N° 771

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
de
règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2022,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 4
Aide publique au développement

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS

Rapporteurs spéciaux : MM. Michel CANÉVET et Jean-Claude REQUIER

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1095, 1271 et T.A. 125

Sénat : 684 (2022-2023)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. En 2022, les crédits de la mission Aide publique au développement se sont élevés à 6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 5 milliards d'euros en crédits de paiement.

2. Les autorisations d'engagement du programme 110 - Aide économique et financière au développement - progressent de 130,9 % principalement pour permettre le financement de l'Association internationale de développement.

3. Les crédits de paiement du programme 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement augmentent de 14 % malgré une baisse des dépenses engagées en faveur du Fonds européen de développement (désormais supprimé) mais compensée par un renforcement des contributions volontaires aux organisations internationales.

4. La mission a contribué directement pour environ 200 millions d'euros au financement de l'aide française à l'Ukraine ce qui s'est accompagné, par ailleurs, d'un doublement des crédits versés au Programme alimentaire mondial. 

5. L'exécution des crédits s'éloigne fortement des autorisations données en loi de finances initiale pour 2022. En particulier, le programme 110 - Aide économique et financière au développement est marquée par une sous-exécution de 400 millions d'euros en autorisations d'engagements (soit 12,5 % des crédits) qui s'explique par un niveau moindre qu'attendu d'octroi de prêts concessionnels à des États étrangers.

6. Pour autant, l'exécution des crédits de paiements est conforme en 2022 aux objectifs fixés par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

7. Les rapporteurs observent que la dynamique de la mission est de plus en plus contrainte par les conséquences sur le budget de l'État de l'augmentation des activités de l'Agence Française de développement (AFD) ce qui constitue un risque qui devra être maitrisé à l'avenir en envisageant, notamment, de ralentir la croissance de l'agence.

I. I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS EN 2022

A. UN EXERCICE BUDGÉTAIRE MARQUÉ PAR UN MONTANT RECORD ET DES MOUVEMENTS DE CRÉDITS SIGNIFICATIFS POUR LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »

La mission « Aide publique au développement » regroupe les crédits des principaux programmes concourant à la politique française d'aide publique au développement :

- le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances ;

- le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international ;

- le programme 365 « Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement » mis en oeuvre par le ministère de l'économie et des finances ;

- le programme 370 « Restitution des biens mal-acquis » n'est doté d'aucun crédit, il constitue le mécanisme retenu pour restituer aux pays d'origine les recettes liées aux confiscations judiciaires des biens « mal acquis »» en France par des ressortissants étrangers.

Exécution des crédits de la mission « Aide publique
au développement » en 2022

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2021

Prévision 2022

Exécution 2022

Variation exécution 2022/2021 (%)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

110 - Aide économique et financière au développement

1 217,5

1 453,2

3 213,7

1 862,0

2 811,6

1 801,7

+ 130,9 %

+ 24,0 %

- 12,5 %

- 3,2 %

209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

2 982,6

2 694,6

3 217,8

3 052,9

3 070,0

3 088,5

+ 2,9 %

+ 14,6 %

- 4,6 %

+ 1,2 %

365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement

1 420,0

1 420,0

190,0

190,0

190,0

190,0

- 86,6 %

- 86,6 %

+ 0,0 %

+ 0,0 %

370 - Restitution des « biens mal acquis »

-

-

-

-

-

-

       

Mission

5 620,1

5 567,8

6 621,5

5 105,0

6 071,6

5 080,2

+ 8,0 %

- 8,8 %

- 8,3 %

- 0,5 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Pour mémoire, les crédits de la mission « Aide publique au développement » ne regroupent qu'une partie des crédits budgétaires affectés à cette politique publique. Ainsi, en 2022, les crédits de la mission ne représentant que 58 % de l'effort de l'État en matière d'aide publique au développement1(*), ce qui souligne le caractère toujours interministériel de son financement et de son pilotage.

L'exercice 2022 a été marqué par un contexte international instable et par la multiplication des crises.

Les dépenses de la mission ont atteint 6,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 5,1 milliards d'euros en crédits de paiements (CP soit un quasi-doublement depuis 2017.

Au-delà de la seule mission et du cas français, l'année 2022 a vu l'APD atteindre un record avec une aide au développement des donneurs publics s'élevant à 204 milliards de dollars.

Une part de cette hausse s'explique par la survenue de la guerre en Ukraine qui a entrainé une importante mobilisation au plan humanitaire (14,4 % de l'APD totale) estimée à 16,1 milliards de dollars.

