Article 50 - Dispositif transitoire concernant l'urbanisme commercial :

Gel provisoire des créations de grandes surfaces et instauration d'un seuil unique pour les projets d'équipement commercial

Commentaire : cet article modifie les dispositions des articles 29 et 32 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973.

1. Les créations de surfaces de vente

Le 1°) de cet article contient deux mesures, l'une tend à abaisser le seuil d'autorisation à 300 m 2 , l'autre à geler les demandes d'autorisation pour les opérations concernées.

En effet, les créations, qui comprennent les constructions nouvelles et les transformations d'immeubles, voient leur seuil d'autorisation de surface de vente ramené à 300 m 2 .

Cette mesure instaure un seuil unique. Elle ne reprend donc pas la distinction de l'article 29-1 de la loi Royer qui prévoyait des seuils de surface de vente de 1.500 m 2 et 1.000 m 2 distinguant ainsi les communes de plus ou moins de 40.000 habitants.

En outre, les seuils de surfaces de plancher hors d'oeuvre attachés à ces seuils de surfaces de vente, soit 3.000 m 2 et 2.000 m 2 , deviennent de fait inapplicables en raison du niveau très bas (300 m 2 ) retenu pour le nouveau seuil d'autorisation. En tout état de cause, ce critère -la surface de plancher hors d'oeuvre- était peu pertinent et pratiquement jamais utilisé.

Enfin, pour éviter toute stratégie d'anticipation notamment de la part des maxidiscomptes (surfaces de 390 m 2 en moyenne, spécialisées dans le commerce alimentaire) les demandes d'autorisation sont gelées pendant six mois à partir de la publication de la présente loi et dans l'attente de la réforme de la loi Royer.

2. Les extensions de magasins et les changements de secteur d'activité des commerces de détail

Ces opérations font l'objet du 2°) du présent article qui abaisse le seuil d'autorisation pour les premières et instaure un contrôle pour les secondes.

a) Les extensions - L'article 29-2 de la loi Royer soumet à autorisation tout projet d'extension ayant déjà atteint les surfaces prévues au 1° de l'article 29 (1.500 m 2 et 1.000 m 2 ) ou devant les atteindre ou les dépasser par la réalisation du projet, si celui-ci porte sur une surface de vente supérieure à 200 m 2 . Le nouveau dispositif prévoit que toute extension au-delà de 300 m 2 de la surface de vente est soumise à autorisation quelle que soit la surface initiale du magasin. Les seuils d'autorisation initiaux sont donc supprimés. La franchise de 200 m 2 est également supprimée par l'application uniforme et absolue d'un seuil d'autorisation pour l'extension du magasin.

A la date de publication de la loi, les projets d'extension nécessitant un permis de construire qui serait en cours d'instruction, devront repasser devant les CDEC et seront donc soumis aux nouveaux critères d'autorisation.

AUTORISATION ABSENCE D'AUTORISATION

Contrairement aux créations, les extensions ne sont donc pas concernées par la mesure de gel, alors qu'elles peuvent avoir les mêmes conséquences économiques et sociales que les créations sur le commerce de proximité. Toutefois, étendre le gel aux extensions de surfaces pouvait présenter un risque de censure du Conseil constitutionnel au regard du principe de la liberté du commerce. L'interdiction aurait pris, en effet, un caractère plus général et plus absolu. Par ailleurs, la mesure de gel concernant les créations porte à la fois sur le commerce de détail alimentaire et non alimentaire et semble donc suffisante quant à son étendue.

b) Les changements d'activité. Le présent article introduit une disposition nouvelle par rapport à la loi Royer qui n'avait édicté aucune règle concernant les changements d'activité. Le Conseil d'État, saisi pour interprétation de l'article 29 avait d'ailleurs rendu un avis le 28 octobre 1975 par lequel il avait précisé que "la loi d'orientation ne subordonne pas à autorisation la modification de la nature du commerce d'un magasin de détail existant (...) car l'article 29 ne concerne que la modification substantielle des projets avant leur réalisation".

Cette disposition vient donc combler une lacune et vise ainsi à mettre fin à de nombreuses fraudes à l'esprit de la loi constatées au cours de ces dernières années. C'est pourquoi une proposition de loi (n° 282, Sénat 1994-1995) présentée par M. Philippe Marini et plusieurs de nos collègues avait déjà proposé de contrôler les changements d'activité, dans une rédaction proche de celle du présent projet.

