N° 50

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 26 octobre 1995

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , autorisant l'approbation de l'amendement au protocole de Montréal du 16 septembre 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone, adopté le 25 novembre 1992 à Copenhague,

Par M. Guy PENNE ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi tend à autoriser l'approbation d'un amendement, conclu le 25 novembre 1992 à Copenhague, qui complète le dispositif international de protection de la couche d'ozone. Celui-ci est constitué d'une convention-cadre, adoptée à Vienne en 1985 dans le cadre des Nations Unies, et renforcée par un Protocole élaboré en 1987 à Montréal. C'est ce Protocole, déjà retouché une première fois par un amendement adopté à Londres en 1990, que vise à modifier le présent amendement.

Ces textes successifs ont été élaborés à la suite de révélations très alarmantes des experts sur le danger que fait peser pour l'humanité la tendance à la destruction de la couche d'ozone. Découvert en 1985 au-dessus de l'Antarctique, le « trou » dans la couche d'ozone avait suscité un sentiment d'urgence dans l'opinion publique internationale, à l'origine de l'élaboration d'accords internationaux visant à réduire, puis à interdire la production des substances chimiques responsables du phénomène. Par la suite, ces accords se sont régulièrement adaptés à l'évolution des connaissances scientifiques, ainsi que l'atteste le présent amendement.

Notons que, si la prise de conscience internationale de la nécessité de protéger la couche d'ozone remonte à 1985, le Sommet de la Terre de Rio, en juin 1992, a permis de préciser les enjeux, notamment pour les pays en développement et les relations Nord-Sud, de la protection de la biosphère.

Ajoutons, pour clore ce propos introductif, que la réduction de la couche d'ozone ne fait plus l'objet, à ce jour, de contestation, et que la réglementation des substances appauvrissant la couche d'ozone s'inscrit désormais également dans la lutte contre l'effet de serre.

Après avoir exposé les données scientifiques du problème et commenté les réponses successivement apportées par le droit international, votre rapporteur présentera l'état actuel de la question ainsi que les solutions apportées par l'amendement de Copenhague.

I. LA DIMINUTION DE LA COUCHE D'OZONE : ASPECTS SCIENTIFIQUES DU PROBLÈME ET RÉPONSES APPORTÉES PAR LE DROIT INTERNATIONAL

A. THÉORIE DE LA DIMINUTION DE LA COUCHE D'OZONE

La couche d'ozone est située dans la partie supérieure de notre atmosphère, où elle agit comme un écran protégeant la planète du rayonnement ultraviolet .

A partir des années 1940, la présence de composés chlorés dans l'atmosphère s'est accrue, du fait de l'emploi industriel massif de composés comme les chlorofluorocarbures (CFC), dont la création remonte aux années 1930 (dans la section Frigidaire de la General Motors). Ceux-ci sont utilisés comme réfrigérant, comme solvants pour le nettoyage d'éléments électroniques, comme propulseurs pour aérosols, et comme ingrédients pour la fabrication de mousses (notamment isolantes). Or l'utilisation des CFC s'est accrue et diversifiée depuis la deuxième guerre mondiale. C'est ainsi qu'en 1974 fut pour la première fois avancée l'hypothèse que les CFC finissent par atteindre la stratosphère, et qu'ils provoquent un appauvrissement de la couche d'ozone (chaque atome de chlore dégagé peut en effet détruire 100 000 molécules d'ozone), exposant ainsi la planète à un rayonnement ultraviolet accru.

A la suite de la formulation de cette théorie, le débat sur les CFC s'articula autour de deux clans. Le premier insistait sur l'urgence du problème. Le deuxième estimait que les coûts induits par une action précipitée fondée sur une hypothèse contestable seraient supérieurs aux avantages attendus.

