D. LA POLITIQUE DE LA VILLE CONDUITE PAR LE PROGRAMME 147 EST EN ATTENTE DE LA DÉFINITION DES NOUVEAUX CONTRATS DE VILLE ET DU FINANCEMENT DU NPNRU

Le programme 147 « Politique de la ville » porte des crédits relatifs à la politique de la ville. Ils n'incluent toutefois qu'une faible part du financement des opérations de renouvellement urbain, dont les crédits proviennent à titre principal d'Action Logement et des bailleurs sociaux, ainsi que des collectivités locales qui lancent les projets.

Les crédits consommés par le programme 147 en 2022 sont de 551,5 millions d'euros en autorisations d'engagement, en augmentation de 28,2 millions d'euros (+ 5,4 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, et de 551,,8 millions d'euros en crédits de paiement, en augmentation de 28,0 millions d'euros (+ 5,3 %).

Le programme 147 comprend quatre actions d'importance très inégale.

L'action 01 « Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville » regroupe les crédits à destination des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), dans le cadre des contrats de ville ou de dispositifs spécifiques tels que le programme de réussite éducative et les adultes-relais. Elle comprend 90,2 % des crédits du programme.

L'action 02 « Revitalisation économique et emploi » apporte la subvention de l'Établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) et les crédits dédiés à la compensation auprès des régimes de sécurité sociale des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU).

Les crédits de personnel, limités à la masse salariale des délégués des préfets, sont retracés dans l'action 03 « Stratégie, ressources et évaluation ».

Enfin l'action 04 « Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie » retrace la contribution de l'État au financement du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU).

Évolution des crédits du programme 147 par action

(en millions d'euros et en %)

   

2021

2022

Exécution / prévision 2022

Exécution

2022 / 2021

Exécution

Prévision
LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

01 - Actions territorialisées et Dispositifs spécifiques de la politique de la ville

AE

459,8

490,7

498,1

+ 7,3

+ 1,5 %

+ 38,3

+ 8,3 %

CP

459,6

490,7

497,9

+ 7,2

+ 1,5 %

+ 38,3

+ 8,3 %

02 - Revitalisation économique et emploi

AE

33,7

33,7

33,5

- 0,3

- 0,8 %

- 0,3

- 0,8 %

CP

33,7

33,7

33,5

- 0,3

- 0,8 %

- 0,3

- 0,8 %

03 - Stratégie, ressources et évaluation

AE

15,4

18,9

5,6

- 13,3

- 70,6 %

- 9,8

- 63,8 %

CP

16,1

18,9

6,0

- 12,8

- 68,0 %

- 10,1

- 62,5 %

04 - Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie

AE

14,4

15,0

14,4

- 0,6

- 4,0 %

0,0

0,0 %

CP

14,4

15,0

14,4

- 0,6

- 4,0 %

0,0

0,0 %

Total programme

AE

523,3

558,3

551,5

- 6,8

- 1,2 %

+ 28,2

+ 5,4 %

CP

523,9

558,3

551,8

- 6,5

- 1,2 %

+ 28,0

+ 5,3 %

LFI : loi de finances initiale. La prévision en LFI inclut les prévisions de fonds de concours (FDC) et d'attribution de produits (ADP), ce qui n'est pas le cas des crédits votés en LFI. L'exécution constatée dans le projet de loi de règlement inclut les FDC et ADP constatés.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Comme un grand nombre de programmes du budget général, le programme 147 a subi une annulation partielle et temporaire de crédits par le décret d'avance du 21 avril 2022, afin que celui-ci ne dégrade pas le déficit budgétaire affiché. La première loi de finances rectificative du 16 août a rétabli ces crédits et ouvert 9,5 millions d'euros de crédits supplémentaires, en vue du financement des dispositifs « quartiers d'été » et « quartiers solidaires ».

En sens inverse, comme chaque année, des crédits ont été transférés, à hauteur de 15,4 milliards d'euros, pour rembourser à différents ministères les salaires des délégués du préfet, qui représentent l'État dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et proviennent d'autres administrations ou organismes divers.

Exécution budgétaire du programme 147 en crédits de paiement
pour l'exercice 2022

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances, à partir des données de Chorus

1. Les moyens réels de la politique de la ville sont difficiles à évaluer

Les crédits budgétaires du programme 147 ne constituent qu'une part de ceux réellement consacrés à la politique de la ville.

S'y ajoutent des dépenses fiscales, d'un montant estimé à 255 millions d'euros en 2022, résultant pour l'essentiel de deux dispositifs :

- l'exonération plafonnée à 50 000 euros du bénéfice réalisé par les entreprises qui exercent une activité dans une zone franche urbaine (ZFU) de troisième génération ou qui ont créé une activité dans une zone franche urbaine-territoire entrepreneur entre le 2006 et 2020 (132 millions d'euros) ;

- l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) en faveur des immeubles en zone urbaine sensible (ZUS, jusqu'en 2015) puis dans les QPV (111 millions d'euros).

Ces politiques sont également cofinancées par d'autres acteurs, en premier lieu les collectivités territoriales, mais aussi l'Union européenne et, pour ce qui concerne le renouvellement urbain, Action Logement (voir infra).

Enfin et surtout, la politique de la ville doit coordonner sur certains territoires l'action de plusieurs ministères sectoriels. Les crédits de droit commun doivent être mobilisés en premier lieu, mais, comme le reconnaissent les documents budgétaires25(*), le chiffrage de ces moyens est difficile car les ministères n'adoptent pas toujours une approche territorialisée de leur action, de sorte qu'il n'est souvent pas possible d'indiquer avec précision le montant des crédits mis en oeuvre dans les QPV et les comparer avec l'action menée dans les autres quartiers.

2. La politique de la ville ne parvient pas à réduire l'écart entre les quartiers et leur agglomération

L'objectif de la politique de la ville est de rapprocher les quartiers de la politique de la ville (QPV) de l'agglomération dont ils font partie.

Or le revenu fiscal moyen dans les QPV tend plutôt à s'éloigner de celui constaté dans les autres quartiers, s'écartant jusqu'en 2020 de la cible fixée qui était pourtant elle-même éloignée de l'égalité, puisqu'elle visait un revenu fiscal moyen égal à la moitié de celui de l'agglomération. Depuis 2021, l'écart de revenu reste stable, voire en légère augmentation à 45,9 %, mais c'est l'ambition fixée par la cible qui a été réduite, passant de 50,0 % à 47,7 % en deux ans.

Rapport entre le revenu fiscal moyen par unité de consommation des QPV et celui de leurs agglomérations

(en pourcentage)

Écart entre le taux de chômage des QPV et celui de leurs agglomérations26(*)

(en pourcentage)

 
 

Source : commission des finances, à partir des rapports annuels de performance. La cible relative à l'écart entre les taux de chômage n'est disponible que depuis 2018, l'indicateur ayant été introduit à cette date

L'un des objectifs des contrats de ville est également de réduire l'écart entre le taux de chômage mesuré dans les quartiers et celui mesuré dans leur agglomération. Cet écart tendait à se réduire progressivement jusqu'en 2020, sans parvenir à la cible de 10,8 %. En 2021 et 2022, alors que le projet de loi de finances, en raison de la crise économique, prévoyait une hausse de cet écart, c'est l'inverse qui s'est produit puisqu'il s'est réduit à 10,4 %, puis 9,2 %, de sorte que la cible est largement atteinte. Le rapport annuel de performances indique toutefois que ce rapprochement entre les quartiers et leur agglomération résulte moins de l'amélioration de la situation de l'emploi dans les quartiers que de sa dégradation dans les agglomérations dont ils font partie.

La Cour des comptes, dans une communication faite à la commission des finances de l'Assemblée nationale27(*), constatait également en juillet 2022 que l'objectif de réduction des écarts avec les autres quartiers n'est pas atteint, malgré l'augmentation des moyens publics. Elle considère que les dispositifs ne sont pas suffisamment adaptés à la spécificité et aux besoins des quartiers de la politique de la ville et de leurs habitants. Ces dispositifs, souvent complexes et changeants, peinent à atteindre les personnes les plus éloignées du marché du travail, dans des quartiers qui cumulent les difficultés de tous ordres.

3. Les contrats de ville et nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) sont restés pendant toute l'année dans l'attente de la définition de leur avenir ou de leur financement

La loi de programmation pour la ville de 2014 a prévu une mise à jour de la liste des QPV et la signature de nouveaux contrats de ville l'année du renouvellement général des conseils municipaux28(*). Or ces dispositions n'ont pas été mises en oeuvre en 2020, l'échéance étant repoussée d'année en année par les lois de finances successives, ce processus ayant d'ailleurs commencé avant la crise sanitaire29(*).

Une fois de plus, l'année 2022 n'a donc pas vu la mise à jour des dispositifs de la politique de la ville, malgré l'évolution des conditions locales depuis leur définition en 2014.

S'agissant en particulier du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), l'État, comme les années précédentes, n'a apporté qu'une contribution limitée, voire symbolique, de 14,4 millions d'euros. Ce montant correspond aux crédits ouverts en loi de finances initiale, soit 15 millions d'euros, desquels ont été soustraits la réserve de précaution de 4 %.

Le montant qui doit être apporté par l'État sur l'ensemble de la durée du programme est de 1,2 milliard d'euros. Or les montants apportés depuis 2018, y compris la prévision pour 2023, représentent seulement un peu plus de 100 millions d'euros, ce qui rendra nécessaire une forte hausse des crédits de l'action 04, et donc du programme 147, dans les années à venir.

Financement du NPNRU par l'État

(crédits de paiement, en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des lois de règlement et du projet de loi de finances initiale pour 2022

Le financement de l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) est donc apporté presque entièrement par le secteur du logement lui-même, avec le groupe Action Logement (540 millions d'euros en 2022) et les cotisations des bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS, 184 millions d'euros).

Financement de l'ANRU en 2022

(en millions d'euros)

Budget rectificatif n° 2 de l'ANRU, hors 14,5 millions d'euros de recettes propres et fléchées.

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Les dépenses de l'Agence se sont établies en 2022 à un niveau de 1,36 milliard d'euros en autorisations d'engagement, contre 573,8 millions d'euros en 2022, et 688,8 millions d'euros en crédits de paiement, contre 428,7 millions d'euros en 2021, ce qui témoigne de la réalisation progressive des projets du NPNRU, mais comprend également encore des dépenses d'un montant de 126,7 millions d'euros sur le premier programme national de rénovation urbaine (PNRU) lancé en 2003.

Les engagements contractualisés sur le NPNRU sont d'ores et déjà de 3,7 milliards d'euros et les paiements de 1 027 milliard d'euros.

Si l'Agence dispose actuellement d'un niveau de trésorerie satisfaisant, le rapporteur spécial fait observer que c'est en raison des versements importants faits par Action Logement et les bailleurs sociaux.

Or le financement de l'ANRU, dans la mesure où il repose pour l'essentiel sur des contributions de tiers et non sur des ressources propres, reste à définir sur la longue durée.

En effet, le financement dépend en grande partie de la contribution du groupe Action Logement, dont la convention quinquennale avec l'État est arrivée à expiration fin 2022. Ce n'est qu'au mois de juin 2022 qu'une nouvelle convention est annoncée, sans précisions sur les détails.

Sur ce point comme sur les autres aspects de la politique du logement et de l'urbanisme, le rapporteur spécial regrette le temps perdu depuis la nomination du nouveau Gouvernement à l'issue des élections du printemps 2022.


* 25 La politique de la ville, document de politique transversale, annexé au projet de loi de finances pour 2022.

* 26 La valeur relativement élevée en 2017 de l'indicateur « Taux de réponses positives du SIAO aux demandes de logement adapté » est celle indiquée dans les rapports annuels de performance 2018 et 2019. Le rapport annuel de performance 2017 attribuait toutefois à cet indicateur une valeur de 0,6 % seulement, ce qui fait porter un doute sur sa fiabilité.

* 27 Cour des comptes, Les dispositifs en faveur de l'emploi des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, juillet 2022.

* 28 Articles 5 et 6 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 29 La loi de finances pour 2019 avait déjà repoussé de deux années la mise à jour de ces dispositifs.