TITRE VIII - MODIFICATIONS DU CODE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Article 41 - Contribution à la charge des établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques

Commentaire : le présent article propose de pérenniser la contribution exceptionnelle à la charge des grossistes en médicaments, qui a été instaurée en 1991 et reconduite depuis chaque année.

I. UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DEVENUE EN PRATIQUE PERMANENTE

A. LA RÉPARTITION PHARMACEUTIQUE : UN MAILLON ESSENTIEL DE LA CHAÎNE DU MÉDICAMENT

Les grossistes-répartiteurs assurent l'essentiel de l'approvisionnement en médicaments des pharmacies d'officine et une partie de celui des hôpitaux. Ils constituent l'interface indispensable entre les 320 laboratoires fabricants et les 22.500 pharmacies, les ventes directes demeurant marginales.

Alors qu'une, officine dispose en moyenne de 3.000 références, chaque établissement de vente en gros de médicaments stocke et gère en permanence 20.000 références : la gestion des stocks des pharmacies est ainsi pour l'essentiel externalisée. Ce service rendu par les grossistes-répartiteurs permet d'éviter toute rupture de stock, alors même que le médicament est un produit à rotation lente et à vente aléatoire. Il permet également de maintenir un réseau dense d'officines sur l'ensemble du territoire, en assurant une péréquation de leurs coûts d'approvisionnement.

La qualité de ce service est garantie par une réglementation stricte. Un arrêté du 3 octobre 1962 impose à tout grossiste-répartiteur :

- de déclarer son secteur d'activité aux pouvoirs publics ;

- de fournir tout médicament à tout pharmacien du secteur déclaré dans les 24 heures ;

- de disposer en permanence d'un stock correspondant à un mois de vente et comportant au moins les 2/3 des spécialités commercialisables.

Ces règles sont assimilables à des obligations de service public. En Pratique, le délai moyen de délivrance d'un médicament commandé par un pharmacien est de 2 heures.

Economiquement, l'activité de répartition pharmaceutique s'insère dans le secteur très administré qu'est le médicament. Les spécialités remboursables sont soumises à une réglementation dérogatoire au droit commun de la concurrence qui permet aux pouvoirs publics de fixer les prix et les marges de distribution.

La marge des grossistes-répartiteurs pour les médicaments remboursables, qui constituent 85 % de leur activité, est fixée depuis 1987 à 9,7 % du prix d'achat du pharmacien. Ce "taux de marque", compte tenu de la marge du pharmacien (elle aussi réglementée), des remises, de la TVA et de la contribution spécifique qui fait l'objet du présent article, correspond à 4,15 % du prix de vente public.

La décomposition du prix TTC des médicaments remboursables est la suivante (taux moyens constatés ex-post en 1994) :

- part de l'industrie : 64,10 % ;

- marge du pharmacien : 27 % ;

- remise maximum au pharmacien : 1,80 % ;

-TVA : 2,1 % ;

- marge du grossiste-répartiteur : 4,15 % ;

- contribution exceptionnelle : 0,85 %.

La contribution exceptionnelle vient en déduction de la marge du grossiste-répartiteur.

La concurrence sévère que les grossistes-répartiteurs exercent entre eux ne peut donc être amortie ni par leurs prix, ni par leurs marges, mais se traduit directement dans leurs résultats et leurs parts de marché.

Cette contrainte réglementaire a favorisé un puissant mouvement de concentration de la profession. Il existait en France une soixantaine d'entreprises de répartition pharmaceutique à la fin des années soixante. En février 1996, quatorze entreprises se partagent le marché métropolitain, dont onze appartiennent à trois groupes ou réseaux détenant 96,5 % du marché :

- Groupe OCP : 41 % de parts de marché ;

- Alliance Santé : 30,3 % ;

- Réseau CERP, issu de coopératives de pharmaciens détaillants :

25,2 %.

Schéma de parcours du médicament en France

B. LA CONTRIBUTION A ÉTÉ CREEE POUR ACCOMPAGNER LE PLAFONNEMENT DES REMISES

En 1991, le législateur a jugé opportun de plafonner le niveau des remises que les grossistes-répartiteurs peuvent consentir aux pharmaciens afin que le jeu de la concurrence n'aboutisse à déstabiliser économiquement le secteur de la répartition pharmaceutique. En effet, le taux de marque" des répartiteurs étant fixé réglementairement, ces remises sont mécaniquement prises sur leur marge commerciale.

