Rapport n° 191 (1995-1996) de M. Philippe MARINI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 31 janvier 1996

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N° 191

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 31 janvier 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif aux relations financières avec l'étranger en ce qui concerne les investissements étrangers en France,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, vice-présidents ; Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Emmanuel Hamel, René Régnault, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Philippe Marini, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jacques Oudin, Alain Richard, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (l0ème législ.) : 2347, 2492 et TA. 455.

Sénat : 182 (1995-1996).

Politique économique.

INTRODUCTION

Les relations financières avec l'étranger se sont très largement développées à mesure que la réglementation des changes se libéralisait, que le développement des technologies et, plus généralement, de l'ingénierie financière facilitait les opérations internationales tout en en amplifiant les volumes et que se renforçait la dispersion internationale des activités.

Ce dernier phénomène qui recouvre en particulier le phénomène de multinationalisation des firmes suppose l'essor des investissements étrangers. Ceux-ci complètent l'activité internationale des agents économiques fondée sur l'échange avec l'étranger par la possibilité qu'il leur réserve de s'implanter durablement ou non dans un espace économique étranger. Ce faisant, les agents obéissent à une série d'objectifs économiques qui ne sont guère réductibles à un seul et unique motif.

A et égard, si l'on a, à juste titre, insisté ces dernières années, sur les motifs liés à la disparité des coûts du travail selon les pays, bien d'autres considérations peuvent guider les stratégies de multinationalisation des activités.

En France, les investissements étrangers ont longtemps été considérés avec une certaine défiance.

Une certaine forme de chauvinisme économique pouvait contribuer à cette attitude dictée, en outre, par quelques considérations plus techniques relatives en particulier au constat d'une volatilité des capitaux étrangers plus accusée que pour les capitaux français, porteuse de perte de stabilité et de contrôle sur l'économie nationale.

Cependant, la nouvelle donne apportée par le phénomène de globalisation de l'économie mondiale, le constat d'une fluidité accrue des capitaux français en direction de l'étranger -les délocalisations- et, en période de déséquilibre économique prolongé, l'analyse renouvelée de l'impact économique et social des investissements étrangers dans notre pays ont bouleversé les esprits.

On se souvient que, dans les années 60, un certain nombre de projets d'investissements étrangers -ceux de General Motors ou de Volkswagen, par exemple,- avaient essuyé des refus de la part des autorités nationales. De la même façon, réservée au début des années 80 à l'égard des implantions japonaises du fait du protectionnisme nippon en la matière, l'attitude de la France s'est assouplie rapidement à ce sujet devant les impératifs résultant des restructurations industrielles profondes engagées par notre pays.

En somme, autrefois considérée avec indifférence ou hostilité, l'entrée du capital étranger est, depuis les années 80 en particulier, considérée comme un enjeu économique et social important.

C'est cette conception renouvelée qui justifie les efforts entrepris pour renforcer l'attrait de notre pays pour les investisseurs étrangers.

L'un de ces efforts consiste évidemment à lever les obstacles non tarifaires à l'investissement étranger. C'est de ce souci que sont nés les textes qui ont successivement libéralisé les contrôles en la matière.

Bien que complétant le dispositif de police des investissements étrangers en France, le présent projet de loi poursuit ce mouvement.

Dans le même ordre d'idée, mais sur un registre différent, le gouvernement et l'Assemblée nationale ont souhaité autoriser le lancement d'un marché des valeurs mobilières destiné aux petites et moyennes entreprises innovantes. Ce marché s'inscrit dans le cadre de la directive du Conseil 93/22 du 10 mai 1993 concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières. Son lancement exige donc des mesures d'ouverture de nos frontières aux entreprises d'investissement et établissements de crédit de l'Espace économique européen, qui pourront désormais opérer sur nos marchés avec l'agrément et sous le contrôle des autorités de leur État d'origine.

CHAPITRE PREMIER - LE DÉVELOPPEMENT DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS EN FRANCE : DES PERFORMANCES À LA HAUTEUR DES ENJEUX

I. LA CONCURRENCE ENTRE ESPACES ÉCONOMIQUES A RÉVÉLÉ LES ENJEUX LIÉS AUX INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

A. LA CONCURRENCE ENTRE ESPACES ÉCONOMIQUES

L'accroissement des phénomènes de concurrence est une des caractéristiques dominantes de l'économie moderne.

Issue de phénomènes divers par nature, elle prend des visages eux-mêmes très variés.

Autrefois localisée dans des territoires homogènes et réduits, la concurrence économique s'est internationalisée.

Initialement cantonnée à l'échange international - les exportations et les importations -, la concurrence concerne désormais les espaces économiques nationaux eux-mêmes et, au sein de chaque pays, les espaces régionaux.

L'essor considérable des flux d'investissements directs internationaux témoigne de ce phénomène.

L'augmentation des investissements directs étrangers qui s'est considérablement accélérée dans les années 80 a été plus rapide que celle du PIB mondial.

C'est là le signe que le choix de la localisation des activités économiques devient une variable stratégique pour les agents. Cet événement suppose à l'évidence une mise en concurrence des espaces économiques au regard des flux d'investissement.

B. DES ENJEUX IMPORTANTS

1. De quelques conséquences directes des investissements étrangers

Fondamentalement, un investissement étranger réalisé en France revient pour notre pays à bénéficier d'un apport extérieur de capitaux, ce qui suppose une capacité à faire financer par d'autres l'activité économique du pays. Partant, le développement des investissements étrangers reçus par notre pays réduit l'ampleur de l'effort d'épargne nationale nécessaire à l'essor de l'investissement et dégage des revenus disponibles pour consommer. Incidemment enfin, la constitution d'un investissement étranger en France est favorable, du fait des conversions monétaires qu'elle nécessite, à l'appréciation de notre devise.

Une première conclusion s'impose : en accueillant des investissements étrangers, un pays s'enrichit de l'épargne de l'étranger et bénéficie d'un facteur favorable à l'appréciation de sa monnaie. En contrepartie, il peut s'autoriser à réduire son propre effort d'épargne.

Cette analyse, si elle n'épuise pas l'examen de toutes les conséquences directes d'un investissement étranger, rend cependant compte des principaux enjeux qui s'attachent à cette forme d'échange économique.

On peut rappeler à ce propos que la stratégie de nombreux ex-pays en voie de développement et des pays d'Europe centrale et orientale qui ont le mieux réussi leur transition a précisément consisté pour pallier l'absence d'épargne locale à leur stade de développement et sans doute aussi pour accéder aux technologies et savoir-faire qui leur faisaient défaut à réunir les conditions d'un accueil massif des investisseurs étrangers.

Mais, ce qui vaut pour des pays en retard de développement vaut aussi pour des pays plus développés, parmi lesquels la France. En effet, comme pour les pays moins avancés, les investissements directs sont pour eux, en première analyse, un moyen d'accéder à l'épargne et aux savoir-faire de l'étranger.

C'est la raison pour laquelle, confrontés à la concurrence en la matière, un grand nombre de pays développés poursuivent une politique visant à renforcer l'attrait de leur territoire aux yeux des investisseurs étrangers.

Cette politique passe en particulier par l'adoption de régimes juridiques en général favorables à l'accueil des investisseurs étrangers.

2. le régime des investissements étrangers chez nos principaux partenaires

a) Les pays de l'Union européenne

Les pays de l'Union peuvent être, schématiquement, classés en trois catégories.

(1) Le Royaume-Uni, l'Irlande, la Belgique, le Luxembourg et le Danemark ont une réglementation particulièrement libérale en matière d'investissements étrangers.

Ces investissements sont acceptés au Royaume-Uni sans restriction particulière, les entreprises étrangères y étant traitées de la même façon que les entreprises britanniques.

Toutefois est posée une limite de 29,5 % de la part des investisseurs étrangers dans le domaine de la construction aéronautique

En Irlande, qui a fondé son développement économique sur la promotion des investissements étrangers, seuls les investissements non communautaires dépassant le million de livres irlandaises (8,3 millions de francs) sont formellement soumis à une autorisation préalable de la Banque Centrale, qui est en fait une simple formalité, dans la mesure où les dossiers sont préalablement instruits au titre des aides publiques par l'Industrial Development Authority.

La Belgique et le Luxembourg qui ont une tradition d'ouverture aux capitaux étrangers, n'appellent pas de remarques particulières concernant leurs réglementations, a fortiori face aux investisseurs communautaires.

Il en est de même pour le Danemark, si l'on y fait exception, de manière anecdotique, du cas de ses résidences secondaires.

(2) L'Espagne et le Portugal ont une attitude globalement libérale, avec, toutefois, des zones sectorielles sensibles, qui peuvent constituer des restrictions aux investissements étrangers.

L'Espagne a procédé, pour répondre aux exigences communautaires, à la mise en conformité de sa réglementation. La clause de sauvegarde n'est plus invoquée que pour les investisseurs extérieurs à l'Union Européenne, dans des secteurs considérés comme sensibles.

Il convient, par ailleurs, de noter que l'Espagne adopte une attitude semblable à celle de la France en ce qui concerne l'investisseur qui, résident extérieur à l'Union Européenne, effectuerait son investissement à partir d'un État-membre de l'Union Européenne.

Le Portugal a également mis en conformité sa réglementation nationale, mais ne semble toutefois pas faire preuve d'un grand zèle dans son application.

(3) Les réglementations grecques, italiennes, allemandes et, dans une moindre mesure, néerlandaises offrent une législation, a priori peu contraignante pour les investissements étrangers.

Toutefois, des dispositions du droit des sociétés, s'agissant de l'Allemagne et des Pays-Bas, permettent, dans la pratique, à des entreprises de ces pays, de s'opposer au rachat total ou partiel, par des résidents ou des non-résidents, en particulier en raison de l'importance prise par les participations croisées entre banque et industrie.

La Grèce a procédé, en mars 1993, à une adaptation de sa réglementation nationale pour répondre aux exigences communautaires. Les investissements ne sont soumis, ni à déclaration préalable, ni à autorisation préalable, quel que soit le montant de l'investissement.

Mais, ce pays a conservé des restrictions sectorielles (marine marchande, transport aérien pour la desserte insulaire), ainsi que des pratiques administratives caractérisées par une certaine lourdeur, auxquelles n'échappent pas les investisseurs étrangers, communautaires ou non.

L'Italie , dont la réglementation a pour origine le contrôle des changes, ne présente pas de difficultés particulières pour un investisseur étranger, la seule déclaration effectuée l'étant à des fins statistiques.

Toutefois, s'agissant de certaines activités commerciales, les investisseurs étrangers se heurtent parfois aux lenteurs des autorités locales.

b) Les ÉTATS-UNIS

(1) Dispositions EXON-FLORIO : un dispositif de sauvegarde des intérêts de la sécurité nationale

Les dispositions Exon-Florio prévoient une procédure d'examen et d'enquête en deux étapes avant que le Président ne puisse prendre des mesures.

La phase "d'examen" ou de "notification" doit intervenir dans les 30 jours qui suivent la notification écrite d'un projet d'acquisition. Au cours de cette phase, il doit être décidé si le projet d'investissement touche aux intérêts de la sécurité nationale ou s'il y a lieu d'ouvrir une enquête pour en étudier de façon approfondie ses conséquences au regard de la sécurité nationale. A l'issue de la phase d'enquête, qui ne doit pas dépasser 45 jours, une décision administrative est prise en dernier ressort. Si elle conclut à l'obligation, pour le Président, d'engager une action contre l'investissement étranger concerné, cette action doit être entreprise dans les 15 jours. En conséquence, la procédure complète ne peut dépasser 90 jours.

Les facteurs devant être pris en compte afin d'évaluer un projet d'investissement donné au regard des impératifs de sécurité nationale sont les suivants :

- la production intérieure nécessaire pour assurer les besoins prévus de la défense nationale ;

- l'aptitude et la capacité de l'industrie nationale à satisfaire les besoins de la défense nationale, appréciées notamment au regard des ressources humaines, des produits, de la technologie, des installations et autres fournitures et services dont elle dispose ;

- enfin, le contrôle d'entreprises et activités commerciales nationales par des ressortissants étrangers dans la mesure où il influe sur l'aptitude et la capacité des États-Unis à satisfaire les besoins de sécurité nationale.

