IV. UN ACCORD PEU AMBITIEUX EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

Le développement durable et la lutte contre le changement climatique sont souvent présentés comme les grands absents de l'AECG. La commission indépendante sur l'évaluation de l'impact de l'accord sur l'environnement, le climat et la santé relève ainsi les insuffisances de l'accord « dans trois dimensions : (1) la dimension purement commerciale (rien n'est prévu pour limiter le commerce des énergies fossiles et la hausse des émissions de CO2 du transport international maritime et aérien induite par l'augmentation des flux de commerce), (2) la dimension investissement (rien n'est prévu pour inciter à la mise au point et l'adoption de technologies moins émettrices de carbone, pas de clause d'exclusion pour les mesures relatives à la lutte contre le changement climatique dans l'ICS), (3) la dimension de la politique économique (rien sur la convergence des instruments de lutte contre le changement climatique) ».

Le chapitre 22 de l'AECG a certes trait au commerce et à l'environnement, l'article 22.1 stipulant que « Les parties reconnaissent que le développement économique, le développement social et la protection de l'environnement sont interdépendants et forment des composantes du développement durable qui se renforcent mutuellement, et elles réaffirment leur engagement à promouvoir le développement du commerce international d'une manière qui contribue à la réalisation de l'objectif de développement durable, pour le bien-être des générations présentes et futures ».

Deux instances mises en place par l'accord sont en outre compétentes sur les questions relatives au développement durable : i) le comité mixte du commerce et du développement durable, qui est chargé de superviser la mise en oeuvre des engagements de l'Union européenne et du Canada en matière de commerce et développement durable, commerce et travail et commerce et environnement et des activités de coopération, et ii) le Forum de la société civile mixte créé afin de dialoguer sur les questions de développement durable.

Néanmoins, force est de constater que, dans la mesure où les négociations de l'accord commercial ont été conclues avant que n'intervienne la COP21, l'AECG ne fait pas explicitement référence à l'accord de Paris.

Seule une recommandation non-contraignante sur le commerce, l'action climatique et l'Accord de Paris a été signée par l'Union européenne et le Canada le 26 septembre 2018 dans laquelle ils y réaffirment leur engagement à mettre en oeuvre de manière effective l'Accord de Paris et à coopérer étroitement dans la lutte contre le changement climatique, y compris par le biais d'actions conjointes sous l'égide de l'AECG. L'accord de Paris est en outre cité dans l'instrument interprétatif commun32(*).

Plus généralement, les stipulations de l'AECG ayant trait au climat et à l'environnement relèvent davantage de la déclaration d'intention que d'obligations contraignant les parties.

Enfin, le mécanisme de règlement des différends investisseur-État porte sur un risque de remise en cause des règles nationales par l'ICS, notamment en matière de lutte contre le changement climatique. Afin de limiter ce risque, la décision n° 002/2021 du comité mixte de l'AECG a prévu l'instauration d'un « véto climatique » censé permettre aux parties à l'accord de faire échec à des plaintes visant des mesures répondant à des objectifs légitimes de politique publique, en particulier dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Pour autant, la portée de ce dispositif semble incertaine dans la mesure où il ne fait qu'imposer l'application par l'ICS d'une interprétation adoptée par le Comité mixte de l'AECG. En cas de désaccord entre les parties, il est à craindre que l'ICS retrouverait sa capacité d'interprétation pleine et entière.

S'agissant de l'impact de la mise en oeuvre de la partie commerciale, l'accord sur le volume d'émissions de gaz à effet de serre, selon l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, estime que celle-ci devrait être négative même si limitée : « à l'échelle mondiale, le scénario central estime que l'AECG devrait engendrer une hausse de 2,5 Mt d'équivalent CO2 à horizon 2035 (moins de 0,01 % des émissions mondiales à cette date), dont 0,04 Mt CO2eq issu du fret international. Cette hausse serait quasi-exclusivement concentrée aux Etats-Unis. La faiblesse des effets de l'AECG en matière d'émissions serait due, au-delà des effets modestes sur l'activité économique, à un effet de substitution de transports maritimes (UE-Canada) à des transports routiers (intra-UE) plus émetteurs ».


* 32 « L'AECG comporte des engagements en faveur d'une gestion durable des forêts, des pêches et de l'aquaculture, ainsi que des engagements de coopérer sur des questions environnementales d'intérêt commun liées au commerce, telles que le changement climatique, pour lequel la mise en oeuvre de l'Accord de Paris constituera une importante responsabilité partagée de l'Union européenne et de ses États membres ainsi que du Canada ».

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