N° 771

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 29b
Sécurités

(Programme 161 « Sécurité civile »)

Rapporteur spécial : M. Jean Pierre VOGEL

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1095, 1271 et T.A. 125

Sénat : 684 (2022-2023)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. En 2022, l'exécution des crédits de paiement (CP) du programme 161 « Sécurité civile » a largement dépassé la prévision établie en loi de finances initiale (LFI). Ainsi, près de 652,7 millions d'euros en CP ont été consommés, alors que près de 568,1 millions d'euros étaient programmés. Cette surconsommation de près de 15 % s'explique par des dépenses imprévues résultant d'une saison « feux de forêt » 2022 d'une intensité exceptionnelle.

2. L'analyse de l'exécution des crédits par titre révèle une sur-exécution importante de 26 % des dépenses de fonctionnement, qui s'élèvent en 2022 à 194,6 millions d'euros en CP. Cette surconsommation des crédits de fonctionnement résulte de la forte mobilisation de la flotte aérienne de la sécurité civile en réponse à l'intensité des feux de forêt de l'été 2022. Ce regain d'activité s'est traduit par une augmentation imprévue des dépenses consacrées à la location d'hélicoptères bombardiers d'eau, à la maintenance des aéronefs, et à la consommation de carburant et de produit retardant.

3. L'année 2022 a également été marquée par une surconsommation des dépenses d'intervention, qui s'élèvent à 167,3 millions d'euros en CP, soit une hausse de 35 % par rapport au montant programmé en LFI. Cette surconsommation s'explique, d'une part, par la prise en charge par l'État de dépenses des centres de vaccination contre la Covid-19 gérés par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), et d'autre part, par la mobilisation des colonnes de renfort « feux de forêt » pour lutter contre les incendies de l'été 2022. Ces dépenses d'intervention demeurent toutefois majoritairement portées par la participation de l'État au budget de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), qui s'élève à 97,1 millions d'euros en CP en 2022.

4. L'année 2022 a également été marquée par la poursuite du renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile, qui constitue le principal vecteur de dépenses d'investissement de l'année 2022. Ces dépenses s'élèvent à 94,7 millions d'euros en CP, soit un montant quasi-égal à la programmation initiale.

5. Enfin, le rapporteur spécial regrette la situation de défaillance du marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) de la flotte d'hélicoptères « Dragons », qui fait aujourd'hui l'objet d'un litige entre le prestataire du marché et l'État. Cette situation pourrait engendrer, selon la Cour des comptes, un surcoût important sur les prochains exercices, de nature à fragiliser la soutenabilité budgétaire du programme « Sécurité civile ».

I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME EN 2022

A. UNE EXÉCUTION POUR 2022 PROCHE DE CELLE DE 2021

En 2022, la consommation des crédits du programme 161 « Sécurité civile » est relativement stable par rapport à l'année précédente. L'année 2022 a plus particulièrement été marquée par une légère hausse de 5,15 % des crédits consommés en autorisation d'engagements (AE) et par une légère baisse de 3,63 % en crédits de paiement (CP).

Exécution des crédits en 2022
pour le programme 161 « Sécurité civile »

(en millions d'euros, incluant les fonds de concours
et attributions de produits)

 

Crédits exécutés en 2021

Crédits votés en LFI 2022

Crédits exécutés en 2022

Écart entre les crédits exécutés
en 2021 et 2022

Écart entre l'exécution et les crédits ouverts en LFI pour 2022

AE

669,5

678

704

+ 5,15 %

+ 3,83 %

CP

678

568,1

652,7

-3,73 %

+ 14,89 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

La baisse des CP consommés par rapport à 2021 est en réalité due à l'extinction progressive du fonds de concours de participation de Santé publique France à la lutte contre la Covid-19. Ce fonds concours, créé en 2021 pour financer la participation des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et des associations agréées de sécurité civile (AASC) aux campagnes de tests et de vaccination, avait en effet abondé le programme 161 d'un montant de 160,1 millions d'euros en AE et CP en cours d'année 2021, dont 108,6 millions avaient finalement été consommés.

La baisse dans l'exécution des crédits de 2022 par rapport à 2021 doit donc être nuancée. En effet, en neutralisant l'impact budgétaire du fonds de concours de Santé publique France (38,3 millions d'euros consommés en 2022 contre 108,6 millions d'euros en 2021), on constate en réalité une hausse conjointe des dépenses d'intervention (+6,79 millions d'euros en CP) et de fonctionnement (+31,12 millions d'euros en CP) entre 2021 et 2022.

