II. ANALYSE PAR PROGRAMME

Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation » concentre l'immense majorité des crédits de la mission « Anciens combattants ». Ses crédits sont principalement affectés à l'administration des rentes viagères dont bénéficient les anciens combattants, invalides de guerre et rapatriés. Cette facette du programme obéit à des données naturelles mais aussi à des mécanismes de revalorisation des droits ainsi financés.

En dehors de ces rentes, le programme contient :

- les crédits de la politique de mémoire, qui connaissent un quasi-doublement en 2024 (+ 87,2 %), notamment du fait de la commémoration du 80e anniversaire des débarquements et de la Libération ;

- les crédits affectés au lien armées-jeunesse, qui correspondent à la JDC et au SMV. Ces crédits sont en légère augmentation (+ 6,2 %).

L'autre programme (le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale ») comprend le financement des moyens destinés à réparer les préjudices subis par les orphelins de victimes violences antisémites et d'actes de barbarie commis durant la seconde guerre mondiale et les spoliations du fait de l'application de lois antisémites. La très grande majorité de ces crédits couvre des rentes viagères à destination des orphelins, qui sont très âgés. La baisse du nombre de crédit-rentiers explique la diminution des crédits (- 3,7 %, les crédits passant de 91,6 millions d'euros en LFI 2023 à 88,1 millions d'euros en PLF 2024).

A. LE PROGRAMME 169 « RECONNAISSANCE ET RÉPARATION EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION » : UN PROGRAMME AUX ACTIONS DIVERSES MAIS DONT LES CRÉDITS COUVRENT ESSENTIELLEMENT CELLES EN FAVEUR DES ANCIENS COMBATTANTS ET DES INVALIDES

1. Des modifications significatives de la maquette du programme 169 et de la dénomination de la retraite du combattant sans conséquences sur le fond

Le PLF 2024 contient une refonte de la répartition des actions du programme 169. Ainsi, les crédits qui étaient contenus dans les actions 01, 02 et 03 ont été redistribués entre deux nouvelles actions 02 et 03, qui contiennent désormais et respectivement les crédits liés aux pensions militaires d'invalidité et les crédits liés à l'allocation de reconnaissance du combattant. Une sous-action de l'ex action 03, portant sur le financement du Conseil national des communes compagnons de la libération a également été transféré à l'action 09 « politique de mémoire ».

Pour autant, les sous-actions ont été transférées à périmètre constant et il n'y a pas eu d'ajout ou de disparition de sous-action.

Si le rapporteur comprend la logique consistant à regrouper les différentes dépenses contenues par ces actions autour des rentes auxquelles elles se rattachent, il regrette cependant que cette organisation des crédits entraine la ventilation des crédits des PMI et de l'allocation de reconnaissance du combattant, qui constituent le coeur de la mission, entre deux actions différentes.

De plus, la retraite du combattant a été renommée « allocation de reconnaissance du combattant » par un décret paru le 30 juin 20233(*). Ce changement de nom n'emporte aucune modification de fond et cette rente s'apparente effectivement plus à une allocation qu'à une retraite.

2. Des crédits hétéroclites, largement dominés par l'effort en faveur des anciens combattants

Le programme 169 comporte désormais 5 actions aux crédits très inégaux :

- l'action 02 « PMI, droits et soutien aux invalides », disposant de 826,1 millions d'euros en AE et de 835,2 millions d'euros en CP ;

- l'action 03 « Reconnaissance envers le monde combattant », disposant de 819,4 millions d'euros en AE et CP ;

- l'action 07 « Action en faveur des rapatriés », disposant de 112,2 millions d'euros en AE et CP ;

- l'action 08 « Liens armée-jeunesse », disposant de 26,1 millions d'euros en AE et CP ;

- l'action 09 « Politique de mémoire », disposant de 40,4 millions d'euros en AE et CP.

Bien que les crédits du programme 169 sont, au niveau global, en baisse par rapport au PLF 2023, plusieurs aspects doivent être soulignés :

- les crédits liés aux pensions militaires d'invalidité suivent leur tendance baissière et diminuent de 5,92 %. Cette baisse est portée par la diminution des crédits des PMI elles-mêmes qui compensent par ailleurs une hausse des dépenses voisines de l'action (subvention de l'Institut national des Invalides, remboursement des réductions de transport et des prestations de sécurité sociale aux invalides) ;

- les crédits liés à l'allocation de reconnaissance du combattant apparaissent en hausse du fait d'un report de paiement exceptionnel de 45,5 millions d'euros en 2023, ce montant étant plus important que les économies dégagées par la baisse démographique des bénéficiaires de l'allocation. La majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre, autre ligne de l'action directement liée à la démographie des anciens combattants est ainsi en baisse de 7,8 %. Les crédits rattachés à cette dépense, les subventions aux associations et à l'ONaCVG sont eux en légère hausse ;

- les crédits de l'action en faveur des rapatriés continuent d'augmenter en 2024 (+ 11,2 %) du fait d'une extension par décret des structures permettant de bénéficier du dispositif de réparation institué par la loi n° 2022- 229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français ;

- les crédits de l'action « liens armées-jeunesse » connaissent eux aussi une hausse (+ 6,23 %) attribuée à l'inflation portant sur les repas servis aux jeunes suivant la JDC ;

- les crédits de la politique de mémoire doublent presque en augmentant de 87,2 % par rapport à 2023, ce qui est la conséquence de la commémoration du 80e anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, de la Libération et de la Victoire, qui mobilisera 15 millions d'euros sur une action qui n'en comptait que 22 en 2023.

3. Des crédits dédiés à l'effort en faveur des anciens combattants et invalides de guerre en baisse

Les crédits des actions 02 et 03 diminuent, au total, de 39 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 36,6 millions d'euros en CP entre la LFI 2023 et le PLF 2024, malgré les 45,5 millions d'euros ayant été repoussés de 2023 à 2024.

Cette diminution s'explique, comme chaque année, par l'attrition de la population bénéficiaire. Cette diminution est généralement partiellement compensée par une revalorisation de l'allocation de reconnaissance du combattant et des pensions militaires d'invalidité. Cela n'est pas le cas en 2024 car la revalorisation de ces pensions est quasi-nulle.

Ces deux pensions sont indexées sur le point de pension militaire d'invalidité (point PMI), lui-même indexé sur l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI) de la fonction publique. Le point PMI avait une valeur de 15,63 euros au 1er janvier 2023 et sera revalorisé à 15,65 euros au 1er janvier 2024.

En conséquence la baisse de la population des bénéficiaires des pensions en 2024 entraine une baisse quasi-nette des crédits de ces pensions.

Les crédits affectés à la majoration des rentes mutualistes des anciens combattants et victimes de guerre, qui sont également très dépendants du facteur démographique, connaissent également une baisse significative en 2024 (- 16,4 millions d'euros, soit - 7,8 %).

Évolution des crédits de paiement d'intervention des actions 02 et 03
par type de prestation (2022- 2023)

(en millions d'euros)

Dispositif

LFI
2023

PLF 2024

Différence

PMI

754,8

690,3

- 64,5

Allocation de reconnaissance du combattant

509,4

536,4

27

Droits dérivés liés à l'invalidité

37

38,8

1,8

Remboursement réductions de transport

0,7

1,7

1

Remboursement prestations sécurité sociale

71,8

80,8

9

Majoration des rentes mutualistes

211,4

195

- 16,4

ONAC (action sociale)

25

25

0

Total

1 610,1

1568

- 42,1

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances pour 2024

En 2024, les économies se concentrent dans les pensions militaires d'invalidité et dans la majoration des rentes mutualistes. Les crédits de l'allocation de reconnaissance du combattant apparaissent en hausse du fait des 45,5 millions d'euros repoussés de 2023 à 2024. De plus, les droits liés aux pensions militaires d'invalidité (droits dérivés, remboursement de prestation) apparaissent en hausse du fait d'une augmentation du coût des soins et d'une exécution 2022 plus élevée qu'anticipée.

Enfin, en ce qui concerne les crédits provisionnés au programme 169 à destination des opérateurs de la mission (non renseignés dans le tableau ci-dessus), les subventions destinées à l'ONaCVG connaissent une hausse de 16,5 millions d'euros. Cette augmentation est due à un renforcement des moyens d'entretien du patrimoine mémoriel militaire de l'État dans le cadre du programme commémoratif fort pour le 80e anniversaire des débarquements et de la Libération, une augmentation des crédits consacrés à l'indemnisation des harkis et autres rapatriés au titre de la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées, et à une hausse de 2,3 millions d'euros de la subvention pour charges de service public. Les crédits de fonctionnement courant de l'INI sont également en légère hausse (+ 700 000 euros) du fait de de surcouts liés au prix de l'électricité et à l'augmentation du prix de l'alimentation. Il faut par ailleurs noter que l'INI dispose d'un financement important qui n'est pas crédité au programme 169 et qu'il est en train de rénover ses locaux, ce qui entraine des dépenses immobilières significatives et très variables d'une année sur l'autre (cf. infra).

Une particularité liée à la « tuyauterie budgétaire » mérite attention

Le suivi des dépenses de PMI et de l'allocation de reconnaissance du combattant doit tenir compte de ce que la consommation des crédits inscrits à ce titre au programme 169 peut ne pas se traduire par des transferts équivalents au bénéfice des titulaires de droits en raison des modalités de la maquette budgétaire. Les dépenses sur crédits du programme 169 sont, en effet, versées en direction du compte d'affectation spéciale « Pensions » (en particulier du programme 743 de ce compte).

Elles en constituent les recettes, à partir desquelles sont effectués les versements effectifs aux bénéficiaires. Pour suivre la consommation des crédits correspondants du programme 169, il convient donc de mesurer les dépenses effectives du programme 743 qui correspondent aux recettes ainsi apportées à ce compte.

Il n'est pas prévu de recourir au solde excédentaire du CAS pensions pour les PMI ou l'allocation de reconnaissance du combattant en 2024.

a) Des extensions de droits de portée limitée ces dernières années, une revalorisation quasi-nulle du point PMI en 2024

Au cours des dernières années, une série de mesures d'extension des droits en faveur des anciens combattants sont intervenues. Les modifications apportées aux droits des anciens combattants (propres ou dérivés) n'ont eu qu'un assez faible impact sur la situation des anciens combattants et des invalides. L'effort en faveur des rapatriés a cependant connu un renforcement significatif depuis 2022. Les crédits qui leur étaient dédiés pour 2023 (100,9 millions d'euros) représentent quasiment le quadruple de la programmation initiale pour 2022 (26 millions d'euros).

Le point PMI doit être revalorisé de 0,13 % le 1er janvier 2024 en application de ses modalités d'indexation sur les rémunérations des agents publics. Sa valeur sera ainsi portée de 15,63 euros à 15,65 euros. Cette revalorisation quasi-nulle est très largement inférieure à l'inflation tant pour les bénéficiaires d'une allocation de reconnaissance du combattant que pour les bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité.

