N° 381

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 mars 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune (procédure accélérée),

Par M. Jean-Marie MIZZON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

255 et 382 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Réunie le 6 mars 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, la commission des finances a examiné le rapport de M. Jean-Marie Mizzon sur le projet de loi n° 255 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. Le Sénat est la première assemblée saisie de ce projet de loi.

I. LA CONVENTION FISCALE ENTRE LA FRANCE ET LE LUXEMBOURG

À titre liminaire, il importe de préciser que la convention entre la France et le Luxembourg ne prévoyant pas de régime frontalier, les contribuables concernées relèvent de la catégorie des transfrontaliers. En effet, le statut de frontalier attribué à un contribuable est défini par voie conventionnelle entre deux États. Le droit fiscal international opère cette distinction entre les travailleurs frontaliers, d'une part, et les travailleurs transfrontaliers, d'autre part, qui se retrouve dans les conventions fiscales conclues par la France et dans la doctrine fiscale française.

A. LA CONVENTION BILATÉRALE DU 20 MARS 2018 A PERMIS DE MODERNISER LES RELATIONS FISCALES FRANCO-LUXEMBOURGEOISES

Les relations fiscales bilatérales franco-luxembourgeoises sont actuellement régies par la convention du 20 mars 2018. Cette nouvelle convention bilatérale est venue remplacer celle du 1er avril 1958, modifiée à quatre reprises, qui liait jusqu'alors les deux États en matière fiscale. La modernisation des relations bilatérales était attendue et nécessaire, pour tenir compte notamment des dernières avancées de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Cette convention intègre les derniers standards du modèle OCDE, notamment une clause modernisée de l'établissement stable, une définition modernisée de la résidence fiscale et une clause anti-abus générale.

Toutefois, en raison de contestations émises par les travailleurs transfrontaliers, un avenant en date du 10 octobre 2019 a précisé la rédaction de la convention de 2018 sur la méthode d'élimination des doubles impositions. La rédaction initiale de la convention laissait ouverte la possibilité pour la France d'imposer le différentiel entre l'impôt effectivement acquitté au Luxembourg et le montant théoriquement dû en France après l'application des règles d'imposition françaises. Sans constituer une double imposition, cette possibilité aurait conduit les travailleurs transfrontaliers à être imposés dans un second temps sur cette différence par l'administration fiscale en France.

B. LE PROTOCOLE ANNEXÉ À LA CONVENTION PRÉVOIT UN FORFAIT DE TÉLÉTRAVAIL PERMETTANT UNE IMPOSITION DANS L'ÉTAT D'EXERCICE DE L'ACTIVITÉ

Lors de la négociation de la convention de 2018, le Luxembourg a obtenu l'insertion dans le protocole annexe d'une clause relative au régime d'imposition des télétravailleurs.

Le paragraphe 3 du protocole annexé à la convention prévoit que, lorsqu'ils télétravaillent moins de 29 jours par an dans leur État de résidence, les transfrontaliers continueront d'être imposés dans l'État d'exercice de leur activité. Lorsqu'ils dépassent ce seuil conventionnel, les travailleurs transfrontaliers sont imposés dans leur État de résidence.

Cette clause est exclusivement de nature fiscale et ne limite en rien le télétravail des transfrontaliers à 29 jours. Toutefois, au-delà de ce seuil, le partage d'imposition qui découle de ce dépassement entraîne un double prélèvement à la source assis sur deux assiettes distinctes, l'un pour l'impôt dû au Luxembourg et l'autre pour l'impôt dû en France.

Afin de préciser l'application du paragraphe 3 du protocole annexé à la convention, les gouvernements français et luxembourgeois se sont accordés sur ses modalités de mise en oeuvre par le biais d'un accord amiable en date du 16 juillet 2020.

Cet accord précise le mode de décompte des 29 jours de télétravail. Il indique les principes d'imposition de la rémunération en cas de dépassement de la limite des 29 jours et stipule que, pour bénéficier du dispositif prévu au paragraphe 3 du protocole, il appartient au contribuable résident d'un État contractant d'apporter les éléments de preuve permettant d'attester de sa présence physique sur le territoire de l'autre État contractant.

À la connaissance du rapporteur, le respect de la limite des 29 jours ne fait actuellement l'objet d'aucun contrôle spécifique.

Comparaison des conventions bilatérales
conclues avec des États frontaliers de la France

Régime fiscal des travailleurs frontaliers et transfrontaliers

État concerné

Imposition dans l'État d'exercice de l'activité

Andorre, Belgique (depuis 2012), canton de Genève, Luxembourg

Imposition dans l'État de résidence, avec compensation de l'État d'exercice de l'activité

Allemagne, Suisse (hors canton de Genève)

Imposition dans l'État de résidence, sans compensation de l'État d'exercice de l'activité

Italie, Espagne, Monaco

Note : le canton de Genève verse une compensation financière au profit des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie aux fins de dédommager ces derniers des infrastructures et services publics à hauteur de 3,5 % des rémunérations brutes perçues par les salariés concernés.

Source : commission des finances

II. UN AVENANT QUI VIENT ASSOUPLIR LA FACULTÉ POUR LES TRANSFRONTALIERS DE TÉLÉTRAVAILLER

A. L'AVENANT ALLONGE LA DURÉE DU FORFAIT DE TÉLÉTRAVAIL ET ÉTEND SON APPLICATION À CERTAINS CONTRIBUABLES PERCEVANT DES RÉMUNÉRATIONS PUBLIQUES

Dans le contexte de sortie de la crise sanitaire, la France et le Luxembourg se sont accordés sur un relèvement du forfait de télétravail de 29 à 34 jours.

Cet accord politique s'est traduit par la négociation et la signature le 7 novembre 2022 d'un avenant à la convention fiscale du 20 mars 2018.

L'article 1er de l'avenant étend la durée du forfait de télétravail de 29 à 34 jours. Désormais, le seuil de 34 jours conditionne le régime d'imposition des contribuables en télétravail. En-deçà des 34 jours, le contribuable est réputé exercer son activité dans l'État de son employeur et continue d'être imposé dans l'État d'exercice de l'activité. Au-delà des 34 jours de télétravail, le principe d'imposition dans l'État de résidence s'applique dès le premier jour de télétravail.

Le choix du nombre de 34 jours s'inscrit en cohérence avec la politique conventionnelle du Grand-Duché. Ce dernier a récemment renégocié les conventions bilatérales avec la Belgique et l'Allemagne pour élever le seuil de télétravail en-deçà duquel continue à s'appliquer le principe d'imposition dans l'État d'exercice de l'activité à 34 jours. Cette renégociation d'ensemble permet de placer les travailleurs transfrontaliers sur un pied d'égalité, quel que soit leur pays d'origine.

L'article 2 de l'avenant doit permettre aux contribuables résidents d'un État contractant et qui travaillent dans le secteur public de l'autre État contractant, de bénéficier des stipulations relatives au télétravail.

Cette clause a été intégrée dans l'avenant à la demande du Luxembourg afin d'aligner le régime des personnes employées dans le secteur public sur celui applicable dans le secteur privé. Le secteur public luxembourgeois est également largement dépendant de la main-d'oeuvre frontalière.

