Rapport n° 109 (1992-1993) de M. Etienne DAILLY , fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 décembre 1992

Disponible au format Acrobat (1,3 Moctet)

Tableau comparatif au format Acrobat (1,3 Moctet)

N° 109

_________

SÉNAT

PREMIÈRE SESSION ORDINAIRE DE 1992-1993

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 décembre 1992.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur les propositions de résolution :

1°) de MM. Michel PONIATOWSKI, Jean DELANEAU, Ambroise DUPONT, Roland du LUART et Philippe NACHBAR tendant à modifier le Règlement du Sénat pour l'application de l 'article 88-4 de la Constitution ;

2°) de M. Jacques LARCHÉ tendant à insérer dans le Règlement du Sénat les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de /'article 88-4 de la Constitution sur les résolutions européennes ;

3°) de Mme Hélène LUC, MM. Charles LEDERMAN, Robert PAGÈS, Jean GARCIA, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Michelle DEMESSINE, Paulette FOST, Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS, MM. Félix LEYZOUR, Louis MINETTI, Ivan RENAR, Robert VIZET et Henri BANGOU tendant à insérer dans le Règlement du Sénat les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de l 'article 88-4 de la Constitution relatif à l 'examen des actes communautaires par le Parlement.

Par M. Étienne DAILLY,

Sénateur.

(1) (Cette commission est composée de :MM. Jacques Larché, président ; Charles de Cuttoli, François Giacobbi, Germain Authié, Bernard Laurent, vice-présidents ; Charles Lederman, René-Georges Laurin, Raymond Bouvier, Claude Pradille, secrétaires ; Guy Allouche, Alphonse Arzel, Jacques Bérard, Pierre Biarnès, Christian Bonnet, Didier Borotra, Philippe de Bourgoing, Camille Cabana, Guy Cabanel, Jean Chaînant, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Etienne Dailly, Luc Dejoie, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Jean-Marie Girault, Paul Graziani, Hubert Haenel, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Pierre Lagourgue, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Lucien Neuwirth, Charles Ornano, Georges Othily, Robert Pages, Michel Rufin, Jean-Pierre Tizon, Georges Treille, Alex Türk, André Vallet.

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi de trois propositions de résolution successives qui tendent à introduire dans son Règlement les procédures nécessaires à la mise en oeuvre du nouvel article 88-4 de la Constitution. Votre commission des Lois, qui a la charge de rapporter ces trois propositions de résolution, a jugé souhaitable de vous en présenter un Rapport commun.

Ce Rapport portera donc sur :

la Proposition de Résolution (1992-1993, n° 20) déposée le 21 octobre 1992 par MM. Michel Poniatowski, Jean Delaneau, Ambroise Dupont, Roland du Luart et Philippe Nachbar, tendant « à modifier le Règlement du Sénat pour l'application de l'article 88-4 de la Constitution » ;

la Proposition de Résolution (1992-1993, n° 36) déposée le 5 novembre 1992 par le Président de notre Commission des Lois, M. Jacques Larché, tendant « à insérer dans le Règlement du Sénat les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 88-4 de la Constitution sur les résolutions européennes » ;

la Proposition de Résolution (1992-1993, n°47) déposée le 17 novembre 1992 par Mme Hélène Luc et les Membres du Groupe Communiste, tendant « à insérer dans le Règlement du Sénat les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 88-4 de la Constitution relatif à l'examen des actes communautaires par le Parlement ».

Rappelons d'abord le texte de l'article 88-4 de la Constitution auquel ces trois propositions de résolution font référence, à savoir :

« Le Gouvernement soumet à l'Assemblée nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil des Communautés, les propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative.

« Pendant les sessions ou en dehors d'elles, des résolutions peuvent être votées dans le cadre du présent article, selon les modalités déterminées par le Règlement de chaque assemblée. »

Les débats au terme desquels cette disposition a finalement été introduite dans notre Constitution sont trop récents pour ne pas être encore présents dans toutes les mémoires. Aussi n'est-il pas nécessaire d'en rappeler dans le détail la teneur. Tout au plus convient-il de souligner que, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ces débats ont mis en relief l'urgente nécessité de combler l'actuel « déficit démocratique » qui menace dangereusement la construction de l'Europe et, donc, son avenir.

À la veille de la mise en oeuvre du Marché Unique et compte tenu de la place, de ce fait chaque jour croissante, des normes européennes dans le droit des États membres, il est anormal, sinon même choquant, que le Parlement, représentant de la Souveraineté Nationale, soit entièrement écarté du processus d'élaboration de ces normes. Ce l'est d'autant plus que, chaque fois qu'il s'agit de matières relevant du domaine de la Loi, nos Assemblées Parlementaires sont ensuite invitées à harmoniser le Droit interne avec des Directives Communautaires à l'égard desquelles leur marge d'intervention est alors souvent très limitée.

Le dispositif constitutionnel élaboré au printemps dernier devrait remédier dans une mesure non négligeable à cette inacceptable situation, puisque le Parlement se trouvera désormais en mesure d'exprimer en amont son sentiment sur les propositions d'acte communautaire dont il aura à connaître en aval.

On ne peut manquer de relever le caractère original de ce mécanisme, puisque, pour la première fois, il associe le Parlement à la négociation internationale, - en l'espèce la négociation des normes européennes -, sans toutefois porter préjudice aux compétences constitutionnelles du Gouvernement dans ce domaine. Ce mécanisme ne conduit pas en effet à l'adoption par le Parlement d'un texte à valeur impérative mais confère à nos Assemblées la possibilité de s'assurer du respect du principe de subsidiarité, - le cas échéant de protester auprès du Gouvernement contre son inobservation -, puisqu'elles pourront désormais intervenir avant que la norme européenne soit devenue définitive et, comme telle, appelée à s'incorporer dans notre Droit positif.

Lors des débats de révision constitutionnelle, le Sénat, - puis l'Assemblée Nationale qui s'y est finalement ralliée -, ont à cet égard clairement marqué qu'ils entendaient bien que nos deux Assemblées Parlementaires soient à même de pouvoir faire connaître leur position autrement que sous forme d'un simple avis, donc par le vote de résolutions lesquelles, sans avoir, certes, de caractère obligatoire, ne pourront néanmoins pas être ignorées du Gouvernement et devraient même constituer pour lui de précieuses indications, voire d'utiles mises en garde.

Nous rappellerons d'abord, - et qui peut donc mieux les connaître que le Sénat puisque c'est lui qui en est l'auteur -, les orientations générales pour la mise en oeuvre de cet article 88-4 nouveau de la Constitution.

Nous résumerons ensuite les préoccupations de votre commission des Lois, ses objectifs, les principes qui devraient sous-tendre la Proposition de Résolution que le Sénat doit adopter pour modifier son Règlement et les impératifs auxquels elle devrait satisfaire.

Nous procéderons alors à une analyse détaillée des trois Propositions de Résolution dont le Sénat est saisi à cet effet et nous verrons dans quelle mesure chacune d'entre elles répond à ces préoccupations et satisfait à ces impératifs.

Nous exposerons enfin les conclusions qui résultent des travaux de votre commission des Lois et la proposition de résolution qu'elle vous présente pour modifier le Règlement du Sénat

*
* *

I. LES ORIENTATIONS GÉNÉRALES DU SÉNAT POUR LA MISE EN OEUVRE DE L'ARTICLE 88-4 NOUVEAU DE LA CONSTITUTION

Avant même d'entrer dans le détail des conclusions de la Commission des Lois sur les trois propositions dont nous sommes saisis, votre Rapporteur tient à formuler quelques observations qui portent moins sur les modifications réglementaires qu'entraîne cet article 88-4 que sur cet article lui-même et sur son incidence pratique pour les Assemblées du Parlement.

A. L'ARTICLE 88-4 NOUVEAU DE LA CONSTITUTION SUPPOSE UNE NÉCESSAIRE COOPÉRATION DU GOUVERNEMENT ET DU PARLEMENT

Il convient d'observer en premier lieu que conformément au premier alinéa de cet article 88-4 nouveau de la Constitution, le Gouvernement est tenu de « soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat dès leur transmission au Conseil des Communautés, les propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative ». Le Constituant n'en a pas pour autant organisé de procédure de contrôle sur la façon dont le Gouvernement s'acquittera de cette obligation.