Pour mémoire, la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales prévoyait que les crédits de paiements, hors renforcement des fonds propres de l'AFD et hors contribution au CAS « Pension » devaient atteindre 4,8 milliards d'euros en 2022. Les rapporteurs constatent que les objectifs fixés ont donc bien été respectés.

1. Le programme 110 - Aide économique et financière au développement

Mis en oeuvre par la direction générale du Trésor, les crédits consommés du programme 110 - Aide économique et financière au développement atteignent 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1,8 milliard d'euros en crédits de paiement (CP).

Exécution des crédits du programme 110 en 2022

(en millions d'euros)

Action

Exécution 2021

Prévision 2022

Exécution 2022

Variation exécution 2022/2021 (%)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Aide économique et financière multilatérale

189,9

1 007,2

1 866,2

1 260,1

1 753,4

1 244,0

+ 823,2 %

+ 23,5 %

- 6,0 %

- 1,3 %

02 - Aide économique et financière bilatérale

1 027,6

348,7

1 177,5

492,6

977,5

448,4

- 4,9 %

+ 28,6 %

- 17,0 %

- 9,0 %

03 - Traitement de la dette des pays pauvres

-

97,3

170,0

109,4

80,8

109,4

-

+ 12,4 %

- 52,5 %

-

Programme

1 217,5

1 453,2

3 213,7

1 862,0

2 811,6

1 801,7

+ 130,9 %

+ 24,0 %

- 12,5 %

- 3,2 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Malgré une exécution inférieure à la budgétisation initiale, les dépenses sont en forte augmentation par rapport à l'exercice 2021, avec une hausse de 130,9 % en AE et 24 % en CP.

Hors dépenses de rémunération, la hausse des crédits atteint 161,3 % en AE et 32,8 % en CP d'après les données Chorus.

L'accroissement notable des AE s'explique par les engagements pris en 2022 pour le financement de l'Association internationale de développement (AID) qui constitue le guichet concessionnel de la Banque mondiale dans le contexte de la reconstitution trisannuelle des fonds multilatéraux de développement.

Il peut être rappelé qu'en raison de la survenue de la crise sanitaire, les États avaient pris la décision d'avancer d'une année la reconstitution des fonds de l'association. La part apportée par la France s'élève, en 2022, à 1,4 milliard d'euros.

Décomposition des facteurs d'évolution des autorisations d'engagement consommés au titre du programme 110 en 2022

(en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des données CHORUS

En crédits de paiements, les dépenses sont poussées à la hausse en raison des engagements pris pour le financement du Fonds pour l'environnement mondial (FEM) à hauteur de 342,5 millions d'euros ainsi que du Fonds vert pour le climat pour 419,7 millions d'euros.

Certaines dépenses imprévues ont également affecté l'exécution du programme 110 dont, notamment, un abondement exceptionnel du compte de réserve de l'Agence Française de Développement (AFD) qui a été réalisé pour un montant de 50 millions d'euros.

Ce compte, normalement réservé à l'indemnisation de l'AFD pour les pertes liées aux prêts souverains, a nécessité, en effet, un financement supplémentaire en 2022 en raison de l'augmentation du risque de surendettement des pays en développement.

Les crédits du programme 110 apparaissent fortement sous-exécutés ce qui résulte :

- d'une sous-consommation de 17 % des crédits de l'aide bilatérale qui s'explique principalement par une moindre dépense d'environ 225 millions d'euros de crédits de bonification des prêts concessionnels consentis à des États étrangers par l'AFD en raison du niveau moindre qu'attendu d'octroi de ces financements par l'agence ;

- d'une sous-consommation de 52 % des crédits dédiés au traitement de la dette des pays pauvres qui s'explique par la non-atteinte, par les pays bénéficiaires, des objectifs conditionnant le rééchelonnement de la dette.

Décomposition des facteurs d'évolution des crédits de paiement consommés
au titre du programme 110 en 2022

(en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des données CHORUS

Le coût des bonifications des prêts de l'AFD a également dépassé les prévisions, atteignant 1,1 milliard d'euros en AE et 265,9 millions d'euros en CP.

En effet, afin de permettre à l'AFD de prêter à des taux concessionnels aux bénéficiaires de l'aide au développement, l'État assume, par le versement de crédits de bonification, la différence entre le coût de financement de l'AFD et le taux auquel elle prête.

Or, le contexte de remontée des taux d'intérêts au niveau mondial a aggravé les coûts de financement de l'AFD alors que, pour être regardés comme concessionnels, les taux qu'elle propose doivent rester inférieurs à un seuil fixé par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE.