L'avenant prévoit enfin de compléter le paragraphe 3 du protocole annexé à la convention par une clause de revoyure. Celle-ci stipule que les États parties se rencontreront avant le 31 décembre 2024 pour déterminer les conditions qui s'appliqueront aux résidents concernés par l'avenant à compter du 1er janvier 2025. Elle prévoit l'éventualité de la conclusion d'un nouvel avenant.

B. UN AVENANT QUI OFFRE UNE FLEXIBILITÉ ACCRUE AUX TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS, SANS CONSTITUER UNE RÉPONSE PÉRENNE À LA PROBLÉMATIQUE DU TÉLÉTRAVAIL DES TRANSFRONTALIERS

L'augmentation du forfait de télétravail constitue un équilibre entre la nécessité de faciliter la mobilité transfrontalière et la préservation des intérêts du Trésor.

D'une part, cette mesure de simplification administrative était souhaitée par les transfrontaliers français comme par leurs employeurs luxembourgeois. Pour rappel, au dernier trimestre 2022, près de 224 000 salariés transfrontaliers travaillaient au Luxembourg (soit 47 % du total des salariés du Luxembourg). Au sein du total des transfrontaliers, 121 000 étaient des résidents français, les deux premiers départements de résidence de ces transfrontaliers étant la Moselle et la Meurthe-et-Moselle.

D'autre part, en termes d'impact fiscal, l'entrée en vigueur de l'avenant devrait entraîner un manque à gagner pour le Trésor français. La conclusion de cet avenant revient en effet pour la France à renoncer à son droit d'imposer les activités concernées.

L'avenant du 7 novembre 2022 à la convention franco-luxembourgeoise préserve l'équilibre recherché entre simplification de la situation administrative des travailleurs transfrontaliers et protection des intérêts du Trésor public.

Pour cette raison, le rapporteur recommande l'adoption du présent projet de loi.

Cependant, compte tenu des attentes des travailleurs transfrontaliers, cet avenant apparaît comme une solution provisoire à la problématique du télétravail des transfrontaliers français. C'est pour cette raison que la France a tenu, à l'occasion de la négociation de l'avenant, l'inclusion d'une clause de revoyure afin de laisser ouverte la possibilité d'une nouvelle négociation sur cette question.

À cet égard, encourager davantage le télétravail des travailleurs transfrontaliers pourrait s'accompagner d'une compensation financière versée par le Luxembourg en contrepartie du renoncement par la France à une partie de ses recettes fiscales. Le principe d'une compensation financière viendrait contrebalancer l'imposition exclusive des revenus d'activité dans l'un des deux États, sur le modèle de l'avenant du 27 juin 2023 à la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 2023.

Par ailleurs, l'étude d'impact annexée au présent projet de loi apparait insuffisante. Si l'objet de l'avenant est limité à l'augmentation du seuil de télétravail et à son extension à certains contribuables percevant des rémunérations publiques, certaines données essentielles sont absentes de ce document. Le rapporteur rappelle la nécessité de renforcer la qualité des études d'impact des conventions fiscales.

La commission des finances a adopté le projet de loi sans modification.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA CONVENTION DU 20 MARS 2018 A RÉNOVÉ LES RELATIONS FISCALES ENTRE LA FRANCE ET LE LUXEMBOURG ET PRÉVOIT UN RÉGIME SPÉCIFIQUE D'IMPOSITION DES TÉLÉTRAVAILLEURS

A. LA CONVENTION DU 20 MARS 2018 A PERMIS DE MODERNISER LE CADRE DE LA RELATION FISCALE ENTRE LES DEUX ÉTATS, EN DÉPIT DE DIFFICULTÉS D'APPLICATION

1. La convention fiscale du 20 mars 2018 a renouvelé les relations fiscales entre la France et le Luxembourg

Les relations fiscales bilatérales franco-luxembourgeoises sont actuellement régies par la convention du 20 mars 2018 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune, approuvée par la loi n° 2019-130 du 25 février 2019.

Cette nouvelle convention bilatérale est venue remplacer la convention du 1er avril 1958, modifiée à quatre reprises, qui liait jusqu'alors les deux États en matière fiscale. La modernisation des relations bilatérales était attendue et nécessaire, pour tenir compte notamment des dernières avancées de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en matière d'échange d'informations et de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Elle poursuivait le triple objectif d'éviter les doubles impositions, d'accroître la sécurité juridique des opérateurs des deux pays et de renforcer les moyens de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales.

S'inscrivant dans un contexte fiscal international rénové, la convention de 2018 tient compte des derniers standards définis dans le cadre des travaux BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) conduits à partir de 2013 par l'OCDE, dont la convention multilatérale (CML) est l'aboutissement.

Dans le cadre des négociations, le Luxembourg a fait droit à plusieurs demandes de la France, parmi lesquelles :

- une clause anti-abus générale contre les montages ayant un objectif principalement fiscal (clause dite « Principal Purpose Test ») ;

- une définition de la résidence fiscale conforme à la pratique conventionnelle française visant à éliminer les situations de double exonération ;

- l'introduction d'une définition rénovée de l'établissement stable, conforme aux standards du projet BEPS, permettant de considérer comme étant un établissement stable toute personne qui agit exclusivement ou quasi-exclusivement pour le compte d'une entreprise à laquelle cette personne est étroitement liée sans que des arrangements de pure forme, tels que les schémas de commissionnaire, n'interdisent une telle qualification ;

- des avancées en matière de fiscalité immobilière, notamment la définition des dividendes ou de l'imposition des plus-values portant sur des titres de sociétés à prépondérance immobilière lorsqu'elles sont réalisées par des personnes domiciliées à l'étranger.

En contrepartie, le Luxembourg a obtenu plusieurs concessions. D'une part, la convention prévoit le maintien du principe de l'imposition par le pays source, présent dans la précédente convention, par opposition à l'imposition sur le lieu de résidence généralement privilégié par la France. D'autre part, elle précise que les travailleurs transfrontaliers qui ont recours au télétravail dans leur État de résidence sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre de cette période télétravaillée dans l'État d'exercice de leur activité, dès lors que la période de télétravail est inférieure à 30 jours sur un an.

En outre, les deux parties se sont accordées pour retenir la méthode dite de l'imputation (ou du crédit d'impôt) afin d'éliminer les doubles impositions. Selon la rédaction de la convention antérieure à l'avenant du 10 octobre 2019, l'administration fiscale française octroie au résident un crédit d'impôt égal à l'impôt français pour les revenus dont l'imposition est exclusivement réservée au Luxembourg (a du 1 de l'article 22 de la convention de 2018) et un crédit d'impôt égal à l'impôt payé au Luxembourg, mais limité au montant de l'impôt français, pour les revenus dont l'imposition est partagée entre les deux États (b du 1 de l'article 22 de la convention de 2018).

Les méthodes d'élimination des doubles impositions
selon le modèle de convention fiscale de l'OCDE

Le modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune propose deux méthodes pour éliminer les doubles impositions :

la méthode dite d'exonération ou d'exemption (article 23 A du modèle). Si le résident de l'État A perçoit ou possède des revenus imposables dans l'État B, l'État A exempte d'impôt ces revenus. Il peut toutefois les prendre en compte pour déterminer le montant de l'impôt à percevoir sur le reste des revenus ;

la méthode d'imputation, via une déduction d'impôt (article 23 B du modèle). Si le résident de l'État A perçoit ou possède des revenus imposables dans l'État B, l'État A accorde, sur l'impôt qu'il perçoit du contribuable et calculé sur la base du montant total des revenus, une déduction d'un montant égal à l'impôt sur le revenu payé dans l'État B.