Votre Commission ne peut donc qu'exprimer l'espoir que les Gouvernements veilleront scrupuleusement à bien soumettre au Parlement et dans les délais prescrits, l'ensemble des Propositions d'acte communautaire comportant des dispositions de nature législative et que, dans la négative, les Présidents de la République, qui ont la charge de veiller au respect de la Constitution, sauront exiger d'eux qu'ils respectent les obligations qui résultent pour eux de cet article 88-4 nouveau de la Constitution.

Du fait que conformément à l'article 6 bis de l'Ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées Parlementaires, lui sont communiqués, « dès leur transmission au Conseil des Communautés, les projets de Directive et de Règlement et autres actes communautaires ainsi que tout document nécessaire établi par les différentes institutions des Communautés Européennes », la Délégation pour les Communautés Européennes sera, certes, en mesure d'alerter le Sénat si, pour un motif ou un autre, le Gouvernement ne soumettait pas à notre Haute Assemblée et dans les délais prévus, une Proposition d'Acte Communautaire comportant des dispositions de nature législative.

C'est d'ailleurs cette considération qui, lors de ses travaux, a amené votre Commission à reconnaître que la Délégation du Sénat pour les Communautés européennes serait la mieux à même de veiller à l'exacte application par le Gouvernement des prescriptions du premier alinéa de l'article 88-4 de la Constitution et à en tenir compte dans la proposition qui vous sera présentée dans le chapitre IV du présent Rapport.

Il serait par ailleurs hautement souhaitable que, pour chacune des Propositions d'Actes Communautaires ainsi soumises aux Assemblées, le Gouvernement prenne soin d'indiquer clairement celles des dispositions qu'il considère comme de nature législative et qui justifient ainsi la mise en oeuvre de la procédure prévue au nouvel article 88-4 de la Constitution.

Beaucoup de Propositions d'acte communautaire comportent en effet, souvent pêle-mêle, des dispositions qui, pour nous, sont d'ordre purement réglementaire au sens de l'article 37 de la Constitution et des dispositions qui, pour nous, entrent dans le domaine de la Loi selon l'article 34 de la Constitution, alors que la distinction entre ces deux domaines n'existe pas en Droit Communautaire. Aussi, compte tenu du nombre élevé des Propositions d'acte communautaire élaborées chaque année et de leur ampleur parfois considérable, les Assemblées du Parlement doivent être mises à même de pouvoir identifier immédiatement dans cet ensemble les dispositions qui doivent leur être soumises, c'est-à-dire celles dont le Gouvernement estime qu'elles comportent effectivement des dispositions de nature législative.

Certes, une telle indication ne lierait ni l'une ni l'autre des Assemblées, mais elle ne leur en serait pas moins très utile pour orienter efficacement leurs travaux. Quoique très récente, l'expérience démontre en effet cette nécessité, puisque, depuis l'entrée en vigueur de l'article 88-4 nouveau de la Constitution, le Gouvernement a déjà soumis aux Assemblées une série de Propositions d'acte communautaire sans autre mention que cette formule par trop laconique selon laquelle elles lui « paraissaient toucher au domaine législatif ».

B. L'ARTICLE 88-4 NOUVEAU DE LA CONSTITUTION NE DOIT PAS ENTRAÎNER UNE BANALISATION DE LA PROCÉDURE DES RÉSOLUTIONS

Dans la même optique, votre Commission estime que la procédure instituée par l'article 88-4 nouveau de la Constitution ne doit pas dériver vers une banale formalité consultative mais conserver une certaine solennité, seule à même de conférer aux Résolutions adoptées dans son cadre conformément à son second alinéa, une importance politique ou une portée technique suffisantes. C'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles le Constituant n'a institué qu'une faculté et non une obligation de voter de telles Résolutions.

Les Propositions d'Acte Communautaire étant d'intérêt très variable, il appartiendra aux Assemblées d'opérer une sélection entre toutes celles dont elles seront saisies, à la fois pour éviter un encombrement excessif de leurs travaux et pour réserver le vote de Résolutions aux sujets dont l'importance justifiera réellement l'intervention du Parlement. Le même souci peut d'ailleurs conduire le Sénat à adopter des Résolutions communes sur plusieurs Propositions d'Acte Communautaire, si celles-ci interviennent simultanément et dans des domaines proches ou connexes.

C. L'ARTICLE 88-4 NOUVEAU DE LA CONSTITUTION DOIT LAISSER AUX ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES UNE LARGE AUTONOMIE EN MATIÈRE DE RÉSOLUTIONS

C'est très intentionnellement, - les travaux préparatoires le démontrent sans aucune ambiguïté -, que le Constituant confie aux Assemblées du Parlement le soin de déterminer elles-mêmes, dans leur Règlement, les modalités selon lesquelles elles adopteront des Résolutions « dans le cadre de l'article 88-4 ».

À la différence de la procédure législative pour laquelle la Constitution définit elle-même des règles impératives très précises au respect desquelles les Règlements des Assemblées doivent se conformer, sous le contrôle préalable et obligatoire du Conseil constitutionnel, cette nouvelle procédure n'est donc enserrée par aucune contrainte constitutionnelle.

Il est d'ailleurs à noter que l'article 88-4 nouveau est le seul article de la Constitution à conférer ainsi au Règlement de chacune des deux Assemblées une compétence expresse et autonome puisque dans tous les autres domaines, les modalités d'application des règles constitutionnelles sont renvoyées à des Lois Organiques. Concernant les Résolutions adoptées dans le cadre de cet article et du fait que ces Résolutions ne comportent pas d'obligations pour le Gouvernement, c'est intentionnellement que cette solution a été écartée par le Constituant.

Chaque Assemblée se trouve ainsi investie de la plus large autonomie pour fixer les dispositions réglementaires d'application de cette innovation constitutionnelle.

II. LES PRÉOCCUPATIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

Avant même de vous présenter une analyse détaillée des trois propositions de résolution dont le Sénat est saisi puis les conclusions auxquelles elle est parvenue, votre commission des Lois croit utile de résumer ses préoccupations, ses objectifs, les principes qui devraient sous-tendre la Proposition de Résolution que le Sénat doit adopter pour modifier son Règlement et les impératifs auxquels elle devrait notamment satisfaire.

A. LA PRISE EN COMPTE DES MÉTHODES DE TRAVAIL DU SÉNAT : LA RÉAFFIRMATION DES COMPÉTENCES NATURELLES DES COMMISSIONS PERMANENTES EN MATIÈRE LÉGISLATIVE

Le premier des impératifs dont votre Commission s'est particulièrement préoccupée réside dans la nécessaire prise en compte des méthodes habituelles de travail du Sénat car c'est cette prise en compte qui, mieux que toute autre voie, garantira le plus efficacement possible le succès de cette nouvelle procédure.

Il convient donc au premier chef que soient préservés les rôles respectifs des Commissions Permanentes du Sénat et de sa Délégation pour les Communautés Européennes-Votre Commission reconnaît volontiers le rôle irremplaçable de la Délégation en matière d'information de notre Haute Assemblée et souhaite lui donner les moyens d'exercer l'influence qui lui revient dans la procédure d'élaboration des Résolutions adoptées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.

Comme le démontrent assez les observations qui seront formulées au paragraphe suivant du présent chapitre et les propositions qu'elle sera finalement conduite à vous présenter, votre Commission n'en estime pas moins que s'intégreraient difficilement dans la Pratique Sénatoriale des formules susceptibles de porter atteinte aux compétences naturelles des Commissions Permanentes pour les textes comportant des dispositions de nature législative et risqueraient, comme telles, de compromettre la bonne mise en oeuvre du nouvel article 88-4 de la Constitution.

Tel est le premier impératif auquel, selon votre Commission des Lois, devra satisfaire la Résolution tendant à insérer dans le Règlement du Sénat les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 88-4 de la Constitution.