Ce dynamisme des dépenses témoigne d'une intensification de la pression opérationnelle pesant sur les acteurs de la sécurité civile, et notamment, sur la flotte aérienne de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC).

Évolution de la consommation des crédits de paiement

(en millions d'euros,
incluant les fonds de concours et attributions de produits)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

B. UNE SUR-EXÉCUTION DES CRÉDITS PAR RAPPORT À LA PRÉVISION, QUI RÉSULTE NOTAMMENT D'UNE SAISON DES FEUX INTENSE

Le montant des crédits finalement consommés en 2022 est supérieur de près de 85,54 millions d'euros en CP par rapport aux crédits votés en LFI. Cet écart entre la prévision et l'exécution, de l'ordre de 14,9 %, s'explique par plusieurs abondements de crédits réalisés au cours de l'année, en grande partie imputables à la saison des feux d'une rare intensité qui a frappé le territoire lors de l'été 2022.

L'année 2022 a tout d'abord été marquée par un report de crédits de 70,65 millions d'euros en CP, principalement issus du fonds de concours de Santé publique France au titre de sa participation à la lutte contre la Covid-19, dont une partie substantielle n'a finalement pas été consommée en 2021 (51,6 millions d'euros en CP).

Le décret d'avance du 7 avril 20221(*) a par la suite annulé 7,3 millions d'euros en CP sur le programme pour financer des dépenses urgentes liées au conflit ukrainien.

Le programme 161 a également fait l'objet d'une ouverture de 12,33 millions d'euros en CP par la première loi de finances rectificative pour 20222(*) (LFR 1 pour 2022) pour restaurer les marges de manoeuvre du programme dans le contexte des feux de forêts de l'été 2022. La LFR 1 pour 2022 a donc permis :

- d'une part, de rétablir les 7,3 millions d'euros en CP annulés par le décret d'avance du 7 avril 2022 ;

- et d'autre part, de renforcer, à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, les moyens dédiés aux colonnes de renfort mobilisés dans le cadre de la lutte contre ces incendies, à hauteur de 5 millions d'euros en CP.

La deuxième loi de finances rectificative pour 20223(*) (LFR 2 pour 2022) a également ouvert 26,25 millions d'euros en CP. La réserve de précaution de 12,5 millions d'euros a ainsi été intégralement dégelée afin de financer les surcoûts impliqués par cette saison « feux de forêts », et plus particulièrement, les dépenses imprévues liées au maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique, et à la consommation de carburants et de produit retardant (voir les observations du rapporteur spécial infra).

Au total, les abondements de crédits intervenus en cours de gestion ont porté le montant des CP pour 2022 à plus de 675,6 millions d'euros, soit près de 107,5 millions de plus par rapport à la prévision.

Mouvements de crédits intervenus en gestion 2022

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

Montants
2022

LFI

568,13

LFR

38,59

dont LFR 1

12,33

dont LFR 2

26,25

Reports de la gestion précédente (2021 vers 2022)

70,65

dont fonds de concours et attribution de produits

55,11

Fonds de concours et attribution de produits (hors reports)

2,19

Autres mouvements règlementaires

-3,97

dont décret d'avance

- 7,33

Total des crédits de paiement ouverts

675,59

Dépenses constatées

652,67

Reports de gestion vers 2023

22,09

Annulations

0,83

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

C. UN PLAFOND D'EMPLOIS EN SOUS-EXÉCUTION DEPUIS 2015

Le plafond d'emplois du programme 161 fixé par la LFI pour 2022 était en baisse par rapport à celui prévu en LFI pour 2021, avec un total de 2 463 ETPT en 2022 prévus contre 2 490 ETPT en 2021.

Le plafond d'emplois a toutefois été marqué, comme c'est le cas depuis 2015, par une sous-exécution, qui correspond en 2022 à - 24,24 ETPT.

Évolution de l'exécution du plafond d'emplois

(en ETPT)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Plafond d'emplois autorisé

2 404

2 402

2 450

2 483

2 498

2 479

2 490

2463

Plafond d'emplois réalisé

2 382

2 379

2 411

2 444

2 454

2 454

2 470

2438

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs, la LFI pour 2022 ne prévoyait aucune création d'emploi sur le programme. Ce schéma d'emplois a été respecté.

