B. UN DISPOSITIF QUI RÉPOND DAVANTAGE AUX PRÉOCCUPATIONS DES PROFESSIONNELS DES TRAVAUX PUBLICS QU'À CELLES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Le dispositif proposé apparaît empreint d'une certaine ambiguïté Comme son titre l'indique, il vise à desserrer la contrainte financière des collectivités locales. Mais son ambition de favoriser les PME est tout aussi manifeste et c'est à ce titre qu'il a été incorporé dans le plan du Gouvernement en faveur des PME.

Or il est important de préciser, afin d'éclairer les débats parlementaires à venir, que la présente proposition ne répond en aucun cas à la demande des collectivités locales, et ne saurait, du moins tant que les taux d'intérêt à court terme et le niveau de rémunération de l'épargne administrée se situeront à leurs niveaux actuels, être assimilée à une véritable mesure en leur faveur.

Il s'agit en réalité d'une revendication, déjà ancienne, de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), censée apporter un remède aux difficultés des entreprises de ce secteur.

1. Une mesure qui, dans la situation actuelle, répond mal aux attentes des collectivités locales

Pour les collectivités locales, le principal intérêt du dispositif réside dans la mise à leur disposition, par le système bancaire, d'une enveloppe de l'ordre de 18 milliards de francs de crédits, à des taux théoriquement privilégiés.

Il est ainsi censé permettre un desserrement de la contrainte de financement des collectivités locales.

Comme le montre le tableau ci-après, les collectivités locales ont investi en 1994, environ 137 milliards de francs d'équipement brut, hors remboursement de dettes.

Toutefois, la pertinence du dispositif proposé doit s'apprécier non pas à l'aune de ce volume global, mais à celle du flux d'investissement annuel financé par emprunt correspondant aux dépenses d'équipement visées par la présente proposition de loi.

A cet égard, le volume total des financements par emprunt aux collectivités locales aurait été en 1995, selon les informations dont dispose votre rapporteur, de l'ordre de 70 - 75 milliards de francs, contre 90 milliards en 1994 ; cette baisse s'expliquant en grande partie par des considérations d'ordre électoral.

Or, d'après les calculs effectués par le Crédit local de France, le dispositif proposé pourrait aboutir à la mise à disposition des collectivités locales d'un montant compris entre 10 et 20 milliards de francs de financements sur fonds Codevi, selon que le plafond des prêts par collectivité sera de 1 ou 2 millions de francs.

Il s'agit donc d'une enveloppe relativement significative en égard au montant des investissements financés par emprunt par les collectivités locales et leurs groupements.

Néanmoins, ce dispositif a perdu beaucoup de son intérêt entre le moment de la rédaction de la proposition de loi et maintenant, compte tenu de l'évolution récente des taux d'intérêt, en particulier ceux à court terme.

En effet, d'après les informations dont dispose votre rapporteur, les collectivités locales ont la possibilité d'emprunter à 5 ans, à taux fixe, à des taux compris entre 6,20 et 6,30 %, pour les meilleurs emprunteurs. A taux variable, les conditions de forte concurrence prévalant sur le segment des financements aux collectivités locales font que celles-ci peuvent emprunter à PIBOR ( ( * )1) plus 50 centimes voire, dans certains cas, PIBOR plus 30 centimes, ce qui représente, actuellement, des taux compris en dessous de 6 %.

Or, s'agissant de financements Codevi, le taux de sortie est assez facile à déterminer : il est composé de la rémunération payée aux déposants, soit actuellement 4,5 % ; des coûts de collecte que l'on peut estimer, en moyenne, aux environs de 1,5 % et enfin de la marge bénéficiaire, qui s'agissant de collectivités publiques, est réduite à 0,3 - 0,5 % compte tenu de la forte concurrence sur ce marché et de la faiblesse des risques de signature.

Au total, les financements accordés aux collectivités locales et à leurs groupements sur ressources Codevi ne pourront s'établir à moins de 6,30 - 6,50 %, soit des conditions supérieures, ou au mieux égales, aux conditions de marché.

Sauf à diminuer les taux de rémunération de l'épargne administrée, ou à ce qu'une remontée des taux d'intérêt à court terme ne se produise, l'efficacité actuelle du dispositif proposé apparaît pour le moins douteuse.