Évolutions intervenues depuis 2020 pour modifier
les droits des anciens combattants

Mesure

Références

bénéficiaires

Coût associés

Pension militaire d'invalidité

Réduction du nombre de points d'indice nécessaire (de 10 000 à 6 000) pour que l'ayant-cause puisse bénéficier d'une réversion de pension majoré prévue aux articles L. 141- 18 et L. 141- 21 du Code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre

Article 221 de la loi n° 2020- 1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021

197 bénéficiaires potentiels

5 248 € annuels, pour un coût global d'environ 1 M€ d'euros en année pleine.

Revalorisation exceptionnelle de 35 centimes et modification des modalités de revalorisation du point PMI

Article 174 de la loi n° 2021- 1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022

Tous les bénéficiaires d'une allocation de reconnaissance du combattant ou d'une pension militaire d'invalidité

30 millions d'euros

Droit à réparation intégrale pour les militaires blessés

du fait d'un évènement de guerre ou lors d'une mission opérationnelle

Article 21 de la loi n° 2023- 703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030
et portant diverses dispositions intéressant la défense

Militaires blessés du fait d'un évènement de guerre ou lors d'une mission opérationnelle

2 millions d'euros

Demi-part fiscale des anciens combattants

Suppression de la condition d'âge minimum au décès du conjoint ancien combattant

Article 8 de la loi n° 2022- 1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023

Veuves dont le conjoint ancien combattant est décédé avant ses 65 ans

Estimé à plus de 130 millions en PLF.

Impact budgétaire nul constaté en exécution.

Allocations versées aux anciens membres des forces supplétives et à leurs conjoints survivants

Doublement de l'allocation viagère et de l'allocation de reconnaissance

Arrêté du 21 décembre 2021 fixant à compter du 1er janvier 2022 le montant de l'allocation viagère définie par l'article 133 de la loi n° 2015- 1785 du 29 décembre 2015 de finances
pour 2016

Harkis, autres supplétifs et leurs veuves

19,2 millions d'euros en 2023

Suppression du délai de forclusion pour la demande de l'allocation viagère

Loi n° 2022- 229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français

Veuves de harkis n'ayant pas réalisé leur dossier d'allocation viagère dans les délais impartis

 

Dispositif de reconnaissance et réparation aux harkis, autres supplétifs et rapatriés du fait des conditions indignes d'accueil sur le territoire national dans des camps ou hameaux de forestage

Loi n° 2022- 229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil de droit local et réparation des préjudices subis par ceux-ci et leurs familles du fait de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans certaines structures sur le territoire français

30 000 à 35 000 demandes attendues

45 millions d'euros en 2022, 60 millions d'euros en 2023

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Il n'y a pas eu de mesure d'extension du bénéfice de la carte du combattant depuis la carte 62/64. Cette dernière avait conduit à la remise de 39 423 cartes du combattant. Depuis, les nouvelles attributions de la carte du combattant correspondent aux soldats en retour d'OPEX.

b) L'érosion du nombre de bénéficiaires à l'origine des baisses de crédits du programme 169

Deux populations doivent être distinguées : celle des bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité (PMI) et celle des titulaires de l'allocation de reconnaissance du combattant. La PMI, contrairement à l'allocation de reconnaissance du combattant, voit son montant varier d'un attributaire à l'autre et est réversible à des ayants-cause. De plus, si les deux populations s'inscrivent dans une tendance baissière, elle ne se réalise pas de la même manière et n'entraîne pas les mêmes conséquences budgétaires.

De manière générale, ces deux populations diminuent fortement, d'environ 6 % par an pour les invalides de guerre et 8 % par an pour les anciens combattants depuis 2021.

Évolution du nombre des bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de l'allocation de reconnaissance du combattant (RC) (2006- 2024)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

(1) L'allocation de reconnaissance du combattant, une reconnaissance de la Nation dont les crédits diminuent au rythme du nombre de ses bénéficiaires

Les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant sont les titulaires de la carte du combattant âgés de 65 ans ou plus.

Le nombre des titulaires de l'allocation de reconnaissance du combattant est en forte baisse, ce qui constitue le facteur principal de la réduction des crédits attribués à l'allocation de reconnaissance des anciens combattants. Cette baisse démographique devrait s'établir à 7,7 % de l'effectif en 2023 et les prévisions pour 2024 pronostiquent une nouvelle baisse de 7,7 %.

Les cartes attribuées pour un engagement postérieur à 1964 sont fortement minoritaires et les entrées dans le dispositif de l'allocation de reconnaissance du combattant des possesseurs de la carte atteignant 65 ans sont très loin de compenser les sorties du dispositif. Au 1er juillet 2023, 1 689 405 cartes du combattant avaient été attribuées au titre de la guerre d'Algérie, contre 268 049 au titre d'un engagement au cours d'une OPEX. De plus, les 39 423 cartes du combattant attribuées suite à la reconnaissance de l'engagement des militaires en Algérie lors de la période 1962-1964 sont comptabilisées parmi les cartes du combattant attribuées au titre des OPEX. Il y a donc un peu mois de 230 000 cartes du combattant attribuées pour un engagement postérieur à 1964.

Répartition des cartes de combattant attribuées en fonction des combats
justifiant les attributions (au 1er juillet 2023)

Conflits

Cartes du combattant attribuées au 1er juillet 2023

Première guerre mondiale et TOE

4 425 379

Seconde guerre mondiale

2 605 198

Guerres d'Indochine et de Corée

211 052

Guerre d'Algérie, combats en Tunisie et au Maroc

1 689 405

Opérations extérieures

268 049

Total

9 199 083

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Demandes de cartes du combattant de 2018 à 2023

Années

Demandes traitées

Attributions

Rejets

% de rejet

2018

18 463

16 110

2353

12,74 %

2019**

57 723

51 208

3 515

6,09 %

2020

17 458

15 263

2 195

12,57 %

2021

15 000

12 936

2 048

13,65 %

2022

14 729

12 889

1 840

12,49 %

2023*

6 671

5 097

764

11,45 %

* état au 1er juillet 2023.

** dont 35 108 cartes attribuées au titre de la mesure 62/64.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

En ce qui concerne la démographie actuelle des titulaires de la carte du combattant, aucune statistique ne recense le nombre de titulaires de la carte du combattant en vie chaque année. Toutefois, une estimation relativement précise peut être réalisée à partir du nombre de bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant.

Nombre de titulaires de la carte du combattant de 2015 à 2023

Années

(a)

Titulaires de l'allocation de reconnaissance du combattant au 1er janvier

(b)

Titulaires de la carte du combattant OPEX âgés de moins de 65 ans au 1er janvier*

(a) + (b)

Nombre total estimé de titulaires de la carte du combattant

2015

1 159 167

78 000

1 237 167

2016

1 108 925

100 000

1 208 925

2017

1 058 921

124 000

1 182 921

2018

1 000 550

140 000

1 140 550

2019

940 071

151 000

1 091 071

2020

913 012

153 538

1 066 550

2021

857 205

163 365

1 020 570

2022

797 887

175 000

972 887

2023

742 674

184 000

926 674

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Aussi, à la vue de ces éléments, le nombre de bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant semble devoir continuer à fortement baisser jusqu'à ce qu'une stabilisation intervienne lorsque les entrées d'anciens combattants engagés en OPEX postérieurement à 1964 compenseront les sorties du dispositif. Cependant, le niveau de stabilisation est estimé à 500 000 ressortissants de l'ONaCVG, veuves comprises.

La trajectoire baissière de cette population est le facteur principal de diminution des crédits affectés à l'allocation de reconnaissance du combattant. Le second est la revalorisation limitée de son point d'indice (voir infra) bien que cette dernière soit, sur le long terme, contrebalancée par l'augmentation du nombre de points de pensions militaires d'invalidité sur lequel est indexée l'allocation de reconnaissance du combattant qui est passé de 33 points en 2006 à 52 points actuellement.

Pour mémoire également, l'allocation n'est versée qu'à compter de 65 ans, ce qui limite par nature le nombre de bénéficiaires.

(2) Les pensions militaires d'invalidité, régime d'indemnisation recouvrant des situations très diverses et dont la population tend tout à la fois à diminuer et à se recomposer

La population des bénéficiaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) comprend, outre les titulaires eux-mêmes, des ayants cause, pour l'essentiel des anciens conjoints auxquels s'ajoutent des orphelins et des ascendants. Les deux populations, ayants droit et ayants cause, se réduisent. Leur nombre aura baissé de 6,2 % en 2023 et les projections démographiques prévoient une nouvelle baisse de 6,2 % en 2024.

La proportion des ayants cause, après s'être renforcée, tend à refluer. S'ils représentaient 26,4 % des pensionnés en 2020, ils n'en représentent plus que 23,6 % en 2023. Dans le même temps, la part des ayants cause dans les versements de PMI s'est stabilisée : ils reçoivent 45 % de la valeur des PMI depuis 2021.

Évolution des titulaires et des dépenses de PMI
entre 2006 et 2024

Effectifs PMI

Source : commission des finances du Sénat

Si jusqu'à présent la baisse des crédits présentait un taux d'élasticité important, la situation s'expliquait principalement par la structure particulière de la population bénéficiant de la PMI. Les pensions de réversion aux ayants droit sont d'une valeur moindre que celles dont bénéficiaient les titulaires. Aussi le décès d'un titulaire, s'il entraîne une réversion, entraînera également une baisse des crédits sans pour autant que le nombre global des bénéficiaires n'ait été modifié. Il existe ensuite une dispersion très nette des droits versés. Ainsi, si la population des bénéficiaires disposant des pensions les plus élevées subit une attrition plus forte que le reste des bénéficiaires de PMI, la baisse des dépenses constatée sera plus élevée que celle de la population globale des bénéficiaires.

Ces phénomènes ont conduit à une réduction forte de la valeur unitaire moyenne des PMI. Le ratio coût PMI/bénéficiaires était supérieur à 5000 euros par bénéficiaire jusqu'en 2018. Ce dernier doit atteindre 4680 euros par bénéficiaire en 2024.

L'élasticité constatée entre diminution de la population des bénéficiaires et diminution des crédits s'était estompée en 2022 et 2023, deux années avec une élasticité proche de 1. L'année 2024 marque un rebond, avec un rapport de 1,5 entre la baisse de la population bénéficiaire et la baisse des crédits des PMI.

La valeur des pensions en elles-mêmes, de manière générale, est assez peu évolutive, cette dernière étant, comme l'allocation de reconnaissance du combattant, calculée sur la base de points de PMI dont la revalorisation est traditionnellement faible (cf infra).

Cependant, au contraire de l'allocation de reconnaissance du combattant, le nombre de point dont bénéficient les pensionnaires dépend directement de leur taux d'invalidité et n'augmente pas dans le temps. Ainsi si l'augmentation du nombre de points PMI de l'allocation de reconnaissance du combattant a pu contrebalancer une revalorisation atone et très inférieure à l'inflation de ce point, ce n'est pas du tout le cas des pensionnaires d'une PMI qui voit la valeur de leur pension être grignotée année après année par l'inflation.