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LES CRÉDITS DE FONCTIONNEMENT DU PROGRAMME « SÉCURITÉ CIVILE » SONT SOUS TENSION

1. Une sur-exécution des crédits de fonctionnement en 2022, qui résulte d'une forte mobilisation des acteurs de la sécurité civile en réponse à une saison de feux de forêt particulièrement intense

Les dépenses de fonctionnement se sont élevées à 194,6 millions d'euros en CP en 2022, soit 40,2 millions de plus que la budgétisation initiale, et près de 31,1 millions d'euros de plus que l'exécution 2021.

Cette surconsommation de près de 26 % par rapport à la budgétisation initiale s'explique en grande partie par la sollicitation exceptionnelle des acteurs de la sécurité civile, et notamment de la flotte aérienne de la DGSCGC, en réponse à la saison « feux de forêt » de 2022 particulièrement intense. Ces incendies de forêt, qui concernent habituellement davantage la moitié sud-est du pays, ont cette année eu la particularité de s'étendre concomitamment à plusieurs parties du territoire, dont la Gironde, particulièrement touchée. Près de 72 000 hectares de forêt ont été brûlés, soit un montant près de six fois supérieur à la moyenne décennale. Par ailleurs, près de 7 800 incendies ont été recensés en métropole entre le 1er juin et le 30 septembre 2022, soit trois fois plus que la moyenne décennale qui s'établit à 2 715 incendies recensés.

Cette forte mobilisation des acteurs de la sécurité civile a impliqué un surcoût budgétaire important, qui a concerné plusieurs dépenses de fonctionnement, telles que la location d'aéronefs, la maintenance des appareils, et la consommation de carburant et de produit retardant, mais aussi, les dépenses d'intervention par le biais du financement par l'État des colonnes de renfort.

Pour répondre à cette forte activité, les aéronefs de la sécurité civile ont réalisé 7 776 heures de vol, contre 6 000 heures de vol pour une saison moyenne. Cette activité exceptionnelle de la flotte est en partie responsable de la hausse des dépenses de carburant des aéronefs, qui s'élèvent à 17 millions d'euros en CP, soit une augmentation de 48 % par rapport aux prévisions de la LFI pour 2022. Toutefois, cette hausse n'est pas uniquement imputable à ce regain d'activité, puisqu'elle résulte en grande partie de l'inflation du coût des hydrocarbures.

En outre, les dépenses de produits de retardant se sont élevées à 8,5 millions d'euros, et représentent ainsi le double du montant prévu par la LFI pour 2022. Près de 5,8 millions d'euros de retardant aérien et 2 millions d'euros de retardant terrestre ont été consommés. Les dépenses de maintenance et de location des pélicandromes, qui permettent le ravitaillement des aéronefs en retardant, ce sont élevées à 700 000 euros.

Le ministère de l'intérieur a également été contraint de recourir en urgence à la location de deux hélicoptères lourds bombardiers d'eau, s'additionnant à la location des deux appareils de ce type initialement prévue, et à la réquisition de huit appareils. Le montant des dépenses engagées pour ces locations s'élève à 14,3 millions d'euros en CP, contre 6 millions d'euros prévus dans la programmation budgétaire initiale.

Enfin, la sur-sollicitation de la flotte aérienne de la sécurité civile s'est traduite par des opérations de maintenance plus nombreuses, générant un surcoût de 11 millions d'euros par rapport à la programmation initiale.

Ces dépenses imprévues ont conduit le Gouvernement à proposer, dans le cadre de la LFR 2 pour 2022, l'ouverture de 18,1 millions d'euros en AE et 26,3 millions d'euros CP pour absorber les surcoûts induits par cette saison « feux de forêt ».

Ce surcoût s'est finalement élevé à près du 33 millions d'euros4(*), soit 4,8 % des CP ouverts en LFI pour 2022 sur le programme. Le rapporteur spécial relève le caractère particulièrement élevé de ce montant, au regard de l'évaluation réalisée par le Cour des comptes en 2021, qui avait estimé qu'une saison feux haute intensité entraînerait un surcoût d'environ 10 millions d'euros.