Les seuils d'autorisation sont fixés de la façon suivante :

- 300 m 2 pour les commerces à dominante alimentaire,

- 1.500 m 2 pour les commerces à dominante non alimentaire.

Ces seuils prennent en compte, pour le premier, le niveau général d'autorisation retenu par le présent article et pour le second, la nature des activités exercées.

Le contrôle de changements de destination constitue un problème complexe nécessitant une étude juridique approfondie. Un décret en Conseil d'État en réglera les modalités pratiques. Les critères choisis devront être tout à la fois assez larges, pour tenir compte des exigences du marché, et stricts, pour éviter les fraudes.

La parution de ce décret devra être rapide pour assurer une meilleure efficacité à ce dispositif qui a pour but essentiel d'être dissuasif.

- les commerces de détail non alimentaire en magasin spécialisé tels que l'hygiène, la culture, le sport, l'équipement de la maison...etc.

A cet égard, les déclarations d'activités faites à l'ORGANIC devraient constituer une base de contrôle des surfaces et des activités.

Toutefois, le régime déclaratif auquel sont soumis les redevables de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat ne concerne que les surfaces de vente de 400 m 2 et plus ; au regard du nouveau seuil défini par le présent projet de loi (300 m 2 ), il apparaît donc indispensable de modifier l'article 4 de la loi n° 72-657 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés ; votre commission vous proposera un amendement en ce sens.

3. Le délai d'instruction des commissions départementales d'équipement commercial (CDEC)

L'article 32 de la loi Royer prévoit que la CDEC doit statuer sur les demandes d'autorisation dans un délai de trois mois. Passé ce délai, autorisation est réputée accordée.

Le nouveau dispositif fait passer le délai d'examen des dossiers par les CDEC de trois à quatre mois. Cette mesure se justifie par les motifs suivants :

- un abaissement des seuils d'autorisation tel que le nombre des dossiers traités va augmenter sensiblement.

- l'harmonisation du délai laissé aux CDEC avec celui dont dispose la commission nationale d'équipement commercial (CNEC) qui constitue l'instance d'appel des décisions des CDEC.

4. Les sanctions

Le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 (article 40) définit le régime des sanctions applicables en cas d'utilisation illégale des surfaces commerciales ou de non respect des prescriptions de l'autorisation obtenue.

Actuellement, la sanction applicable est une amende de la catégorie des contraventions de 5ème classe, (article 131-3 du code pénal) dont le maximum est fixée à 10.000 F. Elle est appliquée quelle que soit la surface utilisée mais peut être constatée pour chaque jour d'exploitation. La sanction est donc financièrement peu dissuasive sauf à demander à l'administration de constater quotidiennement l'infraction !

Par ailleurs, la possibilité donnée par l'article 40 du décret du 9 mars 1993 de pouvoir confisquer totalement ou partiellement les meubles et marchandises présentés à la vente est peu utilisée, malgré son caractère dissuasif.

Au vu de ces remarques, il semble nécessaire d'aggraver les sanctions actuellement prévues d'autant plus que les informations transmises par l'administration donnent à penser que les infractions sont assez fréquentes.

Le présent article vise donc à alourdir les sanctions en cas de violation des dispositions de la loi Rover. Il faut noter, tout d'abord, que ce durcissement des sanctions se place dans le cadre du nouveau régime d'autorisation, plus drastique que celui actuellement en vigueur et donc de nature à renforcer le caractère dissuasif des dispositions prévues.

L'article 50 du présent projet de loi indique que les autorisations sont données par mètre carré. Les sanctions, qui restent des contraventions de 5ème classe, seront donc appliquées par mètre carré en infraction. Comme actuellement dans le droit en vigueur, elles pourront être constatées par jour et donner lieu à une confiscation totale ou partielle des meubles et marchandises.

Le choix d'une application par mètre carré en infraction accroît considérablement le poids de la sanction, donc son efficacité théorique. Actuellement pour un dépassement de 1.000 m 2 de l'autorisation donnée, l'amende peut atteindre 10.000 F ; le présent projet de loi multiplierait par mille l'amende, soit dix millions de francs.

Toutefois, il faut souligner que le poids relatif de la sanction prévue diminue avec la taille du magasin. Le commerce de détail fonctionne en effet sur un régime de rendements croissants.

L'efficacité dissuasive de la sanction est donc inversement proportionnelle à la taille du magasin.

