N°77

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 novembre 1995.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1996, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 6

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, ÉQUIPEMENT ET TRANSPORTS :

II - TRANSPORTS: ROUTES ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE

Rapporteur spécial : M. Gérard MIQUEL

(1) Cette commission est composée de MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, vice-présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : (10 ème législ.) : 2222. 2270 à 2275 et T.A. 413.

Sénat : 76 (1995-1996).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS

A. LE BUDGET DES ROUTES Première observation

Votre rapporteur observe une réduction sensible des crédits du développement du réseau routier national (-7,6 % à 6,6 milliards de francs contre 7,1 milliards de francs en 1995). Il faut y avoir le retour à une certaine norme : ces crédits étaient de 6,3 milliards de francs en 1994, et un remboursement anticipé d'un milliard de francs d'Autoroutes de France était venu abonder les crédits 1995 de façon non récurrente.

De manière plus accentué qu'en 1995, les contributions extrabudgétaires prennent une place importante dans ces crédits : le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables pour 1,65 milliard de francs et le fonds d'aménagement de la région Ile-de-France pour 437 millions de francs.

Le rôle de chaque compte se précise davantage qu'en 1995 : le budget finance essentiellement les contrats de plan Etat-régions, le FITTVN les grands programmes de désenclavement du Massif central, qui répondent à sa vocation de fonds de développement rural 1 ( * ) ,le FARIF l'autoroute A 86 pour ses sections non concédées.

La réduction des crédits porte sur contrats Etat-régions. Comme lors du X ème plan, l'Etat relâche son effort à mi-parcours, ce qui exigera une accélération sur la fin. Le taux d'exécution des contrats fin 1996 ne serait que de 50,7 % contre 60 % si le rythme était normal.

Un sort particulier, plus favorable, est néanmoins réservé aux trois programmes d'accélération : rocade des estuaires, route centre-Europe atlantique et route nationale 88 Lyon Toulouse Les travaux de ce dernier axe devraient être réellement accélérés si l'on ne souhaite pas qu'ils durent plus de vingt ans.

Deuxième observation

Comme en 1995, les moyens d'engagement d'entretien du réseau routier national progressent significativement (+3,9%). L'augmentation par rapport à l'exercice 1994 est de 11,3 %(DO+AP), ce qui montre que le Gouvernement entend poursuivre l'effort entrepris.

L'augmentation continue de la taille du réseau et du volume du trafic devrait entraîner à terme un dépassement des crédits de construction par les crédits d'entretien. La valeur de reconstruction du réseau national est estimée à 630 milliards de francs. Comme en 1995, les besoins immédiats permettant d'éviter l'entretien curatif restent évalués à 12 milliards de francs.

Troisième observation

L'insuffisance de crédits budgétaires tant pour achever certains axes dans des délais raisonnables que pour entretenir le réseau démontre la supériorité du système de financement par concession, qui fait reposer sur l'usager une partie du paiement des travaux et permet de mobiliser des moyens financiers considérables.

L'accélération du programme autoroutier, qui nécessite environ 150 milliards de francs 1994 sur dix ans, n'aurait pu se produire sans la concession.

L'année 1996 verra la mise en oeuvre de la deuxième phase de la réforme du système autoroutier, avec la fin de la négociation des contrats de plan et les modifications correspondantes des concessions autoroutières. Cela se traduira notamment par une planification à cinq ans des investissements et des évolutions tarifaires, plus adaptée à l'horizon de gestion des sociétés d'autoroutes que les actuelles décisions administratives annuelles.

Votre rapporteur rappelle que la première phase avait vu le regroupement en trois pôles des six sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (2 ( * )) et leur recapitalisation par l'établissement public Autoroutes de France.

A cet égard, le doublement de la taxe d'aménagement du territoire, prévu par l'article 28 du présent projet de loi de finances pour financer le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies navigables, vient substantiellement modifier l'équilibre à peine réalisé par les contrats de plan. D'un rendement d'un milliard de francs, cette augmentation de la taxe prélèvera en 1996 5 % des recettes de péages des sociétés d'autoroutes.