Il souligne que, si les évènements de l'été 2022 étaient de nature quasi-inédite, il est malheureusement probable que la saison des feux 2022 devienne à l'avenir une saison de référence, compte tenu de l'intensification et de l'extension géographique du risque feux de forêts induit par le réchauffement climatique,. Cette intensification du risque pourrait conduire à une augmentation chronique de certaines dépenses de fonctionnement, et mettre sous tension la soutenabilité du programme, comme il l'a déjà souligné l'année dernière5(*). La Cour des comptes avait par ailleurs relevé les faibles marges de manoeuvre dont disposent les gestionnaires du programme, dont le taux de dépenses obligatoires et inéluctables représentait en 2021 81,9 % des AE et 98,4 % des CP6(*). Dans ce contexte, le rapporteur spécial s'assurera que les prochaines programmations budgétaires soient bien en adéquation avec l'intensification du risque « feux de forêt » et les dépenses supplémentaires qu'elle implique.

À cet égard, il avait émis des réserves sur la budgétisation de certains postes de dépenses lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2023. La budgétisation initiale ne tirait en effet que partiellement les conséquences des surcoûts induits par la saison des feux 2022. Toutefois, un amendement du Gouvernement, adopté en séance publique au Sénat, était venu abonder le programme « Sécurité civile » de 12 millions d'euros en AE et en CP, dont 5 millions destinés à la location d'hélicoptères lourds bombardiers d'eau supplémentaires.

2. Les dépenses de maintenance de la flotte d'hélicoptères constituent un facteur de fragilisation de la soutenabilité budgétaire du programme à court-terme

Dans sa note sur l'exécution budgétaire de la mission « Sécurités », la Cour des comptes fait état, dans la lignée du constat formulé dans un référé adressé au ministère de l'intérieur du 26 juillet 2022, d'un « maintien en condition opérationnelle défaillant » concernant la flotte d'hélicoptères « Dragons » EC145 de la sécurité civile.

Les éléments transmis par la DGSGC au rapporteur spécial confirment ce constat, en indiquant que le titulaire du marché de soutien des hélicoptères « n'a pas été à la hauteur des enjeux, ce qui a conduit le groupement hélicoptère à limiter drastiquement son activité aux missions essentielles et a déstabilisé l'activité du centre de maintenance de manière durable. »

Le marché MCO des hélicoptères EC 145 de la sécurité civile

La maintenance de la flotte hélicoptères EC145 est assurée, à titre principal, en régie par l'organisme d'entretien du groupement basé à Nîmes. La sécurité civile s'est associée pour l'essentiel de la couverture de ses besoins de réparation et de rechange d'équipements aéronautiques aux marchés négociés de maintenance aéronautique des aéronefs du ministère des armées par la direction de la maintenance aéronautique d'État (DMAé).

Ainsi, huit marchés différents, en majorité mutualisés avec la gendarmerie nationale, permettent de couvrir ces besoins, dont les plus importants concernent le support logistique de la maintenance des cellules des appareils EC145 auprès du groupement I, et des moteurs auprès de Safran Helicopters engines, commun à toutes les flottes hélicoptères d'État.

Le marché attribué au groupement I est un accord-cadre conclu pour une durée de sept ans au montant maximum de 270 millions d'euros, avec un engagement d'AE pour 27 mois en janvier 2021.

Source : Cour des comptes, note sur l'exécution budgétaire de la mission « Sécurités » pour l'année 2022

Le Cour fait état de nombreuses difficultés dans la réalisation du marché de maintenance des cellules des appareils EC145 (groupement I.), qui auraient sensiblement impacté la disponibilité opérationnelle de la flotte depuis 2021. Plusieurs appareils ont été rendus indisponibles en raison de difficultés logistiques qui ont impliqué un allongement des délais d'approvisionnement en pièces détachés. Le taux de disponibilité des hélicoptères EC145, qui s'élevait à 95 % en 2020, a ainsi sensiblement baissé, pour s'établir à 90,7 % en 2022. Ces retards ont abouti à l'application de pénalités au prestataire, pour un montant de près d'1 million d'euros, uniquement pour la part du marché concernant la sécurité civile.

Ces difficultés conduiraient en outre à des retards dans les travaux de rénovation des hélicoptères EC145. Ces travaux impliqueraient en effet l'immobilisation d'appareils supplémentaires, et pourraient ainsi déstabiliser davantage le fonctionnement opérationnel de la flotte. Le ministère de l'intérieur a toutefois précisé que cette rénovation n'apparaissait en tout état de cause plus opportune, compte tenu de l'annonce du renouvellement de cette flotte dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur7(*) (LOPMI).

