TABLEAU COMPARATIF

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à créer une commission d'enquête chargée d'évaluer la structure et le montant de la dette extérieure de la France, ses incidences prévisibles sur l'évolution de la balance des paiements ainsi que la part prise par les entreprises publiques et les banques, dans l'évolution de la dette extérieure depuis 1981.

(Texte proposé par la Commission.)

Article premier.

Il est créé, en application des dispositions prévues par l'article 11 du Règlement du Sénat, une commission d'enquête chargée d'évaluer la structure et le montant de la dette extérieure de la France, ses incidences prévisibles sur l'évolution de la balance des paiements ainsi que la part prise par les entreprises publiques et les banques, dans l'évolution de la dette extérieure depuis 1981.

Art. 2.

Cette Commission, conformément à l'article 11 du Règlement du Sénat, est composée de 21 membres.

ANNEXE TECHNIQUE

1. Les informations fournies par le Gouvernement.

Le Gouvernement semble avoir fourni pour la première fois des informations intéressantes au Parlement, le 10 novembre 1982, en réponse à une question de M. le député François d'Aubert. Puis, il a publié, le 28 juin dernier, « une première évaluation de l'endettement extérieur de la France à moyen et long termes » au 31 décembre 1982. Le 15 novembre dernier, ces chiffres ont été actualisés à la date du 30 juin 1983. Selon M. Jacques Delors (3 ( * )) , aucun pays ne fournit actuellement « des éléments aussi complets » en matière d'endettement extérieur.

Tardif et peu spontané, cet effort gouvernemental est bienvenu dans son esprit, mais par trop imprécis, incomplet, discutable dans sa méthodologie. En cherchant à démontrer plus qu'à informer, il ne fournit au total qu'un sujet de controverses supplémentaires.

C'est ainsi que tout en prenant en considération les informations du ministre du Budget, de l'Économie et des Finances dans son numéro du 17 novembre, page 48, le journal Le Monde fournit aussi deux autres sources d'information, avec des évaluations bien différentes, entre lesquelles un lecteur, même averti, ne peut véritablement se prononcer.

En reprenant les informations de source gouvernementale, on constate que les estimations fournies sur l'endettement brut, schématiquement, ne prennent pas en compte les emprunts en devises contractés par les banques résidentes pour financer leurs activités de prêts à l'extérieur. Ces estimations n'intègrent pas, comme le signale la proposition de résolution, « la position à court terme des banques françaises, c'est-à-dire une position fortement débitrice - ce qui n'était pas le cas il y a deux ans - d'un montant proche de 90 milliards de francs ». Le montant du tirage sur l'emprunt de 2 milliards de dollars consenti par l'Arabie Saoudite reste inconnu. De surcroît, ces estimations se soldent par des considérations sur l'endettement net, bien discutables. En effet, d'une part les dates d'échéances dettes-créances ne coïncident pas nécessairement. D'autre part, et surtout, une part importante de ces créances sont douteuses du point de vue comptable mais non provisionnées, qu'il s'agisse de nos créances sur la Roumanie, la Pologne, le Mexique, l'Argentine, l'Iran ou le Brésil.

2. Les travaux du Sénat.

a) La note de conjoncture de la commission des Finances.

Publiée par M. le Rapporteur général Maurice Blin, le 15 novembre dernier, cette note signale que « l'endettement international de la France s'est encore alourdi au cours de 1983. En effet, malgré la volonté clairement exprimée par le Gouvernement de limiter le recours aux emprunts internationaux, l'évolution enregistrée pendant les huit premiers mois de l'année fait apparaître une nouvelle et importante progression de 12 milliards de dollars. Son montant atteignait, au 30 septembre 1983, environ 56 milliards de dollars ce qui correspond, selon le cours retenu, à la contre-valeur de 373 ou 449 milliards de francs » (compte non tenu des emprunts en devises contractés par les banques résidentes pour financer leurs activités de prêt à l'extérieur).

« Par ailleurs, compte tenu de l'évolution précédemment rappelée, il semble raisonnable de prévoir, à partir de 1984, une charge annuelle de l'ordre de 70 à 100 milliards de francs, correspondant à un mois d'importations. »

M. Maurice Blin complète son analyse par des données extrêmement pertinentes sur la place des entreprises publiques :

« Trois faits sont encore à noter concernant la nature et les conséquences de cet endettement public :


• « les emprunts des grandes entreprises publiques représentent environ le quart du montant de la dette extérieure (cf. tableau ci-dessous) :

ENDETTEMENT INTERNATIONAL DES QUATRE PRINCIPALES ENTREPRISES PUBLIQUES

En milliards de francs

En pourcentage de l'endettement total de l'entreprise

E.D.F..............................

59,8

39,3

S.N.C.F...........................

31,0

47,7

Gaz de France...................

12,5

50,0

Charbonnages de France.......