Source : commission des finances

2. En raison de contestations émises par les travailleurs transfrontaliers, un avenant du 10 octobre 2019 a précisé la rédaction de la convention sur la méthode d'élimination des doubles impositions

La rédaction initiale de l'article 22 de la convention du 20 mars 2018 a soulevé des inquiétudes parmi les travailleurs transfrontaliers. En effet, il n'était pas certain que ces derniers puissent bénéficier du crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français pour les revenus seulement imposables au Luxembourg, comme le prévoyait le b du 1 de l'article 22.

La convention laissait ainsi ouverte la possibilité pour la France d'imposer le différentiel entre l'impôt effectivement acquitté au Luxembourg et le montant théoriquement dû en France après l'application des règles d'imposition françaises. Sans constituer une double imposition, cette possibilité aurait conduit les travailleurs transfrontaliers à être imposés dans un second temps sur cette différence par l'administration fiscale en France.

Cette inquiétude s'est trouvée renforcée par l'entrée en vigueur au 1er janvier 2017 d'une réforme de l'impôt sur le revenu luxembourgeois favorable aux ménages percevant des revenus modestes. Cette réforme a accentué le différentiel de fiscalité entre les deux États.

Pour remédier à cette incertitude, la convention du 20 mars 2018 a été modifiée par un avenant du 10 octobre 2019, dont l'approbation a été autorisée par la loi n° 2021-68 du 27 janvier 2021. L'avenant a réécrit le paragraphe 1 de l'article 22 de la convention, relatif à l'élimination des doubles impositions par la France (la partie relative à l'élimination des doubles impositions par le Luxembourg demeurant inchangée), et clarifie les règles d'imposition par catégorie de revenus et de contribuables. Il stipule que les doubles impositions en matière de revenus d'emploi et immobilier sont éliminées par l'octroi d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français (et non plus luxembourgeois) correspondant à ces revenus. Cette rédaction est d'un effet équivalent à la méthode de l'exemption.

L'avenant a ainsi permis de s'assurer que le principe selon lequel les revenus d'emploi ne sont imposés que dans l'État où se déroule cet emploi était bien respecté, tout comme le principe d'imposition des revenus immobiliers par l'État dans lequel se situent ces biens.

Outre cette nouvelle rédaction issue de l'avenant du 10 octobre 2019, l'administration fiscale française admet, depuis le 1er octobre 2021, que les résidents de France percevant certains revenus de source luxembourgeoise peuvent exceptionnellement solliciter, pour l'imposition de leurs revenus 2020 à 2022, l'application des stipulations de la convention fiscale de 1958 relatives à l'élimination de la double imposition. Ils peuvent donc bénéficier de la méthode dite de l'exemption. Initialement limitée aux revenus des années 2020 et 2021, cette mesure de tolérance a été étendue aux revenus de 20221(*).

Selon les réponses au questionnaire du rapporteur, cette mesure de tolérance sera, de nouveau et pour la dernière fois, applicable aux revenus perçus en 2023.

B. LE PROTOCOLE ANNEXÉ À LA CONVENTION DU 20 MARS 2018 PRÉVOIT UN FORFAIT DE TÉLÉTRAVAIL PERMETTANT UNE IMPOSITION DANS L'ÉTAT D'EXERCICE DE L'ACTIVITÉ

La distinction entre travailleur frontalier et travailleur transfrontalier

Le droit fiscal international opère une distinction entre les travailleurs frontaliers, d'une part, et les travailleurs transfrontaliers, d'autre part. Cette distinction se retrouve dans les conventions fiscales conclues par la France et dans la doctrine fiscale française.

Au sens strict, un travailleur frontalier est un contribuable qui relève du statut de frontalier, défini par voie conventionnelle entre deux États. Schématiquement, un travailleur frontalier est un salarié qui a son foyer permanent d'habitation dans la zone frontalière d'un État contractant, exerce son activité professionnelle dans la zone frontalière de l'autre État contractant et retourne normalement chaque jour dans le premier État.

La définition de la zone frontalière varie selon les conventions. Dans le cas de la convention fiscale franco-italienne du 5 octobre 19892(*), la zone frontalière est constituée des régions d'Italie et des départements de France limitrophes de la frontière. La convention fiscale franco-espagnole3(*) précise, quant à elle, que la zone frontalière correspond à une profondeur de 20 kilomètres situés de part et d'autre de la frontière.

La définition d'un statut de frontalier au sein d'une convention fiscale permet aux États parties de déroger aux standards du droit fiscal international. Ce dernier prévoit un principe d'imposition dans l'État d'exercice de l'activité. Le modèle de convention de l'OCDE prévoit, par principe, l'imposition dans l'État d'exercice de l'activité des rémunérations perçues par les salariés résidant dans un État et exerçant leur activité professionnelle dans un autre État (article 15 du modèle).

Les conventions fiscales bilatérales conclues par la France avec l'Allemagne4(*), l'Espagne, l'Italie et la Suisse5(*) (hors canton de Genève6(*)), prévoient un régime frontalier. Ces différents régimes prévoient tous un principe d'imposition dans l'État de résidence des salaires des travailleurs frontaliers, sous réserve de ne pas dépasser un seuil de jours en-dehors de la zone frontalière. Les conventions franco-suisse et franco-allemande prévoient une compensation par l'État de résidence d'une partie des pertes fiscales de l'État d'exercice de l'activité.

Dans le cas de la Belgique, la convention du 10 mars 1964 prévoyait également un régime frontalier. À la demande de la Belgique, il a été supprimé par l'avenant du 12 décembre 2008. Un régime transitoire est néanmoins prévu pour les résidents de France travaillant en Belgique jusqu'en 2030.

Un travailleur transfrontalier est un contribuable résident d'un État qui traverse la frontière pour exercer une activité professionnelle dans un autre État, frontalier de la France. Le travailleur transfrontalier ne bénéficie pas du régime de frontalier. En particulier, en l'absence d'un tel régime, la règle d'imposition des revenus dans l'État d'exercice de l'activité s'applique.

Les travailleurs transfrontaliers peuvent être soit des contribuables qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier du régime frontalier prévu par la convention bilatérale avec l'État d'exercice de leur activité, notamment la condition de résidence dans la zone frontalière, soit des contribuables exerçant leur activité dans un État dont la convention bilatérale avec la France ne prévoit pas de régime frontalier.

L'absence de régime frontalier au sein d'une convention fiscale bilatérale ne fait pas obstacle à ce que les États contractants insèrent dans la convention des dispositions spécifiques relatives au travail transfrontalier.

Source : commission des finances

1. Le paragraphe 3 du protocole annexé à la convention du 20 mars 2018 prévoit un forfait de 29 jours de télétravail au cours duquel s'applique le principe d'imposition dans l'État d'exercice de l'activité

Le paragraphe 1 de l'article 14 de la convention du 20 mars 2018 pose le principe d'imposition exclusive des revenus d'emploi dans l'État d'exercice de l'activité. Cet article couvre les salaires, traitements et autres rémunérations similaires.