Les pensions doivent être revalorisées de 0,13 % au 1er janvier 2024 du fait de leurs modalités d'indexation sur les rémunérations publiques. Cette revalorisation quasi-nulle prend place dans un contexte de forte inflation et représente une perte non négligeable de valeur pour les PMI.

La dépendance du nombre de point au niveau d'invalidité du pensionnaire entraine une dispersion considérable des droits versés aux bénéficiaires. Il existe un éventail de valeurs indiciaires particulièrement large qui sert de base au calcul des pensions. Ce dernier comprend une échelle d'invalidité allant de 10 % à 100 % + 100 degrés, chaque degré valant 10 % de taux d'invalidité. La grille servant de base pour l'attribution de point PMI est contenue dans l'annexe 1 au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Une répartition exhaustive par taux et par indice aboutit au constat que les pensions sont payées sur la base de plusieurs milliers d'indices pour les invalides et plusieurs centaines pour les conjoints.

La répartition est inégale. Les invalides bénéficiant d'une prestation à un taux d'invalidité égal ou supérieur à 100 % ne représentent que 4,5 % des titulaires d'une pension. A contrario, 82 % des titulaires bénéficient d'une pension d'invalidité à un taux d'invalidité inférieur ou égal à 55 %. Les pensions versées varient très sensiblement selon le taux d'invalidité reconnu.

Ainsi, le montant moyen annuel d'une PMI valait 3 332 euros en 2022, ce qui correspond à un plus du double du montant médian annuel de la PMI, de 1 552 euros.

Répartition par taux d'invalidité au 31 décembre 2022

Source : DGFIP, service des retraites de l'État, base des PMIVG 2022

Le rapporteur spécial recommande une simplification du barème des pensions, tant pour des raisons d'équité dans la détermination des allocations que pour permettre une application plus fluide des dispositions d'indemnisation.

Une évolution concernant le contentieux des PMI doit être soulignée et saluée. En 2019, les commissions de réforme des pensions militaires d'invalidité (CRPMI) ont vu leur compétence en contentieux des PMI transférée aux tribunaux administratifs. En plus de ce transfert a été instauré un recours administratif préalable obligatoire auprès de la commission de recours de l'invalidité pour le contentieux des PMI. Ces deux mesures, qui ont entraîné la disparition des CRPMI, ont eu pour effet de réduire le délai moyen de traitement des dossiers contentieux de plus de 20 mois à 7 mois.

Rappels sur les pensions de réversion

Aux termes du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), pour ouvrir un droit à pension pour les ayants cause, il faut que le décès soit imputable au service, ou que le décès soit en relation avec une infirmité pensionnée ou que le militaire soit pensionné d'un taux supérieur ou égal à 60 %.

Les conjoints survivants ont droit à pension au taux dit « normal » (500 points) lorsque le décès est imputable au service ou en relation avec une infirmité pensionnée, ou que l'ouvrant droit était pensionné pour un taux d'invalidité de 85 % au moins.

Les conjoints dont le militaire était pensionné à un taux d'invalidité inférieur à 85 % et au moins égal à 60 % ont droit à une pension au taux dit « simple », soit les 2/3 de la pension au taux normal.

Cette pension a connu un mouvement de revalorisation très fort depuis 2004, passant d'une condition de soins constants de 15 à 10 ans et d'une pension s'élevant à 260 ou 350 points à 410 ou 500 points respectivement, selon que le conjoint invalide bénéficiait de l'allocation 5°bis°a ou 5°bis°b (art. L. 133- 1 CPMIVG).

La LFI 2021 a prévu une réduction du nombre de points d'indice nécessaire, ce dernier passant de 10 000 à 6 000, pour que l'ayant-cause puisse bénéficier d'une réversion de pension majorée prévue aux articles L. 141- 18 et L. 141- 21 du CPMIVG.

À l'issue de ce processus, les majorations de pensions accessibles sont les suivantes :

Conditions d'attribution de la majoration spéciale et progression
du nombre de points d'indice de cette majoration

(en euros)

Date d'effet

Années de mariage ou de PACS et de soins donnés de manière constante, postérieures à l'ouverture de l'avantage prévu à l'article L. 133- 1 du CPMIVG

Conjoint survivant ou partenaire lié par un PACS d'un grand invalide titulaire de l'allocation aux grands invalides

Allocation GI

n° 5 bis b

Allocation GI

n° 5 bis a

A/C du 01/01/2016

Au moins 10 ans

500

410

A/C du 01/07/2016

Au moins 5 ans

150

105

Au moins 7 ans

300

230

Au moins 10 ans

500

410

A/C du 01/01/2020

Au moins 15 ans

550

460

Au moins 20 ans

600

510

Au moins 25 ans

650

560

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

c) Une revalorisation des pensions particulièrement faible en 2024 

Les PMI et l'allocation de reconnaissance du combattant sont toutes deux indexées sur un indice nommé point de pensions militaires d'invalidité (point PMI).

Le point PMI est désormais calculé au début de chaque année civile, sur la base d'une période de référence fixe et sans application rétroactive4(*). Cette période de référence s'étend, pour une revalorisation devant intervenir au 1er janvier de l'année, du 1 juillet de l'année n- 2 au 30 juin de l'année n- 1. Il est à noter que le passage du « rapport constant » aux modalités actuelles, s'il simplifie significativement le calcul de la valeur du point PMI et n'emporte que des conséquences financières modiques au niveau individuel, s'est fait en défaveur des pensionnés puisque les pensions sont désormais revalorisées sur une base annuelle plutôt que sur une base trimestrielle. Les revalorisations sont également prises en compte moins rapidement. Le point PMI est indexé sur l'indice de traitement brut - grille indiciaire (ITB-GI), publié conjointement par l'INSEE et la direction générale de l'administration et de la fonction publique. L'ITB-GI est un agrégat fonction de l'évolution de l'indice de la fonction publique et de mesures catégorielles au prorata de leur incidence sur l'échelle indiciaire des fonctionnaires.

Suivant ce principe, le point PMI sera revalorisé de 15,63 euros à 15,65 euros au 1er janvier 2024. Le rapporteur spécial rappelle que dans ses réponses à son questionnaire budgétaire lors de l'élaboration du PLF 2023, l'administration avait alors indiqué que le point PMI avait été arbitré à une valeur de 16,65 euros pour le 1er janvier 2023. Aucune explication n'a été donnée quant à la réduction de 2 centimes.

Le rapporteur spécial rappelle également que la revalorisation intervenue au 1er janvier 2023 est essentiellement due à la revalorisation du point d'indice de la fonction publique de 3,5 % intervenue le 1er juillet 2022. La stricte application de la période de référence aurait dû entraîner une prise en compte de cette revalorisation au 1er janvier 2024, mais le Gouvernement avait décidé de faire preuve de souplesse à 24 heures près. Cette souplesse en 2022 doit être saluée mais rend d'autant plus incompréhensible le fait que confronté à la même situation en 2023, le Gouvernement décide cette fois-ci que la revalorisation ne prendrait effet qu'au premier janvier 2025 pour une revalorisation du point d'indice des fonctionnaires de 1,5 % intervenue le 1er juillet 20235(*).

L'allocation de reconnaissance du combattant n'a quant à elle pas perdu de valeur par rapport à l'indice de la consommation sur la période 2005- 2023 du fait de l'augmentation de son nombre de points PMI, passé de 33 à 52 depuis 2005. Son montant reste cependant individuellement très modeste : 812,76 euros annuels au 1er janvier 2023, soit 67,73 euros mensuels. Au 1er janvier 2024, son montant devrait s'établir à 813,80 euros annuels, soit 67,82 euros mensuels.

La timidité de la revalorisation de l'allocation de reconnaissance du combattant explique qu'en absence d'augmentation du nombre de points, les crédits diminuent presque à proportion de la population des bénéficiaires.

Comparaison de l'évolution de l'allocation de reconnaissance du combattant
avec l'hypothèse d'une indexation sur l'inflation à nombre de points PMI fixe

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial rappelle que contrairement à l'allocation de reconnaissance du combattant, les pensions militaires d'invalidité ne sont revalorisées par une augmentation du nombre de points. Ainsi, ces dernières connaissent une véritable baisse de valeur face à l'inflation.

Il faut également souligner que le surcoût qu'entrainerait une revalorisation du point PMI resterait inférieur aux économies réalisées par la mission « Anciens combattants » du fait de la réduction de la population bénéficiaire sur la même période. Aussi une revalorisation du point PMI est tout à fait envisageable dans une trajectoire baissière des crédits totaux.

Le rapporteur rappelle et regrette que la revalorisation exceptionnelle du point PMI de l'année 2022 de 35 centimes supposée rattraper le retard de l'indexation ITB-GI face à l'inflation sur la période 2018- 2021 a retenu une hypothèse d'inflation de 0,6 % pour l'année 2021, soit une valeur inférieure à l'inflation tant prévue6(*) par le Gouvernement lui-même que celle constatée :

PMI et RC

PMI : pension militaire d'invalidité

RC : retraite du combattant, désormais appelée allocation de reconnaissance du combattant.

Lecture : Si le point PMI avait été indexé depuis 2018 sur l'inflation, sa valeur au 1er janvier 2019 aurait été de 14,72 euros au lieu de 14,57 euros selon le rapport constant.

L'inflation 2021 est celle qui était prévue par le LFSS 2021. Les dépenses 2021 résultent des prévisions du second suivi de gestion 2021. Les dépenses 2022 sont celles prévues par le projet de loi de finances pour l'année 2022.

Source : Tableau fourni par le ministère des armées en réponse au questionnaire du rapporteur spécial - session 2022

Ainsi, en l'absence de volonté politique particulière, la valeur réelle des rentes viagères servies aux invalides continue d'être grignotée année après année par l'inflation.

Dès lors, il conviendrait de s'intéresser spécifiquement à la situation des invalides de guerre, dans la mesure où ces derniers sont liés par leur point d'indice à l'allocation versée aux anciens combattants, sans que les revalorisations aient réellement permis le maintien de l'effort de la Nation envers ces derniers. En effet, les autres mesures, telles que les avantages fiscaux (demi-part des veuves) et les dispositions budgétaires (augmentation du nombre de point de l'allocation de reconnaissance du combattant), bénéficient exclusivement aux anciens combattants.

Le rapporteur estime que cette situation pour les invalides de guerre n'est pas satisfaisante et que des pistes permettant d'améliorer spécifiquement leur situation méritent d'être recherchées.

d) Une déformation des équilibres de la politique de reconnaissance en faveur du monde combattant malgré des avantages peu mobilisés

Les interventions en faveur des anciens combattants financées par le programme 169 sont composites. Certaines, à vocation universelle (PMI, l'allocation de reconnaissance du combattant), sont versées à tous ceux qui réunissent des conditions objectives tenant à leur situation de combattant ou de santé et à raison de celles-ci. D'autres impliquent un choix du bénéficiaire et sont variables, indépendamment de la seule situation d'ancien combattant.

