Article 57 (nouveau) - Allégements de cotisations sociales dans les secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure

Commentaire : Introduit par amendement du gouvernement dans le présent projet de loi, l'article 57 institue un régime provisoire d'allégement de cotisations sociales spécifique aux secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure.

Le ministre de l'industrie a annoncé le 5 mars dernier, deux mesures en faveur des secteurs du textile, de l'habillement, du cuir et de la chaussure : des allégements des charges sociales spécifiques et une prise en charge accrue du chômage partiel. L'article 57 instaure un dispositif temporaire d'allégement de charges sociales spécifique à ces secteurs, qui s'insère dans le régime de droit commun tout récemment défini par la loi de finances pour 1996.

I. LES SECTEURS CONCERNÉS

Le choix des secteurs concernés se justifie par leur situation particulière

A. DES INDUSTRIES DE MAIN D'OEUVRE

Les secteurs du textile et de l'habillement, du cuir et de la chaussure emploient un très grand nombre de salariés : 141.000 dans le textile, 142.000 dans l'habillement, 47.000 pour le cuir et la chaussure.

B. DES INDUSTRIES PEU CONCENTRÉES

Le textile reste dominé par les PME : 3.200 entreprises de 50 personnes au plus sur un total de 3.600 ; l'habillement ne compte que 500 entreprises de plus de cinquante salariés, l'industrie de la chaussure compte.270 entreprises pour 30.900 salariés et l'industrie du cuir 250 entreprises pour 11.000 salariés.

C. UN ENVIRONNEMENT PEU FAVORABLE

1. Une demande peu soutenue

L'ensemble de ces secteurs est confronté à une consommation atone depuis 1994. Les habitudes des ménages s'étant modifiées, la demande se porte de plus en plus vers des produits bon marché : ainsi, les dépenses des consommateurs en produits de textile-habillement ont diminué de 1 % par an en francs constants depuis dix ans.

2. Une concurrence croissante

Outre la concurrence des pays à bas salaires, qui se sont résolument orientés vers l'industrie de l'habillement avec des coûts horaires de main d'oeuvre dix à cent fois moins élevés que ceux de la France, ces secteurs subissent de plein fouet les effets des dévaluations compétitives menées depuis 1992 au sein même de l'Union européenne.

Dans une étude réalisée à la fin de l'année 1995 pour l'Union des industries textiles, par M. Antoine Bouet, professeur d'économie à l'Université de Nantes, il apparaissait clairement que les dévaluations pratiquées par les pays d'Europe du Sud depuis septembre 1992 affectaient gravement la compétitivité des secteurs du textile et de l'habillement :

"En tenant compte des poids de chaque pays dans la structure du commerce extérieur français de textile, le franc s'est apprécié au sein de l'Union européenne de près de 15 % entre septembre 1992 et avril 1995 (...) le taux de change effectif nominal évalué de façon identique pour le secteur habillement fait apparaître une évolution identique, mais légèrement atténuée (13 % d'appréciation entre septembre 1992 et avril 1995)".

L'aspect le plus grave de cette perte de compétitivité relative est bien sûr la destruction massive d'emplois qui est en cours. Depuis 15 ans, les secteurs du textile et de l'habillement, du cuir et de la chaussure sont passés de 600.000 à 350.000 emplois. Actuellement, la perte d'emplois est évaluée à 1 % des effectifs par mois.

II. LES MESURES PRÉVUES

C'est en faveur de ces secteurs gravement éprouvés que le ministre de l'industrie a annoncé, le 5 mars dernier, une prise en charge du chômage Partiel à un taux horaire de 27 francs au lieu de 18 francs qui devrait Permettre aux entreprises de pouvoir attendre les mesures d'allégement des charges sociales prévues dans l'article 57 du présent projet de loi.

A. DES ALLÉGEMENTS DE CHARGES QUI VONT PLUS LOIN QUE LE DROIT COMMUN

1. Un cadre récemment stabilisé

Le dispositif prévu s'articule avec le régime instauré par l'article 113 de la loi de finances pour 1996, soit un dispositif unique de ristourne dégressive des cotisations sociales pour les salaires inférieurs ou égaux à 1,33 SMIC, qui se substitue à compter du 1 er octobre 1996 jusqu'au 31 décembre 1997 à l'allégement de cotisations d'allocations familiales institué par la loi quinquennale du 30 décembre 1993 et à la ristourne dégressive de cotisations sociales sur les salaires inférieurs à 1,2 SMIC contenue dans la loi du 4 août 1995 portant mesures d'urgence en faveur de l'emploi. Dans ce régime, l'avantage sera maximal pour les salaires égaux au SMIC -soit 6.250 francs mensuels- et représentera 1.360 francs par mois, au lieu de 1.137 francs.