B. LA NÉCESSITÉ D'ASSOCIER LA DÉLÉGATION POUR LES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES AU PROCESSUS D'ÉLABORATION DES RÉSOLUTIONS SUR LES PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

Votre Commission estime particulièrement souhaitable d'associer la Délégation du Sénat pour les Communautés Européennes au processus d'examen des Propositions d'Acte Communautaire soumises au Sénat par le Gouvernement, ainsi qu'au processus d'élaboration des Résolutions pouvant être votées par le Sénat dans le cadre de l'article 88-4 nouveau de la Constitution,

S'agissant des normes européennes, cette Délégation, - au même titre que celle de l'Assemblée nationale -, exerce en effet avec une remarquable efficacité la mission d'information que lui confère l'article 6 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des Assemblées Parlementaires, à savoir :

« ...suivre les travaux conduits par les Institutions des Communautés européennes... afin d'assurer l'information de leur Assemblée respective sur le déroulement du processus communautaire.

« À cet effet, le Gouvernement leur communique, dès leur transmission au Conseil des communautés, les projets de directives et de règlements et autres actes communautaires ainsi que tout document nécessaire établi par les différentes Institutions des Communautés européennes.

« Le Gouvernement les tient informées... des négociations en cours ».

Ainsi, l'obligation de transmission pesant sur le Gouvernement, - et que la dernière révision constitutionnelle n'a en rien rendue caduque -, s'étend à l'ensemble des Projets d'Acte Communautaire, qu'ils comportent ou non « des dispositions de nature législative ». Cette procédure peut d'ailleurs représenter une garantie supplémentaire d'exacte application par le Gouvernement de l'article 88-4 de la Constitution, puisque la Délégation pourra en amont attirer l'attention du Sénat sur l'existence de telles dispositions qui obligent le Gouvernement à les « soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat dès leur transmission au Conseil des Communautés » . Dans le dispositif, votre commission des Lois vous proposera d'ailleurs d'adopter une mesure qui prend directement en compte cette situation.

La Délégation pour les Communautés européennes se situe également dans une position d'interlocuteur privilégié en matière de normes européennes, puisque susceptible, non pas de se substituer aux Commissions Permanentes dans le domaine législatif qui doit demeurer le leur, mais de leur apporter, si elles le souhaitent, les informations qu'elle détient et les avis qu'il lui paraît utile de formuler.

Lorsque le 13 décembre 1990, le Sénat a décidé d'insérer dans son Règlement la formule des questions orales avec débat portant sur des sujets européens, c'est tout naturellement qu'il a tenu à y associer, à travers des procédures spécifiques, sa Délégation pour les Communautés Européennes. Appelé aujourd'hui à insérer dans son Règlement un nouveau dispositif lié aux normes européennes, il paraît tout aussi indispensable d'y associer la Délégation, par d'autres procédures également spécifiques.

Tel est le deuxième impératif auquel, selon votre commission des Lois, devra satisfaire la Résolution tendant à insérer dans le Règlement du Sénat les dispositions nécessaires à la mise en oeoeuvre de l'article 88-4 de la Constitution.

C. LA NÉCESSITÉ DE NE PAS MÉCONNAÎTRE LES CONTRAINTES QUI POURRONT RÉSULTER POUR LE SÉNAT DU CALENDRIER DES NÉGOCIATIONS COMMUNAUTAIRES

Bien que le Constituant soit demeuré muet sur ce point, la nécessité d'instituer la possibilité de fixer un délai limite pour la mise en oeuvre de l'article 88-4 nouveau de la Constitution apparaît clairement si l'on considère les contraintes d'ordre du jour auxquelles, dans le cadre des négociations européennes, le Gouvernement est lui-même tenu au sein du Conseil des Ministres des Communautés.

En pratique, il peut s'écouler des délais très variables entre le moment où la Commission des Communautés Européennes adopte une Proposition d'Acte Communautaire et celui où le Conseil des Ministres sera appelé à en délibérer. D'après les renseignements obtenus par votre Commission, ces délais peuvent varier entre moins de vingt-quatre heures et plusieurs années. Pour la proposition de Directive sur la Société Anonyme Européenne, - qui n'est toujours pas entrée en vigueur, - ce délai est hélas déjà de 25 ans.

Il n'est pas douteux qu'en cas d'urgence, la procédure instituée par l'article 88-4 nouveau de la Constitution risque d'être difficile à mettre en oeuvre, le Gouvernement pouvant se voir contraint d'exprimer la position de la France avant même que les Assemblées Parlementaires aient eu la possibilité de lui faire connaître la leur.

Hors ces cas extrêmes, - heureusement malgré tout exceptionnels -, il demeure raisonnable de prévoir pour le Gouvernement la faculté, lors du dépôt de la Proposition d'Acte Communautaire, de demander au Sénat de l'examiner dans un délai maximum, lequel ne peut pas être inférieur à un mois.

Passé ce délai, le Gouvernement pourrait être fondé à considérer que le Sénat n'a pas jugé opportun de se prononcer.

Comme on le verra dans la suite du présent rapport, cette nécessité de ne pas méconnaître les contraintes du Calendrier des négociations communautaires n'avait d'ailleurs pas échappé à l'attention des auteurs des propositions de résolution n° 36 et 47.

Elle n'avait pas non plus échappé à la vigilance du Constituant, lequel a effectivement prévu au deuxième alinéa de l'article 88-4 nouveau de la Constitution que « Pendant les sessions ou en dehors d'elles des résolutions peuvent être votées dans le cadre du présent article selon des modalités déterminées par le Règlement de chaque Assemblée ».

Ce dispositif constitue une exception majeure aux dispositions réglementaires applicables au vote des Résolutions de droit commun, dont l'adoption ne peut intervenir que durant les Sessions du Parlement.

La disposition qui vient ainsi d'être insérée dans la Constitution permet à chacune des deux Assemblées Parlementaires de se prononcer à tout instant de l'année et de s'adapter ainsi aux exigences du calendrier des négociations communautaires.

Tel est le troisième impératif auquel, selon votre commission des Lois, devra satisfaire la Résolution tendant à insérer dans le Règlement du Sénat les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 88-4 de la Constitution.

III. LE DISPOSITIF DES TROIS PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION DONT LE SÉNAT EST SAISI

Les trois propositions de résolution dont le Sénat est actuellement saisi poursuivent le même objectif mais prévoient à cette fin des mécanismes assez divergents.

Votre Commission les a examinées, dans Tordre de leur dépôt, au regard des orientations générales du Sénat pour la mise en oeuvre de l'article 88-4 nouveau de la Constitution, compte tenu de ses propres préoccupations et avec le souci de vous proposer in fine des solutions aussi proches que possible des procédures et des méthodes de travail en vigueur au Sénat. Cette démarche a conduit à rechercher dans quelle mesure chacune de ces trois propositions satisfait aux impératifs exposés ci-avant et à retenir de telle ou telle les mécanismes de nature à y répondre.

A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 20 DÉPOSÉE LE 21 OCTOBRE 1992 PAR MM. MICHEL PONIATOWSKI, JEAN DELANEAU, AMBROISE DUPONT, ROLAND DU LUART ET PHILIPPE NACHBAR

Cette première proposition est empreinte d'un caractère tout à fait innovateur puisqu'elle confie, pour l'essentiel, à la Délégation du Sénat pour les Communautés européennes le soin d'élaborer et d'adopter les Résolutions prévues par l'article 88-4 de la Constitution. Sur ce point elle répond, certes, à l'impératif d'association de cette Délégation au processus d'élaboration de Résolutions, mais les formules qu'elle propose à cette fin paraissent trop éloignées de la Pratique Sénatoriale pour pouvoir être admises telles quelles.

C'est ainsi que, conformément aux articles 47 decies et suivants de leur proposition, ses auteurs entendent insérer dans le Règlement du Sénat une disposition, qui obligerait le Président du Sénat à saisir la Délégation de toute Proposition d'Acte Communautaire comportant des dispositions de nature législative. La Délégation pourrait adopter des Propositions de Résolution qui, sauf inscription à l'ordre du jour du Sénat demandée à la Conférence des Présidents par le Président du Sénat, par un Président de Groupe Politique, par un Président de Commission Permanente ou par le Gouvernement, seraient, au terme d'un délai de quinze jours, considérées comme adoptées par le Sénat. Il en serait de même en cas de rejet, par la Conférence des Présidents, de la demande d'inscription à l'ordre du jour.