En dehors de l'effet asymétrique des dépenses fiscales déjà relevé, il en va tout particulièrement ainsi de la majoration des rentes mutualistes qui, pour concerner 258 639 bénéficiaires en 2024 (contre 277 686 en 2023), n'est servie qu'à un peu plus de 35 % des titulaires de la carte du combattant.

La rente mutualiste

La retraite mutualiste du combattant, devenue rente mutualiste du combattant, bénéficie d'un certain nombre d'avantages, de nature fiscale ou liés au régime de majoration légale institué par la loi du 4 mai 1948.

Les contribuables anciens combattants peuvent, chaque année, déduire de leurs revenus imposables, dans la limite d'un plafond, les versements effectués en vue de la constitution d'une rente donnant lieu à majoration de l'État.

Cette rente bénéficie, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère (mais sans limite de plafond de ressources), d'une majoration spécifique de l'État de 12,5 % à 60 % selon le titre détenu et sa date d'obtention.

Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l'État est limité à un plafond, dit « plafond majorable » égal à 125 points de PMI (en hausse de 1 953,75 euros en 2023 à 1 956,25 euros à compter de janvier 2024). Ces revalorisations pèsent cependant sur les budgets de l'année n+ 1 car les organismes mutualistes versent les majorations aux souscripteurs et sont remboursés l'année suivante par l'État. Ainsi, le budget 2024 est-il basé sur le plafond 2023 et le plafond 2024 sera pris en compte pour le budget 2025.

La rente mutualiste se cumule avec toutes les autres pensions et retraites. Elle est exonérée d'impôt pour sa part inférieure au plafond légal. Au-delà de ce plafond, le régime fiscal est celui de l'assurance-vie.

Or, cet avantage mobilise une part importante des dotations en faveur des anciens combattants : 195 millions d'euros en 2024 soit 11,8 % de ces crédits7(*), contre 12,5 % du total en 2023.

La part de la charge budgétaire liée aux majorations de rentes mutualistes augmente habituellement plus ou moins vite chaque année. La réduction de l'année 2024 s'explique par une surimpression de la proportion en 2023 due aux 45,5 millions d'euros affectés à l'allocation de reconnaissance repoussés de 2023 à 2024. Le rapporteur spécial rappelle que la majoration des rentes mutualistes n'absorbait que 8 % des dépenses du programme en 2011.

Ce phénomène est essentiellement dû à une augmentation du montant moyen annuel des majorations remboursées, qui entraîne une baisse moins rapide de ce poste budgétaire que pour l'allocation de reconnaissance du combattant et les pensions militaires d'invalidité elles-mêmes en limitant l'impact de la baisse du nombre des bénéficiaires sur la réduction des dépenses.

Données relatives aux rentes mutualistes (2019- 2023)

Année de facturation

Montant des remboursements des majorations légales
(en millions d'euros)

Montant des remboursements des majorations spécifiques
(en millions d'euros)

Total
(en millions d'euros)

Nombre de bénéficiaires
(au 1er janvier de l'année en cours)

Montant moyen annuel des majorations remboursées

2019

105,95

126,62

232,57

328 943

707,01 €

2020

106,91

123,14

230,05

315 175

729,91 €

2021

103,66

118,82

222,48

297 804

747,08 €

2022

97,71

113,27

210,98

280 602

751,90 €

2023

94,51

108,51

203,02

263 351

770,90 €

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les dépenses correspondantes ont ainsi connu une certaine résistance, qui contraste avec les prestations plus universelles financées par le programme 169.

Évolution de la charge des avantages attribués aux rentes mutualistes
des anciens combattants et des effectifs bénéficiaires (2009- 2024)

Effectifs

Crédits
(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les PAP « Anciens combattants »

Le déficit de revalorisation du point PMI mentionné plus haut a toutefois, comme pour les autres prestations liées à la valorisation du point de PMI, également limité la dynamique de cette dépense.

La contribution de l'État aux rentes mutualistes (771 euros par bénéficiaire en 2021) apporte aux bénéficiaires un quasi-doublement de la valeur de l'allocation de reconnaissance du combattant qu'ils perçoivent.

Ce doublement touche un nombre des bénéficiaires limité par rapport aux prestataires de l'allocation de reconnaissance du combattant.

Il est permis de s'interroger sur les facteurs expliquant le faible recours à la faculté ouverte aux ayants droit de se constituer un tel complément de retraite disposant d'un soutien élevé de l'État. À ce stade, le rapporteur spécial se limitera à relever que cette absence de recours au dispositif conduit à des économies significatives.

4. Les crédits des actions en faveur des rapatriés continuent leur progression en 2024

L'action en faveur des harkis, autres supplétifs et rapatriés a connu un renforcement exceptionnel en 2022. Ainsi, le montant de l'allocation de reconnaissance et de l'allocation viagère a été doublé par voie réglementaire et la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées a levé le délai de forclusion de l'allocation viagère tout en créant une indemnité de réparation des préjudices résultant de l'indignité de leurs conditions d'accueil et de vie dans des camps et des hameaux de forestage. Le texte initial du PLF 2022 prévoyait une dotation de 26,6 millions d'euros pour les actions en faveur des rapatriés. Une provision supplémentaire de 50 millions d'euros a été votée lors de l'examen du texte en prévision du dispositif de la loi du 23 février 2022.

Le texte de la LFI 2023 prévoyait quant à lui une dotation de 100,9 millions d'euros pour les actions en faveur des rapatriés. Sur une période d'un an, les moyens de la politique de reconnaissance et réparation en faveur des rapatriés ont presque été quadruplés.

Les crédits de l'action 07 « Actions en faveur des rapatriés » continuent leur progression en 2024, en s'établissant à 112,2 millions d'euros (AE=CP), soit une nouvelle augmentation de 11,2 % par rapport à leur niveau de 2023. Cette augmentation aurait représenté une augmentation de 42 % avant 2023. Elle s'explique notamment par un élargissement par décret8(*) de la liste des camps et hameaux de forestage ouvrant le droit à l'indemnité prévue par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées.

a) Une augmentation drastique et récente des crédits alloués aux rapatriés

L'action en faveur des rapatriés a été profondément renforcée en fin d'année 2021 et au cours de l'année 2022 :

- la forclusion des dispositifs9(*) d'allocation à destination des conjoints et veuves de harkis a été levée avec un effet rétroactif à 2016 ;

- le montant des deux allocations - de reconnaissance et viagère - a été doublé par arrêté10(*) ;

- la création d'une indemnité, par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées, versée au titre de l'accueil indigne en France des harkis, autres supplétifs ou rapatriés, dans des camps ou des hameaux de forestage.

En parallèle de ces créations ou extension de droits, le dispositif de solidarité pour les enfants de harkis est arrivé à terme le 31 décembre 202211(*), entrainant ainsi un afflux de dossier sur cette même période. Cependant les derniers paiements sont intervenus en 2023 et ce poste de dépense doit disparaitre en 2024.

b) Des crédits dominés par des pensions viagères et le dispositif d'indemnisation du fait de l'accueil indigne en France des harkis, autres supplétifs ou rapatriés

Les crédits en faveur des rapatriés sont à 99 % dédiés à l'allocation de reconnaissance, l'allocation viagère et au droit à réparation du fait des conditions d'accueil indignes en France.

L'action contient également divers soutiens, tels que des aides à la formation professionnelle, des aides au désendettement, des aides spécifiques aux conjoints survivants, des remboursements de cotisations retraites complémentaires ou encore des mesures de sauvegarde du toit familial. Ces différentes aides ne représentent cependant que 700 000 euros annuels.

Le dispositif de réparation du fait des conditions d'accueil indignes en France a été créé par la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées. Il donne lieu au paiement d'indemnités sous forme de capital. Il a vocation à disparaitre après traitement des demandes. Lors de l'adoption de la loi, il était estimé que 50 000 dossiers devraient être déposés pour un cout global estimé à 300 millions d'euros. L'ONaCVG établissait lui une estimation de 40 000 dossiers. De plus, le dispositif a été étendu en 2023 par décret12(*).

30 000 dossiers ont actuellement été déposés. 7 772 ont fait l'objet d'une décision favorable et 607 d'une décision de refus. Plus de 20 000 dossiers restent en stock et un objectif de 8200 dossiers traités en 2024 a été fixé. 69,8 millions d'euros sont prévus par le PLF 2024 dans ce cadre.

Par ailleurs 207 recours contentieux ont été déposés auprès des juridictions administratives contre les décisions déjà rendues.

Les allocations de reconnaissance et viagères sont des allocations destinées respectivement aux harkis, moghaznis et autres membres des formations supplétives et à leurs veuves. 21,8 millions d'euros sont prévus pour l'allocation de reconnaissance, en baisse de 1 million d'euros par rapport à 2023 et 19,9 millions d'euros sont prévus pour l'allocation viagère en 2024, en hausse de 4,4 millions d'euros par rapport à 2023.

c) Une augmentation structurelle du niveau des crédits en faveur des rapatriés

L'année 2022 marque le début d'un effort budgétaire supplémentaire en faveur des harkis. Ce choix aura des conséquences budgétaires fortes à moyen et long terme.

Le dispositif de la loi n° 2022-229 du 23 février 2022 est ponctuel car chacun des bénéficiaires concernés peut déposer un dossier qui entrainera le versement d'une indemnité sous forme de capital. Ainsi, le dispositif doit disparaitre une fois que le stock de demande a été traité et la situation générant un droit pour ce dispositif ayant disparue, il n'y aura pas de flux.

Cependant, le cout global associé au stock est estimé à 300 millions d'euros et seuls 130 millions d'euros ont été engagés sur 2023 et 2024. Le dispositif et son financement sur l'action 07 devraient donc se maintenir au cours des 2 ou 3 prochaines années.

Au contraire de l'indemnité de la loi n° 2022-229 du 23 février 2022, la levée de la forclusion et le doublement des allocations en faveur des harkis moghaznis, autres membres des formations supplétives et de leurs veuves aura des conséquences de long voir très long terme sur l'action 07.

En effet, ces allocations sont viagères et, comme pour les rentes versées aux anciens combattants et invalides de guerre, les crédits qui y sont consacrés ne baisseront qu'avec la diminution du nombre de bénéficiaires du fait de l'âge. Cependant, contrairement à l'allocation de reconnaissance du combattant, les conjoints survivants d'un bénéficiaire de l'allocation de reconnaissance peuvent bénéficier d'une allocation viagère d'un montant équivalent à la mort de leur époux. Ainsi, le déclin démographique des bénéficiaires de ces deux allocations sera probablement plus lent que celui des bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance du combattant. L'année 2024 illustre particulièrement ce phénomène : les entrées dans l'allocation viagère ont surcompensé les sorties de l'allocation de reconnaissance.