Comparaison des conventions bilatérales conclus avec des États frontaliers de la France selon le régime fiscal des frontaliers et des transfrontaliers

Régime fiscal des travailleurs frontaliers et transfrontaliers

État concerné

Imposition dans l'État d'exercice de l'activité

Andorre, Belgique (depuis 2012), canton de Genève, Luxembourg

Imposition dans l'État de résidence, avec compensation de l'État d'exercice de l'activité

Allemagne, Suisse (hors canton de Genève)

Imposition dans l'État de résidence, sans compensation de l'État d'exercice de l'activité

Italie, Espagne, Monaco

Note : le canton de Genève verse une compensation financière au profit des départements de l'Ain et de la Haute-Savoie aux fins de dédommager ces derniers des infrastructures et services publics à hauteur de 3,5 % des rémunérations brutes perçues par les salariés concernés.

Source : commission des finances

Néanmoins, lors de la négociation de la convention de 2018, le Luxembourg a obtenu l'insertion dans le protocole annexe d'une clause relative au régime d'imposition des télétravailleurs.

Le paragraphe 3 du protocole stipule que, pour l'application du paragraphe 1 de l'article 14 : « un résident d'un État contractant qui exerce un emploi dans l'autre État contractant et qui, au cours d'une période imposable, est physiquement présent dans le premier État et/ou dans un État tiers pour y exercer un emploi durant une ou des périodes n'excédant pas au total 29 jours, est considéré comme exerçant effectivement son emploi dans l'autre État durant toute la période imposable ». Cette stipulation permet de considérer l'État de source des revenus comme l'État d'exercice de l'activité.

Cette clause vise les travailleurs transfrontaliers télétravaillant dans leur État de résidence. Elle est exclusivement de nature fiscale. Lorsqu'ils télétravaillent moins de 30 jours par an dans leur État de résidence, les transfrontaliers continueront d'être imposés dans l'État d'exercice de leur activité. Lorsqu'ils dépassent ce seuil conventionnel, les travailleurs transfrontaliers sont imposés dans leur État de résidence.

Trois raisons ont pu justifier l'inclusion d'une telle clause dans la convention franco-luxembourgeoise :

d'abord, en l'absence de régime frontalier entre la France et le Luxembourg, la règle de droit international d'imposition dans l'État d'exercice de l'activité s'applique ;

ensuite, la nature des emplois concernés se prête au télétravail. Environ 53 % des emplois exercés par des transfrontaliers au Luxembourg sont télétravaillables7(*) ;

enfin, le Luxembourg a pu s'appuyer, au cours des négociations, sur l'existence de clauses similaires dans les conventions fiscales bilatérales conclues avec les autres États frontaliers du Grand-Duché. Les conventions fiscales entre le Luxembourg et l'Allemagne et entre le Luxembourg et la Belgique prévoient ainsi des durées maximales respectives de 19 et 24 jours de télétravail au cours desquelles s'applique le principe d'imposition dans l'État d'exercice de l'activité.

2. Les modalités d'application du protocole ont été précisées par un accord amiable entre les autorités compétentes françaises et luxembourgeoises

Afin de préciser l'application du paragraphe 3 du protocole annexé à la convention, les gouvernements français et luxembourgeois se sont accordés sur ses modalités de mise en oeuvre par le biais d'un accord amiable en date du 16 juillet 2020.

En premier lieu, l'accord amiable précise le mode de décompte des 29 jours de télétravail.

D'une part, il prévoit un principe général de prise en considération des « jours où le salarié est physiquement présent dans l'État de sa résidence et/ou dans un État tiers pour y exercer son emploi ». Chaque fraction de journée est comptabilisée comme un jour plein dans le décompte des 29 jours autorisés et les journées de formation y sont également intégrées.

D'autre part, cet accord précise la méthode de décompte dans certaines hypothèses particulières, ainsi :

- en cas d'activité à temps partiel ou d'activité exercée pendant une partie de l'année, le seuil de 29 jours est réduit proportionnellement en fonction du temps de travail prévu au contrat de travail ou de la durée du contrat ;

- en cas d'activité exercée au cours d'une même année dans le cadre de plusieurs contrats de travail distincts, le seuil de 29 jours est apprécié de façon annuelle et globale.

À l'inverse, ne sont pas pris en compte dans le décompte du forfait de 29 jours, les jours pendant lesquels la présence physique du salarié dans son État de résidence ou dans un État tiers n'est pas justifiée par l'exercice de cette activité. Les jours de congé, jours de repos hebdomadaires, jours fériés, jours d'incapacité de travail pour cause de maladie ou cas de force majeure ne sont donc pas comptabilisés.

En deuxième lieu, l'accord amiable indique les principes d'imposition de la rémunération en cas de dépassement de la limite des 29 jours. Dans cette dernière hypothèse, le contribuable perd le bénéfice du paragraphe 3 du protocole de la convention du 20 mars 2018. Conformément au paragraphe 1 de l'article 14 de la convention, l'État de résidence récupère le droit d'imposer la rémunération reçue au titre d'un emploi salarié à compter du premier jour et à hauteur du temps où le salarié a été effectivement présent dans son État de résidence ou dans un État tiers afin d'y exercer cet emploi.

En troisième lieu, l'accord stipule que, pour bénéficier du dispositif prévu au paragraphe 3 du protocole, il appartient au contribuable résident d'un État contractant d'apporter les éléments de preuve permettant d'attester de sa présence physique sur le territoire de l'autre État contractant.

Ces éléments peuvent notamment comprendre un contrat de travail ou une attestation de l'employeur, des feuilles nominatives de pointage des heures de travail, des documents de transport nominatifs, des factures nominatives en rapport avec des frais de séjour, des documents relatifs à des achats ou frais de restauration, des listes de présence émargées à des réunions ou des formations ou des ordres de mission nominatifs.

À la connaissance du rapporteur, le respect de la limite des 29 jours ne fait actuellement l'objet d'aucun contrôle spécifique. Les revenus déclarés par les travailleurs transfrontaliers sont contrôlés par les services fiscaux des territoires concernés comme pour l'ensemble des autres contribuables.

Par ailleurs, du fait de la crise sanitaire, l'accord amiable du 16 juillet 2020 indique que les jours télétravaillés de janvier à juin 2020 ont fait l'objet d'une neutralisation pour le décompte de la période de 29 jours. Cet accord avait été prolongé à deux reprises les 27 août et 7 décembre 2020, jusqu'au 30 juin 2022, compte tenu du caractère de cas de force majeure que constituait la crise sanitaire.

Dans le contexte de la crise sanitaire, la France a conclu des accords similaires avec l'Allemagne8(*), la Belgique9(*), l'Italie et la Suisse10(*). S'agissant de la Belgique et de la Suisse, les accords amiables passées avec la France stipulaient que les jours de travail à domicile en raison des mesures de restriction prises pour lutter contre les effets de la crise sanitaire ne sont pas pris en considération dans le décompte des seuils de télétravail. S'agissant de l'Allemagne, l'accord amiable se borne à rappeler les règles fixées par un précédent accord amiable du 16 février 2006, prévoyant que les jours de télétravail sont réputés effectués dans la zone frontalière. Ces accords prévoient également des mesures de neutralisation en faveur des travailleurs transfrontaliers.

