VI. L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL

Depuis une dizaine d'années, après la suppression des contributions forfaitaires versées par les chaînes publiques, l'INA équilibre son financement par ses ressources propres, pour près de 60 %, et par un appel à la redevance dans une proportion, hors dépôt légal, d'environ 40 % (234 millions de francs de redevance en 1995).

A partir de 1996, cet équilibre se trouve gravement menacé, d'une part, par le désengagement de TF1, qui représentait en moyenne, sur les trois années précédant ce retrait, un chiffre d'affaires de 30 millions de francs, et d'autre part, par les difficultés croissantes de gestion de droits que rencontre l'INA dans l'exploitation de ses fonds d'archives.

En effet, la gestion des droits d'auteur, qui constitue -dans sa forme actuelle- un obstacle à l'action audiovisuelle extérieure, comme votre rapporteur spécial a tenté de la démontrer dans le chapitre III, est également de plus en plus complexe au niveau national également.

Le diagnostic de l'INA est sans appel : « Complexité des régimes de droits successifs applicables aux fonds de l'INA, d'origine législative ou conventionnelle, faible niveau d'organisation des structures représentatives, autorisations exigées au titre du « droit moral » des auteurs, émergence de nouveaux modes d'exploitation non prévus par les accords : toutes ces difficultés rendent chaque jour plus incertaines la rentabilité ou la faisabilité des opérations d'exploitation des fonds et introduisent des menaces permanentes de contentieux coûteux ».

Cette complexité est due à l'évolution de la demande : « La charge de gestion des reversements dus aux ayants droits s'avère chaque jour plus lourde, d'autant plus que les ventes de droits s'effectuent désormais de plus en plus sous forme d'extraits, avec des coûts de traitement équivalents aux intégrales pour des prix unitaires beaucoup plus bas ». Cette évolution n'est pas prête à s'inverser, en raison, d'une part de l'augmentation de l'offre de programmes audiovisuels et, d'autre part, des perspectives ouvertes par le multimédia.

Par ailleurs, l'INA ne bénéficiant plus de la dévolution des oeuvres de fiction, qui constituent un moteur important de commercialisation, le maintien et l'élargissement de l'offre supposent un effort croissant de sauvegarde et de restauration, accentué par l'évolution rapide des supports et des normes de diffusion.

Ce constat impose à l'Institut d'identifier clairement ses axes de développement, de lever les blocages qui freinent son action, et de développer sous de nouvelles formes la diffusion de son patrimoine en s'appuyant sur l'évolution des technologies.

Bien que l'INA demeure dans une situation financière relativement saine avec la reconstitution progressive de son fonds de roulement, il n'est pas assuré qu'il puisse dans le contexte de fragilité budgétaire, créé par le départ de TF1, et compte tenu des charges de conservation et d'entretien que représente un fonds audiovisuel de l'importance de celui qu'il possède, dégager seul les ressources nécessaires à son développement.

A. LES ASPECTS BUDGÉTAIRES 1994-1996

Après la chute brutale des recettes de cessions d'intégrales à la Cinq et à M6 intervenue en 1990 l'INA a entrepris en 1991 un programme de restructuration de ses ressources pour atteindre un meilleur équilibre entre fonds publics et recettes contractuelles.

1. L'exécution du budget 1994

L'exercice 1994 a dégagé un résultat globalement positif, avec un bénéfice net comptable de 2,6 millions de francs, grâce, toutefois, à une dépendance accrue envers la redevance.

Ce résultat, amélioré par rapport aux estimations effectuées en cours d'exercice, et réalisé dans un contexte général difficile au plan économique, résulte des efforts consentis par l'entreprise et de la mise à niveau des dotations nécessaires au fonctionnement de l'Inathèque.

La redevance et les subventions assimilées représentent ainsi 43,4% des ressources de fonctionnement (81 ( * )) , contre 41% en 1993 et 40% en 1992. Par ailleurs, le fonds de roulement hors provisions poursuit son processus d'amélioration et redevient Positif en 1994.