2. Un dispositif spécifique

Le dispositif prévu pour les secteurs du texte, de l'habillement, du cuir et de la chaussure est plus favorable sur deux points :

D'une part, il étend la ristourne dégressive jusqu'aux salaires égaux à 1,5 SMIC. Ainsi, la réduction de cotisations sera égale à la différence entre le plafond de 1,5 SMIC et la rémunération versée multipliée par un coefficient fixé par décret. L'article 57 prévoyant que l'avantage ne pourra dépasser 1.892 francs, le coefficient devrait être de 0,605 d'après le calcul suivant :

(1,5 SMIC-SMIC) x = 1.892

1.892

x= =0,605

3.125

D'autre part, l'entrée en vigueur de ce nouveau régime devrait être avancée par rapport au 1 er octobre 1996, dans la mesure où la date d'application sera le 1 er jour du mois suivant la conclusion d'une convention cadre avec la branche et la conclusion d'une convention avec l'entreprise si celle-ci compte plus de 50 salariés et dispose donc d'un comité d'entreprise-

B. LE PRINCIPE DU "DONNANT-DONNANT"

En contrepartie de ce régime plus avantageux, les employeurs devront apporter des garanties dans ces conventions.

1. Le texte de l'article 57

a) Les obligations des entreprises

"Les conventions cadre devront comporter des dispositions relatives au maintien ou au développement de l'emploi, "tenant compte des résultats de la négociation sur l'aménagement et la réduction du temps de travail engagée après l'accord national interprofessionnel sur l'emploi du 31 octobre 1995" (cette négociation se tenant au sein des branches entre les partenaires sociaux), et les conventions d'entreprise devront porter "notamment sur le maintien ou la création d'emplois et l'aménagement et la réduction du temps de travail".

b) La sanction des obligations

L'article 57 prévoit une sanction à ces obligations, en disposant que le non respect des engagements pris dans une convention spécifique entraîne l'interruption de l'application des allégements spécifiques et "peut conduire au reversement des aides perçues.

2. Le contexte économique et social

Selon le dossier rendu public par le ministère de l'Industrie, le 5 mars dernier, une convention cadre devra être signée avant le 30 mars, avec chacune des trois branches.

Elle portera sur "le nombre d'emplois maintenus (35.000 au total sur deux ans) " soit un plafonnement du nombre de licenciements à 25.000 sur deux ans pour les trois branches,

- "l'embauche des jeunes (7.000 au minimum sur deux ans et 2/3 des embauches),

- la mise en place d'un observatoire professionnel,

- la mise en oeuvre et l'aboutissement de négociations de branche sur l'aménagement et la réduction du temps de travail. "

En ce qui concerne les conventions conclues avec les entreprises de plus de 50 salariés, elles porteraient sur "le nombre d'emplois préservés et l'embauche de jeunes, la mise en oeuvre des accords d'aménagement et de réduction du temps de travail de la branche, ainsi que le développement du temps partiel."

Ce sont quelque 1.300 entreprises qui devraient être concernées (sur un total de 13.000) par ces conventions, regroupant plus de 2/3 des salariés des secteurs.

C. COÛTS ET AVANTAGES DES MESURES

1. Un impact important

L'impact de l'allégement des charges devrait être très important, dans la mesure où :

- l'allégement représentera, sur un salaire égal au SMIC, plus de 30 %du coût du travail,

- les salariés percevant des rémunérations inférieures à 1,5 SMIC représentent les 2/3 du total des trois secteurs concernés.

2. Le coût de la mesure

Le coût de la mesure est estimé par le gouvernement à 4,2 milliards de francs sur deux ans.

Toutefois, le ministère de l'Industrie fait remarquer que ces mesures représenteraient une économie de 2,6 milliards de francs sur deux ans, compte tenu de la limitation du nombre de licenciements qu'elles permettront.

Coût budgétaire et social sur deux ans

(en millions de francs)

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission des finances est consciente de la gravité de l a situation des secteurs concernés par l'article 57, et de l'urgence absolue requise par les mesures prévues.

Par ailleurs, elle salue le caractère contractuel de ces aides, désormais baptisé le "donnant-donnant", dont l'industrie textile a prôné l'avènement depuis plusieurs mois, et s'est fait le précurseur.

C'est pourquoi, tout en s'interrogeant sur la possibilité de conclure les conventions cadre avec les trois branches concernées avant le 30 mars, votre commission soutient la démarche novatrice contenue dans l'article 57 du présent projet de loi, qui conserve, selon les termes mêmes de cet article, un caractère encore "expérimental".

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Page mise à jour le

Partager cette page