(2) Le "Défense authorisation Bill" : une modification des dispositions EXON-FLORIO

Les principales dispositions du texte sont les suivantes :

- Une enquête du Comité des investissements étrangers aux États-Unis (Committee on Foreign Investment in the United States CFIUS) est désormais obligatoire dans tous les cas dans lesquels une entité contrôlée par un gouvernement étranger ou agissant en son nom cherche à conclure une transaction susceptible de se traduire par une prise de contrôle par des intérêts étrangers et d'affecter la sécurité nationale ;

- Les effets potentiels d'une transaction sur l'avance ("leadership") technologique des États-Unis dans des domaines touchant à la sécurité nationale doivent désormais compter parmi les facteurs que le Président des États-Unis peut être amené à prendre en considération lorsqu'il porte en jugement sur un investissement donné.

- Le Président est désormais tenu de soumettre au Congrès un rapport écrit sur chaque cas sur lequel il aura eu à se prononcer, que la transaction ait été ou non bloquée. Ce rapport doit contenir une explication détaillée des conclusions auxquelles le Président est parvenu et des facteurs qu'il a pris en compte. Auparavant, le Président ne devait présenter un apport au Congrès que lorsqu'il avait décidé de bloquer une transaction et il n'était pas tenu de fournir des explications détaillées quant à sa décision.

c) Le JAPON

(1) La réglementation est d'inspiration libérale

Depuis 1980, en plusieurs étapes, le Japon a substitué à une procédure d'autorisation préalable des investissements directs étrangers un régime plus libéral. La "Loi sur le contrôle des changes et le commerce extérieur" pose à présent, le principe de la liberté des opérations d'investissements étrangers et prévoit seulement que soit soumis a posteriori à la Banque du Japon un rapport décrivant l'opération.

Cependant, certaines opérations d'investissements directs demeurent soumises à un régime de déclaration préalable auprès du Ministère des Finances et de la Banque du Japon. Deux facteurs motivent cette procédure dérogatoire au principe général d'information a posteriori des autorités :

- le fait que l'investissement projeté intervienne dans des secteurs (agriculture, la sylviculture, la pêche, le cuir, les industries minières et pétrolières et les transports aériens et maritimes) que le Japon considère stratégiques ou vitaux en termes de sécurité nationale ;

- le principe de réciprocité à l'égard d'un petit nombre de pays avec lesquels le Japon n'a pas signé d'accord relatif aux investissements directs et qui imposent une procédure d'autorisation ou de déclaration préalables aux investissements directs japonais.

(2) En pratique, cependant, le pouvoir de contrôle des opérations est fort

Outre la procédure d'investissement étranger elle-même, il existe, en effet, un système de licences pour exercer une activité dans un certain nombre de domaines (finances, transports aériens, construction, hôtellerie, vente de produits pharmaceutiques, etc.). Cela signifie qu'une instruction préalable "officieuse" des dossiers est généralement la règle.

II. DES PERFORMANCES NON NÉGLIGEABLES

En matière d'accueil des investissements étrangers, la France réalise désormais des performances appréciables.

Le montant net des investissements directs étrangers 1 ( * ) était en 1985 de 22,8 milliards de francs. En 1994, il s'élevait à 74,3 milliards de francs.

Le flux annuel des investissements étrangers accueillis par notre pays a été multiplié par plus de quatre entre 1985 et 1994, si bien que les recettes perçues à ce titre représentent, par exemple, près de 12 % de celles dont nous bénéficiions en 1994 du fait de nos exportations de marchandises.

Le secteur des services marchands, en particulier celui du crédit et des assurances, occupe le premier rang des secteurs concernés (48,5 milliards de francs en 1994). Il est suivi par l'industrie (23,5 milliards de francs) dont il faut rappeler que 29 % du chiffre d'affaires sont réalisés par des sociétés à capitaux étrangers.

Au total, la ventilation sectorielle des investissements étrangers réalisés en France illustre assez bien la gamme de nos avantages comparatifs.

Stock des investissements étrangers en France

En 1992, le stock des investissements étrangers en France s'élevait à 551,8 milliards de francs, en progression de près de 9 % par rapport à l'année précédente.

L'origine géographique des investisseurs étrangers révèle que l'essentiel du patrimoine détenu par l'extérieur l'est par des investisseurs provenant de la zone OCDE (95 % du total) et que près de 60 % des investissements étrangers, en France, sont réalisés par des ressortissants de l'Union européenne.

Au sein de celle-ci, les investissements néerlandais devancent de beaucoup les investissements britanniques et allemands.

Ce résultat, un peu paradoxal, indique qu'au-delà de la dimension économique d'un pays, sa dimension financière conditionne l'ampleur de sa présence à l'étranger. Il va de soi qu'une grande part des capitaux investis en France, en provenance des Pays-Bas, ne sont pas réellement néerlandais et ne font que transiter par des Pays-Bas.

Les chiffres mentionnés proviennent en effet d'une ventilation géographique effectuée sur la base du pays de provenance des capitaux et non sur la base de l'origine effective de l'actionnaire ultime.

C'est ainsi que, sans remettre en cause la prééminence des investissements en provenance de la zone OCDE, les statistiques établies par la direction du Trésor amènent à placer les investisseurs américains au premier rang des investisseurs étrangers dans notre pays (40 % du total des flux d'entrée en 1993).

La destination régionale des investissements étrangers révèle une très forte concentration géographique des opérations réalisées. Les deux tiers des emplois contrôlés par l'étranger sont en effet situés dans sept régions au nord d'une ligne Le Havre-Montpellier. La prédominance des régions "Île-de-France" et "Rhône-Alpes" doit être soulignée.

Cette répartition géographique décalque largement la répartition des activités sur le territoire mais l'accentue quelque peu. De fait, les inégalités régionales en matière d'accueil des investissements étrangers sont plus accusées que pour l'accueil des activités d'origine nationale.

Enfin, certaines régions apparaissent très dépendantes des investissements étrangers.

C'est le cas des régions suivantes dans lesquelles la part de l'emploi industriel relevant d'entreprises étrangères dépasse le quart de l'emploi régional de ce secteur :

- l'Alsace avec 40 % de l'emploi industriel et 57.000 emplois ;

- la région Champagne-Ardenne avec près de 30 % de l'emploi industriel régional et 28.000 emplois ;

- la Lorraine (27,7 % et 40.000 emplois) ;

- la Picardie (35,8 % et 47.000 emplois).

CHAPITRE II - LA RÉGLEMENTATION DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS RÉALISÉS EN FRANCE

I. LE RÉGIME EN VIGUEUR

A. UN PARTAGE DE COMPÉTENCE TRÈS LARGEMENT FAVORABLE AU POUVOIR RÉGLEMENTAIRE

Une observation liminaire d'importance doit être faite. Hormis la disposition très lapidaire énoncée par l'article 3 de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966, qui donne latitude au gouvernement d'instituer une police des investissements étrangers en France, l'ensemble du domaine est, jusqu'à présent, régi par des dispositions réglementaires.

Celles-ci sont regroupées dans le décret n° 89-938 du 29 décembre 1989 modifié, en particulier, par les décrets n° 90-58 du 15 janvier 1990 et n° 92-134 du 11 février 1992. Il est à noter que le décret précité de janvier 1990 va jusqu'à renvoyer à une circulaire -la circulaire du 15 janvier 1990-pour déterminer le champ d'application du régime de police qu'il précise.

Cette répartition des compétences, conforme à la volonté du législateur de 1966, peut être sans doute justifiée par des considérations opérationnelles.

La diversité des situations en la matière impose des distinctions subtiles et des évolutions suffisamment fréquentes pour que la réglementation reste en permanence adaptée à l'objectif poursuivi.

Il n'en reste pas moins qu'en procédant à ce partage de compétence, le législateur de 1966 a beaucoup délégué, sans doute trop, ses prérogatives au pouvoir réglementaire.

B. LA NOTION D'INVESTISSEMENT DIRECT ÉTRANGER

Seuls sont réglementés les investissements directs dont le décret n° 90-58 du 15 janvier 1990 donne la définition suivante.

Est un investissement direct :

ï "l'achat, la création ou l'extension de fonds de commerce, de succursales ou de toute entreprise à caractère personnel :"

ï "toutes opérations lorsque.... elles ont pour effet de permettre... de prendre ou d'accroître, en fait, le contrôle d'une société... quelle qu'en soit la forme ou d'assurer l'extension d'une telle société déjà sous leur contrôle".

Est un investissement direct étranger l'une ou l'autre des opérations évoquées ci-dessus réalisées par des non-résidents, par des sociétés sous contrôle étranger direct ou indirect, ou par des établissements en France de sociétés étrangères ainsi que par cession entre non-résidents d'une participation dans le capital d'une société résidente.

La notion d'investissement direct étranger est ainsi définie assez largement puisqu'elle recouvre à la fois la création d'activité, la prise de contrôle dans des activités existantes ou l'extension d'une activité déjà contrôlée.

Cependant, l'apparent caractère extensif de la conception d'investissement direct étranger cède, en réalité, devant quelques nuances importantes apportées par le texte et la pratique.

ï Tout d'abord, il convient de souligner que, s'agissant des opérations portant sur le capital de sociétés existantes est exclue du champ des investissements directs la seule participation lorsqu'elle n'excède pas 20 %, dans le capital d'une société dont les titres sont cotés en bourse.

ï En second lieu, et surtout, quand bien même la notion d'investissement direct étranger serait comprise largement, il convient de souligner qu'au regard des règles de contrôle de ces opérations les investissements étrangers sont soumis à des traitements variables.

- Une curiosité -

Une curiosité du décret de 1989 examiné peut être évoquée.

De quelques curiosités, les non-résidents sont ceux dont le centre d'intérêt principal est situé hors de France, ce qui a obligé les auteurs du texte à définir la France.

La définition en question est, dans l'ensemble, classique mais elle comporte deux assimilations plus originales :

ï la principauté de Monaco, et surtout,

ï les États dont l'institut d'émission est lié au Trésor français par une convention de compte d'opérations.

L'assimilation de la principauté de Monaco à la France est complète. Cette situation est assez curieuse :

ï elle a pour effet d'exclure les investissements réalisés par des résidents monégasques du champ des investissements étrangers soumis à contrôle ;

ï elle a, combinée avec le texte du projet de loi, pour conséquence de soumettre à contrôle et à injonction les investisseurs étrangers à Monaco.

L'assimilation des États dont l'institut d'émission est lié au Trésor français, qui fait entrer un grand nombre d'États africains dans la définition donnée de la France par le texte, n'est pas totale.

Ces États sont considérés comme appartenant à l'étranger "pour les besoins statistiques liés à l'établissement de la balance des paiements et pour les obligations déclaratives relatives à l'importation et à l'exportation des sommes, titres ou valeurs".

Comme les opérations d'investissement direct ne sont pas mentionnées par le texte, la question se pose à bon droit de savoir ce qu'il en est. Les investissements directs en provenance de résidents de ces pays sont-il ou non des investissements étrangers ?

A ce stade doit être mise en évidence une caractéristique essentielle de la réglementation. Si les créations directes d'entreprises par des non-résidents peuvent être qualifiées "d'investissements directs étrangers", elles échappent totalement à la police des investissements directs étrangers. Seules les prises de participation dans des sociétés existantes sont soumises à cette police.

La justification apportée à cette situation est la suivante. Le contrôle des investissements étrangers vise essentiellement à éviter que des investisseurs étrangers puissent permettre d'accéder au contrôle de sociétés ou plus généralement d'entreprises dont l'objet social ou l'activité se déploie dans des domaines sensibles. Dans cette perspective, la création "ex nihilo" d'une entreprise n'est à l'évidence pas susceptible de produire ces effets et peut, par conséquent, être soustraite à tout contrôle.

II apparaît cependant que la logique du contrôle organisé par les dispositions réglementaires d'application de la loi de 1966 est largement plus restrictive que celle de la loi elle-même, ce jugement pouvant paraître plus encore étayé si l'on se réfère au projet de loi examiné ici qui, il faut le souligner, ne modifie en rien la situation sur ce point.

Celui-ci se réfère en effet à une série de domaines d'activités sensibles où l'intervention d'un investisseur étranger peut poser des problèmes. En revanche, il n'indique, en aucune manière, la forme que doit prendre cet investissement pour être considéré comme problématique. En particulier, rien ne laisse supposer que seule une prise de contrôle dans une entreprise existante soit de nature à déclencher un contrôle. Bien au contraire, comme le texte vise des domaines d'activité ou les propriétés d'un investissement, tout laisse à penser que, quelle que soit la forme prise par l'investissement étranger, c'est le fait pour lui de concerner l'un des domaines visés ou de réunir l'une des propriétés évoquées qui rend légitime le contrôle.