Au-delà du strict bénéfice comptable, l'approche analytique des activités et des conditions de formation du résultat de l'année 1994 confirme les lignes de fragilité.

La légère amélioration des produits sur activités. 548,7 millions de francs contre 544,7 millions de francs en 1993, s'accompagne d'une érosion sensible des recettes contractuelles de l'INA, qui présentent, par rapport à l'année précédente, une réduction de 13 millions de francs répartie sur les différentes activités (conservation et exploitation des Archives : -5 millions de francs, Formation : - 3 millions de francs, Recherche et Production : -3 millions de francs, divers : -2 millions de francs).

Il faut toutefois noter le fort développement de ventes d'extraits, notamment sur les derniers mois de 1994, dont le chiffre d'affaires atteint 22,5 millions de francs contre 15,8 millions de francs en 1993, soit 42% d'augmentation. Ce poste a notamment permis de compenser partiellement la perte de ressources liée à la première étape de désengagement de TF1.

La stabilité des charges sur activités (542,4 millions de francs en 1994 contre 540,8 millions de francs en 1993), malgré une croissance significative des frais de personnels permanents (+ 19 millions de francs hors Inathèque) résulte d'une réduction sensible des personnels non permanents, (- 8,0 millions de francs) et des autres charges.

Ces évolutions conduisent à un résultat sur activités positif à hauteur de 6,3 millions de francs, amélioré de 8,0 millions de francs par les produits financiers.

Les opérations sur programmes immobilisés, qui présentaient en 1993 un résultat positif de 7,5 millions de francs, grèvent fortement le résultat final de 1994, avec un solde négatif de -7 millions de francs. Cette variation traduit pour l'essentiel, l'apurement dans les comptes de 1994 de la production expérimentale « Bravo la Famille » développée en 1992 et 1993.

Enfin, les opérations sur provisions génèrent un solde négatif de 4,7 millions de francs et comportent des dotations pour litiges, liées notamment aux actions intentées par les représentants d'ayants droits musiciens, ainsi que des dotations pour grosses réparations.

Ces différentes évolutions se répercutent sur les principaux indicateurs et agrégats de gestion de l'année 1994. L'érosion du chiffre d'affaires interrompt la progression, constatée sur les années 1992 et 1993, de la valeur ajoutée, qui se stabilise autour de 400 millions de francs et induit, avec l'augmentation des effectifs, une inflexion de la productivité, en baisse de 2,5%, qui reste toutefois supérieure à celle des années 1992 et 1991.

2. Les prévisions d'exécution du budget de 1995

En vue de son approbation par le conseil d'administration -initialement prévu le 14 février 1995-, l'INA avait établi un premier budget modificatif pour l'exercice 1995. Or, le 27 janvier 1995, TF1 dénonçait les conventions relatives aux prestations d'archivage effectuées par l'INA pour son compte. Cette décision ramena la rémunération attendue de cette prestation de 22 à 4 millions de francs. Un budget modificatif rectifié fut donc adopté le 22 février 1995, afin de tenir compte des nouveaux équilibres économiques de l'INA.

a). Les produits

Les engagements constatés au 30 juin 1995 représentent globalement 278,7 millions de francs, soit 48 % de l'objectif budgétaire annuel (585 millions de francs hors programmes immobilisés).

Il faut toutefois distinguer dans l'analyse :

- le produit de la redevance perçue à hauteur de 53 % de la prévision annuelle, les recettes contractuelles (hors Inathèque) engagées à hauteur de 43 %, taux supérieur à celui de l'exercice précédent,

- les recettes Inathèque réalisées à hauteur de 55 % de l'objectif annuel,

- les produits financiers réalisés à hauteur de 63 % de l'objectif fixé.

L'accord passé avec TF1 en Avril 95 porte à 20 millions de francs le chiffre d'affaires attendu avec cette société soit 16.3 millions de francs supplémentaires par rapport au 3,7 millions de francs initialement prévus au budget 1995 et réduit ainsi le prélèvement prévu sur le fonds de roulement.