II. UN AVENANT, QUE LE PROJET DE LOI PROPOSE DE RATIFIER, QUI VIENT ASSOUPLIR LA FACULTÉ POUR LES TRANSFRONTALIERS DE TÉLÉTRAVAILLER TOUT EN ENGENDRANT UNE PERTE FISCALE POUR L'ÉTAT FRANÇAIS

A. L'AVENANT DU 7 NOVEMBRE 2022 ALLONGE LA DURÉE DU FORFAIT DE TÉLÉTRAVAIL ET ÉTEND SON APPLICATION À CERTAINS CONTRIBUABLES PERCEVANT DES RÉMUNÉRATIONS PUBLIQUES

1. La négociation d'un nouvel avenant a été motivée par l'expérience de la crise sanitaire

Anticipant la sortie des mesures d'urgence sanitaire et la fin de la mesure de tolérance fiscale sur le télétravail au 30 juin 2022, les autorités françaises et luxembourgeoises, représentées par le secrétaire d'État chargé des affaires européennes Clément Beaune et la ministre luxembourgeoise à la Grande Région Corinne Cahen, se sont accordées lors de la 6e commission intergouvernementale franco-luxembourgeoise pour le renforcement de la coopération transfrontalière, réunie à Esch-Belval le 19 octobre 2021, sur un relèvement du forfait de télétravail de 29 à 34 jours.

Cet accord politique s'est traduit par la négociation et la signature le 7 novembre 2022 d'un avenant à la convention fiscale du 20 mars 2018.

2. Un forfait de télétravail plus conséquent, dans le cadre duquel continue de s'appliquer le principe d'imposition dans l'État d'exercice de l'activité

L'article 1er de l'avenant augmente la durée du forfait de télétravail de 29 à 34 jours. Désormais, le seuil de 34 jours conditionne le régime d'imposition des contribuables en télétravail. En-deçà des 34 jours, le contribuable est réputé exercer son activité dans l'État de son employeur et continue d'être imposé dans l'État d'exercice de l'activité. Au-delà des 34 jours de télétravail, le principe d'imposition dans l'État de résidence s'applique dès le premier jour de télétravail.

Il importe de rappeler que le seuil de 34 jours ne constitue pas un encadrement du télétravail. Il s'agit d'une mesure exclusivement fiscale. Les contribuables sont libres de télétravailler plus de 34 jours par an. La convention détermine en revanche quel État est en mesure de les imposer sur les revenus perçus au titre de ce télétravail.

Cette disposition constitue cependant un frein administratif pour les entreprises qui sont, de facto, réticentes à autoriser leurs employés à dépasser ce seuil. Excéder le forfait revient, en effet, à multiplier les obligations de déclarations pour l'employeur. Le partage d'imposition qui découle du dépassement du seuil de 34 jours entraîne un double prélèvement à la source assis sur deux assiettes distinctes, l'un pour l'impôt dû au Luxembourg et l'autre pour l'impôt dû en France.

S'agissant du choix du nombre de 34 jours, cette demande du Luxembourg s'inscrit en cohérence avec la politique conventionnelle du Grand-Duché. Ce dernier a récemment renégocié les conventions bilatérales avec la Belgique et l'Allemagne pour élever le seuil de télétravail en-deçà duquel continue à s'appliquer le principe d'imposition dans l'État d'exercice de l'activité à 34 jours. Cette renégociation d'ensemble permet de placer les travailleurs transfrontaliers sur un pied d'égalité, quel que soit leur pays d'origine.

3. L'extension du bénéfice de ce forfait aux contribuables percevant des rémunérations publiques

L'article 2 de l'avenant vise à étendre le bénéfice du forfait de télétravail aux contribuables visés au b du 1 de l'article 18.

Pour mémoire, l'article 18 de la convention stipule un principe général d'imposition dans l'État de source des rémunérations de source publique. Par exception, le b du paragraphe 1 de ce même article prévoit une imposition dans l'autre État, sous réserve :

- d'une part, que les services rémunérés soient exercés dans cet État ;

- d'autre part, que le bénéficiaire de ces rémunérations soit un résident de cet État et en possède la nationalité sans posséder en même temps la nationalité du premier État.

L'article 2 de l'avenant doit permettre aux contribuables résidents d'un État contractant et qui rendent des services dans un autre État pour lesquels ils perçoivent des rémunérations publiques, de bénéficier des stipulations relatives au télétravail.

En l'état actuel de la convention, un transfrontalier français qui travaille pour une personne publique luxembourgeoise au Luxembourg relève du a du paragraphe 1 de l'article 18. Il est donc soumis à un principe d'imposition dans l'État de source de ces revenus.

En revanche, ce même transfrontalier, lorsqu'il télétravaille en France pour le compte d'une personne publique luxembourgeoise, bascule dans le champ du b du paragraphe 1 de l'article 18. Tout en percevant des rémunérations de source publique luxembourgeoise, il exerce ses services en France, État dont il est résident et détient la nationalité. Dans cette hypothèse, il est soumis à un principe d'imposition dans l'État d'exercice de l'activité.

L'application de ces stipulations créait actuellement une différence de traitement entre les transfrontaliers selon que leur employeur soit public ou privé.

Pour remédier à cette difficulté, l'article 2 de l'avenant prévoit qu'un résident d'un État contractant qui rend des services à l'autre État contractant et qui, au cours d'une période imposable, rend ces services à l'autre État dans le premier État ou dans un État tiers durant une période d'au maximum 34 jours, est considéré comme rendant effectivement ses services dans l'autre État durant toute la période imposable.

Cette clause a été intégrée dans l'avenant à la demande du Luxembourg afin d'aligner le régime des personnes employées dans le secteur public sur le régime des personnes employées dans le secteur privé. Le secteur public luxembourgeois est également largement dépendant de la main-d'oeuvre frontalière.

4. Une clause de revoyure et la possibilité pour les deux parties de conclure un nouvel avenant

L'article 3 de l'avenant prévoit de compléter le paragraphe 3 du protocole annexé à la convention par une clause de revoyure. Cette clause stipule que les États parties se rencontreront avant le 31 décembre 2024 pour déterminer les conditions qui s'appliqueront aux résidents concernés par l'avenant à compter du 1er janvier 2025. Elle prévoit l'éventualité de la conclusion d'un nouvel avenant.

En complément de cette nouvelle clause, l'article 4 de l'avenant précise que l'avenant demeurera en vigueur jusqu'à la fin de l'année suivant celle de son entrée en vigueur, soit en 2025. L'absence de conclusion d'un nouvel avenant entrainera sa reconduction.

B. UN AVENANT QUI OFFRE UNE FLEXIBILITÉ ACCRUE, SANS CONSTITUER UNE RÉPONSE PÉRENNE À LA PROBLÉMATIQUE DU TÉLÉTRAVAIL DES TRAVAILLEURS TRANSFRONTALIERS

D'un côté, comme indiqué supra, cette mesure de simplification administrative était souhaitée par les transfrontaliers français comme par leurs employeurs luxembourgeois.