Si elle le jugeait utile, la Délégation pourrait également demander elle-même à la Conférence des Présidents, l'inscription à l'ordre du jour de ses propositions de Résolution. Dans cette hypothèse, la discussion de la proposition de Résolution puis son vote se dérouleraient dans des conditions analogues à celles des autres propositions de résolution, exception faite toutefois de la discussion générale qui serait ouverte par la présentation de la proposition par le rapporteur de la Délégation pour les Communautés Européennes et non, comme à l'ordinaire, par le Rapporteur de la Commission compétente. Le texte pourrait toutefois être amendé dans les conditions habituelles et des explications de vote seraient autorisées dans la limite de cinq minutes.

Selon cette proposition de résolution n° 20, la Délégation conserverait enfin la possibilité, après en avoir informé le Bureau du Sénat, de saisir une Commission Permanente d'une Proposition d'Acte communautaire. Les compétences de la Délégation en matière d'adoption et de demande d'inscription à l'ordre du jour du Sénat d'une Proposition de Résolution seraient alors transférées à la Commission saisie. Dans cette hypothèse, le texte adopté par la Commission n'aurait, toutefois, pas vocation au terme d'un délai de quinze jours, à devenir une Résolution du Sénat. Pour qu'il en soit ainsi, le texte devrait nécessairement être adopté en Séance Publique.

À l'issue de la procédure, c'est-à-dire, selon le cas, après son vote au sein de la Délégation ou en Séance Publique, la Résolution serait transmise au Gouvernement.

Ce dispositif essentiellement axé sur l'intervention de la Délégation pour les Communautés européennes ne permettrait donc pas aux Sénateurs de déposer eux-mêmes des Propositions de Résolution : tout au plus seraient-ils en mesure de déposer des amendements sur les seules propositions de résolution examinées en Séance Publique.

Enfin la proposition de résolution n° 20 tire les conséquences de cette intervention accrue de la Délégation pour les Communautés Européennes en prévoyant d'associer désormais son Président aux travaux de la Conférence des Présidents chaque fois que celle-ci devrait se prononcer sur l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de propositions de résolution adoptées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, comme c'est d'ailleurs déjà le cas lorsqu'elle se prononce sur l'inscription à l'ordre du jour du Sénat des questions orales européennes.

B. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 36 DÉPOSÉE LE 5 NOVEMBRE 1992 PAR LE PRÉSIDENT JACQUES LARCHÉ

Le dispositif de cette proposition est sans aucun doute celui qui, des trois Propositions de Résolution dont nous sommes saisis, demeure le plus proche du Droit commun, puisqu'il n'introduit dans le Règlement du Sénat que les strictes modifications nécessitées par les conditions spécifiques de mise en oeuvre de l'article 88-4 nouveau de la Constitution.

C'est ainsi que les Propositions d'Acte Communautaire soumises au Sénat par le Gouvernement dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution seraient déposées sur le Bureau du Sénat. Ces propositions seraient imprimées et distribuées.

Pour des motifs identiques à ceux développés dans la Proposition de Résolution n° 47 présentée ci-après, la proposition de résolution n° 36 prévoit également que le Gouvernement pourrait demander au Sénat d'examiner les Propositions d'Acte Communautaire dans un délai maximum qui ne pourrait être inférieur à quatre mois.

Dans ce délai, chaque Sénateur pourrait déposer dans les conditions de droit commun une Proposition de Résolution sur les Propositions d'Acte Communautaire. Ces Propositions de Résolution seraient renvoyées à la Commission Permanente compétente, laquelle désignerait un rapporteur, examinerait la Proposition de Résolution et adopterait le texte d'une Proposition de Résolution. Par ailleurs, la Commission aurait la faculté d'élaborer de sa propre initiative une Proposition de Résolution.

Sur un point, la Proposition de Résolution n°36 déroge pourtant au Droit commun : il est en effet proposé que la Proposition de Résolution adoptée par la Commission devienne la Résolution du Sénat au terme d'un délai de quinze jours sauf si, dans ce délai, le Président du Sénat, le Président d'un Groupe Politique, le Président d'une Commission Permanente ou le Gouvernement demande à la Conférence des Présidents que ce texte soit examiné en Séance Publique. Le Président de la Délégation pourrait également demander à la Conférence des Présidents l'inscription à l'ordre du jour du Sénat d'une Proposition de Résolution adoptée par la Commission Permanente compétente.

Ainsi saisie, la Conférence des Présidents disposerait pour statuer sur l'inscription à l'ordre du jour du Sénat d'un délai de dix jours francs suivant la publication au Journal Officiel de la demande. Passé ce délai, la Proposition de Résolution deviendrait la Résolution du Sénat et serait transmise au Gouvernement par le Président du Sénat.

Il convient de relever que la proposition de Résolution n° 36 autorise le Président de la Délégation pour les Communautés européennes à participer avec voix délibérative aux travaux de la Commission Permanente consacrés à l'examen d'une proposition de Résolution, comme peut le faire en vertu de l'article 17 du Règlement du Sénat, - mais seulement à titre consultatif -, le Rapporteur pour avis d'un projet ou d'une proposition de loi.

La Proposition de Résolution n°36 prévoit enfin que le Président de la Délégation devienne membre à part entière de la Conférence des Présidents. Elle va donc au-delà des dispositions actuelles du Règlement du Sénat mais au-delà aussi de la proposition formulée sur ce point par les auteurs de la Proposition de Résolution n° 20 examinée ci-avant.

C. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 47 DÉPOSÉE LE 17 NOVEMBRE 1992 PAR MME HÉLÈNE LUC ET LES MEMBRES DU GROUPE COMMUNISTE

S'agissant des rôles respectifs des Commissions Permanentes et de la Délégation pour les Communautés Européennes, - et contrairement en cela à la proposition de résolution n° 20 de M. Poniatowski -, la Proposition de Résolution de Mme Hélène Luc et des Membres du Groupe Communiste demeure assez proche du Droit commun actuel : à ce titre, elle satisfait donc à l'un des impératifs essentiels au centre des préoccupations de votre Commission des Lois.

Conformément à l'article 73 bis que l'article unique de cette proposition suggère d'introduire dans le Règlement du Sénat, la Délégation ne serait en effet saisie que pour avis des Propositions d'Acte Communautaire comportant des dispositions de nature législative, lesquelles seraient renvoyées au fond par le Président du Sénat aux Commissions Permanentes compétentes.

De même, chaque Sénateur pourrait déposer une Proposition de Résolution qui serait alors renvoyée à la Commission Permanente compétente par le Président du Sénat dans les conditions de droit commun.

La proposition de résolution n° 47 prévoit par ailleurs que, sur décision de la Conférence des Présidents dans les conditions prévues au chapitre VII bis du Règlement du Sénat, les procédures abrégées (vote sans débat et vote avec débat restreint) seraient applicables à la discussion des Propositions de Résolution, objet du second alinéa de l'article 88-4 nouveau de la Constitution.

À l'issue de la procédure, les Résolutions devenues définitives seraient transmises au Gouvernement.

Cette Proposition de Résolution présente également le mérite d'avoir tenté de prendre en compte le calendrier des négociations communautaires et, à cette fin, prévoit que le Gouvernement, - qu'on sait lui-même tenu à des contraintes très strictes d'ordre du jour au sein du Conseil des Ministres des Communautés Européennes -, puisse demander au Sénat d'examiner les propositions d'actes communautaires dans un délai maximum qui ne pourrait être inférieur à quatre mois.

Sur plusieurs autres points, en revanche, cette Proposition de Résolution introduirait dans le Règlement du Sénat des innovations qui s'éloignent très sensiblement des dispositions actuelles du Règlement du Sénat et qui apparaissent trop nettement dérogatoires au Droit commun des Assemblées Parlementaires pour pouvoir être proposées par votre Commission des Lois à l'agrément du Sénat.