5. Les crédits affectés à l'action liens armées-jeunesse connaissent une hausse non significative du fait d'un financement de la JDC et du SMV à plus de 75 % par la mission « Défense »

Le budget 2024 de l'action 08 « Liens armées-jeunesse » du programme 169 s'établit à 26,1 millions d'euros en AE et CP, en hausse de 6 % par rapport à 2023.

Il se compose de deux unités opérationnelles respectivement dédiées à la journée défense et citoyenneté (JDC) et au service militaire volontaire (SMV).

L'augmentation des crédits porte exclusivement sur la JDC, dont la dotation augmente de 1,56 million d'euros en CP. Les moyens du SMV sont eux inchangés. Cette augmentation porte en réalité sur une partie largement minoritaire du financement de ces dispositifs.

L'action 08 reste principalement consacrée au financement de la JDC, qui absorbe plus de 80 % de ses dotations.

Les crédits de l'action 08 font l'objet d'abondements massifs en provenance de la mission « Défense », de collectivités territoriales ou de fonds de concours. Les crédits effectivement dépensés pour la JDC et le SMV s'établissent à plus de 150 millions d'euros (dont 97,3 millions d'euros pour la JDC13(*)), montant à comparer aux 24,5 millions d'euros effectivement apparents dans les crédits de la mission. Le rapporteur regrette cette situation qui conduit à une mauvaise lisibilité des documents budgétaires. Il salue cependant la comptabilité analytique tenue par le ministère des armées permettant de retracer, au moins en exécution, le coût effectif des dispositifs.

a) Le service militaire volontaire, 3 millions d'euros inscrits au budget de la mission mais, au total, un budget de plus de 50 millions d'euros

Le Service Militaire Volontaire (SMV) est une action du ministère de la défense nationale visant à accueillir des jeunes en situation de précarité sociale dans une structure d'accompagnement de type militaire et ayant pour but de les intégrer dans le monde du travail. Des jeunes de 18 à 25 ans se trouvent placés en internat sous statut militaire. Ils suivent une formation militaire sans entrainement au combat, bénéficient d'une remise à niveau scolaire puis d'une formation professionnelle, le tout sous encadrement militaire.

Le rapporteur spécial présente cette année un rapport d'information sur le SMV auquel il renvoie pour une présentation détaillée du dispositif.

Pérennisé à compter du 1er janvier 2019 par la loi n° 2018- 607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, ce dernier vise un objectif d'accueil de 1 500 « volontaires stagiaires » en 2024.

Le budget de la mission prévoit pour le SMV 3,34 millions d'euros en 2024 contre 3,33 millions d'euros en 2023. Les crédits de la mission apparaissent donc stables. Cependant, les dépenses en exécution du SMV, après prise en compte de ses autres sources de financement, s'élevaient à 53 millions d'euros en 202214(*), dont 9 millions d'euros proviennent de fonds européens. La masse salariale du dispositif, prise en charge par la mission « Défense », s'élève à 36 millions d'euros pensions comprises. Les collectivités territoriales ont financé le dispositif à hauteur de 3,54 millions d'euros en 2022.

Le coût complet du dispositif pour 2024 ne peut être déduit ou estimé ni à partir des informations contenues dans les documents budgétaires, ni des réponses du ministère au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial. Cette situation est particulièrement problématique et mériterait d'être corrigée.

Outre un manque de lisibilité regrettable du budget du SMV, doit être souligné un coût par volontaire élevé, estimé à 38 000 euros par volontaire au regard de l'effectif théorique et de 44 000 euros par volontaire au regard de l'effectif réel. Sans tenir compte des moyens issus des fonds européens, le cout par volontaire était de 31 430 euros au regard de l'effectif théorique et de 36 700 euros au regard de l'effectif réel.

Avec un taux d'insertion de 82 % en 2022 et de 86 % en 2023, ce dispositif obtient cependant de très bons résultats au regard de sa population cible, composée en majorité de non-diplômés (60 %) et pour une bonne partie d'illettrés (20 %).

Les insertions représentent pour 50 % des CDI ou CDD de plus de 6 mois, pour 40 % un CDD de moins de 6 mois et pour 10 % une continuation de formation qualifiante ou une alternance.

Seuls 2 % des volontaires stagiaires rejoignent les armées à la suite du SMV. Cependant, environ 35 % des volontaires experts15(*) rejoignent un corps en uniforme à la suite de leur SMV.

Enfin, le rapporteur spécial plaide pour une meilleure équité territoriale dans le déploiement du SMV. Sur le plan organisationnel, ce dernier se compose d'un état-major implanté à Arcueil et de cinq centres ou régiments et de deux antennes implantés dans 6 des 13 régions métropolitaines. Le public cible du SMV étant particulièrement vulnérable aux difficultés liées à l'éloignement, l'implantation géographique actuelle du SMV pose de réelles difficultés en termes d'équité dans l'accès au SMV.

Le SMV ne couvre pas les collectivités d'outre-mer, qui disposent du service militaire adapté (SMA), plus ancien et ayant directement inspiré le SMV. Le budget du SMA ne relève pas de la présente mission.

b) La JDC : une hausse des crédits de la mission et une baisse du cout du dispositif
(1) Des crédits pour 2024 en légère hausse non représentatifs du coût réel du dispositif

La journée « défense et citoyenneté » (JDC) est une obligation à laquelle chaque Français doit déférer avant ses 18 ans. Elle succède au service militaire et prend, dans son format normal, la forme d'une journée de présentation ayant vocation à diffuser l'esprit de défense auprès des jeunes. Elle est mise en oeuvre par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ). Un certificat de participation est remis en fin de journée et ce dernier est obligatoire pour l'inscription aux examens et concours soumis au contrôle de l'autorité publique. Un jeune qui n'aurait pas suivi la JDC a toujours la possibilité de régulariser sa situation jusqu'à 25 ans.

Les crédits affectés à cette dernière dans le cadre du programme 169 s'élevaient à 21,22 millions d'euros en AE et 21,19 millions d'euros en CP dans la LFI 2023. 22,75 millions d'euros en AE et CP sont prévus pour 2024. Les crédits connaissent ainsi une légère hausse, qui doit être attribuée à l'inflation, en raison du renchérissement des coûts liés à l'alimentation et au transport des jeunes et des intervenants.

Ces chiffres ne sont toutefois pas significatifs, tant en ce qui concerne l'évolution que le volume des crédits attribués à la JDC. Ces derniers s'élevaient ainsi au total à 97,3 millions d'euros en 2023.

Le rapporteur relève et regrette que le coût global de la JDC ne lui ait pas été transmis pour l'année 2024, en réponse à son questionnaire budgétaire, à l'inverse des réponses qui lui avaient été faites jusqu'à présent.

Il apparaît également que le coût 2023 de la JDC a connu une baisse significative de 16 millions d'euros par rapport à l'estimation qui en avait été faite en été 2022. Cette réduction de 16 millions d'euros porte intégralement sur le titre 2 de la JDC et est expliquée par le ministère par un changement de méthodologie dans sa comptabilité analytique.

Évolution des coûts complets de la JDC entre 2017 et 2023

En millions d'euros

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023 (LFI)

Alimentation

5,9

5,4

7,2

3,2

0,3

1,7

6,7

Transport des jeunes

5,1

5,5

5,4

5,0

3,2

8,7

9,8

Fonctionnement des sites (location de locaux civils)

0,3

0,2

0,4

0,2

0,1

0,4

0,4

Autres charges

2,3

2,4

2,8

2,3

2,1

2,4

3,1

Total dépenses réalisées sur le BOP P 168

13,6

13,5

15,7

10,6

5,7

13,1

20

T2 : Masse salariale (programme 212)
et CAS Pension*

86

83,8

85,4

80,5

81,3

85,6

70,6

T3 : Autres charges de fonctionnement (programme 178)

4

3,9

3,9

3,9

3,9

3,9

4,1

T5 : Infrastructures
et SIAG (programme 212)

3

3,4

2,6

1,8

1,9

1,9

2,6

Total dépenses estimées hors BOP « Liens Armée-Jeunesse »

93

91,1

91,9

86,2

87,1

91,4

77,3

Total dépenses JDC en millions d'euros

106,6

104,6

107,6

96,9

92,8

104,6

97,3

Nombre de jeunes présents

786 515

770 245

793 534

614 690

919 185

788 962

802 567

Coût complet par jeune en euros (Total dépenses JDC/nombre de jeunes présents)

135,53

135,82

135,66

157,60

100,96

137,1

121,2

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial tient à saluer le développement, bienvenu, par le ministère des Armées d'une comptabilité analytique des coûts de la JDC, même si cette dernière reste perfectible. Il est également regrettable qu'elle n'apparaisse pas dans les rapports budgétaires, dans la mesure où cette dernière contribuerait grandement à la lisibilité des crédits affectés à la JDC.

Le coût moyen, après avoir été stable aux alentours de 135 euros par participant a évolué en 2020- 2021. Les prévisions d'exécution se situaient à 140,19 euros et 139,68 euros par participant respectivement. Cependant, avec la crise sanitaire, la réalisation 2020 s'est établie à 157,60 euros par participant. Bien que des économies par participant aient été réalisées suite à des moindres dépenses en encadrement, transports et repas, le maintien des coûts fixes à un niveau stable auxquels s'ajoute une diminution significative du nombre de participants a au final entraîné un surcoût par participant par rapport à la situation pré-covid. A contrario, le coût par participant en 2021 a été réévalué à 107 euros. Cette réduction drastique du coût par jeune s'explique d'une part par la mise en oeuvre de la JDC dématérialisée et d'autre part par la réalisation d'économies d'échelle du fait du rattrapage de la JDC par un nombre important de jeunes dans des conditions adaptées.

La cible de coût pour 2023, qui devait marquer le retour à une organisation normale en année pleine, était fixée à 140,43 euros par participant. Le coût par participant est désormais estimé à 121,2 euros, du fait d'une baisse de 16 millions d'euros en estimation du coût de la masse salariale de la JDC. Il convient de saluer cette diminution du coût par participant. Une cible de 130 euros par participant a été définie pour le PLF 2024.

Une JDC dématérialisée à destination des français de l'étranger est en cours de développement. La JDC en ligne a sinon été abandonnée depuis le retour à la JDC « présentielle » effectué en 2021.

(2) La JDC, une action clé de la lutte contre le décrochage scolaire et la marginalisation qui mérite d'être mieux suivie

Une des missions attribuées à la JDC est la détection de la marginalisation et de l'illettrisme de certains jeunes. La JDC apparaît particulièrement pertinente pour cette mission puisqu'il s'agit d'un point de passage obligé pour tous les jeunes d'une tranche d'âge, y compris en situation de déscolarisation.

La direction du service national et de la jeunesse intervient ainsi en aval du dispositif de repérage des « décrochés scolaires » en informant les appelés identifiés lors de la JDC, afin de contribuer à ce que « tout jeune de seize à dix-huit ans sorti sans diplôme du système de formation initiale et sans emploi soit effectivement inscrit dans un parcours de formation, d'accompagnement ou d'exercice d'une activité d'intérêt général lui permettant de préparer son entrée dans la vie active ». La JDC alimente également une base de données mise à disposition des coordonnateurs de la mission de lutte contre le décrochage scolaire.

