N° 59

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 octobre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives,

Par M. Jean-Michel ARNAUD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

926 (2022-2023) et 60 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi présentée par Cathy Apourceau-Poly, Eliane Assassi, Laurence Cohen et plusieurs sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste - Kanaky tend à prévoir l'amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives. Elle rejoint une volonté ancienne des sénateurs membres de ce groupe de consacrer une « amnistie sociale »1(*).

La commission a considéré que ce texte, qui prévoit une amnistie définie de manière particulièrement large, était de nature à emporter des conséquences allant bien au-delà de l'intention de ses auteurs. Plus fondamentalement, elle a considéré que les garanties entourant l'action publique et les procédures relatives aux mesures disciplinaires touchant les salariés, fonctionnaires, étudiants et élèves permettent de prendre en compte de manière adéquate et proportionnée les événements survenus à l'occasion de conflits sociaux ou d'actions revendicatives et qu'une amnistie générale serait inadaptée.

En conséquence, à l'initiative de son rapporteur, Jean-Michel Arnaud, la commission des lois a rejeté la proposition de loi.

I. UN RECOURS À L'AMNISTIE DE PLUS EN PLUS RÉDUIT

A. UN MÉCANISME À LA MAIN DU LEGISLATEUR UTILISÉ POUR DES FINALITES DIVERSES

Le quatrième alinéa de l'article 34 de la Constitution dispose qu'appartient au domaine de la loi : « la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie (...) ». Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, « sur le fondement de ces dispositions le législateur peut enlever pour l'avenir tout caractère délictueux à certains faits pénalement répréhensibles, en interdisant toute poursuite à leur égard ou en effaçant les condamnations qui les ont frappés »2(*).

Les effets de l'amnistie sont définis aux articles 133-9 à 133-11 du code pénal. L'article 133-9 dispose que : « L'amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu'elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l'auteur ou le complice de l'infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d'une condamnation antérieure ». L'article 133-10 prévoit par ailleurs que l'amnistie ne « préjudicie pas au tiers » ; ainsi, si la juridiction de jugement a été saisie de l'action publique avant la publication de la loi d'amnistie, cette juridiction reste compétente pour statuer, le cas échéant, sur les intérêts civils.

Les lois d'amnistie peuvent poursuivre deux finalités principales3(*). L'une est le retour à la paix civile ou l'apaisement des passions après des périodes de troubles particulièrement déstabilisatrices. L'amnistie tend, ainsi, par l'extinction de l'action publique et la libération des personnes détenues à permettre le retour de tous à la vie civile. C'était, par exemple, le but de la loi du 10 janvier 1990 portant amnistie d'infractions commises à l'occasion d'événements survenus en Nouvelle-Calédonie4(*) dont le garde des Sceaux Pierre Arpaillange indiquait lors de la présentation du projet au Sénat qu'il constituait « une étape importante du processus de règlement d'un grave conflit qui a trop longtemps endeuillé la Nouvelle-Calédonie »5(*). La seconde finalité est le désengorgement des juridictions de contentieux de masse considérés comme de faible importance. C'est dans ce sens que peuvent être interprétées les lois d'amnistie longtemps votées après les élections présidentielles sous la Vème République.

B. DES CRITIQUES GRANDISSANTES FACE AUX LOIS D'AMNISTIE

Lors de l'examen de la loi portant amnistie d'infractions commises à l'occasion d'évènements survenus en Nouvelle-Calédonie, les membres du Conseil constitutionnel notaient la multiplication de ces lois, qualifiées de « lois d'exception », mais également l'augmentation du nombre de recours déposés contre elles6(*). Le consensus politique autour de ce type de loi est particulièrement complexe. De fait, depuis 1990 aucune loi d'amnistie n'a plus été adoptée en lien avec des événements ou un territoire donné et les revendications portées en ce sens, notamment dans le cadre des discussions sur le statut de la Corse, ont été écartées par le président de la République.