C'est ainsi, en particulier, que la Commission Permanente compétente saisie au fond serait tenue de déposer un rapport dans un délai d'un mois ; passé ce délai, une Proposition de Résolution présentée par un Sénateur deviendrait, faute de son inscription à l'ordre du jour du Sénat, une Résolution du Sénat qu'elle ait été ou non adoptée par la Commission Permanente compétente. L'exception au droit commun réside bien sûr dans l'expression « ou non », puisque le non-examen des propositions de résolution par la Commission Permanente compétente rendrait ces propositions définitives, alors que, ordinairement, cette situation conduit au contraire à les rendre caduques dans les conditions prévues par l'article 28 du Règlement du Sénat.

D'autre part, la demande d'inscription à l'ordre du jour du Sénat d'une Proposition de Résolution adoptée dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution serait de droit à la demande d'un Président de Groupe Politique durant les Sessions, la demande formulée en dehors des Sessions étant examinée par la Conférence des Présidents qui s'assurerait du respect des délais de procédure tels que déterminés ci-avant : cette inscription de droit à l'ordre du jour représente également une dérogation importante aux règles applicables en la matière.

IV. LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS DU SÉNAT

Sur le fond, votre Commission des Lois s'est attachée à vérifier dans quelle mesure chacune des trois propositions de résolution en cause répondait à la fois aux orientations générales du Sénat pour la mise en oeuvre de l'article 88-4 nouveau de la Constitution, - telles que rappelées dans le premier chapitre du présent rapports, et à ses préoccupations, - elles qu'elles ont été récapitulées au chapitre II de ce rapports.

À cet égard, la proposition de résolution n°36 présentée par le Président Jacques Larché semble la plus proche de tous ces impératifs, dans la mesure où :


• elle garantit l'information de chaque Sénateur et leur offre la possibilité d'intervenir personnellement dans la procédure, moyennant le dépôt d'une Proposition de Résolution ou d'un amendement ;


• elle prend en compte le rôle naturel des Commissions Permanentes dans l'élaboration des dispositions de nature législative ;


• elle s'efforce également de consacrer le rôle spécifique imparti à la Délégation pour les Communautés Européennes et d'assurer plus d'efficacité à ses interventions en matière de Propositions d'Acte Communautaire ;


• elle ne s'éloigne sur le plan procédural que dans la stricte mesure du nécessaire des règles actuellement applicables aux Propositions de Résolution.

Pour autant, ce n'est pas par référence à cette seule proposition n° 36 mais bien à l'ensemble des trois propositions de résolution dont le Sénat est saisi, que votre commission des Lois a organisé sa délibération et présenté ses propositions. Elles prennent en compte dans chacun de leurs dispositifs, tout ce qui lui est apparu conforme aux orientations générales du Sénat, à ses préoccupations et aux impératifs précédemment exposés.

Un très large débat en Commission a par ailleurs permis de préciser nombre de points, notamment en ce qui concerne le rôle imparti à la Délégation pour les Communautés Européennes, les missions des Commissions Permanentes, celles de la Commission Permanente compétente, les modalités d'exercice du droit d'amendement et la procédure d'examen et d'adoption des propositions de résolution.

Les propositions qui vous sont présentées ci-après résultent ainsi d'une réflexion approfondie et devraient permettre de conférer une pleine effectivité aux dispositions de l'article 88-4 nouveau de la Constitution.

A. LES MODALITÉS DE SOUMISSION AU SÉNAT PAR LE GOUVERNEMENT DES PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

Votre Commission vous propose de prévoir que les Propositions d'Acte Communautaire que le Gouvernement doit soumettre au Sénat parce que comportant des dispositions de nature législative seraient déposées sur le Bureau du Sénat. Outre que seul un tel dépôt assurera ab initio à l'ensemble de la procédure plus de solennité qu'une simple transmission ou une simple communication, il semble en effet préférable d'opérer une distinction, - ne fût-elle que terminologique-, entre la procédure instituée par l'article 88-4 nouveau de la Constitution et celle de l'article 6 bis de l'Ordonnance du 17 novembre 1958 précitée instituant les Délégations pour les Communautés européennes, aux termes duquel « ... Le Gouvernement leur communique , dès leur transmission au Conseil des Communautés, les projets de directive et de règlement et autres actes communautaires... »

B. LE CONTRÔLE PAR LA DÉLÉGATION DU SÉNAT POUR LES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES DE L'APPLICATION SCRUPULEUSE PAR LE GOUVERNEMENT DES OBLIGATIONS QUE LUI ASSIGNE LE PREMIER ALINÉA DE L'ARTICLE 88-4 NOUVEAU DE LA CONSTITUTION

Ainsi qu'il a été dit, le mécanisme institué par l'article 88-4 de la Constitution suppose que s'établisse une réelle coopération entre le Gouvernement et chacune des deux Assemblées du Parlement.

Les travaux de votre commission des Lois lui ont toutefois permis de mesurer la difficulté qui risquerait d'advenir si, pour une raison ou une autre, le Gouvernement refusait ou omettait de soumettre au Sénat une ou plusieurs Propositions d'Acte Communautaire comportant des dispositions de nature législative. Si le Constituant a certes institué une obligation pour le Gouvernement, il ne l'a assortie d'aucun mécanisme spécifique de contrôle et de sanction.

Faute d'une sanction constitutionnelle, le mécanisme du premier alinéa de l'article 88-4 de la Constitution doit donc être au moins entouré d'une garantie supplémentaire et, en l'espèce, la Délégation pour les Communautés Européennes paraît la mieux à même de l'offrir, puisqu'elle reçoit communication de l'ensemble des projets d'actes communautaires, qu'ils comportent ou non des dispositions de nature législative.

De ce fait, la Délégation sera à même de vérifier si le Gouvernement dépose bien sur le Bureau du Sénat toutes les Propositions d'Acte Communautaire qui doivent être soumises à notre Haute Assemblée.

Aussi votre Commission vous propose-t-elle qu'en pareil cas, la Délégation saisisse le Président du Sénat de la Proposition d'Acte Communautaire non déposée par le Gouvernement et que le Président du Sénat demande aussitôt à celui-ci de la soumettre au Sénat comme il en a désormais l'obligation constitutionnelle.

C. LE DÉLAI MINIMUM D'EXAMEN DES PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE

Au bénéfice des observations formulées aux chapitres II §, III § B et § C du présent rapport, votre Commission vous propose d'accorder au Gouvernement la faculté de demander au Sénat, au moment du dépôt d'une Proposition d'Acte Communautaire, de se prononcer, s'il l'estime opportun, dans un délai maximum, de façon à tenter de prendre en compte les contraintes du calendrier des négociations communautaires, dont on a vu qu'il pouvait obliger le Gouvernement à répondre dans des délais très brefs.

À cet égard, il apparaît que si le délai proposé par le Président Jacques Larché ou par Mme Hélène Luc et les Membres du Groupe Communiste a été par eux fixé à quatre mois, à l'évidence pour tenir compte de la durée des intersessions du Parlement, ce délai ne répond pas de manière satisfaisante aux exigences du calendrier des négociations communautaires, la durée de ce délai étant beaucoup trop longue pour faire face à une situation d'urgence.

Or le second alinéa de l'article 88-4 nouveau de la Constitution reconnaît à l'Assemblée nationale et au Sénat le droit de voter « pendant les sessions ou en dehors d'elles » des Résolutions « dans le cadre du présent article », donc des résolutions exclusivement relatives aux propositions d'Acte Communautaire visées au premier alinéa de cet article 88-4.

Pour toutes ces raisons, votre Commission vous propose de ramener ce délai à un mois.

Il reste qu'il ne s'agit que d'un délai minimum et que le Gouvernement conserve bien sûr toute latitude pour consentir à l'Assemblée Nationale et au Sénat un délai plus long ou même pour n'en fixer aucun, s'il l'estime inutile en fonction des contraintes du Calendrier des négociations communautaires.