La loi n° 91-738 portant diverses dispositions d'ordre social du juillet 1991 a donc limité le taux maximal des remises à 2,25 % alors que celles-ci étaient en moyenne de 3,7 %. En contrepartie, une contribution exceptionnelle a été mise à la charge des grossistes-répartiteurs, au taux de 0,6%, et son produit affecté à la branche maladie.

Créée de façon conjoncturelle, la contribution des grossistes en spécialités pharmaceutiques est devenue une recette d'appoint de la branche maladie, reconduite à cinq reprises jusqu'à ce jour. Dès la fin de 1991, son taux a été porté à 1,2 %, le plafond des remises étant par ailleurs relevé à 2,5 %.

Depuis octobre 1993, son taux est modulé entre 1,5 % et 1 % en fonction du taux de croissance du chiffre d'affaires global de la profession, calculé par trimestre :

- 1,5 % si le chiffre d'affaires s'accroît de 6 % ou plus par rapport à la Période de l'année précédente ;

- 1,35 % si la progression de ce chiffre d'affaires est comprise entre 5 % et moins de 6 % ;

- 1,2 % si cette progression est comprise entre 2 % et moins de 5 % ;

- 1 % si cette progression est inférieure à 2 %.

La contribution est recouvrée par l'Agence comptable centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Son produit, réparti entre les principaux régimes d'assurance maladie, a été de 296 millions de francs en 1991, 676 millions de francs en 1992, 718 millions de francs en 1993, 759 millions de francs en 1994 et 880 millions de francs en 1995.

II. LA PÉRENNISATION PROPOSÉE

Le présent article propose de pérenniser la taxe dans sa dernière configuration, dotée d'un taux modulé, en l'insérant dans le code de la sécurité sociale.

Sur le principe, il convient de relever qu'une taxe de ce type n'est pas intellectuellement très satisfaisante. En effet, il ne s'agit pas d'un outil de régulation des prix, qui sont fixés administrativement, ni de modération des dépenses de médicaments, qui ne sont pas prescrits par les redevables de la taxe. Il s'agit en fait tout simplement de réinjecter dans le circuit une partie des fonds de l'assurance maladie gaspillés par la surconsommation pharmaceutique propre à la France.

Il apparaît plus que jamais nécessaire de disposer enfin d'une véritable maîtrise du système de santé, qui permettrait d'éviter d'y brancher ce genre de dérivations financières.

Sur la forme, cet article appelle quelques modifications.

A. UNE CODIFICATION A PRÉCISER

Le présent article propose de codifier la contribution sous les articles L. 137-5 à L. 137-13, à la suite de la nouvelle taxe de 6% sur les contributions patronales au financement de la prévoyance complémentaire, qui vient d'être créée par l'article 8 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale, et qui fait l'objet des articles L. 137-1 à L. 137-4 du code de la sécurité sociale.

En conséquence, le paragraphe I remodèle le nouveau chapitre 7 du titre III du livre premier du code précité créé par l'ordonnance et intitule "Recettes diverses", pour y distinguer une section 1, relative à la taxe, et une section 2, relative à la contribution.

Cette modification, bien que purement formelle, reviendrait à ratifier implicitement les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance précitée.

En effet, selon une jurisprudence commune au Conseil d'Etat (CE du 19 décembre 1969, Dame Briard) et au Conseil constitutionnel (décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987), la ratification de tout ou partie d'une ordonnance peut "résulter d'une loi qui, sans avoir cette ratification pour objet direct, l'implique nécessairement".

Or, une telle ratification implicite d'une partie d'ordonnance ne paraît pas de bonne méthode, même s'il est loisible au Gouvernement de la tolérer alors que la période pour laquelle le Législateur s'est dessaisi de sa compétence n'est pas encore close. Votre commission estime préférable que le Parlement attende d'être saisi du projet de loi de ratification de l'ensemble des cinq ordonnances qui sera déposé au plus tard le 31 mai Prochain et que le Premier ministre s'est engagé à faire effectivement discuter.

En conséquence, elle vous propose un amendement supprimant toute référence aux articles L. 137-1 à L. 137-4 du code de la sécurité sociale.

B. UN DISPOSITIF A AFFINER

Dans la rédaction proposée, l'article L. 137-6, qui fixe le barème de la contribution, n'envisage que les hypothèses où le chiffre d'affaires des grossistes en médicaments s'accroît, avec un taux minimal de 1 % pour une progression inférieure à 2 %.