Sa logique n'est pas contestable et elle est conforme à l'esprit de la loi d'orientation sur l'aménagement et le développement du territoire. Il s'agit en effet d'établir une péréquation entre les autoroutes concédées rentables d'une part ; et le programme de désenclavement du Massif central, qui comporte trois autoroutes partiellement ou totalement gratuites (A 75, A 20 et RN 7), et accessoirement d'autres modes de transport (voie ferrée, rivières et fleuves) facilitant l'aménagement du territoire, d'autre part.

Les conséquences qu'en tire le Gouvernement sont plus contestables. Il souhaite compenser la taxe par un allongement de la durée des concessions, ce qui présente deux inconvénients : l'un, mineur, est que cette durée vient tout juste d'être calibrée sur le niveau précédent de la taxe ; l'autre, plus grave, est que cet allongement n'aura aucun effet compensateur à court terme sur les finances des concessionnaires. S'ils ne peuvent répercuter le relèvement de la taxe sur les tarifs de péage, ils devront nécessairement réduire leur volume d'investissement ou accroître leur endettement. Dans l'hypothèse où ni les péages, ni le volume des investissements ne seraient affectés, votre rapporteur doit conclure que l'endettement des sociétés d'autoroutes se substituerait à celui de l'Etat, ce qui est d'un intérêt économique limité (et d'un intérêt optique sur les finances publiques qui ne fait guère illusion). Il vaudrait mieux que, dans le cadre de la nouvelle politique tarifaire contractuelle, les entreprises d'autoroutes puissent répercuter progressivement ces taxes. Il y a de toute façon une assez forte probabilité qu'elles utiliseront toutes les marges de manoeuvre prévues par les contrats de plan pour tirer le parti maximal des évolutions tarifaires.

Quatrième observation

L'équipement autoroutier de la région Ile-de-France pose un problème spécifique de financement du fait du coût très élevé des infrastructures à réaliser. En effet, les habitants de la région sont généralement très hostiles au passage des autoroutes dont ils seraient riverains, et ils le sont tout autant lorsque des zones naturelles inhabitées sont menacées. Cette opposition se manifeste sur au moins quatre sections importantes : l'A 16 (L'Isle-Adam/La Courneuve), l'A 126 (Massy/Saint-Quentin-en-Yvelines), l'A 86 (traversée de Joinville) et l'A 184 (raccordement A115-AI3). Le contrat de plan Etat/Ile-de-France 1994/1998 prévoit une enveloppe de 545 millions de francs destinée à l'insertion des équipements routiers dans 1'environnement. Ceci pourrait être très insuffisant si l'on prend en compte les aspirations des habitants de la région.

Dans ce contexte, l'intervention financière de l'Etat est de plus en plus réduite. La région prendra à sa charge 74 % des 9.040 millions de francs d'équipements routiers du contrat de plan. L'effort de l'Etat portera essentiellement sur l'A 86, qui bénéficiera de 1.347 millions de francs de dotations du FARIF (3 ( * )).

Les efforts réduits de l'Etat et ceux, importants, de la région ne peuvent toutefois suffire à faire face aux coûts croissants d'équipements qu'il est nécessaire d'achever. Le développement routier en Ile-de-France comporte trois priorités : l'achèvement de la rocade A 86 autour de Paris, notamment entre Nanterre et Vélizy, l'achèvement de la rocade francilienne, sur laquelle de nombreux tronçons restent à engager, enfin, l'aboutissement à Paris de certains grands équipements tels que l'A 16 et l'A 14.

Cet ensemble représente plusieurs dizaines de milliards de francs, auxquels seul le recours à la concession, et par conséquent au péage, permettra de faire face. Six ouvrages sont d'ores et déjà concédés : le raccordement de l'A 5a à la francilienne à partir de Melun, l'A 126 (Massy/Saint-Quentin-en-Yvelines), l'A 184 (A 115/A 13), l'A 14 (Orgeval/La Défense), l'A 16 (L'Isle-Adam/Paris), l'A 86 (Rueil/Vélizy). La concession permettra de financer les ouvrages en satisfaisant aux préoccupations d'environnement (tunnels, couvertures, murs anti-bruit, Plantations...).