Et, de fait, pourquoi soumettre à autorisation préalable l'acquisition de titres de sociétés par un escroc étranger et non pas la constitution par lui d'une société entièrement nouvelle ?

Il y a là une faille évidente dans le dispositif actuel.

C. UN RÉGIME DE POLICE LIBÉRAL

La police des investissements étrangers obéit à un régime libéral tempéré par quelques exceptions.

1. Un régime de principe : la liberté des investissements étrangers

Les investissements directs réalisés en France dans une entreprise existante par des résidents d'un autre État membre de la CEE ou partie à l'accord sur l'Espace Économique Européen ou par des entreprises contrôlées par de tels résidents sont libres.

Ils doivent cependant être déclarés sauf lorsque l'investisseur, à condition qu'il ait réalisé un chiffre d'affaires supérieur à un milliard de francs au cours du dernier exercice clos et qu'il ait exercé une activité économique réelle durant au moins trois exercices consécutifs, s'est vu reconnaître par le ministre de l'économie à titre permanent la qualité "d'investisseur européen" définie par la réunion des conditions énoncées au paragraphe précédent.

Lorsque les investissements directs étrangers sont d'un montant inférieur à 50 millions de francs et sont effectués dans des entreprises existantes dont le chiffre d'affaires, compte tenu de celui des sociétés placées sous leur contrôle n'excède pas 500 millions de francs, le même régime de liberté s'applique à l'investisseur résident d'un pays extérieur à la CEE et l'Espace Économique Européen.

Là également est édictée l'obligation d'une déclaration préalable.

2. Un régime résiduel : l'autorisation préalable

Sont soumis à autorisation préalable :

- quelle que soit leur provenance (art. 11 ter - décret 134 du 11 février 1992),

ï les investissements effectués dans des activités participant en France, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique ;

ï les investissements mettant en cause l'ordre public ou la santé publique ou la sécurité publique ainsi que ceux réalisés dans des activités de production ou de commerce d'armes, de munitions et de matériels de guerre ;

ï les opérations ayant pour effet de faire échec à l'application des lois et règlements français.

- (art. 11 bis du décret du 11 février 1992) les investissements directs étrangers, quel que soit leur objet, dont le montant est égal ou supérieur à 50 millions de francs lorsqu'ils sont effectués dans des entreprises existantes dont le chiffre d'affaires, additionné à celui des sociétés placées sous leur contrôle, excède 500 millions de francs.

L'autorisation du ministre chargé de l'économie est réputée acquise un mois après la réception de la déclaration d'investissement présentée au ministre, sauf s'il prononce l'ajournement de l'opération dans ce délai.

D. APPRÉCIATIONS

Le régime en vigueur peut être jugé comme d'essence libérale. La liberté est la règle, l'autorisation préalable, l'exception.

Il convient au demeurant, et ceci conforte ce jugement, d'observer que, sur le fondement de l'article 13 du décret du 15 janvier 1990, le ministre a, par circulaire, accordé un grand nombre de dispenses de déclaration et d'autorisation préalables pour des opérations jugées complémentaires concernant des entreprises déjà sous contrôle étranger ou pour des opérations concernant des entreprises non industrielles.

Ces dispenses bénéficient aux opérations suivantes :

ï la création de succursales ou d'entreprises nouvelles,

ï l'extension d'activité d'une entreprise existante,

ï les accroissements de participation dans une société française sous contrôle étranger lorsqu'ils sont effectués par un investisseur détenant déjà plus de 66,66 % du capital ou des droits de vote de la société,

ï la souscription à une augmentation du capital d'une société française sous contrôle étranger par un investisseur sous réserve qu'il n'accroisse pas à cette occasion sa participation,

ï les opérations de fusion, d'apport partiel d'actifs, de cession ou de prise en location-gérance de fonds de commerce, réalisées entre des sociétés françaises sous contrôle étranger, appartenant toutes au même groupe,

ï les opérations relatives à des prêts, avances, garanties, consolidations ou abandons de créances, subventions ou dotations de succursales, accordés à une entreprise française sous contrôle étranger par les investisseurs qui la contrôlent,

ï les prises de participation au capital d'entreprises françaises exerçant une activité immobilière autre que la construction d'immeubles destinés à la vente ou à la location,

ï les opérations d'investissements directs réalisées, dans la limite d'un montant de 10 millions de francs, dans des entreprises artisanales hôtelières, de commerce de détail, de services divers marchands ou ayant pour objet exclusif l'exploitation de carrières ou gravières,

ï les acquisitions de terres agricoles ne donnant lieu à aucune exploitation vitivinicole.

Cependant, le caractère globalement libéral du régime en vigueur est, marginalement, affecté par quelques contraintes et par des restrictions qui peuvent réduire l'attrait exercé par la France auprès des investisseurs étrangers ou, tout du moins, paraître difficilement compatibles avec les engagements internationaux de notre pays.

Une contrainte concerne l'ensemble des investissements directs. Il s'agit de l'obligation d'effectuer une déclaration préalable avant d'entreprendre la réalisation de l'investissement.

Cette contrainte peut sembler assez légère puisque, à compter de la réception de la déclaration, le ministre ne dispose que d'un délai de quinze jours au terme duquel, sans notification contraire, l'investissement est libre.

Il n'empêche que cette procédure - qui n'est pas modifiée par le projet de loi examiné mais devrait être supprimée par le projet de décret fourni à votre rapporteur - est considérée comme de nature à dissuader la réalisation d'investissements étrangers dans notre pays. Au soutien de cette appréciation, on invoque les nécessités de la "marche des affaires" que viendrait troubler le rythme propre à l'activité administrative. Et d'évoquer l'hypothèse où le délai institué pourrait être mis à profit pour annuler la vente par le vendeur, s'il venait à rencontrer une meilleure proposition, ou par l'acheteur exerçant un repentir ultime.

Le dispositif envisagé pour l'avenir consisterait à supprimer le régime de déclaration préalable au profit d'une simple déclaration administrative.

Une seconde contrainte concerne les quelques investissements qui sont soumis à autorisation préalable. Dans le cas où ce régime s'impose du seul fait de l'origine géographique de l'investissement, cette contrainte ne paraît guère justifiée.

II. LE RÉGIME QUI SERAIT, À L'AVENIR, CELUI DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

Le dispositif projeté par le Gouvernement s'inscrit dans le cadre des engagements internationaux de notre pays. Il convient toutefois d'observer qu'il procède à une libéralisation qui va au-delà de ceux-ci.

A. LES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE

Les engagements européens de la France ou ceux qui résultent de sa participation au sein de l'OCDE imposent un cadre contraignant aux réglementations nationales des investissements dès lors qu'elles sont fondées sur l'origine étrangère de ceux-ci.

1. Les engagements européens

Les engagements européen de la France résultent des stipulations du Traité de Rome complété par les traités ultérieurs et, notamment, par l'Acte unique européen, et de celles du Traité portant l'Union Économique et Monétaire.

L'article 73 B de ce dernier précise que "toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites". Ce principe, entré en vigueur depuis le 1er janvier 1994, est toutefois tempéré par plusieurs normes.

Tout d'abord, l'article 73C. 1 réserve la possibilité d'appliquer "aux pays tiers les restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du doit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs..."

Cet article s'il empêche d'ajouter des restrictions qui n'auraient pas existées à la date du 31 décembre 1993 autorise les pays signataires du traité à maintenir à l'égard des pays tiers les règles existant à cette date.

On peut donc estimer que le projet de décret associé au projet de loi examiné va au-delà de nos engagements européens quand il supprime la déclaration préalable pour les investissements en provenance des pays tiers et l'autorisation préalable prévue pour les investissements qui dépassent une certaine importance, en provenance des pays tiers.

Rien pour autant n'indique que cette initiative soit inopportune au regard de l'intérêt qui s'attache à la promotion des investissements étrangers dans notre pays.

On peut d'ailleurs observer que les textes européens n'interdiraient pas un retour à la réglementation existant en 1993 en cas de besoin.

Au demeurant, le même article 73 du traité d'Union économique et monétaire ménage des possibilités d'évolution des règles communautaires applicables aux investissements en provenance des pays tiers.

En outre, l'article 73 D réserve le droit qu'ont les États membres :

"de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, ..., de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique, ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique".

Enfin, le 2 de l'article 73 D prévoit "la possibilité d'appliquer des restrictions en matière de droit d'établissement qui sont compatibles avec le présent traité".

Cet ensemble de règle peut d'abord être considéré comme comportant une obligation que remplissent les projets actuels du gouvernement : celle de supprimer le régime de la déclaration préalable dans tous les cas où l'investissement provient d'un État membre de l'Union européenne et où n'existent pas de motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique 1 ( * ) .

Mais, dans le même temps, ces règles autorisent les restrictions aux mouvements de capitaux dès lors qu'elles sont justifiées par des motifs d'ordre public ou tenant à la sécurité publique et qu'elles n'impliquent aucune discrimination arbitraire à l'égard des investisseurs étrangers à l'État qui les adopte.

Compte tenu de la nécessaire marge d'appréciation que suppose la référence aux notions d'ordre public et de sécurité publique, il paraît raisonnable de ne pas interpréter trop restrictivement cette dernière clause dès lors que la réserve de non discrimination est respectée.

En dernière analyse, le projet de loi examiné ainsi que le projet de décret transmis à votre rapporteur apparaissent entièrement conformes aux engagements européens de la France.

Il y a même lieu de souligner qu'à divers égards, les textes projetés vont au-delà de nos obligations européennes sans que cette observation soit de nature à remettre en cause le bien-fondé des initiatives du gouvernement.

2. Les engagements pris au sein de l'OCDE

Le Code de la libération des mouvements de capitaux adopté par le Conseil de l'OCDE pose le principe d'un engagement général des membres de l'OCDE de supprimer progressivement les restrictions aux mouvements de capitaux "dans la mesure nécessaire à une coopération économique efficace".

Utilisant la possibilité laissée aux États membres de formuler des réserves relatives à cette obligation, la France a fait accepter par le Conseil de l'Organisation son régime d'autorisation préalable pour les investissements de provenance non communautaire dépassant un certain volume.

Il convient à ce propos d'indiquer qu'il n'est désormais pas possible de formuler de nouvelles réserves en particulier pour ce qui concerne les investissements directs.

Cependant, l'article 3 de la décision du Conseil de l'OCDE concède aux États membres la capacité de prendre les mesures qu'ils estiment nécessaires "au maintien de l'ordre public ou à la protection de la santé, de la moralité et de la sécurité publique ; à la protection des intérêts essentiels de [leur] sécurité ; à l'exécution de [leurs] obligations concernant la paix et la sécurité nationale".

On le voit, les possibilités d'entorse au principe de liberté totale des investissements directs en provenance de l'étranger ménagées par les décisions du Conseil de l'OCDE ne sont pas mineures. Cela tient, à l'évidence, à une certaine hétérogénéité des "cultures" des membres de l'Organisation qui provient elle-même de leur grande variété.

Ce n'est pas à dire que les principes de libération des mouvements de capitaux posés par le code OCDE soient dénués de portée.

Mais, on ne peut guère y trouver le fondement des textes ici examinés.

B. LE PROJET D'UN RÉGIME PLUS LIBÉRAL

Le projet de décret communiqué à votre rapporteur comporte des dispositions renforçant la liberté des investissements étrangers.

LE PREMIER MINISTRE

Sur le rapport du ministre de l'économie et des finances.

Vu la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 modifiée relative aux relations financières avec l'étranger.

Vu le décret n° 89-938 du 29 décembre 1989 modifié réglementant les relations financières avec l'étranger

DÉCRÈTE :

Article 1er : les articles 11 à 13 du décret 89-938 du 29 décembre 1989 modifié sont remplacés par les dispositions suivantes :

"Art. 11 - Les investissements directs étrangers réalisés en France sont libres. Ces investissements font l'objet, lors de leur réalisation, d'une déclaration administrative.

Art. 11 bis - Le régime défini à l'article 11 ne s'applique pas aux investissements visés au I- a) de l'article 5-1 de la loi 66-1008 du 28 décembre 1966 modifiée notamment par la loi n° 96-... relative aux relations financières avec l'étranger.