D. L'INFORMATION DES SÉNATEURS SUR LES PROPOSITIONS D'ACTE COMMUNAUTAIRE ET LE DÉPÔT DES PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION


• L'information des Sénateurs sur les propositions d'actes communautaires

La proposition de résolution qui vous est présentée institue un mécanisme d'information des Sénateurs identique à celui mis en oeuvre pour les propositions de loi ou de résolution, puisque les Propositions d'Acte Communautaire déposées sur le Bureau du Sénat seraient imprimées, au moins sous une forme multigraphiée, et distribuées à tous les Sénateurs. La distribution des Propositions d'Acte Communautaire soumises au Sénat permettrait ainsi à chaque Sénateur d'en prendre connaissance et, s'il l'estime opportun, de déposer une Proposition de Résolution sur ces textes.

Bien que cette disposition n'ait pas à figurer dans le Règlement du Sénat mais plutôt dans l'Instruction Générale du Bureau, il sera sans doute souhaitable que le document distribué reproduise la lettre de dépôt du Gouvernement, si celui-ci accepte conformément au voeu de votre Commission ci-dessus exposé (cf chapitre I § A) d'y mentionner les dispositions qu'il considère de nature législative et qui l'ont d'ailleurs conduit à procéder à ce dépôt.


Le dépôt par les Sénateurs de propositions de résolution

Le paragraphe 3 de l'article 73 bis qu'il vous est proposé d'introduire dans le Règlement du Sénat prévoit que des propositions de résolution sur les propositions d'actes communautaires pourraient être présentées par tous les sénateurs : il s'agit, là encore, d'un dispositif inspiré à la fois par la proposition n° 36 et la proposition n° 47. Ces propositions de résolution seraient imprimées, distribuées et renvoyées par le Président du Sénat à la Commission Permanente compétente dans les conditions habituelles.

E. LA PROCÉDURE D'EXAMEN ET D'ADOPTION DES RÉSOLUTIONS

Votre Commission a estimé qu'il convenait dans ce domaine de se conformer dans toute la mesure du possible aux méthodes habituelles de travail du Sénat.

C'est ainsi que sur la base d'une ou plusieurs propositions de résolution et au vu de la Proposition d'Acte Communautaire auxquelles elles se rapportent, la Commission Permanente saisie au fond désignerait un rapporteur et élaborerait un rapport, comportant le cas échéant une Proposition de Résolution.

Ce rapport serait imprimé et distribué dans les conditions habituelles, sous réserve des exceptions présentées ci-après.


• L'éventualité d'une demande d'avis formulée par la Commission compétente à la Délégation du Sénat pour les Communautés européennes

Indépendamment de son intervention en amont, telle qu'elle pourrait être organisée conformément aux propositions ci-dessus formulées par votre Commission, il apparaît souhaitable que les Commissions Permanentes puissent, chaque fois qu'elles en éprouvent le besoin, bénéficier de l'expérience de la Délégation du Sénat pour les Communautés Européennes.

Dans le même temps, il ne semble pas opportun de risquer de voir la Délégation assimilée à une Commission Permanente de plus, - en l'espèce, à cette fameuse « septième Commission » -, à la création de laquelle le Constituant s'est toujours refusé. Cela n'aurait pas manqué de résulter de l'attribution à la Délégation de compétences identiques à celles des Commissions Permanentes, par exemple en matière de saisine pour avis.

Votre Commission vous propose donc sur ce point une solution médiane.

Le paragraphe 4 de l'article 73 bis qui vous est présenté comporte en effet une innovation, puisqu'il permettrait à la Commission compétente de demander à la Délégation du Sénat pour les Communautés européennes son avis sur certaines Propositions d'Acte Communautaire soumises au Sénat. Cette procédure permettrait à la Délégation de faire connaître à la Commission sa position sur les sujets relevant de sa compétence naturelle, sans empiétement toutefois sur les compétences propres des Commissions Permanentes à l'égard des Résolutions comportant des dispositions de nature législative.

Prolongé par le droit d'amendement devant la Commission compétente que vous propose d'instituer votre Commission des Lois {cf. infra), ce dispositif permettrait ainsi à la Délégation d'être associée, par les procédures idoines, à l'élaboration des résolutions prévues par l'article 88-4 nouveau de la Constitution, dans le respect toutefois des principes de répartition des compétences entre les Commissions Permanentes et la Délégation.


Les deux phases d'élaboration de la résolution de la Commission compétente

La Commission compétente serait chargée d'examiner les Propositions de Résolution, au vu des Propositions d'acte communautaire auxquelles elles se rapportent et d'adopter, sur cette base, un rapport, c'est-à-dire des conclusions comportant, le cas échéant, une proposition de résolution résultant des travaux de la Commission.

À l'issue de cette première phase, - tout à fait similaire à celle de l'examen des autres Propositions de Résolution prévues par le Règlement du Sénat -, le rapport de la Commission serait imprimé puis distribué de façon à ce que chaque Sénateur puisse en prendre connaissance.

Il vous est par ailleurs proposé que le Président de la Délégation pour les Communautés Européennes ou son représentant puisse participer avec voix consultative aux réunions de la Commission compétente, comme y sont déjà autorisés les rapporteurs des Commissions saisies pour avis.

La Commission compétente fixerait également un délai-limite pour le dépôt des amendements : avant l'expiration de ce délai, le Gouvernement, les Sénateurs, les Commissions saisies pour avis, ainsi que la Délégation du Sénat pour les Communautés Européennes, - quand bien même la Commission n'aurait pas demandé à cette dernière de faire connaître son avis -, pourraient déposer directement auprès de la Commission compétente des amendements que celle-ci examinerait au cours d'une seconde délibération en vue de l'adoption de sa Résolution, en la forme définitive.

Cette résolution serait transmise au Président du Sénat, imprimée et distribuée. Ce texte représentant la résolution adoptée par la Commission, il deviendrait comme tel la résolution du Sénat sauf si, dans un délai de dix jours, une demande d'examen en Séance Publique par le Sénat était formulée et acceptée selon les règles prévues pour la fixation de l'ordre du jour complémentaire.


L'exercice du droit d'amendement devant la Commission puis, le cas échéant, en Séance Publique

Votre Commission n'a pas souhaité enfermer l'exercice du droit d'amendement dans des règles procédurales trop détaillées, en instituant par exemple des formules particulières de dépôt des amendements devant la Commission compétente.

Le génie du Règlement du Sénat réside en effet dans sa souplesse, en ce qu'il laisse aux Instances chargées de sa mise en oeuvre le soin d'en préciser les modalités d'application et les nécessaires interprétations dans les différents cas de figure susceptibles de se présenter.

Il a toutefois semblé utile à votre commission des Lois de prévoir qu'au stade de l'examen des Propositions de Résolution par la Commission compétente, les amendements seraient soutenus par leurs auteurs dans les mêmes conditions qu'en Séance Publique : soit par l'auteur de l'amendement s'il s'agit d'un Sénateur, soit par le rapporteur de la Commission saisie pour avis, soit enfin, dans le cas des amendements présentés par le Gouvernement, par un de ses membres, lesquels ont accès aux Commissions conformément à l'article 18 du Règlement du Sénat.

Toutefois, pour simplifier et alléger le travail des Commissions, il vous est proposé que les amendements présentés par plusieurs Sénateurs soient soutenus devant la Commission par l'un de ceux des signataires qui en sont membres s'il en est un et, s'il n'en existe pas, par leur premier signataire.

En tout état de cause, il convient de bien distinguer entre les amendements déposés directement devant la Commission et ceux qui pourraient être ultérieurement déposés au Service de la Séance sur une Résolution adoptée par une Commission, mais devant être examinée en séance publique. Ces derniers seraient soumis au droit commun et donc déposés et distribués dans les conditions habituelles.

Il convient également de souligner que la Délégation pour les Communautés Européennes, dès lors qu'elle ne serait pas saisie pour avis dans les mêmes conditions que les Commissions Permanentes, ne serait pas admise à présenter ses conclusions ni ses amendements en Séance Publique, mais seulement devant la Commission compétente.