Le débat public sur les chlorofluorocarbures se concentra au départ sur les aérosols . C'est ainsi que certains Etats, parmi lesquels les Etats-Unis, le Canada et la Suède, adoptèrent assez rapidement des réglementations nationales interdisant ceux-ci. Dans le même temps, des études commandées à des organismes officiels de recherche aboutissaient à des conclusions parfois contradictoires, brouillant le débat sur les CFC. Dans ce contexte d'incertitude théorique (incertitude levée depuis par les découvertes scientifiques) s'ébaucha la distinction entre deux groupes d'Etats : ceux qui penchaient vers une réglementation plus sévère de la production et de la réglementation des CFC (Canada, Etats-Unis, Suède, Finlande), et ceux qui demeuraient méfiants à l'égard de la théorie de la destruction de la couche d'ozone, et réticents à l'égard d'une action internationale immédiate (Communauté européenne). Pendant que se déroulaient ces débats, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUE) convoqua en 1977 une conférence internationale qui adopta un « Plan d'action mondiale pour la couche d'ozone » et mit en place un Comité mondial de coordination sur la couche d'ozone. Dès lors le problème posé par les CFC avait cessé d'être traité de manière nationale pour devenir un sujet de débat international .

B. LA CONVENTION-CADRE DE VIENNE (MARS 1985)

Ce débat international, qui avait pour cadre le Programme des Nations Unies pour l'environnement, conduisit à l'adoption, en mars 1985, d'une « convention-cadre » pour la protection de la couche d'ozone. Il s'agissait, non pas de fixer des règles de fonds s'imposant à toutes les Parties, mais de définir un cadre institutionnel destiné, quand de « nouvelles recherches et observations systématiques » auront développé les « connaissances scientifiques sur la couche d'ozone et les effets nocifs que pourrait entraîner sa perturbation », à élaborer des mesures de prévention à l'échelle internationale.

La convention de Vienne encourage la mise en oeuvre d'une coopération internationale diversifiée dans le domaine de la protection de la couche d'ozone : recherches et évaluations scientifiques, échanges de « renseignements scientifiques, techniques, socio-économiques, commerciaux et juridiques appropriés », transferts de technologie vers les Pays en développement, notamment en vue de l'acquisition de technologies de remplacement. Sur le plan institutionnel, la convention de Vienne met en place une Conférence des Parties, assistée d'un Secrétariat. Sur le plan normatif, la convention du 22 mars 1985 se borne à inviter les Parties à « adopter les mesures législatives administratives appropriées (...) visant à réglementer, limiter, réduire ou prévenir les activités humaines relevant de leur juridiction ou de leur contrôle s'il s'avère que ces activités ont ou sont susceptibles d'avoir des effets néfastes par suite de la modification, ou de la modification susceptible de se produire, de la couche d'ozone ». Néanmoins la convention prévoit le cas où des Parties adopteraient des « mesures internes plus rigoureuses ».

Cette prudence rédactionnelle (cf. le recours systématique au conditionnel dans l'annexe à la convention : « les modifications de la couche d'ozone qui entraîneraient un changement de l'intensité du rayonnement ultraviolet (...) et les effets qu'elles pourraient avoir sur la santé des populations (...) ; les modifications de la répartition verticale de l'ozone qui changeraient la structure thermique de l'atmosphère ...) parut décevante aux pays les plus engagés dans la lutte pour la protection de la couche d'ozone, comme la Finlande, la Norvège et la Suède (soutenus par la suite par les Etats-Unis et le Canada). Ces pays avaient proposé, au cours des négociations, l'interdiction des aérosols contenant des CFC, suggestion qui s'était heurtée à l'opposition des Douze.

C. LES RÉVÉLATIONS SUR LE « TROU » D'OZONE DANS L'ANTARCTIQUE ET LE PROTOCOLE DE MONTRÉAL (1987)

En mai 1985, un groupe de scientifiques britanniques provoqua un vif émoi dans l'opinion internationale en révélant que des pertes considérables s'étaient produites dans l'ozone antarctique en 1982, 1983 et 1984. Quelques mois plus tard, des mesures effectuées par des satellites américains confirmaient les observations britanniques. Si l'on compare, en effet, l'épaisseur de la couche d'ozone en 1957 à celle d'aujourd'hui, on remarque une densité constante de la couche de gaz pratiquement partout, sauf dans la région polaire antarctique pendant les mois correspondant au printemps austral (septembre, octobre, novembre). La tendance séculaire en Antarctique montre une diminution constante de densité pendant les mois du printemps austral : l'ozone normalement présent sous ces latitudes extrêmes pendant le printemps a ainsi diminué de moitié. Il pourrait bientôt n'en subsister qu'un tiers. En outre, la destruction de la couche d'ozone se poursuivrait désormais pendant toute l'année. Des observations récemment effectuées dans l'Antarctique par British Antarctic Survey ont révélé que, au rythme actuel de destruction, l'ozone aura complètement disparu dans la région polaire vers 2005 1 ( * ) .