Plus récemment, la pratique des lois d'amnistie proposées par l'Exécutif à la suite des élections présidentielles n'a pas été reconduite à l'occasion des élections de 2007 et elle semble avoir été abandonnée depuis. Outre le fait que l'amnistie traduit le « fait du prince », rendu plus fréquent par le passage au quinquennat, la tolérance de la société à voir des infractions, pour la plupart « du quotidien », dont les infractions routières, rester impunies semble désormais faible. De ce fait, le nombre d'infractions exclues du champ des lois d'amnistie avait progressivement augmenté pour préserver la « nécessaire efficacité du droit pénal »7(*) au point d'interroger la légitimité du choix des infractions susceptibles d'être amnistiées.

2. UNE PROPOSITION DE LOI INADAPTÉE AUX CIRCONSTANCES

A. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

La proposition de loi soumise à l'examen du Sénat combine plusieurs formes d'amnistie.

Une amnistie en fonction des événements - les « conflits du travail » et les « mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes liés à l'éducation, au logement, à la santé, à l'environnement et aux droits des migrants » - est articulée avec une amnistie liée au quantum de peine - « les délits passibles de moins de dix ans de prison » (articles 1er et 2 de la proposition de loi) - ou à un type de peine - les sanctions disciplinaires (article 3).

La proposition de loi comporte également une amnistie en fonction des personnes concernées : « les représentants élus du personnel » licenciés pour faute à l'occasion de l'exercice de leur mandat (article 4).

L'amnistie comprend l'effacement des condamnations prononcées, l'extinction de l'action publique et la répression de toute référence à une sanction ou condamnation amnistiée. Elle s'étend à l'effacement de toutes empruntes, traces biologiques ou informations nominatives relatives aux infractions amnistiées et contenues dans les fichiers de police (article 5).

La proposition de loi est applicable sur l'ensemble du territoire de la République (article 6), toute distinction dans l'application de la loi entre territoires étant potentiellement source d'inconstitutionnalité.

B. UN CHAMP D'AMNISTIE PARTICULIÈREMENT LARGE

Bien qu'il tire toutes les conséquences juridiques de l'évolution de la jurisprudence relative aux lois d'amnistie et que l'économie générale de la proposition de loi soit juridiquement robuste, deux critiques peuvent être adressées au texte examiné.

La première concerne le caractère mal défini de la notion de « mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux », qui paraît très étendue au point d'être insaisissable, voire de poser des difficultés d'interprétation. La loi pénale étant d'interprétation stricte, toute imprécision tend à priver un dispositif d'effet. Des divergences d'interprétation sont cependant possibles et pourraient être dommageables sur des questions d'amnistie.

La seconde concerne le champ de l'amnistie prévu, qui est particulièrement large puisqu'il concerne la plupart des délits survenus « à l'occasion » de conflits du travail ou de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux. Il ne concerne donc pas uniquement les manifestants venus pour la défense d'une cause, mais aussi ceux qui ont pu se joindre à eux dans l'intention de commettre des délits. La proposition de loi s'étend par ailleurs à toutes les infractions passées, sans limitation en amont dans le temps. L'amnistie s'étend non seulement aux délits mais à toutes les sanctions disciplinaires touchant les salariés du secteur privés, les fonctionnaires et les étudiants et élèves. Pour ces deux dernières catégories de personnes, l'amnistie entraîne, s'il y a eu exclusion, réintégration dans l'établissement universitaire ou scolaire.

Le rapporteur regrette de n'avoir pu obtenir aucun élément sur le nombre d'affaires potentiellement concernées au pénal. Le système d'information statistique du ministère de la Justice ne permet semble-t-il pas d'identifier les circonstances au cours desquelles une infraction a été commise. Faute de tels éléments, qui ne couvriraient qu'une partie du champ de l'amnistie, il est impossible d'approcher de manière incontestable le nombre de cas concernés ne serait-ce que par l'article 1er de la proposition de loi. Le rapporteur note que les services du ministère ont ouvert la perspective d'une évolution des outils pour permettre à l'avenir d'obtenir ce type d'information.

Des exceptions à l'amnistie sont prévues par la proposition de loi. Ainsi l'article 3 prévoit que les étudiants ou élèves exclus à la suite de faits de violence et amnistiés ne seront pas réintégrés de droit dans l'établissement. Les fautes lourdes ayant conduit au licenciement ne seraient pas non plus comprises dans le champ de l'amnistie (article 4).