Une interprétation littérale de cette disposition pourrait amener à conclure qu'aucune contribution n'est due en cas de diminution du chiffre d'affaires, ou plus exactement qu'elle est due au taux 0, ce qui revient au même.

Lorsqu'au premier trimestre 1994, le cas s'est présenté d'une diminution des ventes de médicaments remboursables, les grossistes-répartiteurs n'ont pas cherché à tirer parti de cette lacune rédactionnelle, et se sont acquittés de leur contribution au taux de 1 %.

Toutefois, dès lors que l'on pérennise la contribution, la profession souhaite que l'on envisage expressément l'hypothèse d'une diminution de son chiffre d'affaires, avec une adaptation du barème à un cas de figure qui fragilise par définition sa situation financière. L'hypothèse d'une baisse forte et transitoire des dépenses de médicaments ne sera bientôt plus un cas d'école, si le dispositif de maîtrise des dépenses de santé qui est en train de se mettre en place produit pleinement ses effets.

Votre commission vous propose donc un amendement tendant à compléter le barème de la contribution vers le bas, avec deux taux supplémentaires de 0,75 %, pour une diminution du chiffre d'affaires comprise entre 0 et 3 %, et de 0,5 % pour une diminution du chiffre d'affaires supérieure à 3 %.

Il convient de souligner que ces taux d'évolution sont calculés par rapport au même trimestre de l'année antérieure, et non pas par rapport au trimestre immédiatement précédent : les diminutions de chiffre d'affaires auront donc un caractère tout à fait exceptionnel. Cette adaptation du barème amortira les effets déstabilisateurs pour le secteur de la répartition pharmaceutique d'un mouvement brutal de baisse des dépenses de médicaments, qui n'est pas à exclure dans les prochaines années, mais qui ne saurait évidemment se prolonger. La diminution du rendement de la contribution induite par l'adaptation de son barème sera donc à la fois éventuelle et transitoire.

Les articles L. 137-8 à L. 137-12 comportent les dispositions relatives au recouvrement et au contrôle de la contribution, assurés par l'ACOSS, assistée, en tant que de besoin par les URSSAF et les caisses générales des départements d'outre-mer. La contribution est recouvrée comme une cotisation de sécurité sociale. Les versements afférents à un trimestre sont effectués au cours du trimestre suivant.

Le produit de la contribution est réparti entre les régimes d'assurance maladie selon une clé fixée par arrêté.

L'article L. 137-13 pérennise le plafonnement des remises, ristournes, avantages commerciaux et financiers assimilés consentis par les fournisseurs des officines, à 2,5 % du prix des spécialités pharmaceutiques remboursables.

Ce plafonnement a été régulièrement reconduit depuis son instauration en 1991, en même temps que la contribution. Il est assorti d'une clause selon laquelle il ne s'applique qu'à défaut d'un accord de bonnes pratiques commerciales entre les grossistes-répartiteurs et les pharmaciens d'officines. La rédaction proposée par le présent article pour cette clause suspensive n'est pas satisfaisante. D'une part, parce que, curieusement, la clause n'est pas codifiée à l'article L. 137-13, mais fait l'objet du paragraphe IV du présent article. D'autre part, parce que la formule selon laquelle "le plafonnement (...) sera suspendu en cas d'intervention d'un accord" est d'une portée juridique douteuse et semble plus proche de la déclaration d'intention que de la norme législative.

Votre commission vous propose donc un amendement tendant à insérer la clause suspensive du plafonnement directement dans le code de la sécurité sociale, à l'article L. 137-13, et à lui donner juridiquement effet de plein droit.

Le paragraphe II bis nouveau du présent article résulte d'un amendement de la commission des finances de l'Assemblée nationale qui tend à pérenniser l'exclusion de l'assiette de la contribution à la charge des établissements de vente en gros de spécialités pharmaceutiques de l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés. Cette exclusion était prévue pour la contribution exceptionnelle que le présent article a pour objet de reconduire. Elle découle d'un amendement de votre commission des finances qui visait à atténuer les conséquences de l'extension du champ de la contribution sociale de solidarité des sociétés, opéré par l'article 30 de la première loi de finances pour 1995, sur l'équilibre économique du secteur de la répartition pharmaceutique.

Le paragraphe III du présent article prévoit l'application rétroactive des dispositions précédentes au 1 er octobre 1995. En effet, la dernière période couverte par la contribution exceptionnelle courait d'octobre 1994 à septembre 1995. Il convient donc d'éviter toute solution de continuité dans son recouvrement.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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