Rien n'interdira toutefois au Président de la Délégation ou à son représentant de déposer des amendements en Séance Publique, comme peuvent le faire tous les autres Sénateurs. Rien non plus ne lui interdira d'indiquer au Sénat, dans son exposé des motifs, puis lorsqu'il sera appelé à les soutenir devant le Sénat, que les amendements en cause auront été déposés à l'initiative de la Délégation, si tel est le cas.

En définitive, le mécanisme qui vous est proposé repose sur une distinction simple :

- au sein de la Commission Permanente compétente, les Propositions de Résolution seront examinées en deux étapes : en premier lieu, l'élaboration d'un texte dit « Proposition de Résolution de la Commission » puis, en second lieu, l'examen des amendements extérieurs, qui, s'ils sont retenus, s'intègrent dans le texte définitif de la Commission, dénommé « Résolution de la Commission » afin de le distinguer de la « Proposition de Résolution » initiale et de la « Résolution du Sénat » qui pourra résulter soit d'une absence de demande de délibération en Séance Publique, soit d'une délibération en Séance Publique.

- en Séance Publique, ce seront en revanche les règles du droit commun qui s'appliqueront aux amendements déposés sur la Résolution de la Commission.

Ce dispositif, pour complexe qu'il puisse paraître de prime abord, a pour finalité de préserver le droit d'amendement de tous les Sénateurs, y compris ceux qui ne sont pas membres de la Commission, et du Gouvernement. Cet impératif s'impose de manière d'autant plus catégorique que certaines Résolutions des Commissions sont appelées à devenir des Résolutions du Sénat, sans avoir été examinées en Séance Publique.


Transmission au Président du Sénat, impression et distribution de la résolution adoptée par la Commission

À l'issue des travaux de la Commission, la Résolution qu'elle aurait adoptée serait transmise au Président du Sénat, imprimée et distribuée. Ces formalités ne porteraient que sur la résolution proprement dite, puisque le rapport complet de la Commission comportant éventuellement une Proposition de Résolution, aurait déjà été imprimé et distribué au terme de sa première délibération.

F. POUR L'ADOPTION DÉFINITIVE DES RÉSOLUTIONS DU SÉNAT, L'OPTION ENTRE LES RÉSOLUTIONS ADOPTÉES EN COMMISSION ET LES RÉSOLUTIONS ADOPTÉES EN SÉANCE PUBLIQUE

Dans l'esprit de votre Commission des Lois, c'est la Proposition de Résolution européenne adoptée par la Commission compétente, devenue après amendements éventuels la Résolution de la Commission qui aura normalement vocation à devenir la Résolution du Sénat.

Afin d'éviter l'encombrement de l'ordre du jour du Sénat, déjà surchargé par l'examen des textes d'origine gouvernementale, la discussion en Séance Publique des Résolutions élaborées par les Commissions ne devrait intervenir que dans des cas particuliers, quand ce ne serait que pour en préserver toute la solennité. Tel pourrait être le cas, par exemple, pour des Propositions d'Acte Communautaire revêtant une importance toute particulière, ou dont l'ampleur excéderait manifestement la compétence d'une seule Commission Permanente.


La nécessaire distinction entre les résolutions adoptées par la Commission et celles votées en Séance Publique

Il convient pourtant d'admettre qu'une différence de nature pourra s'établir entre les résolutions du Sénat adoptées en Commission et les résolutions du Sénat que celui-ci aura adoptées en Séance Publique. On pourrait justifier cette différence en considérant que du fait de sa composition proportionnelle à celle de l'Assemblée Plénière, la Commission compétente sera à même de refléter le point de vue du Sénat tout entier, mais pas de l' exprimer dans la même plénitude. Il s'ensuivra une sorte de hiérarchie des résolutions, qui trouve d'ailleurs sa sanction naturelle dans le dispositif qui vous est proposé puisqu'il permettra au Sénat, le cas échéant, d'approuver ou de modifier en Assemblée Plénière le texte de la résolution élaboré par la Commission.

Ces observations justifient pour l'essentiel les options qu'a retenues votre Commission des Lois pour fixer le dispositif de répartition des rôles respectifs de la Commission et de la Séance Publique en matière de résolutions adoptées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution.


Le délai au terme duquel les Résolution adoptées par la Commission pourraient devenir des Résolutions du Sénat.

Les trois propositions de résolution soumises à notre examen prévoient que les Résolutions adoptées en Commission et dont l'examen en Séance Publique n'aura pas été demandé ou aura été refusé deviennent les Résolutions du Sénat au terme d'un certain délai : quinze jours pour les auteurs des propositions n° 20 et 36, un

mois pour ceux de la proposition n° 47.

Votre Commission a entériné ce principe en vous proposant néanmoins d'abréger ce délai de façon à pouvoir se prononcer le plus rapidement possible lorsque l'urgence le justifie. Il vous est ainsi proposé que la résolution de la Commission devienne la résolution du Sénat au terme d'un délai de dix jours francs suivant sa distribution.

Toutefois, avant l'expiration de ce délai, la Conférence des Présidents pourrait toujours prendre l'initiative de proposer au Sénat d'examiner la Résolution de la Commission ; si le Sénat entérinait cette décision, le délai de dix jours cesserait de courir et la résolution de la Commission ne deviendrait la résolution du Sénat qu'après son vote en Séance Publique.

Avant l'expiration de ce même délai, le Sénat pourrait pareillement se saisir de la Résolution de la Commission, en décidant sa discussion immédiate dans les conditions prévues par l'article 30 du Règlement du Sénat.

Dans la même perspective, votre Commission rappelle que les articles 31 et 42 § 6-c du Règlement du Sénat confèrent aux auteurs des Propositions de Résolution sur lesquelles la Commission compétente n'a pas présenté de rapport ou a présenté des conclusions tendant à leur rejet la possibilité d'en demander au Sénat la discussion immédiate.


La formulation d'une demande d'examen des Résolutions en Séance Publique

En dehors de tous ces cas de figure, qui amèneraient le Sénat à statuer lui-même et ne nécessitent donc pas d'introduire dans son Règlement de disposition explicite particulière, il vous est proposé qu'une demande d'examen en Séance Publique de la Résolution adoptée par la Commission puisse être formulée par le Président du Sénat, le Président d'un Groupe Politique, le Président de la Commission Permanente compétente, le Gouvernement.

Conformément aux observations formulées précédemment, cet examen en Séance plénière se justifiera soit pour des Résolutions s'appliquant à des Propositions d'Acte Communautaire très importantes, soit sur des Résolutions des Commissions dont l'auteur de la demande estimerait qu'elles ne reflètent pas réellement l'opinion de la Majorité du Sénat.

Ce mécanisme d'appel à la Séance Publique prolonge donc le droit d'amendement que votre Commission vous propose d'instituer, avec le même souci de permettre l'adoption de résolutions traduisant le plus exactement possible l'opinion de la Majorité du Sénat.

Dans la mesure où l'article 88-4 nouveau de la Constitution a pour objet essentiel de permettre au Sénat de faire connaître au Gouvernement pendant les sessions ou en dehors d'elles sa position sur telle ou telle Proposition d'Acte Communautaire, il semble logique que le Gouvernement soit aussi en mesure de solliciter, s'il l'estime utile, l'examen d'une Résolution par le Sénat tout entier.

D'autre part, le Gouvernement pourrait estimer que la résolution de la Commission ne répond pas exactement aux prescriptions de l'article 88-4 de la Constitution, dans le cas par exemple où celle-ci se serait exprimée sur telle ou telle disposition, certes incluse dans la Proposition d'Acte Communautaire mais n'étant pas de nature législative.

Autant il est légitime de souhaiter que les Résolutions adoptées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, sans avoir valeur impérative pour le Gouvernement, aient néanmoins pour lui « une valeur plus qu'indicative », - pour reprendre l'expression du Président Jacques Larché -, autant il est donc normal qu'en contrepartie, le Gouvernement, à qui la Résolution sera politiquement opposable, soit assuré de pouvoir la faire examiner s'il le juge utile par le Sénat lui-même et non simplement par un des ses organes internes.