Art. 12 - Les investissements directs étrangers réalisés en France relevant de l'article 11 bis sont soumis à l'autorisation préalable du ministre chargé de l'économie. Cette autorisation est réputée acquise un mois après la réception de la déclaration d'investissement présentée au ministre chargé de l'économie, sauf si celui-ci a, dans ce même délai, prononcé l'ajournement de l'opération concernée. Le ministre chargé de l'économie peut renoncer au droit d'ajournement avant l'expiration du délai fixé par le présent article.

Art. 13 - Sont dispensés de la déclaration administrative et de l'autorisation préalable prévues aux articles 11 et 12 :

Ø la création de sociétés, de succursales ou d'entreprises nouvelles ;

Ø l'extension d'activité d'une société, succursale ou entreprise existante ;

Ø les accroissements de participation dans une société française sous contrôle étranger lorsqu'ils sont effectués par un investisseur détenant déjà plus de 66,66 % du capital ou des droits de vote de la société ;

Ø la souscription à une augmentation de capital d'une société française sous contrôle étranger par un investisseur sous réserve qu'il n'accroisse pas à cette occasion sa participation ;

Ø les opérations d'investissements directs réalisées entre des sociétés appartenant toutes au même groupe ;

Ø les opérations relatives à des prêts, avances, garanties, consolidations ou abandons de créances, subventions ou dotations de succursales, accordés à une entreprise française sous contrôle étranger par les investisseurs qui la contrôlent ;

Ø les opérations d'investissements directs réalisées dans des entreprises exerçant une activité immobilière autre que la construction d'immeubles destinés à la vente ou à la location ;

Ø les opérations d'investissements directs réalisées, dans la limite d'un montant de 10 millions de francs, dans des entreprises artisanales, de commerce de détail, d'hôtellerie, de restauration, de services de proximité ou ayant pour objet exclusif l'exploitation de carrières ou gravières ;

Ø les acquisitions de terres agricoles.

Art. 13 bis - Quiconque aura contrevenu à l'obligation de déclaration administrative prévue à l'article 11 du présent décret sera puni d'une amende d'un montant égal au montant maximum applicable aux contraventions de quatrième classe.

Quiconque aura contrevenu à l'obligation de demande d'autorisation prévue à l'article 12 du présent décret, sera puni d'une amende d'un montant égal au montant maximum applicable aux contraventions de cinquième classe, le montant pouvant être doublé en cas de récidive.

Article 2 : L'article 15 du décret 89-938 du 29 décembre 1989 modifié est remplacé par les dispositions suivantes :

"Art. 15 - Les constitutions et liquidations d'investissements directs français à l'étranger sont libres. Celles réalisées par des résidents et dont le montant, par opération, excède 5 millions de francs, doivent faire l'objet d'un compte rendu dans les vingt jours auprès de la Banque de France".

Article 3 : Le ministre de l'économie et des finances et le ministre délégué à l'outre-mer sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret qui sera publié au journal officiel de la République française.

Fait à Paris, le

Par le Premier ministre

Les nouvelles dispositions réglementaires, prises sur le fondement de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966, libéreraient les investissements étrangers réalisés en France. Cette liberté de principe ne serait assortie que d'une obligation de déclaration administrative lors de la réalisation de l'investissement.

Le texte ménagerait cependant une exception à la liberté ainsi instituée.

Les investissements tels qu'ils sont définis par le projet de loi ici examiné - voir infra - seraient soumis à une autorisation préalable du ministre chargé de l'économie, cette autorisation étant réputée acquise un mois après la réception de la déclaration d'investissement effectuée auprès de celui-ci sauf en cas d'ajournement prononcé dans ce même délai.

Schématiquement, le régime qui serait applicable aux investissements étrangers serait le suivant :

- tous les investissements étrangers seraient libres et désormais soumis non plus à déclaration préalable, mais à une simple déclaration administrative ;

- seraient seuls soumis à autorisation préalable :

ï les investissements étrangers réalisés dans des activités participant en France, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique ;

ï les investissements de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique ou la sécurité publique ;

ï les investissements réalisés dans des activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives destinées à des fins militaires ou de matériels de guerre.

Seraient dispensés de déclaration administrative et d'autorisation préalable :

Ø la création de sociétés, de succursales ou d'entreprises nouvelles ;

Ø l'extension d'activité d'une société, succursale ou entreprise existante ;

Ø les accroissements de participation dans une société française sous contrôle étranger lorsqu'ils sont effectués par un investisseur détenant déjà plus de 66,66 % du capital ou des droits de vote de la société ;

Ø la souscription à une augmentation de capital d'une société française sous contrôle étranger par un investisseur sous réserve qu'il n'accroisse pas à cette occasion sa participation ;

Ø les opérations d'investissements directs réalisées entre des sociétés appartenant toutes au même groupe ;

Ø les opérations relatives à des prêts, avances, garanties, consolidations ou abandons de créances, subventions ou dotations de succursales, accordés à une entreprise française sous contrôle étranger par les investisseurs qui la contrôlent ;

Ø les opérations d'investissements directs réalisées dans des entreprises exerçant une activité immobilière autre que la construction d'immeubles destinés à la vente ou à la location ;

Ø les opérations d'investissements directs réalisées, dans la limite d'un montant de 10 millions de francs, dans des entreprises artisanales, de commerce de détail, d'hôtellerie, de restauration, de services de proximité ou ayant pour objet exclusif l'exploitation de carrières ou gravières ;

Ø les acquisitions de terres agricoles.

Il est à remarquer que le régime de la dispense totale sera ainsi étendu aux opérations de restructuration interne aux groupes déjà contrôlés par des investisseurs étrangers, ou aux exploitations vitivinicoles jusqu'à présent exclues du régime de dispense pour acquisition de terres agricoles.

En revanche, il convient d'observer qu'il entre dans les projets du Gouvernement de supprimer le régime de dispense jusqu'alors accordé aux investisseurs dont le caractère communautaire avait été reconnu de manière permanente par le ministre chargé de l'économie. Le maintien de ce dispositif pour les seuls investisseurs bénéficiant déjà de ce statut, au nombre d'environ soixante-dix, aurait conduit à une discrimination de traitement avec les investisseurs européens n'en bénéficiant pas encore. Pour l'effacer, il aurait été nécessaire d'accorder plus largement cette dispense, ce qui aurait conduit à priver l'administration d'informations indispensables.

C. UN NOUVEAU PARTAGE ENTRE LA LOI ET LE GOUVERNEMENT À L'ORIGINE D'UNE DIFFICULTÉ SUBSTANTIELLE

Alors qu'à l'exception des dispositions législatives prévues par l'article 3 et l'article 5 de la loi du 28 décembre 1966 le régime de contrôle des investissements directs étrangers était jusqu'alors entièrement fixé par le pouvoir réglementaire, l'adoption du texte examiné et des projets réglementaires du Gouvernement "légaliserait" un peu plus la police des investissements étrangers.

En l'état actuel des choses la situation est très claire. La loi -article 3 de la loi de 1966- habilite fort largement l'administration à fixer le régime de police des investissements étrangers. Hormis cette habilitation, elle ne fait que préciser certaines des sanctions -article 5 de la loi de 1966 modifié par l'article 73 de la loi n° 69-1161 du 24 décembre 1969- du non respect des dispositions réglementaires énoncées sur la base de l'article 3 précité. Tout le reste est issu du règlement.

Dans le nouveau dispositif le régime des investissements directs étrangers résulte d'une imbrication très complexe et subtile de dispositions législative et réglementaires.

Le présent projet de loi ne supprime pas le fondement légal de l'intervention du pouvoir réglementaire en la matière. L'article 3 de la loi de 1966 subsiste et c'est d'ailleurs sur son fondement que serait légalement pris le décret projeté par le Gouvernement. Celui-ci ne se substituerait d'ailleurs pas aux dispositions réglementaires existantes prises sur la base de l'article 3 susvisé mais viendrait seulement en modifier quelques unes. En particulier, le champ de la réglementation instituée-la définition des investissements étrangers- serait toujours défini par voie réglementaire.

Mais, fait nouveau, pour définir les investissements auxquels ne s'applique pas le régime de liberté organisé par le décret, celui-ci renvoie au texte de loi du projet ici examiné. C'est donc en se référant à la définition du texte de loi, qu'on trouvera les investissements auxquels appliquer le régime de police institué, par ailleurs, par le décret.

En un mot, le législateur est appelé à énumérer les investissements dont le pouvoir réglementaire se réserve, seul, le droit de régler le sort.

II y a à l'évidence quelque chose de très peu satisfaisant dans cette superposition des interventions de l'un et de l'autre.

Un exemple simple peut illustrer cette observation de façon frappante.

Imaginons qu'un décret supprime l'article 11 bis sus-cité. Alors, tous les investissements directs étrangers réalisés en France seraient libres et les dispositions du présent projet de loi deviendraient sans objet aucun. Ainsi, la seule édiction d'un nouveau décret pourrait ruiner le dispositif légal qu'on demande au Parlement d'approuver.

Cette situation quelque peu paradoxale provient de l'excessive délégation de sa compétence consentie par le législateur de 1966.

Une solution simple se présente qui consisterait à faire rentrer dans la loi quelques unes des dispositions réglementaires qui n'auraient sans doute jamais dû en sortir. Il s'agirait de compléter le texte examiné par la définition des éléments empruntés au projet de décret du régime de la police des investissements étrangers.

CHAPITRE III - L'ARTICLE PREMIER DU PROJET DE LOI

Le présent projet de loi vise à compléter la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux relations financières avec l'étranger.

Il est proposé d'introduire un article 5-1 qui, d'une part, étend la gamme des prérogatives dont dispose le ministre chargé de l'économie pour faire assurer la police des investissements étrangers et, d'autre part, crée une cause de nullité d'ordre public des opérations qui auraient entraîné la réalisation d'un investissement étranger réalisé en infraction au régime de police institué.

I. L'EXTENSION DE LA GAMME DES PRÉROGATIVES DU MINISTRE CHARGÉ DE L'ÉCONOMIE

L'article 3 de la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 donne au gouvernement la latitude pour assurer la défense des intérêts nationaux de soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle, notamment, la constitution et la liquidation des investissements étrangers en France.

Cette police des investissements étrangers est organisée par décret.

Les infractions au régime de police ainsi constitué sont assorties de sanctions suivantes :

ï peine d'emprisonnement d'un à cinq ans ;

ï confiscation du corps du délit ;

ï amende égale au minimum au montant et au maximum au double du montant de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction.

En outre, les personnes condamnées pour ces infractions subissent un certain nombre d'incapacités.

Il s'agit donc d'un arsenal répressif basé pour l'essentiel sur des sanctions pénales dont le maniement peut susciter des difficultés soit du fait des lenteurs inhérentes à toute procédure judiciaire soit en raison de la relative lourdeur des peines prévues.

C'est dans l'intention de remédier à ces difficultés que le projet du gouvernement propose de doter le ministre chargé de l'économie d'un pouvoir d'injonction. En l'exerçant, il peut exiger de l'investisseur qu'il ne donne pas suite à l'opération, qu'il la modifie ou encore qu'il fasse rétablir à ses frais la situation antérieure.

Ce pouvoir d'injonction est sanctionné par la possibilité donnée au ministre d'infliger une sanction pécuniaire égale au maximum au double du montant de l'investissement irrégulier.

Le champ du pouvoir d'injonction consenti au ministre de l'économie ne recouvre pas l'ensemble des opérations d'investissement étranger. L'investissement doit être ou avoir été réalisé dans certains domaines ou avoir certaines propriétés.

En effet, il faut que l'investissement étranger soit réalisé :

ï dans des activités participant en France, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique, ou,

ï dans des activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions ou de matériels de guerre, ou encore,

ï qu'il soit de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique ou la sécurité publique.

L'investissement doit encore avoir été réalisé en l'absence de la demande d'autorisation préalable exigée sur le fondement de l'article 3 de la loi de 1966 ou malgré un refus d'autorisation ou encore sans qu'il soit satisfait aux conditions dont l'autorisation est assortie.

Il y a là un luxe de détails dont on peut se demander s'il est vraiment utile.

Enfin, le pouvoir d'injonction du ministre est organisé de telle sorte que ce dernier dispose d'un total pouvoir d'appréciation. Autrement dit lorsque les deux catégories de conditions évoquées plus haut sont réunies, le ministre peut enjoindre mais aussi bien ne pas enjoindre.

Il y a là quelque chose d'un peu déconcertant en ce sens que le pouvoir d'intervention du ministre est subordonné à la constatation d'infractions "a priori" graves à la fois du fait de leur objet -le non respect de décisions administratives- et du fait des domaines où elles interviennent -l'ordre public, la sécurité publique....

