N° 39

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 18 octobre 1995

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à l'accord général de coopération entre les Etats de la Commission de l'Océan Indien.

Par M. Michel ALLONCLE ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Quatre jalons essentiels ont permis la formation d'une coopération régionale dans le sud-ouest de l'Océan Indien :

- la constitution de la Commission de l'Océan Indien (COI) le 21 décembre 1982 réunissant l'Ile Maurice, Madagascar et les Seychelles ;

- un Accord général de coopération signé entre ces trois Etats à Victoria (Seychelles) le 10 janvier 1985 précisant la structure et le champ d'application de la Commission ;

- les protocoles d'adhésion de la France au titre de la Réunion et des Comores, à l'Accord général de copération le 10 janvier 1986 ;

- enfin, un protocole additionnel à l'Accord général de coopération entre les Etats de la COI.

La ratification par la France de ce dernier texte doit être autorisée par l'adoption du présent projet de loi, soumis en première lecture au Sénat. Dans la mesure où le Parlement français n'avait pas eu à connaître du protocole d'adhésion de notre pays à la COI, l'examen de ce projet de loi permet d'évaluer le dispositif de coopération régionale mis en place dans le cadre de cette institution.

En effet, le protocole additionnel innove moins qu'il ne consacre une évolution tendant au renforcement des organes de la COI à la faveur de l'essor de leur activité.

Aussi, après avoir évoqué les enjeux que représente pour la France l'Océan Indien, le rapport s'intéressera aux acquis de la coopération conduite dans le cadre de la Commission de l'Océan Indien avant d'analyser les stipulations du protocole additionnel.

I. LE SUD-OUEST DE L'OCÉAN INDIEN : UNE ZONE PEU HOMOGÈNE QUI PRÉSENTE DES ENJEUX IMPORTANTS POUR LA FRANCE

A. UN ESPACE COMPOSÉ DE PAYS TRÈS DIFFÉRENTS ET PEU INTÉGRÉS

1. Un ensemble caractérisé par sa diversité

Cette diversité a d'abord une expression géographique : Madagascar, la "Grande Île," domine par ses dimensions (587 000 km²) et son poids démographique (11,7 millions d'habitants) un ensemble composé d'archipels (les Comores -2 170 km² et 630 000 habitants- et les Seychelles -280 km² et 73 000 habitants-), ou d'îles principales (Maurice -2 045 km² et 1,12 million d'habitants- et la Réunion -2 520 km² et 640 000 habitants).

En second lieu, un département français, la Réunion, voisine avec quatre Etats souverains. Si la vie politique à Maurice devenue une république en mars 1992, avec à sa tête Cassam Uteem, repose sur un régime parlementaire inspiré des institutions britanniques, les aspirations démocratiques communes aux trois autres Etats depuis quelques années ont connu des fortunes diverses. A Madagascar, le nouveau pouvoir, partagé entre trois pôles, le président de la République (A. Zafy), le Premier ministre (F. Ravony) et le président de l'Assemblée nationale (R. Andriamanjato), s'avère impuissant à satisfaire le mouvement populaire qui avait conduit à l'éviction du président Ratsiraka (1975-1992).

Aux Comores, les premières élections libres ont suivi en 1990 l'assassinat du président Ahmed Abdallah (parvenu au pouvoir en 1978 grâce au soutien de Bob Denard). Les chefs de gouvernement se sont ensuite succédé dans un climat d'instabilité auquel n'ont pas mis fin les élections législatives organisées en 1993 dans des conditions contestées. L'éviction du président Mohamed Djohar à la suite du putsch d'octobre 1995 est une nouvelle illustration de cette vie politique agitée. Enfin, aux Seychelles, France Albert René, président de la République depuis 1977, s'est fait réélire en 1993 après l'adoption d'une constitution pluraliste.

Les niveaux de développement économique ne présentent guère d'homogénéité. Avec un revenu de 8 875 $ par habitant, la Réunion doit l'essentiel de sa prospérité aux transferts financiers de la France qui contribue à hauteur de 40% à son revenu intérieur brut. Ce soutien n'est pas en mesure cependant d'enrayer la progression du chômage qui touche plus de 34% de la population active.

A l'inverse, Maurice peut se prévaloir d'une situation de plein emploi et d'une croissance annuelle moyenne de 6,5% sur la période 1985-1993 (procurant un revenu de 2 880 $ par habitant). Ces résultats doivent beaucoup à l'essor de la zone franche qui a su attirer les investissements internationaux et notamment asiatiques. L'économie mauricienne est cependant confrontée aujourd'hui à la nécessité d'adapter ses industries (spécialisées essentiellement dans le textile) et de les orienter vers de nouveaux produits tels que l'électronique. Malgré un potentiel important, l'économie malgache, paralysée par l'impéritie de l'administration, la désorganisation des circuits financiers, l'absence d'infrastructures, reste largement tributaire de l'aide multilatérale ou bilatérale de la France notamment. Avec un revenu de 235 $ par habitant, la Grande Île figure parmi les pays les plus pauvres du monde. Enfin, le contraste entre la prospérité des Seychelles (6 095 $ par habitant) fondée surtout sur le tourisme, et les difficultés des Comores (487 $ par habitant) accrues par la dévaluation du franc comorien, ne doit pas dissimuler la fragilité de ces économies et leur dépendance commune vis à vis des transferts venant de l'étranger.

2. Un ensemble peu intégré

Malgré sa diversité, la zone du sud-est de l'Océan Indien n'est guère complémentaire.

Ainsi le commerce régional entre les membres de la Commission de l'Océan Indien reste marginal et ne représentait encore, en 1993, que 3% du commerce des îles de la COI. Le tableau ci-dessous retrace les échanges au sein de la COI pour chacun des Etats de la zone.

La Réunion est le principal importateur au sein de la zone ; ses deux premiers fournisseurs sont Madagascar (poisson, viande, légumes) et Maurice (produits textiles et engrais). L'île Maurice est la première économie exportatrice au sein de la zone et a pour principaux clients la Réunion et Madagascar, pays vers lequel ses exportations ont doublé entre 1992 et 1993, passant de 10 à 22 millions d'écus.

Cette faible intégration s'explique principalement par trois facteurs :

- productions dominées par les cultures de rente non consommées sur place, plus concurrentielles que complémentaires (sucre, vanille, girofle ...) ;

- étroitesse des marchés aggravée par l'inégalité des niveaux de développement ;

- médiocrité des transports maritimes inter-îles .

En définitive, dans cette région caractérisée par sa diversité, la pérennité des liens avec la France apparaît comme un élément commun aux différents pays de la zone.

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