Bien que régionale, cette situation finit par entraîner des diminutions de toute la couche d'ozone. Il est désormais prouvé que, avec une diminution de 2 à 6 % sous les latitudes moyennes de l'hémisphère Nord entre 1969 et 1986, la destruction de la couche d'ozone aux Etats-Unis et en Europe a plus que doublé par rapport aux prévisions, et qu'elle pourrait quadrupler d'ici la fin du XXe siècle 1 . Cette situation est d'autant plus préoccupante qu'elle accroît les risques de maladies liées aux effets des rayons U.V. non filtrés par l'ozone (cataracte, cancers de la peau). Ces diverses révélations ont produit une prise de conscience internationale de la gravité du phénomène et de l'urgence des mesures à adopter pour tenter d'en limiter les effets.

Sous la pression des opinions publiques, les Etats s'orientèrent donc vers des réductions progressives et généralisées de la consommation et de la production des chlorofluorocarbures ainsi que des halons , gaz utilisés notamment dans les extincteurs, et dont la responsabilité sur la diminution de la couche d'ozone a été établie.

Le protocole à la convention de Vienne adopté à Montréal le 16 septembre 1987 constitue le premier instrument juridique contraignant dans le domaine de la protection de la couche d'ozone.

Le protocole vise huit substances réparties en deux groupes : cinq chlorofluorocarbures et trois halons. Il impose une réduction programmée de la consommation de ces huit substances :

- stabilisation de la consommation et de la production de halons aux niveaux atteints en 1986,

- diminution de 50 % de la production et de la consommation de chlorofluorocarbures à partir des niveaux observés en 1986. Cet effort, plus important que celui qui est imposé à l'égard des halons, est néanmoins réparti sur 10 années, car le protocole de Montréal prévoit, dans sa rédaction initiale, trois étapes :

- jusqu'en 1992 : limitation de la consommation et de la production au niveau de 1986,

- de 1993 à 1998 : réduction de la consommation et de la production à 80 % du niveau de 1986,

- à partir de 1998 : réduction de 50 % du niveau de 1986, sauf décision contraire des Parties prise à la majorité des deux tiers.

Plusieurs éléments de souplesse étaient néanmoins prévus par le Protocole de Montréal.

- Un dépassement de 10 % au cours des deux premières étapes, de 15 % au cours de la troisième était toléré si des « besoins intérieurs fondamentaux » ou des « efforts de rationalisation industrielle » l'exigeaient.

- Les réductions de consommation et de production portaient sur le niveau global des substances, ce qui permettait un réaménagement entre les différentes substances concernées.

- Un traitement particulier pouvait être accordé à certains pays, les exonérant de tout ou partie de leurs obligations, si la spécificité de leur situation le requérait.

- Enfin, le protocole prévoyait l'évolution de la réglementation internationale en fonction du développement des connaissances scientifiques ou de la dégradation de la couche d'ozone . Cet instrument juridique était donc conçu comme un « processus normatif continu » 2 ( * ) , du fait des incertitudes scientifiques et de l'évolution régulière des connaissances liées au traitement du problème.

D. AMÉLIORATIONS APPORTÉES AU PROTOCOLE DE MONTRÉAL PAR L'AMENDEMENT DE LONDRES (1990)

En dépit du progrès que constituait le Protocole de Montréal, s'agissant notamment de la prise de conscience internationale qui l'inspirait, ce texte s'est trouvé, dès son adoption, dépassé par des découvertes de plus en plus alarmantes sur l'étendue du phénomène de destruction de la couche d'ozone.