On pourrait s'attendre, devant le caractère particulièrement répréhensible des actes mentionnés, à ce que la compétence du ministre soit liée plutôt que discrétionnaire.

Ce n'est pas le dispositif proposé. Mais il est possible d'estimer que l'apparent illogisme de la solution proposée ne doit pas être exagéré ; il n'y a pas lieu d'imaginer "a priori" un mauvais usage de son pouvoir d'appréciation par le ministre. Plus encore, l'option choisie peut être utile, le ministre pouvant avoir de bonnes raisons de ne pas intervenir du tout ou de choisir une autre forme d'intervention.

II. L'INTRODUCTION D'UNE CAUSE DE NULLITÉ ABSOLUE

Le II de l'article unique du projet de loi propose d'introduire une cause de nullité absolue, d'ordre public, des opérations qui réalisent ou ont réalisé directement ou indirectement un investissement étranger répréhensible.

Cette disposition devrait faciliter le dénouement de rapports privés tissés en vue de réaliser un investissement illicite. Elle est utile en ce sens que les juridictions judiciaires n'estiment pas qu'une infraction aux règles de droit public entachent ipso facto la validité des contrats privés conclus pour réaliser une opération contraire aux règles du droit public.

La rédaction choisie soulève cependant des problèmes et suscite des interrogations.

Il convient d'abord d'observer que le champ de la cause de nullité ainsi instituée diffère de celui du pouvoir d'intervention du ministre chargé de l'économie.

Pour que la nullité opère, il faut, en premier lieu, que l'investissement n'ait pas "fait l'objet" de l'autorisation préalable exigée sur le fondement de l'article 3 de la loi de décembre 1966. N'est pas expressément visé, à la différence de ce qui est prévu pour déclencher l'intervention du ministre, le cas où l'autorisation ayant été délivrée sous conditions, celles-ci ne seraient pas respectées par l'investisseur.

Il y a là, semble-t-il, une omission involontaire.

Une autre condition de la nullité est que l'investissement concerne "l'un des domaines mentionnés au a) de l'article unique du projet de loi. Or, si le a) vise explicitement certains domaines, il se réfère également à des investissements pouvant intervenir dans n'importe quel domaine dès lors qu'ils réunissent quelques propriétés indésirables : "mettre en cause l'ordre public, la santé publique, la sécurité publique". Ces investissements devraient être "couverts" par le texte du II, mais la rédaction envisagée pourrait trahir l'intention de ses auteurs.

L'objectif de ces observations est de lever toute ambiguïté sur ces deux sujets.

La nullité instituée est d'ordre public, c'est-à-dire qu'elle est automatique et peut être prononcée par l'autorité judiciaire dans des conditions procédurales très souples. Il en résulte deux conséquences :

ï A la différence du ministre, la juridiction saisie n'aura pas de pouvoir d'appréciation. Une fois constatées les conditions de la nullité réunies, la juridiction ne pourra que prononcer l'annulation des actes déférés. Il y a donc là un mécanisme pouvant rendre inopérante la marge d'appréciation laissée au ministre par la première partie du texte et susceptible de déboucher sur une discordance entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire.

ï En outre, la nullité instituée pourrait avoir comme conséquence d'affecter la sécurité juridique de certaines opérations d'investissement.

Sans doute faut-il ne pas perdre de vue que, par définition, les opérations concernées ont un caractère répréhensible, si bien que plutôt que d'interpréter cette disposition comme périlleuse pour la sécurité juridique des investissements étrangers, mieux vaut sans doute la voir comme une mesure de nature à dissuader les fraudeurs.

Cependant, force est de souligner que, compte tenu des opérations visées, la nullité ici instituée est de nature à affecter non seulement l'auteur principal de la fraude mais aussi ceux qui auraient pu y participer volontairement ou non.

En cas de participation volontaire, aucun problème ne se pose. Mais, si la participation a été involontaire, par exemple si un engagement a été obtenu par tromperie du fraudeur principal, force est de reconnaître que la sanction civile instituée par le projet de loi peut être considérée comme fort rigoureuse.

En tout cas, elle invitera certainement les tiers appelés à participer à une opération d'investissement étranger à une grande vigilance dont on n'est pas sûr qu'elle soit toujours à leur portée et dont on ne peut dire qu'elle ne risque pas de compliquer, voire de freiner, les investissements étrangers en France.

En l'état, l'absence de condition de date à compter de laquelle les opérations ayant réalisé un investissement étranger illicite sont susceptibles d'être annulées rend tout à fait excessive la précarité d'opérations qui peuvent être parfois anciennes.

Il convient donc de préciser que le régime nouvellement institué ne s'appliquera qu'aux opérations réalisées à compter de la promulgation de la présente loi.

CHAPITRE IV

LES MODIFICATIONS DE LA LOI BOURSIÈRE NECESSAIRES AU LANCEMENT DU NOUVEAU MARCHÉ

Par un article additionnel déposé à l'Assemblée nationale, le gouvernement a fait procéder aux modifications de la loi boursière 1 ( * ) nécessaires au lancement du Nouveau marché. Bien qu'ayant un objet distinct de l'article premier, cet article additionnel tend à autoriser les établissements de crédit et entreprises d'investissement de l'Espace économique européen à opérer en France, et peut donc sans difficulté se rattacher à un texte relatif aux relations financières avec l'étranger.

Votre commission, qui a appelé de ses voeux la création d'un marché analogue au Nouveau marché, ne peut qu'approuver cet article additionnel. Cette approbation ne vaut cependant que dans ce but, et ne saurait présumer des positions qui seront prises lors du débat sur le projet de loi de modernisation des activités financières 2 ( * ) sur les éléments du dispositif qui ne sont pas indispensables à l'existence du nouveau marché.

A. PRÉSENTATION RAPIDE DU NOUVEAU MARCHE

Dans son rapport relatif aux sociétés de développement régional 3 ( * ) , votre commission a émis le souhait de voir naître un marché européen du financement en fonds propres des PME en croissance. Tel est le but du nouveau marché, dont votre rapporteur souhaite rappeler l'utilité, avant de faire un bref panorama de ses structures et de son fonctionnement.

1. L'utilité du nouveau marché

Votre commission avait qualifié l'absence de marché financier des PME de "chaînon manquant" des systèmes financiers français et européen. Certes, il existe en France un Second marché qui avait eu la vocation d'occuper ce chaînon, mais il n'a pas eu le rôle espéré d'accompagnateur du développement des PME. Le Second marché est davantage conçu comme la porte d'entrée de la bourse pour des sociétés qui souhaitent être cotées, et qui ont vocation à terme, si leur taille le permet, d'accéder à la cote officielle (marché au comptant et règlement mensuel).

Le Nouveau marché n'est pas conçu comme une antichambre de la cote officielle, mais plutôt comme un levier de fonds propres pour les PME en croissance rapide, et qui manquent de ce type de financement.

Le rapport de M. Robert Chabbal, remis au ministre des entreprises en 1994, avait mis en évidence les difficultés que rencontrent les entreprises à se financer lorsqu'elles passent le cap des 100 millions de francs de chiffre d'affaires. Elles ont alors besoin d'importants fonds propres : l'épargne de proximité ne suffit plus, et les sociétés de capital-risque (SCR) ou fonds communs de placement à risque (FCPR) ne peuvent y prendre de participations trop importantes, pour des raisons prudentielles. Elles peuvent alors recourir au crédit, mais celui-ci déséquilibre leur structure financière et ce surendettement compromet leur pérennité. Dès lors, leur croissance risque fort d'être interrompue.

Pour les entreprises les plus performantes, la solution est alors de demander une introduction sur le marché hors cote ("over the counter") de New-York, tenu par l'association nationale des négociateurs de valeurs mobilières, le NASDAQ 1 ( * ) . A l'occasion de cette introduction, elles peuvent lever plusieurs millions de francs de capitaux.

Le nouveau marché aura vocation à jouer ce rôle, et à cet égard pourra être utile à deux titres : d'une part, il permettra le financement des PME en fonds propres par appel public à l'épargne ; d'autre part, il favorisera le capital-risque par la perspective pour les investisseurs qui prennent des risques au sein de SCR ou de FCPR de pouvoir revendre leurs titres à terme.

Le rapport Chabbal préconisait trois solutions possibles : la création d'un marché national, d'un marché européen, ou l'implantation d'une antenne du NASDAQ. Votre commission avait émis une préférence pour un marché européen pour des raisons de taille et du fait de la perspective d'unification des marchés financiers en Europe.

Le nouveau marché est un marché national, mais bénéficiant d'une certaine avance en Europe, il pourrait devenir le noyau d'un futur marché européen des PME innovantes.

2. Structures et fonctionnement

Votre commission a déjà eu l'occasion de se pencher sur les structures et le fonctionnement du Nouveau marché à propos des avantages fiscaux dont il fait l'objet, et qui ont été votés dans la seconde loi de finances rectificative pour 1995 1 ( * ) .

Le nouveau marché sera géré par une entreprise de marché, la société du nouveau marché (SNM), filiale à quasiment 100 % de la société des bourses françaises (SBF).

Les membres du marché seront des intermédiaires financiers installés en Europe, prestataires de services d'investissement. Actuellement, le nouveau marché compte 36 membres, dont 12 établissements de crédit.

Les membres peuvent pourront adopter trois statuts possibles.


• Le premier statut, qui fait l'originalité du nouveau marché, est celui d'introducteur - teneur de marché (ITM). Le rôle de l'ITM est triple :

- assister la société souhaitant être cotée lors de son introduction afin d'assurer la réussite formelle et financière de celle-ci ;

- assurer pendant trois ans la tenue du marché des titres, ce qui implique des obligations d'animation de ce marché en produisant des prix d'offre et de demande ;

- publier pendant trois ans l'analyse financière de la société.

Cette prestation de service particulière est destinée à pallier l'un des principaux défauts du Second marché, à savoir l'abandon à elles-mêmes des sociétés qui y sont cotées et qui bien souvent, faute d'une capitalisation suffisante, souffrent d'une liquidité très faible et partant, d'une incapacité à lever des fonds propres. La cotation portera donc non seulement sur des prix de transaction, mais aussi sur des prix d'offre et de demande.

ï Le deuxième statut, plus ordinaire, est celui de négociateur-courtier, qui exécute des ordres pour compte propre ou pour compte de tiers.

ï Enfin, le dernier statut est celui de compensateur, qui consiste à assurer le dénouement des opérations.

Les sociétés souhaitant être introduites devront faire acte de candidature auprès du Comité des admissions. L'objectif est d'atteindre une trentaine d'émetteurs cotés d'ici fin 1996, avec un rythme d'introductions hebdomadaire.

Les conditions d'admission sont relativement légères et au nombre de quatre : un total de bilan d'au moins 20 millions de francs dont au moins 8 millions de francs de fonds propres, un nombre de titres d'au moins 100.000 unités représentant une capitalisation initiale d'au moins 10 millions de francs. L'introduction des entreprises âgées de moins de deux ans se fera nécessairement par augmentation de capital. Cette dernière originalité correspond bien au rôle de ce marché.

Les admissions se feront par préplacement, offre à prix minimal, ou offre à prix fixe.

Les transactions s'opéreront par des moyens électroniques, de sorte que le marché pourra figurer sur des écrans décentralisés. Un carnet d'ordre central, ouvert de 8 h 00 à 20 h 00 concentrera les ordres auxquels seuls les membres auront accès. Par ailleurs, deux confrontations quotidiennes des ordres par "fixing" auront lieu, à 11 h 00 et à 17 h 00. Les ITM assureront la garantie de bonne fin des ordres dont ils auront la charge pour les marchés tenus par eux. Pour les opérations effectuées au fixing, c'est la SNM qui assurera la bonne fin, la chambre de compensation étant dans ce cas celle de la SBF-bourse de Paris.

B. LE DISPOSITIF PROPOSÉ EST INDISPENSABLE AU LANCEMENT DU NOUVEAU MARCHÉ

Le nouveau marché a été conçu par ses promoteurs comme un marché réglementé moderne s'inscrivant dans le cadre de la directive sur les services d'investissement 1 ( * ) . Or, la transposition de celle-ci nécessite des adaptations, souvent importantes, de notre droit interne.