D'après la Cour, « les difficultés relatives à ce marché risquent d'avoir des conséquences budgétaires supplémentaires dans les prochains mois. » Le prestataire I. estime en effet que les surcoûts induits par ces difficultés remettraient en cause l'économie du contrat, mettant en péril la poursuite de son activité et par conséquent, la poursuite du marché. D'après la Cour, le prestataire « a donc saisi le comité consultatif national de règlement amiable des litiges afin que les surcoûts soient mis à la charge de l'État. » et a, en parallèle, « soumis un projet d'accord préalable entre les parties », refusé à ce stade par la DGSCG et la direction de la maintenance aéronautique d'État (DMAé). Cette proposition d'accord contient :

- une modification de la gouvernance du marché et du mode de rémunération du titulaire au titre de certaines prestations ;

- la mise en place d'une transaction pour les coûts supplémentaires supportés par le titulaire du marché I. au titre des premières années du marché ;

- une redéfinition des pénalités, voire une suspension pour les équipements connaissant de fortes tensions sur le marché.

Le Gouvernement estime que ces nouvelles conditions impliqueraient un surcoût annuel de 13 millions d'euros pour la sécurité civile, ainsi que le paiement de 34,3 millions d'euros de dédommagement au profit du prestataire pour les surcoûts supportés depuis le début du marché. D'après la Cour des comptes8(*) le prestataire ferait « planer la menace d'une cessation d'activités dans les mois prochains si cette transaction n'est pas acceptée, ce qui est susceptible de mettre en péril l'ensemble de la maintenance des hélicoptères de la sécurité civile ».

Le rapporteur spécial partage la position de la Cour, qui estime que cet accord « conduirait à accroître significativement la tension déjà élevée sur le programme », et recommande ainsi à l'État de « refuser la prise en charge financière (...) des défaillances du prestataire de maintien en condition opérationnelle des hélicoptères de la sécurité civile ».

B. LA SURCONSOMMATION DES CRÉDITS D'INTERVENTION ILLUSTRE LA MOBILISATION EXCEPTIONNELLE DES COLONNES DE RENFORT EN 2022 POUR LUTTER CONTRE LES INCENDIES

Les dépenses d'intervention se sont élevées à près de 167,3 millions d'euros en CP en 2022, soit une hausse de 35 % par rapport au montant programmé en LFI (+ 43,5 millions d'euros). Elles connaissent toutefois une nette régression de 27,5 % par rapport à l'année 2021.

1. La mobilisation des colonnes de renfort « feux de forêts » et la prise en charge par l'État des dépenses des centres de vaccination gérés par les SDIS expliquent la surconsommation des dépenses d'intervention du programme

Cette surconsommation des crédits du titre 7 résulte essentiellement de la prise en charge par l'État des colonnes de renfort, composées de sapeurs-pompiers des SDIS mis à disposition des préfets en cas de catastrophe majeure.

Cette sur-exécution des dépenses consacrées aux colonnes de renforts s'est traduite en 2022 par la prise en charge par l'État des centres de vaccination contre la Covid-19 gérés par les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), pour un montant de 38,3 millions d'euros en CP. Ces crédits proviennent d'un report de crédit issus du fonds de concours de participation de Santé publique France à la lutte contre la Covid-19 non consommés en 2021.

Elle résulte également de la sollicitation exceptionnelle des colonnes de renfort « feux de forêt », et de celles qui ont été mobilisées face à d'autres crises telles que les intempéries qui ont touché le département de l'Allier ainsi que celui de la Dordogne en juin 2022. La dépense globale engagée pour ces colonnes de renfort s'élève à 11,4 millions d'euros en CP, soit 6,6 millions de plus par rapport aux crédits programmés.

Au total, 44 colonnes de renfort « feux de forêts » ont été engagées, soit un quasi-doublement des 24 colonnes de renfort planifiées en début de saison. Dans le premier projet de loi de finances rectificative pour 2022, dont l'examen est intervenu au coeur de la saison des feux, le Sénat avait introduit, à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances, et contre l'avis du Gouvernement, un amendement visant à abonder la programme « Sécurité civile » de 5 millions d'euros en AE et en CP, finalement conservé dans le texte issu de la commission mixte paritaire.

Il s'avère que cette initiative était bienvenue puisqu'elle a permis de couvrir intégralement le surcoût impliqué par la mobilisation des colonnes de renfort « feux de forêts ».

2. Des dépenses d'intervention qui demeurent principalement supportées par la contribution de l'État au budget de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris

Les dépenses d'intervention du programme « Sécurité civile » demeurent majoritairement ciblées sur la participation de l'État au budget de fonctionnement de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP).