Cependant, la solution choisie par le présent projet de loi semble la mieux adaptée. En effet, sa nature réglementaire -il s'agit d'une contravention de 5 ème classe et non d'un délit- permet une application, si nécessaire, par jour d'exploitation. En outre, si son quantum (10.000 F par m 2 ) peu paraître élevé, il faut souligner que le juge a un pouvoir d'appréciation et qu'il s'agit donc d'un maximum ; enfin le juge pourra tenir compte, s'il le croit utile, du chiffre d'affaires réalisé par la surface de vente en cause.

Le nouveau régime de sanction, compte tenu du principe de la non rétroactivité de la loi pénale plus sévère, ne s'appliquera pas :

- aux surfaces déjà exploitées sans autorisation avant la date de publication de la présente loi (moins de 1.500 m 2 et moins de 1.000 m 2 pour les communes de plus de 40.000 habitants et moins de 40.000 habitants) :

- aux surfaces déjà exploitées et utilisées de manière illégale par extension de la surface de vente même si l'autorisation donnée spécifiait le nombre de mètres carrés sur laquelle elle portait.

La lisibilité du nouveau dispositif risque d'en pâtir, ce qui peut paraître contradictoire avec le renforcement des sanctions prévues par le présent article.

A cet article, l'Assemblée nationale a adopté, outre deux amendements rédactionnels, deux amendements de fond présentés respectivement par M. Hervé Novelli et M. Francis Saint-Hellier introduisant un 3° (nouveau) et un 4° (nouveau).

Le 3° (nouveau) prévoit d'annuler les projets de construction nouvelle faisant l'objet d'un contentieux juridictionnel à compter de la publication de la présente loi. Cette disposition aurait pour conséquence d'étendre la mesure de gel des autorisations de création de grandes surfaces non seulement aux projets non encore examinés ou en cours d'examen devant commissions départementales et la commission nationale d'équipement commercial, mais également aux décisions d'autorisations attaquées devant le Conseil d'État, instance de recours de la CNEC. Cette disposition, qui va à l'encontre de la règle de non-rétroactivité, remet en cause les droits acquis par acteurs économiques. En outre, elle risque de multiplier les dépôts de recours entre le vote et la publication de la loi.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose par voie d' amendement de supprimer le 3° de cet article.

Le 4° (nouveau) vise à soumettre à autorisation de la CDEC tout projet de complexe cinématographique comportant plus de mille places. Cette mesure paraît prématurée et inadaptée. Prématurée, car le ministre de la culture a mis récemment en place un groupe de travail sur le devenir des cinémas de centre-ville, groupe qui n'a pas encore rendu ses conclusions. Il n'est donc pas très satisfaisant de légiférer sur un sujet aussi complexe qui requiert le temps de la réflexion. Par ailleurs, il semble difficile d'assimiler ces complexes culturels à des grandes surfaces commerciales même si la création de ces géants cinématographiques peut, à terme, entraîner une désertification culturelle des centres-villes avec toutes ses conséquences économiques pour les commerces de proximité. En outre, les dispositions du 4° ne prévoient pas de représentation, au sein des instances de décision (CDEC et CNEC), des professionnels du cinéma. Il convient toutefois de souligner que les auteurs de l'amendement ont eu le mérite d'ouvrir un débat de fond devant le Parlement. Le sujet est complexe et préoccupe bon nombre de maires de villes grandes ou moyennes. La clientèle apprécie les complexes cinématographiques, mais les centre-ville ne se prêtent pas aisément à la création, l'extension ou la transformation de salles de cinéma (problèmes de stationnement, de « tapage nocturne ». de dessertes en transports publics, d'intégration dans les documents d'urbanisme ...) En revanche, l'implantation en périphérie de « mégacomplexes » est souvent plus aisée. Elle est même parfois de nature à drainer une clientèle nouvelle Il importe donc de trouver un équilibre entre le centre-ville et la périphérie. Votre rapporteur général ne manquera pas d'interroger le gouvernement sur les mesures qu'il entend prendre ou accentuer pour favoriser cet équilibre souhaitable

Inadaptée, car l'intention est de viser les complexes cinématographiques (16/17 salles) qui s'installent en périphérie des villes. Or le seuil de mille places, retenu par le paragraphe (4°), correspond plus à des complexes de 5/6 salles, donc de centre-ville, qu'aux grands complexes cinématographiques qu'il prétend contrôler.

Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose de supprimer le 4° de cet article dans l'attente du projet de loi portant réforme de la loi Royer qui pourrait se prononcer sur ces légitimes préoccupations.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.

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