Source : réponse au questionnaire budgétaire, session 2017

En 2022, entre 27 000 et 34 000 jeunes décrocheurs ont été détectés. En 2021, les informations relatives à 36 917 jeunes, dont 3 121 en outre-mer, repérés en situation de décrochage scolaire, avaient été transmises aux coordonnateurs locaux.

De plus, environ 2 à 3 % de chaque classe d'âge ne participe pas à la JDC, soit plus de 16 000 jeunes par année de naissance. 90 % des jeunes n'ayant pas participé à la JDC ne l'a pas faite à cause d'un défaut de recensement, dont les formalités relèvent de la mairie de résidence du jeune.

(3) Le SNU, un dispositif ayant vocation à remplacer la JDC et dont l'articulation avec cette dernière reste incertaine

Le service national universel a été créé en 2019 et a vocation, après son extension, à se substituer à la JDC. Ce dernier a une ambition sans commune mesure avec la JDC. Le SNU prévoit notamment une « Journée Défense et Mémoire » (JDM), qui doit remplacer l'actuelle JDC, avec une prise en compte plus forte des enjeux de mémoire et de résilience.

En l'état actuel des choses, les deux dispositifs devraient coexister. Si le SNU est disponible sur la totalité du territoire national à tous les élèves de seconde, il est toujours réalisé sur la base du volontariat alors que la JDC reste obligatoire et systématique.

Il sera désormais possible de ne pas réaliser de JDC pour les jeunes ayant réalisé un séjour de cohésion du SNU. Ces derniers recevront une équivalence JDC lors de leur recensement.

Le SNU relève du budget de la mission « Sport, jeunesse et vie associative. ».

6. Le quasi-doublement des crédits « politique de mémoire » en raison du programme commémoratif de l'année 2024

La définition et la conduite de la politique de mémoire sont assurées par les services de la direction de la mémoire, de la culture et des archives (DMCA). La mise en oeuvre nationale du volet commémoration est directement réalisée par la DMCA et sa mise en oeuvre locale est déléguée à l'ONaCVG. La mise en oeuvre de la politique de la pierre relève aussi de l'ONaCVG.

L'année 2024 marque une modification du contenu de la mission : les subventions accordées au Conseil national des communes compagnons de la libération, qui relevaient en 2023 de l'ancienne action 03, ont été transférées à l'action 09 « politique de mémoire ». Si la subvention 2024 est la même que celle de 2023, son transfert renchérit les crédits de la politique de mémoire de 1,74 million d'euros. Les crédits considérés comme ceux de la mission en 2023 dans le PAP incluent cependant les crédits de cette sous-action de manière rétroactive. Ce transfert n'a donc pas pour effet d'augmenter le taux de 87 % d'augmentation de crédits de l'action16(*).

La seconde sous-action de la mission, qui correspond à son périmètre historique, recouvre un spectre assez large d'actions et fait l'objet d'un financement budgétaire pouvant s'avérer très variable d'une année sur l'autre, ce dernier dépendant directement de l'actualité mémorielle. L'année 2024 en fourni un exemple extrême.

Les crédits de l'action « mémoire » avaient déjà connu une augmentation de 17 % entre 2022 et 202317(*), du fait d'un renchérissement des coûts d'entretien des nécropoles nationale, sous le coup de l'inflation. Ils connaissent cette fois, entre 2023 et 2024, une augmentation de 87 %18(*), passant de 22,7 millions d'euros à 42,4 millions d'euros. Cette hausse concerne uniquement le périmètre historique de l'action. Les principales dépenses supplémentaires sont :

- 14 millions d'euros sont dédiés à la célébration et à la commémoration du 80e anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence, de la Libération et de la Victoire ;

- 3 millions d'euros supplémentaires pour l'entretien des sépultures de guerre et la valorisation des lieux de mémoire ;

- 1 million d'euros supplémentaires pour subventionner les actions de mémoire qui sont menées par les partenaires du ministère des armées ;

- 900 000 euros supplémentaires pour l'organisation du défilé du 14 juillet, qui ne pourra pas se tenir sur les Champs-Élysées en 2024 à cause des jeux olympiques.

L'action « mémoire » est divisée en deux opérations stratégiques (OS) : l'OS « Mémoire » et l'OS « Sépultures de guerre et lieux de mémoire ». Pour 2024, 23,8 millions d'euros sont consacrés à l'OS mémoire (contre 7,3 millions d'euros en 2023) et 16,9 millions d'euros à l'OS sépultures (contre 13,6 millions d'euros en 2023).

a) Les crédits de l'OS sépultures de guerre et lieux de mémoire continuent leur hausse face à l'inflation

L'OS « sépultures de guerre et lieux de mémoire » correspond principalement à des opérations de rénovation et d'entretien, dont l'ONaCVG a la charge, depuis que l'édification du monument d'hommage aux soldats morts pour la France lors des OPEX est achevée. Quelque 950 000 euros de l'OS sont dédiés au développement de partenariats avec les territoires dans le cadre du tourisme de mémoire, montant en hausse de 150 000 euros par rapport à 2023.

Outre l'entretien courant des nécropoles et carrés militaires, l'ONACVG a lancé un programme de rénovation des hauts lieux de la mémoire nationale évalué initialement à 8 millions d'euros sur 4 ans.

16,9 millions d'euros sont consacrés à cet OS en 2024, une augmentation significative par rapport à 2023 (13,6 millions d'euros, soit + 24 %).

Cependant, malgré l'effort budgétaire consenti pour compenser les surcoûts liés à l'inflation, le respect de l'enveloppe budgétaire prévue risque de provoquer des retards dans la réalisation des travaux.

Le rapporteur spécial tient ici à saluer la contribution des bénévoles de toutes provenances, qui apportent un concours précieux et particulièrement estimable à la nécessaire conservation de ces hauts lieux de mémoire.

Au demeurant, il tient à rappeler l'implication forte des bénévoles des associations et de leurs porte-drapeaux dans la tenue des actions mémorielles. Il appelle à toute action permettant à ces associations de forger des liens avec les jeunes générations afin de rendre possible une continuité de cet engagement dans le temps.

Le rapporteur spécial souhaite également que soient mieux favorisés les projets permettant aux collectivités territoriales de mettre en avant leur mémoire et l'histoire combattante. Les crédits prévus (0,95 million d'euros) ne semblent pas correspondre à ce que pourrait être une politique ambitieuse d'inscription de ce patrimoine dans nos territoires.

b) L'OS « Mémoire », des crédits triplés pour l'année 2024

La programmation mémorielle pour l'année 2024 portera essentiellement sur les débarquements de Normandie et de Provence et les libérations de Paris et de Strasbourg.

Pour 2024, 23,8 millions d'euros sont prévus pour cet OS, soit une hausse de 220 % par rapport à 2023. Sur les 16,5 millions d'euros supplémentaires, 14 millions sont consacrés au 80e anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence et libérations de Paris et de Strasbourg ; 1 million est consacré aux autres thématiques mémorielles de l'année et 900 000 euros abondent l'organisation du 14 juillet qui ne pourra pas avoir lieu sur les Champs-Élysées à cause des jeux olympiques.

En plus de ces commémorations ponctuelles, des cérémonies nationales sont tenues chaque année. Leur nombre a significativement augmenté ces dernières années. Il n'y avait que 6 journées commémoratives nationales en 1993, contre 17 aujourd'hui.

Chronique du coût des cérémonies nationales

(en euros, estimations pour 2023)

Cérémonie

2019

2020

2021

2022

2023

19 mars, journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc

52 000

4 800

41 040

98 007

120 715

Dernier dimanche d'avril, journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation

14 000

1 125

92 405

101 546 

154 512

8 mai, commémoration de la victoire
de 1945

112 000

3 900

2 800

116 500

121 846

Deuxième dimanche de mai, fête nationale de Jeanne d'Arc et du patriotisme

0

0

0

0

0

27 mai, journée nationale de la Résistance

0

0

0

0

510

8 juin, journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » en Indochine

86 000

0

0

0

118 881

18 juin, journée nationale commémorative de l'appel du général de Gaulle
le 18 juin 1940 à refuser la défaite et à poursuivre le combat contre l'ennemi

54 000

13 000

91 496

132 431

197 505

Le 16 juillet (si c'est un dimanche) ou le dimanche qui suit le 16, journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux « Justes » de France

86 000

72 610

138 024

144 087

142 531

25 septembre, journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives

46 000

89 916

90 000

90 000

100 000

11 novembre, commémoration de l'armistice de 1918 et hommage à tous les morts pour la France

120 000

12 426

100 000

100 000

180 000

5 décembre, journée nationale d'hommage aux « morts pour la France », aux rapatriés d'Afrique du Nord, aux personnes disparues, aux populations civiles victimes de massacres ou d'exactions et aux victimes civiles de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie

39 000

0

60 000

60 000

85 000

Cérémonie d'hommage à Jean Moulin célébrée traditionnellement le 17 juin

13 000

0

9 451

12 417

15 886

* cérémonie internationale du 11 novembre 2018 organisée principalement par le GIP Mission du centenaire.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

7. Les opérateurs du programme, soumis à une budgétisation qui suscite l'inquiétude quant à la soutenabilité de leurs comptes

Le programme 169 compte trois opérateurs :

- l'Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) ;

- l'Institution nationale des Invalides (INI) ;

- le Conseil national des communes « Compagnon de la libération ».

L'ONaCVG est l'opérateur principal du programme 169. Il a la charge de mettre en oeuvre les politiques de reconnaissance et réparation en faveur des anciens combattants et la mise en oeuvre des volets local et immobilier de la politique de mémoire.

L'INI prend en charge les blessés militaires, soit pour une réhabilitation, soit pour un accueil comme pensionnaire en cas de grand handicap.

Le Conseil national des communes « Compagnon de la libération » a « pour mission d'assurer les traditions des Compagnons de la Libération, d'en conserver la mémoire, de gérer le musée, d'organiser les cérémonies commémoratives de l'appel du 18 juin et de la mort du Général de Gaulle, de participer à l'aide morale et matérielle apportée aux veuves et enfants de Compagnons de la Libération ainsi qu'aux médaillés de la Résistance et à leurs familles. L'Ordre de la Libération développe l'esprit de défense à travers l'exemple de l'engagement des Compagnons de la Libération. »19(*).

a) L'évolution des crédits et des plafonds d'emploi des opérateurs de la mission
(1) Des crédits en augmentation en raison du renforcement des actions en faveur des harkis et d'une programmation commémorative exceptionnelle

L'année 2023 est marquée par une augmentation des dotations.

L'ONACVG en particulier voit ses crédits attribués au titre du programme 169 augmenter de 16,5 millions d'euros, soit une hausse de 8,3 % par rapport à 2023.