La contribution de l'État au budget de la BSPP

L'article L. 2512-18 code général des collectivités territoriales indique que les recettes et dépenses de la BSPP sont inscrites au budget spécial de la Préfecture de police. L'article L. 2512-19 de ce même code prévoit notamment une contribution de l'État au budget de fonctionnement de la BSPP, égale à 25 % des dépenses suivantes, inscrites au budget spécial :

- la rémunération des militaires de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, y compris l'alimentation des militaires pendant la durée légale du service ;

- les frais d'habillement, de déplacement, de transport et de mission ;

- les dépenses du service d'instruction et de santé ;

- l'entretien, la réparation, l'acquisition et l'installation du matériel de lutte contre l'incendie, du matériel de transport et du matériel de transmission.

Source : code général des collectivités territoriales

Les dépenses engagées par l'État au titre au titre du financement de la BSPP se sont élevées à 97,1 millions d'euros en 2022, soit une augmentation de 4 % par rapport à l'année précédente (+ 3,4 millions d'euros). Elles font l'objet d'une surconsommation de 900 000 euros par rapport au montant initialement programmé en LFI pour 2022, « en dépit de la vigilance du responsable de programme » d'après la Cour des comptes. Cet écart s'explique en grande partie par le financement de la revalorisation du point d'indice des agents de la BSPP.

C. UNE EXÉCUTION DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT PROCHE DE LA BUDGÉTISATION INITIALE, QUI TRADUIT LA POURSUITE DU RENOUVELLEMENT DE LA FLOTTE AÉRIENNE

Les dépenses d'investissement engagées en 2022 s'élèvent à 94,7 millions d'euros en CP, soit un montant très proche de celui ouvert lors de la programmation budgétaire, qui s'élevait à 95,2 millions d'euros.

Ces crédits d'investissement ont été principalement portés par le renouvellement de la flotte aérienne de la sécurité civile. Ainsi près de 77,5 millions d'euros en CP ont été consacrés à l'acquisition de nouveaux aéronefs, contre 66 millions d'euros initialement prévus en LFI pour 2022.

Cet écart s'explique principalement par la réception de deux hélicoptères H145 fin 2022, non prévue dans la budgétisation initiale, pour un montant de 14 millions d'euros en CP.

L'année 2022 a également été marquée par la poursuite de la livraison des six avions multi-rôles Dash commandés en 2018. Le retard de livraison du quatrième appareil, de novembre 2021 à janvier 2022, a décalé le paiement du solde de l'appareil sur la gestion 2022. Toutefois, le dernier acompte du cinquième avion avait été réalisé en novembre 2021, ce qui a permis de compenser le report de charge sur 2022 induit par ce retard de livraison.

Toutefois, la sur-exécution des crédits consacrés à l'acquisition d'aéronefs a été en partie compensée par la sous-consommation des crédits consacrés à leur modernisation et à leur équipement. En effet, l'exécution pour 2022, qui s'élève à 1,25 million d'euros en CP, est inférieure à la prévision de la LFI pour 2022, qui s'élevait à 5,8 millions d'euros en CP. Cette situation s'explique, selon le rapport annuel de performance (RAP) de la mission « Sécurités », par l'arrêt de la rénovation avionique des hélicoptères « Dragons » EC145.

L'année 2022 a enfin été marquée par l'engagement de 7,8 millions en CP pour l'investissement dans des véhicules des unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC), ainsi que des véhicules et équipements de déminage, et de 5,5 millions d'euros en CP pour le financement d'opérations opérations immobilières des sites délocalisés.

Principaux investissements de la sécurité civile

(en crédits de paiement et en millions d'euros)

Nature

Montant

En proportion des crédits d'investissement exécutés

Achat avions

63,56

67 %

Achat hélicoptères

13,95

15 %

Véhicules et équipements spécialisés (incendie, déminage, UIISC)

7,8

8 %

Immobilier

5,5

6 %

Projet « Système d'Alerte et d'informations aux populations » (SAIP)

1,9

2 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes)


* 1 Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 2 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 3 Loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022.

* 4 Dont 5 millions d'euros de dépenses d'intervention, au titre du financement des colonnes de renfort.

* 5 Rapport n° 792 (2021-2022) de M. Jean Pierre VOGEL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2022.

* 6 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2021 - Mission « Sécurités ».

* 7 Loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur.

* 8 Cour des Comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire en 2022 de la mission « Sécurités ».