Au dernier trimestre 2022, près de 224 000 salariés transfrontaliers travaillaient au Luxembourg (soit 47 % du total des salariés du Luxembourg)11(*). Au sein du total des transfrontaliers, 121 000 étaient des résidents français, les deux premiers départements de résidence de ces transfrontaliers étant la Moselle et la Meurthe-et-Moselle.

De l'autre côté, en termes d'impact fiscal, l'entrée en vigueur de l'avenant devrait nécessairement entraîner un manque à gagner pour le Trésor français. Il revient en effet pour la France à renoncer à son droit d'imposer les activités concernées.

Le rapporteur a pu obtenir, dans les réponses apportées au questionnaire qu'il a adressé au Gouvernement, l'évaluation suivante du manque à gagner pour le Trésor français : en retenant le chiffre de 121 000 transfrontaliers français et en y appliquant la durée du temps de travail légal au Luxembourg (234 jours), le salaire annuel moyen d'un transfrontalier (54 600 euros), le salaire attribué à l'activité en télétravail (6 767 euros) et le taux moyen d'imposition annuel (15,30 %), l'administration fiscale propose une évaluation de cette perte sèche comprise entre 30 et 60 millions d'euros. Le montant le plus élevé correspond à l'hypothèse où les 50 % de transfrontaliers qui ont la possibilité de télétravailler s'en saisirait et le montant le plus bas à une estimation de 25 % de transfrontaliers se déclarant prêts à télétravailler.

Toutefois, cette estimation ne comprend que la perte de recettes fiscale en termes d'impôt sur le revenu. Elle n'intègre pas les effets fiscaux positifs du télétravail des transfrontaliers résidents en France, notamment en termes de TVA. Les travailleurs transfrontaliers ont en effet un pouvoir d'achat supérieur aux travailleurs résidents. Dans son avis du 11 septembre 2020 sur le télétravail au Luxembourg, le Conseil Économique et social du Luxembourg estimait que l'augmentation du télétravail aurait des conséquences négatives sur la consommation au sein du Grand-Duché.

Au-delà de l'impact fiscal, le télétravail des transfrontaliers a également un effet bénéfique sur la sollicitation des infrastructures de transport. En effet, les moyens de circulation sont moins saturés.

1. Le rapporteur regrette que l'avenant du 7 novembre 2022 n'ait pas fait l'objet d'une évaluation a priori plus développée

Le rapporteur ne peut que constater la brièveté de l'étude d'impact annexé au présent projet de loi. Si l'objet de l'avenant est limité à l'augmentation du seuil de télétravail et à son extension à certains contribuables percevant des rémunérations publiques, certaines données essentielles sont absentes de ce document. Il s'agit, par exemple, du nombre de personnes concernées par l'article 2 de l'avenant (les contribuables percevant des rémunérations publiques) ou du montant précis des pertes fiscales pour la France.

Pour l'essentiel, l'étude d'impact se limite à une analyse de la situation actuelle sans entrer dans la portée de cet avenant. À titre d'illustration, la rubrique consacrée aux conséquences économiques et financières du présent avenant indique pudiquement que ce dernier « modifie la répartition des droits à imposer les revenus tirés dans le cadre d'une activité exercée en télétravail par les résidents d'un des deux États pour le compte d'un employeur situé dans l'autre État ».

Les réponses au questionnaire et l'audition menée par le rapporteur ont toutefois permis d'obtenir des compléments d'informations, notamment au regard de l'impact fiscal actuel du forfait de 29 jours. S'inscrivant dans la position constante de la commission des finances et des remarques formulées par la Cour des comptes dans son référé en date du 31 mai 2019, le rapporteur rappelle la nécessité de renforcer la qualité des études d'impact des conventions fiscales.

2. L'avenant apparaît comme une solution provisoire à la problématique du télétravail des transfrontaliers au Luxembourg, dans l'attente d'un mécanisme pérenne et plus équilibré sur le plan du partage des ressources fiscales

L'avenant du 7 novembre 2022 à la convention franco-luxembourgeoise préserve l'équilibre recherché entre simplification de la situation administrative des travailleurs transfrontaliers et protection des intérêts du Trésor public.

Cependant, compte tenu des attentes des travailleurs transfrontaliers en termes de télétravail, cet avenant apparaît comme une solution provisoire. C'est pour cette raison que la France a tenu, à l'occasion de la négociation de l'avenant, à l'inclusion d'une clause de revoyure afin de laisser ouverte la possibilité d'une nouvelle négociation sur cette question.

À cet égard, encourager davantage le télétravail des travailleurs transfrontaliers pourrait s'accompagner d'une compensation financière versée par le Luxembourg en contrepartie du renoncement par la France à une partie de ses recettes fiscales.

À moyen terme, il pourrait être envisagé de s'inspirer du régime d'imposition des travailleurs transfrontaliers récemment négocié par la France et la Suisse. L'avenant à la convention fiscale bilatérale du 9 septembre 1966, signé le 27 juin 2023 et pas encore ratifié, introduit en effet un protocole additionnel à la convention relatif à l'exercice de l'emploi salarié en télétravail.

Le paragraphe 1 de ce protocole prévoit que les activités exercées en télétravail par les salariés dans leur État de résidence sont considérées comme étant effectuées dans l'État de leur employeur dans la limite de 40 % du temps de travail par an. La durée de ce forfait de télétravail équivaut à deux journées de travail à distance par semaine, bien plus que les 34 jours par an prévus par la convention franco-luxembourgeoise.

En contrepartie, l'État qui dispose du droit d'imposer les revenus versés à raison des activités effectuées en télétravail paye à l'État de résidence une compensation fixée à 40 % du montant des impôts dus sur ces rémunérations.

Ces stipulations constituent une approche plus équilibrée du partage des impositions sur les activités télétravaillées, tout en offrant une plus grande souplesse aux contribuables concernés.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 6 mars 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Jean-Marie Mizzon sur le projet de loi n° 255 (2023-2024) autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons le rapport de Jean-Marie Mizzon sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-duché de Luxembourg en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur. - Il nous revient aujourd'hui d'examiner un projet de loi visant à approuver l'entrée en vigueur d'un avenant à la convention fiscale bilatérale entre la France et le Luxembourg. En application de l'article 53 de la Constitution, il appartient en effet au Parlement d'approuver ou de ratifier un certain nombre d'accords internationaux, dont font partie les conventions fiscales. Dans ce cadre, le Sénat est la première chambre saisie du présent projet de loi, qui comporte un article unique autorisant l'approbation de l'avenant du 7 novembre 2022 à la convention fiscale bilatérale du 20 mars 2018 entre la France et le Luxembourg.

Dans un premier temps et préalablement à l'exposé du contenu de cet avenant, il me paraît opportun de rappeler les évolutions récentes de notre relation fiscale avec le Grand-duché.

La France et le Luxembourg ont signé le 20 mars 2018 une nouvelle convention, venant remplacer celle de 1958 qui régissait jusqu'alors nos relations en matière fiscale. La modernisation des relations bilatérales était attendue et nécessaire, pour tenir compte notamment des dernières avancées de l'OCDE. Par conséquent, la convention intègre les derniers standards de cette organisation, notamment une définition modernisée de la résidence fiscale et de la notion d'établissement stable ainsi qu'une clause générale anti-abus.