Le présent article l'effectue sur deux points :

- il supprime le monopole de négociation des valeurs mobilières actuellement détenu par les sociétés de bourse ;

- il admet l'intervention, sur les marchés financiers intérieurs, des entreprises d'investissement et des établissements de crédit dont le siège est installé dans un État de l'Espace économique européen.

Ces deux modifications sont d'une portée considérable pour le métier de la négociation des valeurs mobilières, et peuvent paraître d'une importance démesurée au regard de la forme qu'elles prennent, à savoir un article additionnel rapidement discuté et voté à l'Assemblée nationale.

Il convient cependant de tempérer ce constat par trois considérations.

La première concerne le fond de ces mesures. Elles ne constituent pas une surprise. Directement issues de la directive, elles font l'objet d'un débat sur la place publique depuis trois ans et votre rapporteur les avait annoncées dans son rapport de 1994 1 ( * ) . Elles sont par ailleurs contenues dans la proposition de loi approuvée en juin dernier par votre commission (article 75 et titre IV).

La seconde considération concerne le calendrier. Les deux dispositions sont indispensables au lancement du Nouveau marché, qui compte des établissements de crédit parmi ses membres, et dont il est souhaitable qu'il bénéficie des avantages attachés à la qualité de marché réglementé au sens de la directive, notamment la possibilité de diffuser des terminaux dans tout l'Espace économique européen afin de d'attirer un nombre de transactions significatif. Les promoteurs du nouveau marché ont fait en sorte que celui-ci soit prêt pour le début de cette année, qui est celle de l'entrée en vigueur de la directive sur les services d'investissement. L'avantage compétitif de ce type de marché réside dans une avance technologique toujours très difficile à obtenir, et toujours précaire. Il serait très préjudiciable à notre marché et à nos entreprises, dont il convient de rappeler que les plus performantes demandent volontiers leur introduction en bourse à New-York, de retarder le lancement du nouveau marché de plusieurs mois à cause de la lenteur des pouvoirs publics. Ceci dit, il eût suffi au gouvernement d'accepter en temps utile l'inscription à l'ordre du jour de la proposition de loi de votre rapporteur 1 . Cette inscription aurait permis d'économiser environ six mois...

Enfin, la troisième considération porte sur le débat et les droits du Parlement. Certes, celui-ci est amené à voter très vite des dispositions importantes. Mais d'une part, elles sont pour l'essentiel directement transposées de la directive, et la marge de manoeuvre en ce domaine est très réduite. D'autre part, si des imperfections devaient subsister dans ce texte, le Sénat aurait le temps de les réexaminer à l'occasion du débat sur le projet de loi de modernisation des activités financières, qui constitue le texte de transposition de la directive. Ce projet est conduit à réécrire les dispositifs contenus dans le présent texte, qui s'inscrivent dans une réforme plus vaste.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er - Modification du régime des investissements étrangers en

France

Commentaire : cet article a pour objet de confier un pouvoir d'injonction au ministre chargé de l'économie à l'égard de certains investissements étrangers illicites et d'instituer une cause de nullité d'ordre public des opérations ayant réalisé directement ou indirectement lesdits investissements.

I. LE DISPOSITIF PROPOSE

Le présent projet de loi a pour objet de compléter la loi n° 66-1008 du 28 décembre 1966 relative aux opérations financières avec l'étranger en ce qui concerne les investissements étrangers en France.

Il s'agit de créer :


• un pouvoir administratif d'injonction confié au ministre chargé de l'économie ;


• et une cause de nullité des opérations ayant réalisé certains investissements étrangers de façon illicite.

A. LE POUVOIR ADMINISTRATIF D'INJONCTION

Le pouvoir d'injonction du ministre est soumis aux conditions suivantes.

Il faut d'abord que l'investissement étranger soit ou ait été réalisé dans des activités participant en France, même à titre occasionnel, à l'exercice de l'autorité publique ou dans des activités de recherche, de production ou de commerce d'armes, de munitions, de poudres et substances explosives, destinées à des fins militaires ou de matériels de guerre ou qu'il soit de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique ou la sécurité publique.

Il faut en outre que l'investissement soit ou ait été réalisé en l'absence de la demande d'autorisation préalable exigée sur le fondement de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966 ou malgré un refus d'autorisation ou sans qu'il soit satisfait aux conditions dont l'autorisation est assortie.

Si ces conditions sont remplies, le ministre chargé de l'économie peut enjoindre à l'investisseur de ne pas donner suite à l'opération, de la modifier ou de faire rétablir à ses frais la situation antérieure.

L'injonction ne peut intervenir qu'après l'envoi d'une mise en demeure à l'investisseur de faire connaître ses observations dans un délai de quinze jours.

La sanction du non respect d'une injonction prise sur le fondement du nouveau dispositif est organisée de la manière suivante. Le ministre peut infliger une sanction pécuniaire dont le montant maximum s'élèvera au double du montant de l'investissement irrégulier.

Ce dispositif ayant été amplement commenté à l'occasion de l'exposé général, il y a lieu d'apporter quelques précisions seulement.

Il semble que le motif le plus fréquemment utilisé pour ajourner des investissements étrangers soit celui tiré de la mise en cause de l'ordre public.

Selon les informations transmises par l'administration, on peut ainsi citer le cas d'un investissement projeté par un homme d'affaires proche-oriental aux activités soulevant de nombreuses interrogations et ayant notamment fait l'objet d'une interpellation pour port d'arme illégal, d'opérations envisagées par une société appartenant à un État sur le point d'être sanctionné par l'ONU, ou encore d'un investissement d'une organisation parareligieuse dont certains avaient fait l'objet de condamnations en France, notamment, pour exercice illégal de la médecine.

On peut considérer que la préservation de l'ordre public recouvre également le cas des opérations ayant pour effet de faire échec à l'application des lois et règlements français, actuellement spécifiquement prévu par l'article 11ter du décret du 29 décembre 1989 qui n'a pas été maintenu en tant que tel dans le texte du présent projet de loi, compte tenu d'une part de l'absence de cas où cette disposition avait trouvé à s'appliquer dans le passé, et de son caractère superfétatoire par rapport à la notion d'ordre public.

La notion d'ordre public a un contenu évolutif en fonction de la représentation qu'on se fait des conditions d'une vie sociale paisible.

Fondé sur les considérations liées à la sécurité des biens et des personnes à la salubrité et à la tranquillité publiques, l'ordre public a progressivement gagé de nombreux domaines -esthétique, économique...- et se trouve ainsi de plus en plus fréquemment invoqué.

Ce n'est pas à dire que sa simple évocation suffise à justifier l'intervention de l'administration. Encore faut-il pour que celle-ci soit légale, que la mise en cause de l'ordre public soit avérée et, lorsque l'administration entend intervenir dans le domaine des libertés publiques, cette mise en cause soit suffisamment grave.

Une dernière observation doit être faite. L'Assemblée Nationale a introduit une disposition tendant à mentionner parmi les activités sensibles les activités de recherche et de production de poudres et substances explosives destinées à des fins militaires.

En effet, elle a estimé que le droit français distinguant le régime des matériels de guerre et des matériels assimilés et le régime des poudres et substances explosives destinées à des fins militaires, il existait donc un doute juridique quant à la possibilité d'assimiler ces deux régimes en matière d'investissements directs étrangers, en particulier dans le cas où les poudres explosives étant intégrées dans des systèmes de munitions ou d'armes (ce qui est le cas lorsqu'elles servent à la propulsion d'engins, notamment balistiques, dont le caractère stratégique est indubitable).

Elle a donc jugé nécessaire de spécifier que ces activités demeureraient soumises à autorisation préalable du ministre de l'économie.

B. L'INSTAURATION D'UNE CAUSE DE NULLITE DES OPÉRATIONS RÉALISANT UN INVESTISSEMENT ÉTRANGER IRRÉGULIER

La nullité concerne tout engagement, convention ou clause contractuelle qui réalise directement ou indirectement un investissement étranger dans les domaines mentionnés plus haut lorsque cet investissement n'a pas fait l'objet de l'autorisation préalable exigée sur le fondement de l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966.

La nullité est automatique. Elle sera prononcée par les tribunaux compétents, le rôle de ceux-ci étant simplement de vérifier que les conditions mises à son prononcé sont réunies.

II. POSITION DE LA COMMISSION

Si l'essentiel du dispositif projeté ainsi que l'option choisie d'assouplir et de libéraliser le régime des investissements étrangers en France peuvent être approuvés, force est d'observer que le projet examiné pose un problème juridique essentiel et pourrait être amélioré marginalement.

A. UN PROBLÈME JURIDIQUE ESSENTIEL

Le régime de police des investissements étrangers est fixé par des dispositions réglementaires prises sur le fondement de l'habitation très large consentie par l'article 3 de la loi du 28 décembre 1966.

Le pouvoir d'injonction et la cause de nullité institués par le présent projet de loi sont conditionnés au constat d'un défaut de respect du régime d'autorisation préalable qui est édicté par les décrets d'application de la loi de 1966.

Le pouvoir réglementaire dispose, à tout moment, de la possibilité de modifier la réglementation des investissements étrangers. Il lui est donc possible de paralyser entièrement le dispositif légal que le Gouvernement sollicite le Parlement d'adapter.

Cette situation n'est, à l'évidence, pas satisfaisante. La corriger apparaît nécessaire de ce seul fait sans même qu'il faille invoquer, au soutien de cette entreprise, les difficultés que pose au regard du droit constitutionnel le régime en vigueur.

Il convient ainsi, sans s'écarter sur le fond des réformes envisagées par le gouvernement que la loi fixe les éléments essentiels du régime de police des investissements étrangers.

B. QUELQUES AMÉLIORATIONS APPORTÉES AU TEXTE


Le texte désigne le ministre chargé de l'économie comme seul compétent pour exercer le pouvoir d'injonction institué.

Du fait de la diversité des domaines d'activité considérés comme sensibles par le texte et, donc, de sa dimension interministérielle, il aurait été envisageable d'adopter une rédaction qui tienne formellement compte de ces caractéristiques.

Cependant compte tenu de la tradition qui confie au ministre chargé de l'économie une compétence de principe dans le domaine des investissements étrangers et des difficultés pratiques et, éventuellement, juridiques qu'aurait pu poser un dispositif alternatif, il a été décidé de laisser sur ce point, le texte en l'état.


• L'énumération des domaines sensibles.

Alors que le texte procède en général par référence à des notions abstraites et globales pour définir les investissements sensibles, il emploi pour les activités intéressant la défense nationale une méthode consistant à les énumérer objet par objet.

Ce faisant, il encourt le risque de manquer d'exhaustivité. C'est pourquoi il apparaît préférable de prévoir une disposition plus globale ce que permet de réaliser la mention des impératifs de la défense nationale.


• Un défaut rédactionnel des dispositions procédurales :

Le texte entend ménager le principe du contradictoire en prévoyant un délai de réponse au profit de l'investisseur :

ï avant le prononcé de l'injonction, et

ï avant le prononcé des sanctions prévues en cas de non respect de celle-ci.

Cependant, l'une des rédactions choisies pour organiser ces droits de réponse recèle quelques maladresses.

Dans la première hypothèse évoquée ci-dessus, il est énoncé que l'injonction ne peut intervenir qu"'après l'envoi d'une mise en demeure à l'investisseur de faire connaître ses observations dans un délai de quinze jours". Interprétée littéralement, cette disposition permet de procéder à une injonction dès que la mise en demeure aura été envoyée à l'investisseur et donc sans attendre le terme du délai de quinze jours.

C'est pourquoi il est préférable de prévoir que l'injonction sera conditionnée à l'expiration d'un délai de quinze jours après l'envoi de la mise en demeure visée par le texte.

Dans la seconde hypothèse, les sanctions pécuniaires que le texte habilite le ministre à prononcer sont soumises à la condition que le ministre ait mis l'investisseur à même de présenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochés dans un délai minimum de quinze jours".

Dans ce cas, la rédaction du texte, si elle manque un peu de clarté, suppose que les sanctions ne pourront être prononcées qu'à l'expiration du délai minimum de quinze jours mentionné par le texte puisqu'il est prévu que l'investisseur doit être à même de faire ses observations dans ce délai.


• Une précision supplémentaire doit être apportée au mécanisme de nullité instauré par le texte.

En effet, en l'état, le texte ne comporte aucune indication de date en ce qui concerne les opérations susceptibles d'être annulées sur la base de la nullité qui est créée.

Il pourrait en résulter une insécurité juridique excessive dans l'hypothèse où un tiers viendrait à contester des opérations anciennes. C'est pourquoi il convient de prévoir que la nullité ne peut être appliquée qu'à des opérations intervenues "à compter de la promulgation de la présente loi".