5,4

37,2

« la charge de cet endettement tant intérieur qu'extérieur se monte aujourd'hui à près de 130 milliards de francs, somme supérieure aux crédits de tout budget ministériel civil, à l'exception de l'Éducation nationale ;

« une partie des récents emprunts sera consacrée non pas à des dépenses d'investissement ni même de fonctionnement, mais au remboursement des emprunts antérieurement contractés. »

b) Les travaux de prospective économique,

Le service des Études législatives du Sénat a publié récemment une projection économique à moyen terme (4 ( * )) à partir d'un jeu d'hypothèses moyennes. Les limites théoriques de ce type d'exercice sont bien connues, mais l'ampleur des tendances dégagées n'en reste pas moins très significative. Ainsi, le besoin de financement cumulé de la nation atteindrait, en 1988, 230 milliards de francs 1982. Ce besoin de financement, notion retenue en comptabilité nationale ne fournit qu'une estimation en flux et non en stocks. Celle-ci est, a priori , cohérente avec les chiffres présentés par le Gouvernement, puisque notre endettement se serait accru de 108 milliards de francs en 1982 avec un besoin de financement de la nation de 105 milliards de francs pour la même année. Quel que soit notre niveau d'endettement extérieur en novembre 1983, il ne pourra donc que s'accroître de 230 milliards de francs à l'horizon 1988. Ainsi, malgré l'amélioration continue du solde de nos échanges commerciaux, prévue par le modèle, cette amélioration ne suffit pas à contrebalancer l'effet sur le besoin de financement de la nation de l'augmentation des intérêts liés à un endettement extérieur croissant.

3. Le rapport Costabel.

Le 23 avril 1980, le Conseil économique et social a adopté un avis sur l'endettement extérieur de la France, sur le rapport de M. André Costabel. Cet avis souligne les lacunes de l'information statistique sur les relations financières entre la France et l'extérieur, indiquant notamment qu'« il n'existe aucune synthèse officielle permettant d'apprécier année après année, l'endettement global du pays en termes bruts et, a fortiori , en termes nets, c'est-à-dire en tenant compte des créances sur l'extérieur ». Au plan économique, il conclut sans ambiguïté à ce que « l'endettement brut de la France est relativement modéré et son endettement net inexistant ».

Le rapport de la commission du bilan (5 ( * )) , dans le style qui lui est propre, confirme cette analyse :

« Grâce à son crédit propre, ce système était fortement engagé dans les circuits financiers mondiaux et il était en situation de les orienter dans le sens d'un financement facile de la balance française des paiements. Il faut ajouter qu'une des actions importantes du Gouvernement avait consisté à couvrir le déficit prévu de la balance des opérations courantes par des emprunts longs en devises, contractés par les grandes entreprises nationales (lesquelles étaient couvertes contre les risques de change par le Trésor). À concurrence d'une fraction importante, les moyens de financement étaient ainsi consolidés.

« Il reste que les ressources internationales qui transitent par le système financier français sont en grande partie instables. Il s'agit notamment de dépôts en devises. Ce risque est sans doute inévitable : l'insertion de la France dans la vie économique internationale comporte deux aspects inséparables ; l'un se place dans les échanges commerciaux, l'autre dans les circuits monétaires. »

Au plan méthodologique, le rapport Costabel a suscité plusieurs réactions. Ainsi, en 1980, M. le député Christian Pierret (6 ( * )) a-t-il interrogé le Gouvernement sur « les mesures qu'il compte prendre pour améliorer un outil statistique indispensable ». En mars 1981, en réponse à une question écrite de M. le député Jean-Pierre Pierre Bloch (7 ( * )) , le ministre de l'Économie, à cette époque M. René Monory, a apporté les précisions suivantes :

« En ce qui concerne les statistiques en encours, la situation était jusqu'à présent toute différente : l'endettement du secteur public, en ce qui concerne la dette de l'État et les emprunts garantis, est retracé dans le compte de la dette publique, par contre l'endettement extérieur global ne faisait l'objet d'aucune publication officielle, en raison du manque de fiabilité des sources existantes pour le secteur privé. L'aboutissement de travaux engagés depuis plus d'un an devrait cependant permettre en principe la diffusion, dans un avenir proche, d'un encours de l'endettement des secteurs privé et public français à la fin de l'année 1980 ; cet encours fera par la suite l'objet d'une actualisation régulière chaque année. »

* 3 Déclaration du 10 novembre 1982, J.O. A.N., p. 7025.

* 4 S.E.L. Réf. 83-47, 30 septembre 1983.

* 5 Commission présidée par François Bloch Lainé « La France en mai 1981. - Forces et faiblesses » . La Documentation française, décembre 1981, p. 75.

* 6 Question écrite n° 30.637 J.O. A.N., 13 octobre 1980, p. 4326.

* 7 Question écrite n° 41.256 J.O. A.N., 23 mars 1981, p. 1249

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