Parmi les concessions obtenues par le Luxembourg au cours des négociations de la convention de 2018 figure un régime spécifique d'imposition du télétravail des transfrontaliers. Compte tenu de sa superficie et de sa situation géographique, le Luxembourg est en effet particulièrement dépendant de la main-d'oeuvre transfrontalière pour faire fonctionner son économie et ses services publics. Près de 121 000 transfrontaliers français travaillent au Luxembourg, les deux premiers départements de résidence de ces travailleurs étant la Moselle et la Meurthe-et-Moselle.

Le protocole annexé à la convention de 2018 prévoit un forfait de télétravail de vingt-neuf jours au cours duquel le contribuable est réputé travailler dans l'autre État. Concrètement, un Français qui travaille au Luxembourg est, en principe, imposé au Luxembourg. Lorsqu'il télétravaille en France moins de vingt-neuf jours, il est réputé exercer son emploi au Luxembourg et continue donc d'être imposé dans ce pays. Je précise que cette clause est de nature fiscale et n'empêche en rien de télétravailler au-delà de vingt-neuf jours. Simplement, en cas de dépassement de ce seuil, l'activité est imposée dans l'État de résidence dès le premier jour de télétravail.

Les règles d'application de la convention ont été précisées dans un accord amiable du 16 juillet 2020. Il fixe notamment la méthode de décompte des jours de télétravail. Si ce régime permet de simplifier la situation des transfrontaliers, il conduit à une perte fiscale pour la France estimée entre 30 et 60 millions d'euros annuels par la direction de la législation fiscale (DLF). La France renonce en effet à un droit à imposer les activités en télétravail en-deçà de vingt-neuf jours. Cette perte fiscale peut être en partie compensée par les recettes de TVA induites des dépenses en France des télétravailleurs. En dépit de ce manque à gagner fiscal, au sortir de la crise sanitaire, au cours de laquelle le télétravail s'est banalisé, les gouvernements français et luxembourgeois se sont accordés pour étendre ce forfait de télétravail.

J'en viens au second point de mon intervention, qui aborde plus en détail les stipulations de cet avenant. S'il est vrai que son contenu et sa portée sont relativement limités, son entrée en vigueur est très attendue, à la fois, par les travailleurs transfrontaliers et par notre partenaire luxembourgeois.

Premièrement, l'avenant augmente la durée du forfait de télétravail de vingt-neuf à trente-quatre jours. Désormais, le seuil de trente-quatre jours conditionne le régime d'imposition des contribuables en télétravail.

Ce chiffre de trente-quatre jours correspond à une demande des autorités luxembourgeoises. Il est cohérent avec la renégociation récente par le Grand-duché de ses conventions avec la Belgique et l'Allemagne afin de prévoir des seuils similaires de télétravail. Cette renégociation d'ensemble permet de placer les travailleurs transfrontaliers sur un pied d'égalité, quel que soit leur pays d'origine.

Deuxièmement, l'article 2 de l'avenant étend le bénéfice du forfait de télétravail à certains contribuables percevant des rémunérations publiques.

La technicité de cette clause mérite que l'on s'y attarde un instant. La convention de 2018 prévoit deux hypothèses d'imposition pour les contribuables percevant des rémunérations publiques. Le principe général est que les rémunérations publiques sont imposées dans l'État de source. Concrètement, un Français travaillant au Luxembourg pour l'ambassade de France est imposé en France. Par exception, la convention stipule que les rémunérations publiques sont imposées dans l'État d'exercice de l'activité lorsque le contribuable est résident de cet État et dispose de sa seule nationalité. Lorsqu'un Luxembourgeois travaille au Luxembourg pour l'ambassade de France, il est imposé au Luxembourg.

Or le télétravail peut faire basculer un contribuable d'une hypothèse à l'autre. Un Français qui travaille pour la ville de Luxembourg est imposé au Luxembourg en présentiel et en France en télétravail. Pour remédier à cette situation, l'avenant permet de prévoir qu'en-deçà du seuil de trente-quatre jours de télétravail, les revenus sont imposés dans l'État de source. Cette stipulation permet d'aligner le régime des personnes employées dans le secteur public sur celui des personnes employées dans le secteur privé.

Troisièmement, l'avenant prévoit une clause de revoyure à la fin 2024, par laquelle les parties à la convention examineront l'application de ces nouvelles règles. Ce nouvel examen devrait permettre d'envisager un nouveau régime d'imposition du télétravail transfrontalier. En effet, les règles actuelles apparaissent comme un cadre provisoire. En l'état du droit, il s'agit d'un compromis équilibré qui permet de concilier la simplification de la situation administrative des travailleurs transfrontaliers et la protection des intérêts du Trésor public. En Moselle et Meurthe-et-Moselle, les transfrontaliers sont attentifs à cette question puisqu'ils attendent tous une augmentation du forfait de trente-quatre jours, pour obtenir au moins un jour et demi par semaine. La discussion porte surtout sur les rétrocessions fiscales.

À cet égard, le rapport attire votre attention sur un avenant récent du 27 juin 2023 à la convention fiscale franco-suisse de 1966. Celui-ci prévoit un forfait de télétravail à hauteur de 40 % du temps de travail, soit deux jours par semaine, au cours duquel s'applique le principe d'imposition dans l'État d'exercice de l'activité. En contrepartie, l'État qui dispose du droit d'imposer reverse une compensation fiscale à l'État de résidence.

Dans l'attente de cette renégociation, l'entrée en vigueur de l'avenant qui nous est présenté me paraît nécessaire pour simplifier le régime d'imposition des travailleurs transfrontaliers.

Je vous propose d'adopter le présent projet de loi sans le modifier.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le département du rapporteur, la Moselle, et le mien, la Meurthe-et-Moselle, sont particulièrement concernés par cette convention fiscale.

Lors de la révision de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), il avait été envisagé que les conventions fiscales ne soient débattues en séance publique que par la voie de simples amendements au projet de loi de finances. Or, ces dispositifs sont complexes. Je souscris aux propos du rapporteur, en ajoutant qu'il nous faut anticiper sur ce type de conventions car elles posent des problèmes d'équité - par exemple, en termes de retraites -, et changer d'échelle en travaillant entre gouvernements nationaux : ici, entre le Luxembourg, la France et la Belgique, plutôt qu'entre le Luxembourg et les représentants de l'État dans deux départements, ce qui n'est ni respectueux des droits et devoirs des États ni au bon niveau. L'État français doit donc changer de braquet. Mais les travaux en la matière n'avancent pas vite.

Il faut considérer ce dispositif, provisoire, pour ce qu'il vaut. Je propose au rapporteur que nous nous rendions sur le terrain afin d'apprécier les effets de ce texte en matière de télétravail.

M. Marc Laménie. - Il faut également tenir compte des habitants du nord meusien et de l'est des Ardennes qui vont travailler au Luxembourg, et associer la Belgique à cette problématique.

Quel est le volume de l'évasion et de la fraude fiscales évoquées en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ?

Mme Nathalie Goulet. - Ce n'est pas la première fois que nous nous penchons sur ce dossier. Dire que l'on veut prévenir l'évasion et la fraude fiscales dans le cadre d'une convention avec le Luxembourg, cela pose question, même si les travailleurs frontaliers et transfrontaliers ne sont pas en cause !