L'état actuel des carnets de commandes associé à l'effet de l'accord TF1 permet d'envisager une réalisation supérieure à l'objectif fixé pour ce qui concerne les recettes contractuelles (hors Inathèque) soit + 17,6 millions de francs.

En incluant les projections en matière de produits financiers (+ 1 millions de francs), l'ensemble des ressources de l'Institut devrait atteindre 588,6 millions de francs au lieu de 570,0 millions de francs initialement budgétisés (hors prélèvement sur le fonds de roulement).

Perspectives annuelles par activité :

Le chiffre d'affaires en matière de prestations d'archives sera supérieur à l'objectif fixé du fait de l'accord intervenu avec TF1 et d'un carnet de commandes supérieur de 2 millions de francs avec divers clients.

Pour ce qui concerne la production de création, les activités de recherche, les cessions de droits, les produits constatés et le niveau des commandes enregistrées permettent d'envisager, à ce jour, une réalisation annuelle conforme à l'objectif fixé.

Les produits constatés pour les opérations de formation, inférieurs au rythme linéaire normal, reflètent la saisonnalité de cette activité. Le niveau des commandes enregistrées permet toutefois d'envisager la réalisation de l'objectif annuel prévu.

Le carnet de commandes en matière de prestations techniques laisse subsister un aléa quant à la réalisation de l'objectif fixé, à hauteur d'un million de francs.

b). Les charges

Au 30 juin 1995 le niveau total des charges engagées représente 326 millions de francs, soit 56 % de la prévision annuelle.

Les charges de personnels permanents budgétées à hauteur de 291 millions de francs sont consommées à hauteur de 49 % (143,6 millions de francs). Dans l'attente d'un accord salarial pour 1995, la prévision initiale a été maintenue.

Les frais de fonctionnement des services sont engagés à hauteur de 162,4 millions de francs sur un budget de 246,5 millions de francs, soit un taux de consommation de 66 % supérieur au taux linéaire théorique.

Cette avance de consommation déjà constatée au cours des exercices antérieurs s'explique par la comptabilisation des engagements annuels dès le début de l'exercice, notamment en matière de coûts logistiques (loyers, charges locatives, contrats de maintenance, d'entretien ou de prestations informatiques, dépenses liées aux oeuvres sociales...). En excluant ces coûts, le taux de consommation des frais de fonctionnement des services s'établit à hauteur de 52 %

Les amortissements, (hors programmes immobilisés), s'exécutent à un rythme de 42 % conduisant à une projection annuelle en légère sous-consommation (- 1 million de francs).

3. Les perspectives pour 1996

a). Le désengagement de TF1...

La période où les diffuseurs assuraient le financement du patrimoine audiovisuel est désormais révolue avec le départ de TF1.

La décision de TF1 de ne plus confier à l'INA la gestion de ses archives d'actualité, amorcée en 1994 et confirmée en 1995, produira ses pleins effets sur l'exercice 1996, conduisant, pour l'Institut, à une perte de ressources contractuelles de 30 millions de francs.

Or, de par leur nature, les activités de traitement d'archives qui mobilisent essentiellement des moyens fixes -personnels permanents, équipements informatiques et techniques, surfaces de bureaux et de stockage - ne présentent qu'une très faible sensibilité aux variations brusques de chiffres d'affaires.

De ce fait, les réductions de charges générées par le retrait de TF1 (environ 4 millions de francs) ne permettent pas de compenser la perte de ressources.

b). ... et la baisse de la dotation publique pour 1996...

L'INA est -après RFI- l'organisme du secteur audiovisuel qui fait le moins appel à la redevance, tant en valeur absolue (269 millions en 1996) qu'en part relative dans ses ressources (44 %).

c). ... imposent de nouveaux efforts à l'INA...

Le plafonnement, sinon la dégradation des ressources contractuelles de l'Institut, s'accompagne d'un émiettement des marchés et des prestations servies dans la plupart des secteurs d'activités :

- l'exploitation des fonds d'archives s'effectue de plus en plus sous forme d'extraits, vers une large palette de clients-producteurs au détriment des ventes d'intégrales auprès des diffuseurs.