Décision de la Commission : Votre Commission vous propose d'adopter le présent article ainsi amendé.

Article 2 (nouveau) - Modification de la loi du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs

Commentaire : Le présent article a pour objet de permettre le lancement du nouveau marché, qui doit avoir lieu le 14 février. A cette fin, il transpose certaines dispositions de la directive concernant les services d'investissement dans le domaine des valeurs mobilières.

Le dispositif proposé modifie la loi boursière sur quatre points :

- il supprime le monopole des sociétés de bourse en ouvrant le métier de la négociation en France aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement des États partie à l'espace économique européen 1 ( * ) (EEE) ;

- il transfère les compétences de réglementation du marché, et de décision individuelle d'admission et de radiation des valeurs, du Conseil des bourses de valeurs aux entreprises de marché ;

- il donne la possibilité à la société des bourses françaises (SBF) de filialiser l'entreprise en charge de la gestion du nouveau marché, qui sera la Société du nouveau marché (SNM) ;

- sur amendement du Gouvernement, il accorde la qualité de marché réglementé au sens de la directive aux marchés français qui en remplissent actuellement les conditions, à savoir les marchés contrôlés par le Conseil des bourses de valeurs et le Conseil du marché à terme.

I. LA SUPPRESSION DU MONOPOLE DES SOCIÉTÉS DE BOURSE

A. L'ACCÈS DES ÉTABLISSEMENTS DE CRÉDIT AUX MARCHÉS DE VALEURS MOBILIÈRES (PARAGRAPHES I ET II)

Conçu initialement, à l'instar du marché à terme d'instruments financiers (MATIF) créé en 1985, comme un marché ouvert aux établissements de crédit, le nouveau marché est incompatible avec le monopole des sociétés de bourses prévu par la loi boursière de 1988.

Le problème ne se posait pas avec le MATIF, qui n'est pas une bourse de valeurs mais un marché à terme, soumis à la loi de 1885 qui ne prévoit pas un tel monopole de la négociation. En revanche, le Nouveau marché est une bourse de valeurs, analogue au point de vue de son régime juridique à la cote officielle et au Second marché.

Tel qu'il est conçu, le Nouveau marché ne pourrait fonctionner, même provisoirement, sans ses membres établissements de crédit qui sont les principales banques de la place.

Votre rapporteur souhaite faire deux observations sur cet aspect du dispositif.

D'une part, on peut remarquer qu'il ne limite pas son champ d'application au seul Nouveau marché, comme cela avait été fait avec le dispositif fiscal décidé en loi de finances rectificative 1 ( * ) . Il supprime en effet le monopole des sociétés de bourse sur l'ensemble des bourses françaises.

D'autre part, la directive sur les services d'investissement a expressément prévu pour la France un délai d'adaptation (37e considérant) l'autorisant à ne procéder à la suppression du monopole qu'à compter du 1er janvier 1997. Ne pas profiter de ce délai permet d'atténuer le retard pris dans la transposition, qui avoisinera un an à la promulgation de la loi de modernisation des activités financières 2 ( * ) .

Bien qu'excédant largement dans sa portée et son calendrier les besoins spécifiques du Nouveau marché, ce dispositif ne peut guère susciter de réserves de la part de votre commission. En approuvant la proposition de loi de transposition de la directive sur les services d'investissement signée par votre rapporteur ; Jean Arthuis, et plusieurs de nos collèges, elle a prévu de supprimer le monopole de négociation des sociétés de bourse sur tout marché dès le 1er janvier 1996, en renonçant au délai octroyé par la directive, dont au demeurant, les professionnels de la place ne réclament pas l'utilisation (article 75).

Toutefois, contrairement à la directive et à la position de votre commission, le présent article n'ouvre pas l'accès à la négociation aux personnes physiques. Cet aspect devra faire l'objet d'un réexamen à l'occasion du débat sur le projet de loi de modernisation des activités financières.

On peut remarquer que la compétence d'habilitation à opérer sur les marchés est dévolue, comme dans le droit actuel, au Conseil des bourses de valeurs, en ce qui concerne les entreprises et établissements français.

Ce dernier aspect est appelé à une rapide caducité. En effet, d'une part, le projet de loi de modernisation des activités financières (article 12) comme votre proposition de loi (article 20) prévoit la création d'un Conseil des marchés financiers (CMF) regroupant les compétences actuelles du Conseil du marché à terme et du Conseil des bourses de valeurs. D'autre part, le projet de loi prévoit une habilitation à double clé : agrément octroyé par le comité des établissements de crédit (CEC) sur approbation d'un programme d'activités par le CMF. Votre rapporteur rappelle que pour sa part, votre commission avait retenu une solution plus simple, et surtout plus conforme au principe d'autonomie des métiers du titre, d'un agrément par le CMF.

B. LA LIBERTE D'ETABLISSEMENT ET LA LIBRE PRESTATION DE SERVICE EN FRANCE DES ENTREPRISES DE L'ESPACE ECONOMIQUE EUROPEEN (PARAGRAPHE I)

Le présent dispositif ne brise pas le monopole de négociation seulement à raison du statut des entreprises concernées, mais aussi à raison de la nationalité des intervenants. Conformément à la directive (article 14) il autorise les entreprises d'investissement et établissements de crédit de l'Espace économique européen habilités à la négociation dans leur État d'origine à intervenir sur les marchés français en libre établissement et en libre prestation de services. Ces interventions se font sous le contrôle des autorités compétentes des États d'origine.

Sur cet aspect du dispositif, votre rapporteur souhaite faire trois remarques.

D'abord, il importe aux marchés réglementés français, notamment ceux qui ne nécessitent pas de présence physique, de s'ouvrir rapidement aux opérateurs internationaux pour étoffer leur activité.

Ensuite, la portée concrète immédiate de cette possibilité reste relativement étroite, puisque seuls les Pays-Bas, la Suède, la Belgique et l'Irlande ont complètement transposé la directive à ce jour.

Enfin, il convient de rappeler que cette ouverture ne se fait que pour le seul métier de la négociation, qui n'est qu'un des principaux métiers des services d'investissement prévus par la directive. Les métiers fondamentaux de la gestion et de "l'origination" (placement et prix ferme à l'émission) seront traités dans la loi de modernisation des activités financières.

Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a décidé d'ouvrir les marchés à terme aux entreprises d'investissement et établissements de crédit de l'Espace économique européen, par parallélisme avec l'ouverture réalisée sur les marchés au comptant. Cette modification est logique et n'appelle pas de réserves particulières, sinon qu'elle risque de se heurter à l'agrément qui serait octroyé par nos partenaires à des personnes physiques, qui ne pourraient accéder aux marchés à terme en l'état actuel de cette rédaction. Votre rapporteur observe que ce point de vue n'est guère cohérent avec la situation actuelle du MATIF, où sont habilités des négociateurs individuels de parquet, personnes physiques négociant exclusivement pour compte propre.

II. LE TRANSFERT DE COMPÉTENCES ENTRE LE CONSEIL DES BOURSES DE VALEURS ET LES ENTREPRISES DE MARCHE (paragraphes III et IV)

Le présent article effectue un transfert de compétences entre l'autorité professionnelle et l'entreprise de marché 1 ( * ) , qui porte sur deux natures de décision :

- des décisions d'ordre général, qui sont la réglementation du fonctionnement du marché, de la suspension des cotations, de l'admission aux négociations des valeurs mobilières et de leur radiation ;

- des décisions individuelles d'admission et de radiation des valeurs mobilières.

Ce dispositif n'est pas uniquement inspiré de la directive. L'article 22 de cette dernière prévoit seulement que les États membres doivent désigner les autorités compétentes pour exercer ce type de pouvoir et en informer la commission de l'Union européenne, ces autorités devant être désignées par la loi ou par des autorités publiques habilitées à cette fin.

Ce dispositif n'est que partiellement conforme à la proposition de votre commission. L'article 69 de la proposition de loi précitée donne le pouvoir général de réglementation du marché au Conseil des marchés financiers, et prévoit que cette compétence peut seulement être déléguée à l'entreprise de marché. En revanche, l'article 71 prévoit de confier aux entreprises de marché les compétences d'admission et de radiation.

On note que la commission des opérations de bourse, autorité publique, intervient de deux manières dans le dispositif proposé par le présent article :

? elle donne un avis sur la création des bourses de valeurs (droit existant), ce qui signifie un droit de regard a priori sur les règles de fonctionnement du marché ;

? elle peut s'opposer aux décisions d'admission ou de radiation des valeurs mobilières.

Ces deux propositions sont relativement proches sur cet aspect du fonctionnement de la négociation, de ce qu'aurait pu être l'exercice d'un droit général d'évocation sur les décisions du CMF prévu par votre commission.

En vertu de ce dispositif, la SNM sera habilitée à réglementer le Nouveau marché. Elle s'est déjà préparée à le faire, puisqu'elle a établi un projet de règlement soumis au Conseil des bourses de valeurs. En tout état de cause, ce règlement fera l'objet d'une homologation par le ministre chargé de l'économie.

Lors de sa mission de 1994, le groupe de travail de votre commission sur la modernisation des marchés financiers français avait observé l'osmose qui caractérise les relations entre les autorités professionnelles et les entreprises de marché, qui sont quasiment identiques sur le plan des structures fonctionnelles. Le présent dispositif ne fait donc qu'entériner une situation de fait.

Votre rapporteur propose à votre commission d'adopter cet aspect du dispositif, mais à titre conservatoire, en se réservant le droit d'y revenir au cours du débat sur le projet de loi de modernisation des activités financières.

III. LA POSSIBILITÉ DE FILIALISER L'ENTREPRISE DE MARCHE (PARAGRAPHE V)

Le présent article prévoit la possibilité, pour une institution financière spécialisée (IFS) assumant les fonctions d'une entreprise de marché, de déléguer à une filiale l'enregistrement des cotations, c'est-à-dire les fonctions d'entreprise de marché sur un marché différent de celui de l'IFS elle-même.

La loi boursière prévoit en son article 10 que la mission de gestion d'une bourse de valeurs est confiée à une institution financière spécialisée. Ces institutions sont agréées en tant qu'établissement de crédit et chargées d'une mission permanente d'intérêt public. Leurs statuts sont approuvés par le ministre chargé de l'économie, qui est par ailleurs compétent pour agréer leur directeur général.

Votre rapporteur observe que le projet de loi de modernisation des activités financières prévoit de banaliser le statut des entreprises de marché. Pour sa part, votre commission avait proposé de créer un statut propre des entreprises de marché, sans pour autant les priver du statut d'IFS. Le présent dispositif innove donc sur deux points :

- les institutions financières spécialisées pourront déléguer les fonctions d'entreprise de marché à une société dont elles détiennent directement ou indirectement la majorité des droits de vote. En l'occurrence, il s'agit pour la SBF de déléguer la gestion du nouveau marché à la SNM, sa filiale à près de 100 % ;

- l'entreprise de marché filiale peut être une société quelconque, qui ne soit ni établissement de crédit, ni a fortiori IFS.

Ce dispositif n'est pas choquant. Dès lors que la filiale est contrôlée par l'IFS, on ne voit guère l'intérêt d'infliger à cette première des procédures lourdes et des règles prudentielles qui ne seraient pas absolument indispensables.

Votre rapporteur vous propose donc également d'adopter le présent dispositif à titre conservatoire, puisqu'il s'avère nécessaire pour permettre à la SNM de démarrer ses activités à la date prévue. Cependant, votre commission se réserve le droit de réexaminer ce dispositif à l'occasion du débat sur le projet de loi de modernisation des activités financières, compte tenu d'innovations qui méritent un examen approfondi.

IV. LA RECONNAISSANCE DES MARCHÉS EXISTANTS EN QUALITÉ DE MARCHÉ RÉGLEMENTÉ (PARAGRAPHE VI)

Sur proposition du Gouvernement, l'Assemblée nationale a décidé d'accorder la qualité de marché réglementé aux marchés français qui en remplissent les critères.

Les marchés bénéficiant de cette qualité sont contrôlés soit par le Conseil des bourses de valeurs, soit par le Conseil du marché à terme. Les marchés contrôlés par le premier sont la cote officielle (règlement mensuel, comptant), le second marché et le MONEP (marché des options négociables). Il convient de mentionner que le compartiment hors-cote n'en fait pas partie. Le marché contrôlé par le second est le MATIF, dont il faut noter qu'il comprend des transactions à terme sur denrées et marchandises, opérations qui ne sont comprises dans le champ de la directive que pour autant qu'elles ne se soldent que par un règlement en espèces.