En laissant au Gouvernement la faculté d'user de cette sorte de mécanisme d'appel, on confortera d'ailleurs l'influence des Résolutions en cause, puisqu'un Gouvernement, en présence d'une Résolution qu'il jugerait susceptible de gêner son action, ne serait pas fondé à en contester la portée, sous le faux prétexte qu'elle n'aurait pas traduit le sentiment réel du Sénat dans son ensemble.

Votre Commission n'a en revanche pas estimé souhaitable d'accorder la même faculté aux Présidents des Commissions saisies pour avis ou au Président de la Délégation du Sénat pour les Communautés européennes.

Si ceux-ci souhaitent qu'une Résolution soit examinée par la Séance Publique, ils pourront néanmoins l'indiquer en Conférence des Présidents, - laquelle, conformément aux indications rappelées ci-avant demeurerait fondée à proposer au Sénat l'inscription à l'ordre du jour avant l'expiration du délai de dix jours -, ou directement aux Autorités habilitées à formuler une telle demande, - lesquelles pourront réserver à cette suggestion la suite qu'elles jugeront souhaitables -.


• La décision sur la demande d'examen en Séance Publique,

Votre Commission a mesuré le risque de dérive lié à la faculté de demander l'examen en Séance Publique, notamment si cette faculté est reconnue au Gouvernement : des demandes trop systématiques pourraient en effet condamner la formule du vote des Résolutions en Commission et même compromettre la bonne mise en oeuvre de l'article 88-4 par suite d'un encombrement excessif de l'ordre du jour du Sénat, déjà surabondamment occupé.

L'efficacité commande en la matière d'instituer un filtre, qu'avec le Président Jacques Larché dans sa proposition n° 36 votre Commission vous propose de confier à la Conférence des Présidents. C'est à celle-ci qu'il appartiendrait ainsi de statuer sur la suite à réserver aux demandes d'examen des Résolutions en Séance Publique, soit en proposant au Sénat de les inscrire à l'ordre du jour, soit au contraire en ne décidant pas leur inscription à l'ordre du jour. Dans cette dernière hypothèse, la Résolution de la Commission deviendrait la Résolution du Sénat au terme du délai prescrit.

Le mécanisme proposé par votre commission des Lois accorde à la Conférence des Présidents vingt jours francs pour statuer sur l'opportunité de proposer ou non au Sénat l'inscription à l'ordre du jour de la Résolution de la Commission. En l'absence d'une décision expresse d'inscription à l'ordre du jour, la Résolution de la Commission deviendrait à l'issue de ce délai la résolution du Sénat.

G. TRANSMISSION AU GOUVERNEMENT ET À L'ASSEMBLÉE NATIONALE DES RÉSOLUTIONS DU SÉNAT.

Au terme de la procédure, les Résolutions du Sénat adoptées par la Commission ou en Séance Publique seraient transmises au Gouvernement par les soins de la Présidence du Sénat (dernier alinéa de l'article 73 bis).

Votre Commission estime de surcroît nécessaire de prévoir leur transmission à l'Assemblée Nationale. Cette formalité n'aurait nullement pour objet d'ouvrir une quelconque navette ni de demander aux Députés de se prononcer sur les résolutions du Sénat mais simplement de les en informer.

H. LA PARTICIPATION DU PRÉSIDENT DE LA DÉLÉGATION POUR LES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES AUX TRAVAUX DE LA CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS.

L'ensemble du dispositif présenté ci-dessus est complété par une disposition (article 2 de la proposition de résolution) tendant à rendre le Président de la Délégation pour les Communautés européennes membre à titre permanent de la Conférence des Présidents (article 29 du Règlement du Sénat).

Il convient de rappeler qu'actuellement, le Président de la Délégation pour les Communautés européennes participe déjà aux travaux de la Conférence des Présidents, lorsque celle-ci doit décider de l'inscription à l'ordre du jour de questions orales européennes.

La mesure proposée procède de la même logique, puisque la Conférence des Présidents sera désormais régulièrement appelée à statuer sur des demandes d'inscription à l'ordre du jour de Résolutions relatives à des Propositions d'Acte Communautaire. Il n'est à cet égard pas douteux que le Président de la Délégation, du fait de son expérience dans les questions européennes, sera le mieux à même de livrer à la Conférence des Présidents les informations nécessaires pour qu'elle puisse se prononcer en toute connaissance de cause.

Cette mesure contribuera par ailleurs, - au même titre que les autres compétences nouvelles qui lui sont reconnues -, à renforcer le rôle de la Délégation du Sénat pour les Communautés européennes et lui permettre d'exercer ses missions dans les meilleures conditions possibles.

*
* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, la Commission des Lois vous demande d'adopter la proposition de résolution suivante.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à insérer dans le Règlement du Sénat

les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre

de l'article 88-4 de la Constitution

Article premier

Après l'article 73 du Règlement du Sénat, il est inséré un chapitre nouveau ainsi rédigé :

« Chapitre XI bis

« Résolutions sur les propositions d'actes communautaires

« Art. 73 bis. - 1. - Les propositions d'actes communautaires soumises au Sénat par le Gouvernement en exécution du premier alinéa de l'article 88-4 de la Constitution sont déposées sur le Bureau du Sénat. Elle sont imprimées et distribuées. Lors du dépôt d'une proposition d'acte communautaire, le Gouvernement peut demander au Sénat de l'examiner dans un délai maximum qui ne peut être inférieur à un mois.

« 2. - La Délégation du Sénat pour les Communautés européennes veille au respect des dispositions du premier alinéa de l'article 88-4 de la Constitution. À cet effet, si elle constate que le Gouvernement n'a pas déposé sur le Bureau du Sénat une proposition d'acte communautaire qui lui paraît de nature législative, la Délégation en saisit le Président du Sénat qui demande au Gouvernement de soumettre au Sénat la proposition d'acte communautaire en cause.

« 3. - Sous réserve des dispositions du présent article, les propositions de résolution déposées dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution sont soumises aux mêmes règles que celles prévues par le présent Règlement pour les autres propositions de résolution.

« 4. - Sans préjudice des dispositions de l'article 6 bis de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, la Commission compétente peut demander à la Délégation de lui donner son avis sur une proposition d'acte communautaire.

« 5. - Le président de la Délégation ou son représentant peut participer à titre consultatif aux travaux de la commission.

« 6. - Le rapport de la Commission, comportant le cas échéant la proposition de résolution qu'elle a adoptée, est imprimé et distribué.

« 7. - Après l'expiration du délai limite qu'elle a fixé pour leur dépôt, la commission compétente examine les amendements qui lui ont été présentés par le Gouvernement, les Sénateurs, les Commissions saisies pour avis ou la Délégation pour les Communautés européennes. Les amendements, lorsqu'ils sont signés par plusieurs sénateurs, sont présentés devant la Commission par l'un des signataires qui en sont membres ou, s'il n'y en a pas, par le premier des signataires.

« 8. - La proposition de résolution de la Commission compétente, modifiée le cas échéant par les amendements qu'elle a adoptés, est transmise au Président du Sénat, imprimée et distribuée. Cette résolution de la Commission devient la résolution du Sénat au terme d'un délai de dix jours francs suivant la date de sa distribution sauf si, dans ce délai, le Président du Sénat, le président d'un Groupe politique, le président de la Commission compétente ou le Gouvernement demande qu'elle soit examinée par le Sénat.

« 9. - Si, dans les vingt jours francs qui suivent cette demande, la conférence des Présidents ne propose pas ou le Sénat ne décide pas son inscription à l'ordre du jour, la résolution de la Commission devient la résolution du Sénat.

« 10. - Les résolutions du Sénat adoptées dans le cadre du présent article sont transmises au Gouvernement et à l'Assemblée nationale. ».

Art. 2

I. Dans la première phrase du premier paragraphe (1) de l'article 29 du Règlement du Sénat entre les mots : « les présidents des Commissions spéciales intéressées, » et les mots : « le rapporteur général de la Commission des finances » sont insérés les mots : « le président de la Délégation du Sénat pour les Communautés européennes, ».

II. En conséquence, la dernière phrase de ce paragraphe est supprimée.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page