N° 366

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 février 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local,

Par Mmes Jacqueline EUSTACHE-BRINIO, Françoise GATEL
et M. Éric KERROUCHE,

Sénatrice et Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

263 et 367 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Au 31 janvier 2024, plus de 4 % des maires élus lors du renouvellement général des conseils municipaux de 2020 avaient démissionné depuis le début de leur mandat. Ce chiffre sans précédent témoigne du profond malaise ressenti par les élus locaux, lié à une forte dégradation des conditions d'exercice du mandat local.

Face à l'urgence de la situation et pour éviter une aggravation de cette crise de l'engagement local, la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, déposée le 18 janvier 2024 par les sénateurs Françoise Gatel, Mathieu Darnaud, François-Noël Buffet, Bruno Retailleau, Hervé Marseille et cosignée par 309 sénateurs, dont Patrick Kanner, François Patriat, Cécile Cukierman, Claude Malhuret et Maryse Carrère vise à instaurer, enfin, un véritable statut de l'élu local.

Reprenant les recommandations formulées au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation par Nadine Bellurot, François Bonhomme, Agnès Canayer, Thierry Cozic, Gérard Lahellec, Pascal Martin, Guylène Pantel, Éric Kerrouche et Françoise Gatel, la proposition de loi tend à :

- améliorer le régime indemnitaire des élus locaux pour reconnaître leur engagement à sa juste valeur ;

- améliorer les conditions d'exercice du mandat pour faciliter leur engagement ;

- sécuriser la sortie de mandat des élus locaux.

Saluant le caractère ambitieux du texte et souscrivant aux mesures proposées, la commission des lois a adopté la proposition de loi le mercredi 28 février 2024, en la modifiant par 39 amendements, essentiellement à l'initiative de ses rapporteurs, visant à enrichir le texte et à sécuriser juridiquement les dispositifs prévus.

I. UNE CRISE DE L'ENGAGEMENT LOCAL LIÉE À LA DÉGRADATION DES CONDITIONS D'EXERCICE DES MANDATS QUI APPELLE UNE RÉPONSE FORTE DE LA PART DU LÉGISLATEUR

A. LA DÉGRADATION DES CONDITIONS D'EXERCICE DES MANDATS LOCAUX RISQUE D'ENTRAÎNER UNE CRISE GÉNÉRALISÉE DES VOCATIONS

Les nombreux travaux réalisés par le Sénat ont mis en lumière le sentiment de lassitude aujourd'hui ressenti par une grande partie des élus locaux, et notamment par les maires. Comme souligné par le rapport de la mission d'information du Sénat sur l'avenir de la commune et du maire1(*), publié le 5 juillet 2023, « peu à peu, sous l'effet de la dégradation des conditions d'exercice du mandat municipal, l'écart se creuse entre les aspirations des élus municipaux et la réalité de leur mandat ».

Les conditions d'exercice des mandats locaux se sont en effet fortement dégradées dans la période récente comme le montrent :

la considérable augmentation des violences faites aux élus locaux, illustrée notamment par l'incendie volontaire du domicile de Yannick Morez, maire de Saint-Brevin-les-Pins en mars 2023 ;

- le décalage croissant entre les exigences et les modalités d'exercice du mandat, qui ont évolué dans le sens d'une professionnalisation croissante, et les droits reconnus aux élus, qui n'ont pas progressé au même rythme ;

le désengagement de l'État dans les territoires, qui ne joue plus son rôle d'accompagnateur et de soutien auprès des élus locaux, les laissant isolés face à un carcan normatif de plus en plus complexe.

Cette situation fait craindre l'avènement d'une véritable crise de la démocratie locale en 2026. Face à cette inexorable dégradation des conditions d'exercice du mandat et à l'absence de réponse de la part du Gouvernement, nombreux sont les élus locaux à songer à renoncer à l'exercice de ces fonctions, voire à démissionner. Au 31 janvier 2024, depuis le renouvellement général des conseils municipaux en 2020, 1 424 maires avaient ainsi démissionné, soit plus de 4 % des maires.


* 1 Rapport d'information n° 851 (2022-2023) de Mathieu Darnaud au nom de la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire présidée par Maryse Carrère, « Avis de tempête sur la démocratie locale : soignons le mal des maires », 5 juillet 2023.

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