B. LE BUDGET DE LA SECURITE ROUTIÈRE

Première observation

Prolongeant une tendance suivie depuis plusieurs années, le budget de la sécurité routière connaît une sensible régression aussi bien globalement que dans chacune de ses composantes

Est-ce à dire que la sécurité routière n'est plus une priorité du Gouvernement ? Votre rapporteur ne le pense pas. D'une part, les aménagements de sécurité sont pris en charge par le budget des routes, et ils progressent de 5,9 % à 180 millions de francs. D'autre part, la politique de sécurité routière doit se juger aux résultats et non aux moyens mis en oeuvre. Force est de constater que les premiers progressent alors que les seconds régressent, ce qui constitue une sorte d'idéal budgétaire.

Deuxième observation

Les priorités de ce budget sont sensiblement les mêmes que lors de l'exercice précédent.

Il s'agit d'une part de la formation des conducteurs, avec la généralisation de l'apprentissage anticipé à seize ans, et la mise en place d'une politique de formation globale.

Il s'agit d'autre part des programmes urbains de gestion informatisée de la circulation routière qu'on appelle aussi "exploitation de la route". Une sorte de course est engagée entre cette modernisation technologique et l'augmentation continue du trafic routier.

Troisième observation

L'amélioration de la sécurité routière, tout en se poursuivant, ne suscite guère l'enthousiasme. Certes, sur un an glissant à la fin juin 1995, le nombre de victimes de la route s'est établi à 8.641 tués, contre 8.722 à fin juin 1994. Mais le premier semestre 1995 a été mauvais, avec 3.957 morts contre 3.849 pour les six premiers mois de 1994. La perspective de l'amnistie présidentielle a d'évidence fortement détériorée les conditions de sécurité de la fin de 1994 et du début de 1995.

Cette détérioration pourrait ne pas être que circonstancielle. Le mois de juin a été meurtrier (732 morts contre 707 en juin 1994), bien qu'il fût postérieur à l'élection, et le congé de l'Assomption a connu le même nombre d'accidents et de victimes qu'en 1994.

En la matière, le Gouvernement ne relâche pas une pression dont l'exercice constant est nécessaire à la réussite. Ainsi, il a restreint le champ de l'amnistie par rapport aux usages des années 1988 et 1981, et il a réduit à 0,5 grammes par litre de sang le taux d'alcoolémie toléré (4 ( * )) .

Il apparaît cependant que la vitesse moyenne des véhicules reste à un niveau élevé : 120 km/h sur autoroute (+ 9 km/h par rapport à 1990), 94 km/h sur les départementales à grande circulation limitées à 90 km/h (même chiffre qu'en 1990). Le sentiment de sécurité accru lié aux progrès techniques de la sécurité des véhicules et aussi à la réglementation (retenues à l'arrière) peut conduire les automobilistes à sous-estimer l'insécurité liée à la vitesse. De fait, si leur sécurité est réellement accrue, celle des autres usagers de la route ne l'est pas pour autant. On observe ainsi une remontée préoccupante du nombre de cyclistes tués (363 morts de juin 1994 à juin 1995, chiffre le plus mauvais depuis juin 1992), ainsi qu'une certaine stagnation chez les piétons, à un niveau beaucoup trop élevé (1.121 morts de juin 1994 à juin 1995). Peut-être faudrait-il s'orienter vers une réflexion sur la cohabitation des différents usagers de la route.

* 1 Le coût total des trois routes (A 75, A 20 et RN 7) s'élève à 10,7 milliards de francs. L'objectif du schéma directeur, qui était une mise en place de la totalité des crédits prévus fin 1996, ne sera pas atteint.

* 2 Autoroutes du Sud de la France - Esterel Côte d'Azur (ASF-ESCOTA). Sociétés des autoroutes de Paris Rhin-Rhône. Autoroutes Rhône-Alpes (SAPRR-AREA). Sociétés des autoroutes du Nord et de l'Est de la France. Sociétés des autoroutes Paris Normandie (SANEF-SAPN).

* 3 Le FARIF a déjà pris en charge 803 millions de francs pour l'A 86, en Seine-Saint-Denis essentiellement (Drancy, Bobigny, La Courneuve).

* 4 Décret n° 95-962 du 29 août 1995 modifiant les articles R 233-5, R 256 et R 266 du code de la route (JO du 30 août 1995, page 12.839)

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