C'est pourquoi, dans les conditions prévalant actuellement, on ne peut considérer ce dispositif comme un avantage consenti aux collectivités locales, ni comme une compensation, même partielle, à la réduction en termes réels des dotations de l'État aux collectivités locales décidées dans la loi de finances pour 1996, à savoir la suppression de la première part de dotation globale d'équipement pour les communes les plus peuplées et la réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle. Au demeurant, et sans tenir compte des montants en cause ( ( * )2) , aucune comparaison n'est possible entre une réduction de dotations de l'État et la mise à disposition de Possibilités de tirages sur des enveloppes de crédit. On ne peut en effet compenser une perte de recettes par un surcroît d'emprunts, fussent ils à taux privilégié, et a fortiori s'ils sont aux conditions du marché ou très proches de lui.

2. Une mesure destinée principalement aux entreprises

En revanche, du point de vue des entreprises, l'effet est plus certain : il sera à la fois direct et indirect.

L'effet direct résultera de l'augmentation de la commande publique . Il profitera aux entreprises chargées de réaliser les travaux d'équipement. Comme ceux-ci devraient, en principe, porter sur les infrastructures mises en place par les collectivités pour accueillir ou développer l'activité des entreprises - construction ou réfection de voirie, adductions d'eau, assainissement, constructions ou réparations de bâtiments d'accueil, viabilisation de zones industrielles ou artisanales... - ce sont essentiellement les entreprises de travaux publics qui en bénéficieront.

Il s'agit là d'un phénomène de transmission des effets de la politique budgétaire locale bien connu et dont les effets sont faciles à prévoir puisque le chiffre d'affaires des entreprises de travaux publics dépend en grande partie des commandes des collectivités territoriales. Permettre d'accroître ces commandes, c'est espérer développer le chiffre d'affaires de ces entreprises. A elles seules, les communes représentent 34 milliards de francs de dépenses, soit 24 % du chiffre d'affaires des entreprises de travaux publics.

De ce point de vue, l'adoption de ce dispositif permettrait aux entreprises bénéficiaires de substituer, dans une certaine mesure, des possibilités d'emprunt à des taux qui ne sont plus vraiment privilégiés, contre des commandes fermes de la part des collectivités locales.

Répartition du chiffre d'affaires des travaux publics

Secteur privé 30 %

Communes 24 %

Départements 11 %

État 8 %

RATP-SNCF 7 %

EDF-GDF 7 %

Autres entreprises publiques 7 %

Régions 3 %

Autres collectivités locales 3 %

Source : FNTP

L'effet indirect jouera au profit des entreprises bénéficiaires de l'amélioration des infrastructures, qu'elles soient déjà installées ou qu'elles cherchent à le faire. Cet effet profitera non seulement au BTP mais à tous les secteurs de l'économie. Toutefois, il n'est pas possible de dire dans quelle mesure il bénéficiera spécifiquement aux PME. En effet, l'amélioration des infrastructures d'un centre ville piétonnier (construction de parkings par exemple) devrait essentiellement bénéficier aux PME commerciales, et aux entreprises de services (banques, assurances...), mais en revanche, la viabilisation d'une zone d'activité ou la construction d'un centre de congrès est susceptible de bénéficier aussi bien à de grandes entreprises qu'à des petites.

Les entreprises de travaux publics devraient donc être les principales bénéficiaires du dispositif proposé, essentiellement du fait de l'augmentation de la demande qui leur sera adressée. En revanche l'effet sur les collectivités locales est plus incertain, puisqu'il dépendra des conditions relatives à la gestion d'ensemble du mécanisme des Codevi et plus encore de la gestion des taux d'intérêt de l'épargne administrée. Dans les deux cas, l'efficacité du dispositif proposé dépend en grande partie des conditions de mise en oeuvre qui seront retenues par Gouvernement.

* (1) Paris Interbank Offered Rate : taux interbancaire offert à Paris

* (2) Aux termes du rapport de notre collègue Michel Mercier sur les crédits de l'intérieur (décentralisation) (rapport général n° 77 - 1995-1996, annexe n° 25), la réduction de la DCTP s'élève à 800 millions de francs, celle de la DGE à 625 millions de francs en 1996.

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