Dans son rapport de juillet 1994, votre rapporteur avait mis en évidence le caractère novateur et l'importance prise par la notion de marché réglementé dans la directive 1 ( * ) . Dès lors, qu'un État membre déclare à la commission de l'Union européenne qu'un marché est réglementé, celui-ci doit répondre à certains critères, notamment de transparence et de sécurité des transactions. Une définition minimale très précise de ces critères est donnée dans les articles 20 et 21 de la directive, notamment quant aux obligations pesant sur les intermédiaires relatives à la conservation, à la déclaration et à la publication des données portant sur les transactions. Votre rapporteur avait observé en 1994 que les marchés auxquels l'Assemblée nationale a entendu conférer la qualité de marché réglementé obéissaient déjà à des exigences plus contraignantes, de sorte que rien ne s'oppose à ce que ces marchés soient définis comme réglementés.

Le Gouvernement a agi à la demande des entreprises de marché -la SBF et MATIF SA- qui voient dans cette reconnaissance un triple intérêt :

- tout d'abord, un marché réglementé au sens de la directive se doit d'accueillir les entreprises d'investissement de l'Espace économique européen en libre établissement ou en libre prestation de services, ce qui lui permet dans ce dernier cas d'installer des écrans de négociation dans les États membres pour faire participer des entreprises d'investissement étrangères et donc d'étoffer son volume de négociation.

- ensuite, les obligations de transparence attachées à cette qualité confèrent aux marchés réglementés une sorte de label de sécurité susceptible d'attirer les investisseurs ;

- enfin, la qualité de marché réglementé permet de bénéficier de la concentration des transactions portant sur les produits qui y sont cotés. La concentration consiste à obliger les intermédiaires souhaitant traiter une valeur cotée sur un marché à le faire sur ce marché. Certes, la directive oblige les États membres à prévoir des dérogations à cette obligation et n'entend pas que celle-ci porte sur un marché déterminé, mais sur n'importe quel marché réglementé de l'Espace économique européen, si bien qu'un marché n'est jamais certain de pouvoir capter toutes les opérations portant sur les titres qu'il cote. Cependant, pour des raisons de liquidité, les transactions portant sur tel ou tel produit ont tendance à se focaliser sur un marché particulier.

Votre commission ne peut pas être en désaccord sur le fond avec le présent dispositif.

Cependant, trois réserves doivent être émises à l'encontre de cette modification. La première est que votre commission n'avait pas jugé opportun de confier à la loi la désignation des marchés réglementés, mais plutôt à une autorité de surveillance publique (proposition de loi - article 68).

La deuxième réserve est d'ordre rédactionnel : il n'est pas souhaitable que la loi française fasse référence à une directive.

La troisième réserve porte sur le champ d'application. Celui-ci couvre non seulement le Nouveau marché, mais aussi tous les marchés organisés français. Certes, il importe dans la concurrence internationale que nos marchés puissent bénéficier d'avantages comparatifs, cependant cette modification va bien au-delà de ce qui est nécessaire au lancement du Nouveau marché.

L'examen de ces réserves, qui sont d'ordre formel, peut être sans difficulté reporté au débat sur le projet de loi de modernisation des activités financières, et c'est pourquoi votre commission vous propose dans l'immédiat d'accepter ce dispositif.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

INTITULÉ DU PROJET DE LOI

Commentaire : ayant adopté un article additionnel sans lien avec la loi n°66-1008 du 28 décembre 1966, l'Assemblée nationale a modifié l'intitulé du projet de loi par coordination. Elle a supprimé la référence à cette loi, tout en maintenant les notions de relations financières avec l'étranger et d'investissements étrangers en France, qui couvrent aussi bien l'article premier que l'article 2.

Décision de votre commission : Votre commission vous propose d'adopter l'intitulé dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie mercredi 31 janvier 1996, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur, sur le projet de loi relatif aux relations financières avec l'étranger en ce qui concerne les investissements étrangers en France.

M. Philippe Marini ayant exposé l'essentiel ses conclusions, un débat s'est alors engagé, auquel ont participé MM. Paul Loridant, Alain Richard et Christian Poncelet, président.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Marini, rapporteur, a rappelé que le dispositif proposé par l'article 2 ne faisait pas l'objet d'un débat anticipé mais que le projet de loi relatif à la modernisation des activités financières, dans lequel aurait dû être incluse cette disposition, souffrait d'un certain retard.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Sur l' article premier . M. Christian Poncelet, président, a interrogé le rapporteur sur la portée de la notion d'opérations mettant en cause l'ordre public et s'est demandé si cette notion pouvait être invoquée au cas où la perspective d'un investissement étranger susciterait des mouvements sociaux.

M. Philippe Marini, rapporteur, après avoir indiqué que la juridiction administrative avait donné un contenu précis à la notion d'ordre public et que la jurisprudence en la matière avait beaucoup évolué en plusieurs décennies, a rappelé que le socle de l'ordre public était constitué d'une référence à la sécurité, à la salubrité et à la tranquillité publiques.

Invité à donner son sentiment sur cette question, M. Alain Richard a précisé que, pour apprécier la mise en cause de l'ordre public, la jurisprudence tendait à distinguer les opérations mettant en cause la moralité publique et le respect des lois de celles qui pourraient être de nature à provoquer des mouvements sociaux.

M. Jean-Philippe Lachenaud, après s'être interrogé sur l'opportunité de conditionner la décision du ministre chargé de l'économie à la remise d'un rapport du ou des ministres concernés, a fait valoir qu'il pourrait en résulter quelques incertitudes juridiques. Puis, il a observé qu'en substituant la notion d'impératifs de la défense nationale à l'énumération des activités à caractère militaire, l'amendement proposé par le rapporteur modifiait le texte sur le fond.

M. Emmanuel Hamel a alors demandé au rapporteur si la notion d'investissement étranger couvrait également les investissements communautaires.

Enfin, M. Alain Richard a rappelé que la formule "sur rapport du ou des ministres concernés" était, généralement, réservée à l'adoption de décrets et qu'elle pouvait susciter des difficultés pratiques et juridiques.

M. Philippe Marini, rapporteur, a alors indiqué qu'il modifierait l'amendement sur ce point, pour tenir compte des observations de la commission.

Puis, il a indiqué que la notion d'investissement étranger couvrait bien les investisseurs communautaires mais que la Principauté de Monaco et les États liés avec le Trésor par une convention de compte d'opérations étaient, pour la réglementation des investissements étrangers, assimilés à la France.

Enfin, en réponse à M. Jean-Philippe Lachenaud, il a fait remarquer que la mention des impératifs de la défense nationale permettait de couvrir des situations nécessairement évolutives.

La commission a alors décidé d'adopter l'amendement ainsi rectifié et l'article premier dans cette rédaction.

Elle a ensuite décidé d'adopter sans modification l' article 2.

Enfin, après avoir approuvé la modification apportée par l'Assemblée nationale à l'intitulé du projet de loi, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi ainsi amendé.

ANNEXE N° 1 - Bref historique de la réglementation française des investissements étrangers en France

• Ordonnance et décret du 15 janvier 1945 : strict contrôle des investissements

• étrangers Rétablissement de la convertibilité externe du franc le 28 décembre 1958

• Avis de l'Office des changes du 21 janvier 1959 : adoption d'un régime très libéral pour les investissements étrangers

Loi du 28 décembre 1966

Article premier : "Les relations financières entre la France et l'étranger sont libres".

Article 3 : "Le Gouvernement peut, pour assurer la défense des intérêts nationaux et par décret pris sur le rapport du ministre de l'économie et des finances

1° Soumettre à déclaration, autorisation préalable au contrôle

..................................................................................................................

c) La constitution et la liquidation des investissements étrangers en France

Circulaire du 21 mai 1987


• Les investisseurs communautaires, bénéficient de la liberté d'investissement, mais sont soumis à un régime de déclaration préalable, l'administration disposant d'un délai de deux mois pour vérifier le caractère communautaire de l'opération (un mois pour les opérations inférieures à 10 MF).


• Les investisseurs non-communautaires sont soumis à un régime d'autorisation préalable sans condition de délai (sauf pour les opérations inférieures à 10 MF. où l'autorisation était tacite, sauf ajournement dans un délai d'un mois).


• Les opérations de moins de 10 MF opérées par des personnes physiques dans des entreprises artisanales, hôtelières ou de commerce de détail exploitées personnellement sont dispensées de toute procédure d'autorisation ou de déclaration.

Circulaire du 24 août 1988

Elle met fin au régime d'autorisation ou de déclaration préalable pour la création d'entreprises à l'aide de capitaux étrangers.

Décret du 15 janvier 1990

ï Dispense de toute déclaration préalable de leurs investissements pour les investisseurs européens établis (a l'exception des domaines touchant à la santé publique, à la défense nationale et à l'ordre public) et auxquels a été accordée la reconnaissance permanente de leur caractère communautaire.

ï Limitation à quinze jours du délai accordé à l'administration pour vérifier l'appartenance communautaire des autres investisseurs de la CEE.


• Instauration d'une procédure d'autorisation tacite, assortie d'un délai d'un mois, pour les entreprises extérieures à la Communauté : l'autorisation est réputée acquise en l'absence de réponse de l'administration à l'expiration de ce délai.


• Élargissement des cas de dispense à l'achat de terres agricoles (à l'exception des exploitations viticoles) et, pour les opérations de moins de 10 millions de francs, à l'ensemble des entreprises artisanales, hôtelières ou de commerce de détail, des services divers marchands, de carrières ou gravières.

Décret du 11 février 1922

Il étend le régime de liberté communautaire à la très grande majorité des investissements étrangers

Source : Commissariat général au Plan

ANNEXE N° 2 - DONNEES STATISTIQUES RELATIVES A LA PROCEDURE REGLEMENTAIRE ACTUELLE

- Au cours des quatre dernières années, le nombre annuel de demandes (déclarations et autorisations préalables) traitées s'est établi entre 1.400 et 1.500.

- Sur ce chiffre annuel, 150 à 200 - soit une moyenne de 12 % - étaient des opérations soumises à autorisation préalable sous l'empire de la réglementation de 1992.

- Entre dix et vingt opérations étaient, chaque année, soumises à autorisation préalable en raison de leurs liens avec des activités touchant à la défense nationale.

- Quatre et cinq opérations l'étaient pour des raisons d'ordre public.

- Durant la même période, le nombre d'ajournements a varié entre un et cinq chaque année. La quasi-totalité des ajournements prononcés l'ont été pour des motifs d'ordre public.

* 1 Les statistiques ne prennent en compte qu'une partie des investissements réalisés en France par des non-résidents .

* 1 Encore faut-il observer que le régime de la déclaration préalable pourrait être en lui-même considéré comme justifié par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique

* 1 n° 88-70 du 22 janvier 1988 sur les bourses de valeurs

* 2 n°157, rattaché au procès-verbal de la séance du 21 décembre 1995.

* 3 "Les paradoxes du développement régional" - n° 44 - 1994-1995 - Jean Arthuis, Paul Loridant, Philippe Marini - p. 88

* 1 National Association of securites dealers by automated quotation

* 1 Rapport n° 132 (1995-1996) - Alain Lambert -rattaché au procès-verbal de la séance du 13 décembre 1995-pages 109 à 146

* 1 Il compte notamment parmi ses membres des établissements de crédit (ce qui est interdit actuellement aux bourses de valeurs) et souhaite diffuser ses terminaux dans l'Espace économique européen pour faire intervenir des opérateurs étrangers.

* 1 La mise en place du marché unique des services financiers -N°578 (1993-1994)

* 1 L'EEE regroupe l'Union européenne et l'Association européenne de libre échange (AELE) à l'exception de la Suisse ; soit l'Europe des quinze plus la Norvège.

* 1 Voir sur ce point le rapport n° 132, rattaché au procès-verbal de la séance du 13 décembre 1995, Alain Lambert, pages 109 à 150

* 2 La directive prévoyait sa propre transposition pour le 1er juillet 1995

* 1 Les entreprises de marché françaises sont : la SBF, Matif SA, la société de compensation des marchés conditionnels (SCMC, pour le MONEP) et la SNM.

* 1 La mise en place du marché unique des services financiers - n°578 (1993-1994) -p. 116 et suivantes.

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