Plus largement l'article 1er dispose que ne seraient pas couvertes par l'amnistie les violences à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une incapacité de travail et les atteintes volontaires à l'intégrité d'un mineur de quinze ans ou d'une personne particulièrement vulnérable.

Ces exceptions paraissent cependant assez faibles. Plusieurs types d'atteintes aux personnes et aux biens comme le vol précédé, accompagné ou suivi de violence sur autrui ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant huit jours seraient en effet amnistiés en application du texte s'il était adopté.

Tant du point de vue des personnes auxquelles elle pourrait s'appliquer que des infractions comprises dans son champ, la proposition de loi paraît aller bien au-delà de l'objectif de protection du droit à l'action collective et syndicale qui figure dans son objet.

L'amnistie n'offre pas la possibilité de prendre en compte l'intentions des auteurs et les circonstances exactes des délits et fautes commis à l'occasion de manifestations ou de conflits sociaux, nationaux ou intra-entreprise. En cela elle paraît une réponse inadaptée à la gestion des troubles survenus aux cours des dernières années.

*

* *

Réunie le mercredi 25 octobre 2023, la commission n'a pas adopté la proposition de loi n°926 (2022-2023) portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi.

Les lois d'amnistie en France depuis 1958

Loi n° 56-258 du 16 mars 1956 programme d'expansion économique, de progrès social et de réforme administrative, de rétablissement de l'ordre, de la protection des personnes et des biens et de la sauvegarde du territoire

Cette loi sur les pouvoirs spéciaux du gouvernement pendant la guerre d'Algérie n'est pas directement une loi d'amnistie, mais elle permet de prendre les décrets suivants :

décret n° 62-327 du 22 mars 1962 portant amnistie des infractions commises au titre de l'insurrection algérienne

décret n° 62-328 du 22 mars 1962 portant amnistie de faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne

Loi n° 59-940 du 31 juillet 1959 portant amnistie (traditionnelle loi d'amnistie postérieure aux élections présidentielles)

Loi n° 64-1269 du 23 décembre 1964 portant amnistie et autorisant la dispense de 1964. certaines incapacités et déchéances

Loi n° 66-396 du 17 juin 1966 portant amnistie d'infractions contre la sûreté de l'État ou commises en relation avec les événements d'Algérie

Loi n° 66-409 du 18 juin 1966 portant amnistie (traditionnelle loi d'amnistie postérieure aux élections présidentielles)

Loi n° 68-457 du 23 mai 1968 portant amnistie (université) (loi d'amnistie consécutive aux évènements de mai 1968)

Loi n° 68-697 du 31 juillet 1968 portant amnistie (Algérie)

Loi n° 69-700 du 30 juin 1969 portant amnistie (traditionnelle loi d'amnistie postérieure aux élections présidentielles)

Loi n° 72-1127 du 21 décembre 1972 portant amnistie de certaines infractions (conflits relatifs à des problèmes agricoles, ruraux, artisanaux ou commerciaux, ou conflits du travail)

Loi n°74-643 du 16 juillet 1974 portant amnistie (traditionnelle loi d'amnistie postérieure aux élections présidentielles)

Loi n° 81-736 du 4 août 1981 portant amnistie (traditionnelle loi d'amnistie postérieure aux élections présidentielles)

Loi n° 82-214 du 2 mars 1982 portant statut particulier de la région de corse : organisation administrative (article 50)

Loi n° 82-1021 du 3 décembre 1982 relative au règlement de certaines situations résultant des évènements d'Afrique du nord, de la guerre d'Indochine ou de la seconde guerre mondiale.

Loi n° 85-1467 du 31 décembre 1985 portant amnistie relative à la Nouvelle-Calédonie

Loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 portant amnistie (traditionnelle loi d'amnistie postérieure aux élections présidentielles)

Loi n° 89-473 du 10 juillet 1989 portant amnistie (Guadeloupe, Martinique et Corse)

Loi n° 90-33 du 10 janvier 1990 portant amnistie d'infractions commises à l'occasion d'événements survenus en Nouvelle-Calédonie

Loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques (article 19)

Loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie (traditionnelle loi d'amnistie postérieure aux élections présidentielles)

Loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie (traditionnelle loi d'amnistie postérieure aux élections présidentielles)

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Champ des infractions amnistiées

L'article 1er définit le champ des infractions amnistiées commises à l'occasion de conflits du travail et d'activités syndicales, ainsi qu'à l'occasion de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux.