Je rappelle la signature d'un accord de coopération entre Tracfin et les services de renseignements financiers des Émirats arabes unis (EAU), ce qui a notamment permis à ce pays de sortir de la liste grise du Groupe d'action financière (GAFI)... Pour ce qui concerne le Luxembourg, la présente convention ne règle ni la question des ports francs ni celle de l'opacité des banques luxembourgeoises. Ce texte est provisoire ; quand finira-t-on par régler la situation des travailleurs frontaliers et transfrontaliers ? Pourquoi ne pas proposer un dispositif complet afin de pouvoir travailler sur le sujet de fond de la fraude et de l'évasion fiscales ?

M. Éric Bocquet. - Je souscris aux propos de Nathalie Goulet.

Aux dires du rapporteur, le régime spécifique d'imposition du télétravail des transfrontaliers issu de la convention de 2018 a entraîné pour la France une perte fiscale estimée entre 30 et 60 millions d'euros - une fourchette d'ailleurs très large ; ne pourrait-on l'estimer plus finement ? Quelles sont les conséquences de cette convention sur les cotisations sociales ? En quoi la TVA permettrait-elle de compenser cette perte fiscale ?

Le gouvernement du Luxembourg souhaite vivement augmenter le nombre des jours de télétravail ; pour quelle raison, selon vous ?

M. Christian Bilhac. - On nous demande d'approuver une convention visant à augmenter la durée du forfait de télétravail de vingt-neuf à trente-quatre jours. Or le rapporteur nous a précisé que cette durée ne faisait l'objet d'aucun contrôle. On signerait donc un chèque en blanc... Il a aussi évoqué une compensation financière, pour une perte de recettes limitée à 60 millions d'euros ! Pour autant, on nous demande d'approuver un dispositif dont on ne sait pas grand-chose. Les informations données au Parlement sur ce dossier sont pour le moins légères.

Mme Florence Blatrix Contat. - Cet avenant est le deuxième que nous examinons sur la situation des travailleurs frontaliers, alors même que la convention de 2018 qu'ils modifient est somme toute récente. Un nouvel avenant est en préparation, prévoyant un forfait de télétravail de cinquante jours... S'il est bon d'éclairer sur les conditions d'exercice du télétravail, il existe une distorsion entre les règles fiscales et les règles sociales. Il faudrait travailler sur ces deux champs afin d'assurer une concordance, et donc une simplification.

M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur. - Je répondrai à Marc Laménie que les contrôles exercés par l'administration française et celle du Grand-duché contre la fraude sont légers. La convention prévoit un système d'échange d'informations et une clause générale de lutte contre les abus fiscaux.

Christian Bilhac m'a interrogé sur le contrôle de la durée du télétravail. Celui-ci repose sur des déclarations. Il est possible de prouver que l'on travaille moins de vingt-neuf jours en produisant un contrat de travail et des relevés horaires. Sur ce point, l'étude d'impact du projet de loi est perfectible, voire parcimonieuse...

Je répondrai à Nathalie Goulet que le Luxembourg, qui a le PIB par habitant le plus élevé au monde, est un véritable soleil pour les habitants du Grand Est... Cet avenant n'est pas définitif, et une clause de revoyure est prévue. Dans ce secteur, tous les travailleurs transfrontaliers, et notamment la moitié d'entre eux dont le poste est « télétravaillable », souhaitent bénéficier d'un plus grand nombre de jours de télétravail, ne serait-ce que pour éviter un trafic routier saturé. Le Luxembourg fait des efforts en direction de la France en cofinançant à hauteur de 50 % les infrastructures favorisant la mobilité - aménagement de quais de gare, parkings de covoiturage, etc. Mais il pourrait aller plus loin, dans la mesure où ces équipements ne sont pas détachables des emplois qui existent dans ce pays. Et puisque c'est un État souverain, on ne peut lui forcer la main. Les choses avancent doucement ; je comprends l'impatience qui s'exprime.

Éric Bocquet m'a interrogé sur la perte fiscale annuelle pour la France, estimée entre 30 et 60 millions d'euros. Au Luxembourg, près de 50 % des emplois sont occupés par des frontaliers :120 000 Français, soit la moitié des travailleurs frontaliers de ce pays, 50 000 Allemands et 50 000 Belges. La moitié de ces travailleurs français occupent un emploi « télétravaillable », mais seulement un quart des transfrontaliers français se déclarent prêts à télétravailler : cela explique l'estimation très large de cette perte.

Florence Blatrix Contat a posé une question sur la distorsion entre les règles fiscales et les règles sociales. Le droit social prévoit que le télétravail peut représenter jusqu'à 49 % du temps de travail sans changement de régime ; quant au droit fiscal, il prévoit sur ce point un taux de 34 %. Si l'on devait traiter ensemble ces deux sujets - fiscal et social -, qui sont déjà complexes séparément, on ne s'en sortirait pas. Il conviendrait de rechercher une plus grande cohérence, mais l'on n'en prend pas le chemin.

Ce sujet peut paraître anecdotique à Paris mais, j'y insiste, tous les travailleurs frontaliers et transfrontaliers de ce secteur géographique veulent travailler à distance !

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est adopté sans modification.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

- M. Yannick ANDRIANARAHINJAKA, chef de la mission des conventions et de l'entraide judiciaire, service des conventions, des affaires civiles et de l'entraide judiciaire, direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire ;

- Mme Isabelle PEROT, sous-directrice Europe 2, direction de l'Union européenne ;

- Mme Claire GIROIR, conseillère juridique, mission des accords et traités, direction des affaires juridiques.

Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

- M. Florian DE FILIPPO, chef du bureau E1, direction de la législation fiscale ;

- Mme Nathalie GOSSEMENT, adjointe au chef du bureau E1, direction de la législation fiscale ;

- M. Antoine GUICI, chef de la section 1, bureau E1, direction de la législation fiscale ;

- Mme Miléna WITTMANN, rédactrice, bureau E1, direction de la législation fiscale.


* 1 BOFIP - INT - Convention fiscale entre la France et le Luxembourg - Dispositions diverses (BOI-INT-CVB-LUX-30).

* 2 Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales signée le 5 octobre 1989.

* 3 Convention entre la République française et le Royaume d'Espagne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 10 octobre 1995.

* 4 Convention entre la République française et République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu'en matière de contributions des patentes et de contributions foncières signée le 21 juillet 1959.

* 5 Accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse du 11 avril 1983.

* 6 Sont couverts par l'accord du 11 avril 1983 les cantons de Berne, Soleure, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Vaud, Valais, Neufchâtel et Jura.

* 7 Jonathan I. DINGLE et Brent NEIMAN, How Many Jobs Can be Done at Home, Becker Friedman Institute for Economics at the University of Chicago, June 2020.

* 8 Accord du 13 mai 2020 entre la France et l'Allemagne.

* 9 Accord du 13 mai 2020 entre la France et la Belgique.

* 10 Accord du 13 mai 2020 entre la France et la Suisse.

* 11 Institut statistique luxembourgeois (Statec), « Panorama sur le monde du travail luxembourgeois à l'occasion du 1er Mai », avril 2023.

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