1. Insuffisances du Protocole de Montréal

Les participants à la deuxième Conférence des Parties au Protocole de Montréal ont souhaité accélérer le processus de réduction des quantités de CFC et de halons produites et consommées que prévoyait, de manière trop progressive, l'accord de 1987 . De même, il est apparu souhaitable d' étendre le champ d'application du Protocole à d'autres substances chimiques responsables, elles aussi, de la destruction de la couche d'ozone : tétrachlorure de carbone, chlorofluorocarbures pleinement halogénés, et méthyle chloroforme.

Le tétrachlorure de carbone sert notamment à la fabrication de pesticides, de solvants, de caoutchouc. Le méthyle chloroforme entre notamment dans la composition de liquides correcteurs pour machines à écrire. Cette substance est présentée comme responsable de 13 % de la concentration de chlore atmosphérique. Selon les scientifiques, les concentrations de chlore dans l'atmosphère pourraient être multipliées par trois d'ici l'an 2010 si rien n'est fait pour diminuer la production de ces deux substances. Ce risque existe même dans l'hypothèse où les CFC seraient interdits définitivement en l'an 2000.

Enfin, les participants à la deuxième Conférence des Parties ont souhaité prendre en compte la situation particulière des pays en développement .

En effet, certains pays en développement, comme la Chine, l'Inde et le Brésil, ont refusé de signer et de ratifier le Protocole de Montréal, au motif que celui-ci ne prévoyait aucune aide approprié à la situation des pays en développement. Notons que le Protocole de 1987 pouvait exercer sur la situation économique de ces derniers une influence considérable, en les obligeant à adopter des technologies de substitution des substances proscrites, alors même qu'aucun dispositif d'assistance n'était prévu pour en atténuer le coût. La réticence de ces pays en développement montrait l'importance déterminante de l'association de tous les peuples de la Terre à l'effort entrepris , et révélait au monde industrialisé que la coopération du Tiers-Monde était nécessaire à la réussite de l'entreprise, d'autant que les pays en développement représentaient, en 1986, 17 % de la consommation mondiale de CFC (et 4 % de la production totale) .

2. Améliorations apportées par l'amendement de Londres (1990)

Les améliorations apportées par l'amendement adopté à Londres le 29 juin 1990 visent, d'une part, à accélérer le processus de réduction de la consommation et de la production des substances concernées, d'autre part, à élargir le champ d'application de l'accord à d'autres substances que les huit produits concernés par le Protocole de Montréal, et, enfin, à mettre en place un mécanisme de financement destiné à prendre en charge le surcoût lié, pour les pays en développement, à l'élimination des chlorofluorocarbures.

Sur le plan juridique, il s'agit de deux séries de textes :

- les « ajustements » modifient le calendrier de réduction des substances déjà réglementées par le Protocole de Montréal ; ils font partie intégrante du Protocole, le seul recours possible pour les Etats y étant opposés étant de se retirer de celui-ci 3 ( * ) .

- les « amendements », dont l'entrée en vigueur est subordonnée au dépôt de 20 instruments de ratification, étendent le champ d'application du Protocole à d'autres substances, et créent un mécanisme de financement au profit des pays en développement. Ils ne lient que les pays qui les acceptent expressément.

a) l'accélération du processus de réduction de la consommation et de la production des substances concernées

Le tableau ci-après montre que les ajustements du Protocole de Montréal décidés lors de la réunion de Londres reviennent à accélérer le processus de réduction de la consommation et de la production des substances visées.

CHLOROFLUOROCARBURES

Protocole de Montréal

Ajustements décidés à Londres

1989-1993 : stabilisation au niveau de 1986

1991-1995 : stabilisation au niveau de 1989

1993-1994 : réduction à 80 % du niveau de 1986

1995-1996 : réduction à 50 % du niveau de 1989

1994-1999 : réduction à 50 % du niveau de 1986

1997-1999 : réduction à 15 % du niveau de 1989

A partir de 2000 : élimination des CFC

HALONS

Protocole de Montréal

Ajustements décidés à Londres

A partir de 1992 : stabilisation au niveau de 1986

1992-1994 : stabilisation au niveau de 1989

1995-1999 : réduction à 50 % du niveau de 1989

A partir de 2000 : élimination des halons

b) Extension du champ d'application à de nouvelles substances

Des connaissances scientifiques nouvelles établissant la responsabilité d'autres substances que les CFC et les halons sur l'appauvrissement de la couche d'ozone permirent d'étendre le champ d'application du Protocole de Montréal.