Jugeant cet article trop large et inadapté, la commission ne l'a pas adopté.

1. Le dispositif proposé

L'article 1er se compose de deux parties.

Le I. définit les délits que la proposition de loi entend amnistier. Il s'agit des délits punis de moins de dix ans de prison et des contraventions. Les faits doivent avoir été commis avant la promulgation de la loi mais sans limite de temps en amont.

Pour entrer dans le champ de l'amnistie les faits concernés doivent avoir été commis « à l'occasion » de l'un des deux types d'événements suivants, quel qu'en soit le lieu :

- soit un conflit du travail, ou une activité syndicale ou revendicative professionnelle ;

- soit un mouvement collectif revendicatif, associatif ou syndical concernant cinq thématiques spécifiques : l'éducation, le logement, la santé, l'environnement et les droits des migrants.

Le II. prévoit deux types d'exception à l'amnistie :

- les délits de violence à l'égard d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public et ayant entraîné une incapacité de travail ;

- les atteintes volontaires à l'intégrité physique ou psychique d'un mineur de quinze ans ou d'une personne particulièrement vulnérable.

Ces infractions sont définies par renvoi aux articles 222-12, 222-13 et 222-14 du code pénal. On peut relever qu'elles sont pour la plupart punies de peines supérieures à celles prévues par le I. de l'article 1er de la proposition de loi et n'entrent donc de toute façon pas dans son champ. Les violences à l'égard des dépositaires de l'autorité publique ou chargés d'une mission de service public ayant entraîné une incapacité de travail sont ainsi punies de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Entrent légitimement dans le champ des exclusions les violences sur un mineur de quinze ans ou sur une personne d'une particulière vulnérabilité qui n'ont pas entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours et sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

2. La position de la commission

La commission considère que le champ des infractions susceptible d'amnistie est particulièrement large et peu discriminant, car susceptible de concerner non seulement les militants pacifiques, mais aussi les auteurs de violences et de dégradations et surtout les délinquants utilisant les mouvements revendicatifs comme prétexte ou couverture de leurs actions. Pourraient ainsi être amnistiés les vols précédés, accompagnés ou suivis de violence sur autrui ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant huit jours au plus, qui sont punis de sept ans de prison par l'article 311-5 du code pénal.

L'impossibilité de mesurer le nombre d'affaires concernées du fait des limites de l'outil statistique de ministère de la justice incite en outre à la plus grande prudence à l'égard de cette mesure.

La difficulté à caractériser les « mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux » est également source d'incertitude sur l'étendue de l'amnistie envisagée. La formulation retenue est elle-même source de difficulté, puisqu'il n'apparaît pas clairement si les mouvements collectifs visés sont uniquement associatifs ou syndicaux, ou si leur caractère revendicatif peut s'exprimer en dehors de toute organisation. Le principe d'interprétation stricte de la loi pénale conduira à l'application la plus limitée du texte, au risque cependant de divergences de jurisprudence.

Au regard de ces difficultés la commission, à l'initiative de son rapporteur, n'a pas adopté l'article 1er.

La commission n'a pas adopté l'article 1er.

Article 2
Procédure de constat de l'amnistie
en matière pénale

L'article 2 prévoit la procédure de constatation de l'amnistie en cas de condamnation, que celle-ci soit définitive ou non.

Par cohérence avec sa position sur l'article 1er, la commission n'a pas adopté cet article.

1. Le dispositif proposé

L'article 2 prévoit deux procédures destinées à permettre le constat de l'amnistie dans le cadre des procédures pénales.

La première concerne les condamnations devenues définitives. Il appartient dans ce cas au ministère public près la juridiction qui a prononcé la condamnation de la constater, d'office ou sur requête du condamné ou de ses ayants droit. La décision du ministère public est susceptible de contestation par requête au président du tribunal ou de la cour qui a rendu la décision, selon les modalités fixées par l'article 778 du code de procédure pénale.

La seconde procédure concerne les condamnations non encore définitives. La juridiction compétente est alors appelée à statuer sur les poursuites.