2. Le programme 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement

Mis en oeuvre par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, le programme 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement a porté 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement en 2022 soit une hausse de 2,9 % AE et 14,6 % en CP.

Exécution des crédits du programme 209 en 2022

(en millions d'euros)

Action

Exécution 2021

Prévision 2022

Exécution 2022

Variation exécution 2022/2021 (%)

Taux d'exécution (écart en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

02 - Coopération bilatérale

1 420,1

1 165,7

1 728,3

1 557,7

1 438,1

1 478,9

+ 1,3 %

+ 26,9 %

- 16,8 %

- 5,1 %

05 - Coopération multilatérale

753,3

719,7

844,5

850,2

993,4

971,0

+ 31,9 %

+ 34,9 %

+ 17,6 %

+ 14,2 %

07 - Coopération communautaire

659,5

659,5

487,3

487,3

488,3

488,3

- 26,0 %

- 26,0 %

+ 0,2 %

+ 0,2 %

08 - Dépenses de personnels concourant au programme "Solidarité à l'égard des pays en développement"

149,7

149,7

157,7

157,7

150,3

150,3

+ 0,4 %

+ 0,4 %

- 4,7 %

- 4,7 %

Programme

2 982,6

2 694,6

3 217,8

3 052,9

3 070,0

3 088,5

+ 2,9 %

+ 14,6 %

- 4,6 %

+ 1,2 %

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Hors dépenses de rémunération, les crédits du programme augmentent de 15,5 % en CP et de 3,1 % en AE.

La dynamique budgétaire du programme est notamment marquée par la contraction des crédits dédiés au Fonds européen de développement (FED) qui a été transformé en un instrument budgétaire de l'Union européenne financé par le prélèvement sur recettes versé au profit de l'UE.

Les contributions volontaires augmentent de façon importante (+ 240 millions d'euros) ce qui s'explique par un investissement plus important en matière de santé (via l'initiative ACT-A pour la production et la diffusion d'un vaccin contre la Covid-19) mais également au profit du Comité international de la Croix-Rouge. En outre, la France a doublé sa contribution au programme alimentaire mondial (PAM) ce qui s'est traduit par une hausse des financements accordés de 75 millions d'euros.

Décomposition des facteurs d'évolution des crédits de paiement consommés au titre du programme 209 en 2022

(en point de pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires et des données CHORUS

Les crédits du programme 209 sont fortement sous-exécutés en autorisations d'engagement (- 4,6 %) ce qui s'explique par deux mouvements contraires :

- une sous-exécution importante de l'ordre de 16,8 % au titre de la coopération bilatérale en particulier pour ce qui concerne la subvention versée à Expertise France ;

- en sens inverse une sur-exécution de l'ordre de 17,6 % au titre de la coopération multilatérale.

B. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS » : UNE EXÉCUTION TOUJOURS SOUMISE À DE FORTS ALÉAS

Le compte de concours financiers regroupe pour sa part des prêts à des États étrangers qui concourent à la politique française d'aide publique au développement, à l'exception du programme concernant la Grèce :

- le programme 851 « Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et services concourant au développement du commerce extérieur de la France » porte deux catégories de prêts du Trésor, à savoir les prêts concessionnels accordés à certains pays en développement, et les prêts non concessionnels ;

- le programme 852 « Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France » permet de refinancer les dettes de certains pays envers la France ;

- le programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers » porte le versement à l'AFD de la « ressource à condition spéciale » (RCS) qui lui permet d'octroyer des prêts à des États étrangers à des conditions concessionnelles ;

- le programme 854 « Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » était initialement destiné à porter la contribution de la France au plan de soutien en faveur de la Grèce, finalement confié au Fonds européen de stabilité financière (FESF). Ce programme n'est plus actif depuis 2012.

Exécution des crédits du compte de concours financiers
« Prêts à des États étrangers » en 2022

(en millions d'euros)

Programme

Recettes

Crédits votés LFI 2021

Crédits exécutés 2022

Solde

Prévision

Exécution

AE

CP

AE

CP

Prévision

Exécution

851

265,4

292,8

1 500

311,3

1 173,8

299

- 45,9

- 6,1

852

70,4

73,3

224

224

10,9

10,9

- 153,6

+ 62,4

853

211,5

211,5

0

190

415

605

+ 21,5

- 393,5

854

570,2

1 140,5

0

0

0

0

+ 570,2 

+ 1 140

Total

1 117,6

1 718,2

1 724

725,3

1 599,8

914,9

+ 392,2

+ 803,3

Source : commission des finances du Sénat

Les rapporteurs spéciaux relèvent que l'exercice 2022 est marqué par un solde d'exécution positif du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers », celui-ci s'établissant à 803,3 millions d'euros, contre une évaluation initiale de 392,2 millions d'euros.