- la demande de formation s'oriente vers des actions courtes, spécifiques et souvent, sur le site même du client.

- la valorisation des innovations issues de la recherche implique un accompagnement lourd en commercialisation au-delà des investissements liés à la recherche elle-même.

Cette évolution induit un accroissement sensible des charges dégrade les performances et les marges et handicape le développement des secteurs porteurs.

Ce constat, aggravé par le désengagement de TF1 en 1995 et surtout 1996, impose à l'Institut de rechercher une efficacité accrue dans les processus de gestion des activités, de contenir les charges et d'optimiser, sur de nouveaux marchés ou clients, son potentiel de compétences actuel.

Face à ces difficultés, l'INA s'est fixé de nouveaux objectifs de modernisation. La nécessité de reconstituer un portefeuille de clientèle face au départ de TF1 a conduit l'INA dès 1995, à ouvrir trois chantiers de travail :

- dans le domaine commercial, pour mieux définir les fonds commercialement exploitables et mieux adapter les tarifs aux clients et aux marchés ;

- dans le domaine juridique, pour redéfinir les relations avec les ayant droits et alléger les tâches liées aux reversements ;

- dans le domaine économique, pour améliorer la visibilité économique sur les opérations en cours ou à engager.

En outre, la généralisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication redessinera, dans les quelques années qui viennent, la nature des services d'archives offerts par l'INA :

- pour la collecte, avec la possibilité de transférer une partie des données et des images à partir de systèmes automatisés de gestion d'antenne,

- pour la conservation, sous forme de stockages numériques,

- pour la communication, par le développement des réseaux et des systèmes de consultation à distance.

Face à ces perspectives, l'INA se trouve confronté à trois impératifs :

moderniser ses dispositifs pour les ouvrir à l'informatique et aux technologies de la communication. A ce titre, une étude de schéma directeur informatique de gestion des archives a été lancée dès 1994, destinée à refondre le système actuel, qui date de 1984, et à l'ouvrir aux nouveaux services en ligne,

développer de nouveaux services et de nouveaux métiers en devenant gestionnaire de réseaux et de bases de données, en proposant de nouveaux services et de nouveaux tarifs, et en assurant la protection et le contrôle des droits attachés à ses fonds,

- accentuer l'effort de restauration et de reconfiguration de ses fonds pour en garantir la pérennité et l'accessibilité.

A titre d'exemple, sont actuellement menacés de dégradation 30.000 supports 2 pouces représentant le fonds des émissions dramatiques des Buttes-Chaumont et 200.000 supports V* pouce représentant l'actualité des années 1970 à 1985.

d) ...et un soutien accru des pouvoirs publics

Pour affronter ces évolutions, qui ne pourront, avant cinq ans, produire leur plein effet et trouver des ressources équivalentes à TF1, l'INA a besoin d'un accompagnement de l'État pour passer le cap difficile du retrait de TF1 sans amoindrir son savoir-faire et son potentiel de développement.

Par ailleurs, l'installation en 1995 de la mission de dépôt légal confiée à l'INA par la loi du 20 Juin 1992, désormais opérationnelle pour les activités de collecte, conduit à envisager à court terme la mise en place d'une structure de consultation en grandeur réelle répondant à l'ambition de la loi, dès lors que le financement en sera assuré par les pouvoirs publics.

Au sein du secteur public de radiotélévision, l'INA est dépositaire d'une mission patrimoniale d'intérêt public unique au monde à ce jour. Il assure en outre des missions de recherche et de production de création que la loi lui impose et qui ne peuvent trouver leur financement sur le marché.

Sauf à mettre en cause ses missions fondamentales, l'Institut ne pourra, sans le soutien de l'État, mener à bien l'indispensable effort de modernisation qu'il entreprend et qui se concrétisera dans le projet d'entreprise « INA 2000 ».

* 81 Hors production immobilisée et reprises de provisions.

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