Trois groupes de substances ont ainsi été rajoutés aux chlorofluorocarbures et halons visés par le Protocole de Montréal. Il s'agit :

- de 10 chlorofluorocarbures entièrement halogénés (CFC 13, 111, 112, 211, 212, 213, 214, 215, 216, 217),

- du tetrachlorure de carbone,

- du trichloroéthane (méthyle-chloroforme).

D'autre part, une annexe comporte une nouvelle liste de substances de remplacement des CFC, et qualifiées de substances de transition. Il s'agit des hydrochlorofluorocarbures (HCFC) qui, certes moins nocifs que les CFC, n'en induisent pas moins un risque pour la couche d'ozone. C'est pourquoi les Parties se sont efforcées de ne pas privilégier à l'excès leur production, même si celui-ci constitue un progrès indéniable sur le plan de la protection de l'environnement par rapport aux CFC. L'amendement de Londres prévoit donc que ces produits de substitution ne seront utilisés que pour les usages faisant appel auparavant aux CFC.

Chaque Partie s'engage à fournir des données statistiques sur la production, les importations et les exportations des HCFC. Aucun calendrier de réduction de la consommation et de la production des HCFC n'étant toutefois prévu par l'Amendement de Londres, une résolution des Parties, adoptée au cours de la Conférence de Londres de juin 1990, envisage que ces produits soient remplacés par des substances qui n'appauvrissent pas la couche d'ozone, « d'ici 2040 au plus tard, et si possible d'ici 2020 ».

Cette échéance paraît suffisante pour permettre aux industriels d'amortir les investissements nécessaires à la mise en place des unités de production de HCFC, et pour donner le temps aux chercheurs de trouver des produits de substitution totalement dénués d'effets sur la couche d'ozone.

c) Mise en place d'un mécanisme d'aide technique et financière aux pays en développement

La création du mécanisme d'aide technique et financière prévu par l'Amendement de Londres est lié au fait que les pays industrialisés étant largement responsables de l'état actuel de la couche d'ozone, il est normal qu'ils contribuent à compenser le surcoût imputable, pour le Tiers-Monde, à la fabrication de produits de substitution dont le prix de revient est plus élevé que celui des CFC et des halons.

L'Amendement de Londres prévoit donc tout d'abord des engagements précis des pays industrialisés en matière de transferts de technologie.

Les produits de substitution devront ainsi être transférés aux PED "dans des conditions équitables et les plus favorables". Dans le même esprit, l'application du Protocole de Montréal par les pays en développement est subordonnée à l'effectivité des transferts de technologie et de la coopération financière originaire des pays industrialisés.

D'autre part, la création d'un Fonds multilatéral, destiné à financer les surcoûts liés, pour les pays en développement, à l'application du protocole de Montréal, résulte de la prise de conscience, dans les pays industrialisés, du risque que constituerait le refus des pays en développement de souscrire au Protocole de Montréal, pour l'aboutissement du projet d'élimination des CFC. Ce fonds est placé sous la supervision d'un comité de 15 membres choisis parmi les Parties à l'Amendement de Londres (la France aurait privilégié la gestion du fonds par une organisation internationale). Le fonds exercera néanmoins sa mission en collaboration avec la Banque Mondiale, le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) ou le PNUE (Programme des Nations Unies pour l'environnement). Notons que les pays en transition n'ont pas vocation à bénéficier de l'aide financière mise en place par le fonds multilatéral (voir infra, d).

Parmi les surcoûts pris en charge par le Fonds multilatéral, figurent la reconversion des installations de production de CFC, et la création de nouvelles installations de production de produits de substitution .

Les contributions des Parties, assises sur le barème des quotes-parts de l'ONU, ne sont pas dues par les pays en développement. Le fonds a été doté, pour 1991-1993, de 240 millions de dollars. La quote-part de la France s'est élevée à approximativement 7,2% du total, soit 14,4 millions de dollars. Notons que la création de ce fonds a incité la Chine et l'Inde à adhérer au Protocole de Montréal, faisant ainsi progresser l'universalité de celui-ci.