Cette hausse est essentiellement due à :

- un renforcement des moyens d'entretien du patrimoine mémoriel militaire de l'État dans le cadre du programme commémoratif fort pour le 80e anniversaire des débarquements et de la Libération ;

- une augmentation des crédits consacrés à l'indemnisation des harkis et autres rapatriés au titre de la loi n° 2022 229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées.

La subvention pour charges de service public est, elle, en hausse de 2,3 millions d'euros.

Les crédits qui lui sont transférés depuis le programme 158 sont en légère baisse, de 3,4 million d'euros (- 3,8 %), principalement du fait de la diminution du nombre des crédirentiers bénéficiant des dispositifs dont les crédits sont transférés.

L'INI voit ses AE légèrement augmenter, passant de 13,7 millions d'euros à 14,4 millions d'euros en 2024, du fait d'une augmentation de sa subvention pour charges de service public. Les crédits de paiement augmentent de manière plus nette, passant de 20,4 à 23,6 millions d'euros en 2024. Cette hausse est liée à l'état d'avancement des travaux de réfection des locaux de l'INI.

En effet, les crédits de l'INI ont pu fluctuer de manière assez forte au cours des dernières années du fait de l'engagement d'un schéma directeur d'infrastructure en 2021 prévoyant d'importants travaux de réfection.

En parallèle de ces fluctuations liées à des travaux immobiliers, la subvention pour charges de service publique de l'INI augmente d'une année sur l'autre. Elle a ainsi progressé de 720 000 euros pour s'établir à 13,7 millions d'euros entre 2022 et 2023 et son montant est de nouveau en hausse de 745 000 euros entre 2023 et 2024 pour atteindre 14,4 millions d'euros. Ces crédits ne représentent cependant qu'environ un tiers des ressources de fonctionnement courant de l'INI.

En plus des crédits du programme 169, l'INI reçoit une dotation annuelle de fonctionnement de 14,4 millions d'euros allouée par le ministère de la santé et de la prévention et génère un peu plus de 10 millions d'euros de recettes propres, portant ainsi le montant des crédits disponibles pour son fonctionnement courant à environ 40 millions d'euros. Son budget initial 2023 s'élevait, hors dépenses d'investissement, à 40,4 millions d'euros en AE et 40,3 millions d'euros en CP.

Les crédits fléchés pour financer le Conseil national des communes « Compagnon de la Libération » sont identiques à ceux de 2023 à 1,74 million d'euros.

(2) Une stabilisation des plafonds d'emplois en 2024, après une période de baisse importante

Les opérateurs du programme ont connu de fortes baisses d'ETPT au cours des dernières années. Une diminution de 127 ETPT est constatée en exécution de 2019 à 2022.

A contrario, Les années 2023 et 2024 marquent une stabilisation du plafond d'emplois autorisés. Celle-ci est notamment due à un rebond du nombre d'ETPT de l'ONaCVG pour faire face à la nécessité de traiter les dossier d'indemnisation au titre de la loi n° 2022 229 du 23 février 2022 portant reconnaissance de la Nation envers les harkis et les autres personnes rapatriées.

Il faut également signaler que les autorisations d'emplois sont systématiquement sous-exécutées sur la période 2019- 2022.

Évolution des emplois ouverts aux deux principaux opérateurs du programme
en loi de finances (2019- 2024)

 

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

INI

432

418

421

420

419

419

dont sous plafond

424

418

412

411

410

410

ONAC-VG

895

845

827

804

802

805

dont sous plafond

878

845

801

778

775

779

Total

1 327

1 263

1 248

1 224

1 221

1 224

dont sous plafond

1 302

1 263

1 213

1 189

1 185

1 189

Source : la commission des finances, d'après les documents budgétaires

Évolution des emplois exécutés des deux principaux opérateurs du programme
(2019- 2022)

 

2019

2020

2021

2022

INI

416

407

399

395

ONAC-VG

877

836

798

771

Total

1 293

1 243

1 197

1 166

*correspond à une programmation budgétaire à hauteur de l'autorisation et non à une valeur constatée ou réévaluée.

Source : la commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires budgétaires

b) L'ONaCVG, un acteur incontournable pour la mise en oeuvre des crédits de la mission en cours de restructuration
(1) L'ONaCVG, un acteur essentiel dans la mise en oeuvre des actions de la mission « Anciens combattants »

L'ONaCVG est un établissement public sous tutelle du ministère des armées. Il a pour mission de servir au mieux les intérêts de ses ressortissants. Ces derniers recouvrent des situations très différentes, pouvant appartenir à 19 catégories différentes. Il s'agit pour l'essentiel d'anciens combattants, de prisonniers de guerre, de victimes civiles et de leurs ayants cause. Aux catégories historiques doivent malheureusement désormais s'ajouter les victimes de terrorisme.

L'ONaCVG dispose d'une gouvernance collégiale particulière puisqu'il est géré conjointement par l'autorité de tutelle, représentée notamment par la secrétaire d'État chargée de la mémoire et des anciens combattants qui dirige le conseil d'administration, et par les associations d'anciens combattants et mémorielles, de manière paritaire. Cette forme de gouvernance donne ainsi directement voix aux ressortissants de l'ONACVG pour les décisions qui les concernent. La directrice générale de l'office dirige, jusqu'au 1er janvier 2023, le collège du Bleuet de France et l'ONACVG dispose de conseils départementaux, présidés par le préfet du département et dans lesquels sont représentées les associations d'anciens combattants, chargées d'émettre un avis sur les demandes qui leur sont adressées.

L'office dispose enfin d'un maillage territorial important puisqu'avec 104 services déconcentrés, il est présent dans chaque département, en outre-mer, en Algérie et au Maroc. Le service de Tunisie a été fermé en 2020. Ce maillage se justifie par la mission d'accueil par l'ONaCVG de ses ressortissants ainsi que par la nécessité de maintenir des liens forts avec les associations d'anciens combattants locales, ce tissu associatif comprenant près de 8 000 associations, dont 7 500 locales.

La réalisation d'un nombre assez important de missions, parfois assez disparates, est confiée à l'office. Il est ainsi responsable :

- de la mise en oeuvre des mécanismes de reconnaissance et de réparation en faveur de ses ressortissants (attribution de la carte du combattant, réversion de l'allocation de reconnaissance du combattant et de la PMI, attribution de titres tels que « Mort pour la France », etc...) ;

- du soutien au monde combattant, notamment en apportant un soutien moral et matériel à ses ressortissants et en subventionnant ses associations ;

- de la reconnaissance des pupilles de la Nation et de la République et de leur suivi ;

- de l'exercice de missions de mémoire : entretien des sépultures militaires (carrés militaires, cimetières, nécropoles et monuments aux morts) et hauts lieux de la mémoire nationale ainsi que la mise en oeuvre locale du versant commémoratif de la politique de mémoire ;

- de la mise en oeuvre des droits des rapatriés et des membres des forces supplétives d'Afrique, ainsi que leurs descendants. L'ONACVG est le guichet unique pour toutes les actions publiques les concernant ;

- l'Office participe au conseil d'administration du Bleuet de France depuis le 1er janvier 2023, date marquant la création du fonds de dotation du même nom. Avant le 1er janvier 2023, l'Office gérait directement l'oeuvre nationale du Bleuet de France. ;

- il se voit transférer les crédits du programme 158 pour la mise en oeuvre effective des indemnisations ;

- depuis juillet 2023, l'Office s'est vu confier le pilotage du dispositif ATHOS d'accompagnement des traumatisés psychiques après leur départ de l'institution militaire, qui était précédemment à la charge de l'armée de terre.

De manière générale, l'ONaCVG est également un acteur de référence pour le volet mémoire de toute action de lien entre la Nation et ses armées. Il est ainsi amené à intervenir lors de la JDC ou du SNU, dans des concours scolaires comme le concours national de la résistance et de la déportation, ainsi que dans d'autres actions plus ponctuelles comme l'action « Aux sports jeunes citoyens ! ».

Enfin, l'ONaCVG est en phase de restructuration dans le cadre de son COP 2020- 2025. Ce dernier, sans changer fondamentalement les missions de l'ONACVG, vise à obtenir une meilleure exécution de ses missions tout en réduisant les coûts via un recours accru à la dématérialisation.

(2) Des crédits en augmentation mais qui devraient couvrir les dépenses de l'ONaCVG en 2024

L'ONaCVG est dans une trajectoire de réduction de ses coûts. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) 2020- 2025 prévoyait ainsi une trajectoire de réduction des dépenses en AE de l'ONACVG, qui devaient passer de 123,4 millions d'euros en 2021 à 113,1 millions d'euros en 2025, dépenses d'intervention incluses.

Il faut relever qu'à ce stade, les prévisions budgétaires du COP sont dépassées.

Les crédits transférés à l'Office au titre du programme 169 sont en augmentation en 2024, augmentant de 137 millions d'euros à 151,2 millions d'euros (AE=CP). Cette augmentation est liée au renforcement des moyens de la politique d'indemnisation des rapatriés et d'entretien du patrimoine mémoriel militaire de l'État. Elle n'est donc pas liée à des choix gestionnaires de l'Office.

Même la subvention pour charges de service public, dont il était prévu que le montant reste stable à 55 millions d'euros à partir de 2021, a augmenté du fait de l'attribution de la mission ATHOS à l'office, de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique et d'une augmentation de ses effectifs rendue nécessaire par le traitement des dossier d'indemnisation des rapatriés.

Le fonds de roulement de l'ONaCVG a été fortement mis à contribution entre 2018 et 2021, comme l'indique le tableau ci-dessous. L'exécution de l'année 2022 avait fini par être très largement excédentaire du fait d'un report de 25,14 millions d'euros de paiement de 2022 à 2023. Cependant, le budget rectifié pour 2023 prévoit une insuffisance d'autofinancement de 41,3 millions d'euros, entrainant une réduction du fonds de roulement de l'Office de 47,26 millions d'euros à 4,58 millions d'euros.

En parallèle, la trésorerie non-fléchée de l'Office est passée de 11 millions d'euros en 2022 à 5,23 millions d'euros sur le budget rectifié de 2023. Le rapporteur spécial rappelle que 5 millions d'euros correspondent à 1 mois de fonctionnement courant et constituent le niveau plancher nécessaire en cas de retard de versement de la subvention pour charges de service public. Il appelle à ce que ce seuil ne soit pas franchi.

Si le taux de couverture des coûts par la SCSP de l'ONaCVG en 2023 a été revu à 82,6 % en cours d'exécution, il est prévu que le taux de couverture pour 2024 soit de 97,4 %, ce que le rapporteur spécial salue.

Évolution du fonds de roulement de l'ONaCVG (2017- 2023)

Évolution du fonds de roulement de l'ONaCVG (en M€)

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Budget (BR2)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

35,27

41,26

36,30

18,31

22,12

47,26

4,58

Source : ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire

Évolution de la trésorerie non fléchée de l'ONaCVG (en M€)

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Exécuté

Budget (BR2)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

16,88

19,41

7,95

7,39

10,98

5,23

Source : ministère des armées, en réponse au questionnaire budgétaire

(3) Une restructuration visant à réduire les coûts de fonctionnement de l'ONaCVG par une réduction des effectifs et un plus grand recours au numérique

Comme indiqué, le COP 2020- 2025 vise à entraîner une restructuration de l'ONAC-VG. Ce dernier lui attribue ainsi 5 missions :

- assurer le meilleur service aux ressortissants ;

- ancrer la politique de mémoire et de citoyenneté dans les territoires ;

- renforcer l'accompagnement des combattants dans la durée ;

- porter une nouvelle ambition pour le Bleuet de France ;

- poursuivre la modernisation de l'Office.

Le point saillant de ces attributions est la poursuite de la modernisation de l'Office, qui porte des conséquences directes sur les quatre points précédents.

Dans le cadre de sa « nouvelle ambition », l'oeuvre nationale du Bleuet de France a été transformée au 1er janvier 2023 en fonds de dotation afin de se mettre en régularité avec les règles de gestion publique suite à des critiques adressées par la Cour des comptes20(*). L'ONaCVG siège à son conseil d'administration en tant que membre fondateur.

L'oeuvre a également fait l'objet d'une dématérialisation partielle par la mise en place d'une boutique en ligne et d'une concession de licence de marque à la société Arborescence afin de le rendre plus rentable. Arborescence reverse une partie de son chiffre d'affaires issu de cette concession de marque à l'ONaCVG. Les conséquences budgétaires de cette concession sont actuellement minimes : Les revenus constatés pour l'Office s'élèvent à 60 630 euros entre le 27 juillet 2020 et le 31 décembre 2021.

La modernisation de l'office doit ensuite permettre de concilier meilleur service et moindres coûts, notamment grâce à un plus grand recours à la numérisation qui permet de centraliser le traitement des demandes de cartes dans les services du département de reconnaissance et de réparation de Caen et le déploiement de nouveaux outils de gestion. La plus grande partie du déploiement du matériel et des nouvelles solutions informatiques a désormais été réalisée. En conséquence, la grande majorité des dossiers traités par l'Office le sont par le Département de la reconnaissance et de la réparation, situé à Caen.

Des gains d'efficacité significatifs ont été réalisés grâce à la dématérialisation : le délai moyen de traitement des dossiers qui s'inscrivait à 145 jours en 2020 est descendu à 91 jours en 2021, soit 54 jours de moins en moyenne et 44 jours de moins que la cible du PAP de 135 jours.

L'exécution de 2022 se situe en légère hausse par rapport à celle de 2021 avec un délai de 101 jours en moyenne, mais reste très inférieure à celle de 2020. La cible est fixée à 120 jours en 2024 mais elle paraît peu adaptée au regard des gains d'efficacité constatés en 2021. Le rapporteur salue vivement ces résultats.

Suite à la réduction des effectifs de l'ONACVG, quelque 400 ETPT restent répartis sur les 104 antennes locales de l'office. L'ONaCVG estime ces effectifs suffisants pour la mise en oeuvre de ses missions. Cependant, il souligne quelques difficultés ponctuelles à reclasser certains agents dont le poste est supprimé et qui doivent continuer à être payés par l'ONaCVG. Cette réduction aura également eu pour conséquence la relocalisation des antennes de l'ONaCVG dans des locaux d'autres administrations, notamment des préfectures. Elle a également pour conséquence un nombre très réduit d'agents dans chaque antenne locale, ce qui peut provoquer des difficultés en cas d'absences. Le niveau actuel des emplois réparti sur le réseau territorial de l'ONaCVG ne pourra pas faire l'objet de nouvelles réductions sans suppression d'antenne ou dégradation significative du service.

c) L'Institution Nationale des Invalides, un acteur unique et irremplaçable pour la prise en charge des invalides de guerre

L'Institution Nationale des Invalides est un établissement public administratif placé sous la tutelle de la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Elle est chargée de trois missions :

accueillir les invalides bénéficiaires des dispositions du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- dispenser des soins en hospitalisation ou en consultation aux malades et aux blessés en vue de leur réadaptation fonctionnelle, professionnelle et sociale ;

participer aux études et à la recherche sur l'appareillage des handicapés.

Plusieurs remarques doivent être formulées sur les crédits affectés à l'INI.

Les ressources de l'INI proviennent de différentes sources :

- une dizaine de millions d'euros de revenus propres par ans ;

- une dotation annuelle de fonctionnement (DAF) de 14,4 millions d'euros allouée par le ministère de la santé et de la prévention pour financer la part des dépenses prises en charge par le régime d'assurance maladie ;

- de crédits transférés issus du programme 169, ces derniers s'élevant à 14,4 millions d'euros en AE et 23,6 millions d'euros en CP en 2024.

Les crédits transférés au titre du programme 169 recouvrent deux aspects : la subvention pour charges de service public (SCSP) et des financements pour la mise en oeuvre de la rénovation immobilière de l'institution.

La SCSP connait une légère augmentation de 730 000 euros en 2024 pour prendre en compte l'augmentation du coût de l'électricité et de l'alimentation. Au total, les ressources non spécifiquement dédiées au financement du schéma directeur d'infrastructure s'élèvent donc à 40,3 millions d'euros pour 2023. Le montant pour 2024 n'a pas été fourni par le ministère.

À ces ressources s'ajoutent, en 2024, 9,2 millions d'euros de crédits de paiement21(*) de subvention pour charges d'investissement, en provenance du programme 169.

Un nouveau COP 2022-2026 a été mis en place par l'INI. Ce dernier défini deux grands axes :

- la création d'une offre de soin en continuation et en complémentarité du service de santé des armées et prenant notamment en compte les blessures psychiques, qui n'étaient pas prises en compte jusqu'à présent ;

- la mise en oeuvre de son schéma directeur d'infrastructure (SDI) prévoyant une rénovation d'une grande partie des bâtiments que comportent les invalides, auquel doit s'ajouter la réhabilitation du bâtiment Robert de Cotte.

Le coût total du SDI est actuellement évalué à 62,16 millions d'euros, l'évaluation initiale étant de 51 millions d'euros. 12,7 millions d'euros sont financés sur des ressources propres de l'INI. Actuellement 33,7 millions d'euros ont été versés en CP sous forme de dotations en fonds propres sur la période 2019- 202322(*) auxquels doivent s'ajouter 9,2 millions d'euros de subventions pour charges d'investissement en 2024. À cela doit s'ajouter le coût de la réhabilitation du bâtiment Robert de Cotte, prévue à compter de l'année 2025. Cette opération est actuellement estimée à 15 millions d'euros23(*), dont le financement reste à définir.

L'INI avait été également très touchée par la crise sanitaire, du fait du caractère particulièrement vulnérable de ses pensionnaires, entrainant une perte d'activité pour l'institution. La politique vaccinale a permis de normaliser le fonctionnement de l'Institution et l'année 2023 a représenté un retour à la situation nominale pré-pandémie. L'activité de l'Institution continuera cependant d'être limitée au cours des années à venir du fait de la mise en oeuvre du schéma directeur d'infrastructure, qui rend indisponibles certains lits.

Le fonds de roulement de l'INI s'élève à 41,3 millions d'euros au terme de l'exécution 2022. Sa trésorerie non fléchée s'établie à 9,5 millions d'euros en fin d'exécution 2022.

L'INI est également en cours de réduction de ses effectifs. L'INI disposait ainsi de 416 ETPT dont 409 sous plafond en 201924(*) contre 395 ETPT dont 387 sous plafond en 2022. Ces valeurs, constatées en exécution, sont par ailleurs systématiquement inférieures aux autorisations budgétaires, qui s'élèvent pour 2024 à 419 ETPT dont 410 sous plafond. 5 des 9 emplois hors plafonds concernent des apprentis.

Le rapporteur spécial tient à souligner la particularité des missions de l'INI, qui doit ainsi aider à la reconstruction de pensionnaires, lesquels doivent être très entourés. Aussi le taux d'encadrement de l'INI, qui est certes supérieur à celui d'établissements comparables, n'apparaît pas disproportionné au regard de la mission dont l'institution a la charge.


* 3 Décret n° 2023-534 du 29 juin 2023 modifiant diverses dispositions intéressant la défense nationale.

* 4 Avant le décret n° 2022-128 du 4 février 2022 modifiant les modalités de fixation de la valeur du point PMI, il était calculé selon le principe du « rapport constant », soit une révision trimestrielle et avec effet rétroactif.

* 5 Et dont le décret, daté du 28 juin, a été publié le 29 juin.

* 6 L'article 2 du PLF 2022 retenait une hypothèse de 1,4 % d'inflation sur 2021.

* 7Actions 2 et 3 du programme 169.

* 8 Décret n° 2023-890 du 21 septembre 2023 relatif à l'extension du périmètre d'application du mécanisme de réparation confié à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil et de droit local et les membres de leurs familles et aux modalités d'organisation de cette instance.

* 9 Les allocations envers les conjoints survivants étaient forcloses au 31 décembre 2016 s'agissant des veuves dont l'époux était décédé avant le 1er janvier 2016 ou un an après le décès de l'époux s'il était décédé après le 1er janvier 2016.

* 10 Arrêté du 21 décembre 2021 fixant à compter du 1er janvier 2022 le montant de l'allocation de reconnaissance définie par l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

* 11 Date limite pour le dépôt des dossiers.

* 12 Décret n° 2023-890 du 21 septembre 2023 relatif à l'extension du périmètre d'application du mécanisme de réparation confié à la commission nationale indépendante de reconnaissance et de réparation des préjudices subis par les harkis, les autres personnes rapatriées d'Algérie anciennement de statut civil et de droit local et les membres de leurs familles et aux modalités d'organisation de cette instance.

* 13 Coût pour l'année 2023.

* 14 Pensions comprises.

* 15 200 volontaires experts en 2022.

* 16 Il a même au contraire réduit le taux d'augmentation puisque le montant de la subvention s'est ajouté à la fois au nominateur et au dénominateur.

* 17 Le périmètre de l'action 09 « mémoire » en 2022 et 2023 correspondant au périmètre de la sous-action 09.01 « Mémoire & patrimoine mémoriel » du PLF 2024.

* 18 Sur le périmètre global de la version PLF 2024 de l'action 09. Au regard du périmètre de la seule sous-action 09.01, l'augmentation est de 94,5 %.

* 19 Documentation budgétaire, PAP 2023 mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

* 20 Cour des comptes, rapport RD52435 du 9 juillet 2008.

* 21 Et 0 euros en AE.

* 22 Somme des valeurs réalisées en 2019, 2020, 2021 et 2022 et des crédits prévus en LFI pour 2023.

* 23 19,4 millions d'euros en prenant en compte la phase d'étude. Cette dernière a cependant déjà été financée et réalisée.

* 24 RAP Anciens combattants, 2019.

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