2. La position de la commission

La commission s'interroge sur la formulation retenue pour la procédure de constatation de l'amnistie dans le cadre d'une condamnation non encore définitive.

Par cohérence avec sa position sur l'article 1er, la commission, à l'initiative du rapporteur, n'a pas adopté l'article 2.

La commission n'a pas adopté l'article 2.

Article 3
Amnistie des faits constituant des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles et des sanctions
dans les établissements universitaires ou scolaires

L'article 3 prévoit l'amnistie des faits constituant des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles et de sanctions dans les établissements universitaires ou scolaires.

La commission n'a pas adopté cet article.

1. Le dispositif proposé

L'article 3 se compose de deux parties.

Le I. prévoit l'amnistie des faits commis dans les circonstances prévues à l'article 1er en tant qu'ils ont pu donner lieu à des sanctions prononcées par un employeur public ou privé.

Le contrôle du respect de cette amnistie est confié à l'inspection du travail.

Le II. prévoit l'amnistie des sanctions disciplinaires prononcées dans les mêmes circonstances par les établissements scolaires et universitaires.

Il précise que l'amnistie implique le droit à réintégration, à l'exception toutefois des cas où l'exclusion a été prononcée suite à des faits de violence.

2. La position de la commission

La commission considère que les procédures de contestation des sanctions et mesures disciplinaires sont de nature à permettre une prise en compte équilibrée des circonstances, des intentions et des faits commis.

À l'initiative du rapporteur, elle n'a donc pas adopté l'article 3.

La commission n'a pas adopté l'article 3.

Article 4
Procédure de réintégration des salariés et agents licenciés
et procédure de contestation des sanctions pour des faits amnistiés

L'article 4 prévoit la réintégration des salariés et agents licenciés et définit les règles de compétence en matière de contestations relatives à l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles.

La commission n'a pas adopté cet article.

1. Le dispositif proposé

L'article 4 se compose de deux parties.

Le I. prévoit la réintégration des salariés ou agents publics représentants du personnel licenciés pour faute pour des faits amnistiés ; la réintégration ne concerne toutefois pas les cas de faute lourde. Il précise la procédure de réintégration : celle-ci peut être demandée dans un délai d'un an à compter de la publication de la loi ou du prononcé de la sanction. Elle s'applique même en cas de succession d'employeur et est acquise dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande. La juridiction peut, saisie par le salarié ou agent, prononcer une restreinte à l'égard de l'employeur qui ne ferait pas droit à la demande de réintégration. Seule la force majeure peut s'opposer à celle-ci.

Le II. fixe la procédure de contestation des sanctions disciplinaires. Il distingue selon que la décision est définitive, auquel cas la contestation est portée devant l'autorité ou juridiction qui l'a prononcée, ou non encore définitive, auquel cas la contestation relève des autorités ou juridictions saisies des poursuites.

L'article prévoit que la procédure de contestation entraîne suspension de la sanction.

2. La position de la commission

Par cohérence avec sa position sur les articles précédents, la commission n'a pas adopté l'article 4.

La commission n'a pas adopté l'article 4.

Article 5
Effets de l'amnistie

L'article 5 précise les effets de l'amnistie. Il prévoit, outre l'effacement de la condamnation ou l'extinction de l'action publique, la suppression des informations nominatives et des empreintes génétiques des fichiers de police. Il précise également la procédure de préservation des droits des tiers.

La commission n'a pas adopté cet article.

1. Le dispositif proposé

L'article 5 se compose de trois parties.

Le I. précise les effets de l'amnistie par référence aux articles 133-9 à 133-11 du code pénal et aux articles 6 et 769 du code de procédure pénale. Il précise qu'elle entraîne la remise des mesures de police et de sûreté prononcées. Il exonère également les personnes amnistiées des droits fixes de procédure. Enfin, il crée une amende de 5 000 euros pour toute référence à une condamnation ou une sanction amnistiée. Sont passibles de cette amende les personnes morales et physiques.

Le II. concerne la procédure applicable aux tiers. Il prévoit que, dans le cadre de l'instance sur les intérêts civils, le dossier pénal est versé aux débats. La juridiction saisie de l'action publique reste par ailleurs compétente pour statuer sur les intérêts civils.