Il s'agit de la deuxième fois depuis 2016 que le compte présente un solde excédentaire. Ce résultat s'explique essentiellement par l'importante sur-exécution du programme 854 - Prêts à des États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro qui retrace les remboursements versés par la Grèce à la France à raison des prêts consentis dans le contexte de la crise de 2010.

Le programme 851 retrace les opérations liées à l'octroi de prêts accordés par le Trésor à des États pour financer la réalisation de projets de développement qui font appel à des biens ou services français (projets d'éclairage public solaire au Togo, installation d'une centrale hydroélectrique à Madagascar etc.).

En 2022, huit protocoles de prêts (quatre concessionnels et quatre directs) ont été signés avec six pays. Ils représentent un montant total de 1 180,5 millions d'euros (891,5 millions d'euros de prêts concessionnels et 289 millions d'euros de prêts directs).

Le programme 852 retrace les prêts accordés par la France à des États dans le cadre d'opérations de restructuration de leur dette. L'écart entre le montant des dépenses prévu en loi de finances initiale et le solde exécuté provient essentiellement de l'opération de refinancement de la dette du Zimbabwe, qui n'a pas été réalisée en 2022 puisque le pays n'a pas donné les gages de réforme envisagées et nécessaires à l'avancée des négociations avec les créanciers du Club de Paris.

II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Un investissement notable en faveur de l'Ukraine

Dans le contexte, de l'invasion russe en mars 2022, l'État a mobilisé près de 200 millions d'euros au titre de la mission Aide publique au développement, ce que les rapporteurs saluent.

Cette enveloppe a été financée pour moitié par le redéploiement de crédits. Elle inclut une utilisation notable du Fonds d'urgence humanitaire (FUH), dont les dépenses s'élèvent à 208,5 millions d'euros.

En outre, l'aide alimentaire programmée a dépassé la prévision de 18,7 %, atteignant 140,4 millions d'euros sur lesquels 3 millions d'euros ont été attribués à l'Ukraine.

Enfin, une aide économique et financière supplémentaire de 1,7 milliard d'euros a été apportée, dont 1,2 milliard d'euros sous forme de garanties à l'export.

Les rapporteurs notent que ces dernières dépenses ne sont pas comptabilisées au titre de l'aide publique au développement (APD).

2. Des aléas pour la mission et pour l'État

Les rapporteurs s'inquiètent du caractère fortement contraint de la mission Aide publique au développement en raison des engagements juridiques ou politiques pluriannuels, qui limitent sa flexibilité budgétaire et son pilotage.

Depuis 2017, la politique d'APD connait une croissance sans précédent visant à augmenter l'aide au développement à 0,55 % du revenu national brut (RNB) d'ici 2022.

Cet objectif, confirmé par la loi du 4 août 2021 relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, a été respecté. Ainsi, entre 2017 et 2022, les dépenses de la mission APD ont presque doublé (+96 % en CP), à périmètre constant.

Pour autant, plusieurs facteurs d'incertitude menacent l'exécution et la soutenabilité budgétaires de cette mission.

D'une part, les programmes 110 et 209 sont régulièrement sollicités pour financer des dépenses imprévues mais rendues nécessaires par la survenue d'une crise ou le choix de faire davantage participer la France aux fonds multilatéraux.

D'autre part, l'activité croissance de l'Agence française de développement (AFD) est source de rigidité et d'incertitude, avec une forte augmentation des crédits alloués à l'aide-projet de l'Agence, décaissés sur plusieurs années.

Ainsi, les engagements non couverts par des paiements sont croissants et s'élèvent, à la fin de 2022 à 9,7 milliards d'euros pour le programme 110 et à 3,2 milliards d'euros pour le programme 209 (+15 %, soit 1,1 année d'engagement).

Dans ce contexte, la prévision des CP à couvrir après 2024 s'élève respectivement pour ces deux programmes à 9,5 milliards d'euros (+16 % en un an) et 2,6 milliards d'euros (+8 %).

Les rapporteurs estiment que l'État devra rester vigilant à conserver des marges de manoeuvre dans la mise en oeuvre de la mission Aide publique au développement en encadrant, notamment, l'augmentation du volume des activités de l'AFD et notamment l'octroi de prêts concessionnels qui font l'objet du versement d'une bonification par l'État.


* 1 Note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes.