CHAPITRE II
RENFORCER LE CONTINUUM DE SÉCURITÉ POUR UNE MEILLEURE SÉCURISATION DE NOS TRANSPORTS

Article 6
Libre accès des agents de la police municipale aux espaces et aux véhicules de transport

L'article 6 tend à permettre le libre accès des agents de la police municipale aux espaces et aux véhicules de transport en commun.

Si la commission des lois ne peut que partager l'objectif de renforcer les coopérations entre les différents acteurs du continuum de sécurité, elle s'est attachée à réaffirmer l'autorité du maire sur la police municipale. Les exploitants des services de transport conserveraient la faculté de conclure avec les communes, leurs groupements, et les autorités organisatrices de la mobilité des conventions déterminant les conditions dans lesquelles les agents de la police municipale ou les gardes champêtres peuvent accéder librement à de tels espaces et véhicules.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

1. Le droit existant : la police municipale, sous l'autorité du maire, dispose déjà de la faculté de mener des missions dans les transports

L'article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure dispose expressément que les agents de la police municipale exercent, dans la limite de ses attributions et sous son autorité, les tâches relevant de la compétence du maire que celui-ci leur confie en matière de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité, de la sécurité et de la salubrité publique.

Il dispose également que le maire peut affecter ces agents à des missions de maintien du bon ordre au sein des transports publics de voyageurs, auxquels cas ceux-ci ont compétence pour constater par procès-verbaux les infractions à la police du transport21(*) sur le territoire de la commune. Cette affectation peut s'étendre au territoire des communes formant un ensemble d'un seul tenant, sans pouvoir excéder le ressort du tribunal auprès duquel ils ont prêté serment, sous réserve de la conclusion et dans le respect d'une convention locale de sûreté des transports collectifs22(*).

Le régime applicable aux agents de la police et de la gendarmerie nationales, fixé par l'article L. 2241-1-1 du code des transports, est différent puisque, dans l'exercice de leurs missions de sécurisation des personnes et des biens dans les transports en commun de voyageurs par voie ferrée ou guidée, ces derniers accèdent librement aux trains en circulation. Il en va de même des agents des douanes.

2. Le dispositif proposé : un libre accès de droit aux espaces et véhicules de transport pour les agents de la police municipale

Le 1° du présent article tend à modifier l'article L. 2241-1-1 précité du code des transports pour prévoir que les agents de la police municipale, à l'instar des agents de la police et de la gendarmerie nationales, puissent accéder librement aux espaces de transport et aux trains en circulation. L'accord préalable du maire ne serait pas expressément requis.

Le 2°, à des fins de coordination, vise à étendre cette mesure aux véhicules et stations de transport routier.

3. La position de la commission : la nécessité de réaffirmer l'autorité du maire sur la police municipale

La commission des lois a considéré qu'il n'était pas opportun de remettre en cause l'autorité du maire sur la définition et le champ des missions confiées aux agents de la police municipale. En l'état, le dispositif proposé semble ainsi entrer en contradiction avec les dispositions du code de la sécurité intérieure qui consacrent cette autorité.

Pour cette raison, elle a adopté l'amendement COM-15 de sa rapporteure remplaçant le dispositif proposé par la mention d'une simple faculté pour les exploitants des services de transport public de conclure avec une ou plusieurs communes ou établissements publics de coopération intercommunale ainsi qu'avec l'autorité organisatrice des mobilités une convention déterminant les conditions dans lesquelles les agents de la police municipale, mais également les gardes champêtres, peuvent accéder librement aux espaces de transport et aux trains en circulation sur leur territoire.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

Article 7
Affectation des agents en charge de la sûreté des autorités organisatrices de la mobilité au sein de salles d'information et de commandement relevant de l'État

L'article 7 vise à autoriser les agents des autorités organisatrices de la mobilité et, singulièrement, d'Île-de-France Mobilités en charge de la sûreté à accéder au centre de coordination opérationnel de la sécurité (CCOS). En l'état, seuls les agents des services de sûreté de la SNCF et de la RATP peuvent y accéder.

Une telle initiative paraît bienvenue dans la perspective de l'ouverture à la concurrence des lignes de bus franciliennes à compter d'une date comprise entre le 31 décembre 2024 et le 31 décembre 2026, qui serait susceptible d'entraîner une perte de compétence du service de sûreté de la RATP.

Les agents d'Île-de-France Mobilités pourraient jouer un rôle utile pour faciliter la coordination entre l'action des services internes de sécurité des potentiels nouveaux exploitants et celle des forces de sécurité intérieure.

La commission des lois a donc adopté cet article modifié par un amendement visant à préciser de façon expresse, la finalité de l'accès de ces agents.

1. Le droit existant : un accès des services de sûreté de la SNCF et de la RATP au centre de coordination opérationnel de sécurité

L'article 44 de la loi dite « sécurité globale » du 25 mai 202123(*), dont les dispositions sont codifiées à l'article L. 2251-4-2 du code des transports, a permis l'affectation d'agents de la Sûreté ferroviaire (dite « Suge ») de la SNCF et du Groupe de protection et de sécurité des réseaux (GPSR) de la RATP au sein de salles d'information et de commandement relevant de l'État.

En l'espèce, une seule salle d'information et de commandement de cette nature a été mise en place : le centre de coordination opérationnel de sécurité (CCOS), en région Île-de-France. Il est placé sous l'autorité du préfet de police.

L'affectation des agents de la Suge et du GPSR est toutefois strictement encadrée :

- elle s'effectue dans le cadre de leurs missions de prévention des atteintes à l'ordre public et de protection de la sécurité des personnes et des biens ;

- elle s'effectue sous l'autorité et en présence des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale ;

- elle permet le visionnage des images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel dans ces salles depuis les seuls véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs ou, depuis la loi dite « JOP », depuis leurs abords immédiats24(*) ;

- ces visionnages sont autorisés aux seules fins de faciliter la coordination avec ces derniers lors des interventions de leurs services au sein desdits véhicules et emprises.

Le II de l'article L. 2251-4-2 précité précise que, pour être affectés, les agents doivent être individuellement désignés et dûment habilités par le représentant de l'État dans le département. En l'espèce, s'agissant du CCOS, cette compétence relève du préfet de police.

Son III prévoit enfin les garanties réglementaires encadrant le dispositif. Le décret d'application de ces dispositions, pris en Conseil d'État, doit ainsi préciser :

- les conditions d'exercice des agents affectés au sein de la salle de commandement ;

- les exigences de formation et de mise à jour régulière des connaissances en matière de protection des données à caractère personnel auxquelles ces agents doivent satisfaire pour être habilités ;

- les mesures techniques mises en oeuvre pour garantir la sécurité des enregistrements et assurer la traçabilité des accès.

Il est à noter que les agents des autres services internes de sécurité privée dont peuvent se doter les exploitants des services publics de transport25(*) ne peuvent en aucun cas accéder au CCOS.

De même les agents des autorités organisatrices de la mobilité (AOM), y compris ceux exerçant des missions relatives à la sûreté des transports dans le cadre de leur mission de concours aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des personnels et des usagers dans les transports prévue à l'article L. 1631-3 du même code, ne peuvent y être affectés. Il en va de même pour les agents de l'établissement Île-de-France Mobilités (IDFM), autorité organisatrice unique pour l'ensemble du territoire francilien.

2. Le dispositif proposé : autoriser les agents d'Île-de-France Mobilités en charge de la sûreté à accéder au centre de coordination opérationnel de la sécurité

Le présent article tend à modifier l'article L. 1631-3 précité du code des transports pour permettre aux agents des autorités organisatrices exerçant des missions relatives à la sûreté des transports d'être affectés, au même titre que les agents de la Suge et du GPSR au sein de salles d'information et de commandement relevant de l'État.

Sous l'autorité et en présence des agents de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale, ces agents pourraient visionner les images des systèmes de vidéoprotection transmises en temps réel dans ces salles depuis les véhicules et emprises immobilières des transports publics de voyageurs ou leurs abords immédiats. À la différence des dispositions régissant l'accès aux agents de la Suge et du GPSR, le présent article ne précise pas la finalité exacte de ce visionnage.

Le présent article prévoit enfin que cet accès s'effectue dans les conditions fixées aux II et III de l'article L. 2251-4-2, détaillées supra.

2. La position de la commission : un dispositif dont il convient de mieux préciser la finalité

L'initiative de cette mesure s'inscrit dans un contexte précis : celui de l'ouverture à la concurrence prochaine des lignes d'autobus en Île-de-France à compter d'une date comprise entre le 31 décembre 2024 et le 31 décembre 202626(*), soit la fin du monopole de la RATP.

Auditionnés par la rapporteure, les services d'IDFM ont exprimé certaines inquiétudes quant à la sûreté des lignes qui seraient susceptibles de sortir à cette occasion du champ de compétence du GPSR.

Il convient à cet égard de rappeler les enjeux de sûreté sont particulièrement importants dans cette région. Selon le ministère de l'intérieur, ce territoire concentrait 62 % des vols et violences recensés dans les transports à l'échelle nationale en 2023.

L'accès des agents des services internes de sécurité des exploitants susceptibles de succéder à la RATP au CCOS n'étant pas une perspective envisageable, une telle situation justifierait a minima l'accès des agents d'IDFM exerçant des missions relatives à la sûreté pour assurer une coordination entre ces services internes de sécurité et les forces de sécurité intérieure.

Si la rapporteure souscrit à cette analyse, elle relève néanmoins que l'accès au CCOS, qui implique une capacité de visionnage d'une quantité massive de d'image de vidéoprotection, doit nécessairement être assorti de certaines garanties. Saisi de ce point précis, Conseil constitutionnel a relevé, dans sa décision relative à la loi « sécurité globale »27(*) que la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et le droit au respect de la vie privée reposait sur deux éléments principaux :

- premièrement, les missions de prévention dont sont investis les agents de la Suge et du GPSR ;

- deuxièmement, les finalités précises et limitées de l'accès de leurs agents, sous réserve d'avoir été individuellement désignés et dûment habilités par l'autorité préfectorale.

S'agissant du premier point, le dispositif proposé précise bien que l'accès ne concernerait que les agents exerçant des missions relatives à la sûreté au sein des services des AOM. Il appartiendrait au décret d'application de la mesure d'apporter davantage de précision quant aux missions concernées, qui s'inscrivent cependant bien dans les compétences dévolues aux AOM comme à IDFM28(*). L'audition d'IDFM conduite par la rapporteure a mis en évidence, à ce titre, le renforcement en cours des services chargés de la sûreté au sein de cet établissement dans la perspective de l'ouverture à la concurrence des lignes de bus. Leurs effectifs atteindraient 50 ETP d'ici à juin 2024, et seraient portés à 100 ETP d'ici début 2025. Ces services auraient notamment la charge de superviser une nouvelle « brigade de sécurité régionale » appelée à soutenir les services internes de sécurité des opérateurs.

S'agissant en revanche du second point, le dispositif apparait incomplet.

En adoptant l'amendement COM-16 de sa rapporteure, la commission des lois a ainsi entendu définir avec précision la finalité du dispositif. Ainsi, l'amendement vise à :

- prendre acte du fait que le dispositif vise à répondre à la problématique de l'ouverture à la concurrence à brève échéance de certaines lignes de transport en Île-de-France, en visant expressément les agents d'IDFM et en prévoyant une entrée en vigueur reportée à l'échéance de l'exécution en monopole par la RATP des services réguliers de transports routiers ;

- prévoir de façon expresse que l'accès des agents d'IDFM exerçant des missions relatives à la sûreté au CCOS serait autorisé aux seules fins de faciliter la coordination de l'action des services internes de sûreté des exploitants des services de transports relevant de sa compétence avec celle des forces de sécurité intérieure.

Cette action s'inscrirait dans la limite des compétences d'IDFM en matière de sûreté et ne saurait donc impliquer, en particulier, une quelconque autorité sur les agents de la Suge et du GPSR ou une quelconque mission de supervision de leurs actions. La coordination de l'action des différents services internes de sécurité des opérateurs de transport et des forces de sécurité intérieure, que la présence d'agents d'IDFM au sein du CCOS est de nature à faciliter, continuerait de relever du seul préfet de police.

La commission a adopté l'article 7 ainsi modifié.


* 21 Les infractions visées sont celles mentionnées au I de l'article L. 2241-1 du code des transports.

* 22 Article L. 512-1-1 du code de la sécurité intérieure.

* 23 Loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, codifié à l'article L. 2251-4-2 du code des transports.

* 24 Article 13 de la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions.

* 25 Article L. 1631-2 du code des transports.

* 26 Article L. 1241-6 du code des transports dans sa version issue de la loi n° 2023-1270 du 27 décembre 2023 relative à l'ouverture à la concurrence du réseau de bus francilien de la RATP.

* 27 Décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, Loi pour une sécurité globale préservant les libertés.

* 28 Cette compétence mentionnée au 6° du I de l'article L. 1241-2 du code des transports.

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