Le III. concerne la suppression des informations contenues dans les fichiers de police et de police judiciaire, que celles-ci soient nominatives ou composées de traces biologiques. Il prévoit également l'amnistie des refus de prélèvements biologiques sanctionnés sur le fondement de l'article 706-56 du code de procédure pénale lorsque ce refus est commis à l'occasion d'un fait amnistié.

2. La position de la commission

Par cohérence avec sa position sur les articles précédents, la commission n'a pas adopté l'article 5.

La commission n'a pas adopté l'article 5.

Article 6
Application de l'amnistie
à l'ensemble du territoire de la République.

L'article 6 prévoit l'application de l'amnistie à l'ensemble du territoire de la République.

La commission n'a pas adopté cet article.

Par cohérence avec sa position sur les articles précédents, la commission n'a pas adopté l'article 6.

La commission n'a pas adopté l'article 6.

La commission n'a pas adopté de texte sur la proposition de loi n°926 (2022-2023) portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 25 OCTOBRE 2023

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons le rapport de notre collègue Jean-Michel Arnaud sur la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives, présentée, avant le dernier renouvellement sénatorial, par Cathy Apourceau-Poly, Éliane Assassi, Laurence Cohen et plusieurs de leurs collègues du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - Mes chers collègues, cette proposition de loi rejoint une volonté ancienne des sénateurs de ce groupe de consacrer une « amnistie sociale », qui a notamment conduit il y a dix ans au dépôt de la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives, adoptée par le Sénat le 27 février 2013, mais rejetée ensuite par l'Assemblée nationale.

Je commencerai par rappeler le cadre général de l'amnistie, loi d'exception dont la pratique est de plus en plus limitée.

Le quatrième alinéa de l'article 34 de la Constitution dispose qu'appartiennent au domaine de la loi « la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ». Comme l'a rappelé le Conseil constitutionnel, « sur le fondement de ces dispositions le législateur peut enlever pour l'avenir tout caractère délictueux à certains faits pénalement répréhensibles, en interdisant toute poursuite à leur égard ou en effaçant les condamnations qui les ont frappés. »

Les effets de l'amnistie sont définis aux articles 133-9 à 133-11 du code pénal. L'article 133-10 prévoit que l'amnistie ne « préjudicie pas aux tiers ». Ainsi, si la juridiction de jugement a été saisie de l'action publique avant la publication de la loi d'amnistie, cette juridiction reste compétente pour statuer, le cas échéant, sur les intérêts civils.

Les lois d'amnistie peuvent poursuivre deux finalités. L'une est le retour à la paix civile ou l'apaisement des passions après des périodes de troubles particulièrement déstabilisatrices. L'amnistie tend, par l'extinction de l'action publique et la libération des personnes détenues, à permettre le retour de tous à la vie civile ainsi qu'à la paix. C'était le but de la loi du 10 janvier 1990 portant amnistie d'infractions commises à l'occasion d'événements survenus en Nouvelle-Calédonie. La seconde finalité est le désengorgement des juridictions de contentieux de masse considérés comme de faible importance. C'est dans ce sens que peuvent être interprétées les lois d'amnistie votées après les élections présidentielles sous la Cinquième République - au moins jusqu'en 2002 : la dernière l'a été sous la présidence de Jacques Chirac.

Les lois d'amnistie, qui se sont multipliées au cours des années 1980, ont fait l'objet de critiques de plus en plus nombreuses.

De fait, depuis 1990, aucune loi d'amnistie n'a plus été adoptée en lien avec des événements ou un territoire donné, et les revendications portées en ce sens, notamment dans le cadre des discussions sur le statut de la Corse, ont été écartées par le Président de la République.

Plus récemment, la pratique des lois d'amnistie proposées par l'exécutif à la suite des élections présidentielles n'a pas été reconduite à l'occasion des élections de 2007. Elle semble avoir été abandonnée depuis.

Outre l'impression de « fait du prince », rendu plus fréquent par le passage au quinquennat, la tolérance de la société à voir des infractions rester impunies - il s'agit, pour la plupart, d'infractions « du quotidien », dont les infractions routières - semble désormais faible. Le nombre d'infractions exclues du champ des lois d'amnistie avait en conséquence progressivement augmenté, au point d'interroger sur la légitimité du choix des infractions susceptibles d'être amnistiées. Au reste, quelques mois avant l'élection présidentielle, le respect des règles de sécurité routière, notamment, était moindre, certains comptant profiter de l'aubaine.

J'en viens maintenant à l'examen de la proposition de loi qui nous est soumise. Elle combine plusieurs formes d'amnistie.

Elle prévoit d'abord une amnistie en fonction des événements - les « conflits du travail » et les « mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux, relatifs aux problèmes liés à l'éducation, au logement, à la santé, à l'environnement et aux droits des migrants ». Cette amnistie est liée soit à un quantum de peine - « les délits passibles de moins de dix ans de prison », comme le prévoient les articles 1er et 2 de la proposition de loi -, soit à un type de peine - les sanctions disciplinaires, évoquées à l'article 3.

La proposition de loi comporte également une amnistie en fonction des personnes concernées : « les représentants élus du personnel » licenciés pour faute à l'occasion de l'exercice de leur mandat - c'est l'objet de l'article 4 de la proposition de loi.

L'article 5 prévoit que l'amnistie entraîne l'effacement des condamnations prononcées, l'extinction de l'action publique et la répression de toute référence à une sanction ou condamnation amnistiée, avec une extension à l'effacement de toutes empreintes, traces biologiques ou informations nominatives relatives aux infractions amnistiées et contenues dans les fichiers de police.

Enfin, l'article 6 est applicable sur l'ensemble du territoire de la République, ce qui est logique et nécessaire, car toute distinction dans l'application de la loi entre territoires serait potentiellement source d'inconstitutionnalité.

Bien que la proposition de loi tire toutes les conséquences juridiques de l'évolution de la jurisprudence relative aux lois d'amnistie et que son économie générale soit juridiquement robuste, deux critiques peuvent être adressées au texte examiné.

La première concerne le caractère mal défini de la notion de « mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux », qui paraît très étendue, au point d'être insaisissable, voire de poser des difficultés d'interprétation. La loi pénale étant d'interprétation stricte, toute imprécision tend à priver un dispositif d'effet. En l'occurrence, des divergences d'interprétation sont possibles et pourraient être dommageables sur des questions d'amnistie.

La seconde, la plus importante, concerne le champ de l'amnistie prévu, qui est particulièrement large, puisqu'il concerne la plupart des délits survenus « à l'occasion » de conflits du travail ou de mouvements collectifs revendicatifs, associatifs ou syndicaux. Il ne concerne donc pas uniquement les manifestants venus pour la défense d'une cause, mais aussi ceux qui ont pu se joindre à eux dans l'intention de commettre des délits. La proposition de loi s'étend, par ailleurs, à toutes les infractions passées, sans limitation en amont dans le temps. L'amnistie s'étend non seulement aux délits, mais aussi à toutes les sanctions disciplinaires touchant les salariés du secteur privé, les fonctionnaires, les étudiants et élèves. Pour ces deux dernières catégories de personnes, l'amnistie entraîne, s'il y a eu exclusion, réintégration dans l'établissement universitaire ou scolaire.

Je regrette de n'avoir pu obtenir, malgré mes demandes à la Chancellerie, aucun élément sur le nombre d'affaires potentiellement concernées au pénal. Le système d'information statistique du ministère de la justice ne permet pas, semble-t-il, d'identifier les circonstances au cours desquelles une infraction a été commise. Faute de tels éléments, qui ne couvriraient qu'une partie du champ de l'amnistie, il est impossible d'approcher de manière incontestable le nombre de cas concernés, ne serait-ce que par l'article 1er de la proposition de loi. Je note que les services du ministère ont ouvert la perspective d'une évolution des outils pour permettre, à l'avenir, d'obtenir ce type d'informations.

Des exceptions à l'amnistie sont prévues par la proposition de loi. Ainsi l'article 3 prévoit que les étudiants ou élèves exclus à la suite de faits de violence et amnistiés ne seront pas réintégrés de droit dans l'établissement. Les fautes lourdes ayant conduit au licenciement ne seraient pas non plus comprises dans le champ de l'amnistie.

