible inflation observée sur la période 2013-2021 avait limité les revalorisations des pensions.

Le solde cumulé s'inscrit désormais dans une trajectoire baissière. La réforme paramétrique introduite par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 (relèvement de la borne d'âge et allongement de la durée de cotisation) ne devrait pas remettre en cause cette perspective à court terme. Pour mémoire, sans réforme paramétrique, le solde cumulé est appelé à devenir négatif à l'horizon 2025, date à laquelle il devrait atteindre -0,2 milliard d'euros. Si le Gouvernement table désormais sur une amélioration du solde technique du CAS Pensions, celle-ci ne serait observable qu'en 2027 (+0,7 milliard d'euros).

Le solde cumulé n'est qu'un indicateur comptable. Il ne correspond pas à de véritables réserves destinées à faire face au choc démographique attendu à partir de 2023. Sa dégradation annoncée incite néanmoins à repenser le financement des retraites servies par l'État en vue de renforcer sa lisibilité et anticiper le déséquilibre annoncé.

Ainsi, aux taux de contribution employeurs actuels succéderait un taux de cotisation patronale doublé d'une subvention d'équilibre dédiée au CAS Pensions, à l'image de ce qui est opéré au sein de la mission Régimes sociaux et de retraite. Un tel dispositif permettrait de faciliter la comparaison des données entre les retraites du régime général et celles versées par l'État, avec les précautions d'usage habituelles (différence d'assiette de cotisation notamment).

Taux de cotisation légaux et taux de prélèvement d'équilibre en 2020

Population affiliée

Taux légaux de cotisation (salarié et employeurs)

Taux de prélèvement d'équilibre corrigé du ratio démographique

Salariés du secteur privé et artisans/commerçants

27,7 % / 24,75 %

23,9 %

Fonctionnaire de l'État (civils)

90,4 %

23,7 %

Fonctionnaires de l'État (militaires)

142,2 %

24,1 %

Fonctionnaires territoriaux et hospitaliers

46,8 %

28,3 %

Professionnels libéraux (hors avocats)

19,9 %

12,7 %

Non-salariés agricoles

18,9 %

13,5 %

Tous régimes

 

27,5 %

Source : Conseil d'orientation des retraites, rapport annuel de septembre 2022

La perspective d'une inversion du solde cumulé incite, par ailleurs, à s'interroger sur l'essence même de cet indicateur comptable. La rapporteure spéciale insiste sur le fait qu'il relève avant tout d'une fiction, tant il ne permet pas de faire face aux aléas (crise sanitaire, inflation) auxquels peut être confronté le régime des retraites de la fonction publique d'État. Il serait souhaitable que cette fiction comptable soit abandonnée et débouche sur la création de véritables réserves, appelées à être gérées par le Fonds de réserve des retraites (FRR).


* 1 Faut-il fermer les régimes spéciaux de retraites de la RATP et des Marins ? Rapport d'information n° 804 (2021-2022) de Mme Sylvie VERMEILLET, au nom de la commission des finances, 20 juillet 2022.