A la fin de l'année 1994, le Fonds multilatéral avait approuvé 85 programmes de formation représentant 8,7 millions de dollars, et 120 projets d'assistance technique équivalant à 18,3 millions de dollars.

Par ailleurs, on relève que les pays en développement les plus faibles consommateurs de CFC (moins de 0,3 kg par an et par habitant) disposeront d'un délai de grâce de 10 ans pour mettre en oeuvre les stipulations du Protocole de Montréal.

Fondé sur la notion de "besoins intérieurs fondamentaux" , ce délai de grâce autorise non seulement les PED à continuer à produire et à consommer des CFC et des halons, mais aussi les pays industrialisés à leur vendre jusqu'à 15% de leur production antérieure.

L' Inde a ainsi profité des facultés offertes par le délai de grâce pour développer une importante capacité de production de CFC, afin de faire face à sa demande intérieure, mais aussi pour exporter vers d'autres pays en développement.

Accusée par les pays industrialisés de trahir l'esprit du Protocole de Montréal (car les "besoins intérieurs fondamentaux" justifiant le délai de grâce excluent l'exportation), l'Inde a proposé de s'orienter vers la fabrication de produits de substitution, à condition d'être aidée par le fonds multilatéral. Cette demande était inacceptable, car elle revenait à léser les autres pays en développement. L'Inde a donc renoncé à ce projet, et a annoncé qu'elle ne prévoyait plus d'augmenter sa capacité de production de CFC.

Certains pays en développement (pour l'essentiel, les pays les plus avancés du Tiers Monde) s'efforcent toutefois d'éliminer les CFC sans attendre la fin du délai de grâce. Cette orientation leur permet de développer un marché intérieur moderne, adapté aux standards des pays développés, vers lesquels ils peuvent essayer dès lors d'exporter.

L'autre réaction de certains pays en développement à l'égard du Protocole de Montréal modifié est de tirer profit du délai de grâce pour prolonger la vie des installations existantes qui utilisent des CFC. Certains d'entre eux vont jusqu'à importer des installations démantelées dans les pays développés.

Selon les informations transmises à votre rapporteur, ce sont néanmoins les pays les plus prompts à éliminer les CFC qui présentent le plus grand nombre de projets éligibles au fonds multilatéral.

d) Le cas des pays en transition

Le Fonds multilatéral mis en place dans le cadre du Protocole de Montréal n'étant destiné qu'aux pays en développement, l'aide aux pays en transition dans le domaine de la protection de la couche d'ozone relève du Fonds pour l'environnement mondial (FEM).

Créé en 1991 à l'initiative de la France, le FEM est un guichet de la Banque Mondiale, dont il partage le Conseil d'administration. Il compte quelque 32 pays membres (16 pays en développement, 2 pays en transition, et 14 pays développés). Les pays receveurs ont dû acquitter un droit d'entrée de 5 millions de dollars comme garantie de bonne volonté.

Le FEM intervient pour financer les surcoûts liés à des projets de développement permettant d'améliorer la protection de l'environnement global dans les quatre secteurs suivants :

- lutte contre l'effet de serre,

- protection de la biodiversité,

- protection des eaux internationales,

- protection de la couche d'ozone,

Jusqu'en 1993, la possibilité d'intervention du FEM au profit des pays en transition dans le domaine de la protection de la couche d'ozone est restée théorique, à l'exception d'un projet en République tchèque, pour un montant de 2,3 millions de dollars.

En 1995, le secrétariat du FEM a fait savoir que 60 à 80 millions de dollars seraient consacrés à des actions de protection de la couche d'ozone dans les pays en transition. Le Fonds pour l'environnement mondial a été doté de 2 milliards de dollars pour la période 1994-1997, la contribution française s'élevant à 807 millions de francs.

* 1 Assemblée de l'Atlantique Nord, M. Paolo Riani, projet de rapport spécial, La destruction de la couche d'ozone , octobre 1995.

* 2 David C. Caron , « La protection de la couche d'ozone stratosphérique et la structure de l'activité normative internationale en matière d'environnement » Annuaire français du droit international , XXXVI, 1990.

* 3 Annuaire français du droit international, David C. Caron, op.cit.

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