Surtout, l'article 1er dispose que ne seraient pas couverts par l'amnistie les violences à l'encontre d'un dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une incapacité de travail et les atteintes volontaires à l'intégrité d'un mineur de quinze ans ou d'une personne particulièrement vulnérable.

Ces exceptions paraissent cependant assez faibles. Plusieurs types d'atteintes aux personnes et aux biens, comme le vol précédé, accompagné ou suivi de violence sur autrui ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant huit jours, seraient amnistiés en application du texte s'il était adopté.

Tant du point de vue des personnes auxquelles elle pourrait s'appliquer que des infractions comprises dans son champ, la proposition de loi paraît aller bien au-delà de l'objectif - au demeurant légitime - de protection du droit à l'action collective et syndicale qui figure dans son objet.

Dès lors, la proposition de loi ne me paraît pas une réponse souhaitable à la gestion des troubles survenus au cours des dernières années, notamment à l'occasion du débat sur les retraites au printemps dernier. Je considère, en effet, que les garanties entourant l'action publique et les procédures relatives aux mesures disciplinaires touchant les salariés, fonctionnaires, étudiants et élèves permettent de prendre en compte de manière adéquate et proportionnée les événements survenus à l'occasion de conflits sociaux ou d'actions revendicatives et qu'une amnistie générale serait inadaptée.

Je vous propose donc de ne pas adopter la proposition de loi, ce qui signifie, conformément à l'article 42 de la Constitution, qu'elle sera discutée telle quelle en séance publique.

M. Olivier Bitz. - Nous considérons que les circonstances exceptionnelles qui doivent justifier une amnistie, au nom de la réconciliation et de la cohésion nationale, ne seront pas réunies.

Attachés au principe d'égalité devant la loi, mais aussi au respect des victimes, nous ne trouvons pas acceptable de vouloir effacer les actes de ceux qui n'ont pas hésité à faire usage de la violence, quand bien même celle-ci ne serait dirigée que contre les biens. Le respect de l'ordre républicain, c'est le respect de la loi.

Ce texte nous apparaît d'autant moins acceptable qu'il est encore plus généreux que celui qui a été adopté en 2013.

Le soutien à l'action syndicale ne saurait passer aujourd'hui par une loi d'amnistie.

Aussi voterons-nous contre le texte proposé par nos collègues.

M. François-Noël Buffet, président. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à l'amnistie d'infractions et de sanctions survenues à l'occasion de mouvements sociaux ou revendicatifs.

Il en est ainsi décidé.

M. François-Noël Buffet, président. - Je précise qu'aucun amendement n'a été déposé sur le texte.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

L'article 2 n'est pas adopté.

Article 3

L'article 3 n'est pas adopté.

Article 4

L'article 4 n'est pas adopté.

Article 5

L'article 5 n'est pas adopté.

Article 6

L'article 6 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 8(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie9(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte10(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial11(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 25 octobre 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 926 (2022-2023) portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives à l'amnistie d'infractions et de sanctions survenues à l'occasion de mouvements sociaux ou revendicatifs.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mme Kathy Apourceau-Poly, première signataire de la proposition de loi

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

Mme Sophie Macquart-Moulin, adjointe au directeur des affaires criminelles et des grâces

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-926.html


* 1 Intitulé du texte n° 365 (2002-2003) de Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 24 juin 2003. Cette volonté a notamment conduit au dépôt de la proposition de loi portant amnistie des faits commis à l'occasion de mouvements sociaux et d'activités syndicales et revendicatives adoptée par le Sénat le 27 février 2013 mais rejetée par l'Assemblée nationale.

* 2 Décision n° 89-265 DC du 9 janvier 1990.

* 3 Des mesures d'amnistie ont par ailleurs été prises dans certains textes au moment d'évolutions importantes du droit ainsi l'article 19 de la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques.

* 4 Loi n° 90-33 du 10 janvier 1990 portant amnistie d'infractions commises à l'occasion d'événements survenus en Nouvelle-Calédonie.

* 5 Séance du 12 décembre 1989, JO Sénat p. 4828.

* 6 Conseil constitutionnel, compte rendu de la séance du 9 janvier 1990.

* 7 Selon l'expression du rapporteur au Sénat de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002, Lucien Lanier.

* 8 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 9 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 10 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 11 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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